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Les passerelles entre économie solidaire et économie collaboratve


par Eugenie Lobe
Conservatoire national des arts et métiers  - Master Sciences humaines et sociales 2017
  

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II.1.4) Modèle de développement économique

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Le modèle coopératif se distingue par sa forme particulière de société de capitaux centrée sur la fonction de consommation (ou de production). Selon Jean-Louis Laville, l'éloignement du terrain politique « signale le passage d'une économie solidaire à l'économie sociale » dans une « logique d'adaptation fonctionnelle à l'égard des effets du capitalisme »(2005, p.34) La recherche d'un modèle économiquement viable et créateur d'emplois a participé à une forme d'acculturation de la vocation politique du modèle coopératif.

? Hybridation des ressources :

La particularité du modèle économique de Citiz est l'hybridation de ses ressources, qui ne relèvent pas que d'un seul principe économique, celui du modèle marchand, mais aussi de subventions (principe de redistributions) et de participations bénévoles et d'autres dons (principe de réciprocité). C'est l'articulation de ces différentes dimensions qui permet au statut coopératif d'assurer à la fois la pérennité de son activité économique, tout en déployant toute une dimension politique qui lui est intrinsèquement associée.

Cela va parfois impliquer, pour leur modèle économique, de travailler avec la collectivité afin d'obtenir des subventions sur une période de 3 à 5 ans, permettant d'atteindre un certain équilibre économique. La pérennité du financement est moins recherchée que la soutenabilité, permettant ainsi à l'activité d'atteindre la viabilité économique.

Au cours des années 2015 et 2016, le chiffre d'affaires de Citiz Ile-de-France atteint un montant de 100 000 à 120 000 euros. La structure a également obtenu une trentaine de milliers d'euros de subventions de l'Etat et de la région Ile-de-France au titre de l'Emploi d'avenir. Mais le recours à la subvention, qu'elle soit publique ou privée, n'est pas systématique et reste ponctuel. L'aide de l'Etat intervient aussi à travers l'obtention de marchés publics, qui représente 60 % du chiffre d'affaires de Citiz Ile-de-France, le reste étant le produit de la location des voitures. L'aide au démarrage de la région Ile-de-France à la création de la coopérative était de 5 000

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euros ; la fondation MACIF a apporté une aide de 15 000 euros sur les trois premières années de démarrage.

Ces marchés publics de gestion de flotte offre un revenu plus stable et une meilleure visibilité :

- parc automobile de 10 véhicules loués à des bénéficiaires de l'accompagnement Pôle-Emploi ;

- parc d'une trentaine de véhicules dédiés au syndicat d'assainissement de la région Ile-de-France ;

- aide de l'agglomération Cergy-Pontoise au démarrage de l'activité pour acheter les 10 premiers véhicules (30 000 euros).

La valorisation du temps accordé par les bénévoles n'est pas un outil utilisé, mais l'implication du président au démarrage de l'activité a été évalué à l'équivalent d'un 1/2 ETP (relation publique, réflexion stratégique).

La notion de masse critique ne revêt pas les mêmes enjeux suivant qu'il s'agisse de Citiz ou Uber. Chez Citiz, l'équilibre, au niveau local, est atteint au bout de 5 à 7 ans dans une agglomération de 300 000 habitants, avec un parc d'un volume de 50 à 70 véhicules. Là où la croissance exponentielle d'Uber est fortement corrélée à une masse critique très rapidement atteinte sur le marché mondial, dans une perspective de leadership.

Enfin, la levée de fonds, propre au modèle collaboratif d'Uber, ne correspond pas à une des activités de financement du réseau Citiz.

? Pas d'hybridation des ressources, modèle exclusivement marchand :

Chez Uber, les sources de financement sont exclusivement personnelles, à l'exception pour la SAS d'une aide ponctuelle de l'Adie, lors de la création d'entreprise. L'investissement de départ a consisté pour l'un comme pour l'autre en l'équipement automobile. La SAS de Saïd El Mejaoui dispose d'un véhicule Peugeot 806, d'une Citroën C8, d'une Audi qu'il a revendue pour une BMW. Sa flotte,

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composée de 3 véhicules, ne correspond pas à la même gamme ni à la même prestation en termes de services. Cette flotte lui permet de répondre à l'ensemble des courses que lui confient les différentes plateformes logicielles auxquels ses employés et lui sont connectés. Saïd, chauffeur privé, a un niveau d'exigence, en termes de qualité du véhicule et de présentation du chauffeurbeaucoup plus élevé qu'un chauffeur de la gamme UberPOP60, par exemple. L'achat semble plus intéressant que la location, qui ne permet pas de kilométrage illimité.

La société en SAS utilise plusieurs plateformes différentes, avec une nette préférence pour Uber. « L'être humain est bien traité. Il y a beaucoup de contacts humains, même pour régler des litiges avec les clients. Les échanges avec la plateforme sont bons. On a affaire à des personnes, des êtres humains », explique Djamel Lachkhab. Et d'ajouter : « Contrairement à Chauffeur privé où il y a une sanction à la moindre faute, avec Uber, il y a un système de formation mis en place à destination des chauffeurs ayant eu de mauvaises appréciations. A moins de faire une catastrophe, un truc vraiment grave, on ne se fait pas radier. Alors que si c'est Chauffeur privé, c'est une catastrophe. Dès qu'il y a un problème avec un client, on se fait directement aligné. »

Autre avantage : la gamme étendue de prestations. A côté d'Uberpool, coûte en général 5 euros moins cher qu'UberX, pour une prestation sensiblement différente. « Alors que le Pool, on peut prendre plusieurs clients, en fait c'est du covoiturage. On ne va pas d'un point A à un point B avec un client comme UBER X. La course est susceptible de s'étendre car on peut prendre plusieurs clients sur le trajet. L'avantage est que le prix de la course est démultiplié. L'espèce est vraiment optimisée et le taux de charge de la voiture est bien meilleur puisqu'on peut prendre jusqu'à 4 passagers pour une seule et mm trajectoire. » (Saïd)

La seule ressource des chauffeurs indépendants interrogés, qu'il s'agisse de Saïd El Mejaoui, dirigeant d'une SAS à la tête d'une flotte de 3 véhicules, ou de Djamel Lachkhab, auto-entrepreneur qui vient de démarrer son activité, est la ressource marchande. Or, si l'espace numérique a augmenté l'espace marchand, en mettant à disposition des consommateurs des biens qui relevaient auparavant de la sphère

60 La gamme UBERX est en général plus élevée de 5 euros, pour une qualité de service supérieur : le véhicule est généralement une Berline, de moins de 6 ans, et le client a l'exclusivité de la course contrairement à UberPOP où le chauffeur peut prendre plusieurs courses pour un même trajet.

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privée, il a exacerbé la concurrence des chauffeurs dans leur ensemble, au profit du consommateur pour lequel les prix doivent rester bas afin de maintenir l'attractivité de l'offre : « Autrement dit, l'ubérisation se fait d'abord au bénéfice du consommateur - il faut s'en souvenir face à la litanie des sanctions et des propositions de régulation suggérées par les industriels et les politiques. Elle permet à une catégorie de la population de profiter de services auxquels elle n'avait pas accès précédemment. »61La variable d'ajustement concerne donc les chauffeurs, qui ne profitent ni de la stratégie de coûts bénéfique aux consommateurs, ni de l'optimisation fiscale sur laquelle repose le système Uber.

? Encastrement politique /économique

Citiz n'est pas dans le refus du monde marchand et capitaliste, mais dans le refus de l'appropriation exclusive du capitalisme.

La viabilité et la pérennité du modèle économique reposent sur la recherche d'un équilibre économique (compte de résultats stable, capacité à financer l'activité, remplacement du parc de véhicules et pérennisation des emplois), et non sur l'intervention d'une levée de fonds comme pour le modèle Uber, sur lequel repose son expansion. Et dont la problématique principale est la recherche d'investisseurs.

D'autre part, le modèle Citiz, à travers l'économie de fonctionnalité, visant à optimiser l'usage de la voiture en le démultipliant grâce aux nombres d'utilisateurs la partageant, et l'économie de circularité, permettant de donner une seconde vie aux véhicules usagés en les recyclant dans un circuit solidaire, s'inscrit dans une finalité à la fois environnementale et sociale. Il participe aux dynamiques de relocalisation et de lien social dans un territoire donné. « Dans le cadre de l'enquête, on a pu observer qu'un un utilisateur d'auto-partage réduit de 40 % son usage de la voiture. Dans les abonnés, avant l'adhésion, ils étaient 70 % à avoir leur voiture. Après adhésion, on passe de 70 à 30 % qui possèdent leur voiture, sachant qu'une voiture en auto-partage remplace 8 à 9 voitures de particuliers et libère donc 7 places de

61Soufron Jean-Baptiste, « Uber et les taxis : qui doit s'adapter ? », Esprit, 2015/8 (Août-septembre), p. 204-208. DOI : 10.3917/espri.1508.0204. URL : http://www.cairn.info.proxybib.cnam.fr/revue-esprit-2015-8-page-204.htm

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stationnement soit pour d'autres automobilistes, soit pour d'autres usages de l'espace. De plus, cela participe à une réduction des émissions de C02. D'un point de vue politique, cela pèse dans le changement des mentalités. Nous avions 150 abonnés particuliers réguliers, donc potentiellement, suivant le lien de proportionnalité, 100 voitures en circulation en moins. D'autre part, l'utilisation de l'auto-partage réduit de 20 à 50 % le budget voiture d'un particulier», décrypte Julien Besnard.

Citiz popularise ainsi une autre façon de faire de l'économie, dans lequel l'échange marchand s'articule autour d'une finalité écologique, mais aussi autour des valeurs de partage, de coopération et de démocratie en entreprise. Citiz a d'ailleurs apporté sur les territoires dans lesquels il s'est implanté une innovation sociale majeure : du point de vue de l'offre qui n'existait pas sur ce territoire, et de la forme juridique, Citiz-IDF étant la 1ère, et seule, SIC du val d'Oise.

La forme juridique de la coopérative a une incidence majeure sur sa façon de faire de l'économie. Contrairement aux SAS et aux autres structures de l'économie collaborative, la coopérative ne peut pas faire de levée de fonds. Les modalités de financement de leurs activités sont donc plus restreintes que pour les start-up de l'économie collaborative, car l'impossibilité pour une coopérative d'opérer une plus-value sur le capital ne présente pas d'intérêt pour les traditionnels investisseurs de l'économie collaborative. « C'est-à-dire qu'on croît au fur et à mesure de la croissance de nos utilisateurs, et on n'est pas dans un modèle où le but est grossir plus vite que le voisin (rires) et que le winner prend tout quoi (rires). C'est un peu le cas de l'économie des plateformes : grossir plus vite pour rafler le marché », précise Jean-Baptiste Schmider.

? Une myriade d'auto-entreprises reliées par un contrat de prestations, qui comprend un lien de subordination

L'encastrement politique et économique est inexistant. En revanche, il existe un lien de causalité entre les conflits judiciaires auxquels Uber est de plus en plus confronté, et le positionnement de plus en plus marqué des politiques publiques à leur égard. En effet, la mairie de Londres vient d'interdire à Uber d'opérer dans la

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capitale britannique sous la pression conjointe d'entreprises des traditionnels « black Cab », de syndicats de VTC et de politiciens.62

Bien que considérés par le centre d'appel qu'est Uber, comme des clients, les chauffeurs indépendants sous contrat avec celle-ci n'en sont pas moins assujettis à une forme de lien de subordination. Uber représente une valorisation de 40 milliards d'euros en 2015 et l'équivalent de 1 000 salariés. La seule ville de Londres compte néanmoins près de 30 000 chauffeurs identifiés comme étant des « Uber » 63, pourtant non assujettis à un contrat de travail, bien qu'ayant avec celle-ci un lien de subordination évident. En effet, dès lors qu'ils se connectent à l'application Uber, ils suivent les règles qui leur sont dictés par la plateforme logicielle et sont soumis à la loi de l'algorithme. Un chauffeur Uber n'a ni l'identité ni le contact du client, ni même la destination de ce dernier avant sa prise en charge effective. Il ne décide pas du prix de la course qui est « estimée » par le logiciel, avec la possibilité qu'il soit revu dans les périodes calmes à la baisse, voire en dessous du SMIC horaire. De même l'itinéraire est fourni par l'application Uber. Si le chauffeur peut refuser certaines courses, au bout de trois refus il est déconnecté du système pour 10 minutes. Le chauffeur peut, en cas de plaintes, subir l'équivalent de « sanctions disciplinaires »64. Les formes juridiques des chauffeurs Uber indépendants interrogés sont l'auto-entrepreunariat pour l'un, et la SAS pour l'autre.

La société en SAS, CVP, Compagnie de voyage parisien, parvient à dégager davantage de bénéfices que celle en auto-entrepreuneuriat, car elle dispose d'une flotte où chaque véhicule correspond à une plateforme dédiée. Les chauffeurs employés par Said Elmajaoui directeur de CVP, dépendent tous de la même entreprise « capacitaire », c'est-à-dire détenant une autorisation administrative leur donnant la capacité de transporter des personnes sur la voie publique. C'est le cas de la majorité des chauffeurs Uber qui sont salariés, non pas d'Uber mais de structures de transport. Au 31 décembre 2017 entrera en vigueur la loi Grandguillaume, qui donne l'obligation à tout chauffeur Uber d'être titulaire d'une carte VTC, et qui

62 https://fr.finance.yahoo.com/actualites/uber-vient-perdre-droit-d-102036455.html

63 Utilisation métonymique de l'expression « Je prends un Uber », désormais passé dans le langage courant.

64 « Un tribunal britannique conteste le modèle UBER « Article d'Eric Albert, dans le Monde, édition du dimanche 30-Lundi 31 octobre 2016

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entraînera probablement de nombreuses modifications dans le statut salarial des chauffeurs Uber.

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