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Les océans face au réchauffement climatique.


par Pierrick ROGE
Université de Nantes - M2 Droit et Sécurité des Activités Maritimes et Océaniques 2019
  

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B - L'application délicate des principes pour une approche globale

Les principes inhérents à l'environnement ont pu avoir des difficultés à s'intégrer juridiquement. La source de cette difficulté provient du fait qu'il s'agit d'un droit jeune au moment où ces derniers sont affirmés et que certains d'entre eux sont difficiles à appréhender. Par exemple, le principe de prévention établit une obligation et une responsabilité qui doit s'opérer avant l'apparition d'un dommage lorsque ce dernier est connu scientifiquement parlant. Ce principe apparu dès 198775 a permis l'apparition en 199076 du principe de précaution qui se différencie par la prise de mesures y compris lorsqu'il existe une incertitude sur le risque mais que ce dernier est probable77. Mais comment ces derniers ont-ils pu être davantage reconnus ? La réponse se trouve évidemment dans la mise en oeuvre des États parties aux conventions présence, mais ce sujet invite communément à s'intéresser aux différents domaines de ces mises en oeuvre78. L'autre pendant est bel et bien l'application au regard de la jurisprudence internationale. Mais celle-ci peut-elle être suffisamment affirmée pour que le climat soit davantage représenté comme un des aspects de protection des océans ?

Il faut pour cela regarder les récentes décisions de la Cour internationale de Justice, ainsi que les avis consultatifs du Tribunal international du droit de la mer79 qui sont venus préciser les obligations des États en matière de préservation de l'environnement, et ainsi identifier un socle coutumier d'obligations substantielles et procédurales visant la prévention des dommages environnementaux sur un ensemble pouvant englober océan et climat. Il existe par exemple les obligations de due diligence qui peuvent potentiellement produire des effets systémiques recherchés sur l'ensemble du droit international de l'environnement et ainsi viser les domaines concernés. Il est possible d'imaginer et d'espérer que dans les années à venir, les juges nationaux puissent se saisir davantage des règles du droit international de l'environnement et ainsi venir opérer des affirmations plus poussées80.

75R 42/186 du 11 décembre 1987 et 44/227 du 22 décembre 1989

76R 45/212 du 21 décembre 1990 et R 46/169 du 19 décembre 1991

77TORRE-SCHAUB Marthe, « Le principe de précaution dans la lutte contre le réchauffement climatique : entre

croissance économique et protection durable », dans Revue européenne de droit de l'environnement, 2003, p.

151-170.

78Infra Partie 2, Chapitre 2.

79TIDM

80KERBRAT Yann, MALJEAN-DUBOIS Sandrine, « Quelles perspectives en droit international de l'environnement ? », dans Revue de droit d'Assas, Université Paris 2 Panthéon-Assas / Lextenso éditions, 2015. ffhal-01400400f

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Comme il a été vu, des « principes » du droit international de l'environnement ont été proclamés dans la Déclaration de Rio de 1992 qui, à l'époque où la Convention-cadre et le Protocole de Kyoto ont été conclus, avaient une nature « programmatoire »81. Le caractère contraignant de ces principes était alors encore incertain mais ils ont acquis depuis, avec une pratique internationale de plus en plus concertée, une valeur coutumière et sont désormais obligatoires pour les États. Apparu en premier, cet avancement avait d'abord concerné le principe de prévention, illustré par l'arrêt rendu par la Cour internationale de Justice en date du 20 avril 2010 dans l'affaire des Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay82 et a confirmé ce caractère coutumier, et donc une reconnaissance au niveau international pouvant permettre une meilleure application de ce principe dans l'interrelation climat-océan.

La Cour a précisé à ce moment que le principe résultait de la diligence due par les États et avait pour conséquence que tout État était et est encore : « tenu de mettre en oeuvre tous les moyens à sa disposition pour éviter que les activités qui se déroulent sur son territoire, ou sur tout espace relevant de sa juridiction, ne causent un préjudice sensible à l'environnement d'un autre État. ». La formule est inspirée du « principe 21 » de la Déclaration de Stockholm de 1972, mais le dépasse aussi en faisant peser sur chaque État une obligation d'agir83. La due diligence, un des principes de l'environnement permet alors de développer la fonction recherchée, c'est-à-dire une approche systémique du droit. La question se poserait alors de savoir si les principes visés peuvent fonctionner de manière autonome.

L'exemple sujet à débat auprès de la doctrine est le principe de précaution. En effet ce dernier se retrouve dans plusieurs conventions internationales84 et a même été consacré au sein de l'UE85. Pour autant, les juridictions internationales ne se prêtent pas toujours à l'accueillir favorablement. Par exemple la CIJ dans l'affaire du 25 septembre 1997, Hongrie contre Slovaquie86, l'a clairement rejeté en invoquant que le péril n'était ni grave, ni imminent. La question peut alors se poser d'un point de vu climatique car à l'heure où certains États du monde déclarent l'urgence climatique, les juridictions internationales ne

81Idem..

82C.I.J., 25 ordonnance du 13 juillet 2006, affaire relative à des usines de pâtes à papier sur le fleuve Uruguay

(Argentine c. Uruguay)

83Op. cit. KERBRAT Yann, MALJEAN-DUBOIS Sandrine, « Quelles perspectives en droit international de

l'environnement ? »

84Liste exhaustive, voy. A. Trouwborst, « Evolution and Status of the Precautionary Principles in International

Law », o.c.

85Article 191 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE)

86C.I.J. , 25 septembre 1997, Hongrie c. Slovaquie, par. 56.

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devraient-elles pas mettre le pied à l'étrier pour engager ces changements juridiques futurs ? D'autres exemples permettent d'affirmer que la CIJ ne sera pas des juridictions internationales nécessairement pionnière sur une appréciation des principes87.

A contrario, dans le Tribunal international du droit de la mer88 ce principe a été invoqué de multiples fois par les parties requérantes. Dans un arrêt de 199989, le TIDM a démontré qu'il était sensible d'user de ce principe notamment en accolant les termes « prudence » et « précaution », ce qui a engagé des difficultés d'interprétation. L'application fût également amphigourique dans l'affaire de l'Usine Mox90. Dix ans après une pratique juridictionnelle hasardeuse, l'autorité coutumière du principe a été affirmée dans un avis rendu en 2011 par la Chambre pour le règlement des différends relatifs aux fonds marins du Tribunal international du droit de la mer. Ils doivent notamment se prononcer sur la question de savoir si les États sont tenus de respecter « une approche de précaution » lorsqu'ils patronnent une entreprise qui procède à des activités d'exploration ou d'exploitation dans la Zone, y compris hors du champ des deux règlements relatifs à la prospection et l'exploration des nodules polymétalliques et des sulfures polymétalliques qui la mentionnent expressément. La chambre spéciale91 a constaté « approprié de souligner que l'approche de précaution fait aussi partie intégrante des obligations de diligence requise incombant aux États qui patronnent, laquelle est applicable même en dehors du champ d'application des Règlements relatifs aux nodules et sulfures », marquant ainsi encore la dépendance du principe de précaution à la due diligence. Ainsi, la due diligence étant une obligation coutumière consacrée notamment par la CIJ dans son arrêt usines de pâtes à papier et l'approche de précaution faisant partie de la due diligence, il faut en déduire que la précaution est obligatoire en tant qu'elle découle d'une règle coutumière. La conséquence d'après la Chambre, est que les États doivent « prendre toutes les mesures appropriées afin de prévenir les dommages qui pourraient résulter des activités ». Faut-il alors croire que les problèmes climatiques pourraient être saisis par la CIJ ou le TIDM dans un avenir proche ? Ou bien les États n'oseraient pas enclencher les mécanismes juridictionnels internationaux ? Dans cette

87C.I.J., ordonnance du 13 juillet 2006, affaire relative à des usines de pâtes à papier sur le fleuve Uruguay, Argentine c. Uruguay, §73.

88TIDM

89Affaires du thon à nageoire bleue (Nouvelle-Zélande c. Japon ; Australie c. Japon), affaires n°3 et 4, Ordonnance du 27 août 1999.

90Affaire de l'Usine Mox (Irlande c. Royaume-Uni), affaire n°10, Ordonnance du 3 décembre 2001.

91Ou Tribunal dans le Tribunal (TIDM)

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hypothèse le contentieux climatique se cantonnerait alors aux recours internes des États. La question de l'effectivité de ces deux alternatives n'entre ici pas en compte.

En somme les principes ne semblent pas être le fer de lance du droit du climat. À partir de ce point de vue il ne semble pas que les océans bénéficient d'une protection suffisante à partir d'un droit global. Peut-être faudrait-il aborder chaque droit non pas comme un ensemble mais comme faisant partie d'un ensemble. Les renvois sont entre le climat et la protection du milieu marin plutôt absents. La question se pose de savoir si une protection des océans via le prisme des activités en mer ne serait pas d'une utilité sur un autre plan. Scientifiquement parlant, protéger la biodiversité par exemple, c'est également protéger le climat, notamment lorsqu'il est sujet des océans. Quelles gouvernances et quelle activité pourraient permettre aux océans de jouer un rôle dans la régulation du climat ?

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