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Les enjeux de la conservation de la biodiversité pour les pays du bassin du Congo: cas du parc national de Lobéké au Cameroun


par Jean Marie Bakeleki Bohin
Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC) - Master en Relations Internationales 2023
  

Disponible en mode multipage

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REPUBLIQUE DU CAMEROUN REPUBLIC OF CAMEROON

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MINISTERE DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR MINISTRY OF HIGHER EDUCATION

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INSTITUT DES RELATIONS INTERNATIONALES DU CAMEROUN
Filière : « Coopération Internationale, Action Humanitaire et
Développement Durable (CA2D) »
9éme Promotion (2018-2020)
Option : Management environnemental et développement durable
THEME

Les enjeux de la conservation de la biodiversité pour les pays du Bassin du Congo : Cas du parc national de Lobéké au

Cameroun.

PROJECT WORK

(Communication Visuelle et Intégrée du Parc National de

Lobéké)

COVII DU PNL

Mémoire rédigé et soutenu publiquement le 31/07/2023 en vue de l'obtention du diplôme de Master en Relations Internationales (mention très bien)

Présenté par :

BAKELEKI BOHIN Jean Marie

Sous la supervision de : Pr. Yves Paul MANDJEM

Professeur des Universités. Chef de département de l'intégration et de la Coopération au développement

Année Académique : 2021 2022

1

SOMMAIRE

i

SOMMAIRE i

AVERTISSEMENT ii

DEDICACE iii

REMERCIEMENTS iv

ABREVIATIONS, ACRONYMES ET SIGLES v

RESUME vi

ABSTRACT vii

INTRODUCTION GENERALE 1

PARTIE I : LE CONTEXTE MITIGE DE LA CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE DANS LE BASSIN

DU CONGO 26

CHAPITRE I : 27

LES POLITIQUES DE CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE DANS LE BASSIN DU CONGO 27

SECTION I : L'ÉTAT DES LIEUX DE LA GESTION DES FORÊTS DU BASSIN DU CONGO 27

PARAGRAPHE I : LES POLITIQUES DE GESTION DES FORÊTS DU BASSIN DU CONGO 28

PARAGRAPHE II : LES CONFLITS HOMME/HOMME (HH) ET HOMME/ GRANDS SINGES (HGS) 32

SECTION II : L'EXEMPLE DE LA GESTION DECENTRALISEE DES FORÊTS AU CAMEROUN 37

PARAGRAPHE I : LA STRUCTURE DECENTRALISEE DE LA GESTION DES FORÊTS AU CAMEROUN

38

PARAGRAPHE II : ZONAGE PARTICIPATIF ET GESTION INTEGREE DE LA PERIPHERIE DU PNL 41

CHAPITRE II :LES RELATIONS INTERNATIONALES ET LA CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE

DANS LE BASSIN DU CONGO 44

SECTION I : LE CONTEXTE INTERNATIONAL DE LA CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE 44

PARAGRAPHE I : TENTATIVE D'INTERPRETATION DU PROTOCOLE DE NAGOYA ET DES

OBJECTIFS D'AICHI 45

PARAGRAPHE II : LA COMMISSION DES FORÊTS D'AFRIQUE CENTRALE (COMIFAC) 49

SECTION II : LA GESTION DES AIRES PROTEGEES ET L'ASSISTANCE TECHNIQUE DES

POLITIQUES DE CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE DANS LE BASSIN DU CONGO 56
PARAGRAPHE I : LES SYSTEMES DE GESTION DES AIRES PROTEGEES DANS LA SOUS-REGION 57

PARAGRAPHE II : L'ASSISTANCE TECHNIQUE DES AP AU CAMEROUN 59
PARTIE II : LES ENJEUX CONTEMPORAINS DE LA CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE FACE

AU DEVELOPPEMENT DURABLE DANS LE BASSIN DU CONGO 66

CHAPITRE III : LE DEVELOPPEMENT DURABLE ET LA CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE 68

SECTION I : LES PILIERS DU DEVELOPPEMENT DURABLE DANS LA CONSERVATION DE LA

BIODIVERSITE 68

PARAGRAPHE I : L'ENVIRONNEMENT ET, OU L'ECONOMIE ? 69

PARAGRAPHE II : LA RESPONSABILITE SOCIALE 78

SECTION II : ENTRE PRATIQUES TRADITIONNELLES ET INNOVATIONS SCIENTIFIQUES 84

PARAGRAPHE I : LA CULTURE BAKA 84

PARAGRAPHE II : DEUX AVANCEES SCIENTIFIQUES DANS LA CONSERVATION DE LA

BIODIVERSITE 87

CHAPITRE IV : LE TOURISME DURABLE AU PARC NATIONAL DE LOBEKE 96

SECTION I : LE TOURISME DURABLE COMME ENJEU DE DEVELOPPEMENT 96

PARAGRAPHE I : LA STRATEGIE SOUS- REGIONALE DE DEVELOPPEMENT DE L'ECOTOURISME

96

PARAGRAPHE II : LA STRATEGIE DE DEVELOPPEMENT DE L'ECOTOURISME DU PNL 102

SECTION II : LE TOURISME CULINAIRE POUR LE PNL 105

PARAGRAPHE I : LES NOUVELLES TENDANCES ALIMENTAIRES 106

PARAGRAPHE II : LE POTENTIEL CULINAIRE AUTOCHTONE DE LA PERIPHERIE DU PNL ET LES

PERSPECTIVES D'AVENIR POUR LA SOUS REGION 111

CONCLUSION GENERALE 117

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 120

ANNEXES 126

TABLE DES MATIERES 129

AVERTISSEMENT

ii

L'Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC) n'entend donner aucune approbation ni improbation aux options contenues dans ce mémoire. Celles-ci doivent être considérées comme propres à l'auteur.

DEDICACE

iii

À

Mon feu père M. BOHIN Etienne KABELOK (1960-2019)

REMERCIEMENTS

iv

Ce travail de recherche ne serait convenablement parvenu à son terme sans les contributions significatives des institutions et personnes ci-après. C'est ainsi l'occasion pour nous de signifier nos remerciements :

6. Au Professeur Yves Paul MANDJEM, notre enseignant et superviseur académique, pour les orientations thématiques capitales tout au long de notre parcours académique et nos travaux de recherche sur le terrain;

6. À S.E. Daniel Urbain NDONGO, Directeur de l'Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC) pour la supervision générale des travaux de recherche à l'IRIC et pour le magnifique cadre d'apprentissage mis à notre disposition;

6. À tout le personnel enseignant de l'IRIC et de l'Université de Padoue (Italie) pour le très haut niveau d'enseignement dispensé malgré les contraintes de la COVID 19 ;

6. À la Professeure Sarriette BATIBONAK pour son accompagnement personnel et méthodologique tout au long de nos travaux ;

6. Au Colonel Jean Paul Kevin MBAMBA (conservateur du PNL) et tout le personnel du parc national de Lobéké (PNL), pour l'accompagnement et la disponibilité durant notre stage d'insertion professionnelle;

6. Au Colonel Jean Pierre BISSEK et toute l'équipe du service de la conservation du parc national du Mpem et Djim, pour toute l'attention durant notre stage académique;

6. Au Dr FEUSSOM du ministère des pêches et de l'industrie animale (MINEPIA) pour tous les conseils techniques ;

6. À l'organisation Allemande : Konrad Adenaeur Stifung (KAS), pour la bourse de recherche de 1500 Euro qui nous a été octroyée;

6. À l'organisation Américaine : Conservation Action Research Network (CARN) pour la subvention à hauteur de 1000 Dollars US et l'accompagnement jusqu'à la publication de nos travaux ;

6. Aux Ministères des relations extérieures et celui des Forêts et de la Faune (MINFOF), aux différents partenaires techniques (WWF, FTNS, GIZ), pour le suivi logistique, technique, scientifique et financier de ces travaux;

6. À la famille EBA pour son soutien moral et fraternel inconditionnel ;

6. À la famille BATIBONAK pour le suivi professionnelle et humain ;

6. À la famille IMOULANOK pour l'espace de travail familial;

6. À Tous mes amis, camarades et connaissances ayant contribué de près comme de loin

à l'accomplissement de ce mémoire : Alexis KALDAPA, Dominique ETAMBOA, Fernand Moïse NDJIPENDJI, Branly FOMEKONG, Nelson NOUMA, Georges MBARGA, William NGUIMGO, Ricardo KIEGAIN, gaucho NDONG, Brice SIMEU, Fritz BETCHEM à BETCHEM, Marthe NGO NGUE TEGUE ma confidente et tous les autres ;

6. Enfin, à mes frères : BOHIN BOMBAR, BOHIN MOUSSENI, BOHIN BEHALAL, BOHIN BAGNAMAK ; et ma mère Mme BOHIN née ONBEHOK Anne-Marie. Merci pour toutes les énergies positives que vous m'avez transmis durant ces moments laborieux.

ACRONYMES ET SIGLES

v

AP : Aire Protégée

AGNU : Assemblée Générale des Nations Unies

ASBABUK : Association Sanguia Buka Buma'a Kpode

ASGE : L'Analyse Stratégique de la Gestion Environnementale

CCNUCC : Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques

CDB : Convention sur la Diversité Biologique

CEEAC : Communauté Economique des États de l'Afrique Centrale

CEFDHAC : La Conférence sur les Ecosystèmes des Forêts Denses et Humides d'Afrique Centrale

CITES : Convention on International Trade in Endangered Species of Wild Fauna and Flora/ Convention sur le Commerce international des Espèces de faune et de flore Menacées d'Extinction

CNRS : Centre National de Recherches Scientifiques

COMIFAC : Commission des Forêts d'Afrique Centrale

FAO : Organisation de Nations Unies pour l'Alimentation

FTNS : Fondation pour le Tri National de la Sangha

GIZ: Geselchäft für Internationale Zusammen arbeit

LAB : Lutte Anti Braconnage

MINEPDED : Ministère de l'Environnement, de la Protection de la Nature et du

Développement Durable

MINFOF : Ministère des Forêts et de la Faune

MNHN : Museum National d'Hhistoire Naturelle

ODD : Objectifs de Développement Durable

OMD : Objectifs du Millénaire pour le Développement

OSC : Organisation de la Société Civile (OSC)

PFBC : Partenariat des Forêts du Bassin du Congo

PNUE : Programme des Nations Unies pour l'Environnement.

PN : Parc National

RAPAC : Réseau des Aires Protégées d'Afrique Centrale

RT : Redevance Touristique

UA : Union Africaine

UICN : Union Internationale pour la Conservation de la Nature

UNESCO : Organisation des Nation Unies pour la Science, l'Education et la Culture

WWF: World Wild Fund for Nature.

RESUME

vi

Les enjeux liés à la conservation de la biodiversité dans le bassin du Congo gravitent principalement autour de son importante capacité de séquestration du carbone. En effet, l'actuelle deuxième réserve écologique de la terre fait l'objet de convoitises de la part des grandes puissances internationales pour des raisons scientifiques, géostratégiques, politiques, écologiques et autres. Toutefois, cette richesse écologique contraste avec la pauvreté économique des populations locales. Faisant naitre pour les pays du bassin du Congo des enjeux sous-jacents de développement durable tels que le transfert de technologie, la culture, la place des femmes, etc. Bien que de nombreuses conventions et accords internationaux martèlent l'impérieuse nécessité d'autonomisation des populations locales pour une conservation optimale de la biodiversité dans cette zone politiquement instable, tout reste à faire. C'est fort de ce constat mitigé que nous nous sommes demandé comment contribuer à l'optimisation des politiques de conservation de la biodiversité en accord avec les résolutions internationales ? Comment réintégré les populations locales et autochtones; gardiennes traditionnelles de ces forêts, dans les processus décisionnels, opérationnels et légaux de conservation de la biodiversité ?

Pour y répondre, en convoquant notamment la théorie du transfert des politiques publiques, nous sommes partis d'un raisonnement hypothético-déductif sur la base de nos observations directes au niveau des parcs nationaux du Mpem et Djim et de Lobéké au Cameroun et d'une revue documentaire des derniers rapports officiels dont ceux de la COMIFAC. En pleine période de COVID-19, nous avons dû faire appel à des techniques de collecte résilientes comme la photo et des entretiens téléphoniques ouverts. Nous avons ainsi pu identifier quelques grands axes politiques et stratégiques du plan de convergence de la COMIFAC à l'horizon 2025 pouvant impulser un développement durable et interculturel en périphérie des aires protégées de la sous-région. Parmi ceux-ci, l'écotourisme et en particulier le tourisme culinaire nous sont apparu comme un consensus idéal pour une gestion durable et équitable des aires protégées telles que le parc national de Lobéké. Nous avons ainsi pu dégager des perspectives de soft power pour l'État du Cameroun en particulier et par extension pour les pays du bassin du Congo.

Mots-clés : Enjeux, conservation de la biodiversité, politique publique, PNL, bassin du Congo, écotourisme.

ABSTRACT

vii

The challenges related to the conservation of biodiversity in the Congo Basin revolve mainly around its significant carbon sequestration capacity. Indeed, the current second ecological reserve of the earth is coveted by the major international powers for scientific, geostrategic, political, ecological and other reasons. However, this ecological wealth contrasts with the economic poverty of local populations. Giving rise to underlying sustainable development issues for the countries of the Congo Basin such as technology transfer, culture, the place of women, etc. Although many international conventions and agreements stress the urgent need for local populations to be empowered for optimal biodiversity conservation in this politically unstable area, everything remains to be done. It is on the strength of this mixed observation that we asked ourselves how to contribute to the optimization of biodiversity conservation policies in accordance with international resolutions? How to reintegrate local and indigenous populations; Traditional custodians of these forests, in the decision-making, operational and legal processes of biodiversity conservation?

To answer this, by summoning in particular the theory of the transfer of public policies, we started from a hypothetico deductive reasoning on the basis of our direct observations at the level of the national parks of Mpem and Djim and Lobéké in Cameroon and a documentary review of the latest official reports including those of COMIFAC. In the midst of COVID-19, we had to rely on resilient collection techniques such as photography and open phone interviews. We were thus able to identify some major political and strategic axes of COMIFAC's convergence plan by 2025 that could boost sustainable and intercultural development on the periphery of protected areas in the sub-region. Among these, ecotourism and in particular culinary tourism appeared to us as an ideal consensus for a sustainable and equitable management of protected areas such as Lobéké National Park. We were thus able to identify prospects of soft power for the State of Cameroon in particular by extension for the countries of the Congo Basin.

Keywords: Issues, biodiversity conservation, public policy, NLP, Congo Basin, ecotourism.

INTRODUCTION GENERALE

1

Depuis les années 1970, on accorde de plus en plus d'importance aux questions se rapportant à l'environnement. Environnement entendu ici comme la biosphère et les écosystèmes où les hommes et autres espèces évoluent. Sur le plan international, la couverture médiatique d'enjeux majeurs tels que le changement climatique et les catastrophes naturelles ou de grandes rencontres internationales comme le Sommet de la Terre de 2012 Rio+20, dénotent une indéniable attention du moins en apparence, à l'égard des problématiques environnementales. Toutefois, cette attention n'est pas pour autant régulière et systématique. Certaines thématiques davantage pécuniaires font plus souvent la une, certains événements captivent plus que d'autres1. Par ailleurs, le constat de la perte continue de la biodiversité demeure alarmant en 2022. La biodiversité devrait pourtant au vue de la crise qu'elle subit actuellement être l'une de ces problématiques environnementales les plus urgentes à régler pour la planète terre.

À l'origine, sur le plan international, les accords liés à la régulation des habitats naturels et des espèces sauvages sont en général le produit d'une coïncidence d'intérêt entre plusieurs catégories d'acteurs notamment: les « conservateurs» et les « utilisateurs ». Les conservateurs rassemblent les personnes et organisations vouées à la conservation de l'environnement, en particulier les grandes organisations proches des gouvernements, telles la GIZ, I'UICN ou le WWF2. L'utilisateur quant à lui fait référence aux populations locales principalement. De fait, réussir à adjoindre les besoins de développement économique et de conservation de la biodiversité constitue aujourd'hui encore un enjeu de survie planétaire à plusieurs titres3. En effet, si depuis la convention sur la diversité biologique (CDB) de Rio de Janeiro en 1992, des efforts se multiplient pour tenter d'inverser la vitesse à laquelle disparaissent certaines espèces, les pressions anthropiques sur la nature continuent de croitre4. Comme le confirme le rapport 2019 de la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services éco systémiques (IPBES) :

« Selon la plupart des scenarios de changement à l'échelle planétaire, la biodiversité et les contributions régulatrices de la nature aux populations devraient encore décliner au cours des prochaines décennies, tandis que l'offre et la demande de contribution matérielles possédant une valeur marchande établie (aliments destinés à la consommation humaine et animale, bois d'oeuvre et bioénergie) devraient augmenter. »5.

En Afrique, le constat du déclin progressif de la biodiversité ne date pas d'aujourd'hui. Mais certains enjeux de développement durable en lien avec sa gestion quant à eux ne sont

1Lucile Maertens, Penser l'environnement et les relations internationales : une introduction, Genève, Science Po/ CERI-Université / GSI, 2014, p. 1.

2Marc Hufty, La gouvernance internationale de la biodiversité, Études Internationales, 32 (1), 2001, p. 8.

3 Idem.

4 Ibid., p. 2.

5 Rapport annuel de l'IPBES 29 mai 2019, p. 31.

2

pas encore tous bien intégrés par les politiques régionales et sous régionales de conservation de la biodiversité. La place de la culture, l'implication des minorités sociales, les nouvelles technologies sont autant d'enjeux contemporains qui nécessitent une plus grande attention des politiques. De fait, l'appropriation des résolutions internationales reste encore problématique pour de nombreux États africains en voie de développement et génère déjà des conflits dans des zones économiquement fragiles comme le bassin du Congo.

D'après l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), le bassin du Congo est considérer comme la deuxième réserve écologique de la terre6. C'est également une zone en pleine croissance économique. Sa gestion au niveau décisionnaire est assurée par des institutions sous régionales à l'instar de la commission des forêts d'Afrique centrale (COMIFAC). À ce jour, quasiment tous les États africains participent aux grandes conventions internationales sur la gestion durable de l'environnement et font preuve d'avancées significatives dans l'appropriation de la vision planétaire de conservation de la biodiversité. Des efforts sont également faits dans la matérialisation des accords internationaux au niveau de l'application législative, de l'implication des populations autochtones ; bien que dans les faits des écarts considérables sont encore observés dans la redistribution des bénéfices tirés de la nature7. De nombreuses aires protégées doivent faire face aujourd'hui en priorité aux besoins des populations riveraines afin d'éviter des conflits gestants.

Le parc national de Lobéké (PNL/Cameroun) est l'une de ces aires protégées dont les enjeux socio-économiques, culturelles, environnementaux, géostratégiques, etc., sont grandissants. Cette aire protégée transfrontalière à la RCA et le Congo Brazzaville fait l'objet d'une attention particulière de la part de la communauté internationale pour son impressionnant potentiel environnemental et culturel. La construction d'un modèle de développement durable et équitable au travers de l'écotourisme y est en cours.

I. CONSTRUCTION DE L'OBJET D'ÉTUDE

Construire un objet d'étude, « C'est d'abord et avant tout, rompre avec le sens commun »8. En d'autres termes, construire son objet d'étude reviens également à se situé dans un champ épistémologique et à adopter une stratégie visant à construire, orienté la recherche vers des objectifs à définir clairement9. Pour Quivy et Campenhoudt, l'objet de l'étude s'exprime aussi plus classiquement, sous le terme problématique.10Même s'il ne s'agit que d'une première formulation très provisoire. À ce titre, aborder la problématique des enjeux de la conservation de la biodiversité pour les pays du bassin du Congo impose une démarche construite autour des connaissances actuelles sur cet objet d'étude contemporain.

6UICN/PACO, Rapport annuel 2019, Dakar, Sénégal : UICN PACO, 2020, p. 24.

7UICN/PACO, Retombées économiques des aires protégées d'Afrique de l'Ouest, Ouagadougou, BF: UIC, 2011, p. 7.

8Pierre Bourdieu, Réponses, Paris Seuil, 1992, p. 207.

9Yvonne Giodano, Spécifié l'objet de recherche, Nice, Université de Nice Sophia-Antipolis, 2008, p. 2. 10Raymond Quivy, et Luc Van Campenhoudt, Manuel de recherche en sciences sociales, Paris, DUNOD 2eme édition, 1995, p. 15.

3

A. CONTEXTE ET JUSTIFICATION

La conservation de la biodiversité depuis de nombreuses années maintenant est au coeur des préoccupations mondiales et constitue plus que jamais un enjeu majeur des relations internationales. Ceci en raison des mouvements écologistes au départ puis de la prise de conscience mondiale de la dégradation continue de l'environnement, du climat et de la biodiversité au cours de la révolution industrielle11. Aujourd'hui sur toute la planète, les ressources naturelles se détériorent, les écosystèmes sont mis à rude épreuve et la biodiversité se perd. Les changements d'affectation des terres et la déforestation, entrainent la disparition d'habitats précieux, une diminution des ressources en eau douce, la dégradation des terres, l'érosion des sols et la libération de carbone dans l'atmosphère. Entrainant une perte d'actifs économiques précieux et des valeurs culturelles des populations locales.12 Jusqu'à il y a quelques décennies encore, en dehors des milieux spécialisés, il n'était prêté que peu d'attention à la diversité biologique comme facteur de développement. Précisément avant la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement de Rio de Janeiro en 1992. Cette convention fait depuis l'objet d'une attention particulière et a suscité par la suite des conventions et conférences internationales, projets et programmes13.

En effet, depuis les premiers constats de la dégradation de notre milieu naturel à la suite des grandes catastrophes industrielles dans les années 1960, la planète toute entière s'est dotée d'un cadre de réflexion et de décision au sein des grandes instances des nations unies pour remédier au phénomène. Par la suite, les objectifs du développement durable (ODD) ont vu le jour ; précisément lors de la conférence de Rio de Janeiro, en 1992 : considérée comme le point de départ de la sensibilisation et de la mobilisation de la communauté internationale sur les questions écologiques et de développent durable. C'est à l'occasion de ce sommet de la terre qu'a été mise en place la convention sur la diversité biologique (CDB) pour la valorisation et la conservation de la biodiversité dans le monde, convention entrée en vigueur le 29 décembre 1993 et ratifiée actuellement par 193 pays.

S'agissant du développement durable, il se résume en 17 objectifs fondés sur 03 piliers : l'économie, le sociale et l'environnement. Auxquels nous essaierons de greffer la culture et les nouvelles technologies. Cet ensemble d'objectifs a été élaboré en vue de relever des défis urgents auxquels notre monde est confronté sur le plan socio-écologique, politique et économique. Les ODD remplacent en 2015 les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) avec lesquels ont été entamés en 2010 les efforts mondiaux destinés à combattre l'indignité et la pauvreté. Les OMD ont fixé des objectifs mesurables, faisant l'objet d'un consensus universel, pour éradiquer l'extrême pauvreté et la faim, empêcher les pandémies comme Ebola et étendre la scolarisation a tous les enfants en âge de fréquenter l'école primaire, entre autres priorités de développement.

11Luc Martens, Penser l'environnement et les relations internationales : une introduction, Genève, Sciences Po /CERI-Université de /GSI, 2016, p.16.

12[En ligne : « http://www.fao.org/sustainable-development-goals/goals/goal-15/fr/ », consulté le 08/09/2020 à 13h45].

13Marc Hufty, op. cit, 2001, p. 5.

4

Face à une faible réponse politique aux changements climatiques, la planète s'est désormais tournée vers un développement plus soutenable et durable. Les objectifs de développement durable se sont alors présenter comme l'occasion de rendre le monde meilleur pour les générations présentes et futures14. Ces 17 objectifs de développement durable forment la clé de voute de l'Agenda 2030 de l'Organisation des Nations Unies (ONU). Ils tiennent compte équitablement de la dimension économique sociale et environnementale du développement durable.15La biodiversité et les écosystèmes se reflètent dans plusieurs ODD mais principalement l'ODD 15: « Gérer durablement les forêts, lutter contre la désertification, enrayer et inverser le processus de dégradation des terres, mettre fin à l'appauvrissement de la biodiversité ».

Il est plus que jamais urgent d'agir car la biodiversité planétaire subit actuellement l'une des crises les plus importantes de notre histoire. La communauté scientifique parle de la 6eme extinction massive, qui se caractérise par des rythmes de diminution et de perte de la biodiversité beaucoup plus rapides que dans les périodes précédentes. Ce rythme serait entre 100 à 1000 fois plus rapide. Par exemple, en France, des chercheurs du muséum national d'histoire naturelle (MNHN) et du centre national de recherches scientifiques (CNRS) ont alerté l'opinion en mars 2018 à propos de la disparition d'un tiers des oiseaux de campagne française en 15 ans. Une autre étude réalisée en Allemagne a montré que 75% des insectes volants ont disparu en 30 ans. En mars 2018 le Kenya lui a enregistré la mort du dernier rhinocéros blanc du nord male16.

S'il est vrai que Rio 1992 aura marqué le lancement de la phase contraignante de la convention sur la diversité biologique, engageant les pays signataires non plus simplement à réduire mais à stopper la dégradation de la biodiversité, 2010 marquera sans doute une phase encore plus importante. En effet l'assemblée générale des nations unies (AGNU) a décidé en décembre 2006 de déclarer 2010 comme année internationale de la biodiversité dans l'espoir de voir les États et les autres acteurs de la communauté internationale mettre cet évènement à profit pour sensibiliser la communauté internationale à l'importance de la biodiversité et entreprendre des actions concrètes au niveau international, régional et local. Avec comme organe décisionnel la conférence des parties (COP)17.

La dixième conférence des parties (COP 10) s'est tenue à Nagoya dans la préfecture d'Aichi au Japon du 18 au 29 octobre 201018.Conférence ayant débouché sur un plan stratégique 2011-2020 pour la conservation de la diversité biologique encore appelé les objectifs d'Aichi. Cette stratégie visait premièrement à consacrer plus d'espace à la conservation de la biodiversité et la création d'aires protégées :

14[En ligne : « https://www.undp.org/content/undp/fr/home/sustainable-development-goals/background.html »

consulté le 15/09/2020 à 15h32]

15Le développement durable d'après la convention sur la diversité biologique (DD) est « un développement qui répond aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité pour les générations futures de répondre aux leurs » : Mme Gro Harlem Brundtland, premier ministre norvégien (1987).

16Abdou SOILIHI, « réconciliation des enjeux de la conservation de la biodiversité et de développement : analyse des perceptions de la mise en place d'une aire protégée dans la forêt du Karthala aux Comores ». Biodiversité et écologie, Paris, Université Paris Saclay, 2018, p. 35.

17[En ligne : « http://www.biodiversite2010.ch/comprendre/international/index.html », consulté le 07/10/2020 à 19h02].

18[En ligne : « https://www.cbd.int/cop10/ », consulté le 15/10/2020 à 19h35].

5

« D'ici à 2020, au moins 17% des zones terrestres et d'eaux intérieures et 10% des zones marines et côtières ; y compris les zones qui sont particulièrement importantes pour la diversité biologique et les services fournis par les écosystèmes, sont conservés au moyen de réseaux écologiquement représentatifs et bien relies d'aires protégées gérées efficacement etéquitablement et d'autre mesures de conservation effectives par zone, et intégrées dans l'ensemble du paysage terrestre et marin. »19(Objectif 11).

Le Bassin du Congo qui recèle à lui tout seul la moitié de la faune et de la flore africaine20est le deuxième réservoir écologique planétaire après le bassin de l'Amazonie en Amérique du sud et suivi du bassin du Mékong en Asie du sud Est. Ses forêts font l'objet d'une attention particulière de la part de la communauté Internationale en raison de leur diversité biologique et de leur impact sur le climat planétaire mais aussi des valeurs culturelles locales.21

En effet, au plan régional, l'Union africaine (UA) demeure consciente de l'utilisation non durable de la faune et de la flore sauvage d'Afrique et a intégré les objectifs d'Aichi dans l'Agenda 2063.Le constat étant que :

- La biodiversité en Afrique continue à décliner, avec des pertes constantes d'espèces et d'habitats ;

- La perte continue de la biodiversité en Afrique est entrainée par une combinaison de facteurs anthropiques ;

- Les écosystèmes d'eau douce de l'Afrique et leur biodiversité sont particulièrement menacés ;

- L'Afrique continue de connaitre la déforestation et la dégradation des forêts ;

- Les impacts négatifs des changements climatiques sur les espèces et les écosystèmes aggravent les effets de ces pressions ;

- Les pays africains travaillent de manière collaborative afin de traiter certains objectifs d'Aichi pour la biodiversité ;

- Il existe un portefeuille croissant d'aides internationales pour aider les pays africains à atteindre les objectifs d'Aichi ;

- Les pays africains recourent à l'évaluation des services rendus par les écosystèmes et à l'investissement dans la REDD+ afin d'atteindre les objectifs d'Aichi pour la biodiversité ;

- De nombreux pays ont déjà atteint leur objectif de 17% d'aire terrestres protégées, et beaucoup d'autres travaillent à la réalisation de cet objectif et celui qui vise à atteindre 10% d'aires marines protégées ;

- L'Afrique recourt de plus en plus à la conservation fondée sur les écosystèmes et à la restauration des ressources naturelles22.

Sur le plan sous régional, les pays membres de la COMIFAC s'organisent au sein d'institutions avec des missions générales et spécifiques comme l'agence intergouvernementale pour le développement de l'information environnementale (ADIE), la

19Plan stratégique 2011-2020 pour la diversité biologique, Nagoya 2011, p. 15.

20[En ligne : « www.comifac.org », consulté le 15/10/2020 à 20h37].

21SNCFFC : (Stratégie nationale des contrôles forestiers et fauniques au Cameroun), Mars 2005, p. 3. 22UNEP-WCMC, l'État de la biodiversité en Afrique : Examen à mi-parcours des progrès réalisés vers l'atteinte

des objectifs d'Aichi, Cambridge, UNEP-WCMC, UK, 2016, p. 1.

6

conférence sur les écosystèmes des forêts denses et humides d'Afrique centrale (CEFDHAC), l'organisation pour la conservation de la faune sauvage en Afrique (OCFSA) ou encore le réseau des aires protégées d'Afrique (REPAR). La biodiversité de l'Afrique est l'un des atouts majeurs pour la réalisation des objectifs de développement durable et peut être utilisée de manière durable et équitable pour réduire les inégalités et la pauvreté sur le continent. L'harmonisation des objectifs de l'Agenda 2063 de l'Union africaine, des objectifs de développement durable et des Objectifs d'Aichi pour la biodiversité, associés à la conservation de la biodiversité et aux contributions de la nature au bien-être humain en Afrique, faciliteraient l'élaboration d'interventions pouvant aboutir à de multiples résultats positifs. L'Afrique cherche donc à assurer un environnement et des écosystèmes sains et préservés, capables de soutenir des économies résilientes aux changements climatiques et les moyens de subsistance des communautés locales et autochtones riveraines des AP.23

Comme l'a indiqué le récent rapport d'évaluation régionale de l'IPBES concernant la biodiversité et les services éco systémiques en Afrique, les écosystèmes et les paysages joueront un rôle de plus en plus important dans les efforts menés par les pays pour concilier leurs intérêts en matière de conservation, restauration et développement. La demande croissante en denrées alimentaires, biens de consommation et avantages multiples des écosystèmes dans le bassin du Congo entraine une présence de nombreux acteurs internationaux comme le WWF (World Wilde Fund), la GIZ, L'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) et bien d'autres. Il ne fait plus aucun doute que le bassin du Congo par la richesse de sa biodiversité représente aujourd'hui un enjeu environnemental, stratégique pour les sciences politiques et toutes disciplines scientifique en évolution avec son temps.

Le massif forestier du Bassin du Congo qui s'étend principalement sur le Cameroun, le Congo, le Gabon, la guinée équatoriale, la république centrafricaine, la république démocratique du Congo, Burundi, Rwanda, Sao tome et principe et le Tchad, recèle la moitié de la faune et la flore africaine on l'a déjà dit.24La commission pour les forêts d'Afrique centrale (COMIFAC), s'est assigné pour mission d'orienter, d'harmoniser et suivre les politiques forestières et environnementales en Afrique centrale; par la supervision, la coordination des actions et initiatives en matière de gestion des forêts et de l'environnement dans la sous-région. Dotée de trois organes : le sommet des chefs d'États et gouvernement, le conseil des ministres en charge des forets ou environnement et le secrétariat exécutif.25La COMIFAC défini ainsi les enjeux prioritaires en matière de conservation de la diversité biologique pour le bassin du Congo.

Au Cameroun, la politique forestière est mise en oeuvre par le ministère des forêts et de la faune (MINFOF) à travers la loi 1994 et ses deux décrets d'application.26La conservation de la biodiversité et l'amélioration de la gouvernance sont deux piliers qui montrent le moins des résultats à atteindre. Plusieurs textes balisent déjà le secteur forestier au Cameroun. Il est

23Sharm El-Sheikh, Rapport de la conférence des ministres africains sur la biodiversité, Caire, 13 Novembre, 2018, p.18.

24[En ligne : « www.comifac.org », consulté le 19/11/2020 à 16h38.]

25Bulletin d'information de la commission des forêts d'Afrique centrale, numéro 17, trimestre 2019, p. 6. 26L'aménagement durable des forêts de production; la conservation de la biodiversité; la participation des populations locales; l'amélioration de la gouvernance.

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essentiellement question de trouver la formule pour une adéquation des politiques de conservation. Trouver des solutions alternatives qui ne soient pas justes théoriques. L'écotourisme et le tourisme culinaire en particulier présenterait d'après les derniers rapports d'experts, le compromis idéal à la réalisation de nombreux objectifs de développement durable interculturel.

B. CLARIFICATION DES CONCEPTS

La définition conceptuelle ici participe d'une contextualisation de la terminologie de notre travail de recherche. À partir des contributions d'auteurs reconnus des disciplines transversales des sciences sociales et environnementales, des documents et dictionnaires spécialisés, nous pouvons définir les concepts suivants :

1. Les enjeux

La définition des enjeux dépend du champ scientifique, de la démarche du chercheur mais aussi de sa perception du sujet27. Brièvement, c'est ce que l'on gagne ou perd d'une entreprise ; entreprise comprise au sens holistique. Par exemple, dans le cadre des relations internationales, plus précisément de l'éco politique internationale, les principaux enjeux tournent autour de la gestion des ressources naturelles en particulier et leurs implications dans d'autres domaines parallèles ou parfois complètement inattendus.

Patrick Triplet dans le Dictionnaire encyclopédique de la diversité biologique et de la conservation de la nature défini les enjeux comme étant les « personnes, biens, systèmes ou autres éléments présent dans des zones à risque et qui sont ainsi soumis à des pertes potentielles. 28»

Il définit un enjeu de conservation comme étant l'objectif à atteindre par un site en fonction de ses caractéristiques et de l'évaluation préalable qui a été faite sur les différents facteurs environnementaux, économiques, paysagers, culturels29.

2. La diversité biologique

Pour la convention sur la diversité biologique (CDB), la diversité biologique se définit comme étant la variabilité parmi les organismes provenant de toutes les sources, y compris entre autres, les écosystèmes terrestre, marins, et aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie; il s'agit de la diversité au sein des espèces, entre les espèces et des écosystèmes.30D'après Patrick triplet, elle correspond au nombre absolu d'espèces (richesse spécifique) ou à une mesure qui incorpore à la fois le nombre d'espèces et leur abondance relative.31La diversité biologique renvoie donc à un tout cohérent qui nécessite des mesures de conservations adéquates.

27Jean Simmoneaux, Les enjeux didactiques des dimensions économiques et politiques du développement durable, « Ecologie et politique », Presse de Science Po, no 34, 2007, p. 5.

28Patrick Triplet, Dictionnaire encyclopédique de la diversité biologique et de la conservation de la nature, Neuvième édition, 2023, p. 542.

29Idem

30CDB (Convention sur la diversité biologique), Art2, 1992, p. 3.

31Patrick Triplet, Dictionnaire de la biodiversité et de la conservation de la nature, p.221.

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3. La Conservation

L'idée de conservation à première vue nous fait penser à une boite de conserve, quelque chose de clos, coupé de l'extérieur. Face à l'évolution des enjeux, la conservation (de la biodiversité) est de plus en plus tournée vers une gestion raisonnée des équilibres naturels, dans le respect des rythmes de renouvellement des espèces et des milieux.32Pour Benoit Limoges, Gaétane Boisseau, Louise Gratton et Robert Kasiki, c'est un ensemble de pratiques comprenant la protection, la restauration et l'utilisation durable et visant la préservation de la biodiversité, le rétablissement d'espèces ou le maintien des services écologiques pour les générations actuelles et futures33.

Selon Patrick Triplet, la conservation est un concept large qui sous-tend la possibilité d'utiliser, de gérer et de réguler des populations animales, par la chasse ou tout autre moyen légal de contrôle. Elle est généralement associée à la protection des ressources naturelles, comme la faune et la flore, l'eau, l'air, et les éléments géologiques. La conservation tend donc vers la notion d'utilisation soutenable ou durable et concerne tant les ressources renouvelables que celles non renouvelables. Pour les ressources renouvelables, elle vise à éviter les prélèvements supérieurs à la production. Pour les ressources non renouvelables, elle implique d'en maintenir les quantités suffisantes pour que les générations futures puissent les exploiter. Elle vise donc un bon usage de la nature, contrairement à la préservation qui vise à éviter l'usage de la nature. On distingue la conservation in situ (dans le milieu naturel) et la conservation ex situ (en dehors du milieu naturel)34. La conservation ex situ se rapprochant plus de la préservation (les zoos et sanctuaires par exemple).

4. La Préservation

Pour Benoit Limoges, Gaétane Boisseau, Louise Gratton et Robert Kasiki, il s'agit du maintien à long terme d'éléments de la biodiversité et de leur dynamique naturelle. La préservation de la biodiversité est la finalité, le résultat visé par les actions de conservation de la biodiversité.35Patrick Triplet, lui, la voit comme étant la sécurisation par rapport à un danger, un risque. Il s'agit d'une forme extrême de la protection dans laquelle l'accès et les prélèvements sont prohibés en vue de maintenir la valeur du bien pour les générations actuelles et futures. Elle vise à maintenir les ressources naturelles existantes dans leur état actuel afin d'en garantir les avantages à court, moyen et long terme. La préservation implique le retrait d'une menace ou la mise en oeuvre d'une action destinée à empêcher le déclin d'une ressource. Le terme inclut des activités généralement associées avec la protection et la gestion par la mise en place de mécanismes légaux appropriés36.

5. Une aire protégée

32Sammuel Depraz, Géographie des espèces naturelles protégées, Paris, Éditions A. Colin, Collection « U », 2008, p. 328.

33Benoit Limoges, Boisseau, G., Gratton, L. et Kasiki, R., « Terminologie relative à la conservation de la biodiversité in situ », in LE NATURISTE CANADIEN, 137 No2, 2013, p. 22.

34 Rapport final de la convention sur la diversité biologique CDB, 1992, p. 3.

35 Ibid., p. 23.

36 Patrick Triplet,op.cit, p. 1061.

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Selon l'UICN, il s'agit d'un espace géographique clairement défini, reconnu, dédié et géré par les moyens légaux ou autres, afin de favoriser la conservation à long terme de la nature, des services éco systémiques et des valeurs culturelles qui y sont liées.37

Pour l'État du Cameroun et le décret N 95/466PM du 20 juillet 1995, une aire protégée est une zone géographiquement délimitée et gérée en vue d'atteindre des objectifs spécifiques de conservation et de développement durable d'une ou de plusieurs ressources données. Tout projet notamment industriel, minier, agro-sylvo-pastoral susceptible d'affecter l'objectif de conservation d'une aire protégée doit être assorti d'une étude d'impact sur l'environnement. L'Administration chargée de la Faune est de droit membre de toute commission ou de tout organe chargé de cette étude d'impact.

Pour le dictionnaire du développement durable, une aire protégée est :

« Une zone protégée par des lois, un règlement ou une politique d'aménagement du territoire afin de limiter l'occupation ou les activités humaines. Les aires protégées comprennent les paysages protégés, les parcs nationaux, les zones d'aménagement intégré et les parcs naturels.38 »

6. Le parc national

Pour l'UICN, le parc national est une institution dotée de trois missions principales :

- Le souci de la protection de la nature ;

- L'étude scientifique des écosystèmes dont ils sont le support et qui sont ou devraient

être libérés de toute exploitation ou occupation humaine ;

- la connaissance favorisée du public des milieux ou espèces ainsi gérées.

L'UICN a établi six catégories de classifications en fonction du niveau d'intervention humaine allant de la protection la plus forte (categorie1) à la catégorie la plus légère (catégorie 6) ou l'homme interfère le plus. Les parcs nationaux appartiennent à la (catégorie 2). La notion de parc national diffère d'un État à l'autre aux échelles mondiales39.

Au Cameroun, d'après le décret N 95/466PM du 20 juillet 1995, un parc national est un périmètre d'un seul tenant, dont la conservation de la faune, de la flore, du sol, de l'atmosphère, des eaux et en général du milieu naturel, présente un intérêt spéciale qu'il importe de préserver contre tout effort de dégradation naturelle, et de soustraire à toute intervention susceptible d'en altéré l'aspect, la composition et l'évolution.40Sont prises en considération à ce titre:

- la préservation d'espèces animales ou végétales et d'habitats en voie de disparussions sur toute partie du territoire national;

- la préservation ou la constitution d'étapes sur les grandes voies de migrations de la faune sauvage ;

37Ibid., p. 10.

38Christian Brodhag, Dictionnaire du développement durable, Éditions AFNOR, 2014, p. 4.

39North Dudley, (Éditeur), « Lignes directrices pour l'application des catégories de gestion aux aires protégées. », Gland, Suisse : UICN, 2008, p.5.

40Décret no 95/466/PM du 20 juillet 1995- fixant les modalités d'application du régime de faune au Cameroun, article 2 alinéa 8.

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- les études scientifiques ou techniques indispensables au développement des connaissances humaines.

Y sont interdits:

- la chasse et la pêche, sauf dans le cadre d'un aménagement ;

- les activités industrielles ;

- l'extraction des matériaux ;

- les pollutions de toute nature ;

- les activités agricoles, pastorales et forestières ;

- la divagation des animaux domestiques ;

- le survol par aéronefs à une altitude inférieur à 200m ;

- l'introduction d'espèces zoologiques ou botaniques indigènes ou importées, sauf dans

un but scientifique ou le cadre d'opérations d'aménagement autorisées par le ministre chargé

de la faune.

7. La politique publique

Définir le terme politique public s'avère une tâche complexe au vu des nombreuses propositions en fonction des domaines scientifiques. Cependant, qu'on se situe dans le champ des relations internationales ou celui des sciences environnementales, le fond reste le même.

Pour jean Claude Thoenig, serait politique publique :

« Tout ce que les acteurs gouvernementaux décident de faire ou ne pas faire, font effectivement ou ne font pas ».41Il complètera cette définition avec Yves Meny en rajoutant qu'une politique publique c'est aussi : « l'intervention d'une autorité investie de puissance publique et de légitimité gouvernementale sur un domaine spécifique de la société ou du territoire »42.

En d'autres termes, c'est donc la manière dont l'État ou un de ses démembrements se mobilisent et se déploient, mettent en branle un processus constitué d'activités concourant à apporter une réponse précise, à un problème particulier et sur un territoire déterminé. C'est ainsi que l'on parlera de politique de gestion de déchets dans une localité ou encore de politique de conservation de la biodiversité comme exemples.

Gilles Massardier quant à lui en a une conception plus ouverte. Pour lui les politiques publiques sont :

« Des dispositifs tangibles(un budget, du droit, des institutions spécialisées etc.) qui régissent un secteur de la société ou une activité (industrie chimique, agriculture, développement économique etc.), voire un projet (aménagement routier, ferroviaire etc.), des dispositifs issus d'une fabrication sociale collective et complexe par des acteurs( individus, entreprises, associations etc.) ou groupe d'acteurs (organisation professionnelles,

41Jean Claude Thoenig, « Politiques publiques », in Dictionnaire des politiques publiques, L., Boussaget, Jacquot, P. Ravinet (Dir.) 3ème édition actualisée et augmentée- Paris : Presses de Sciences Po, Collection références, 2010, p. 420.

42 Ibid., p. 421.

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mobilisations sociales plus sporadique etc.), et des institutions publiques( nationales, locales voire des organisations internationales »43.

Pour lui les autorités publiques n'ont plus le monopole de ce « pouvoir » et doivent au contraire collaborer avec d'autres acteurs qui projettent la même finalité. En effet Dans toute société, tout problème est potentiellement politique. Le déclenchement de l'action publique n'est pas lié à une quelconque intensité du phénomène. La mise en pratique de la politique est alors liée à la perception du problème ; le problème politique est donc un construit des représentations sociales et sa configuration dépend de divers facteurs, acteurs et enjeux.

C. DELIMITATION DU SUJET

Délimité notre sujet consiste à préciser quelles sont les bornes prisent en compte dans notre travail, à la fois dans la période de temps, l'aire géographique au sein de laquelle sera menée l'étude, le(s) champ(s) de recherche auxquels il va faire appel.

1. Délimitation spatiale

Le Parc National de Lobéké (PNL) a été créé par décret n° 2001/107/CAB/PM du 19 mars 2001. D'une superficie de 217.854 ha, sa zone tampon englobe plusieurs Zones d'Intérêt Cynégétiques (ZIC) auxquelles sont superposées cinq Unités Forestières d'Aménagement (UFA). Cet ensemble fait partie du complexe transfrontalier du Tri-National de la Sangha, impliquant les parcs nationaux de Dzangha-Ndoki (RCA) et Nouabalé-Ndoki (Rép. Congo).Le PNL subit de nombreuses pressions et menaces dues à l'ampleur des activités en périphérie mais aussi aux actes illégaux perpétrés à l'intérieur. Parmi les facteurs externes on note le braconnage, l'exploitation forestière, la densité du réseau routier, l'exploitation minière artisanale, la capture des perroquets. Comme facteur interne, plusieurs insuffisances relevées portent sur le dispositif de surveillance et de gestion, la participation des communautés, les bases de prise des décisions de gestion, la collaboration transfrontalière, la promotion et la valorisation du parc.44

Le Parc National de Lobéké (PNL) est situé entre les latitudes Nord de 2°05' à 2°30' et les longitudes Est de 15°33' à 16°11'. Sa superficie est d'environ 217.854 ha. Ses limites sont décrites dans l'acte de création du parc. Du point de vue de l'organisation administrative, il est entièrement assis dans l'arrondissement de Moloundou, département de Boumba-et-Ngoko, province de l'Est. Sa zone tampon se partage entre plusieurs zones de chasse comprenant : à l'Ouest, les Zones d'Intérêt Cynégétique à Gestion communautaire (ZICGC) n° 1, 2, 3 ; au Nord, les Zones d'Intérêts Cynégétique (ZIC) n° 28 et 30 et enfin au Sud par la ZIC n° 31. Plusieurs Unités forestières d'aménagement (UFA) sont définies dans cette zone tampon, en superposition aux ZIC et des ZICGC. Il s'agit des UFA n° 10-011, 10012, au Nord, 10-063, 10-064 au Sud et10-013 à l'Ouest45.

43Gilles Massardier, Politiques et actions publiques, Éditions Armand colin, 2003, p. 1. 44Plan d'aménagement du parc national de Lobéké et de sa zone périphérique, 2004, p. 6. 45Idem.

GABON

CONGO

RCA

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Figure 01 : Localisation du parc national de Lobéké, Source : Plan d'aménagement du PNL, 2004, Bohin., B, 2022.

2. Délimitation temporelle

Cette étude aura pour point de départ l'année internationale de la conservation de la biodiversité et des objectifs d'Aichi (2010) pour une évaluation des enjeux à l'ère COVID 19.

3. Délimitation matérielle

L'étude que nous entendons mener s'inscrit dans le champ de l'écopolitique internationale. Cette sous branche des sciences politiques relativement récente se situe au carrefour des études écologiques, de la science politique, l'anthropologie, les relations internationales. Philippe Le Prestre, l'un des principaux auteurs de la discipline pense qu' :

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« Un problème d'environnement n'existe qu'à travers l'impact qu'il a sur certains groupes ou acteurs sociaux, par la façon dont il est perçu par ceux-ci, et lorsque ces acteurs ont pu l'inscrire à l'ordre du jour politique ».46

Par conséquent un problème d'environnement n'est pas seulement un problème d'environnement d'après Le Prestre ; il touche des questions de pouvoir, de politique de développement, de gouvernance, des questions ethniques et éthiques, culturelles et bien d'autres. LE PRESTRE pense que :

« Si la politique internationale de l'environnement souffre d'une politisation c'est parce que la dégradation de l'environnement résulte des activités économiques et sociales, et qu'au niveau international, ces processus sont liés aux relations diplomatiques, à la formation et à la mise en oeuvre des politiques nationales, ainsi qu'aux efforts d'instaurer un développement durable au niveau international ».47

D. LES OBJECTIFS DE L'ETUDE

Nous avons essayé de dégager 04 objectifs spécifiques résultants d'un objectif général.

1. Objectif général

L'objectif général est d'apporter une grille de lecture interdisciplinaire des enjeux liés à la conservation de la biodiversité pour les pays du bassin du Congo. Une grille de lecture susceptible de concilier les exigences de conservation avec les besoins de développement dans la sous-région. Par exemple de répondre aux besoins socio-économiques urgents des populations autochtones riveraines des aires protégées dans le bassin du Congo. Plus encore, y impulser un développement durable et interculturel.

2. Objectifs spécifiques

Les objectifs spécifiques de notre étude sont entre autres de :

- Questionner et remettre en question l'efficacité des politiques qui encadrent la gestion

des forêts du bassin du Congo et essayer d'en dégager des résultats capitalisables au niveau des aires protégées comme le parc national de Lobéké au Cameroun;

- Stimuler une meilleure appropriation des accords et conventions internationales de

conservation de la biodiversité. Décrypter les enjeux sous-jacents en lien avec le développement durable et d'optimiser leur mise en application local;

- Favoriser une prise en compte réelle des populations autochtones riveraines des aires

protégées comme les pygmées Baka dans le partage des bénéfices issus de la gestion de leurs forêts et du tourisme, mais aussi et surtout favoriser leur inclusion totale aux processus décisionnels de conservation et de valorisation des ressources forestières.

46Philippe Le Prestre, Ecopolitique internationale. Québec, Guérin, 1997, p. 46.

47Raùl Bernal-Meza, Compte rendu de (Le Prestre philippe, Ecopolitique internationale), Québec, Études internationales, 29(4), 1998, p. 3.

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- Proposer des alternatives économiques innovantes et opérationnelles au travers de

l'écotourisme. Proposer des alternatives susceptibles d'optimiser par exemple la valorisation du potentiel culinaire autochtone de la périphérie du PNL comme outils de soft power pour le Cameroun.

E. INTERET DE L'ETUDE

L'intérêt en général fait référence à la curiosité, l'attention, la sollicitude portée à un fait. Il s'entend également comme l'importance que revêt le sujet d'étude. En bref il s'agit ici de dire à quoi peut servir le travail que l'on mène. D'après Raymond Quivy et Luc Van Campenhoudt : « Un travail de recherche est susceptible d'apporter deux types de connaissance : des nouvelles connaissances théoriques et de nouvelles connaissances pratiques. »48

1. L'intérêt scientifique

Au vue des nombreux constats alarmants, la conservation de la biodiversité devrait être inscrite en priorité dans les agendas politiques de tous les États. La sécurité humaine (sanitaire, alimentaire, identitaire etc.) est en effet au coeur des problématiques politiques contemporaines. L'écopolitique à ce titre se traduit comme étant la participation de la communauté internationale sur le plan scientifique. Cette étude est une occasion de plus de faire le lien entre les enjeux de développement durable pour les populations riveraines des aires protégées et les relations internationales. C'est pour nous l'occasion de proposer une grille de lecture sous l'angle des sciences politiques et des relations internationales qui prenne en compte un large spectre d'enjeux sous-jacents.

2. L'intérêt pratique

De manière concrète, il est question pour nous d'apporter des propositions concrètes pour une amélioration de la sécurité humaine et environnementale des populations du bassin du Congo. D'améliorer les conditions de vie des populations riveraines des aires protégées tout en essayant d'optimiser les politiques et stratégies de conservation de la biodiversité régionale, sous-région et nationale.

F. REVUE DE LITTERATURE

Elle peut être définit comme étant l'examen détaillé d'un ensemble d'écrits importants et incontournables recensés dans un domaine de connaissance. La revue de littérature situe donc le sujet par rapport à des recherches antérieures et fournit un créneau unique pour le sujet de recherche. Dans le cadre de notre recherche, la littérature mobilisée renvoie à des courants de pensée qui ont structuré la problématique de la conservation de la biodiversité. Il s'agit notamment du préservationnisme de John Muir, le conservationnisme de Gifford Pinchot et l'utilitarisme de Jeremy Bentham et John Stuart Mills.

Le préservationnisme de John Muir promouvait une vision d'un monde romantique et non utilitariste de la nature, ainsi qu'une relation plus équilibrée entre les hommes et la

48Raymond Quivy, et Luc Van Campenhoudt, Manuel de recherche en sciences sociales, DUNOD 2eme édition, Paris, 1995, p. 28.

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nature. Pour lui il faut préserver la nature pour sa beauté, faisant abstraction des désirs humains; telle est l'idée générale de son ouvrage « Un été dans la Sierra », publié en 199749.

Muir en opposition à la dichotomie classique homme-nature, parvint à une idéalisation de la wilderness (d'un état naturel pas encore entamé par les processus sociaux et économiques des populations humaines) considérée comme la condition naturelle permettant aux hommes d'entrer en contact avec leur nature la plus profonde et de ressentir, en même temps les liens qui les unissent au reste de la planète50. Il fut également considéré comme le père des parcs nationaux qui à l'origine ne devaient en aucun cas être exploités. Il cherchait avant tout à entrainer ses concitoyens dans une « passion oecuménique de la nature ». Ainsi, dès la fin du XIXème siècle va se rependre ce mouvement stricte et radicale de la protection, dans lequel la nature acquiert une valeur intrinsèque : elle est digne d'être protégée pour elle-même, contre les effets néfastes de l'action des sociétés, selon un principe dichotomique 51 d'une nature en dehors de l'homme.

Cette considération des richesses naturelles en général et fauniques en particulier apparait largement en décalage avec les besoins vitaux de l'homme qui, pour vivre dans son environnement a besoin de puiser dans la nature toutes les ressources dont il a besoin (nourriture, habitat, vêtement, etc.). C'est d'ailleurs pour cela qu'il est très tôt repris par son compatriote américain Gifford Pinchot, opposé à cette vision « biocentrée ».

Le conservationnisme de Gifford Pinchot en réaction à ce mouvement, développe une gestion ordonnée et raisonnable de la nature, tolérant l'utilisation des ressources naturelles par l'homme. La conservation de la diversité biologique consistant en la protection des populations d'espèces animales et végétales, ainsi que la conservation de l'intégrité écologique de leurs habitats naturels ou de substitution (comme les parcs nationaux)52. Son objectif est de maintenir les écosystèmes dans un bon état de conservation, et de prévenir ou corriger les dégradations qu'ils pourraient subir. Jean Paul Payre, un autre partisan de ce courant de pensée disait que :

« La politique nationale définie en 1966-1967 et en 1975 ne faisait pas des parcs régionaux des « cloches de verre » isolant un territoire des méfaits de la société moderne. Mais elle leur assignait plutôt une fonction sociale qui apparait à travers leurs trois objectifs : la protection de la nature, le développement des loisirs, la réanimation rurale »53.

Comme Payre, Pierre Lascoumes pense que les éléments naturels sont perçus comme des ressources à saisir à travers les services (écologiques, économiques, esthétique, socioculturels, etc.) qu'ils rendent. Il affirme que bien que l'on retrouve quelques politiques publiques de conservation de la diversité biologique hybrides c'est-à-dire qui combinent une priorité donnée aux éléments naturels et à celle des besoins humains ( protection des biotopes et des zones humides, la qualité biologique de la ressource en eau), les intérêts humains,

49Donato Bergandi, Galangau-querat, F., « Le développement durable : les racines environnementalistes d'un paradigme », in L'éducation à l'environnement ou au développement durable, Éditions ASTER, Numéro 46, 2008 p. 31.

50Ibid., p. 36.

51Sammuel Depraz, « Protéger, préserver ou conserver la nature ? », notion à la une de Geoconfluence, Université Jean Moulin Lyon 3, 2013, p. 38.

52Idem.

53Jean Paul Payre, Les parcs naturels régionaux en France, Université de Grenoble, 1979, p. 371.

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scientifiques, culturels (culinaire), économiques; sont au centre des questions environnementales54.

Rowan Martin affirme que les ressources naturelles ont une valeur propre, qu'elle peut être économique et/ou intangible; si elle est monétaire c'est encore mieux car elles contribueraient à supporter les coûts afférents à la conservation. Ainsi, lorsque l'on tenterait de lui supprimer une exploitation marchande, le risque de nuire à la conservation souhaitée est généralement grand, car cette suppression enlève à la conservation tout avantage comparatif économique et provoque son remplacement par d'autres utilisations plus avantageuses de la ressource55. D'autres auteurs comme Henk iront plus loin.

Henk fait intervenir les questions d'éthique dans cette réflexion en postulant que si les humains sont les seuls êtres vivants doués d'éthique, cela ne signifie pas pour autant que l'éthique ne s'applique qu'à eux. Tout au contraire, l'humanité ne prend son véritable sens que lorsque la vie sur la terre est respectée dans toute sa diversité. Selon une éthique environnementale profonde, poursuit-il, la nature possède des valeurs qui existent au niveau des animaux, des espèces menacées, des écosystèmes et des organismes vivants. Pour beaucoup, pense-t-il, c'est toute la raison d'être de l'éthique environnementale : préserver dans les systèmes soutenant la vie des humains, dans leurs paysages et leurs ressources naturelles ce qui autrement, mettrait leur survie en péril56. Ce courant va ouvrir la voie à une conservation beaucoup plus tourné vers l'utilitaire.

La pensée utilitariste, alimentée dans un premier temps par Jeremy Bentham et John Stuart Mills, est une doctrine qui prescrit d'agir ou non de manière à maximiser le bien être global, il évalue une action uniquement en fonction de ses conséquences. Les individus opèrent des calculs individuels en vue de maximiser leur bien être global, en essayant de peser le pour et le contre d'une décision, et comparent cette dernière aux avantages et désavantages de la décision inverse. Ainsi nait la vision utilitariste anthropocentrée de la nature, car elle cautionne toute action dont les conséquences augmenteraient le bien-être général, car le bien-être général se réduit à celui de l'humanité. Le vivant se conçoit alors comme un outil sous le joug de la technique, outil que l'on se doit de perfectionner pour le bien de tous. La pensée utilitariste est critiquée pour sa froideur ; car elle suggère que la fin puisse justifier les moyens : ainsi, il serait normal de sacrifier la vie de quelques innocents, si le sacrifice profite au plus grand nombre, comme le pense Jean-Luc Pelletier57. L'homme ne peut sacrifier son bien être au profit de la nature. C'est ainsi que lorsque le souci de protéger les espèces se heurte aux intérêts vitaux de l'homme, le discours utilitariste l'emporte toujours, parce que l'homme passe avant tout autre chose.

54Pièrre Lascoumes, Action publique et environnement, Paris, Presses Universitaires de France, 2012, p.127. 55Moore Garety Rowan, « Conservation et développement : les nouvelles responsabilités des autorités

publiques », in Administrer l'environnement en Afrique : gestion communautaire, conservation et

développement durable, Éditions Karthala, Paris, 2000, p. 101.

56Antonius Maria Johannes Ten Have Henk et al., Éthiques de l'environnement et politique Internationale, Éditions UNESCO, Paris, 2007, p. 51.

57Jean Louis Pelletier, Une éthique environnementale pragmatique adaptée au contexte québécois, Éssai présenté au Centre universitaire de formation en environnement et développement durable en vue de l'obtention du grade de maitre en environnement (M.Env.), Québec, Université de Sherbrooke, 2014, p.15.

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Beatrice Parance pense qu'il ne s'agit plus simplement de protéger les ressources naturelles, mais aussi de les utiliser en assurant leur conservation58. C'est cette vision du rapport harmonieux de l'homme avec la nature, qui de plus en plus, combine les besoins de l'homme et ceux des autres espèces, justifiée par la mise en place de cadres techniques et légaux propices à la conservation de la diversité biologique. Mettant la problématique de la conservation de la biodiversité au centre des enjeux de développement durable.

G. PROBLEMATIQUE

L. Olivier, G. Bédard et J. Ferron définissent la problématique comme «la recherche ou l'identification de ce qui fait problème 59». C'est également l'ensemble des questions que soulèvent un problème, c'est-à-dire une énigme d'ordre théorique ou pratique pas encore élucidée. Dans le même ordre d'idée, Raymond Quivy et Luc Van Campenhoudt pensent qu'une problématique est :

« L'approche ou la perspective théorique qu'on décide d'adopter pour traiter le problème posé par la question de départ. C'est l'angle sous lequel les phénomènes vont être étudiés, la manière dont on va les interroger. 60».

Le constat de la profonde dégradation de la diversité biologique de la planète n'est plus à discuter. Les phénomènes de changement climatique, de disparition d'écosystèmes entiers, les feux de brousse, etc., devraient interpeler les décideurs des pays du bassin du Congo qui tant bien que mal résistent encore à ces phénomènes extrêmes. La chasse abusive, le braconnage, le commerce illicite d'espèces en danger, l'appropriation foncière d'espaces classés par les populations en manque de terre agricoles, la déforestation et destruction d'écosystèmes et habitats fauniques, et bien d'autres phénomènes similaires, sont de plus en plus observés. Dans ce contexte sous régional précaire, les experts de l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) pensent que l'implication totale des populations riveraines et leur autonomisation financière est capitale pour tout processus de conservation durable de la biodiversité.

Comment optimiser les politiques de conservation de la biodiversité dans le bassin du Congo ? Comment favoriser une meilleure absorption communautaire des politiques internationales, régionales et sous régionales de conservation de la biodiversité au niveau des aires protégées ? Quelles sont les opportunités de développement durable interculturel et de soft power autour de l'écotourisme pour les États du Bassin du Congo ?

H. HYPOTHESES

Pour Omar Aktouf, l'hypothèse est en quelques sortes une base avancée de ce que l'on cherche à prouver. C'est la formulation pro forma de conclusions que l'on compte tirer et que l'on va s'efforcer de justifier et démontrer méthodiquement et systématiquement.61En d'autres

58Béatrice Parance, et de Saint Victor, J., « Repenser les biens communs », Paris, Éditions CNRS, 2014, p. 225. 59Olivier Lawrence, Guy Bedard, Julie Ferron, « L'élaboration d'une problématique de recherche: sources, outils et méthodes », Paris, L'Harmattan, 2005, p. 24.

60Raymond Quivy, et Luc Van Campenhoudt, « Manuel de recherche en sciences sociales », DUNOD 4éme édition, Paris, 2011, p. 81.

61Omar Aktouf, Méthodologie des sciences sociales et approche qualitative des organisations : une introduction à la démarche classique et une critique, Montréal : les presses de l'Université du Québec, 1987, p. 58.

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termes, une hypothèse se propose de trouver des solutions à différentes sortes de questions. Elle nait à partir d'une observation de la vie quotidienne ou de constats opérés au cours d'une recherche. Elle permet, pour ainsi dire, de déclarer que la réponse recherchée est probablement due à tel ou tel autre aspect; la formulation d'une hypothèse implique la vérification d'une théorie ou précisément de ses propositions. Elle devra être confirmée, infirmée ou nuancée par la confrontation des faits. En définitive, c'est la thèse que l'auteur entend soumettre à la communauté des chercheurs. Les questions de recherche précédentes nous permettent donc de dégager les hypothèses suivantes :

a. Hypothèse principale :

Comme préconisé par de nombreux rapports des organisations internationales en charge de la conservation de la biodiversité dans le monde, l'optimisation des politiques de conservation de la biodiversité dans le bassin du Congo exigerait entre autres de : Revoir les systèmes de gestion et de gouvernance des forêts, redéfinir les méthodes et techniques de négociation des enjeux environnementaux, réadapter le cadre législatif et politique local, remettre les populations locales et autochtones au coeur des mécanismes de conservation de la biodiversité et vulgariser les bonnes pratiques internationales.

b. Hypothèses secondaires :

- L'absorption optimale des politiques internationales de conservation de la biodiversité

passerait par une meilleure prise en compte des populations locales et autochtones;

- Cette prise en compte de la sécurité humaine des populations locales et autochtones en

périphérie des aires protégées exige par exemple une analyse de la mise en oeuvre des piliers du développement durable de manière concrète dans la conservation de la biodiversité et aussi l'implication des piliers culturels et technologiques ;

- L'implication réelle et efficiente des populations autochtones dans les processus

décisionnels de conservation de la biodiversité dans le bassin du Congo exigerait une redistribution équitable des retombées de l'écotourisme par exemple et aussi une valorisation modernisée des savoirs traditionnels ;

- En inspirant une politique sous régionale et internationale de soft power autour de

l'écotourisme et du tourisme culinaire en particulier, le parc national de Lobéké et l'État du Cameroun pourraient apporter des solutions innovantes à la résolution des problèmes alimentaires et sanitaires qui gravitent autour de la gestion des parcs nationaux. Inscrivant cette zone écologique comme enjeu géopolitique majeur à l'ère COVID-19 pour les générations présentes et futures.

I. CONSIDERATIONS METHODOLOGIQUES A. CADRE LOGIQUE

Dans le cadre logique ou modèle théorique, il ne s'agit pas simplement d'indiquer un champ de connaissance en y replaçant son sujet, mais plutôt de faire état de sa propre connaissance du champ en question et surtout, de ce qui, pris dans ce champ éclaire, généralise, approfondit, explique, enrichit les principales dimensions du problème que l'on

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traite. En bref il s'agit de prendre un modèle et de l'opérationnaliser. Il est donc impératif de savoir comment adapter les éléments de ce modèle théorique à notre recherche. C'est suivant cette posture d'analyse que comme théories nous avons mobilisé :

1. La théorie de la gouvernance

La gouvernance est un chantier de recherche qui concerne les formes de coordination, de pilotage et de direction des secteurs, des groupes et de la société, au-delà des organes classiques du gouvernement. Ce n'est évidemment pas une idée neuve, on en trouve par exemple des traces dans le latin médiéval avec le terme Gubernantia, mais dans un contexte de restructuration et de décentralisation des États d'Afrique centrale, cette question de direction se pose à nouveau. L'intérêt actuel pour ces questions de gouvernance répond en effet à la transformation du rôle de l'État et des modes de régulation politique qui s'y attachent. L'État, et plus précisément une partie spécialisée, le gouvernement central est en charge, d'une partie de la direction de la société et de l'agrégation des différents intérêts pour la définition de l'intérêt général. Dans les sociétés européennes, le gouvernement central réduit sa charge décisionnelle au profit de la périphérie et des régions. Cependant l'européanisation et la globalisation notamment remettent en cause les conceptions traditionnelles de l'autorité telle que culturellement partagée dans les traditions africaines. Rendant complexe l'action publique et la notion de gouvernance.62

La question de gouvernance est donc profondément liée à celle de gouvernement, car elle est pensée par rapport à lui. La notion même de gouvernance émerge face au diagnostic d'une « incapacité » des gouvernements à répondre aux problèmes contemporains qui leurs sont soumis et à s'ajuster à de nouvelles formes d'organisations sociales, économiques, politiques, écologiques, technologiques, stratégiques et culturelles. Alors que le terme «gouvernement» décrit le type d'autorité, hiérarchique et contraignante, qui s'exerce dans la plupart des États, «Gouverner» :

«C'est prendre des décisions, résoudre des conflits, produire des biens publics, coordonner les comportements privés, réguler les marchés, organiser les élections, extraire les ressource naturelles tout en les conservant, affecter les dépenses publiques etc.».

La notion de «Gouvernance» désigne quant à elle une forme plus souple de pouvoir politique et consiste dans l'interaction d'une pluralité d'acteurs (Gouvernants) qui ne sont pas tous étatiques ni même publics. Mais, quel est le contenu précis de cette notion de « Gouvernance »?

Elle peut être définie comme un processus de coordination d'acteurs, de groupes sociaux et d'institutions, en vue d'atteindre des objectifs définis et discutés collectivement. La gouvernance renvoie alors à l'ensemble d'institutions, de réseaux, de directives, de règlementations, de normes, d'usages politiques et sociaux ainsi que d'acteurs public et privés qui contribuent à la stabilité d'une société et d'un régime politique, à son orientation, à la

62Patrick Le Galès, « Gouvernance », in Dictionnaire des politiques publiques, Boussaget, L., Jacquot, S., Ravinet, P. (Dir.), 3ème édition actualisée et augmentée- Paris : presses de sciences Po, collection Références, 2010, p. 36.

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capacité de diriger, et à celle de fournir des services et à assurer sa légitimité. Plus précisément, quatre (04) traits permettent de caractériser ce qu'est la gouvernance:

· Le polycentrisme institutionnel (système politique qui admet plusieurs centres de décision), soit l'existence d'une grande complexité institutionnelle qui empêche de distinguer un lieu unique de pouvoir, de décision et d'exécution;

· Une frontière public/privé plus floue, avec une ouverture des processus de décision en direction de la société civile et l'inclusion d'acteurs privés dans le processus politique;

· L'accent mis sur la dimension procédurale de l'action publique, les formes et instruments de l'action publique sont parfois privilégiés sur la substance même des programmes publics;

· Un rapport différent à la contrainte et à l'autorité, vécue et conçue de façon plus horizontale, coopérative et souple, avec le développement d'instruments d'action publique plus contraignants.63

Pour mieux comprendre l'applicabilité de la théorie de la gouvernance dans la conservation de la biodiversité, il est également important d'analyser le fonctionnement des instruments d'action publique.

2. Les instruments d'action publique

Un instrument d'action publique constitue un dispositif à la fois technique et social qui organise des rapports sociaux spécifiques entre la puissance publique et ses destinataires en fonction des représentations et des significations dont il est porteur.64

La dimension technique renvoie aux informations condensées dans les instruments qui permettent le pilotage de la société. La création d'instruments d'action publique peut servir de révélateur de transformations parfois invisibles, de l'action publique, de son sens, de son cadre cognitif et normatif et ses résultats. La notion d'instrument d'action publique permet d'envisager l'action publique sous l'angle des instruments qui la structurent. Ces instruments ne disposent pas d'une totale neutralité axiologique, et ne sont pas indifféremment disponibles. Ils sont porteurs de valeurs, nourris d'une interprétation du social et de conceptions précises du mode de régulation envisagé. Ils sont aussi producteurs d'une représentation spécifique de l'enjeu qu'ils traitent et induisent une problématique particulière de l'enjeu dans la mesure où ils hiérarchisent des variables et peuvent aller jusqu' à impliquer un système explicatif. L'instrumentation de l'action publique renvoie à l'ensemble des problèmes posés par le choix et l'usage des instruments (des techniques, des moyen d'opérer, des dispositifs) qui permettent de maitriser et d'opérationnaliser l'action gouvernementale. Il s'agit de comprendre non seulement les raisons qui poussent à retenir tel instrument par rapport à tel autre, mais aussi à envisager les effets induits par ces choix.65

L'observation montre qu'il est exceptionnel qu'une politique, et même qu'un programme d'action au sein d'une politique, soit mono-instrumentale. On constate le plus souvent une

63Ibid., p. 301.

64Pièrre Lascoumes, et Patrick Le Galès, « Instruments », in Dictionnaire de politiques publiques, Boussaget,L., Jacquot, S., Ravinet, P. (dir.), 3ème édition actualisée et augmenté - Paris : Presses de sciences Po, collection Références, 2010, p. 45.

65 Ibid., p. 326.

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pluralité d'instruments mobilisés, ce qui pose alors la question de leur coordination. L'instrumentation de l'action publique est donc un moyen d'orienter les relations entre la société politique (via l'exécutif administratif) et la société civile (via ses sujets administrés).

Dans le champ des politiques publiques, la question du choix des instruments pour l'action publique et de leur mode opératoire est en général présentée de manière fonctionnaliste, comme relevant de simples choix techniques. L'essentiel des travaux de politique public consacré à la question de l'instrumentation est marqué d'une forte orientation fonctionnaliste caractérisée par cinq traits:

- L'action publique est fondamentalement conçue dans un sens pragmatique, c'est-à-

dire comme une démarche politico-technique de résolution des problèmes via des instruments;

- On raisonne en terme de naturalité de ces instruments, considérés comme étant «à
disposition» et qui ne poseraient que des questions de meilleure adéquation possible aux objectifs retenus;

- La question de l'efficacité des instruments est la problématique centrale. Les travaux
sur la mise en oeuvre des politiques consacrent une grande part de leurs investigations à l'analyse de la pertinence des instruments et à l'évaluation des effets crées;

- Face aux lacunes des outils classiques, et souvent envisagée, soit pour offrir une
alternative aux instruments habituels (dont les limites ont été démontrées par les nombreux travaux sur la mise en oeuvre), soit pour concevoir des «méta-instruments» permettant une coordination des instruments traditionnels (planification, schéma d'organisation, convention-cadre);

- Les analyses ont souvent pour point de départ, soit l'importance de réseaux d'action
publique spécifique, soit l'autonomie de sous-secteurs de la société, mais elles convergent pour faire du choix et de la combinaison des instruments une question centrale pour une action publique conçue en termes de management et de régulation de réseaux qui s'éloigne des questions classiques de sociologie politique.66

Ces postulats peuvent être dépassés si l'on rompt avec l'illusion de leur neutralité en adoptant une démarche de sociologie politique, considérant les instruments comme des institutions. Les instruments à l'oeuvre ne sont pas pure technique: ils produisent des effets spécifiques indépendants des objectifs affichés (des buts qui leur sont assignés) et ils structurent l'action publique selon leurs logiques propres. Au fur et à mesure de leur usage, ils tendent à produire des effets originaux et parfois inattendus. Les instruments ne sont donc pas neutres; ils sont des institutions au sens sociologique du terme: « Un ensemble plus ou moins coordonné de règles, de normes et de procédures, qui gouverne les interactions et les comportements des acteurs et des organisations. ». Les instruments déterminent en partie la manière dont les acteurs vont se comporter; ils créent des incertitudes sur les effets de rapport de force; ils vont conduire à privilégier certains acteurs et intérêts et à en écarter d'autres; ils contraignent les acteurs et leur offrent des possibilités; ils véhiculent une certaine représentation des problèmes. Les instruments déterminent en partie quelles ressources peuvent être utilisées et par qui. Comme toute institution, ils permettent de stabiliser des formes d'action collective, de rendre plus prévisible et plus visible, le comportement des

66 Ibid., p. 330.

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acteurs (politiques ou non).67Les instruments sont donc au coeur de l'analyse du changement dans les politiques publiques et leurs transferts.

3. La théorie du transfert de politique publique

Il s'agit d'une théorie contemporaine ayant pris de l'ampleur avec la mondialisation bien que dans les faits elle existe depuis toujours à travers les rapports Nord/Sud. On parle soit de convergence, de diffusion ou encore de transfert de politiques publiques. Cette dynamique d'expansion des transferts de politiques publiques est imputée à trois facteurs causaux principaux : l'émulation résultant de la concurrence accrue entre les nations du fait de la globalisation économique et financière, les mouvements d'harmonisation dans le cadre de processus d'intégration régionale ou de développement de régimes internationaux et, enfin , l'essor depuis le milieu des années 1990, de programmes internationaux d'aide au développement ou à la transition démocratique centrés sur l'exportation de standards de «bonne gouvernance ».68Ainsi, qu'on parle de greffe, de transplantation, de transfert, le vocable ne modifie pas vraiment la finalité. Selon David Dolowitz et David Marsh il s'agit:

« Du processus par lequel des informations et des savoirs concernant les politiques publiques propres à un système politique (passé ou présent), sont empruntés et utilisées dans le cadre du développement de politiques publiques dans un autre système politique.».69

Ainsi à travers des relations interpersonnelles et inter-organisationnelles, la transplantation cache plusieurs enjeux. Le principe d'import-export de systèmes part des logiques sociales qui sous-tendent la prise de décision au sein du système importateur, avec des répercutions sur les perceptions, les règles et valeurs locales qui y émergent. Par conséquent l'intérêt pour nous repose principalement sur les jeux d'acteurs et sur l'adaptation locale des politiques internationales en matière de développement durable et plus précisément de la conservation de la biodiversité.

Dans les pays du Sud et d'Afrique subsaharienne particulièrement, montré sa conformité avec les règles, les idées et pratiques qui jouissent d'un prestige élevé dans sa communauté de référence, présente de nombreux avantages pour l'importateur. Il lui est plus facile de légitimer son activité en affirmant qu'elle respecte des principes supérieurs (internationaux) autour desquels existe un large consensus. Ces États (Africains) importateurs de politiques occidentalisées tiennent alors à démontrer l'efficacité de chacune de leurs actions à la communauté exportatrice pour avoir des facilités économiques, politiques et diplomatiques.70

Les politiques de conservation des aires protégées en Afrique centrale sont aujourd'hui victimes de cette tendance. Cependant certaines solutions importées comme étant le modèle à standardisé, bien que reproduites à l'identique se heurtent à une inadéquation locale. Chaque organisation est en effet enserrée dans un contexte local particulier et dans un tissu complexe

67 Ibid., p. 331.

68 Thierry Delpeuch, L'Analyse des transferts internationaux de politiques publiques : un état de l'art, Paris, Centre d'étude et de recherches internationales Science Po, 2008, p. 4.

69David Dolowitz, Policy transfer and British Social Policy. Learning from the USA? Buckingham, Philadelphia, Open University, Press, 2000, p. 5.

70 Thierry Delpeuch, Op. cit., 2000, p. 13.

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d'environnements institutionnels enchevêtrés.71Les liens d'interdépendance et d'interactions sont noués. Or les « solutions » transférées doivent être adaptées pour préserver les relations extérieures indispensables à la survie de l'organisation importatrice. De plus, chaque organisation possède ses propres spécificités culturelles et ses propres règles de jeu plus ou moins implicites (savoir-faire tacites, valeurs partagées, représentations sociales, manières de percevoir et d'interpréter les évènements, routines et coutumes constitués au fil du temps, auxquels les membres de l'organisation vouent un attachement superstitieux et qui sont difficiles à infléchir au moyen d'une action délibérée.). Toute chose qui influe nécessairement sur la façon dont les éléments incorporés depuis l'extérieur sont assimilés.

B. CADRE METHODOLOGIQUE

1. La méthode

La méthode est selon Omar Aktouf est :

« La procédure logique d'une science, c'est-à-dire l'ensemble des pratiques particulières qu'elle met en oeuvre pour que le cheminement de ses démonstrations et ses théorisations soient claires, évidentes et irréfutables ».72

Dans cette logique, notre étude sur les enjeux de la conservation de la diversité biologique pour les pays du bassin du Congo entend s'appuyer sur une méthode hypothético-déductive. Les informations analysées dans ce travail seront recueillies à partir de trois outils techniques d'investigation : l'analyse de contenu les entretiens et l'observation directe. Méthode qui sera appuyée par des instruments contemporains comme la photo, un magnétophone de Smartphone et autres supports numériques nécessaire. En effet, l'analyse qualitative n'est pas une invention de la science. Elle est d'abord une faculté de l'esprit cherchant à se relier au monde et à autrui par les divers moyens que lui offrent ses sens, son intelligence et sa conscience73. L'objectif étant d'arriver à obtenir des données qualitatives brutes et contourner les mesures barrières imposées par la pandémie de COVID 19 qui ont eu un impact significatif dans la collecte de nos données.

2. La technique de collecte de données

En sciences sociales, la recherche fait appel à des pratiques bien définies appelées « techniques ». Le choix de la technique dépend de l'objectif poursuivi, lequel est lui-même lié à la méthode de travail. Dans le cadre de notre étude le choix des techniques et méthodes est orienté vers une perception optimale des informations recueillies. Tout en gardant la plus grande subjectivité scientifique, nous avons opté pour l'observation directe et des entretiens ouverts précédés d'une analyse documentaire du sujet.

· L'analyse de contenu

71Ibid., p. 15.

72Omar Aktouf, méthodologie des sciences sociales et approche qualitative des organisations. Une introduction

à la démarche classique et une critique, Montréal : Les presses de l'Université du Québec, 1987, p. 27. 73Pierre Paillé, Alex Mucchielli, L'analyse qualitative en sciences humaines et sociales, Edition Armand Colin,

2012, p. 22.

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Comme son nom l'indique, cette méthode de pré enquête consiste à répertorier et à consulter des documents, les plus spécifiques et les plus spécialisés possibles sur le sujet de la recherche. Nous utiliserons donc les conventions internationales, les registres, les rapports, les publications institutionnelles ou personnelles, les manuels scolaires, les thèses et mémoires, et tous autres documents jugés pertinents comme les documents audio-visuels et MOOC, afin d'en savoir le maximum possible à l'avance sur le problème traité ou sur des problèmes similaires74.

· L'entretien

Aussi appelé interview ou encore entrevue, c'est un rapport oral, en tête à tête, entre deux personnes dont l'une transmet à l'autre des informations sur un sujet prédéterminé. C'est une discussion orientée, un procédé d'investigation utilisant un processus de communication verbale, pour recueillir des informations en relation avec des objectifs fixés. Il existe plusieurs types d'interviews dont on peut faire usage selon les buts visés, l'étape de la recherche, le niveau de profondeur de l'information désirée, le genre d'informations désirées.75Nos entretiens seront de type ouvert. C'est-à-dire la forme d'interview ou le degré de liberté laisse une ouverture à certaines précisions nécessaires pour le traitement d'un sujet sensible comme le braconnage à titre d'exemple. Il s'agira essentiellement dans notre cas d'étude de causeries enregistrées à l'aide d'un smartphone. Toutefois, précisons que nos interviews obéissent à une logique scientifique et une approche systémique. Aussi, les enregistrements cités dans nos travaux respectent les thématiques propres à notre thème de recherche et les normes juridiques en matière de protections des droits des personnes interviewées. L'objectif de l'utilisation de cette technique est la vérification de points précis qui pourraient être dénaturés dans le cas d'un entretien classique.76

· L'observation directe

Cette méthode repose sur le fait de rapporter exactement le comportement observé, avec le moins d'interprétations possibles. Il s'agit ainsi de décrire une séquence de comportements de façon narrative. Les mots utilisés doivent permettre de distinguer ce qui a été observé. En effet les sciences sociales sont des disciplines d'observation de la vie sociale. Malheureusement les chercheurs de ces disciplines n'observent parfois qu'à travers la médiation de documents ou d'instruments plus ou moins élaborés. Plutôt que de se limiter à des questionnaires standardisés, notre travail envisage une immersion dans le fait social à étudier.

Pour Anne-Marie Arborio, l'observation directe est :

«Le seul moyen d'accéder à certaines pratiques : lorsque celles-ci ne viennent pas à la conscience des acteurs, sont trop difficiles à verbaliser ou au contraire, font l'objet de

74 Ibid., p. 103.

75 Ibid., p. 87.

76 Ibid., p. 89.

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discours préconstruits visant au contrôle de la représentation de soi, ou lorsque celles-ci ont le souci de dissimuler certaines pratiques».77

C'est dans cet état d'esprit que nous avons effectué successivement un stage académique de 03 mois au parc national du Mpem et Djim (Cameroun) entre janvier et avril 2021 et un stage d'insertion professionnelle de 06 mois au parc nationale de Lobéké (transfrontalier à la RCA et le Congo Brazzaville).

Pour mieux saisir cette observation directe et contourner les mesures barrières imposées par la COVID-19 au moment de nos travaux de terrain, nous avons donné une place importante aux photos. Les photos participent de notre démarche d'investigation visant à retranscrire de la manière la plus fidèle possible les faits observés sur le terrain et les résultats de nos travaux.

C. ANNONCE DU PLAN

Aucun architecte n'entreprend la construction d'une maison sans en avoir les plans détaillés, cohérents, avec des notes précises.78Ainsi notre travail sera axé sur les parties suivantes :

PARTIE I : Le contexte mitige de la conservation de la biodiversité dans le bassin du Congo PARTIE II : PARTIE II : Les Enjeux Contemporains De La Conservation De La Biodiversité Face Au Développement Durable Dans Le Bassin Du Congo.

77Anne Marie Arborio, « L'observation directe en sociologie : quelques réflexions méthodologiques à propos de

travaux de recherches sur le terrain hospitalier », recherche en soins infirmiers, Numéro 90, 2007, p. 26. 78Michel Beaud, « L'art de la thèse : comment préparer et rédiger un mémoire de master, une thèse de doctorat

ou tout autre travail universitaire à l'ère du Net. », Paris, La découverte, 2006, p. 48.

PARTIE I : LE CONTEXTE MITIGE DE LA
CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE DANS LE
BASSIN DU CONGO

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Les enjeux de la conservation de la biodiversité sont aujourd'hui légions. Allant de la déforestation au braconnage, en passant par les changements climatiques et plusieurs autres phénomènes socio-anthropologiques parallèles comme les famines, les conflits, les déplacements ; qui rendent ces enjeux de plus en plus complexes à gérer pour les conservateurs. Comme nous le savons déjà, les activités anthropiques sont au coeur de la disparition de nombreuses espèces. C'est ce que continuent de marteler les institutions et organisations internationales de recherche environnementale comme l'IPBES, la CITES, l'UICN, le WWF, la GIZ et bien d'autres. Si la communauté internationale semble se saisir du problème au travers des conventions internationales, dans le bassin du Congo de nombreux efforts restent à faire. Cette prise de conscience est à l'origine de la mise en place d'un cadre légal international appliqué à la protection de la biodiversité et la création d'aires protégées comme le parc national de Lobéké au Cameroun (Patrimoine mondial de l'UNESCO). Cependant, un constat mitigé est observé à ce jour.

Sur le plan hiérarchique, la conservation de la biodiversité au Cameroun est orientée par des instruments internationaux et régionaux pertinents ayants fait l'objet de ratifications par l'État du Cameroun. Le rôle des institutions comme la COMIFAC au plan sous régional est plus que jamais décisif dans l'absorption des conventions internationales au niveau local. Un diagnostic de l'état des lieux de la conservation de la biodiversité dans cette sous-région déjà instable économiquement et politiquement nous fait comprendre que des opportunités d'amélioration des conditions socio-anthropologiques des populations existent. Aussi, l'encadrement normatif et institutionnel appliqué à la gestion des forêts du bassin du Congo bien qu'étant assez important nécessite une meilleure appropriation locale.

Dans cette partie de notre travail, nous ferons un état des lieux non exhaustif des politiques de conservation de la biodiversité dans le bassin du Congo (Chapitre 1) et par la suite nous aborderons les liens de causalité entre les politiques internationales et la conservation de la biodiversité dans la sous-région (Chapitre 2).

CHAPITRE I :

LES POLITIQUES DE CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE DANS LE BASSIN DU CONGO

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Des milliers d'espèces animales disparaissent depuis des années. Des animaux qui jadis parcouraient la terre disparaissent de la planète à un rythme alarmant. Les forêts, leur habitat naturel font l'objet de convoitises et de surexploitations humaines de plus en plus irréversibles. Les changements climatiques et la perte de la biodiversité occasionnent des tensions qui se transforment peu à peu en conflits dans des zones déjà politiquement et économiquement instables comme le Bassin du Congo. Les scientifiques estiment que le taux actuel d'extinction des animaux est mille fois plus élevé que ce qu'il devait être79. Cette tendance régressive des populations fauniques contraste avec la multitude de conventions, d'organes et textes qui encadrent pourtant les politiques de conservation de la biodiversité. Les principales causes de cet état de fait sont attribuées aux activités anthropiques comme l'agriculture, l'urbanisation incontrôlée, la déforestation excessive mais aussi en amont aux politiques internationales de conservation pas toujours adaptées au contexte local.

Ce chapitre se propose de jeter un regard sur la situation politique actuelle de la conservation de la biodiversité dans le bassin du Congo. À cet effet, nous tenterons de parcourir et diagnostiquer des problématiques d'actualité telles que les conflits hommes-faune, les changements climatiques, la gestion communautaire des revenus des forêts, etc.

Pour rappel de notre posture réflexive, la biodiversité fait l'objet d'attaques tous azimuts tandis que les besoins anthropiques croissent. La Section (1) fera un état des lieux des politiques sous régionales de gestion des forêts du bassin du Congo et la Section (2) présentera un modèle de gestion décentralisée des forêts déjà fonctionnel au Cameroun.

SECTION I : L'ÉTAT DES LIEUX DE LA GESTION DES FORÊTS DU BASSIN DU

CONGO

Le bassin du Congo c'est d'abord et avant tout une immense forêt tropicale continue sur plusieurs États. Son rôle dans la séquestration du carbone au niveau planétaire n'est plus à démontrer. Bien que des reformes légales et politiques dans la gestion des revenus issus de sa gestion fassent encore l'objet de revendications locales. En effet, les politiques de gouvernance des forêts et de la conservation de la biodiversité au niveau national sont étroitement liées aux politiques internationales. Les enjeux et jeux d'acteurs liés à la conservation de sa diversité biologique nécessitent une vue globale et systémique. Ces politiques, ces acteurs et leurs effets directs et indirects voir stratégiques ont des impacts induits conséquents.

79NicolasNamba « S'unir pour la sauvegarde de la faune sauvage »,Ejournal USA, Département d'État des États-Unis, volume 17/Numéro 2, Avant-propos, 2012, p. 13.

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Dans cette section, nous ferons premièrement un état commenté des politiques de gestion des forêts du bassin du Congo (Paragraphe I) et par la suite nous mettrons en lumière l'une des conséquences du mode de gestion actuel : les conflits HH et HGS (Paragraphe II).

PARAGRAPHE I : LES POLITIQUES DE GESTION DES FORÊTS DU BASSIN DU CONGO

D'après Ongolo et Badoux. « Dans les arènes internationales de gouvernance environnementale, la quête du « bon » usage des forêts tropicales oscille entre exploitation raisonnée de ces ressources naturelles et préservation de portions plus ou moins importantes de ces espaces. » 80

Dans ce paragraphe nous observerons la politique socio-environnementale du bassin du Congo (A) et sa gestion complexe en tant que « bien commun » (B).

A. LA POLITIQUE SOCIO-ENVIRONNEMENTALE DU BASSIN DU CONGO 1. Le partenariat pour les forêts du bassin du Congo (PFBC)

Les forêts du bassin du Congo offrent des moyens de subsistance à 60 millions de personnes qui vivent ou résident à proximité (nourriture, pharmacopée, combustibles, fibres, produits forestiers non ligneux). Elles remplissent aussi des fonctions sociales et culturelles. Ces forêts contribuent plus indirectement à alimenter les 40 millions de personnes qui vivent dans les centres urbains proches de ces domaines forestiers81. L'état de cette forêt affecte le bien être de millions de personnes, influe sur le climat régional et mondial et sur la biodiversité. Ces rôles essentiels sont pris en compte par les accords multilatéraux sur l'environnement tels que la convention - cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Les politiques de réduction des émissions de GES dues à la déforestation et la dégradation des forêts (REDD+) qui reconnaissent le rôle des forêts dans le cycle du carbone. Pour la convention sur la diversité biologique (CDB), la perte d'habitats forestiers est une cause majeure de la baisse de la diversité biologique. Ces problématiques sont transférées par la suite aux institutions sous régionaux tels que le partenariat pour les forêts du bassin du Congo (PFBC).

Le partenariat pour les forêts du bassin du Congo (PFBC) a été institué dans le but de conserver cette riche biodiversité d'Afrique centrale dans une perspective de développement durable. Il s'agit d'un partenariat non contraignant ayant pour objectif de promouvoir une bonne gouvernance de ces forêts. La protection des forêts du bassin du Congo a été ainsi placée au coeur, non seulement des politiques nationales, mais aussi des travaux du sommet de Johannesburg en 2002 en marge duquel le partenariat pour les forêts du bassin du Congo a été signé.

Pour la sous-région, le PFBC devrait anticiper sur les politiques et le cadre juridique de conservation des forêts du bassin du Congo. Sur le plan politique et géostratégique ces

80Symphorien Ongolo et Miriam Badoux, « Gouverner par la ruse : l'État camerounais face aux exigences internationales de conservation de la biodiversité », in Daniel et al., Les politiques de biodiversité, Paris, Presses de science Po, 2017, p. 4.

81CarlosWasseige, J., Flynn,Louppe, D., HiolHiol, F., P., Mayaux, Les forêts du bassin du Congo - État des forêts, Weyrich. Belgique, 2013, p. 21.

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forêts sont au coeur des enjeux majeurs non seulement pour les pays de la sous-région, mais aussi pour ceux du monde82. Compte tenu de leur importance au regard des grands problèmes environnementaux contemporains, les enjeux sociaux, économiques, scientifiques, politiques, juridiques, autour du bassin du Congo sont au coeur des débats.

Toutefois, la diversité des acteurs impliqués qui est une des caractéristiques de ce complexe forestier suscite des interrogations sur le mécanisme juridique accompagnant tous leurs efforts, dans la mesure où l'association de ces partenaires aux statuts juridiques différents nécessiterait préalablement un cadre juridique qui détermine les droits et obligations de chaque associé83. En effet, nous avons à ce jour 52 membres que sont les gouvernements, des organisations internationales, des ONG et groupes de recherches ou relevant du secteur privé ; qui doivent conjuguer des efforts afin d'arriver aux objectifs assignés au partenariat. Par conséquent « Ce partenariat devrait disposer de personnel permanent et ne pas juste servir de courroie de transmission entre les bailleurs de fonds et organismes d'exécutions ou de forum de dialogue entre partenaires ».84

Remettre en question le rôle politique et stratégique de certains partenaires techniques dans la vision globale de la conservation de la biodiversité du bassin du Congo ne devrait pas être perçu comme une sortie de ligne pour un pays comme le Cameroun. En effet, le Cameroun occupe une place centrale dans les jeux de pouvoir de la sous-région et devrait pouvoir contribuer à infléchir l'autoritarisme occidental observé dans cet immense réservoir de ressources naturelles. Par exemple, le Cameroun par sa position géographique et politique dans la sous-région devrait s'orienter vers une coopération scientifique sous régionale pour répondre aux problèmes rencontrés dans la gouvernance des forêts.

2. Le modèle participatif du PNL

Le parc national de Lobéké (PNL) à l'extrême Sud-est du Cameroun, à la frontière avec le Congo Brazzaville et la RCA offre un bon exemple d'intégration des politiques de conservation endogénéisées. Les modèles de gestion communautaire des revenus de l'exploitation forestière dans le TNS (Tri National de la Sangha) avec les populations locales et autochtones comme les pygmées Baka sont aujourd'hui largement valorisés dans d'autres aires protégées en Afrique centrale. Avec l'appui de nombreux partenaires techniques et financiers comme le WWF et la GIZ, l'État du Cameroun fait preuve de réalisme en créant un environnement institutionnel favorable à une gestion des conflits sous-jacents à la gestion des revenus tout en valorisant les savoirs locaux. Toutefois, il est important d'accentuer la communication sur ces modèles qui portent déjà des fruits.

En effet, à cause de la faible fertilité des sols pour l'agriculture et la faible productivité dans certaines zones, des changements climatiques, la croissance démographique et des complications foncières ; les populations de la grande partie du Bassin du Congo pénètrent consciemment dans les aires protégées. Leur attachement culturel et économique à la forêt fait qu'elles continuent à l'utiliser, dans leurs usages quotidiens et pour leur subsistance, les

82Jean Paul Segihobe Bigira, Partenariat pour les forêts du bassin du Congo et développement durable : à l'épreuve des enjeux, Academia-l'harmattan, 2012, p. 12.

83Ibid., p. 23.

84Idem.

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produits forestiers ligneux et non ligneux parmi lesquels le bois, les fibres, les feuilles, les cordes et ficelles, le fourrage, les produits de décoration, les gommes, les résines et latex, la viande de brousse, les épices, les champignons, le miel, les fruits , les noix, les légumes, etc. Toutes ces ressources font l'objet de convoitise de la part des pays voisins mais aussi de la planète entière.

B. Le bassin du Congo : Un « bien commun » à gestion complexe 1. La notion de « bien commun »

Pour le jeune spécialiste des relations internationales, la tâche est rude quand il s'agit d'aborder les enjeux de la forêt du bassin du Congo. Depuis trente ans, il est de bon ton dans le courant dominant de la discipline de montrer que, là où surgit une question d'intérêt mondial, là se crée un « régime » : « ensemble de règles, de principes, de procédures, de mécanismes de prise de décision autour desquels convergent les attentes des acteurs », selon la formule canonique85. Le modèle d'analyse étant celui de l'action collective et l'idéologie celle du choix rationnel. Mais que se passe-t-il lorsque les États refusent de s'engager à coopérer dans un texte obligatoire ? Lorsque sur le terrain, la corruption, l'abattage illégal, la fraude et le braconnage dominent ? Lorsque, du point de vue scientifique et technique, l'information n'est pas sûre ou manipulée. Les experts ne sont pas d'accord. Aucune communauté de savoir ne s'impose sur la réelle démarche à suivre.

Privé de ses repères familiers, l'internationaliste du courant dominant est démuni. Il se réfugie dans la glose et tourne en rond. Il n'est d'ailleurs pas le seul. Les bilans dressés par les grandes organisations internationales sur les politiques forestières sont une longue suite de lamentations sur le sort incertain des forêts et de mea culpa pour les stratégies erronées.

Ici, ce sont les systèmes d'interaction construis à tous les niveaux autour des multiples fonctions de la forêt qu'il convient de décortiquer en préalable à toute action politique pour que se révèlent les mécanismes d'échange et négociation, les liens de dépendance coloniale, les stratégies économiques et scientifiques contribuant à l'exploitation abusive de ces ressources.86 En clair, depuis la fin des années quatre-vingt, la notion de commons a tout envahi87.

Lorsque la notion de « Bien commun » a été introduite dans la discussion internationale sur les forêts et sur la biodiversité en préparation de la conférence de Rio (1992), elle avait déjà des implications différentes selon les thèmes et selon les acteurs. Pour les organisations de défense de l'environnement des pays du Nord, il s'agissait de faire connaitre les forêts tropicales humides, principal réservoir de richesse biologique, comme des sites relevant d'un patrimoine commun à tous. Un régime supranational de protection de l'environnement se serait superposé à la souveraineté territoriale. Les pays tropicaux seraient devenus des gardiens de leurs propres forêts, responsables passifs d'une ressource appartenant à l'humanité. L'idée de bien commun était clairement au service d'un objectif de préservation pour le bien commun. Comme on pouvait s'y attendre, les grand pays de forêt tropicale

85Marie ClaudeSmouts, « Un monde sans bois ni lois. La déforestation des pays tropicaux », In: Critique internationale, vol. 9, Politiques de la biosphère. 2000, p. 3.

86 Ibid., p. 3.

87 Ibid., p. 4.

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dénoncèrent vigoureusement ce nouvel impérialisme écologique bien mal masqué et s'opposèrent à toute introduction de la notion de bien commun dans les textes relatifs aux forêts.

De leur côté, les pays industrialisés s'intéressaient, eux, à la dimension « libre accès » de la notion de bien commun. Au nom de la préservation de la biodiversité, patrimoine commun de l'humanité, il s'agissait pour eux d'assurer à leurs groupes pharmaceutiques et à leurs laboratoires de recherche un accès continu aux richesses biologiques et ressources génétiques se trouvant dans les pays tropicaux88. À Rio, les pays du Sud réussirent à faire reconnaitre leur souveraineté sur leurs ressources. Le paradoxe de tout ceci est que la notion de bien commun a favorisé de facto le pillage des savoirs locaux, notamment dans le domaine de la pharmacopée traditionnelle89, la musique, la sculpture, ainsi que la privatisation accélérée de la biodiversité mondiale par le biais des brevets et droits de propriété intellectuelle sur les ressources génétiques ; terrain sur lequel s'est rapidement déplacé l'essentiel de la discussion internationale.

Dans le domaine de la forêt et de la conservation de la biodiversité, l'invocation du bien commun sert avant tout à légitimer l'intervention extérieure au nom des intérêts supérieurs de l'humanité dans les domaines relevant de la souveraineté territoriale des États. Exactement comme l'obligation de protéger les droits de l'homme a permis l'invasion de la Lybie en 2011. Si les pays du Sud s'opposent le plus souvent à son usage, ils y recourent parfois aussi pour souligner qu'il n'y a pas de raison de traiter à part les forêts tropicales et que, si organisation et conventions mondiales il doit y avoir, celles-ci doivent appliquer les mêmes exigences et les mêmes contrôles à tous les types de forêts, notamment celles du Canada et des États-Unis. Pratiquement, la notion de Commons n'a pas de pertinence pour la protection des forêts. Juridiquement, elle n'est pas nécessaire.90Ce que les forêts offrent de « Commun » à l'échelle planétaire, ce sont les externalités, positives ou négatives, dont la responsabilité incombe entièrement à l'État territoriale et donc aux populations locales. Sur ce point, la déclaration de Stockholm (1972) et celle de Rio (1992) sont identiques et très claires :

« Conformément à la charte des nations unies et aux principes du droit international, les États ont le droit souverain d'exploiter leurs ressources propres selon leur politique d'environnement et de développement, et ils ont le devoir de faire en sorte que les activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle ne causent pas de dommage à l'environnement dans d'autres États ou dans des zones ne relevant d'aucune juridiction nationale ».91

2. Le bassin du Congo comme bien multifonctionnel

L'une des particularités de la forêt par rapport à d'autres ressources, est en effet son caractère multifonctionnel. Dépositaire de culture, de symboles, d'émotions esthétiques ; réservoir de la diversité des espèces ; réserve foncière ; régulatrice de l'écologie ; productrice

88Idem.

89Les savoirs traditionnels des pygmées autre fois secrets sont aujourd'hui exploités en laboratoire par des

grandes firmes internationales sous le couvert d'ONG sensées les protégés.

90Ibid., p. 5.

91Ibid., p. 6.

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de bois (matériau, combustible), de gibier, de fourrage, de fruits et autres produits. La forêt est ressource et milieu, produit de base et abri.

Comment hiérarchiser au niveau mondial l'utilité respective de ces fonctions ? Et comment définir le groupe des usagers ? Au simple niveau local, ces questions soulèvent déjà des problèmes redoutables92. Rien n'est donné, tout est à construire pour les pays du bassin du Congo. Par exemple, le périmètre de forêt gérée en commun est à délimiter. Le groupe de ses usagers est à définir. Les intérêts sont divers, les droits se chevauchent et sont en compétition. Lorsqu'on parle de forêt communautaire au Cameroun par exemple, on a beaucoup de mal à expliquer de quelle communauté il s'agit. Le village ? Combien de villages ? Les familles ? Combien de familles ? Et que fait-on des Églises, qui s'en mêlent un peu partout en Afrique subsaharienne ? Des municipalités et autres collectivités territoriales décentralisées? La gestion d'une forêt est donc d'abord la gestion de conflits sociaux, conflits d'intérêt, conflit de légitimité.

Sur un point au moins, un consensus se fait. Associations d'exploitants, écologistes, organisations internationales, se rejoignent pour estimer que l'abattage illégal, la production et le transport illicites des produits forestiers sont l'un des grands fléaux de la forêt tropical du bassin du Congo. Certaines ressources fauniques en particulier sont aujourd'hui menacées d'extinction par des réseaux clandestins de chasse et le braconnage. C'est le cas des grands singes comme le chimpanzé ; notre plus proche cousin d'après la théorie de l'évolution humaine.

PARAGRAPHE II: LES CONFLITS HOMME/HOMME (HH) ET HOMME/ GRANDS SINGE (HGS)

D'après le professeur Yves Paul Mandjem93, « La sécurité est une valeur essentielle et suprême de toute société »94.

La sécurité humaine est aujourd'hui au centre des préoccupations mondiales en raison des effets de la COVID-19. Cette assertion du professeur spécialiste de la résolution pacifique des conflits et des questions de sécurité en Afrique trouve tout son sens en périphérie de la grande majorité des aires protégées du bassin du Congo.

Dans ce paragraphe nous observerons l'état actuel des conflits homme/homme (A) et celui des conflits homme/grands singes (B) en périphérie de certaines aires protégées au Cameroun.

A. Les conflits homme/homme (CHH) 1. C'est quoi un conflit ?

92Christophe Gauchon, « Conclusion - Des causes du conflit aux conditions de l'acceptation. » In: Collection EDYTEM. Cahiers de géographie, numéro 10, Espaces protégés, acceptation sociale et conflits environnementaux, 2010, p. 8.

93Le Pr. Yves Paul Mandjem, notre encadreur est major CAMES et directeur de la coopération à l'Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC).

94 Yves Paul Mandjem, /KAS, « Les offres et espaces alternatifs de production de la sécurité en Afrique de l'ouest et centrale : Étude des marginalités, informalités et complémentarités locales à l'action des forces de défense et sécurité (FDS) », ABESS, no 1 (03), 2021, p. 1.

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Alors qu'appelle-t-on précisément un conflit? On peut définir un conflit comme un désaccord qui se traduit par un antagonisme suffisamment conflictogène et durable pour qu'il en vienne à structurer la position et le jeu des acteurs. Cette définition ne ferme pas sur un type de conflit en particulier ni sur ses modalités, ne préjuge pas de sa cause (ou de ses causes) ni de son issue(ou de l'impossibilité d'une issue). Mais la durée et le caractère structurant du conflit apparaissent comme deux éléments centraux du conflit, et ils expliquent que sa résolution parfois difficile puisse nécessiter l'intercession ou la médiation d'un tiers.

J. Freud, dans sa Sociologie du conflit (1983), n'envisageait pas le cas des conflits environnementaux, mais il était très clair sur le fait que le conflit incorpore nécessairement une composante de violence : « Le recours à la violence, même s'il n'a pas lieu et qu'il reste à l'état de menace, est inséparable de la substance même du conflit ».

Parfois le conflit nait réellement des enjeux de l'espace à protéger, mais il arrive aussi que l'hostilité vienne d'une sorte de transfert politique incompatible depuis un autre système. Les causes de ces conflits sont assurément multiples, et dépendent tout autant du contexte que des outils de protection mis en oeuvre et des enjeux identifiés. Par exemple, Au Cameroun, les revendications pour l'implication des populations Baka (en périphérie du parc national de Lobéké) dans les prises de décision et la gestion communautaire du parc ont été à l'origine des premiers accords signés entre le service de la conservation nationale et une organisation de la société civile (OSC) typiquement autochtone.

ASBABUK (Association Sanguia Baka Buma'a Kpode) est née de cette dynamique. Cependant, dans de nombreux parcs nationaux du bassin du Congo, la gestion des conflits homme/homme exige encore une mise à niveau des stratégies de gestion des enjeux coutumiers, juridiques et socio-anthropologiques qui gravitent autour de ces conflits.

2. Les conflits d'intérêt

Paradoxalement, au niveau de certaines aires protégées, la reconnaissance des droits des populations riveraines par les institutions internationales, a coïncidée avec l'augmentation des cas d'abus par les personnels de la conservation et parfois des maltraitances physiques. Les écogardes qui reçoivent une formation paramilitaire (sans en jouir totalement) doivent désormais combiner d'autres aptitudes pas toujours à leur disposition pour arriver à gérer les conflits en gestation. Ces écogardes portent des armes mais reçoivent très souvent à peine quelques jours de tirs. En face, les « Braconniers » par exemple le long de la frontière Est du Cameroun, sont souvent des anciens militaires qui se sont réfugié dans les forêts. Forêts pleines de ressources naturelles des aires protégées transfrontalières du Cameroun, Gabon, Congo, RCA, les deux Congo et le Rwanda principalement.

Certaines sociétés forestières dans ces zones font face à des enlèvements, des brigandages, voire des véritables mafias organisées et cachées sous l'appellation de `braconniers', se fondant très souvent dans la population locale. La présence de ces anciens militaires à la recherche d'ivoires d'éléphants, de peaux de panthères et autres trésors de chasses qui se vendent très bien dans les marchés noirs d'Asie et d'Europe principalement, trouble profondément la quiétude des populations depuis des décennies.

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Au Cameroun, il est important ici de savoir que les premiers colons français et allemands avaient introduit la chasse de loisir dans le paysage forestier et à la suite des indépendances dans les années 1960 le système politique français d'exploitation des ressources naturelles a continué d'être reproduit. En réponse à ce paradigme, l'implication des populations locales dans les processus de décision participe aujourd'hui de la volonté de l'État du Cameroun d'adopter une gestion communautaire des ressources naturelles dans et autour des aires protégées tout en respectant les accords internationaux.

Bien qu'une tendance à une conservation plus communautaire s'observe de plus en plus autour de certaines aires protégées au Cameroun comme au parc national de Lobéké, l'intégration de ces populations locales à toutes les étapes du processus reste complexe en raison de la divergence des enjeux. Par exemple, les réfugiés (RCA) et déplacés climatiques (Adamaoua/ Cameroun) sont aujourd'hui une entité importante à considérer dans la résolution des conflits socio-environnementaux dans le bassin du Congo. Selon qu'on se trouve dans une zone plus ou moins chaude, riche ou non en ressources naturelles, la tension peut très vite monté.

Au parc national du Mpem et Djim (Cameroun), situé dans la région du Centre, département du Mbam et Kim, le service de la conservation doit faire face à de nombreuses vagues de troupeaux de boeufs en provenance de la région de l'Adamaoua. Face aux effets des changements climatiques, ces bergers nomades culturellement, se retrouvent à l'intérieur du parc par besoin vital (nourriture et abreuver leurs bêtes et leurs familles qui en dépendent très souvent totalement). L'agressivité de la sécheresse plus au nord leur fait courir le risque d'aller jusqu'au coeur du parc et de se faire attaquer eux et leurs biens par des animaux sauvages (lions, buffles, serpents, etc.), mais aussi par des braconniers souvent installés dans le parc95. S'il n'est nullement question ici de céder le pas à une quelconque « induction utilitariste96 », il nous semble ici important de questionner le sens donner aux aires protégées dans le bassin du Congo. En clair, il est question pour nous ici de savoir par qui et pour qui sont mis en place ces espaces protégés. Si les enjeux sécuritaires et stratégiques qui en découlent semblent encore minimisés par les politiques sous régionales, les effets sur les espaces naturels eux sont déjà perceptibles.

Figure 2 : Patrouille de refoulement au parc national du Mpem et Djim. Source : Bohin, 2021.

95Bohin Bakeleki, J.M, « Rapport de stage académique effectué au parc national du Mpem et Djim », Ntui, MINFOF, 2021, p. 15.

96Joël Trésor NYONKA'A, Politique étrangère et diplomatie camerounaise (1982-2002) : évaluation de la

politique étrangère d'un Etat africain, Thèse de doctorat en relations internationales, IRIC, 2021, p. 30.

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Figure 3 : Visite au domicile de Mr Jacques Vivien1 au milieu avec Mr Osiris Ndoumbe1 à
sa droite et le Col. Bisseck1 . Source : Bohin, janvier 2021.

Au parc national du Mpem et Djim (Cameroun) la saison sèche rime avec de nombreuses vagues de troupeaux de boeufs en quête de pâturage dans le parc. Les nombreuses patrouilles de sensibilisation et opérations « coup de poing »97 parfois à l'aide de drones ont été faites sans grand changement dans les zones de forte pénétration anthropique. Entrainant la perte continue de nombreuses espèces protégées comme le Chimpanzé (Classe A) dont les photos des nids sont visibles au parc national du Mpem et Djim mais dont l'observation en milieu naturel relève de l'exploit.

Parmi les nombreuses espèces protégées de la liste rouge de l'UICN (Union Internationale pour la conservation de la Nature), le gorille et le chimpanzé sont en danger d'extinction dans certaines zones. Le parc national du Mpem et Djim, grâce à l'ouvrage« Mammifères sauvages du Cameroun » de Mr Jacques Vivien, a pu répertorier des nids de chimpanzé bien que l'animal lui-même soit devenu difficile à observer même à l'aide de camera-traps. D'après les théoriciens de l'évolution humaine comme Charles Darwin, le chimpanzé serait pourtant notre plus proche cousin génétique. Mais pour bien de raisons humanoïdes comme la curiosité, l'exotisme, les expériences scientifiques sur ses semblables, ce mammifère de nature calme et affectueuse au contact de l'homme a fini par se retrouvé au coeur de nombreux conflits.

B. Les conflits homme / grands singes (CHGS) : Cas du Chimpanzé 1. Pourquoi le singe ?

Les populations de tous les grands singes ont diminué au cours des dernières décennies en raison principalement de la perte de leur habitat, des maladies, de la chasse, du commerce de viande de brousse mais également du commerce d'animaux de compagnie ; commerce qui peut entrainer la mort d'adultes au moment de la capture. La situation est telle que tous les grands singes sont inscrits sur la liste rouge de l'UICN. Les enjeux de conservation, autour de ces animaux sont primordiaux et de nombreuses mesures ont été prises pour enrayer cette

97 Appellation donnée par les écogardes aux missions musclées de lutte anti braconnage (LAB), missions très souvent planifiées dans le plus grand secret par l'unité de surveillance pour éviter toute fuite en interne et faire des saisies importantes de gibiers, d'armes de chasse proscrites, et se terminent généralement par des arrestation spectaculaires. La chasse des lions étant au coeur des activités de chasse dans cette région depuis la période coloniale, certains jeunes s'improvisent guides et chasseurs professionnels pour des safaris et des groupes hôteliers occidentaux.

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triste dynamique. À l'échelle internationale notamment, les gouvernements ont ratifié l'Accord pour la conservation des gorilles et de leurs habitats (Accord Gorille), entré en vigueur en 2008. Hors initiatives gouvernementales, des programmes de protection ont également été créés, supervisés par les organisations internationales comme l'UICN98.

D' après l'UICN (2005), les conflits homme-faune surviennent lorsque les besoins élémentaires de la faune contrarient ceux des humains, ce qui engendre des conséquences négatives à la fois pour les communautés et les animaux99. Cependant lorsque les besoins primaires des humains (se nourrir, se vêtir, se soigner, construire une maison) contrarient ceux de la faune il en résulte le braconnage, déforestation et la pollution. Du point de vue de la faune, la sous-région abrite des animaux emblématiques, parmi lesquels des grands singes comme le gorille, le bonobo, les babouins, chimpanzé, etc. On y trouve les plus importantes populations existantes, appartenant aux genres Pan (chimpanzés et bonobo) et gorilla (gorilles).

Au Cameroun, en 1999, se tenaient des assises sur la lutte anti- braconnage. À l'issue de ces assises, une stratégie nationale de lutte anti braconnage100 a vu le jour ainsi qu'un comité national anti braconnage en août 1999. Les réalisations concrètes de ce comité se font encore attendre. Avec le déficit de financement, le manque de personnel qualifié sur le terrain, le manque d'équipement pour les patrouilles, ce comité national a disparu ; seules les délégations départementales demeurent et tentent de maintenir les comités régionaux. En janvier 2008, le niveau de braconnage était inquiétant et estimé par le nombre particulièrement important de camps de braconniers et de carcasses animales retrouvées par les équipes d'écogardes. En 2010, les espèces les plus braconnées au parc national du Mpem et Djim ont été les cobes de Defassa, les cobes de Buffon, le babouin. Elles sont principalement consommées comme viande de brousse101.

2. Le chimpanzé

Les chimpanzés forment un genre de singe appartenant à la famille des hominidés. Ce genre comprend deux espèces : le chimpanzé commun et le chimpanzé nain, plus connu sous le nom de bonobo. Ces hominidés d'Afrique équatoriale sont les animaux génétiquement les plus proches de l'espèce humaine. La répartition géographique du chimpanzé commun s'étend de la guinée aux lacs Tanganyika et victoria. Identifier tardivement comme espèce à part entière, le bonobo quant à lui ne se trouve que dans le bassin oriental du fleuve Congo, en république démocratique du Congo. Dans des zones politiquement instables où les acteurs de la conservation de la biodiversité tout comme les singes sont l'objet d'attaques armées, où les programmes de protection des singes cachent quelques fois des programmes d'essaies de vaccins ou d'armes bactériologiques et chimiques.

Ces deux espèces de singes présentent des traits physiques, affectifs, mentaux, de même que des comportements relationnels et sociaux, particulièrement remarquables pour l'être

98 OFAC, EDAP, 2020, p. 40.

99 Antoine justinEyebe,Guy Patrick Dkamela, Dominique Endamana,Op. cit., p.4.

100Stratégie nationale de lutte anti braconnage qui n'incluait pas encore la prise en compte des savoirs et techniques locales de chasse pour une optimisation de la lutte anti braconnage. Lutte qui dans sa forme essentiellement répressive actuelle engendre des conflits tous azimuts.

101« Évaluation protection de la biodiversité - Cameroun », in planète Urgence - Nous vous aidons à agir, p.102.

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humain dans leur similitude ou parfois dans leur différence. Pour cette raison, elles sont des sujets privilégies d'étude scientifique avec en arrière-plan l'énigme de la nature humaine et de son évolution. Le chimpanzé et le bonobo en particulier sont menacés d'extinction du fait essentiellement de l'activité humaine : destruction de leur habitat, chasse, guerre, etc. Paradoxalement, le chimpanzé a contribué à l'aventure scientifique et technologique du XXème siècle.

En 1961, envoyé à bord d'une capsule spatiale américaine, le chimpanzé Ham précède de quelques mois le cosmonaute soviétique Youri Gagarine dans l'espace. De par sa proximité génétique avec l'humain, le chimpanzé a aussi souvent été utilisé comme modèle dans les domaines médicaux et scientifiques. La prise de conscience publique et l'évolution des pratiques en laboratoire ont toutefois largement réduit son utilisation à des fins d'expérimentation. Depuis 2001, les chimpanzés font l'objet d'un programme de protection dans le cadre du programme des nations unies pour l'environnement (PNUE). Devant ce constat de conflit face à notre plus `proche cousin', le milieu de la recherche s'est tourné vers les questions d'éthique, de santé globale (Approche One Health) et l'apport des nouvelles technologies dans la gestion des AP.102

Le chimpanzé considéré à juste titre comme le plus proche cousin génétique de l'homme avec 98% de gènes en commun, est un des rares animaux capable de se servir d'outils et d'utiliser des plantes pour se soigner. Ces savoirs lui ont valu une place importante dans la culture des peuples des forêts du bassin du Congo comme les pygmées Baka, mais aussi une chasse effrénée des occidentaux pour la science, des asiatiques avides d'exotisme et quelques africanistes pour sa chaire qui d'après certaines représentations locales aurait des pouvoirs mystiques.

Les tous premiers travaux internationaux sur les primates dans le bassin du Congo se sont focalisé sur le chimpanzé et ont fait naitre de nombreux programmes visant sa protection intégrale. Créant des stratégies de gouvernance sous régionales, des outils politiques et institutionnels qui s'appliquent aujourd'hui à de nombreuses autres espèces classées A103. Bien que la gestion de la faune soit assez problématique pour les gestionnaires des forêts dans le bassin du Congo, des modèles participatifs, inclusifs, communautaires et décentralisés prennent forme au Cameroun.

SECTION II : L'EXEMPLE DE LA GESTION DECENTRALISEE DES FORÊTS AU

CAMEROUN

L'applicabilité et le transfert des différents accords et conventions internationales liées à la conservation de la biodiversité dans le bassin du Congo se heurte dans la majorité des États membres à une inadéquation législative, une insuffisance dans la contextualisation locale, la volonté politique pas toujours claire, etc. Dans le contexte Camerounais, on peut observer que les textes de lois relatifs à la gestion décentralisée et communautaire des forêts et

102Cyrille Leonel Zela Demelon, « Conflits homme - grands singes dans la zone périphérique du parc national de Lobéké », Mémoire de master en foresterie, Université de Dchang, 2021, p. 72.

103 La classe A est celle d'après la liste rouge de l'UICN qui correspond au niveau le plus élevé de protection. C'est le cas du lion, de l'éléphant, du gorille, du pangolin géant, de la panthère, de nombreux oiseaux comme le perroquet à queue rouge (Perroquet à l'origine du classement du parc national de Lobéké comme patrimoine modial de l'UNESCO).

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les bénéfices des aires protégées sont assez nombreux. Toutefois, la place accordée aux actions communautaires concrètes comme l'intégration intégrale des femmes reste en construction.

Les modèles de gestion décentralisée et intégrée qui encouragent des actions communautaires au Cameroun et plus précisément dans la périphérie du PNL sont ceux qui retiendront notre attention dans cette section. Nous verrons ainsi un aperçu de la structure décentralisée et intégrée des forêts au Cameroun (Paragraphe I) et par la suite nous présenterons le modèle de zonage participatif et intégré de la périphérie du PNL (Paragraphe II).

PARAGRAPHE I : LA STRUCTURE DECENTRALISEE DE LA GESTION DES FORÊTS AU CAMEROUN

D'après Dominique d'Antin de VAILLAC104, « Les forêts appartiennent toutes à quelqu'un, entité publique ou privée, individu, collectivité ou communauté, elles se déploient toutes entre des frontières au même titre que tout autre espace affectés, champs, villages, villes, friches ou déserts. » 105

Au Cameroun, l'État s'est engagé à restituer une partie des bénéfices de ses forêts aux communautés riveraines des aires protégées au travers de la foresterie communautaire (A) bien que ce secteur rencontre encore beaucoup de défis (B).

A. La foresterie communautaire au Cameroun 1. L'accompagnement législatif

La loi forestière de 1994 validée par le Président de la République a favorisé l'implication de nouveaux acteurs dans la gestion des ressources forestières et fauniques au Cameroun. C'est le cas des systèmes de cogestion : États-populations locales riveraines des aires protégées, de la rétrocession des taxes forestières aux communes et communautés, de la création/gestion des forêts communales et communautaires, etc.

D'après cette loi en son article 37 (3), les produits forestiers de toute nature résultants de l'exploitation des forêts communautaires appartiennent aux communautés villageoises concernées, qui bénéficient d'une assistance technique gratuite de l'administration forestière (art. 37 (1)). Toutefois, il faut relever que d'après la convention de gestion, l'État transfère uniquement la gestion de la forêt aux communautés et non le foncier. Pour le décret d'application de 1995106, précision est faite de ce que les forêts pouvant faire l'objet d'une convention de gestion de forêts communautaire sont celles situées à la périphérie ou à proximité d'une ou de plusieurs communautés et dans lesquelles leurs populations exercent

104Docteur en science politique, il est professeur associé à l'Université Bordeaux IV-Montesquieu (France) et directeur de recherche au Centre d'analyse politique comparée, de géopolitique et de relations internationales (Bordeaux IV). Il est également chercheur associé à l'institut d'études de la forêt cultivée (IEFC) et coordinateur du groupe Aquitaine de recherche sur les indicateurs socio-économiques de gestion forestière durable.

105Dominique d'Antin de VAILLAC, « La forêt comme objet de relations internationales ?», Annuaire français des relations internationales, Vol. VI., 2005, p.1.

106 Décret no95/531/PM du 23 août 1995 fixant les modalités d'application du régime des forêts.

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leurs activités (art.27 (2)) et que toute forêt susceptible d'être érigée en forêt communautaire incombe de ce fait et de manière principale à la communauté concernée (art.32 (2)).

Pour ce qui est de son exploitation, le législateur n'a pas tenu compte du côté artisanal, encore moins de la faible capacité financière des communautés par rapport aux exploitants forestiers plus nantis. En son article 54, la loi précise que l'exploitation d'une forêt communautaire se fait pour le compte de la communauté en régie, par vente de coupe, par autorisation de coupe personnelle ou par cession, conformément au plan simple de gestion approuvé par l'administration forestière107.

2. Quelques textes d'accompagnement

Bien d'autres dispositions réglementaires ont été prises plus récemment au Cameroun par le Président de la République pour la gestion communautaire des forêts. On peut citer entre autres :

· La lettre circulaire no0677/LC/MINEF/DF/CFC du 23 février 2001 limitant l'exploitation industrielle dans les forêts communautaires ;

· L'arrêté ministériel no0518/MINEF/CAB du 21 décembre 2001 fixant les modalités d'attribution en priorité aux communautés villageoises riveraines de toute forêt susceptible d'être érigée en forêt communautaire. L'originalité de cet arrêté par rapport à la loi de 1994 est l'introduction du droit de préemption, qui donne la priorité aux communautés de créer une forêt communautaire par rapport à la vente de coupe, lorsque celle-ci est projetée sur le même espace ;

· La décision ministérielle no1985/D/MINEF/SG/DF/CFC du 26 juin 2002 fixant les modalités d'exploitation en régie dans le cadre de la mise en oeuvre des plans simples de gestion (PSG) des forêts communautaires ;

· Le manuel de procédure des normes d'attribution d'une forêt communautaire élaboré en 1998 et révisé en février 2009 a introduit de nouvelles dispositions :

- L'intégration d'une phase préliminaire d'information et de sensibilisation ;

- Un effort de représentativité de toutes les composantes sociales dans le processus en vue de limiter les conflits ;

- Plus de précisions sur l'entité de gestion (organisation, gestion rôle des membres, etc.)

- Une réduction de la durée de traitement des dossiers ;

- L'instauration de la Convention provisoire de gestion (2 années) en vue de permettre aux communautés d'exploiter la forêt et de financer elles-mêmes l'élaboration du PSG ;

- L'ouverture mécanique de pistes d'accès à la forêt à faible impact environnemental ;

- La possibilité d'utiliser des engins agricoles pour le transport des produits.

Si l'avancée législative en matière de foresterie communautaire au Cameroun a fait un progrès significatif au cours de ces dernières années, des défis importants restes à relever.

107Luc Moutoni (Okani), « La foresterie communautaire au Cameroun-un aperçu de la perspective communautaire », 2019, p.10.

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B. Les principaux défis actuels de la foresterie communautaire

1. Une meilleure prise en compte des minorités

Dans la quasi-totalité des communautés villageoises du bassin du Congo et du Cameroun en particulier, la forêt est perçue comme un élément fondamental de la vie des villageois. Ils y retrouvent tous les éléments nécessaires pour la pharmacopée traditionnelle. Sur le plan des moyens d'existence, c'est dans la forêt qu'ils viennent au monde et elle constitue leur source principale de moyen d'existence. Ernest Adjina, président d'ASBABUK108 dit avec regret que :

« Par le passé, les communautés pouvaient se déplacer librement dans la forêt sans restriction. Mais de nos jours, la forêt a été divisée et les choses ont changé. La forêt communautaire a des obligations qui ne correspondent pas avec notre façon de vivre. Par conséquent, c'est compliqué pour nous. Nous ne maitrisons rien du processus de forêt communautaire. Toutes les procédures en vue de l'obtention d'une convention de gestion, le plan simple de gestion etc. ne sont ni connues, ni maitrisées par nous. Nous ne connaissons même pas nos rôles. Tout est fait par les ONG.»

En effet, la mise en oeuvre des FC suppose la création d'une organisation formelle représentative de toutes les composantes de la communauté qui puisse légalement s'engager en son nom. D'après la loi en vigueur au Cameroun, les quatre types d'entités légales sont les associations, les coopératives, les Groupes d'initiative Commune (GIC) ou les Groupes d'Intérêt Economique (GIE). Cependant, aucune de ces entités n'est adaptée au contexte social et administratif de la zone, et de ce fait, une faible appropriation des FC par les populations locales est souvent constatée.

Autre problème, le « noyautage » des FC par les élites externes ou internes qui contrôlent, parfois à leur seul profit, les retombées positives de la gestion des FC. Une marginalisation de certains groupes sociaux : de manière générale, certains groupes sociaux tels que les peuples autochtones de la forêt, les femmes. Les allogènes forcément sont défavorisés dans le processus de foresterie communautaire actuel. Leurs besoins sont très rarement pris en compte dans la gestion de la FC et en reçoivent rarement les bénéfices équitables ou justes. Ce qui peut entrainer des conflits entre différents groupes sociaux.

2. L'implication des femmes

À l'exemple de ce qui se passe dans les autres parcs du bassin du Congo, les femmes des forêts du Cameroun jouent un rôle significatif dans la gestion des forêts. Que ce soit en pratiquant l'agroforesterie traditionnelle ou en collectant du bois de chauffe et des produits forestiers non ligneux (PFNL) pour se nourrir, nourrir le bétail, se soigner ou générer des revenus. La réalité du terrain démontre que les femmes, au même titre que les hommes sont activement engagées dans les activités de gestion et d'utilisation des forêts et des ressources forestières.

108Association Sanguia Buka Buma'a Kpode est l'une des plus importantes associations pygmée Baka dans le bassin du Congo.

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En effet, les activités dans la forêt sont réparties en fonction des sexes. Toutefois, bien que leurs rôles soit bien définis, il n'en demeure pas moins qu'elles sont reconnues comme main d'oeuvre plutôt que comme des actrices majeures de la gestion des ressources forestières109.

PARAGRAPHE II : ZONAGE PARTICIPATIF ET GESTION INTEGREE DE LA PERIPHERIE DUPNL

D'après Lawrence Olivier, « La vie en commun ne doit pas seulement être possible, cela ne peut pas être une simple possibilité (au sens d'hypothèse), il faut que chacun y voit aussi son intérêt, qu'il soit concerné, c'est-à-dire qu'il adhère non seulement par contrainte à la communauté (le pire moyen d'adhésion en l'absence d'un ordre transcendant), mais parce que celle-ci peut être avantageuse dans la poursuite de ses fins. »110

En ce sens, la répartition de la zone tampon du parc national de Lobéké en espaces d'aménagement pour les communautés riveraines participe de la stratégie d'intégration du PNL. Ce zonage se décline sous la forme de ZIC (A) et ZIGC (B).

A. Les ZIC

Au parc national de Lobéké (PNL), la chasse sportive est pratiquée dans le cadre de safaris ouverts à des chasseurs amateurs dans des zones spécifiques qui sont affermées par l'Etat camerounais à des guides professionnels.

Les Zones d'Intérêt Cynégétiques (ZIC) au PNL sont :

- Du domaine permanent, assimilées à des aires protégées ;

- Exploitées par l'administration en charge de la faune, ou en affermage par une personne physique ou morale, ou une collectivité locale.

Si ces zones d'exploitation sont l'objet de convoitise de la part de nombreuses firmes internationales, la transparence dans l'attribution des permis d'exploitations reste assez complexe. Les questions sur ce domaine extrêmement lucratif sont très souvent mal perçues et les gestionnaires (généralement des safaris étrangers) confirment le peu d'informations disponibles sur ce domaine.

La simple évocation du mot safaris dans certaines zones périphériques du parc national de Lobéké suffit à créer des tensions. Ces exploitants sont accusés par les populations locales d'abus dans leur traitement lorsqu'elles sont utilisées comme guides de chasse. Aussi, ces populations se plaignent des intrusions de ces safaris hors des zones qui leurs sont assignées par les autorités. Si ces phénomènes sont observables tant dans les ZIC que dans les ZICGC, des efforts de coopération et d'implication sont beaucoup plus perceptibles au niveau des ZICGC (Zone d'Intérêt Cynégétiques à Gestion Communautaire zones).

109Eulalie Guillaume,« La foresterie communautaire : Opportunité ou chimère pour les femmes du Bassin du Congo », Fern, 2018, p. 28.

110Ernest Orlando Lawrence, « Vouloir vivre ensemble et science », in O., Lawrence et al., Epistémologie de la science politique, Presses de l'Université de Québec, 1998, p. 109.

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Figure 06 : ZIC et ZICGC en périphérie du PNL. Source : Zela, 2021.

B. Les ZICGC

Les Zone d'Intérêt Cynégétiques à Gestion Communautaire (ZICGC) au PNL sont :

- Le produit d'une révision de la notion de territoire de chasse prévue par le décret no95/466/PM du 20juillet 1995 ;

- L'établissement de la « Convention de Mambélé » en juin 1999, dont les propositions

sont officiellement entérinées par l'arrêté ministériel no1236 du 20 septembre 2000 ; - Les ZICGC peuvent s'étendre sur des unités forestières d'aménagement (UFA) et des

aires protégées ;

- Elles sont gérées localement par des Comités de Valorisation des Ressources Fauniques (COVAREF), qui ont statut d'association.

Si ce modèle de gestion participative est clairement une avancée dans le partage des bénéfices des forêts périphériques du PNL, des améliorations sont à envisager pour une gestion optimale. Il s'agirait par exemple de :

- Clarifier et rendre transparent le processus d'attribution des zones de chasse pour sélectionner les meilleures guides sur la base de leurs compétences avérées ;

- Simplifier la réglementation, notamment pour les COVAREF qui disposent de faibles sommes d'argent devant être essentiellement allouées à la gestion de la zone de chasse et au développement local ;

- Mettre en place des incitations pour appliquer la réglementation sur le terrain en matière de gestion des populations animales, de contrôle des pratiques de chasse ou de respect de cahiers des charges ;

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- Solutions alternatives : la privatisation du contrôle de la chasse sportive, avec la délivrance d'un label privé de gestion durable ;

- Favoriser l'éclosion de l'écotourisme.

En effet, la conservation de la biodiversité nécessite une approche globale des enjeux. Bien que des spécificités existent au niveau international, les conventions et accords semblent tous revêtir en commun la volonté d'inverser la perte continue de la biodiversité. La biodiversité constitue un enjeu géostratégique, scientifique, économique et aussi culturel pour les acteurs internationaux et sous régionaux dans le bassin du Congo.

De ce fait, le chapitre suivant fera un aperçu des liens de causalités parfois complexes entre les relations internationales au sens ontologique et les mécanismes d'absorption et de diffusion des politiques de conservation de la biodiversité dans la sous-région comme la COMIFAC.

CHAPITRE II :

LES RELATIONS INTERNATIONALES ET LA CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE DANS LE BASSIN DU CONGO

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Comment expliquer le paradoxe récurrent entre l'ampleur des enjeux environnementaux et la faiblesse des politiques pour y répondre ? Pourquoi, en dépit de l'accumulation de preuves scientifiques, de l'urgence d'agir, des pressions de l'opinion publique, des discours souvent emphatiques sur le sujet ; les Sommets internationaux sur l'environnement débouchent-ils le plus souvent sur un cuisant constat d'échec ? Quels sont les principaux acteurs, les ressorts et les effets réels des politiques internationales sur l'environnement et les communautés qui en dépendent? Dans quelle mesure les pays du Bassin du Congo peuvent-ils réellement coopérer pour définir et faire respecter des accords internationaux sur des enjeux essentiels tels que le réchauffement climatique, la protection de la biodiversité ou encore la promotion du développement durable?

Pour ainsi reprendre les interrogations de Philippe Le Prestre (L'un des `pères' de l'écopolitique) dans le contexte camerounais, nous examinerons l'encadrement international et sous régional de la conservation de la biodiversité pour les pays du bassin du Congo. Dans ce deuxième chapitre, il sera plus précisément question d'analyser les schémas de transfert des politiques internationales de conservation de la biodiversité dans le bassin du Congo et au Cameroun en particulier. Au travers des protocoles de Nagoya et la CITES, nous examinerons le contexte international et ses répercussions directes ou indirectes sur le modèle de gestion des forêts dans la sous-région (Section I) et la déclinaison décentralisée au plan national (Section II).

SECTION I : LE CONTEXTE INTERNATIONAL DE LA CONSERVATION DE LA

BIODIVERSITE

La diplomatie contemporaine sous sa forme multilatérale englobe aujourd'hui de façon croisée tous les acteurs et enjeux internationaux : guerre et paix, droits humains, commerce, environnement, etc. Stricto sensu, la diplomatie multilatérale met en relation un minimum de trois États. En pratique, elle rassemble couramment des dizaines d'États (représentés par leurs diplomates et leurs délégations mais aussi des multinationales) et un nombre croissant d'acteurs non étatiques. La diplomatie multilatérale a longtemps été organisée sous forme de conférences ad hoc. Depuis la création de la Société des nations (SDN) puis de l'Organisation des Nations Unies (ONU), elle s'incarne aussi beaucoup dans les organisations internationales111.

La conservation de la biodiversité dans le bassin du Congo dans cet ordre d'idée fait

intervenir un nombre important d'acteurs et d'instruments internationaux. Les accords et

111FranckPetiteville,D., Placidi-Frot,« La diplomatie multilatérale », in Balzacq, T. (dir.) et al., Manuel de diplomatie, Paris, Science Po, 2018, p. 53.

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conventions comme le protocole de Nagoya et la CITES, ratifiés par les États membres du bassin du Congo sont ou devraient être adaptés au contexte sous régional par les institutions supra nationales comme la COMIFAC (Commission des Forêts d'Afrique Centrale).

Dans cette section nous ferons une analyse du protocole de Nagoya et de la CITES (Paragraphe I) puis une tentative de décryptage de leur appropriation au niveau de la COMIFAC (Paragraphe II).

PARAGRAPHE I : TENTATIVE D'INTERPRETATION DU PROTOCOLE DE NAGOYA ET DES OBJECTIFS D'AICHI

D'après Jose Do Nascimento, « Durant la colonisation, les puissances coloniales avaient organisé la mise en valeur des ressources africaines selon une logique d'exploitation qui ne produisait des bénéfices et avantages qu'au seul profit des grandes compagnies concessionnaires et des métropoles coloniales. La mise en valeur des ressources africaines sous l'angle de la rentabilité externe est encore aujourd'hui la logique selon laquelle les multinationales mettent en valeur les ressources africaines dans un contexte post colonial ».112

A. Le protocole de Nagoya et les objectifs d'Aichi en 2022 1. Les objectifs du protocole

La Convention sur la diversité biologique (CDB) a été ouverte à la signature le 5 juin 1992, lors de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement (le « Sommet planète Terre » de Rio) et est entrée en vigueur le 29 décembre 1993. La Convention est encore le seul instrument international complet sur la diversité biologique. La Convention a trois objectifs : la conservation de la diversité biologique, l'utilisation durable de ses éléments constitutifs et le partage juste et équitable des avantages découlant de l'utilisation des ressources génétiques113. À la suite de la CDB, de nombreux accords internationaux vont tenter d'enrayer la perte continue de la biodiversité. Le protocole de Nagoya reste l'un des plus ambitieux de ces dernières décennies.

Le Protocole de Nagoya sur l'accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation relatif à la Convention sur la diversité biologique a été adopté à la dixième réunion de la Conférence des Parties, le 29 octobre 2010, à Nagoya, au Japon, après six ans de négociations. En encourageant l'utilisation des ressources génétiques et des connaissances traditionnelles associées à celles-ci, et en consolidant les occasions de partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation, le Protocole devait contribuer à stimuler la conservation de la diversité biologique, l'utilisation durable de ses éléments constitutifs, accroitre la contribution de la diversité biologique au développement durable et au bien-être humain.114Mais rendu en 2022 quel est le bilan de cette convention rendu à son terme en 2020 ?

112José Do Nascimento,« La pensée politique de Cheikh Anta Diop », Paris, l'Harmattan, 2020, p. 113.

113 CBD, Protocole de Nagoya sur l'accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation relatif à la convention sur la diversité biologique, Montréal, 2012, p. 1.

114 Ibid., p. 1.

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L'UICN dans l'un de ses rapports sur le protocole de Nagoya précisait qu'au niveau national, les États signataires s'engageaient à :

« Améliorer la qualité de la gouvernance des AP, ainsi qu'à garantir la participation pleine et entière des communautés locales et autochtones aux structures de gestion et de gouvernance des AP de façon à améliorer leurs moyens de subsistance, leur accès aux ressources naturelles, ainsi qu'un partage équitable des avantages tirés des aires protégées ».115

Il était déjà nécessaire de porter sans attendre toute l'attention à l'élaboration d'un cadre, de normes, d'instruments et d'indicateurs internationaux pour l'évaluation sociale des aires protégées, et d'en tenir compte pour évaluer l'efficacité de la gestion des AP. Il demeure à ce jour important de fournir des renseignements sur l'évaluation sociale des projets et programmes de conservation. Que des données précisent sur les avancées majeurs et les retours d'expériences de terrain soient introduits dans la base de données mondiale sur les aires protégées (WDPA) afin d'améliorer les négociations au niveau international et la prise de décision au niveau national.

Figure 04 : Mécanisme d'accès et de partage des avantages des AP. Source : Introduction à l'accès et au partage
des avantages
, Montréal, Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique, 2011, p. 4.

115UICN, « Améliorer la contribution des aires protégées à la conservation de la biodiversité- Le rôle du Programme de travail sur les aires protégées (PTAP) de la CDB : déclaration de position », p. 1.

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Du protocole de Nagoya va déboucher le Plan stratégique 2011-2020 de la mise en oeuvre des « Objectifs d'Aichi ». Il proposait que pour inverser la perte continue de la biodiversité, il était impératif d'aborder les causes sous-jacentes comme la pauvreté et l'éducation. Il préconisait déjà de commencer à prendre des mesures stratégiques, afin de gérer, dans une perspective de long terme, les causes sous-jacentes de l'appauvrissement de la diversité biologique dans les zones prioritaires de la biodiversité comme les bassins de l'Amazonie, du Congo et du Mékong. Toute chose qui nécessitait une cohérence des politiques générales, ainsi que l'intégration de la diversité biologique dans l'ensemble des politiques et stratégies de développement national, dans les secteurs économiques, et à tous les niveaux de planification des gouvernements.

Les approches stratégiques pour parvenir à ceci devaient alors inclure nécessairement la communication, l'éducation et la sensibilisation du public, la coopération, etc. Les parties prenantes de tous les secteurs des gouvernements, de la société et de l'économie, y compris le milieu des affaires, devaient être impliquées en tant que partenaires, pour mettre en oeuvre ces mesures. Les conservateurs et les citoyens devaient être mobilisés pour contribuer à la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique afin de réduire considérablement l'empreinte écologique et soutenir l'action des gouvernements.

2. Les recommandations du protocole

En 2022, Les enjeux pour les pays du bassin du Congo restent les mêmes. Pour rappel, il serait important de ne pas oublier que :

« L'utilisation des ressources génétiques est bien souvent associée à des connaissances traditionnelles. Bien avant l'exploitation à grande échelle de certaines ressources génétiques par le secteur biotechnologique occidental, nombre de communautés autochtones et locales (CAL), dans le monde entier, identifiaient déjà les propriétés particulières des ressources naturelles disponibles dans leur environnement pour en développer des utilisations et des innovations. »116

La nécessaire implication totale des populations locales et autochtones demeure une recommandation fondamentale héritée du protocole de Nagoya.

D'autres recommandations des évaluations sur l'efficacité de la gestion des aires protégées dans le bassin du Congo devraient être mises en oeuvre et intégrées dans d'autres évaluations (Par exemple: Financement durable et innovant), afin d'attirer et d'orienter l'allocation des ressources financières destinées à la mise en oeuvre de ces recommandations. L'UICN souligne cependant la nécessité de coordonner la mise en oeuvre des stratégies locales avec d'autres conventions, accords et programmes relatifs à l'environnement (RAMSAR, Convention du patrimoine mondial de l'UNESCO, Programme pour l'homme et la biosphère de l'UNESCO, CCNUCC et CDD, etc.), ainsi qu'avec d'autres programmes de travail de la CDB comme la CITES, afin d'améliorer l'efficacité des actions117.

B. La CITES

116Brendan Coolsa, et J., Pitseys, « Biodiversité et ressources génétiques : la Belgique et le protocole de Nagoya », Courrier hebdomadaire du CRISP, N° 2226, 2014, p. 7.

117 Ibid., p.7.

1. 48

Le rôle de la CITES

La CITES (Convention internationale sur le commerce des espèces menacées de faune et flore sauvage) fut adoptée le 03 mars 1973 par quatre-vingt États réunis à Washington. Entrée en vigueur le 1er juillet 1975, et modifiée deux fois depuis, 118elle répond à une menace clairement identifiée par les scientifiques : l'impact du commerce, en constante augmentation, des espèces sauvages. Menace toujours actuelle puisque ces activités représentent chaque année plusieurs milliards de dollars. Ce commerce, dont l'impact sur les espèces vivantes est plus qu'évident puisqu'on estime à des centaines de millions le nombre de spécimens de plantes ou d'animaux qu'il touche,119est extrêmement difficile à réglementer ; notamment du fait de l'importance des échanges illicites.

La part de marché des échanges illégaux d'espèces est en effet estimée à 25 % des échanges mondiaux pour un revenu d'environ cinq milliards d'euros120. En parallèle, certaines études estiment qu'environ vingt-sept mille espèces disparaissent chaque année, soit environ soixante-quatorze espèces par jour. Ces chiffres, en constante augmentation depuis 1973 témoignent du déclin mondialement constaté de la biodiversité et montrent la pertinence de la CITES comme instrument de gestion des espèces sauvages121.

De manière liminaire, il est important de rappeler que la CITES, loin d'être un traité global de protection des espèces sauvages, est une convention portant uniquement sur le commerce international des espèces menacées. Le niveau de « menace », tel qu'envisager dans le cadre de la CITES, est le résultat d'une équation entre le niveau de conservation des espèces et l'impact sur leurs populations d'une menace anthropique : le commerce. La notion d'espèces menacées d'extinction (dont le commerce devrait être interdit) et celles qui ne sont pas encore menacées d'extinction (dont le commerce peut être autorisé)122. C'est sous l'emprise de ces deux qualifications de la menace que seront adoptées les réglementations commerciales adéquates pour les espèces concernées.

Si l'impact des règlementations CITES sur la gestion de la diversité biologique est évident, il est nécessaire de comprendre que la Convention est avant toute autre chose un instrument économique. La protection induite n'est donc ni spatiale ni uniquement fondée sur les critères biologiques mais bien la conséquence directe de la gestion d'une activité123.

2. Le fonctionnement de la CITES

En tant que convention de première génération, la CITES possède un système de fonctionnement relativement simple. Il repose entièrement sur trois annexes dans lesquelles

118Amendement de Bonn le 22 juin 1979 et amendement de Gaborone le 30 avril 1983. [En ligne « www.cites.org » consulté le 05/07/2022 à 20 : 37]

119Karin Wisenius, Conflicts of Norms and Jurisdictions Between the WTO and MEAs - Including Case Studies of CITES and the Kyoto Protocol, University of Gothenburg, 2009, p. 47.

120Françoise Comte, « Environmental Crime and the Police in Europe: A Panorama and Possible Paths for Future Action», European Environmental Law Review, vol. 15, n° 7, 2006, p. 198.

121 Edward Osborne Wilson, « Extinction la nouvelle vague », UNESCO Le Courrier. 2000, p. 15. [En ligne : « http://www.unesco.org » consulté le 05/07/2022 à 21h15]

122 CITES, « Interprétation et application de la Convention, Réexamen de l'expression à des fins principalement commerciales », COP 8 Doc 8.49 (Rev.), Kyoto, 2 au 13 mars 1992.

123 Alexandre Kiss, Jean-Pièrre Beurrier,Droit international de l'environnement, Paris, Pedone, 3e éd., 2000, p. 233.

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sont listées des espèces en fonction de l'importance de la menace pesant sur leur survie. De ce classement dépend l'autorisation ou l'interdiction du commerce de telle ou telle espèce animale ou végétale.

v L'annexe I recense « toutes les espèces menacées d'extinction qui sont ou pourraient être affectées par le commerce » ; il ne s'agit donc pas de protéger indifféremment toutes les espèces menacées d'extinction, mais bien seulement celles dont le commerce pourrait causer l'extinction. Pour les espèces citées en annexe I, le commerce « ne doit être autorisé que dans des circonstances exceptionnelles » et est totalement prohibé s'il n'a qu'un but commercial. Au-delà de l'impact du commerce qui doit être démontré, les espèces classées en annexe I doivent donc être « menacées d'extinction ». Un seuil de menace, fondé sur des critères biologiques, a donc été défini : une espèce sera considérée comme menacée d'extinction quand sa probabilité d'extinction sera de 50% avant cinq ans ou 20% avant dix ans.

v L'annexe II comprend, quant à elle, « toutes les espèces qui, bien que n'étant pas nécessairement menacées actuellement d'extinction, pourraient le devenir si le commerce des spécimens de ces espèces n'était pas soumis à une réglementation stricte ». Cette annexe comprend également certaines espèces qui doivent faire l'objet d'une réglementation, afin de rendre efficace le contrôle du commerce des spécimens d'espèces déjà inscrites. Le commerce des espèces de l'annexe II est en principe autorisé, mais sous réserve d'effectuer toutes les formalités contenues dans l'article IV de la convention.

v L'annexe III comprend enfin « toutes les espèces qu'une partie déclare soumises, dans les limites de sa compétence, à une réglementation ayant pour but d'empêcher ou de restreindre leur exploitation, et nécessitant la coopération des autres parties pour le contrôle du commerce »124.

Pour répondre aux exigences de ces conventions internationales, l'Afrique centrale s'est doté un instrument décisionnel en matière de conservation de la biodiversité et de gestion des forêts.

PARAGRAPHE II : LA COMMISSION DES FORÊTS D'AFRIQUE CENTRALE (COMIFAC)

D'après le ministre camerounais des forêts et de la faune (MINFOF), « Le premier Sommet des chefs d'États d'Afrique Centrale sur les Ecosystèmes des forêts denses et humides s'est tenu à Yaoundé en mars 1999 sous l'impulsion du président Paul BIYA. La COMIFAC est l'émanation de ce processus 125». Cette institution sous régionale relativement jeune est le coeur de la politique de gestion des forêts du bassin du Congo.

Dans ce paragraphe, nous ferons un rappel de son historique et son fonctionnement (A) dans un premier temps et par la suite nous examinerons son principal outil d'implémentation : Le plan de convergence 2015-2025 (B).

124Deleuil Thomas, « La CITES et la protection internationale de la biodiversité », In: Revue Juridique de l'Environnement, numéro spécial, Évaluation environnementale et gestion de la biodiversité, 2011, p.4.

125 COMIFAC News, « La COMIFAC fête la déclaration de Yaoundé 20 ans, 2ème trimestre 2019 (No17), 2019, p.10.

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A. Historique et fonctionnement de la COMIFAC

1. Historique de la COMIFAC

La commission des forêts d'Afrique centrale (COMIFAC) est née de la volonté des chefs d'États d'Afrique centrale qui en mars 1999 se sont réunis à Yaoundé dans le cadre du 1er sommet des chefs d'États et gouvernements sur la gestion durable des écosystèmes forestiers d'Afrique centrale, sommet au terme duquel une Déclaration dite « Déclaration de Yaoundé » a été adoptée et dont la déclinaison opérationnelle est le plan de convergence. La COMIFAC est un instrument très essentiel pour la sous-région d'Afrique centrale voire pour l'Afrique tout entière à en juger par les positions communes prises lors des foras internationaux qui traitent des problématiques des forêts et de l'environnement126.

Figure 05 : Paysage institutionnel de la COMIFAC. Source : COMIFAC news, No 17, 2ème trimestre 2019.

2. Fonctionnement de la COMIFAC

Les politiques nationales de gestion des écosystèmes forestiers présentent le principal inconvénient de briser l'unité géographique des massifs forestiers qui relèvent de la juridiction de plusieurs États. Par conséquent, l'appropriation nationale de la forêt participe, dans une certaine mesure, à la déstructuration de la biodiversité au sens global. La multiplication et la diversité des législations nationales apparaissent donc comme des contraintes supplémentaires qui méritent d'être levées. Car chaque État adopte ses lois et règlements sur la base de ses intérêts et, sans toujours tenir compte des besoins d'harmonisation. En outre, les uns et les autres ne disposent pas toujours des ressources financières, matérielles et de l'expertise

126 COMIFAC news, op. cit. p. 11.

51

nécessaires à la conservation appropriée de la forêt et de ses ressources. La prise de conscience de ces facteurs justifie l'adoption de mesures au plan sous régional.

Sur le plan financier, l'article 20 du Traité indique que « le financement de la COMIFAC est assuré par une contribution obligatoire des États membres selon un principe égalitaire ou conformément à un mécanisme de financement indexé sur un taux appliqué à la somme des recettes réalisées sur les produits forestiers et fauniques exportés. Toutefois, la COMIFAC peut rechercher des financements additionnels, notamment auprès des partenaires au développement. Le montant de la contribution annuelle obligatoire des États est fixé par le conseil des ministres sur proposition budgétaire préparée par le Secrétariat Exécutif. Tout État qui ne remplit pas ses obligations financières perd son droit de vote ainsi que tout appui de l'organisation jusqu'à régularisation. La COMIFAC est habilitée à recevoir des dons, des legs. La COMIFAC est ouverte à tout autre mode de financement susceptible d'accroitre ses ressources sans porter atteinte à ses objectifs. » À cette effet, le Conseil des ministres de la COMIFAC a fixé la contribution égalitaire à 45 000 000 (quarante-cinq millions) de francs CFA, soit environ 90 000 USD127.

Les revenus de la contribution obligatoire des États membres ont progressivement rétrécis au cours des dernières années ; peu de pays s'acquittent de leurs contributions égalitaires. Cette situation est due d'une part aux difficultés financières que rencontrent la plupart des États membres, mais aussi et surtout à leur appartenance à plusieurs autres organisations, aussi bien au niveau sous régional, régional, qu'international. Par ailleurs, la conjoncture financière internationale, marquée par une instabilité des cours des matières premières qui sont les principales sources de revenus des pays ne facilite elle non plus le respect par certains États de leurs engagements vis-à-vis de la COMIFAC128.

La COMIFAC comporte trois principaux organes, selon l'article 6 du Traité :

· Le Sommet des chefs d'États et de gouvernement ;

· Le Conseil des ministres ;

· Le Secrétariat exécutif.

Les deux premiers Sommets des chefs d'États et de gouvernement se sont tenus à Yaoundé en 1999 et en 2005 à Brazzaville. Le deuxième organe c'est le Conseil des ministres qui est composé des ministres en charge des forêts et/ ou l'environnement de chaque État membre. Il est l'organe de décision, de coordination et de contrôle de la mise en oeuvre des politiques en matière de gestion durable des écosystèmes forestiers d'Afrique centrale. Le conseil des ministres se tient en session ordinaire tous les deux ans. Des sessions extraordinaires peuvent être convoquées par le président en exercice, sur demande des 2/3 des membres. À défaut, une nouvelle session se tient, sans aucune exigence de quorum, à une date ultérieure. Le Président en exercice du Conseil de ministres est le ministre en charge des forêts du pas assurant la présidence de la COMIFAC. Son mandat est de deux ans129.

127 Ibid., p.12.

128 Ibid., p.13.

129 Idem.

52

Au cours de ces sessions, les ministres font le point sur les problèmes liés au fonctionnement de l'institution aussi bien sur les plans organisationnels, techniques, que financiers. Lesquels proposent ou instruisent le Secrétariat Exécutif de mener des actions en vue de les résoudre. À ce titre, en 2007, les chefs d'États ont fait de la COMIFAC un organe spécialisé de la CEEAC ; Par la suite ils ont instruit la CEEAC de procéder à la rationalisation des organisations sous régionales.

Les Coordinations Nationales COMIFAC sont les relais à l'échelle nationale du secrétariat exécutif. Elles sont appelées à travers leurs lettres de mission à adopter en septembre 2006 à Malabo en Guinée Equatoriale, et révisée à Brazzaville en début juin 2019 ; à jouer un rôle prépondérant, aussi bien dans le suivi, la coordination de la mise en oeuvre du plan de convergence, que dans l'animation des fora nationaux regroupant tous les acteurs concernés par la conservation et la gestion durable des écosystèmes forestiers.

Par décision No /D/MINFOF/SG/DCP du 07 Septembre 2017 portant création, organisation et fonctionnement de la Coordination Nationale de la COMIFAC, la CNC Cameroun sous la direction de Mme Victoire EHETH a été redynamisée. Dès lors elle a mené plusieurs activités à savoir :

- Son installation suivie de l'inauguration de son immeuble siège ;

- Formalisation du réseau des points focaux des conventions ;

- Organisation de l'atelier de présentation du premier rapport de mise en oeuvre des

directives sous régionales de la COMIFAC ;

- Organisation de la 17èmeréunion du Partenariat pour les forêts du bassin du Congo

(PFBC) et de session extraordinaire des ministres de l'OCFSA du 24 au 27 octobre 2017 à

Douala ;

- Suivi du chantier de construction de l'immeuble siège de la COMIFAC, du paiement

des locaux actuels de la COMIFAC et du paiement de la contribution égalitaire ;

- Déclinaison des priorités du Plan de convergence 2 au niveau du cadre de planification

national à moyen terme qu'est le Cadre de dépenses à Moyen Terme (CDMT) ;

- En avril 2016, un chantier et une table ronde sur la vulgarisation du P s'était tenu à

Yaoundé, au cours desquels ce document avait été largement diffusé ;

- Vulgarisation du P sur le site web du Ministère des forêts et de la faune (MINFOF)

à travers la cellule de la communication ;

- Édition et diffusion du rapport 2016 de l'état de mise en oeuvre des directives sous

régionales de la COMIFAC ;

- Suivi et réalisation du bilan de la mise en oeuvre du P au niveau national à travers

son tableau de bord et le suivi de la plateforme suivi convergence;

- Organisation d'un atelier de mise en cohérence des indicateurs du P et ceux des

annuaires statistiques produits par le MINFOF ;

- Organisation du Forum National CEFDHAC ;

- Suivi des projets sous régionaux en lien avec le processus COMIFAC, exécutés au

Cameroun (TNS, BSB YAMOUSSA, TRIPARTITE Tchad-Cameroun-RCA) ;

- Invitation du Secrétariat Exécutif aux activités phares du ministère ;

- Eclairage de la hiérarchie sur tous les dossiers concernant la COMIFAC ;

53

- Signature de plusieurs MoU avec les ONG, les PTF et les pays à travers les ambassades pour l'accompagnement de la CNC, à travers le MINFOF dans la mise en oeuvre du P ;

- Développement d'une base de données de toutes les initiatives sous régionales mises en oeuvre au niveau du Cameroun ;

- Facilitation des missions des programmes et projets COMIFAC mis en oeuvre au Cameroun ;

- Participation à toutes les rencontres organisées par le SE COMIFAC ou ses partenaires ;

- Organisation d'un atelier de lancement de la campagne de collecte de données du P ;

- Appui à l'élaboration des directives sous régionales de suivi des ODD ;

- Organisation de l'atelier national de validation des indicateurs de suivi des ODD dans les pays de l'espace COMIFAC : cas du Cameroun ;

- Conduite des activités préparatoires de la 10ème session ordinaire du Conseil des ministres de la COMIFAC qui a eu lieu à Yaoundé du 09 au 11 juillet 2019130.

À ce titre, il ne fait plus aucun doute que les forêts du bassin du Congo jouent un rôle déterminant pour l'Afrique et le reste du monde en termes de fourniture des biens et services environnementaux, la régulation et la stabilisation du climat mondial. Ces forêts n'appartiennent plus aux seuls pays de l'espace COMIFAC qui les abritent, mais deviennent un bien de l'humanité tout entière. Donc, les moyens de gestion ne devraient plus venir uniquement des pays qui font déjà des efforts considérables mais de la communauté internationale comme l'a voulue l'Assemblée Générale des Nations Unies à travers sa résolution 5/214 du 22décembre 1999. Dix ans après Rio de Janeiro, précisément à Johannesbourg en 2002 lors du Sommet sur le Développement Durable, les partenaires qui accompagnent la COMIFAC se sont réunis au sein d'une structure appelée Partenariat pour les Forêts du Bassin du Congo (PFBC) pour appuyer les États sur le plan technique et financier dans la mise en oeuvre des politiques forestières. Les nombreuses réalisations obtenues par la COMIFAC depuis sa création lui ont valu la reconnaissance et la notoriété qu'elle a aujourd'hui tant sur le plan national, sous régional qu'international.

Ces acquis faut-il le dire, sont à mettre en grande partie à l'actif des pays membres mais aussi des appuis multiformes des partenaires techniques et financiers. Ceux-ci contribuent aux cotés des États à la mise en oeuvre du plan de convergence et surtout à l'amélioration des performances que l'institution a su acquérir au fil des années131.

B. Le Plan de Convergence 2 (P) 2015-2025 de la COMIFAC 1. Les résultats à mi-parcours

Après dix 10 ans de mise en oeuvre dudit Plan de Convergence, l'on relève que des progrès majeurs ont été enregistrés, notamment :

130 Ibid., p. 21.

131 Ibid., p. 14.

54

- la signature et la ratification des conventions internationales majeures sur les forêts et l'environnement ;

- les réformes engagées au niveau des politiques et législations forestières nationales ;

- l'augmentation de la superficie d'aires protégées nationales et des complexes d'aires protégées transfrontalières ;

- l'augmentation des superficies des forêts sous aménagement et des forêts certifiées ;

- la diminution du taux de déforestation et de dégradation des forêts ;

- l'adoption et l'internalisation au niveau national des instruments juridiques, politiques et techniques d'orientation pour la gestion durable, tels que les accords de coopération et de partenariat, les directives et stratégies sous régionales relatives aux divers domaines ;

- la création du Fonds pour les Forêts du Bassin du Congo (FFBC) destiné à financer les priorités du Plan de Convergence et la création d'un fonds fiduciaire pour la gestion du complexe d'aires protégées trinational de la Sangha (TNS) auquel appartient le parc national de Lobéké (PNL)132.

Ce plan énonce dans un premier temps les valeurs de la COMIFAC, les hypothèses qui guident la réflexion au sein de l'organisation et les axes stratégiques.

2. Valeurs et axes stratégiques du plan de convergence 2 (P)

v Les valeurs

Le plan de convergence 2 (P) est arrimé aux conventions, traités et accords internationaux, régionaux et sous régionaux auxquels les pays de l'espace COMIFAC ont adhéré. Il contribue essentiellement à la mise en oeuvre des engagements des chefs d'Etats d'Afrique centrale énoncés dans la déclaration de Yaoundé sur les forêts en mars 1999. Ainsi, toute action ou initiative de gestion durable des écosystèmes forestiers en Afrique centrale doit systématiquement considéré les valeurs portées par la Déclaration de Yaoundé et soutenues par la COMIFAC. Ces valeurs se résument dans les quatre points ci-après :

- Le respect des droits de l'homme et des droits des peuples autochtones : « Considérées comme des atouts indéniables pour la conservation des ressources biologiques, leurs connaissances doivent être promues et valorisées pour garantir le développement socio-économique et culturel de ces populations et procurer les services essentiels pour le bien être de l'homme et la réduction de la pauvreté. »;

- La prise en compte du genre : « La stratégie sous régionale pour la prise en compte du genre dans le Plan de Convergence est l'outils de référence pour intégrer les préoccupations et les aspirations des femmes aussi bien que celles des hommes dans l'élaboration, la mise en oeuvre, le suivi et l'évaluation des programmes de conservation et de gestion durable des forêts des pays de la COMIFAC. » ;

- La coopération, le partenariat et la solidarité : « Selon l'esprit de la Déclaration de Paris sur l'efficacité de l'aide publique au développement, la formulation et la mise en oeuvre des politiques nationales et instruments sous régionaux de gestion durable des forêts doivent obéir aux principes d'alignement, de synergie, de dialogue et de concertation entre les parties. » ;

132 COMIFAC, Plan de convergence pour la conservation et la gestion durable des écosystèmes forestiers d'Afrique centrale, Édition 2015-2025, 2015, p. 14.

55

- La bonne gouvernance : « Toute action menée dans le cadre du Plan de convergence doit par conséquent contribuer à renforcer la bonne gouvernance forestière dans la région à travers notamment une amélioration de la reddition des comptes , de la transparence, de l'équité, de la participation, de la redevabilité et de la subsidiarité, en particulier en lien avec la lutte contre la corruption dans le secteur forêt-environnement de l'espace COMIFAC »133.

Les différentes leçons tirées de la mise en oeuvre du Plan de Convergence et les résultats des travaux des différents ateliers tenus dans le cadre du processus de la révision dudit Plan ont permis d'identifier des conditions de réussite (hypothèses) ainsi que des risques qui pourraient influencer l'atteinte des objectifs du P. Il s'agit entre autre de :

- L'engagement politique affirmé depuis le Sommet de Yaoundé est maintenu : « les intérêts des différentes parties prenantes à la gestion des écosystèmes forestiers d'Afrique centrale sont parfois divergents, de même que la prédominance des intérêts de certains États (et même de certaines administrations à l'intérieur d'un États).Ceux-ci ne doivent pas occulter l'engagement de départ des États relatif à la vision commune et la gestion concertée des écosystèmes forestiers de la sous-région au risque de compromettre l'atteinte des objectifs du Plan de Convergence. »;

- L'appropriation du Plan de Convergence par toutes les parties prenantes est renforcée : « La non prise en compte des priorités du Plan de Convergence par tous les acteurs pourrait avoir un impact préjudiciable sur l'atteinte de objectifs communs de conservation et de gestion durable des écosystèmes forestiers. » ;

- Les financements durables sont effectifs : « En effet, l'irrégularité des financements extérieurs n'est pas de nature à garantir l'atteinte des résultats dudit plan. » ;

- L'alignement et le soutien des partenaires internationaux pour la mise en oeuvre du Plan de Convergence sont garantis : « Malgré l'importance et le dynamisme du PFBC, l'aide internationale pour la convergence des politiques forestières en Afrique centrale reste globalement éloignée des standards prévus par la Déclaration de Paris. » ;

- Les conditions de paix et de sécurité sont maintenues : « Bien que la paix et la sécurité soient assurées dans la plupart des pays, l'on observe encore ici et là des zones de conflits qui entrainent des déplacements et migrations des populations avec comme corollaire la dégradation de l'environnement »134.

La stratégie sous régionale de conservation de la biodiversité dans le bassin du Congo encadrée par le P obéit à une vision énoncée telle que suit : Les pays d'Afrique centrale gèrent durablement et d'une manière concertée leurs ressources forestières pour le bien-être de leurs populations, pour la conservation de la diversité biologique et pour la sauvegarde de l'environnement mondial. Le but étant d'arriver d'ici 2025 à une transition vers une économie verte, les ressources forestières et fauniques des pays d'Afrique centrale sont conservées efficacement et gérées durablement de manière concertée pour l'amélioration du bien-être des populations, pour la contribution au développement économique des pays de la sous-région et pour l'équilibre écologique de la planète. Cette vision se traduit en 06 axes prioritaires d'intervention et 03 axes transversaux135.

133 Ibid., p. 14.

134 Ibid., p. 18.

135 Ibid., p. 19.

v

56

Les axes stratégiques du plan de convergence 2 (P)

· Les axes prioritaires

- L'harmonisation des politiques forestières et environnementales : « D'ici 2025, tous les pays d'Afrique centrale sont dotés de politiques et législations forestières et environnementales, et de cadres institutionnels appropriés, en cohérence avec les politiques sectorielles et intégrant les directives COMIFAC et les accords régionaux et internationaux. » Indicateur 1.1 ;

- La gestion et valorisation durable des ressources forestières : « D'ici 2025, l'intégrité
des domaines forestiers permanents de tous les pays d'Afrique centrale est maintenue dans le cadre des schémas nationaux d'aménagement du territoire. » Indicateur 2.1 ;

- La conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique : « La contribution du secteur écotouristique aux PIB nationaux a augmenté de 20% dans tous les pays d'Afrique centrale d'ici 2025.» Indicateur 3.1 B ;

- Lutte contre les effets du changement climatique et la désertification : « Les superficies reboisées et ou restaurées ont augmenté de 25% dans tous les pays d'Afrique centrale d'ici 2025.» Indicateur 4.2 ;

- Le développement socio-économique et la participation multi-acteur : « Le nombre de documents de propositions des groupes vulnérables (jeunes, femmes, autochtones) pris en compte dans l'élaboration des politiques forestières a augmenté de 25% dans tous les pas d'Afrique centrale d'ici 2025. » Indicateur 5.2 ;

- Les financements durables : « Les besoins de financement de la gestion durable des forêts sont couverts à au moins 75% d'ici 2025 au niveau national et sous régional. » Indicateur 6.1136.

· Les axes transversaux

- La formation et le renforcement des capacités : « Développer, harmoniser et mettre en
oeuvre les curricula et programmes de formation adaptés aux exigences actuelles et future. » ;

- La recherche et le développement : « Promouvoir le dialogue entre les scientifiques et
les politiques pour la valorisation des résultats de la recherche.» ;

- La communication, la sensibilisation, l'information et l'éducation : « Promouvoir la
sensibilisation et l'éducation environnementale. »137.

La mise en pratique du P au niveau national passe inévitablement par une appropriation législative et juridique des recommandations politiques de la COMIFAC. Les aires protégées qui sont l'un des outils prioritaires de gestion durable des écosystèmes de la sous région souffrent encore de l'appropriation intégrale de ces objectifs.

SECTION II : LA GESTION DES AIRES PROTEGEES ET L'ASSISTANCE TECHNIQUE DES POLITIQUES DE CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE DANS LE BASSIN DU CONGO

Dans cette section nous présenterons succinctement d'une part le système global de gestion institutionnelle et décisionnelle des aires protégées dans la sous-région (Paragraphe I) et d'autre part l'assistance technique et la stratégie de gestion des aires protégées au Cameroun (Paragraphe II).

136 Ibid., p. 30.

137 Ibid., p. 34.

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PARAGRAPHE I : LES SYSTEMES DE GESTION DES AIRES PROTEGEES DANS LA SOUS-REGION

D'après P. Bigombe Logo, « Les politiques et les législations qui régissent aujourd'hui la gestion des ressources forestières et fauniques au Cameroun et dans le bassin du Congo sont encore largement tributaires de la période coloniale 138». En d'autres termes, les modèles de gestion forestière dans le bassin du Congo en 2022 nécessitent encore un examen.

Dans un premier temps, nous observerons la stratégie sous régionale de gouvernance des aires protégées (A) et par la suite nous proposerons des pistes d'améliorations de la gestion des aires protégées dans le bassin du Congo (B).

A. La stratégie sous régionale de gestion des aires protégées 1. Un constat mitigé

En dépit de l'augmentation continue des réseaux d'aires protégées et des financements en Afrique centrale, ainsi que des efforts internationaux et sous régionaux déployés pour accroitre la performance des aires protégées, les objectifs fixés ne sont pas toujours atteints. Le braconnage et les autres pressions anthropiques continuent de s'exercer parfois avec des ramifications dans d'autres domaines comme la sécurité alimentaire, la santé, l'éducation, etc. Une réponse un tant soit peu efficace à ces défis n'est envisageable que si la gouvernance des aires protégées est améliorée.

Si la « bonne gouvernance » - partagée, transparente, efficace est un facteur clé de la gestion efficiente des aires protégées. Son absence peut conduire à des résultats mitigés, malgré la mobilisation de moyens financiers, humains et matériels importants. La bonne gouvernance ne se décrète pas, c'est un processus évolutif de connaissances, de pratiques et de normes qui doivent être adaptées à chaque contexte. Qu'en est-il des aires protégées d'Afrique centrale ? Leur gouvernance favorise-t-elle une participation inclusive et effective de tous les acteurs ?

Par participation inclusive et effective ici nous entendons l'implication des institutions gouvernementales, des communautés locales, du secteur privé et de la société civile dans les processus entiers de prise de décisions, en toute transparence et dans le respect du principe de reddition des comptes aux parties-prenantes concernées.139Ceci dans le respect des canons de communication adaptés au public cible.

L'efficacité de gestion des aires protégées dépend de nombreux facteurs parmi lesquels le statut légal, des objectifs clairs de gestion et de conservation, le type de gouvernance, les ressources humaines, le budget, la législation en vigueur y compris dans d'autres secteurs, le contexte écologique et socio-économique (présence de populations riveraines, projets industriels, etc.). Tous ces éléments doivent être pris en compte dans les plans d'aménagement des aires protégées ; outils stratégiques indispensables pour le pilotage

138Patrick Bigombe Logo, J. J., Sinang, et Y., Zo'obo, « Les racines coloniales de la gestion des ressources forestières et fauniques au Cameroun », in P. Batibonak (Dir.), les indépendances inachevées en Afrique. Sur les chemins de la reconquête, Yaoundé, Monange, 2020, p. 4.

139 EDAP, op.cit. 2020, p. 66.

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de la gestion des sites. Ces plans doivent s'étendre sur plusieurs années et faire l'objet d'une révision à l'issue de cette période, à des fins d'améliorations. Ils doivent ensuite être déclinés en plans de gestion annuels, plans d'affaires et autres documents opérationnels140.

2. Quelques avancées

La gestion des aires protégées proprement dite relève de ce qui est fait par les différents acteurs pour atteindre des objectifs donnés. Malgré des progrès considérables et l'utilisation de divers outils de mesure de l'efficacité de gestion, les pays d'Afrique centrale sont confrontés à d'importants défis en ce domaine. Les gouvernements affectent en effet très peu de moyens et d'importance aux aires protégées, contrairement à ce qui se fait déjà bien mieux en Afrique de l'Ouest et Australe en particulier, et dans une moindre mesure en Afrique centrale dans certains parcs au Gabon, Congo et RCA.

Si la coopération internationale comble en partie ces déficiences financières, un changement de paradigme dans la forme des négociations entre le Sud et le Nord est nécessaire et passe par une volonté politique nationale avant tout. Les politiques de développement durable en Afrique centrale trainent à prendre corps principalement en raison de nombreux déséquilibres dans le jeu des acteurs internationaux. La priorité exclusive donnée au renforcement des moyens financiers et humains sous sa forme actuelle s'avérant incomplète pour une gestion efficace des aires protégés141dans le bassin du Congo. On peut toutefois observer que des mécanismes de gouvernance inclusive et intégrée voient le jour.

La gouvernance publique des aires protégées dans le bassin du Congo a fortement changé de visage au cours des dernières décennies. Une majorité de parcs a basculé du mode « gestion par un ministère » à « gestion par une agence ». La création d'agences indépendantes est supposée apporter plus d'efficacité dans la gestion des aires protégées, en particulier en matière budgétaire, mais aussi donner plus de confiance aux bailleurs de fonds du fait d'une meilleure transparence dans l'utilisation des fonds. À l'heure actuelle, on peut noter une meilleure capacité de ces institutions à mobiliser des financements et une amélioration de la transparence, de la visibilité des actions, de la création d'outils d'aide à la gestion des AP.

Malgré tout, en l'absence d'études spécifiques, il reste difficile d'évaluer précisément les pours et les contres des deux formes de gouvernance142. Toutefois, dans une optique d'efficacité, il est possible d'envisager des pistes d'amélioration telles qu'une gestion partagée comme c'est déjà le cas dans certains États en Afrique centrale.

B. Des pistes d'amélioration de la gestion des aires protégées dans le bassin du Congo

1. La reconnaissance du droit coutumier

Divers textes fondateurs ont établi la souveraineté de l'État colonial sur la gestion de la faune et la consécration des aires protégées, au sens moderne du terme, comme instruments de

140 COMIFAC/OFAC, « État des aires protégées d'Afrique centrale », 2020, p. 34.

141 CharlesDoumenge, F., Palla,P., Scholte, F., HiolHiol, &A., Larzillière, (Eds.), « Aires protégées d'Afrique centrale - État 2015. OFAC », Kinshasa, République Démocratique du Congo et Yaoundé, Cameroun, 2015, p. 201.

142 EDAP, op.cit. 2020, p.76.

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préservation des espèces et de la conservation de la biodiversité. Après les indépendances, les États d'Afrique centrale se sont dotés de législations, certes nouvelles, mais encore largement héritées de ces textes anciens.

Le sommet de Rio, 1992, et la tenue de plusieurs congrès internationaux des parcs ont créé des conditions favorables à l'intégration et la participation des populations riveraines et de la société civile dans les instances de gouvernance des aires protégées. Ces textes réaffirment la souveraineté des États dans la gestion des aires protégées, tout en réglementant de manière stricte les droits reconnus aux organisations de conservation de la biodiversité et aux populations locales autochtones. Comme conditions à une collaboration inclusive dans la gestion des aires protégées dans le bassin du Congo nous pouvons citer : La reconnaissance des droits d'usage coutumiers, la participation dans les institutions de gouvernance des aires protégées, la participation effective des femmes et enfants, etc.

Actuellement, ces schémas structurels traditionnels évoqués plus haut montrent leurs limites. Ils n'arrivent pas à freiner le déclin de la faune, la poursuite du braconnage et l'érosion de la biodiversité. Ils ne permettent pas aux aires protégées de répondre efficacement aux attentes légitimes des États et populations riveraines. Cette situation peut s'expliquer par plusieurs facteurs, tels que l'augmentation des populations en bordure ou dans les aires protégées, le rôle consultatif et non décisionnel attribué à certaines organisations issues des populations autochtones et communautés locales, ou encore, les conflits qui persistent entre certaines communautés et les gestionnaires.

2. L'intégration des populations autochtones dans le processus décisionnel

La gouvernance efficace des aires protégées en Afrique centrale exige une réforme approfondie, une révision et une adaptation idoine du cadre juridique y relatif. Ce processus doit favoriser et mieux encadrer une gouvernance partagée des aires protégées entre les États, les organisations de conservation de la biodiversité, la société civile, dont font partie les populations locales autochtones. Elle se traduit, entre autres par la mise en place d'une législation simplifiée et cohérente, adaptée et opérationnelle. Cette nouvelle approche se doit d'inclure la reconnaissance du patrimoine juridique traditionnel, le développement d'une approche de conservation de la biodiversité basée sur le respect des droits humains, et la refondation de la coordination institutionnelle régionale et sous régionale de la gestion des aires protégées.

Dans le cadre de la mise en place de la gouvernance partagée ou gouvernance par les populations autochtones et communautés locales, il est important de veiller à ce que tous les organes représentatifs de ces populations acquièrent une existence légale, de manière à ce que leur participation soit inscrite officiellement dans les statuts de l'aire protégée comme cela se fait peu à peu au parc national de Lobéké au travers de mémorandum d'entente (MoU) entre le parc et les population Baka. L'objectif étant de faire de ces populations autochtones « assistées » jusque-là, de véritables assistants techniques pour les services de conservation et les aires protégées du bassin du Congo au regard de leurs connaissances avérées de ces forêts.

PARAGRAPHE II : L'ASSISTANCE TECHNIQUE DES AP AU CAMEROUN

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D'après la Professeure Sarriette Batibonak, « La question des indépendances africaines reste préoccupante. Après avoir transcendé plus de cinq décennies, après les proclamations en cascade des années 1960, en fait, la situation de l'Afrique a juste changé d'appellation et de manifestation. On est parti d'une méthode forte pour une autre plus douce et très subtile.143».

Cette assertion de la professeure d'anthropologie est une invitation à un questionnement approfondi sur l'assistanat technique occidental au Cameroun dans le secteur de la conservation de la biodiversité. À ce titre, nous examinerons les liens de coopération technique de deux organisations internationales majeures dans le domaine de la gestion des aires protégées au Cameroun : GIZ (A) et WWF (B).

A. GIZ

1. La politique d'intervention allemande au Cameroun

Sans qu'on ait pu en fixer le démarrage exact, la coopération entre l'Allemagne et le Cameroun a connu assez tôt des interventions dans le domaine de l'environnement, notamment dès 1982 avec le projet S.O.S. (Stratégie d'occupation des sols de la région du Louti-Nord) dans l'Extrême-Nord (gestion des terres, conservation de l'eau, bois de feu et reboisement). Projet inscrit dans le cadre de la lutte contre la désertification. Ce projet était conduit conjointement avec la coopération canadienne (ACDI) et l'ONG CARE-Cameroun. Les résultats mitigés obtenus ont été attribués en particulier aux insuffisances dans le diagnostic préalable et dans la connaissance du contexte sociologique, témoignant de la démarche peu participative du projet.

Ce type de constat, qui a été assez général lors de la Conférence de Rio en 1992, ainsi que celui de la nécessité d'une meilleure prise en compte du rôle des populations locales dans la gestion des ressources naturelles (GRN) ont été actés par la communauté internationale, avec de surcroit une grande importance donnée à la participation de l'ensemble des parties prenantes, auront été un tournant décisif pour le Gouvernement du Cameroun avec la création d'un « Ministère de l'Environnement et des forêts (MINEF)» ; initiative suivie par la révision de la politique sectorielle (1993) et celle des textes relatifs aux forêts (1994 et 1995) et à l'environnement (1996).

Conduit au départ à travers de simples projets, l'engagement de l'Allemagne en appui au gouvernement du Cameroun a été progressivement structuré par le Ministère fédéral pour la Coopération économique et le développement (BMZ) qui s'est fixé en 1998 quatre pôles d'intervention prioritaire :

- La santé publique,

- Le transport,

- La décentralisation, le développement communautaire et la gouvernance,

143 Sarriette Batibonak, « Introduction : réveil réflexif et (re)prise de conscience pour la libération finale », in P., Batibonak, (dir.), indépendances inachevées en Afrique, Yaoundé, Monange, 2020, p. 18.

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- l'Environnement (concrètement la gestion durable des ressources naturelles GDRN).

Le pôle environnement intitulé «Gestion durable des ressources naturelles (GDRN)» se traduit par une coopération bilatérale conduite au travers des outils propres au BMZ : la GTZ (Agence allemande de coopération technique), le DED (Service d'assistance technique), InWEnt (Agence pour la formation) et la KfW (Institut de coopération financière, engagé depuis 2004 dans le secteur forêts environnement). S'y ajoutent, la Fondation Friedrich Ebert (appui aux processus de démocratisation), des ONG et des Eglises.

En 2010, GTZ, DED et InWEnt ont été regroupés en une seule nouvelle agence : la GIZ. À ce jour, la coopération allemande au Cameroun et dans la sous régions est profondément ancrée sur les questions de politique climatique et d'appui à la recherche dans au travers d'organismes comme la Konrad Adenauer Stifung (KAS).

L'Agence allemande de coopération internationale (GIZ), parallèlement aux autres initiatives bilatérales entre l'Allemagne et le Cameroun notamment dans le cadre des échanges étudiants, a favorisé l'intérêt politique d'autres partenaires techniques comme les États Unis d'Amérique qui vont développer des interventions dans le secteur tout comme les coopérations britannique, canadienne, française, néerlandaise, ainsi que des institutions et organisations internationales (PNUD, Union européenne (UE), Banque mondiale (BM), GEF/FEM, UICN, WWF, WCS, OIBT, SNV, Tropenbos ).

Simultanément à ce développement d'actions pour la GRN et selon les orientations propres à chaque coopération, un processus de concertation permanente s'est développé entre les partenaires extérieurs, ainsi qu'entre ces partenaires et les gouvernements, afin d'en améliorer la complémentarité et l'efficacité. Ce processus a conduit à une revue institutionnelle, lancée pour poser un diagnostic sur le fonctionnement du secteur et les obstacles aux progrès souhaités, puis à l'élaboration d'un véritable programme gouvernemental basé sur les principes de planification/budgétisation, action et évaluation périodique de résultats. Construit dans une démarche participative et itérative, le programme sectoriel Forêts-Environnement (PSFE) est devenu en 2004 le cadre de l'action du gouvernement et de ses partenaires, dont la GTZ/GIZ qui a poursuivi les efforts déjà entrepris.

2. Les actions de la GIZ au Cameroun

La continuité d'action entre GTZ et GIZ est prise en compte dans la suite par l'appellation «GTZ/GIZ» pour nommer l'Agence quand on évoque l'ensemble de son intervention dans le pays. Recadrant en permanence selon les évolutions du contexte institutionnel camerounais et de celui de la sous-région (Bassin du Congo), ainsi que des grandes thématiques au niveau mondial. Dans la vision globale du «développement durable» qui est sienne depuis 1998, la coopération allemande a accordé une place importante à « l'aménagement des forêts ».

Afin de mieux cadrer le sujet et les enjeux, il convient en préambule de préciser que la politique de gestion des forêts et zones de chasses de la localité de Moloundou en périphérie du PNL, avant la défaite Allemande durant la seconde guerre mondiale, était dite douce comparativement au système français qui a suivi. L'«Aménagement des forêts», était une

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priorité pour les Allemands. Ce système donnera vie plus tard à la version adaptée aux forêts communautaires actuellement largement vulgarisé. Le principe de l'aménagement s'inscrit donc dans la durée car on ne saurait entreprendre de telles études et planifier des travaux et activités généralement coûteuses sans certaines garanties de temps pour une bonne valorisation de l'investissement.

Au Cameroun, sont donc surtout concernées, les forêts permanentes telles que définies par la loi (forêts domaniales et communales), même si dans une moindre mesure les forêts communautaires et forêts de particuliers devraient l'être aussi (dès que leur vocation permanente est affirmée par les propriétaires. Propriétaires qui peuvent aujourd'hui être des particuliers). La plupart des forêts domaniales de production sont constituées au Cameroun en «Unités forestières d'aménagement (UFA)». Et, tout comme les forêts de production, les «aires de conservation» aussi appelées «aires protégées (AP)» sont susceptibles d'être aménagées.

Selon les critères internationaux, est considérée comme durable toute activité économiquement viable, socialement acceptable et respectueuse de l'environnement. Si à première vue l'aménagement forestier peut être considéré comme une activité répondant à ces critères, l'expérience montre que c'est loin d'être aussi simple, tant pour les forêts de production que pour la viabilité écologique. Le caractère socialement équitable est difficile à respecter pour les aires protégées ou ce sont les caractères socialement vivables et la viabilité économique qui sont difficiles à atteindre.

Pour répondre à ces enjeux beaucoup plus techniques, d'autres organisations internationales comme le WWF se sont positionné comme des partenaires gouvernementaux plus ancrés dans la gestion technique des aires protégées au Cameroun144.

B. WWF

1. Le WWF au PNL

La connaissance des interactions systémiques entre les enjeux anthropiques, environnementaux, technologiques, inter et intra culturels de la conservation de la biodiversité, demande un haut niveau de formation dans la recherche scientifique. Le WWF est sans conteste l'un des plus importants acteurs en matière de défense des valeurs environnementales dans le monde. Bien que des rapports récents d'ONG locales font état de nombreux cas d'ingérence, de stigmatisation et parfois de violence physique de la part de certains assistants techniques peu ou mal informés sur les enjeux culturels de la forêt pour les populations riveraines des aires protégées au Cameroun.

Au parc national de Lobéké, le WWF apporte un appui dans la gestion communautaire de la périphérie mais aussi et surtout dans le suivi écologique. La logistique du parc est assurée conjointement et parfois transversalement par le personnel du MINFOF et celui du WWF. Les missions du parc sont systématiquement soumises au contrôle financier et

144GIZ/ V., Eligne, « Bilan de 25 années d'appui de la GTZ/GIZ à l'aménagement forestier durable au Cameroun (1992-2013), 2014». [En ligne : « https://docplayer.fr/89185666-Bilan-de-25-annees-d-appui-de-la-gtz-giz-a-l-amenagement-forestier-durable-au-cameroun-vincent-beligne.html » Consulté le 23/06/2022 à 04h09].

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technique du WWF. Y compris les patrouilles intelligentes, les déplacements du conservateur dans le cadre des rencontres bi ou tri nationales, les rencontres avec les organisations de la société civile (OSC) et COVAREV, les différents partenaires financiers du parc comme la fondation pour le tri national de la sangha (FTNS) et aussi les touristes.

Ce transfert de politique sous régionale est implémenté ou tout au moins devrait l'être sur le terrain par le WWF et d'autres partenaires techniques145. Dans le but d'optimiser le rôle de l'assistance technique au Cameroun et dans la sous-région, certaines organisations supra nationales comme la CA.WH. FI apportent des recommandations techniques claires.

2. Les recommandations de la CA.WH.FI pour une optimisation de l'assistance technique

La CA.WH.FI (Central africa world heritage forest initiative / initiative pour le patrimoine mondial forestier d'Afrique centrale) émet comme recommandations structurelles à l'amélioration de l'assistance technique des aires protégées :

- Créer ou redynamiser les Comités Nationaux du Patrimoine Mondial dans le cadre de la mise en place des plateformes nationales de concertation des différents acteurs concernés par la gestion de sites inscrits ou potentiellement éligibles au Patrimoine Mondial ;

- Réaliser l'étude sur l'harmonisation des législations relatives à la gestion de la faune tel que programmée avec le RAPAC ;

- Réaliser l'étude sur la vulgarisation des expériences de la RCA et du Cameroun sur la gestion de la faune (ZCV et COVAREF) à engager en rapport avec RAPAC, ECOFAC, WWF-JENGI, FFEMRCA. Dans ce cadre, il s'agit de manifester aux partenaires de la sous-région l'intérêt de partager les données sur leurs expériences et de susciter un débat en fonction des résultats ;

- Poursuivre et intensifier le travail de communication sur le Patrimoine Mondial, thématique qui n'a pas bénéficié d'assez d'interventions au cours des dernières années ;

- Maintenir et améliorer la formule consistant à faire le point sur l'exécution des contrats et budgets à l'occasion de chaque comité de pilotage, pour assurer davantage la transparence dans la gestion du programme afin de renforcer la visibilité et la confiance au sein des partenaires ;

- Veiller au respect des dates limites de soumission des rapports financiers et techniques par les partenaires pour ne pas retarder les paiements et par conséquent la réalisation des activités dans les délais et les meilleures conditions ;

- Veiller à l'homogénéisation de la qualité des rapports techniques et financiers ;

- Mettre la matrice de la coordination partiellement actualisée en circulation auprès des différents partenaires concernés pour achever sa mise à jour ;

- Etudier la possibilité de coordonner l'évaluation finale des activités financées sur les fonds du l'UNF d'une part et l'évaluation à mi-parcours de activités financées par le FFEM

145Samuel Christian Tsakem, M. Tchamba, et R.B., Weladj, « Les gorilles du parc national de Lobéké (Cameroun) : interactions avec les populations locales et implications pour la conservation », Department of Biology, Concordia University, Sherbrooke Street West, Montréal, Canada, 2009, P.1. [En ligne : http://ajol.info/index.php/ijbcsConsulté le 23/06/2022 à 06h01].

64

d'autre part, afin de réduire leurs coûts et d'éviter dans la mesure du possible un double emploi ;

- Susciter une réflexion sur les modalités d'une participation effective des partenaires du programme à la célébration de l'évènement Yaoundé +10 ainsi que celle des pays du Bassin du Congo au prochain Congrès Forestier Mondial prévu à Buenos Aires en Argentine ;

- Etudier et améliorer les modalités de distribution des publications, afin que celles-ci parviennent sans complications aux administrations nationales et aux conservateurs des sites concernés ;

- Valoriser les résultats de l'important atelier organisé par le RAPAC avec les appuis de CA.WH.FI, FAO et ECOFAC sur la thématique de la conciliation des contraintes de la conservation avec les besoins de développement socio-économique des populations vivant dans la périphérie des aires protégées, en allant au-delà des simples actes publiés, par la mobilisation des financements nécessaires pour une mise en oeuvre effective des recommandations très pertinentes adoptées au cours dudit atelier ;

- Introduire un axe d'intervention qui mettra un accent particulier sur la contribution des aires protégées à l'atténuation des changements climatiques ainsi que sur les mesures à prendre pour l'adaptation des sites du patrimoine Mondial aux dits changements ;

- Améliorer la gestion et consolider les sites du Patrimoine Mondial existants créés dans le cadre du programme CAWHFI, par la mise en place de mécanismes de financement durable. Une piste à explorer par la valorisation des stocks de carbone et mécanismes de reboisement ;

- Rappeler aux États, leurs engagements et obligations en rapport avec la nomination des sites de leurs pays respectifs en qualité de Réserves de biosphère ou de Sites du Patrimoine Mondial ;

- Etudier dès maintenant les solutions viables et déterminer avec les gouvernements des pays, les modalités de prise en charge par les États des salaires des écogardes actuellement payés par CAWHFI après la fin du programme prévue en juin 2010 ;

- Prendre les modèles des textes juridiques de la RCA et du Congo définissant le statut des écogardes pour proposer un texte similaire aux autres pays, en vue de l'harmonisation des politiques et législations, dans le cadre de l'étude programmée par le RAPAC avec les appuis des programmes CAWHFI et ECOFAC. À cet effet, les administrations des pays impliqués dans le programme CAWHFI doivent se procurer ces textes pour les vulgariser auprès de leurs autorités de tutelle respectives, avec les appuis et la facilitation des programmes du RAPAC et de la COMIFAC ;

- Demander une intervention forte de la COMIFAC pour une régulation plus rigoureuse146.

Dans ce contexte institutionnel et relationnel où l'on relève facilement un foisonnement d'enjeux liés à l'appropriation réelle des textes internationaux et le positionnement technique et stratégique de certains partenaires internationaux, la législation camerounaise pourrait- elle être efficace et efficiente sur le long terme sans véritablement intégré les paramètres comme les droits des peuples autochtones et les impératifs de développement durable ? Dans le

146Rapport de la CA.WH.FI, IVème Réunion du comité de pilotage, 2008, [En ligne : https://archive.pfbc-cbfp.org/docs/news/mars_avril2009/CAWHFI_actescomitepiltage_2009.pdf , Consulté le 23/06/2022 à 05h17].

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chapitre suivant, nous tenterons une critique constructive de l'encadrement législatif camerounais afin d'en dégager de potentielles améliorations.

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

En somme, cette partie nous a permis d'observer et commenter le contexte global de la conservation de la biodiversité dans le bassin du Congo. Il a été fait un constat mitigé qui comme nous l'a démontré le premier chapitre contraste entre des avancées politiques importantes et des enjeux sous-jacents encore peu ou mal maitrisés comme les conflits homme grand singe, l'implication des populations locales et autochtones, des femmes, le rôle stratégique de certains assistants techniques internationaux, etc. Nous avons également pu voir le rôle, l'historique et le fonctionnement de la principale institution décisionnelle de la sous-région dans la gestion politique des forêts à savoir la COMIFAC.

Cependant, le constat général est que la gestion des aires protégées dans le bassin du Congo fait face encore aujourd'hui à une présence occidentale pas toujours bonifiée au travers de l'assistance technique parfois au détriment des droits des populations locales et autochtones. Toutefois, des avancées significatives sont observables au niveau du parc national de Lobeke par exemple où la sécurité humaine des populations riveraines est de plus en plus intégrée dans les processus décisionnels du parc.

La gestion des forêts du bassin du Congo comme nous l'avons vu, tend fortement vers des processus décisionnels beaucoup plus intégrés. Aussi, les institutions sous régionales comme la COMIFAC tendent tant bien que mal à diffuser les objectif du plan de convergence à l'horizon 2025. Parmi les axes majeurs de ce plan figure en grande ligne une meilleure absorption de tous les piliers et objectifs du développement durable et une valorisation des ressources biologiques au travers de l'écotourisme.

PARTIE II : LES ENJEUX CONTEMPORAINS DE LA
CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE FACE AU
DEVELOPPEMENT DURABLE DANS LE BASSIN DU CONGO

66

S'il est vrai que les réflexions sur la relation entre les activités économiques et l'environnement étaient déjà présentes dans la philosophie antique, elles prennent une place grandissante dans la seconde moitié du XXe siècle avec l'apparition des pollutions, des déchets issus de modes de consommation gaspilleurs de ressources, la surexploitation des systèmes naturels, la consommation croissante d'énergies d'origine fossile dans un contexte de croissance exponentielle de la population mondiale. C'est en 1992, année où se déroule à Rio de Janeiro la deuxième conférence mondiale des Nations Unies sur l'environnement que le développement durable prends définitivement corps. À ce « Sommet de la Terre », les réflexions portent la marque de changements majeurs au niveau mondial : depuis la conférence de Stockholm (1972), la population mondiale est passée de 3,5 milliards d'individus à 5 milliards, l'appauvrissement des pays du Sud s'est accentué ; le remboursement de la dette absorbe l'aide publique du Nord, etc. La conférence de Rio aboutit sur plusieurs points : rédaction des principes de la « Déclaration de Rio », d'un programme d'actions pour le XXIe siècle avec l'Agenda 21 et de deux conventions : convention cadre sur le changement climatique et convention sur la diversité biologique147.

Cependant, malgré cette prise de conscience des problèmes environnementaux et de sous-développement, malgré l'accord sur les principes d'une plus grande défense du patrimoine naturel alliée à une amélioration de la qualité de la vie pour l'ensemble de l'humanité, les actes qui traduiraient de manière conséquente ces principes sont encore trop peu nombreux. Et, lorsqu'ils existent, ils relèvent plus d'actes isolés que d'une stratégie politique à grande échelle.

La conservation de la biodiversité dans le bassin du Congo à ce titre illustre largement cet état de fait. Pour contribuer à l'objectif général de l'atteinte de l'agenda 2030 des Nations Unies, l'appropriation concrète de ces enjeux est un impératif pour les aires protégées et les secteurs d'activités connexes comme le tourisme.

Ainsi, dans le premier chapitre de cette partie intitulé : Développement durable et conservation de la biodiversité (Chapitre III), nous ferons un rappel des piliers du développement durable sous le prisme des sciences politiques et quelques outils techniques susceptibles d'optimiser leur prise en compte dans la conservation de la biodiversité.

147 Alexandre Alcouffe et al., « Les enjeux du développement durable », Université des sciences de Toulouse, no 57, 2002, p. 1. [En ligne « https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02116569/document », consulté le 11/072022 à 14 :07 ].

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Au chapitre suivant intitulé : Tourisme durable au parc national de Lobéké (Chapitre IV), nous présenterons les enjeux et la stratégie de développement de l'écotourisme du parc national de Lobéké à laquelle nous avons participé et quelques perspectives positives pour la sous-région.

CHAPITRE III : LE DEVELOPPEMENT DURABLE ET LA CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE

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Le développement durable fait référence à toute politique de développement qui s'efforce de concilier la protection de l'environnement, l'efficience économique et la justice sociale, en vue de répondre aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures de satisfaire les leurs. En d'autres termes, le développement durable est une finalité dont la réalisation peut faire l'objet de différentes stratégies. Stratégies qui peuvent quant à elles concerner les activités d'une entité étatique ou gouvernementale, entité territorialement décentralisée ou toute forme d'entreprise (publique ou privée), un groupe social tout autant qu'un individu.

Les aires protégées en raison de leur importance pour la planète et les populations riveraines qui en dépendent presque totalement dans le bassin du Congo, se doivent de s'approprier le développement durable dans son sens le plus complet. Par exemple, analyser et optimiser la gestion stratégique de l'environnement par rapport à l'action politique tout en veillant à une capitalisation des externalités de l'économie classique pour les populations riveraines relève encore de l'abstrait pour de nombreux gestionnaires d'aires protégées en Afrique centrale.

Proposer un modèle d'opérationnalisation des différents piliers et outils du développement durable pour la gestion des aires protégées constituera le corpus de ce chapitre. La (section I) intitulée : les piliers du développement durable dans la conservation de la biodiversité fera un rappel des objectifs attendus de chaque pilier du développement durable pour une optimisation des politiques de conservation de la biodiversité. La (section II) intitulée : entre pratiques traditionnelles et innovations scientifiques, présentera de nouvelles approches largement encouragées pour une conservation durable, efficiente et efficace de la biodiversité dans le bassin du Congo.

SECTION I : LES PILIERS DU DEVELOPPEMENT DURABLE DANS LA
CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE

Les piliers du développement durable que sont l'environnement, l'économie et le social sont aujourd'hui analyser dans leur sens le plus large pour en déterminer des actions créatrices d'un réel changement auprès des populations. Aujourd'hui encore, la dualité conceptuelle rencontrée dans les courants de pensée scientifique depuis les origines du concept de développement durable reste manifeste. Lorsque survient le besoin de ce développement au sens strict du terme, la durabilité semble rationalisée par l'impératif économique. La responsabilité sociétale dans le sens de la recherche du bien être humain qui quant à elle semble se substitué à une formalité imposée par le besoin de paraitre conforme aux normes internationales. Tels sont entre autres les enjeux abordés dans cette section.

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Au (Paragraphe I) intitulé : l'environnement et, ou l'économie ? Nous essaierons de révéler une des causes tacites du problème, de confronter l'idée selon laquelle l'un de ces piliers devrait forcément s'opposer à l'autre dans un processus de développement durable.

Dans le (Paragraphe II) intitulé : la responsabilité sociétale, il sera question d'aborder l'éducation environnementale comme un préalable à tout processus de bien être total pour les générations présentes et futures.

PARAGRAPHE I : L'ENVIRONNEMENT ET, OU L'ECONOMIE ?

Le rapport Meadows du Club de Rome, intitulé « Halte à la croissance », dénonce un modèle économique fondé sur une croissance illimitée. Ce rapport présente le développement économique et la protection de l'environnement comme étant antinomiques et appelle à un changement radical de mode de développement. Or, le développement durable nous propose aujourd'hui des outils susceptibles d'associer performance économique et protection de l'environnement.

Ce paragraphe illustrera dans un premier temps l'ASGE (stratégique de la gestion environnementale) en (A). Il s'agit brièvement d'un modèle de conceptualisation de la relation qui existe entre les différents enjeux de chaque concept. Dans un second temps nous parlerons de l'économie durable (B).

A. L'analyse stratégique de la gestion environnementale (ASGE) 1. Les origines de l'analyse de la gestion environnementale

L'analyse stratégique de la gestion environnementale (ASGE) prend ses racines dans les années 1980 à partir d'études de cas très diverses, notamment la théorie de la pratique de la gestion environnementale148. Ces travaux ont été par la suite largement appuyés par les bases théoriques d'un réseau de chercheurs qui, de 1976 à 1987, ont développé la « gestion patrimoniale ». Trois (03) des fondements de cette théorie sont encore aujourd'hui au coeur de la mise en oeuvre de l'ASGE :

Cependant, la plupart des approches développées dans ce champ de l'environnement sur ces mêmes bases à l'exemple de la gestion patrimoniale, la gestion intégrée, le développement durable, etc., reviennent en dernière analyse à instituer comme système d'action pour remédier à un problème environnemental, le même système d'action qui porte en lui, souvent profondément inscrites, les causes de ce problème et l'impuissance ou la réticence à les résoudre. Il y a là une contradiction essentielle, que ces approches entendent lever tant sur le plan théorique que pratique, en posant sous des formes diverses l'hypothèse d'un potentiel de transformation à mobiliser par une meilleure coordination. Coordination qui inclurait en autres l'amélioration de la communication, changement des procédures, l'ajout de nouvelles institutions de coordination etc.149

Même si ces approches qui posent le problème environnemental en termes de coordination ou d'action collective en sont encore à leurs débuts au milieu des années 1980, la

148Laurent Mermet, « L'institution patrimoniale du haut Béarn : gestion intégrée de l'environnement ou réaction anti-environnement ? », Annales des Mines/Responsabilité et Environnement, 2001, p. 9.

149 Idem.

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réflexion critique sur leurs fondements, le constat qu'elles méconnaissent ou minorent systématiquement certains aspects des dossiers d'environnement,150conduisent à affirmer un désaccord théorique fondateur de notre démarche encore en 2022.

Résumons-le en quelques mots : s'il y a un « problème » écologique que la gestion existante peine à résoudre, il faut envisager de changer le système de gestion ; l'amélioration de la coordination, la collaboration dans l'action ne sont que des aspects particuliers de ce changement. Il n'y a pas de raisons de lès considérer a priori comme centraux, encore moins comme suffisants. La problématique de changement, intrinsèque à la plupart des situations de gestion environnementale rencontrées, nous incite à mettre au centre de nos analyses le projet d'identifier dans les situations concrètes de gestion de l'environnement, les conditions d'un changement de gestion, sans les postuler au départ151.

2. Des propositions pour une amélioration

Les principaux théoriciens de cette approche préconisent comme préalable, la mise en oeuvre d'un cadre pour une analyse stratégique de la gestion de l'environnement, articulée autour de quatre (04) principes organisateurs :

· Appuyer l'analyse du système d'action lié à un problème d'environnement sur une définition préalable, en termes écologiques, de l'objet environnemental à prendre en compte et des objectifs poursuivis.

La formule un peu provocatrice « buts dans la nature, moyens dans la société » ; insiste sur la ponctuation très spécifique qu'opère, dans le continuum socio-écologique, l'opération particulière qui consiste à répondre à une question précise de responsabilité sur l'état de l'environnement.

· Prendre en compte, dans le diagnostic de la gestion de cet objet environnemental, l'ensemble des actions anthropiques qui, consciemment ou non, intentionnellement ou non, ont une influence déterminante sur ses qualités. C'est cet ensemble que l'on définit comme la « gestion effective ». Ce concept, souvent mal compris, opère un décalage majeur par rapport aux habitudes qui restreignent en général l'usage du mot gestion à l'intervention délibérée sur une organisation.

Pourtant, le concept de gestion désigne bien aussi l'exercice de fait, conscient ou non, d'une responsabilité d'ensemble. Ainsi, une entreprise mal gérée n'est pas tant celle que ses dirigeants «mal-gèrent» consciemment et activement, que celle où le management ne parvient pas à insuffler à la gestion effective la cohérence nécessaire avec les objectifs de gestion.

· Apporter une attention centrale aux acteurs qui ont pour mission principale de provoquer des changements appropriés de la gestion effective de l'objet écologique : ce sont les « acteurs d'environnement», opérateurs de la « gestion intentionnelle ».

Ce concept est souvent, lui aussi, saisi avec peine. La tentation est forte, en effet, de considérer comme acteurs d'environnement tous ceux qui sont impliqués dans le problème environnemental que l'on considère, ou bien tous ceux qui mènent des actions à objectif environnemental affiché.

150Par exemple, le rôle essentiel souvent joué par le mouvement environnemental, le poids des résistances au changement, la domination exercée à tous les niveaux de la décision par des réseaux d'intérêts sectoriels, etc. 151 Laurent Mermet, et al., 2005, Op.cit, p. 3.

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Nous lui donnons un sens plus étroit où le ou les acteurs qui, dans une situation donnée, jouent effectivement (à la fois dans le discours et par leurs actions constatées), vis-à-vis des acteurs responsables des processus dommageables pour l'environnement ou des acteurs régulateurs (élus territoriaux, préfet, etc.), un rôle d'agent de changement en faveur de l'objectif environnemental pris en référence. Là encore, ce concept porte le poids d'un déplacement de l'analyse qui fait passer le problème d'environnement du statut de « problème-collectif-à-résoudre-tous-ensemble » à celui de responsabilité collective qui ne sera pas honorée sans l'intervention stratégique efficace d'un agent de changement, en général minoritaire, au moins au départ.

· Replacer ces analyses dans la perspective dynamique d'un système de gestion qui change et se structure au fil du temps sous l'effet structurant des conflits, par lesquels les préoccupations portées par les interventions de gestion intentionnelle finissent par être partiellement intégrées. Ce caractère intégré caractérisant avant tout un résultat de gestion, même s'il peut aussi porter sur l'intervention de gestion elle-même152.

Ces quatre principes pris ensemble permettent un recadrage déterminant pour l'analyse des problèmes environnementaux et dans un sens plus large les problèmes de développement durable. À ce titre, l'analyse du concept d'économie durable.

B. L'économie durable

L'atteinte des objectifs du développement durable passe par l'utilisation adéquate d'un certain nombre d'outils d'ordre technique, politique ou socio-économique. Le rôle de l'économie est de plus en plus indispensable à l'atteinte des objectifs du développement durable. Tous les secteurs clés du développement durable comportent un volet économique, dans lequel divers outils peuvent être optimisés.

Ici, nous estimons que la question du financement durable est essentielle voir centrale. À cela s'ajouterai la question de l'économie verte, qui prend de l'importance dans la mise en oeuvre du développement durable, après Rio+20153.

1. Le financement durable.

Le financement des activités d'un pays suppose la création de richesses. Il s'agit de la croissance économique, qui est la variation positive de la production nationale de biens et de services sur une période donnée. La croissance économique se mesure par le produit intérieur brut (PIB), qui est aujourd'hui l'indicateur usuel pour l'appréhender. Et donc, le financement du développement durable est tributaire de la croissance économique. On peut supposer qu'en période de crise, les financements seront moins disponibles qu'en période de forte croissance. Cependant, le financement du développement durable est aussi une question de volonté politique et d'engagement au niveau national et international154.

Le financement public

152Ibid. p. 4.

153IFDD, Yelkouni, M.et al., Développement durable - Comprendre et analyser des enjeux et des actions du développement durable, Université Senghor, 2018, p. 55.

154 Ibid., p. 56.

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Le financement public du développement durable relève en général des organisations internationales et des gouvernements nationaux. Il a donc une dimension internationale et nationale. À l'échelon international, des organisations comme le Fonds monétaire international (FMI) ou la Banque mondiale sont des partenaires clés du développement. Pour l'atteinte des objectifs de développement durable (ODD), le FMI envisage :

- De relever l'accès des pays en développement aux ressources du FMI, ce qui leur permettrait de mieux faire face à leurs besoins de financement de la balance des paiements tandis qu'ils cherchent à accélérer leur croissance ;

- D'accroître l'aide à l'établissement de diagnostics et d'intensifier le renforcement des capacités pour les pays qui cherchent à augmenter leurs investissements pour réduire leurs déficits d'infrastructures ;

- De mettre davantage l'accent sur l'équité, l'inclusion et l'équilibre des genres dans les travaux opérationnels, en s'inspirant de l'analyse en cours et des travaux d'autres institutions ;

- De mettre davantage l'accent sur les pays fragiles et les pays touchés par des conflits ;

- D'intensifier de manière sélective le renforcement des capacités dans les domaines de la mobilisation des recettes, de la taxation de l'énergie et du développement des marchés financiers155.

Dans le domaine de l'environnement, l'aide publique au développement est un levier indispensable, en particulier pour les biens publics régionaux et mondiaux. En plus de la Banque mondiale et du FMI, il ne faut pas négliger les institutions régionales comme la Banque africaine de développement (BAD). Dans le domaine des changements climatiques, la communauté internationale s'engage toujours sur des promesses de financement. Ainsi, en 2010, à la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, les pays développés s'engageaient à mobiliser ensemble100 milliards de dollars par an à l'horizon 2020 pour pourvoir aux besoins des pays en développement156.

En 2015, l'Accord de Paris a fixé un nouveau plancher de 100 milliards de dollars par an à mobiliser avant 2025. Cependant, il existe divers fonds que ces pays peuvent mobiliser pour des actions:

- Le Fonds pour l'environnement mondial (FEM) est un organisme dédié à la coopération internationale pour financer des initiatives engagées dans la lutte contre les principales menaces sur l'environnement : la dégradation de la biodiversité, les changements climatiques, la dégradation des eaux internationales, l'appauvrissement de la couche d'ozone, la dégradation des sols par les polluants organiques persistants (POP).

- Le FEM compte 175 gouvernements membres et travaille en partenariat avec le
secteur privé, les organismes non gouvernementaux (ONG) ainsi que les organisations internationales pour traiter des enjeux environnementaux au niveau mondial, tout en soutenant les initiatives de développement durable au niveau national.

.Le Fonds français pour l'environnement mondial (FFEM) est un fonds public bilatéral que le gouvernement français a créé en 1994 à la suite du Sommet de Rio. Son objectif est de

155 Idem.

156 Idem.

73

favoriser la protection de l'environnement mondial par des projets de développement durable dans les pays en développement ou en transition. Les domaines prioritaires sont la biodiversité, les changements climatiques, la protection des eaux internationales, la dégradation des sols ainsi que la lutte contre les POP. Les projets doivent mettre en oeuvre les grandes orientations de la Convention sur la diversité biologique : la préservation de la biodiversité ; la gestion durable des ressources naturelles ; la valorisation de la biodiversité comme atout au développement économique et social. Les deux axes prioritaires sont l'implication des populations locales et l'intégration de la biodiversité dans les démarches de développement157.

Pourquoi les États doivent-ils trouver des ressources publiques propres pour financer leur développement durable ? Plusieurs raisons existent :

- Arriver à financer leur propre développement sans toujours dépendre de l'extérieur ; lutter contre la pauvreté et les inégalités en investissant dans la gestion des ressources naturelles ;

- Assurer la fourniture de biens et de services publics que les marchés évitent de fournir ou fournissent en quantité insuffisante.

La mobilisation d'un financement public interne pour l'environnement nécessite donc la mise en place d'une fiscalité environnementale dédiée, ce qui suppose de revoir la taille de l'assiette fiscale et d'améliorer l'administration des impôts et taxes. La fiscalité environnementale est un instrument qui vise à prendre en compte, dans les coûts supportés par les acteurs économiques (entreprises, ménages, secteur public), le coût des dommages environnementaux causés par leurs activités. Les taxes environnementales peuvent être distinguées en fonction de la problématique environnementale à laquelle elles s'appliquent : la consommation de ressources (ressources biotiques, ressources en eau, matières premières énergétiques et minérales), les changements climatiques (émissions de gaz à effet de serre), les pollutions (pollution de l'air et de l'eau et gestion des déchets)158.

Par exemple, le Bénin a instauré, dans sa politique nationale de gestion des déchets urbains, la taxe d'enlèvement des ordures (TEO), qui varie :

- Entre 500 et 8 000 francs CFA pour les occupants d'immeubles à des fins d'habitation

;

- Entre 2 000 et 50 000 francs CFA pour les occupants d'immeubles à des fins d'activité commerciale, industrielle et professionnelle.

Dans le bassin du Congo, les différents pays sont riches en ressources naturelles renouvelables et non renouvelables. Dans ce cas, la fiscalité des industries extractives doit tenir des impacts à court, moyen et long terme. On peut donc imaginer qu'une part des gains soit conservée et investie au service des générations futures, comme dans les fonds souverains. En somme, l'État doit être le moteur du financement de l'environnement à travers des politiques budgétaires appropriées159.

157 Idem.

158 Idem.

159 Idem.

74

Le financement privé

Le développement d'un pays est lié au dynamisme du secteur privé, car le public ne peut pas supporter à lui seul tous les investissements indispensables à la croissance économique. Les ressources privées sont donc des moteurs de croissance et de création d'emplois. Même si, de nos jours, le secteur privé est sensibilisé à la cause de l'environnement, son niveau d'investissement dans ce domaine reste faible. Les gouvernements nationaux se doivent d'inciter les banques privées et les assurances à contribuer au développement durable par l'octroi de crédits sur des projets innovants. L'accès des ménages et des entreprises au crédit est en soi un problème en Afrique, où les taux d'intérêt sont élevés. Or les banques ont une responsabilité dans le financement du

développement durable. En effet, elles peuvent jouer un
rôle en amont des projets d'investissement de leurs clients (particuliers ou entreprises)160.

Les investissements dans l'éco-innovation sont souvent coûteux ; en général, les banques préfèrent financer des projets dont la rentabilité est réalisable à court terme. Ainsi, pour stimuler un financement privé interne, les pouvoirs publics devraient mettre en place des politiques pour encourager les investissements de long terme dans le domaine de l'environnement. Pour ce faire, selon les Nations Unies (2015), il faudrait :

- Assurer un meilleur accès aux services financiers aux ménages et aux micros entreprises ;

- Promouvoir les prêts pour les petites et moyennes entreprises ;

- Développer des marchés financiers pour les investissements à long terme ;

- Améliorer la réglementation pour une meilleure gouvernance dans le système financier.

Il existe cependant des organismes et des fonds privés très actifs dans le domaine de l'environnement, qui mobilisent des ressources financières non négligeables dans des domaines spécifiques comme la conservation des ressources naturelles. On peut citer, entre autres, l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), la Fondation pour la nature et l'homme et la fondation MAVA161.

Le financement mixte

Les besoins de financement du développement durable sont considérables, en particulier dans une période de crise économique. Il faudrait donc envisager des financements mixtes combinant des capitaux privés et publics. Cela implique la mise en place de partenariats innovants pour financer le développement durable. Dans bien des cas, lorsqu'on parle de financement mixte, le partenariat public-privé est évoqué. Or, il existe différentes formes de partenariats, combinant les gouvernants, la société civile, les institutions privées à but lucratif, les banques de développement, etc. S'il est bien conçu, le financement mixte permet aux gouvernements d'utiliser des fonds publics pour lever des capitaux privés et ouvre également la voie à des modes de financement modernes et alternatifs comme le Bit coin. Il existe aussi un avantage à ce mode de financement : partager les risques et les rendements mais aussi les

160 Ibid., p. 58.

161 Idem.

75

émotions dues à la participation directe des parties prenantes (personnes morales et physiques) aux missions et actions de conservation. Cependant, l'État peut continuer de jouer

son rôle régalien sur le plan social, environnemental et économique, au nom de l'intérêt général162.

2. L'économie durable comme économie verte et circulaire

La notion d'économie verte a été un des points saillants des débats à la Conférence des Nations Unies sur le développement durable (Rio+20)4. Le développement durable n'est possible qu'en prenant des trajectoires de croissance économique respectueuses de l'environnement. C'est ainsi que l'économie verte est considérée comme un outil de développement durable.

a. L'économie verte

Plusieurs termes sont utilisés dans le cadre de ce concept, allant de l'économie verte aux emplois verts. Une première définition à mettre en relief est celle du Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE, 2011) : « une économie qui améliore le bien-être humain et l'équité sociale tout en réduisant de façon significative les risques environnementaux et les pénuries écologiques »163.

Sous sa forme la plus simple, l'économie verte se caractérise par un faible taux d'émission de carbone, l'utilisation rationnelle des ressources et l'inclusion sociale. Pour l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), l'enjeu concerne la croissance économique dans ses pays membres. Ainsi, pour elle, « la croissance verte consiste à favoriser la croissance économique et le développement tout en veillant à ce que les actifs naturels continuent de fournir les ressources et les services environnementaux sur lesquels repose notre bien-être. Pour ce faire, elle doit catalyser l'investissement et l'innovation qui étayeront une croissance durable et créeront de nouvelles opportunités économiques » (OCDE, 2012)164.

Un autre terme employé est celui d'emplois verts, que plusieurs organisations comme le Bureau international du travail mettent en relief. Selon Les Verts (2014), les emplois verts recouvrent toute activité professionnelle qui contribue à protéger l'environnement et à lutter contre le changement climatique parce qu'elle économise de l'énergie et des matières premières, encourage les énergies renouvelables, réduit les déchets et la pollution ou protège la biodiversité et les écosystèmes. De manière générale, les pays d'Afrique ont adopté la définition du PNUE pour la mise en oeuvre de leurs stratégies d'économie verte165.

La mise en oeuvre de l'économie verte est un processus. Le guide pratique de

l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF, 2015) pour l'intégration des stratégies

de l'économie verte dans les politiques de développement propose cinq étapes principales :

- Le choix des secteurs ;

- L'identification des options d'intervention : la formulation des politiques ;

- L'évaluation des options d'intervention ;

- L'élaboration d'une stratégie et d'un plan d'action ;

- La mise en oeuvre de la stratégie, le suivi et l'évaluation des progrès.

162 Ibid., p. 59.

163 Idem.

164 Idem.

165 Idem.

Ces cinq étapes contribuent à une analyse transversale de l'élaboration et de l'évaluation des politiques et des investissements de l'économie verte.

L'Afrique est un continent où les opportunités sont réelles pour une transition vers une économie verte. Des stratégies existent ou sont en cours d'élaboration. Les principaux secteurs clés sont la forêt, l'agriculture, l'eau, la pêche, l'élevage, l'énergie, les mines, la sylviculture, les déchets, le transport, l'assainissement, le tourisme et la construction. Il y a toutefois un secteur qui doit être prioritaire et transversal à tous les autres : l'éducation166.

b. L'économie circulaire

La notion d'économie circulaire est née des limites de l'économie linéaire actuelle. Depuis la révolution industrielle, le modèle de production et de consommation repose sur des ressources naturelles abondantes, et sur un schéma d'utilisation linéaire : on extrait des matières premières, on produit des biens et services, on consomme ces biens et services, on se débarrasse des déchets. Ce modèle conduit inexorablement à l'épuisement des ressources naturelles167.

Le principe clé de l'économie circulaire est d'éviter le gaspillage des ressources et l'impact environnemental. Pour Laurent et Le Cacheux (2015), l'économie circulaire vise des prélèvements limités des ressources, l'utilisation d'énergies renouvelables et la minimisation des déchets. Selon l'ADEME (2013, p. 4), l'économie circulaire est un «système économique d'échange et de production qui, à tous les stades du cycle de vie des produits (biens et services), vise à augmenter l'efficacité de l'utilisation des ressources et à diminuer l'impact sur l'environnement tout en développant le bien-être des individus »168

Nous reprenons ici les principes énoncés par l'ADEME. Ainsi, l'économie circulaire repose sur trois domaines d'action et sept piliers, comme le montre le schéma ci-dessous.

Figure 07 : schéma de l'économie circulaire. Source : ADEME (2013).

166 Idem.

167 Ibid., p. 61.

168 Idem.

76

77

Les trois domaines d'action concernent : l'offre des acteurs économiques ; la demande et le comportement des consommateurs ; la gestion des déchets.

Chacun de ces domaines comprend un ou plusieurs piliers. L'offre des acteurs économiques comporte jusqu'à quatre piliers :

- L'approvisionnement durable, qui concerne le mode d'exploitation ou d'extraction des ressources, en limitant les rebuts d'exploitation et l'impact sur l'environnement ;

- L'écoconception, qui vise à prendre en compte l'ensemble du cycle de vie en minimisant les impacts environnementaux ;

- L'écologie industrielle et territoriale, qui constitue un mode d'organisation interentreprises par des échanges de flux ou une mutualisation des besoins ;

- L'économie de la fonctionnalité, qui privilégie l'usage à la possession, et tend à vendre des services liés aux produits plutôt que les produits eux-mêmes169.

La demande et le comportement des consommateurs s'appuient sur deux piliers :

- La consommation responsable, qui doit conduire l'acheteur à effectuer son choix en prenant en compte les impacts environnementaux à toutes les étapes du cycle de vie du produit ;

- L'allongement de la durée d'usage par le consommateur, qui doit le conduire à la réparation, à la revente ou au don et au réemploi.

Quant à la gestion des déchets, elle repose sur le recyclage, qui vise à utiliser les matières issues de déchets. Ainsi, l'économe circulaire s'inscrit dans une démarche de développement durable. Elle a pour objectif de passer d'un modèle de réduction des impacts environnementaux à un modèle de création de valeur positive sur les plans social, économique et environnemental170.

c. L'analyse du cycle de vie (ACV)

L'ACV est aujourd'hui inscrit dans tout processus d'industrialisation. Pour parvenir à une valorisation optimale des ressources prélevées mais aussi des externalités durant le processus de fabrication, de transformation et de consommation finale du produit.

L'analyse du cycle de vie (ACV) est une méthode normalisée qui permet de mesurer les effets quantifiables de produits ou de services sur l'environnement. Pour la norme ISO 14040, l'ACV est une « compilation et évaluation des intrants, des extrants et des impacts environnementaux potentiels d'un système de produits au cours de son cycle de vie ». À quoi sert l'analyse du cycle de vie ? L'ACV est un outil d'aide à la décision. Ses résultats peuvent être utilisés pour des besoins d'écoconception, d'affichage environnemental ou encore d'orientation des politiques publiques. L'ACV a pour objectif de présenter une vision globale des impacts générés par les produits (biens, services ou procédés), déclinée selon différentes simulations : pour les politiques industrielles, il s'agit de choix de conception et d'amélioration de produits, de choix de procédés, etc. ; pour les politiques publiques, de choix de filières de valorisation ou de critères d'écolabellisation des produits.171

L'analyse du cycle de vie s'articule autour de quatre étapes, selon les normes ISO 14040 et 14044 :

169 Idem

170 Idem.

171 Ibid., p. 62.

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- Définir les objectifs et le champ de l'étude

Cette étape permet de déterminer quels sont les objectifs de l'ACV, en précisant l'application qui en sera faite : écoconception, comparaison ou déclaration environnementale. La cible de l'étude (interne ou externe à l'entreprise) est précisée à ce stade, ainsi que la manière dont seront divulgués les résultats (pour des affirmations comparatives par exemple). Le champ de l'étude doit par ailleurs préciser les fonctions du produit étudié, l'unité fonctionnelle choisie, les frontières du système étudié et les limites de l'étude172.

- Inventorier le cycle de vie

Cette étape consiste à dresser l'inventaire des flux de matières et d'énergie entrants et sortants, associés aux étapes du cycle de vie rapporté à l'unité fonctionnelle retenue. L'inventaire est donc une comptabilité analytique des flux. On collecte ainsi des facteurs d'activité (la consommation, en kilowatts ; la distance parcourue, en kilomètres ; les quantités transportées, en tonnes) et des facteurs d'émission (de gaz, en grammes d'oxydes d'azote ; de phosphate dans l'eau, en grammes)173.

- Évaluer les impacts

À partir des flux de matières et d'énergie recensés, on évalue les impacts potentiels, qui peuvent être des dommages.

- Interpréter les résultats obtenus en fonction des objectifs retenus.

Cette étape, qui découle des trois précédentes, permet de valider que les résultats obtenus répondent aux objectifs de l'étude. Ainsi, l'ACV est un outil d'aide à la décision. Elle peut être utilisée à des fins de communication ou pour conduire des politiques industrielles (« écoconception » des produits) ou publiques174.

En plus d'une analyse scrupuleuse des modes de productions et consommations comme évoqué précédemment, le développement durable pour les pays du bassin du Congo ne sera efficient qu'en passant par des formations appropriées à tous les niveaux de l'éducation et en ciblant des couches sociales comme les jeunes filles. Il faudrait aussi que les États africains investissent davantage pour la préservation du capital humain indispensable pour un développement durable du continent.

PARAGRAPHE II : LA RESPONSABILITE SOCIALE

D'après l'UNESCO175, « L'éducation transforme la vie et est au coeur de la mission de l'UNESCO pour construire la paix, éradiquer la pauvreté et construire le développement durable. C'est un droit humain pour tous, tout au long de la vie. »176.

172 Ibid., p. 63.

173 Idem.

174 Idem.

175 UNESCO : Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Science et la Culture.

176 UNESCO, 2022, [En ligne : « L'éducation transforme la vie | UNESCO », consulté le 13/07/2022 à 00h34].

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C'est dire l'importance que revêt l'éducation (A) pour la construction des modèles de développement justes, équitables et responsables et pour la satisfaction du bien-être humain (B).

A. L'éducation

Figure 08 : L'éducation à la base du développement durable. Source : UNESCO, 2013

1. L'éducation comme besoin vital

Depuis les années soixante-dix, les instances internationales ont très régulièrement appelé l'école à apporter sa contribution pour relever les grands défis environnementaux. Le coup d'envoi de l'éducation à l'environnement a été donné par la conférence des Nations Unies de Stockholm en juin 1972. Les conférences de Rio (1992), Johannesburg (2002) en passant par Kyoto (1997), ont amené leurs lots de préconisations. En même temps que les analyses et les problématiques ont évolué, intégrant de façon plus explicite les volets sociaux et économiques aux aspects environnementaux, les mots ont changé. Après le rapport Brundtland en 1987 (du nom de Madame Gro Harlem Brundtland, présidente de la commission mondiale de l'environnement et du développement), le terme de «développement durable » s'est imposé progressivement et a gagné lentement le terrain de l'éducation.177

177Gustave Bonhoure, et M., Hagnerelle, « L'éducation relative à l'environnement et au développement durable », Rapport à Monsieur le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, N° 2003 014, 2003, p. 3. [En ligne : « Rapport éducEnvrt .doc ( ac-lille.fr) », consulté le 13/07/2022 à 00h47]

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L'éducation au développement durable (EDD) est la réponse du secteur de l'éducation de l'UNESCO aux défis urgents et dramatiques auxquels la planète est confrontée. Par leurs activités collectives, les êtres humains ont modifié les écosystèmes de la terre à un point tel que notre survie semble même en danger à cause de transformations qui sont plus difficiles à inverser chaque jour. Pour contenir le réchauffement climatique avant qu'il n'atteigne des niveaux catastrophiques, il convient de traiter les questions environnementales, sociales et économiques sous un prisme holistique. L'EDD pour l'Agenda Éducation 2030 de l'UNESCO vise à apporter la transformation personnelle et sociétale nécessaire pour changer de cap sous forme de plaidoyer :

L'éducation éclaire chaque pas accompli vers une vie meilleure, surtout pour les pauvres et les plus vulnérables. Pourtant, l'extraordinaire capacité de l'éducation à servir de catalyseur pour réaliser les objectifs généraux du développement ne s'exerce pleinement que lorsque l'éducation est équitable. Des efforts particuliers doivent donc être déployés pour garantir que tous les enfants et les jeunes quels que soient leur revenu familial, le lieu où ils vivent, leur genre, leur origine ethnique ou leurs handicaps éventuels puissent bénéficier à égalité de cette capacité de l'éducation à transformer nos existences. L'éducation est en particulier source d'autonomisation pour les filles et les jeunes femmes, parce qu'elle augmente leurs chances de trouver un emploi, de rester en bonne santé et de participer pleinement à la vie de la société. Elle donne aussi plus de chances à leurs enfants de vivre des vies saines. Pour recueillir les plus larges bénéfices de l'éducation, il faut permettre à tous les enfants d'étudier jusqu'au terme non seulement du cycle primaire, mais aussi du premier cycle de l'enseignement secondaire. L'accès à l'école n'est toutefois pas suffisant : pour qu'il y ait réellement apprentissage, l'éducation doit être de bonne qualité. Compte tenu de son pouvoir transformateur, l'éducation doit occuper une place centrale dans le cadre du développement mondial178.

L'éducation de la mère est cruciale pour sa propre santé. Environ 800 femmes décèdent chaque jour de complications évitables liées à la grossesse ou à l'accouchement, comme la pré-éclampsie179, l'hémorragie ou l'avortement pratiqué dans de mauvaises conditions de sécurité. Les femmes qui ont été scolarisées sont plus susceptibles d'éviter ces risques, en adoptant des règles d'hygiène simples et peu coûteuses, en réagissant aux symptômes et en s'assurant de la présence d'un personnel qualifié lors de l'accouchement. Par exemple, savoir lire et écrire peut être bien plus bénéfique pour les mères des ménages pauvres pour ce qui est d'accoucher en présence d'une sage-femme dûment formée. Au Cameroun, 54 % des mères analphabètes des ménages pauvres bénéficient de ce soutien, contre 19 % des mères analphabètes180.

L'éducation des filles peut sauver des millions de vies. Il n'y a guère d'illustrations plus spectaculaires du pouvoir de l'éducation que l'estimation selon laquelle les vies de 2,1 millions d'enfants de moins de 5 ans ont été sauvées entre 1990 et 2009 grâce aux progrès réalisés en matière d'éducation des filles. L'éducation est l'un des meilleurs moyens

178UNESCO, « l'éducation transforme nos existences », Rapport mondial de suivi sur l'éducation pour tous, 2013, p. 4.

179Également appelée toxémie, c'est une condition qui se développe chez la femme enceinte, elle est marquée par une pression artérielle élevée et la présence de protéines dans l'urine.

180 Ibid., p. 6

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d'améliorer la santé des enfants. Les femmes instruites sont mieux informées sur les maladies, et sont ainsi capables de les prévenir. Elles peuvent reconnaître les premiers symptômes, consulter un médecin et prendre les mesures nécessaires181.

2. L'éducation comme vecteur d'égalité

L'éducation, surtout lorsqu'elle autonomise les femmes, permet d'éloigner durablement le spectre de la malnutrition. La malnutrition est la cause sous-jacente de plus du tiers des décès d'enfants dans le monde. Les mères instruites sont plus susceptibles d'obtenir que leurs enfants reçoivent les meilleurs nutriments pour les aider à prévenir ou à enrayer la mauvaise santé, de mieux connaître les pratiques de santé et d'hygiène adéquates, et d'acquérir assez de pouvoir au sein du ménage pour s'assurer que les besoins nutritionnels de leurs enfants sont satisfaits182.

L'éducation améliore les perspectives d'emploi, aidant les ménages à échapper à la pauvreté. Les hommes et les femmes instruits ont plus de chances non seulement d'avoir un emploi, mais aussi que cet emploi soit durable et assorti de bonnes conditions de travail et d'un salaire décent. L'éducation, surtout si elle bénéficie aux femmes, peut contribuer à combler l'écart entre les sexes en matière de perspectives d'emploi et de salaire. De même qu'elle contribue à les en sortir définitivement, l'éducation aide aussi les ménages à ne pas tomber ou retomber dans la pauvreté183.

L'éducation donne aux femmes la capacité de vaincre la discrimination. Les filles et les jeunes femmes instruites ont une conscience plus aiguë de leurs droits, et elles jouissent de plus de confiance et de liberté pour prendre les décisions susceptibles d'affecter leur existence, d'améliorer leur santé et leurs chances de survie ainsi que celles de leurs enfants, et d'accroître leurs perspectives d'emploi. En Afrique subsaharienne et en Asie du Sud et de l'Ouest, une fille sur huit est déjà mariée à l'âge de 15 ans, et une sur sept est déjà mère à 17 ans. Maintenir les filles à l'école est l'un des moyens les plus sûrs de prévenir le mariage des enfants et les grossesses précoces. L'éducation est aussi un facteur clé de l'accélération de la transition démographique et de la baisse des taux de natalité et de mortalité184.

L'éducation est indispensable pour renforcer les liens entre les communautés et les sociétés. L'éducation aide les individus à comprendre la démocratie, promeut la tolérance, ainsi que la confiance qui la sous-tend, et encourage la participation des citoyens à la vie politique. Son rôle est particulièrement crucial dans les régions et les pays où l'intolérance est source de violence et de conflit.185

Une éducation équitable stimule la croissance économique. Non seulement l'éducation aide les individus à sortir de la pauvreté en développant les compétences dont ils ont besoin pour améliorer leurs moyens d'existence, mais elle génère aussi des gains de productivité qui stimulent substantiellement la croissance économique. Toutefois, pour faire reculer la pauvreté, la croissance doit combattre les inégalités en améliorant le sort des plus pauvres et

181 Ibid., p. 8.

182 Ibid., p. 12.

183 Ibid., p. 14.

184 Ibid., p. 16.

185 Ibid., p. 18.

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des plus exclus. L'éducation est cruciale pour atteindre cet objectif, parce qu'elle aide à garantir que les bénéfices de la croissance sont équitablement partagé186.

L'éducation apporte des réponses aux problèmes environnementaux mondiaux. Les individus plus instruits tendent non seulement à être plus soucieux de l'environnement, mais aussi à traduire cette préoccupation en actions visant à encourager ou à appuyer les décisions politiques en faveur de l'environnement. Parce qu'elle enrichit les connaissances, transmet des valeurs, renforce les convictions et modifie les attitudes, l'éducation a une formidable capacité de changer les modes de vie et les comportements néfastes. Elle peut nous encourager à faire un usage plus efficace de l'eau et de l'énergie et à recycler les déchets ménagers. Dans les pays pauvres victimes du changement climatique, elle peut aider les populations à s'adapter à ses effets. Au niveau mondial par exemple, investir 11 à14 milliards de dollars US par an dans l'éducation de base des filles pourrait aider leurs familles à effectuer de meilleurs choix afin de contrer les effets futurs des catastrophes d'origine climatique. 187 La finalité étant de parvenir à construire un bien-être social juste et équitable.

B. Bien-être humain

1. La théorie de Maslow

L'Homme doit satisfaire certains besoins pour atteindre un état de bien être satisfaisant. Le psychologue américain Abraham Maslow (1908-1970) proposait une théorie selon laquelle les motivations des êtres humains naissent dans des besoins à satisfaire hiérarchisés en 5 niveaux. Ses travaux ont été fortement influencés par des études sur les primates et la sexualité des femmes dans les années 1935. Il est considéré comme le père de la psychologie humaniste selon laquelle « l'individu sain est celui qui atteint la réalisation de soi. Chose qui implique le plein développement de potentialités propres ». Il proposera une hiérarchie qui débute par les besoins physiologiques jusqu'à l'étape ultime, l'accomplissement188.

Il a découvert que le fonctionnement humain est différent pour les gens qui se trouvent dans un état de santé positif au lieu d'être dans un état de manque. Maslow appelait cette nouvelle approche « la psychologie de l'Être ». Selon lui, les individus accomplis étaient motivés par des « valeurs de L'Êtres ». Ce sont les valeurs qui sont naturellement développées par des êtres humains sains et qui ne sont imposées ni par la religion ni par la culture. Il soutenait que « nous sommes parvenus au point, dans l'histoire biologique, où nous sommes désormais responsables de notre propre évolution. Nous sommes devenus auto-évoluant. L'évolution implique de sélectionner et donc de choisir et de décider, et cela signifie évaluer ». Les valeurs reconnues par les individus accomplis comprennent la vérité, la créativité, la beauté, la bonté, la complétude, la vitalité, l'unité, la justice, la simplicité et l'autosuffisance189.

L'étude de Maslow sur la nature humaine l'a conduit à de nombreuses conclusions dont ces idées centrales :

· Les êtres humains possèdent une tendance innée à progresser vers des niveaux supérieurs de santé, de créativité et d'épanouissement ;

186 Ibid., p. 20.

187 Ibid., p. 22.

188 Abraham Maslow, (traduction française de Laurence Nicolaieff), « Devenir le meilleur de soi-même, besoins fondamentaux, motivation et personnalité », Paris, EYROLLES, 2013, p.8.

189 Ibid., p. 9.

·

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La névrose peut être considérée comme un blocage de la tendance vers l'accomplissement de soi ;

· L'évolution d'une société synergique est un processus naturel et essentiel. C'est une société dans laquelle tous les individus peuvent atteindre un niveau élevé de développement personnel sans affecter la liberté des autres ;

· L'efficacité de l'entreprise et la croissance personnelle ne sont pas incompatibles. En fait, le processus d'accomplissement de soi mène chaque individu aux plus hauts niveaux d'efficacité.

En 1968, Maslow expliquait que la révolution qu'il avait déclenchée dans la psychologie s'était solidement installée. En outre, elle commence à être utilisée, surtout dans l'éducation, dans les usines, dans la religion, dans l'entreprise et le management, en thérapie et pour l'amélioration de soi. De fait, son travail fait partie intégrante des courants intellectuels dominants de ce siècle190.

Figure 09 : Pyramide de Maslow. Source : Coaching et motivation : quel lien avec la pyramide de

Maslow ? ( reussirsonbpjeps.com)

2. Le bien-être pour le Baka

Dans tous les cas, il est important de dire que le bien-être ne saurait être standardisé. Les Baka en périphérie du parc national de Lobéké l'illustrent à juste titre. Les valeurs culturelles et spirituelles qu'ils accordent à la nature témoignent d'un bien être qui va bien au-delà de la théorie de Maslow et des objectifs de développement durable tels que nous les concevons aujourd'hui. Loin de la conception pyramidale de Maslow, le Baka trouve sont bien être dans un contentement à la fois horizontal et vertical totalement lié à la nature qui l'entoure. Pour le Baka, la nature est tout et peut tout faire. La conception laborieuse du bien être verticale que nous avons construit par nos modes de développement n'a tout simplement

190 Idem.

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pas sa place dans la culture Baka à l'origine. Pour ces gardiens de la forêt, « ce que dieu te donne chaque jours, tu le prends, tu dis merci et attend ce qu'il te donnera demain ». Si certains considèrent cette philosophie de vie comme étant primitive et pas assez adaptée aux logiques modernistes, nous devrions toute fois nous demander comment pendant des siècles ces traditions ont pu conserver intactes les forêts du bassin du Congo. Et si un retour aux basiques de la vie humaine était la solution pour infléchir la perte continue de la biodiversité ? Introduire ces valeurs dans ce que la science apporte comme innovation serait certainement bénéfique à tous. Construire un modèle scientifique innovant de conservation de la biodiversité qui prenne en compte les valeurs traditionnelles, n'est-ce pas possible ?

SECTION II : ENTRE PRATIQUES TRADITIONNELLESET INNOVATIONS
SCIENTIFIQUES

De nos jours, les nouvelles technologies trouvent leur application à tous les domaines d'activité et le plus souvent au détriment de la culture considérée très souvent à tort comme dépassée. Les piliers classiques du développement durable (environnement, social et économie) face à l'afflux des enjeux « nouveaux » dans le domaine de la conservation de la biodiversité font place à la culture et les nouvelles technologies.

En effet, il est aujourd'hui inconcevable de se défaire des avancées observées dans ces deux secteurs et d'en tirer profit. La conservation de la biodiversité ne déroge pas à la règle.

Dans un premier temps, nous ferons une analyse de la culture des premiers habitants des forêts du bassin du Congo : les Baka (Paragraphe I). Par la suite, pour une meilleure perception des enjeux de la conservation de la biodiversité dans un contexte de COVID 19, nous aborderons deux avancées scientifiques majeures (paragraphe II) pour la conservation : l'approche One health et les nouvelles technologies.

PARAGRAPHE I : LA CULTURE BAKA

D'après le web chroniqueur camerounais Charly Ngon, « Les pygmées sont les premiers habitants du Cameroun. Durant des siècles ils n'avaient pour seul espace d'habitation que la forêt. Aujourd'hui quelques groupes essaient tant bien que mal de s'adapter à la vie sédentaire qui ne leur réussit pas souvent malgré les initiatives mises en place pour faciliter ce nouveau mode de vie. »191

Savoir qui sont les « pygmées » (A) et savoir ce que nous pouvons apprendre de leur mode de vie (B) constituera la quintessence de ce paragraphe.

A. Qui sont les baka ?

Si l'expression peut souvent sembler barbare ou encore péjorative hors du contexte habituel, il est couramment utilisé pour identifier le premier peuple autochtone du Cameroun. Dans les manuels scolaires, on a toujours décrit les pygmées comme étant des personnes de petite taille, qui vivent de la chasse, de la pêche, le ramassage et de la cueillette. Ils habitent dans des huttes construites avec des feuilles et des bambous (Moungoulou), dans lesquels ils vivent avec toutes leurs familles.

191Charly Ngon, « Traditions et légendes : les pygmées du Cameroun, un peuple, une histoire », Auletch Webzine. 2018, [En ligne : « Traditions et légendes : Les pygmées du Cameroun, un peuple, une histoire ( auletch.com) », consulté le 13/07/2022 à 03h00].

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En réalité, le terme de « Pygmées » réunit un peu artificiellement plusieurs groupes ethniques, différents au point de vue physique, linguistique et, dans une certaine mesure, culturel. Disséminés de la côte atlantique au Rwanda : Ba Mbuti de l'est du Zaïre (forêt de l'Ituri) qui se divisent en au moins trois grands groupes, Efè, Asua et Mbuti proprement dits ; Ba Kola ou Ba Gyeli (sud-ouest du Cameroun), Baka et Bangombe (sud-est du Cameroun, nord du Gabon et nord-ouest du Congo), Ba Aka et Ba Mbènzèlè (République centrafricaine et nord du Congo), Ba Bongo ou Akoa (Gabon et ouest du Congo). Ces derniers groupes étaient connus sous le terme générique de Ba Binga192.

1. Les origines des Baka

Les origines réelles des pygmées étaient un mystère insoluble. Une difficulté accentuée par l'éparpillement de ce groupe à travers le monde. Serge Bahuchet en parle dans son livre « Les pygmées d'aujourd'hui en Afrique Centrale ». Établir donc une filiation qui existerait entre les différents groupes de pygmées, était devenue une urgence pour les chercheurs. Pour résoudre donc cette énigme, ils sont partis du constat selon lequel, les pygmées ne partagent pas les mêmes habitudes culturelles, même si il y a 3000 ans, ils auraient appartenu à un même groupe de personnes193.

Pour étayer leurs explications, ils ont procédé à l'analyse de plusieurs souches génétiques. Des souches qui ont été prélevées sur des pygmées vivant au Cameroun, au Gabon et au Congo. Les résultats ont indiqué une concordance génétique entre les différents groupes. Tout en soulignant aussi une diversité dans les souches qui s'explique par l'éclatement des groupes. Une séparation rendue possible par l'émergence de nouveaux modes de vie, qui aurait débuté il y a 2 800 ans. Ce qui a pu montrer que les ancêtres des ancêtres des pygmées se seraient eux aussi détachés d'autres groupes humains plusieurs années auparavant depuis l'Égypte194.

Ils ont démontré aussi que la diversité observée au niveau des gènes était dû aux mariages des femmes. Chez les pygmées c'est la femme qui épouse l'homme, parfois les non pygmées. Lorsqu'elles ne se sentent plus considérées dans leur relation, elles faisaient le choix de rentrer dans leurs familles avec leurs enfants. C'est ainsi que ces enfants allaient à leur tour créer une famille aux origines multiples. Une situation qui a laissé émerger un nouveau profil des pygmées, loin de ce qu'on a toujours appris dans les documents. Aujourd'hui, on trouve des pygmées avec une taille normale. Mais la science continue encore de faire des recherches sur d'autres groupes de pygmées, comme pour dire il y a encore à apprendre des origines des pygmées195.

2. Au Cameroun

Au Cameroun, on rencontre quatre groupes de pygmées. Les Bakas, l'un des groupes les plus importants, qui comptent près de 40000 individus ou plus. Avec un lignage qui s'étend au Gabon et Congo, ils sont principalement localisés dans les provinces de l'Est et du Sud (Sangmélima, Djoum, Mintom et Dja). Ensuite, les Bakola qui vivent dans le département de l'Océan, dans la localité de Lolodorf et une partie à la limite des forêts du littoral. Puis vient, les Bagyeli, qui sont du lignage des Bakola, et qui occupent la région du Sud-ouest. Avec leurs frères, on estime leur population à 3000 individus. Enfin, les Medzam

192 Serge Bahuchet, « Les Pygmées d'aujourd'hui en Afrique centrale » In: Journal des africanistes, tome 61, fascicule 1. 1991, p. 7.

193 Ibid., p. 2.

194 Ibid., p. 3.

195 Ibid., p. 4.

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très minoritaires, vivent au centre plus précisément dans la plaine Tikar. On estimerait leur population à près de 1000 personnes.

B. Leur mode de vie

1. L'organisation familiale

Les pygmées vivent généralement en clan, c'est-à-dire qu'ils appartiennent à un même ancêtre. C'est la raison pour laquelle, lorsqu'un membre du clan veut épouser une femme, il doit aller la chercher dans une autre communauté, pour éviter de tomber sous le coup de l'inceste. Avant de se marier, tout homme doit passer par le rite de la circoncision encore appelé le beka'a en langue locale. Chez les pygmées, chaque membre du clan a un rôle bien défini. Tout membre quelqu'il soit doit se soumettre aux règles du clan de peur d'être sanctionné.

Les anciens représentent la sagesse et l'expérience. Ils conseillent les jeunes et leurs transmettent leurs savoirs. L'enfant c'est l'héritage familial. Celui-ci doit se montrer obéissant et disponible. Les femmes sont les garantes de la tradition. Elles prennent les décisions importantes dans la gestion de la famille. Elles sont chargées de construire les huttes. Un savoir-faire qu'elles transmettent aux enfants. Les hommes assurent la protection de la famille. Ils sont chargés de veiller aux besoins alimentaires de la famille. Dès que les garçons ne sont plus sous la responsabilité de leurs mères, ils sont à la charge des hommes pour poursuivre leur éducation196.

Les pygmées croient en un dieu tout puissant qu'ils appellent Komba. Ils le considèrent comme celui qui a créé le ciel et la terre, donc le créateur de l'univers. À côté, il y a Ed-jengui, le dieu de la forêt qui les protège dans la forêt, leur offre du gibier, les plantes médicinales ou encore d'autres denrées alimentaires. Les pygmées croient en la réincarnation. C'est la raison pour laquelle lorsqu'un membre du clan décède, ils savent qu'il va continuer sa vie dans celle d'un animal ou d'un arbre. Une croyance qui les emmène à s'abstenir de chasser certains animaux ou de couper certains arbres. En désobéissant à cela, ils s'exposent à la colère des « més », d'autres esprits de la forêt197.

2. La sédentarisation

L'année 1960 qui marque un grand tournant historique dans le jeune État Cameroun, pousse les autorités à lancer un vaste programme d'insertion des pygmées. L'initiative avait pour but d'en faire des citoyens camerounais à part entière. C'est ainsi que les premiers pygmées à bénéficier de cette mesure sont ceux de la région de l'Est dans l'arrondissement de Moloundou. Puis suivront les pygmées du département de l'Océan dans la localité de Bipindi. En 1968, le gouvernement lance l'opération mille pieds inscrit dans le deuxième plan quinquennal pour accélérer la sédentarisation des pygmées. Mais le projet n'ira pas jusqu'au bout.

Les pygmées sont certes les premiers habitants du Cameroun mais leur représentativité est presque inexistante au sein de la société. Très peu ont la chance d'aller à l'école ou encore d'avoir accès à certains besoins primaires. Une marginalisation qui les oblige à fuir la modernité. La forêt qui est leur espace de vie, est menacée de déforestation par des entreprises qui viennent couper du bois. Envahis dans leur environnement, certains sont obligés de se

196 Ibid., p. 5.

197 Ibid., p. 6.

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déplacer dans les zones plus reculées ou encore de troquer malgré eux leur mode de vie de nomade à celui de sédentaire198.

Un changement de mode de vie qui a une conséquence sur le nouveau regard qu'on porte sur certains pygmées. Ils ne vivent plus dans la forêt, leur savoir-faire sur le plan de la médecine traditionnelle disparaît peu à peu. Une aliénation qui nous pousse à nous demander si dans quelques années, on aura encore des pygmées authentiques ?

PARAGRAPHE II : DEUX AVANCEES SCIENTIFIQUES DANS LA CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE

D'après Mr. Sali Ballo,199« Face aux graves enjeux liés à la vulnérabilité sanitaire actuelle dans le monde, la communauté internationale se questionne sur le nouvel ordre de sécurité sanitaire à adopter, en vue d'anticiper la prochaine pandémie et limiter les évènements de santé publique. Pour y répondre, l'approche One health apparait comme la solution idoine. »200

L'approche One heath (A) et l'internet des objets (B) apportent des solutions aux pressions anthropiques et favoriseraient des innovations en termes de développement durable en périphérie du Parc national de Lobéké. À la fin, c'est « l'association des objets connectés avec d'autres technologies, d'autres approches culturelles, d'autres politiques environnementales et d'autres modèles économiques innovants qui vont donner toute la valeur » au process201.

A. L'approche Une Sante

1. One health au Cameroun

L'approche One Heath a pour but de s'arrimer aux exigences du Règlement Sanitaire International (RSI), du code terrestre des animaux, et des conventions et traités internationaux en matière de préservation de l'environnement auxquels le Cameroun a souscrit. Le pays s'active davantage depuis quelques années à repositionner ce référentiel sanitaire au coeur des stratégies de prévention, de mitigation, de préparation et de réponse aux situations d'urgence. Cette matérialisation se traduit par l'amélioration de la gouvernance sanitaire et le renforcement des capacités techniques des différents secteurs et intervenants202. L'un de ses principaux défis reste la prévention d'une éventuelle apparition de zoonoses. Parmi les zoonoses susceptibles d'apparaitre dans les AP nous avons :

a. La Maladie à Virus Ebola

Connue sous le nom de fièvre hémorragique Ebola, la maladie à virus Ebola (MVE) est une maladie rare mais souvent mortelle chez l'homme si elle n'est pas traitée. Elle est apparue pour la première fois en 1972 au Soudan du Sud et a connu en 2014-2016 sa plus grande épidémie. Elle se manifeste par une période d'incubation qui va de 02 à 21 jours. Les symptômes de la MVE peuvent être soudains et inclure la fièvre, la diarrhée, la fatigue, les

198Ibid., p. 7.

199Coordonnateur du comité technique du programme zoonose Cameroun.

200Stratégie Nationale Une Santé, «Advancing One health in Cameroon», Cameroun one health magazine, no

001, 2022, p. 9.

201Microsoft, « Internet des objets (IoT), 30 projets concrets », Paris, LIVRE BLANC, 2015, p. 82.

202Stratégie Nationale Une Santé, op. cit., p. 9.

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douleurs musculaires, les maux de tête, la gorge irritée. Au cours de l'évolution de la maladie, d'autres symptômes peuvent se développer tels que les vomissements, une éruption cutanée, voire des symptômes d'insuffisance rénale et hépatique. Les manifestations de la MVE sont d'ordre diverses : saignements internes et externes, faible taux de globules blancs et de plaquettes, taux élevé d'enzymes hépatiques.

Figure 10: Schéma de l'approche One Health. Source: Cameroun one health magazine.

Le traitement pour la MVE n'est pas encore disponible. Toutefois, les soins de soutien (réhydratation par voie orale ou intraveineuse) et le traitement de symptômes spécifiques améliore la survie. S'agissant de la prévention, les mesures de réduction des risques prennent en compte un certain nombre de facteurs tels que le risque de transmission de la faune à l'homme, la transmission interhumaine, la contamination par les liquides et les tissus liés à la grossesse et le renforcement des mesures de contrôle des épidémies. Au Cameroun, même si le risque de survenue est élevé, aucun cas n'a encore été détecté à date203.

b. La variole du singe

La variole du singe encore appelée monkeypox, est une zoonose causée par un virus orthopoxviridae, du même genre que celui de la variole humaine. La transmission se fait par contact avec les animaux infectés, le plus souvent des rongeurs sauvages. Elle peut ensuite se propager d'une personne à l'autre. Chez l'humain, la variole du singe se manifeste par des

203 Ibid., p. 16.

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éruptions cutanées pustuleuses, de la fièvre, des symptômes respiratoires entrainant parfois la mort. En Afrique, la variole du singe est présente dans les régions centrales et occidentales, près des forêts tropicales humides. Le taux de mortalité se situe entre 1 et 10 %. Il n'existe pas de médicament spécifique. Le traitement est symptomatique. Ainsi, la surveillance de la variole est cruciale dans la perspective de prévenir une éventuelle réémergence de la variole jadis éradiquée. Au Cameroun, de nombreux cas ont été signalés principalement dans les régions du Centre, de l'Est, du Sud, de l'Ouest et du Nord-ouest204.

La stratégie nationale Une santé du Cameroun vise à prévenir la survenue de bien d'autres zoonoses comme la grippe aviaire, l'anthrax, la rage, etc. Le ministère des forêts et de la faune en charge de la gestion des aires protégées est particulièrement interpelé à cet effet.

2. Le rôle du MINFOF dans la stratégie One health.

Parmi les missions régaliennes du MIFOF, certaines ont un lien direct avec les activités du Programme Zoonoses, notamment la gestion de la faune sauvage qui constitue des réservoirs ou vecteurs de nombreuses maladies zoonotiques ou épizooties. Représenté au sein de toutes les instances décisionnelles de ce Programme, le MINFOF contribue à l'élaboration et à la mise en oeuvre des stratégies et plans d'actions de celui-ci, en liaison avec les autres sectoriels concernés. Plus particulièrement, un accent est mis sur le renforcement des capacités des écogardes dans la prévention, la surveillance épidémiologique et la lutte contre les zoonoses, de même que la sensibilisation des populations riveraines des aires protégées.

Le suivi sanitaire des espèces sauvages se fait in-situ et ex-situ. Pour cela, le Ministère de l'Elevage des Pêches et des Industries Animales (MINEPIA), a mis à la disposition du MINFOF, des vétérinaires dans les jardins zoologiques de Mvog-Betsi, Limbe, Garoua et au Parc National de Campo Ma'an. Pour le moment, ce suivi est fait aussi bien par les écogardes que par ces vétérinaires. Il consiste à observer des singes suspects lors des missions de terrain de suivi écologique ou des patrouilles. Au niveau des jardins zoologiques, ce suivi est beaucoup plus accentué en raison du fait que les animaux sauvages vivent en captivité et le milieu est ouvert au public. En cas de prélèvement, les échantillons sont soit soumis aux analyses préliminaires sur place, pour les cas des aires protégées disposant de laboratoire (Parc National de Campo Ma'an et le Jardin Zoologique de Limbe), soit transmis au Laboratoire National Vétérinaire (LANAVET) sous autorité du MINEPIA, pour des analyses plus poussées.

Le grand défi reste le renforcement des capacités des personnels sur les différents symptômes de maladie, afin qu'ils soient mieux outillés pour les alertes et la manipulation des échantillons. Certaines aires protégées ont bénéficié des kits de prélèvement des échantillons205. Dans le but d'arriver à des standards internationaux mais aussi de réduire le contact et les pressions anthropiques au cours de leurs différentes missions, plusieurs aires protégées au Cameroun investissent dans les nouvelles technologies.

B. L'Internet Of Things (IoT)

204 Ibid., p. 17.

205 Ibid., p. 31.

1. Origines et bénéfices de l'IOT

En 2019 se fêtait les 50 ans de l'Internet. Son embryon est en effet né en 1969 au Darpa sous l'appellation «Arpanet», premier réseau à faire transiter l'information sous la forme de paquets de données. L'Internet est entré dans l'âge adulte à 21 ans, en 1990, avec l'invention du Web, dont on ne répétera jamais assez qu'il n'est qu'une application de l'Internet (de même que l'e-mail, par exemple), et non pas l'Internet à lui tout seul.

Nous précisons tout de suite que nous choisirons de circonscrire notre analyse à l'utilisation du drone et des camera connectés étant donné le rayon extrêmement vaste des IoT. Ces deux outils en particulier sont d'une grande utilité dans le domaine précis de la conservation de la biodiversité et les enjeux de développement durable. Ceci pour bien montrer qu'il s'agit d'une réalité unique, à savoir l'interconnexion de tous les réseaux de terminaux émetteurs de données (data) à travers le monde206.

a. Les origines de l'IoT

Depuis 1990, qu'est-il arrivé à l'Internet ? Pas grand-chose, à vrai dire. Certes, au fil des années, une part de plus en plus importante des Terriens ont pu s'y connecter, et de plus en plus vite; c'est vrai, il y a eu la « nouvelle économie », le « Web 2.0 », les médias sociaux, etc. Mais tous ces changements de paradigmes, car c'est bien ce dont il s'agit, ont plutôt concerné le Web, c'est-à-dire tout ce à quoi l'on accède à partir d'un navigateur. Le seul vrai changement au fond qui a touché la partie « tuyaux », la technique, c'est l'avènement de l'Internet Mobile, qui a réellement émergé à partir de la sortie de l'iPhone en 2007.

À l'aube de ses 50 ans, il était temps que l'Internet fasse sa révolution, sous peine de rejoindre à court terme la radio ou la télévision dans le club du troisième âge des technologies. Cette révolution, elle est en train de se produire: c'est l'Internet des Objets.

De quoi s'agit-il ? D'une généralisation du concept de l'Internet à une grande variété d'objet, au-delà de tout ce qui ressemble de près ou de loin à un ordinateur, y compris les montres, GPS, smartphones, drones, caméras et autres objets.

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206 Microsoft, op. cit., 2015, p. 9.

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Figure 11 : Formation en pilotage de drones207. Source : Bohin B.,2021.

Aujourd'hui, en effet, une foultitude d'objets sont des « terminaux émetteurs de données ». Capteurs industriels sur des chaînes de production en usines, sondes de température dans des colis devant rester à climat contrôlé, objets du quotidien (montres, bracelets), robots domestiques en train d'apparaître, capteurs d'empreinte carbones, etc. Tout ceci n'est pas entièrement nouveau. Ce qui l'est, en revanche, c'est l'essor que prend le phénomène, sous l'effet conjoint de la diminution des prix, de l'apparition de nouvelles technologies d'échanges de données, économiques à la fois du point de vue financier et du point de vue énergétique, et enfin de nouveaux comportements liés à la mesure des effets de la pollution et de la destruction de la biodiversité, et au partage des données208. L'IoT permet de rendre visible les images des sites naturels à l'intérieur du parc, des vidéos en temps réel qui peuvent être directement observées sur un site web dédier du parc. Cette nouvelle forme de tourisme visuelle par exemple dépasse l'idée de l'immersion dans la nature telle que nous la concevions encore.

207Formation en pilotage de drones et à la gestion des données sur le paysage faunique du parc national du Mpem et Djim par le colonel Bisseck (Conservateur du parc). Formation au cours d'une mission de tracking des lions observés quelques mois plus tôt dans le parc par les populations riveraines victimes d'attaques de leur bétail. Nous avons également évoqué la question de la valeur stratégique (sur le plan international) des données recherchées par tous les groupes étrangers auprès des aires protégées. Nous avons à cet effet travailler sur comment valoriser la communication des données obtenues des camera trap installées dans presque tout le parc ?

208 Idem.

Figure 12 : Panthère prise en photo par une camera trap. Source : WWF, 2017 p. 8.

En effet, grâce au digital et à des applications comme les casques virtuels, il est tout à fait possible aujourd'hui de vivre un voyage au coeur de la vie sauvage sans avoir à laisser une grosse empreinte carbone au passage. Les touristes aujourd'hui qui sont taxées de grands pollueurs acceptent de plus en plus l'idée de participé à la lutte contre le réchauffement climatique. Grace à l'IoT, il est aujourd'hui possible pour les touristes d'avoir des détails sur leurs efforts.

Au PNL, les images des caméras traps régulièrement collectées par le service de surveillance permettent d'alimenter l'unité d'écotourisme (en charge de la communication et de la visibilité des actions du parc) en images directement postées sur les pages Facebook, YouTube et autres. Initiative qui porte des résultats encourageants au stade actuel des recherches sur les questions ultra futuristes comme l'autonomisation des robots et objets connectés, qu'importe le vocabulaire, pourvu qu'on ait l'usage. Les gens ne sont pas à la recherche d'objets connectés, ils recherchent des fonctionnalités, des solutions pour réduire leur consommation d'énergie, pour améliorer la sécurité sanitaire ou le confort à domicile ou lors des voyages. « Nous sommes face à une mutation qui est que le produit s'efface derrière l'usage ».

b. Les bénéfices de l'IoT en matière de valorisation des savoirs traditionnels liés à la pharmacopée.

Il y a plusieurs façons de considérer les bénéfices induits par l'internet des objets dans le domaine de la pharmacopée traditionnelle :

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Des objets connectés pour prendre soin des hommes et de leur environnement.

L'un des domaines dans lequel l'Internet des objets est le plus développé est sans nul doute celui de la santé (pèse personnes connectés, traceurs d'activité, montres spéciales, la panoplie des objets connectés dédiés au sport et à la santé est bien fournie). Mais au-delà de cette dimension « forme et bien-être », l'Internet des objets peut considérablement améliorer le quotidien de centaines de milliers de malades, voire sauver des vies. L'utilisation que commence à en faire les laboratoires pharmaceutiques classiques au moyen de la télémédecine ouvre également la voie à de possibles consultations à distance faites par des guérisseurs pygmées Baka grâce aux applications smartphones actuellement en cours de développement par des étudiants français, belges et de bien d'autres nationalités au niveau du PNL.

· Les objets connectés pour un meilleur suivi des traitements.

« Soigner un patient ne consiste pas uniquement à lui administré un vaccin ». Pour qu'un traitement soit efficace, il faut qu'il soit bien observé et pris de manière persistante209. Il est déjà possible de créer des interfaces d'échange entre les populations autochtones détentrices de savoirs traditionnels exceptionnels et les potentiels patients dans le monde entier. La culture asiatique en est un parfait exemple.

· Une bonne observance.

L'observance du traitement consiste en la prise du médicament dans les conditions prescrites par le médecin (posologie, moment de prise, etc.). Un dispositif connecté fixé à notre inhalateur pourrait permettre également de suivre ces données.

2. Les grands enjeux de l'IoT pour la conservation de la biodiversité.

De nombreux enjeux stratégiques gravitent autour de l'application des nouvelles technologies dans la conservation de la biodiversité. Mais sans aucun doute la gestion des data est le plus important. Au final, qu'apportent les objets connectés, sinon la capacité de capter des lots de données de faibles volumes unitaires mais en grande quantité (images, audio, cartes et données GPS etc.), pour un coût modique et au niveau micro-local? En ce sens, ils sont un catalyseur extraordinaire du Big Data210.

a. Le Cloud

Comment le Cloud rend possible l'exploitation des données émises par les objets connectés ? « L'internet des objets a un ancêtre : le machine to machine. Vu son coût, ce dernier était réservé à certaines industries et à certaines entreprises. Le Cloud, aujourd'hui apporte les mêmes possibilités pour n'importe quel type d'objet, de la poubelle à l'ascenseur en passant par la voiture, etc. Le Cloud apporte des données à large échelle, permettant de traiter des problématiques de type Big Data. Enfin, il rend tout cela possible à un coût raisonnable. Aujourd'hui, l'internet des objets devrait être accessible à n'importe quel parc dans le bassin du Congo. À partir du moment où on oriente les recherches sur des outils déjà

209 Ibid., p. 15.

210 Ibid., p. 33.

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largement accessibles auprès des populations autochtones notamment le Smartphone qui permet de gérer une large gamme de données211. Donner de la valeur aux données est un enjeu clé pour les aires protégées. « Connecter des objets, c'est relativement facile, la difficulté, c'est d'exploiter l'énorme quantité de données qu'ils produisent, et d'y ajouter de la valeur. Le back-office des objets connectés est donc très important, pour donner de la valeur à ces données. Avec des algorithmes pertinents, il faut pouvoir tirer quelque chose d'intéressant et d'exploitable à partir des données émanant des objets connectés212. En particulier les données économiques par exemple.

b. La block chain

En juillet 2022, la République centrafricaine s'est ouvertement tourner vers les financements alternatifs qu'offrent internet comme le Bit Coin. L'objectif annoncer étant de favoriser des financements qui soient libérés des contraintes imposées depuis des décennies par le système colonial. La RCA veut en effet profiter des avantages des systèmes comme la Block Chain pour s'affranchir des chaines qui freinent l'exploitation de son immense potentiel minier et environnementale. La Block Chain ouvre par exemple la voie à une forme de tourisme participatif à la fois dans le flux direct des transactions financières entre les nombreux acteurs dont les touristes engagés, et des populations locales autochtones en charge de la conservation, réunies sur le terrain sous forme d'association.

L'écotourisme en ce sens-là peut répondre à de nombreux défis déterminants du développement durable et interculturel. La valorisation des produits comme les chenilles213commercialisées au niveau des standards internationaux, en prenant en compte les enjeux stratégiques de développement durable pour les pays du bassin du Congo, fait partie de notre vision pour réduire les pressions anthropiques sur le commerce et la consommation excessive de viande de brousse. Apporté une réponse aux enjeux économiques sans les tracasseries bancaires serait forcément un gain en efficacité. L'autonomisation financière des populations riveraines constitue en effet le coeur des réflexions actuelles en matière de conservation de la biodiversité dans le bassin du Congo.

La difficulté majeure se trouve dans le fait de pouvoir proposer des produits qui répondent également aux valeurs culturelles des populations locales. Et dans ce sens, la cuisine Baka est extrêmement riche tant sur le plan diététique que sur le plan esthétique. Mais il faudrait une synergie de talents pour arriver à la valoriser au même niveau que la cuisine traditionnelle asiatique par exemple. Pour joindre la théorie à la pratique, nous avons essayé de confectionner une maquette214 totalement opérationnelle qui a été exposée et appréciée par toutes les autorités administratives et traditionnelles présentent lors du festival Baka - Bantu

211Ibid., p. 34.

212Ibid., p. 35.

213MBOYO : concept d'une boite de conserve de chenilles fumées. Produit à base d'une recette culinaire

autochtone (pygmée Baka)

214Maquette entièrement supervisée personnellement dans le but d'impulser une dynamique innovante sur les questions de conservation de la biodiversité et tendre vers un consensus social. Comment puis-je vendre mon produit à un touriste de manière à valoriser également mon patrimoine culinaire et participer au Soft Power au niveau des relations internationales ? Ces travaux ont bénéficié du soutien financier de la KAS (Allemagne), de la CARN (USA), de la FTNS (Cameroun, RCA, Congo.) et ont été retenus par le Comité national MAB-UNESCO Cameroun pour candidater au programme de bourse MAB-UNESCO pour jeunes scientifiques en 2022.

organisé en Novembre 2021 au PNL. En cas de financement, ces alternatives peuvent dans une politique internationale de conservation communautaire donné vie à des projets de reboisement d'arbres hôtes des chenilles inféodées à ces derniers ; en l'occurrence le Sappeli215. En plus, il est aujourd'hui possible de donner au client à l'autre bout du monde la possibilité d'acheter et ou financer tout en traçant la destination de son argent à partir d'un code barre. Par là, il est possible d'ouvrir la voie à un commerce juste, durable et équitable. Commerce qui ouvre par ricochet des possibilités importantes de tourisme durable.

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215 L'une des essences de bois les plus exploitées dans le bassin du Congo.

CHAPITRE IV : LE TOURISME DURABLE AU PARC NATIONAL DE LOBEKE

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Le tourisme est l'un des secteurs d'activité qui emploie le plus au monde. Aussi, depuis quelques années, les pays d'Afrique centrale misent sur le tourisme durable comme enjeux de développement (Section I). À titre d'exemple, le parc national de Lobeke au Cameroun a élaboré une stratégie de développement de l'écotourisme autour du tourisme culinaire à laquelle nous avons contribué (Section II).

SECTION I : LE TOURISME DURABLE COMME ENJEU DE DEVELOPPEMENT

La Convention sur la diversité biologique (CBD) étudie la question de la diversité biologique et du développement écotouristique depuis 2004. Elle a notamment adopté un document intitulé « Guidelines on Biodiversity and Tourism Development ». Un autre intitulé « Lignes directrices sur la diversité biologique et le développement du tourisme » ainsi que deux guides d'application correspondants, l'un intitulé « Managingtourism and biodiversity», Gestion du tourisme et diversité biologique, et l'autre « Tourism supporting Biodiversity». Le tourisme au service de la biodiversité. Les travaux présentés lors de la Conférence des Parties de la CDB en 2020 ont conclu que le tourisme était le principal secteur à contribuer, au niveau mondial, au financement des réseaux d'aires protégées dans de nombreux pays d'Afrique subsaharienne en faisant appel aux mécanismes du marché, grâce à l'acquittement de droits d'entrée et d'autres redevances d'utilisation, et à la mise en place de partenariats et de concessions pour la constructions d'établissements touristiques hauts de gamme216.

PARAGRAPHE I : LA STRATEGIE SOUS- REGIONALE DE DEVELOPPEMENT DE L'ECOTOURISME

D'après l'UICN, de nombreuses Parties à la CDB sous-exploitent le tourisme comme moyen de concourir à la viabilité financière des aires protégées. Les partenariats et les concessions touristiques dans des aires protégées répondent à la sous-exploitation de ce potentiel et aux récentes décisions prises par la CDB sur le tourisme, dans lesquelles elle invite les Parties à :

«[...]renforcer les capacités des agences nationales et infranationales responsables des aires protégées et des parcs ou autres organes compétents, selon qu'il convient, afin de former des partenariats avec l'industrie touristique pour contribuer financièrement et

216UICN, A., Spenceley, S.,Snyman, et P., Eagles, Lignes directrices sur les partenariats et les concessions touristiques dans les aires protégées: Créer des revenus durables pour la conservation et le développement. Rapport au secrétariat de la Convention sur la diversité biologique et à l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), 2017, p. 6.

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techniquement à l'établissement, l'exploitation et l'entretien des aires protégées au moyen d'outils pertinents tels que les concessions, les partenariats public-privé5».217

Dans ce paragraphe, nous verrons le rôle de la coopération internationale pour la valorisation des sites touristiques (A) et les limites à l'implémentation de l'écotourisme au Cameroun (B).

A. La coopération internationale pour la valorisation des sites touristiques

1. Quelques définitions

Touriste: un visiteur (du tourisme interne, récepteur ou émetteur) est qualifié de touriste (ou visiteur qui passe la nuit) s'il/elle passe une nuit sur place.

visiteur: un visiteur est une personne qui fait un voyage vers une destination située en dehors de son environnement habituel, pour une durée inférieure à un an, et dont le motif principal de la visite (affaires, loisirs ou autre motif personnel) est autre que celui d'exercer une activité rémunérée dans le pays ou le lieu visite. Un visiteur (du tourisme interne, récepteur ou émetteur) est qualifié de touriste (ou visiteur qui passe la nuit) s'il/elle passe une nuit sur place, et de visiteur de la journée (ou excursionniste) dans le cas contraire. Pour les aires protégées, un visiteur est une personne qui visite les terres et les eaux de, l'aire protégée dans un but précis. Un visiteur n'est pas payé pour être dans l'aire protégée et ne vit pas en permanence dans l'aire protégée. La visite est typiquement à des fins récréatives, éducatives ou culturelles.

Tourisme durable: Tourisme qui tient pleinement compte de ses impacts économiques, sociaux et environnementaux actuels et futurs, en répondant aux besoins des visiteurs, des professionnels, de l'environnement et des communautés d'accueil218.

Tourisme axé sur la nature: Toute forme de tourisme utilisant les ressources naturelles dans un cadre sauvage ou non aménagé - notamment les espèces, les habitats, les panoramas, les paysages, les eaux salées et eaux douces et leurs éléments. Le tourisme axé sur la nature est un voyage dont le but est de profiter des aires naturelles non aménagées ou de la faune.

Écotourisme: Forme de voyage responsable dans les aires naturelles qui contribue à la protection de l'environnement et au bien-être des populations locales, et qui comprend des services d'interprétation du patrimoine et d'éducation.

Tourisme non rationnel: Type de tourisme où la faune ou la flore sont recueillies, chassées ou pêchées (en appliquant de préférence les principes et les approches liés à une utilisation durable).

Tourisme respectueux: Type de tourisme qui ne détruit pas la faune, comme par exemple la photographie touristique basée sur l'observation de la faune219.

2. La coopération comme outils d'aide au développement du tourisme durable

217Ibid., p. 6. 218Ibid., p. 10. 219Idem.

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La coopération au développement est un des piliers des relations internationales de la seconde moitié du XX? siècle. Jusque-là confinée au développement économique dominé par le fétichisme de la croissance, c'est-à-dire par une exploitation anarchique des ressources naturelles en vue d'atteindre des objectifs statistiques sans considération des conséquences sur le milieu vivant ; cette coopération internationale s'est progressivement ouverte aux préoccupations environnementales220.

L'Afrique en particulier, apparue pendant longtemps comme un terrain d'expérimentation de ces politiques développementalistes parfois écologiquement désastreuses, constitue aujourd'hui le champ privilégié où se déploie, non sans quelques confusions ou un certain manque de coordination, cette nouvelle approche du développement intégrant préoccupations économiques locales et exigences écologiques. De façon générale, en effet, les principales instances de la coopération multilatérale avec le continent ont désormais leurs propres politiques environnementales, tout comme les institutions internationales d'aide au développement intègrent dorénavant un volet environnemental dans leurs interventions.

Leurs actions sont relayées sur le terrain par de nombreuses organisations non gouvernementales (ONG). La plupart de ces ONG sont du reste originaires des pays pourvoyeurs de l'aide, et le renforcement de leurs capacités participent de la nouvelle philosophie de l'aide internationale qui privilégie l'intervention directe auprès des collectivités de base, ou l'intermédiation des ONG actives sur le terrain, plutôt que de passer par les mécanismes étatiques traditionnels. Cette nouvelle approche de la coopération pour le développement durable, en particulier le rôle des institutions, a été soulignée et amplement développée aussi bien par la Déclaration de Rio que par le Programme d'Action 21221.

Le Groupe d'experts sur le tourisme et les aires protégées (Groupe Tapas) est l'un des différents groupes de bénévoles réunis dans le cadre de la Commission mondiale des aires protégées (CMAP) de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Le Groupe Tapas est un réseau de plus de 480 bénévoles engagés à promouvoir le tourisme durable dans les aires protégées et les autres aires naturelles appropriées en tant que moyen d'assurer la conservation à long terme de la nature ainsi que les services écosystémiques et les valeurs culturelles qui lui sont associés. Il a pour but d'offrir un cadre propice à la collaboration, au dialogue, à l'échange de données d'expérience, au développement et à la diffusion de connaissances, et au renforcement des apprentissages, afin d'améliorer la planification, le développement et la gestion du tourisme durable dans les aires protégées. Il a notamment pour objectif de fournir des avis stratégiques aux gouvernements, entre autres, sur les stratégies optimales en faveur du tourisme durable dans les aires protégées et aussi de développer et de diffuser des connaissances sur le tourisme et les aires protégées, au moyen notamment d'études de cas et de recueils de bonnes pratiques.222

B. Les difficultés d'implémentation de l'écotourisme au Cameroun.

220 Idem.

221 Idem.

222 Idem.

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Dans le contexte du 21ème siècle, toute aire protégée doit devenir un outil de développement local, national et régional; bref, c'est un outil d'aménagement du territoire qui doit engranger des bénéfices tant sur le plan écologique et scientifique (échanges d'information sur le milieu, mise en place des systèmes de suivi écologiques et scientifiques et synergie des méthodes de prospection, de collecte et de suivi) que sur le plan social et économique (zonage du parc, maîtrise des déplacement des populations rurales, meilleure gestion des parcelles, contrôle réglementaire, création d'emplois et opportunités économiques, formation, intégration régionale et frein à l'exode rural)223.

Dans cette optique, l'on doit oublier au Cameroun le modèle des aires protégées issues du colonialisme qui spoliaient les populations locales. Il est important d'éviter d'en faire un luxe réservé aux romanciers et aux gens en mal de dépaysement ou aux chasseurs. Les sites protégés sont un instrument de gestion pour la survie des systèmes biologiques complexes dont nous faisons partie et dépendons. Deux ordres de difficultés principalement sont un frein à la valorisation économique et sociale des aires protégées du Cameroun par l'écotourisme224 : Les difficultés logistiques, scientifiques et socio-culturelles.

1. Les difficultés logistiques et scientifiques

La plupart des aires protégées du Cameroun sont situées dans des zones excentriques ou difficiles d'accès. Par conséquent, l'absence des services organisés et le mauvais état des routes imposent des voyages longs, fatiguant et à la limité dangereux. Par ailleurs, il n'existe pas de piste d'atterrissage pour petit avion à proximité de la grande majorité de ces parcs. Même s'il en existait, la mauvaise gestion, l'insécurité et la diminution logique du nombre de touristes étrangers a provoqué leur abandon. C'est bien le cas dans l'ensemble des parcs et réserves du Cameroun du Nord au Sud, notamment le parc du Faro, Boumba Bek, Lobéké, Korup et la réserve du Dja très isolés. De plus, le réseau routier du Cameroun ne présente que moins de 5000 km de routes bitumées sur les 60000 préexistantes parmi lesquels 52% sont classées (avec 6% bitumées et 46% en terres) et les 48% non classées.

Par ailleurs, ce réseau est défectueux, inadapté et mal entretenu, voire même vétuste et inexistant par endroit. Ce défaut du trafic routier limite cruellement la fréquentation des aires protégées camerounaises et favorise le braconnage. Par exemple, les voisins nigérians ont plus accès au parc national du Faro que les camerounais; guides et gardes parcs inclus. Par conséquent, le réseau existant doit être amélioré et l'on devrait en créer d'autres. Le réseau ferroviaire quant à lui est insignifiant et ne peut guère faciliter le développement adéquat de l'écotourisme225.

223Mesmin Tchindjang, Abossolo, Aimé Samuel, Joseph Armathée Menga, Vincent Francis., « Les difficultés de développement de l'écotourisme dans les aires protégées du Cameroun » Boletim Goiano de Geografia, vol. 26, núm. 2, julio-diciembre, Universidade Federal de Goiás, Goiás, Brasil, 2006, p. 12.

224 Ibid., p. 14.

225 Ibid., p. 16.

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Figure 13: Mission d'identification et de cartographie des sites écotouristiques du département de la
Boumba et Ngoko pour le PNL(Camerou). Source : Bohin B.

a. Les difficultés scientifiques des aires protégées

Depuis la mise sur pied du MAB (Man and Biosphère) par l'UNESCO, les vocations et les types d'aires protégées se sont multipliés de par le monde. Une aire protégée peut se définir comme une zone dédiée à la protection de la biodiversité et des ressources naturelles et culturelle et dont le classement relève d'un acte législatif ou réglementaire local ou/et international. Mieux, c'est une portion de terre et/ou de mer vouée spécialement à la protection et au maintien de la diversité biologique, ainsi que des ressources naturelles et culturelles associées, et gérées par des moyens efficaces, juridiques ou autres. Le Cameroun en compte 05 grands types:

- Le site du patrimoine mondial (réserve du Dja, Parc national de Lobéké): cette

dénomination caractérise une aire protégée dont les éléments biotiques ont une importance internationale exceptionnelle; ces sites sont identifiés et proposés par les Etats qui s'engagent à assumer la responsabilité de protéger ces biens dès lors que leur inscription sur la Liste du Patrimoine mondial est faite;

- La réserve de la Biosphère : caractérise tout site classé dont l'objectif est
de conserver la diversité et l'intégrité des communautés animales et végétales en vue d'une utilisation présente et future. Les aires protégées bénéficiant de ce statut ont une vocation de recherche, d'éducation et de formation: c'est le cas des parcs de Waza et Bénoué; les sites de réserve de la biosphère sont proposées par les pays concernés au bureau MAB et approuvés en dernier ressort par l'UNESCO;

- Le parc national : est une aire protégée dans laquelle les régions naturelles et
paysages exceptionnels sont protégés à des fins scientifiques, éducatives et récréatives. Les activités d'extraction sont interdites dans ces aires protégées qui doivent être vaste; (Parc du Mbam et Djerem, du Faro, de Korup, PNL, etc.).

- La réserve naturelle intégrale : concerne un site classé où l'on protège la nature et
les processus naturels dans un état non perturbés afin de conserver des exemples du milieu dans un stade dynamique et évolutif: cas de la Réserve de Kimbi, de Mbi Crater, de Douala-Edéa et du Lac Ossa;

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- Le Sanctuaire de Faune : est une aire protégée dont l'objectif principal est de

maintenir les conditions naturelles nécessaires pour protéger des espèces ou communautés biologiques d'importance nationale si possible par l'intervention humaine: Sanctuaire de Mengame pour les Gorilles et Sanctuaire de Bayang Mbo. Une évaluation de la faune

camerounaise par le Programme National de Gestion de l'Environnement montre un potentiel immense des spécimens de faune au Cameroun226.

2. Les difficultés socioculturelles

Le volet socioculturel au Cameroun est marqué par le contexte économique de misère accentuée. En effet, le contexte socioculturel camerounais est précaire et marquer par l'informalisation des activités. On observe une montée des exclusions qui ont engendré la marginalisation et le sous-emploi (67%), sans oublier une forte déscolarisation depuis 1990. Les risques d'aggravation des disparités régionales se font sentir et hypothèquent l'avenir. La pauvreté a gagné les ménages et le secteur informel satisfait près de 70% de la demande de ces ménages. Le nombre de pauvres en milieu rural passe de 49% en 1983 à 71% en 1993 pour une population où plus de 50% ont moins de 15ans. Par conséquent, les secteurs les plus pauvres sont les zones rurales où sont établies ces aires protégées. Il revient donc à l'État d'oeuvrer pour la réduction de la pauvreté afin de diminuer la pression actuelle exercée sur les ressources par le braconnage et d'autres pratiques mafieuses de ces populations appauvries227.

Au plan politique, la multiplicité des institutions de gestion qui interviennent dans la chose touristique sans coordination; ensuite, ces institutions ont des visions et intérêts divergents:

- MINFOF pour la Gestion des Aires protégées ;

- MINTOUR pour la gestion des campements des sites protégés ;

- MINATD pour l'administration territoriale ;

- MINEPAT pour les investissements publics et l'aménagement du territoire ;

- MINAGRI pour l'Agriculture ;

- MINEPIA pour élevage et pêche etc.

La délimitation des zones tampon entourant les aires protégées ne correspondent pas à la définition requise pour les aires protégées et rend difficile le zonage. Par exemple le passage de la Route Nationale N° 13 en plein parc de la Bénoué et au Sud du parc de Bouba Ndjida favorise le braconnage228.

Enfin, les populations locales n'y trouvent aucunement leur intérêt parce qu'il n'existe aucune promotion de la culture locale alors que cette zone de la Bénoué et de Bouba Ndjida pratiquent un élevage diversifié et pratique l'artisanat des peaux sans oublier l'élevage. Pour ce qui est du parc de Waza, la mise en service du barrage réservoir de Maga en vue de faciliter la riziculture avait porté un coup dur aux migrations saisonnières des animaux dans le parc. Heureusement après des études poussées, une solution de réinondation du Logone a été trouvée et exécutée, ce qui a permis la restauration du parc. Le parc national de Lobéké innove dans ce domaine en initiant par exemple le tout premier festival Baka-Bantou au sein du quartier général du PNL en Novembre 2021.

226 Ibid., p. 20.

227 Ibid., p. 22.

228 Ibid., p. 32.

102

Figure 14 : Quelques images du tout premier festival Baka-Bantou en périphérie du PNL dans le respect des

mesures sanitaires imposées par la COVID 19. Source : Bohin . 2022.

Une telle situation engendre des conflits de compétence, sans oublier que les travaux d'entretien des pistes sont du domaine du Ministère des Travaux Publics et des Transports. Par ailleurs, la promotion du tourisme de découverte est très faible sinon inexistante au Cameroun. En effet, il existe peu d'affiches, peu d'ouvrages et de dépliants, de tee-shirts et divers gadgets souvenirs sans oublier les limites en termes de compétence spécialisées des responsables en charge des dossiers.

PARAGRAPHE II : LA STRATEGIE DE DEVELOPPEMENT DE L'ECOTOURISME DU PNL

D'après le Colonel J.P.k. Mbamba (Conservateur du parc national de LObeke), la vision du Plan Stratégique de Développement de l'écotourisme au PNL est :

« Le PNL est une destination écotouristique de référence d'ici l'horizon 2027, assure à long terme, le développement socio-économique des communautés locales en jouant un rôle moteur dans la réduction de la pauvreté, le développement local par la construction d'une

103

offre touristique compétitive dans la Sous-région d'Afrique centrale basée sur les richesses patrimoniales authentiques du segment camerounais du TNS. » 229

Dans ce paragraphe il sera question pour nous de ressortir tour à tour les objectifs (A) de la stratégie de développement de l'écotourisme du PNL puis de dégager quelques impacts de l'écotourisme au PNL (B).

A. Les objectifs de la stratégie de développement de l'écotourisme au PNL

1. Objectif général : Recevoir 2500 touristes entre 2022 et 2026 par la promotion des produits touristiques diversifiés et le tourisme interne comme contribution au plan national pour le développement de l'écotourisme dont la perspective vise à atteindre un million de touristes d'ici 2022 - 2023.

2. Objectifs spécifiques : Le Parc National de Lobéké souhaite promouvoir l'écotourisme comme un secteur stratégique dans sa politique de gestion et consolider une place de choix dans le paysage de la Tri-Nationale de la Sangha et l'Afrique centrale en actionnant les leviers capables de permettre le développement de ce secteur d'activité230.

Ces objectifs constituent l'ossature de l'offre touristique du PNL. Avant tout, il faut rendre les objectifs stratégiques simples, mesurables, appréciables et réalisables dans le temps (SMART). Il s'agira notamment de :

- Créer un environnement favorable au développement d'un secteur écotouristique durable ;

- Développer les capacités humaines locales, le professionnalisme et les PPP;

- Augmenter l'impact des revenus du tourisme sur le plan local et le partage équitable des bénéfices avec les communautés ;

- Améliorer l'expérience du visiteur en diversifiant les offres et produits touristiques;

- Développer et mettre en oeuvre une stratégie marketing rentable avec les professionnels ;

- S'appuyer sur des partenariats mutuellement bénéfiques pour assurer un financement adéquat et durable du développement du tourisme231.

Les impacts directs et indirects du tourisme durable pour le PNL et sa périphérie sont :

B. L'impact de l'écotourisme au PNL

Il s'agit ici d'identifier, à partir des études de cas et des données recueillies pendant nos missions de stage. Quels sont les impacts de l'activité écotouristique dans et en périphérie du PNL sur le prisme des trois piliers suivants : environnemental, socioéconomique et culturel. Les impacts de l'écotourisme sur la conservation au PNL seraient nombreux. On en dénombre entre autres :

1. Les impacts sur l'économie et l'environnement a. Sur l'économie

229J. P. K., Mbamba, W., Njamen Nkwidja, J., Souhe Balepa, J. M Bakeleki Bohin, 2021, « Plan Stratégique de Développement de l'Écotourisme du Parc National de Lobéké et sa périphérie 2022-2026 », Édition Universitaires Européennes, p. 17.

230 Idem.

231 Ibid., p. 18.

104

L'écotourisme peut contribuer à renforcer la conservation d'une aire protégée en générant des revenus directs. Ces revenus, connus sous la formule générique de Redevance Touristique (RT), sont récoltés de multiples façons par les droits d'entrée, les permis, les concessions, les taxes de conservation, les produits dérivés, etc. et peuvent être ensuite être affectés à la gestion des AP ainsi qu'à d'autres projets visant à promouvoir la conservation. Or, pour ce qui est du PNL, la part des recettes du tourisme reversée pour la conservation semble minime et reversée au trésor public. Les droits d'entrée, qui représentent la principale source de revenu touristique dans les AP, ne sont pas réalloués à la conservation. Ils sont soit reversés entièrement au Trésor Public, soit répartis entre le Trésor et la Commune, mais en général rien ne revient directement à la conservation232.

b. Sur les écosystèmes

Ici, les enjeux sont très difficilement mesurables du fait de l'inexistence des outils appropriés de vérification des impacts écologique des touristes au PNL. La gestion inexistante des déchets dans la majorité des AP au Cameroun constitue l'un des principaux défis actuels au PNL. Les déchets humains et détritus laissés derrière par les touristes peuvent sérieusement affecter la qualité sanitaire de l'eau, du sol, de la végétation, et de l'air. Si le degré de l'impact sur l'environnement n'est pas quantifiable (même s'il est indéniablement loin d'être négligeable pour certains sites), il génère d'ores et déjà une pollution visuelle significative. Dans le cas du PNL il est strictement interdit aux touristes de jeter les ordures en forêt233.

2. Les impacts socioéconomiques et culturels de l'activité écotouristique pour les communautés

Ils peuvent être liés à la création d'emplois directs (guides, locations de véhicule, employés d'hôtels et de restaurants, vendeurs d'objet d'art, emplois de tâcheron, prestataires de service (piroguiers, groupes d'animation culturelle...)), ou indirects (boutiquiers, apiculteurs, producteur, etc.), générant des revenus complémentaires pour les populations dans le but de réduire la pauvreté et les pressions sur les ressources naturelles. Au PNL lors d'une entrée d'un touriste en forêt une bonne partie des fonds sont reversés aux populations ; car les guides locaux, les porteurs de bagages, les pisteurs sont issus des communautés locales en périphérie du parc234.

a. Les impacts sociaux (l'amélioration des conditions de vie)

Ils concernent généralement l'accès à l'eau, l'électricité, la santé, l'éducation (participation aux frais de scolarité, à l'achat de matériel scolaire, etc.), la communication et la formation. Ainsi, les retombées économiques de l'écotourisme sont utilisées dans l'ensemble des zones périphériques pour répondre aux besoins primaires des communautés, en matière de forage, de dispensaire, d'école. Les villages en périphérie du PNL ont bénéficiés des projets de construction de forage d'eau, réfection des écoles et bien d'autres projets235.

232Ibid., p. 50. 233Ibid., p. 51 234Idem..

235 Ibid., p. 52.

105

b. Les impacts culturels (culinaires)

Le tourisme culinaire favorise un engagement participatif des touristes. Créant plus d'interactions entre les différentes cultures sujettes au jeu touristique. Au niveau international par exemple, la valorisation de l'immense potentiel culinaire des pygmées Baka devrait susciter l'attractivité écotouristique et stimuler des modèles d'écotourisme endogéneisés dans le bassin du Congo.

SECTION II : LE TOURISME CULINAIRE POUR LE PNL

Le tourisme culinaire également appelé tourisme gastronomique ou gourmand, est un type de voyage touristique associé à la cuisine locale dans le but de découvrir l'histoire, le savoir-faire et la culture d'un pays ou d'une région à travers des spécialités culinaires. Le tourisme culinaire est divers et se réalise partout où l'on peut se restaurer : un restaurant, à la ferme, dans un foodtruck, directement chez le producteur, etc. La fréquentation des restaurants est courante chez les touristes et la nourriture est censée être classée au même titre que le climat, l'hébergement et les paysages, ce qui est important pour les touristes. Le tourisme culinaire est considéré comme un sous ensemble du tourisme culturel : c'est un facteur d'identité nationale et un élément du patrimoine culturel immatériel pour certains pays comme la France.

Aujourd'hui le marché du tourisme culinaire connait une forte croissance. La mondialisation permet d'amener les modes de cuisine et de consommation d'un bout à l'autre du globe. L'augmentation des évènements et de la prise de partie de certains acteurs pour ce type de tourisme offre aux fournisseurs de services alimentaires l'opportunité d'accéder à une clientèle plus large. De nombreuses destinations comme le Parc national de Lobéké ont commencé à collaborer avec des entreprises locales et internationales, des chefs autochtones, pour proposer des activités annexes sur différents types d'offres culinaires.

Par ailleurs, le droit à une alimentation adéquate et le droit fondamental d'être libéré de la faim ont été réaffirmés au Sommet mondial pour l'alimentation de 1996, qui a demandé aux États parties de rechercher de meilleures manières de donner effet aux droits en rapport avec l'alimentation et aux pays qui ne l'avaient pas encore fait de ratifier le Pacte236. Cependant, la conservation de la biodiversité dans le bassin du Congo fait essentiellement face au besoin de nourrir les populations riveraines qui ont besoin des produits de la forêt pour leur épanouissement physiologique mais aussi pour les valeurs culturelles qu'elle renferme. Pour y répondre l'écotourisme s'est au fil du temps imposé comme étant une ; si ce n'est la solution pour un compromis environnemental, économique, social et culturel. La cuisine justement fait partie intégrante du patrimoine de la culture africaine.

Quelle place occupe le tourisme culinaire dans le positionnement international des pays du Bassin du Congo ? Comment faire de la cuisine autochtone des Baka en périphérie du PNL, un potentiel levier de développement durable tout en participant à la conservation et la restauration des écosystèmes ? Comment trouver un compromis à la surconsommation de la viande de brousse tout en valorisant la consommation de sources alternatives en protéines

236 FAO (Dubravka Bojic Bultrini, Margret Vidar et Lidija Knuth, Isabella Rae), « Guide pour légiférer sur le droit à l'alimentation », Le droit à l'alimentation, Livre 1, Rome, 2010, p. 10.

106

comme les chenilles ? En quoi est ce que le tourisme culinaire contribuerait à l'autonomisation des populations autochtones tout en leur rendant leur rôle de gardiennes des forêts ? Tels sont les axes qui guiderons la dernière section de nos travaux. Au (Paragraphe I) intitulé : Les nouvelles tendances alimentaires, nous présenterons quelques évolutions dans notre façon de manger, et enfin le (Paragraphe II) : le potentiel culinaire autochtone de la périphérie du PNL, présentera un prototype de commerce de chenille qui pourrait favoriser un modèle politique de développement durable, interculturel et juste pour le bassin du Congo.

PARAGRAPHE I : LES NOUVELLES TENDANCES ALIMENTAIRES

D'après la FAO, « Le droit à l'alimentation a été établi et approuvé avec plus d'urgence que la plupart des autres droits de l'homme. Il a été officiellement reconnu comme droit de l'homme en 1948, lorsque l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté la Déclaration universelle des droits de l'homme. Depuis, ce droit fondamental, ou certains de ses aspects, a été incorporé dans plusieurs instruments internationaux contraignants ou non contraignants, parmi lesquels le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. »237

Parallèlement à la nécessité de se nourrir, le tourisme culinaire s'est progressivement construit autour des nouvelles tendances alimentaires comme le Végan en Occident ou encore l'entomophagie238en Asie. Tendances qui elles-mêmes sont très souvent liées à la disponibilité des ressources. Depuis quelques décennies, la cuisine africaine également se positionne sur cette branche économique. Les pays comme la France ou la Thaïlande sont à ce jour des pionniers dans le domaine.

A. Les nouvelles tendances alimentaires en France

Figure 15 : Bug burgers (Hamburger à base d'insectes). Source : IKEA Bug Burger est respectueux de

l'environnement et la restauration rapide du futur ( swirled.com)

237 Idem.

238 Consommation des insectes par l'homme.

107

De nombreux facteurs sont à l'origine des nouvelles tendances alimentaires dans le monde. Les touristes ont grandement contribué à répandre ces tendances au bout du monde. Il est important de mettre en exergue l'apparition de certaines innovations qui ont eu un impact sur la manière dont l'alimentation s'effectue encore aujourd'hui. On note par exemple l'invention des boîtes Tupperware en 1945 par l'ingénieur américain Earl Tupper, afin de conserver les aliments plus longtemps. Puis en 1953 est commercialisé le premier four à micro-ondes aux États-Unis au prix de $3500 et mesurant 1,80m pour 340 kg. L'appareil apparait ensuite en France à la fin des années 1980. Innovation qui ouvrira la voie à une forme de consommation extrêmement consommatrice en espace, en énergie, en matériaux et matériel, etc.

Figure 16 : Surface de sol nécessaire pour la production de quelques sources de protéines importante dans
l'alimentation humaine. Source : Justine Debret, 2018, p. 36.

D'après la FAO, l'élevage serait responsable de 14,5 % des émissions de gaz à effet de serre (c'est plus que le secteur des transports) et de plus de 80 % de la déforestation en Amazonie. Le 5ème rapport du GIEC recommande ainsi une diminution importante de la consommation de viande.

1. Les origines des nouvelles tendances alimentaires en France

L'industrie agro-alimentaire voit l'augmentation de l'utilisation des additifs alimentaires dès 1956. Ils occupent une place de plus en plus prégnante dans l'alimentation quotidienne et en France le JECFA est créé afin de les évaluer scientifiquement. Aujourd'hui encore, le JECFA publie des recommandations afin d'évaluer les risques des contaminants et des composés chimiques présents dans les produits alimentaires. En 1974, le cuisinier Georges Pralus introduit la cuisine sous-vide en France.

Née outre Atlantique, elle permet de cuire et de conserver les aliments tout en conservant leurs qualités gustatives, grâce à un conditionnement dans des sachets hermétiques. Il est important ici de remarquer à quel point les tendances et innovations scientifiques créaient des changements sociaux qui à leur tour transforment notre quotidien. La cuisine sous-vide eu un impact considérable sur le travail des femmes par exemple. Changement qui modifiat donc les habitudes alimentaires de toute la famille et donc du monde. Ainsi, en 1980 les foyers français

108

consomment en moyenne 10 kg de surgelés par an et en 1987 les salades en sachet font leur entrée au supermarché239.

La restauration rapide se développe en France dans les années 80, McDonald's ouvre son premier fast-food à Strasbourg. En effet, la distance moyenne entre le lieu de travail et le domicile augmentent ce qui favorise l'essor de la restauration rapide et des aliments à emporter. Les nouveaux modes de consommation alimentaire issus du modèle nord-américain et arrivés en France s'expliquent en effet par la contraction de l'espace-temps. Des innovations comme le Fast-food et le Drive-in font leur arrivée en France dans les années 1980. Ils proposent des menus standardisés inspirés des classiques américains240.

2. Les avantages marketing

D'un point de vue marketing, les grands groupes alimentaires américains désirant augmenter leurs parts de marché s'internationalisent dans les pays aux habitudes alimentaires similaires ainsi que dans des pays occidentaux où le soft power américain possède une influence certaine. Ces groupes standardisent leur stratégie marketing pour souvent refléter les clichés américains qui plaisent. La Guerre Froide a notamment joué un rôle important dans la promotion de la culture américaine dans les pays du bloc de l'Ouest. Cet épisode historique a créé des liens culturels qui ont fait de certains pays alliés, des débouchés pour les produits américains.

L'ouverture de chaines et de franchises américaines comme Mc Donald en Europe permet également à ces marques, de réaliser des économies d'échelle, et donc de baisser leurs coûts afin de proposer des prix attractifs aux consommateurs. Cela participe à la généralisation et mondialisation d'une consommation alimentaire homogénéisée. La France a connu un changement sociétal au travers des innovations culinaires en lien avec le modèle de consommation à l'américaine. Mais il est désormais primordial pour les pays africains par exemple de s'intéresser aux risques que représente le développement du modèle de consommation alimentaire américain sur le long terme (obésité, maladies cardiaques, etc.)241.

Manger autrement (vert, sain, culturel, bio, traditionnel, etc.) fait partie des nouvelles tendances dans les modes de consommation comme le souligne Christine Glorieux. Elle indique que la part du revenu des ménages dédiée à l'alimentation dépend de la richesse des pays (dans les pays pauvres de 45 à 60%, riches de 10 à 15%). Les consommateurs des pays riches initient les évolutions et nouvelles tendances dans le domaine de l'alimentation. À ce titre, la gastronomie française est inscrite au « patrimoine immatériel de l'humanité » (UNESCO en 2010). Les comportements alimentaires sont généralement fonction de la dimension sociale et culturelle. On a remarqué une exigence croissante du désir de qualité et de variété alimentaire des consommateurs (en Europe, sur environ 30 ans: repas à l'extérieur, plats industriels et préparés par industries agroalimentaires, aliments selon population ciblée comme sportifs, régimes, etc.).

Dans les pays du Nord on trouve une abondance de l'offre alimentaire avec une agriculture productiviste. Mais, ces transformations provoquent des allergies et maladies comme le diabète ou cholestérol et des soupçons émergent sur les additifs et la santé, ce qui amène une exigence des consommateurs en termes de « qualité-santé » avec des labels et des

239Justine Debret, Étude des nouvelles tendances de consommation alimentaire et leur arrivée dans l'Hexagone. La vague du vegan. L'expression d'un soft power américain dans l'industrie agroalimentaire française ?, Mémoire d'affaires internationales et stratégie d'entreprise, Toulouse, Science Po Toulouse, 2018,

p. 13.

240 Ibid., p. 17.

241 Ibid., p. 18.

109

origines certifiées (AOP, AOC, etc.). Le végan s'inscrit dans cette tendance et depuis quelques années la demande française a explosé. Demande à laquelle réponds grandement le marché asiatique.

B. Les nouvelles tendances alimentaires en Asie (l'entomophagie)

Figure 17 : Plat de sauterelle (Cambodge). Source : Insecte Plat - Bing images

1. L'entomologie

L'entomologie242 existe en Asie comme en Afrique depuis toujours. En février 2008, le Bureau régional de la FAO pour l'Asie et le Pacifique a organisé un atelier international à Chiang Mai, (Thaïlande) intitulé «Les insectes forestiers dans l'alimentation: L'Homme a du mordant». L'atelier a réuni des experts du monde entier en entomophagie, qui ont discuté plus spécifiquement des aspects scientifiques, de la gestion, de la collecte, du traitement, de la commercialisation et de la consommation des insectes forestiers comestibles, ainsi que des possibilités pour les populations locales de les élever. Le rapport de l'atelier de Chiang Mai visait à sensibiliser sur le potentiel des insectes forestiers comestibles comme ressource alimentaire, démontrer la contribution des insectes comestibles aux moyens de subsistance des populations et mettre en évidences les liens avec la conservation et l'aménagement des forêts243.

2. La FAO et la consommation d'insectes

Durant la période 2010-2013, la FAO a réalisé un projet de coopération technique en République démocratique populaire Lao, intitulé «Récolte et élevage durable des insectes

242 Branche de la zoologie qui étudie les insectes, et par extension, des arthropodes terrestres. À des fins médicales, culinaires, ou scientifiques ; les populations autochtones des zones tropicales à forte concentration d'insectes comme le Mékong, le bassin du Congo ou l'Amazonie, ont apprivoisé les insectes depuis très longtemps. Ces populations ont en effet un lien historique avec les insectes.

243 FAO (Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture), Insectes comestibles : perspectives pour la sécurité alimentaire et l'alimentation animale, Rome, Forestry Paper No 117, 2014, p. 22.

110

pour une meilleure alimentation, l'amélioration de la sécurité alimentaire et la création de revenus au niveau familial». Ce projet était une réponse immédiate aux diverses propositions identifiées par la Stratégie nationale de nutrition de la République démocratique populaire lao et par le Plan national d'action sur la nutrition qui ont été finalisés et approuvés en décembre 2009. À savoir, améliorer la ration alimentaire et aborder les causes sous-jacentes (par l'amélioration de l'accès à la nourriture, l'amélioration et la diversification de la production alimentaire domestique). Le projet s'est attaché à renforcer le rôle déjà effectif des insectes comme aliments complémentaires dans les menus locaux, reconnaissant le rôle de la collecte traditionnelle dans la nature en renforçant la durabilité, la sécurité et la rentabilité de la récolte des insectes, de leur traitement après récolte et de leur consommation, ainsi que le développement de leur élevage244.

Suite à l'atelier international de Chiang Mai en 2008, le Programme des produits forestiers non ligneux du Département des forêts de la FAO et l'Université et Centre de recherche de Wageningen (WUR) (Laboratoire d'entomologie) ont initié une collaboration pour promouvoir l'entomophagie.

La première étape a été la rédaction pour le Département des forêts de la FAO d'une note de politique intitulée «Promouvoir la contribution des insectes forestiers comestibles en confortant la sécurité alimentaire». Cette note exposait les grandes lignes de la stratégie à long terme de la FAO pour intégrer le Programme «Insectes comestibles» au Programme régulier de la FAO et de sensibiliser les organisations et agences nationales et internationales ainsi que les donateurs s'impliquant dans la sécurité alimentaire. En 2010, une liste bibliographique des publications relatives aux insectes comestibles a été rédigée et une base de données sur les personnes ressources sur l'entomophagie dans le monde a été établie à partir d'un questionnaire largement diffusé245. La FAO entretient un portail Web sur les insectes comestibles depuis 2010. Il fournit des informations de base sur l'utilisation et le potentiel des insectes comestibles ainsi que sur les liens Web pertinents, comme celui vers le compte-rendu de l'atelier de Chiang Maide 2008. Il fournit également des informations sur la consultation d'experts de Rome en 2012 ainsi que d'autres informations techniques pertinentes, des vidéos et autres couvertures médiatiques.

L'adresse du portail est: www.fao.org/forestry/edibleinsects247.

En Afrique subsaharienne et centrale plus précisément, bien que la consommation d'insecte face partie du quotidien de nombreuses populations, l'entomophagie n'a pas encore réellement trouvé sa place en tant qu'outils de développement d'une filière de tourisme culinaire et d'enjeu premier pour les relations internationales dans le bassin du Congo. Le parc national de Lobéké par l'accompagnement des travaux de recherche et des projets écotouristiques autour de la consommation des chenilles, ouvre la porte à une nouvelle façon de percevoir les ressources alimentaires traditionnelles des populations autochtones en périphérie des aires protégées.

244 Ibid., p. 23.

245 Idem.

246 Ibid. 24.

247 Ibid. 24.

111

PARAGRAPHE II : LE POTENTIEL CULINAIRE AUTOCHTONE DE LA PERIPHERIE DU PNL ET LES PERSPECTIVES D'AVENIR POUR LA SOUS REGION

D'après le Dr. David S. Wilkie, « Le tourisme est l'industrie mondiale la plus importante, et croît progressivement. En 1996 les recettes du tourisme dans le monde entier ont été de 3 trillions de dollars. Le tourisme international seul croît d'environ 9% par an et les recettes dépasseront 527 milliards de dollars en l'an 2000.»248.

La cuisine dans cette gigantesque industrie du tourisme fait appel à des recettes culinaires innovantes capables de conserver toute leur originalité, qui soient respectueuses des valeurs environnementales, qui soientt économiquement et socialement adéquates aux besoins locaux principalement. Si la consommation d'insecte en Asie a permis le développement d'une puissante industrie du tourisme culinaire, l'Afrique subsaharienne a tout pour devenir une destination culinaire unique. En Afrique, les insectes les plus consommés sont les chenilles (notamment en Afrique du Sud ou au Nigeria). À la Réunion, on consomme frais ou frits les zendettes, les larves des capricornes et bien d'autres. Les larves de guêpes maçonnes sont aussi mangées frites, ou en rougail (sauce avec des tomates et des épices)249.

En périphérie du PNL/Cameroun par exemple, les pygmées Baka consomment les chenilles depuis des générations mais très peu de travaux sont réalisés pour la valorisation écotouristique des recettes traditionnelles dans la sous-région. Ce dernier paragraphe présentera les initiatives prises dans le cadre de notre stage professionnel au PNL. Notamment : la valorisation du potentiel culinaire des pygmées Baka en périphérie du PNL (A) et les perspectives d'avenir pour le tourisme culinaire dans le bassin du Congo (B).

A. Valorisation du potentiel culinaire Baka en périphérie du PNL

1. La chenille du Sappelli

En périphérie du PNL et par extensions à de nombreux pays du bassin du Congo comme la RCA en particulier ; de nombreuses variétés de chenilles sont comestibles.

Le Programme des produits forestiers non ligneux du Département des forêts de la FAO a lancé en 2003 une étude sur la contribution des insectes comestibles au régime alimentaire des populations en Afrique centrale. Quatre études de cas et de nombreuses autres études ont été lancées en Afrique centrale et particulièrement dans le bassin du Congo du fait de la grande consommation d'insectes sauvages récoltés au sein d'importantes ressources forestières et d'écosystèmes riches en faune sauvage.

248David S., Wilkie et Julia F., Carpenter, « Tourisme nature dans le bassin du Congo. Le tourisme peut-il aider à financer les aires protégées dans le bassin du Congo ? », Oryx, 1998, P. 4.

249 [En ligne : « Consommation. Insectes : où les mange-t-on dans le monde ? ( bienpublic.com) ». Consulté le 21/07/2022 à 01h44].

112

Figure 18 : Sauce de mangue sauvage aux chenilles du Sappeli (MBOYO) fumées, accompagnées de
plantain cuit à la vapeur et pilé (plat traditionnel Baka. Source : Bohin, B. 2022)

Figure 19 : Comparaison de la teneur moyenne en protéines des insectes, des reptiles, des poissons

et des mammifères. Source : FAO, 2014, p. 95.

113

Le rapport «Contribution des insectes de la forêt à la sécurité alimentaire: L'exemple des chenilles d'Afrique centrale» a évalué le rôle des insectes comestibles dans l'alimentation et ainsi, initié un débat sur l'entomophagie en tant que coutume essentielle pour la sécurité alimentaire. Le résumé et les conclusions de ce rapport ont été pris en compte par l'Overseas Development Institute dans son Document d'information sur les politiques de la faune sauvage. Document qui a renforcé la sensibilisation des décideurs du secteur forestier et lors des discussions sur la crise de la viande de brousse, sur le rôle majeur que les insectes comestibles jouent ou pourrait joué dans la sécurité alimentaire des populations tributaires de la forêt.

2. Un prototype déjà exploitable

Ces chenilles à l'exemple de celles du Sappelli, agrémentent de nombreux plats traditionnels de la sous-région comme le kôkô ; le plat traditionnelle par excellence de la Région de l'Est Cameroun. Cette chenille (Figure 13) précisément provient du feuillage des grands sapellis qui sont envahis chaque année en juillet-août par lépidoptère saturnidé (Imbrasiaoyemensis). Elle (la chenille) lui (le sappelli) est inféodée250. Cette chenille est comestible et fortement recherchée par les populations locales, qui en font un appoint alimentaire important en protéine et en lipides.

Figure 20 : Prototype d'une bouteille de chenilles du Sapelli, fumées et pasteurisées, conditionnées dans une ancienne
bouteille de mayonnaise réutilisées ; que nous avons estampillée sous une forme labélisable. Source : Bohin. B

Produit du projet COVII du PNL, ce prototype a été conçu dans le but d'impulser une dynamique d'accompagnement des populations Baka riveraines du PNL vers une modernisation durable de leurs atouts culinaires. Ceci par la valorisation économique d'une protéine alternative à la viande de brousse. Pour la simple raison que les politiques de conservation de la biodiversité font en effet toutes face à l'impérieuse nécessité d'autonomisation économique des populations locales pour être efficaces. Ce prototype testé avec des moyens limités pourrait en effet accompagné la stratégie écotouristique du PNL en

250 Cette chenille ne vit que sur cet arbre.

114

donnant aux populations la possibilité de commercialiser des produits culinaires concurrentiels, de disposer d'un accompagnement financier innovant pour des projets de reboisement de l'arbre hôte, mais aussi et surtout de disposer d'une excellence source de protéine pour l'alimentation durable des générations présentes et futures.

Figure 21 : Plat de kôkô (Plat traditionnel par excellence de la Région de l'Est Cameroun). Source : Bohin. B, 2022.

B. Les perspectives d'avenir pour le tourisme culinaire dans le bassin du Congo

Figure 22 : Plat de Kôki (l'un des plats traditionnel par excellence de la Région de l'Ouest Cameroun). Source : B. Motema, 2022.251

251 B. Motema de son nom d'artiste est vainqueur du concours de la plus belle photo au festival des saveurs du Cameroun et du monde organisé à Yaoundé en 2022. Il est par ailleurs majors de sa promotion à l'institut des beaux-arts de Foumban/Cameroun.

1. 115

Le potentiel africain

Le tourisme culinaire se développe depuis quelques décennies en Afrique subsaharienne et dans le bassin du Congo. À travers l'organisation des foires gastronomiques, l'organisation d'émissions culinaires, la vulgarisation des manuels et livres de recettes traditionnelles et bien d'autres canaux médiatiques, l'Afrique essaie de se hisser au rang des destinations culinaires dans le monde. Le bassin du Congo et sa richesse culinaire a de quoi attiré de nombreux touristes engagés en quête d'originalité et de diversité culinaire. Bien que d'énormes efforts soient encore à réaliser pour rendre certains produits concurrentiels sur le marché international.

2. Une vision optimiste

En effet, situé la gastronomie africaine au rang des puissances mondiales actuellement serait prétentieux à ce stade de développement. Toutefois, dans une perspective de développement à l'horizon 2050 d'après l'Agenda 2063 de l'UA, et au regard des changements alimentaires et sanitaires observés en 2022, il est possible que ce paradigme change rapidement. Les changements peuvent êtres anticipés dès aujourd'hui en valorisant l'héritage culinaire local. À l'exemple de l'exportation de la cuisine nord ou sud-américaine, asiatique, indienne et autres, la cuisine africaine a de quoi conquérir les assiettes du monde d'ici 2050.

La réponse des politiques de conservation de la biodiversité dans le bassin du Congo devrait par ailleurs d'avantage oeuvré à construire une image plus ouverte aux besoins des communautés riveraines, encourager des stratégies touristiques qui respectent les besoins alimentaires traditionnels des populations locales.

En s'ouvrant à des thématiques de recherche innovantes comme le tourisme culinaire ou l'utilisation durable des matériaux alternatifs en cuisine comme le bambou de Chine, le Parc National de Lobéké a multiplié de façon considérable son nombre de visiteurs physiques et virtuels. Favorisant ainsi de nombreux partenariats stratégiques pour le développement d'un circuit écotouristique complet et varié.

116

Figure 23 : Quelques écogardes du PNL qui se prêtent au test d'un concept de table haute à base

du bambou de Chine en prélude au FESTI Baka-Bantou. Source : Bohin. B, 2022.

CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE

La conservation de la biodiversité et le tourisme durable comme nous avons pu le voir peuvent faire bon ménage. Bien que des modèles de tourisme durable et interculturel soient encore en gestation dans le bassin du Congo, le PNL pour se démarquer a su miser sur le secteur de l'écotourisme et plus précisément sur celui du tourisme culinaire pour communiquer différemment sur ses missions régaliennes.

La construction d'une politique de développement durable qui soit sociologiquement et économiquement viable pour les populations autochtones pauvres en grande majorité reste sur la table. Mais des solutions existent pour rendre notre développement commun soutenable sur le plan environnemental pour les jeunes États d'Afrique centrale, culturellement et technologiquement exportables sur le plan international pour la sous-région.

117

CONCLUSION GENERALE

Parvenu au terme de notre travail de recherche nous rappelons que notre mémoire a été articulé autour de la problématique majeure qui était celle de savoir comment optimiser les politiques de conservation de la biodiversité dans le bassin du Congo, avec pour cas pratique le Parc National de Lobéké au Cameroun. Pour y parvenir nous avons fais appel à la théorie du transfert des politiques publiques pour comprendre l'applicabilité ou non des politiques internationales qui encadrent déjà ce secteur. Au moyen d'une analyse hypothético-déductive et des fondements de l'écopolitique, nous avons essayé de présenter des enjeux non exhaustifs qui gravitent autour de la conservation de la biodiversité sur la base des données bibliographiques existantes et essentiellement de nos observations directes sur le terrain.

Nous avons structuré notre travail en deux grandes parties : Le contexte mitige de la conservation de la biodiversité dans le bassin du Congo (Partie I) et Les enjeux contemporains de la conservation de la biodiversité face développement durable dans le bassin du Congo (Partie II).

Après avoir fais ce rappel heuristique, nous tenons à dire de façon basique que les aires protégées comme toutes les oeuvres anthropologiques devraient redonner à la nature sa place maitresse. Les aires protégées peuvent être une source directe de nourriture pour les populations autochtones et une source d'enrichissement illicite pour d'autres. La collecte de nourriture est autorisée dans de nombreuses aires protégées. Mais à partir du moment où cette collecte se fait de manière durable, et qu'elle ne sape pas les objectifs de conservation. De même, dans de nombreuses aires marines protégées, la pêche commerciale à grande échelle est interdite mais les communautés de pêche locales peuvent avoir l'autorisation de poursuivre une activité de pêche durable. Ces modèles marins peuvent s'appliquer à la conservation terrestre.

En effet, l'UICN reconnait que parfois une aire protégée peut même faire office de source alimentaire d'urgence en cas de mauvaise récolte, de sécheresse, ou même de catastrophe sanitaire. Bien sûr, l'exemple de la collecte des chenilles par les Baka comme elle se fait au parc national de Lobéké (Tri National de la Sangha/ Patrimoine mondial de l'UNESCO) peut devenir un problème si elle se transforme en prétexte pour des activités illicites comme le braconnage d'éléphants, perroquets et autres espèces classées A à l'intérieur de la zone de conservation stricte252.

À l'intérieur de nombreuses aires protégées se trouvent des valeurs historiques et culturelles qui remontent à plusieurs siècles (Grottes, sanctuaires mystiques, etc.). L'entretien de ces sites peut être un avantage clé pour la conservation et la valorisation communautaire. La conservation de ces valeurs matérielles et immatérielles peut être un défi pour les gestionnaires africains et du bassin du Congo en particulier, et c'est là où les discussions politiques avec les communautés locales, peuvent permettre d'identifier la meilleure approche de gestion des enjeux de la conservation de la biodiversité à l'horizon 2063253.

252 BOOC/ UICN-PAPACO, Valorisation des ressources des aires protégées, 2020, p. 5.

253 Ibid., p. 50.

118

La cuisine locale en particulier fait partie de ces valeurs immatérielles qu'on peut très bien matérialiser en circuit touristique. En dehors des exigences culturelles, les besoins en protéines alimentaires d'origine animale pour les populations pygmées vivant en périphérie du PNL reste vital. En plus, les services de la conservation doivent également répondre à l'urgence de leur autonomisation financière dans le total respect de leurs droits. Cette situation est à l'origine de nombreux conflits manifestes ou non. Il est évident que la prise en compte des droits des populations autochtones telle que pensée au niveau international devrait tenir compte des difficultés institutionnelles auxquelles font faces les jeunes États africains. La pression économique en effet tend à réduire certains efforts gouvernementaux. Mais la coopération sous régionale initiée au niveau du TNS par exemple montre qu'il est possible de créer une synergie d'acteurs pour la valorisation durable des forêts du bassin du Congo.

Le volontourisme254, le tourisme culinaire, le tourisme vert, etc., sont de nouvelles tendances du tourisme international et le tourisme est reconnu comme étant un important stimulant de développement économique. Les pays membres de la COMIFAC en faisant le pari sur l'écotourisme pour le développement local en périphérie des AP devraient s'investir davantage sur les enjeux stratégiques que cette activité implique. Le tourisme culinaire par exemple participe aujourd'hui encore d'une politique de soft power dans les relations internationales.

Les agapes et autres cérémonies protocolaires en diplomatie s'accompagnent généralement d'un repas. Il s'agit de cet instant de partage mais aussi d'observation dont les enjeux sont parfois décisifs. À titre d'exemple, voir sur CNN255 le président des États-Unis d'Amérique mangé un plat de chenilles d'Afrique ou de larves d'Asie peut suffire à faire chuter l'indice boursier de la viande de boeuf dans le monde. Ce petit instant pourrait redéfinir les accords entre les USA et ses principaux partenaires en production bovine (principal secteur polluant de la planète), ou aussi pourquoi ne pas stimuler une économie circulaire, solidaire, et durable autour des produits dérivés des chenilles en Afrique. Ces repas sont des moments de conquête, d'ouverture ou de fermeture à l'autre.

Malheureusement, les populations Baka en périphérie du PNL par exemple, ne disposent pas des mêmes accompagnements logistiques que les indiens et autres aztèques en Amériques, les mayas et autres peuples autochtones. Lors du premier congrès africain des aires protégées (APAC) 2022 intitulé « nous sommes la nature », les représentant des peuples autochtones et des communautés locales (PA et CL), issus de plus de 40 nations africaines, à Kigali au Rwanda, les 16 et 17 juillet 2022, ont fait une déclaration commune à laquelle nous nous joignons pour conclure:

« Nous prenons note des progrès réalisés par les gouvernements, les partenaires du développement et d'autres acteurs dans la reconnaissance et l'avancement des droits des peuples autochtones et des communautés locales (PA et CL), mais il reste beaucoup à faire. Nous sommes loin d'être où nous devrions être. Par conséquent nous vous engageons à mettre en place un organe panafricain des peuples autochtones et des communautés locales, basé sur

254 Le volontourisme : Est une tendance en pleine croissance dans le monde où les touristes choisissent de visiter un site afin d'apporter une contribution significative à la destination. Un certain nombre d'organisations privées à but lucratif ou non lucratif offrent ce type d'expérience. Les aires protégées peuvent en bénéficier en offrant aux volontaires la possibilité de s'engager dans des activités de conservation, gratuitement ou pas.

255 Chaine de télévision américaine.

119

les réseaux nationaux et sous-régionaux, comme plateforme pour nos préoccupations, actions, programmes et apprentissages croisés, partagés et pour suivre la mise en oeuvre de cette déclaration.

Nous appelons les gouvernements à donner la priorité à la protection de la nature dirigée par les communautés autochtones locales et en faire le fleuron de la préservation de la nature en Afrique, et grâce auquel les PA et CL peuvent rétablir leurs droits à posséder, gouverner et gérer les terres, les eaux et les territoires conservés et protéger existants et nouveaux, y compris dans les zones de conservation transfrontalières.

Nous invitons les donateurs à développer de nouveaux mécanismes et de nouvelles pratiques pour canaliser les nouveaux financements importants qui se présentent pour faire face aux changements climatiques et à la perte continue de la biodiversité directement vers les PA et CL et leurs organisations qui vivent et travaillent au point d'impact.

Nous encourageons les organisations de conservation de la nature à redéfinir le concept d'aires protégées, en particulier la catégorie VI qui maintient l'application nationale de la création d'aires protégées. Il est urgent de revoir et de remplacer le concept et la pratique des « aires protégées » par la « préservation » selon la conception autochtone pour en finir avec la militarisation des aires protégées, promouvoir la relation entre les personnes, la terre et la nature, appliquer le principe du consentement préalable, libre et éclairer et garantir la priorité du financement des efforts de préservation de la nature communautaire menée par les PA et CL et leurs organisations.

La recherche, les médias et les milieux universitaires nous vous invitons à oeuvrer d'avantage pour redresser le tort de la mauvaise présentation en produisant des documentaires, des films, des études, etc. qui mettent en valeur la complexité des paysages africains et la place des africains dans ces paysages. Malgré le fait que les africains soient vilipendés dans le discours sur la préservation de la nature, la vérité est que la faune sauvage existe en Afrique parce que les africains sont la nature ».

À nos ancêtres, nous vous remercions pour la santé et la force, à notre jeunesse, nous regardons vers le haut avec optimisme, et à nos générations futures, nous nous inquiétons face à l'incertitude du désastre de la perte de la biodiversité. »256

256 Déclaration de Kigali (premier Congrès africain des aires protégées) au Rwanda, les 16 et 17 juillet 2022, « Nous sommes la nature », Rencontre qui a vu la participation des représentants des peuples autochtones et des communautés locales (PA et CL), issus de plus de 40 nations africaines.

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ANNEXES

126

LISTE DES ANNEXES

Annexe 1 : Liste des personnes interviewées Annexe 2 : Liste des figures

127

ANNEXE I : LISTE DES PERSONNES INTERVIWEES

Dans le cadre de la rédaction de notre mémoire de fin d'étude à l'Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC), en filière Coopération internationale, Action humanitaire et Développement Durable (CA2D), option Management Environnemental et Développement Durable ; nous avons effectué des interviews ciblées dans le but d'enrichir nos recherches de faits saillants du terrain.

Nous tenons à remercier toutes les personnes citées ci-dessous pour leur précieuse contribution à cet exercice scientifique :

Nom et prénom

No

profession

Lieu

Col. Jean Paul Kevin

MBAMBA

01

Conservateur du parc national de Lobéké

Mambele/Cameroun

Col. Jean Pierre BISSEK

02

Conservateur du parc national du Mpem et Djim

Ntui/Cameroun

Mr Osiris NDOUMBE

03

Assitant technique

PNMD/BRLingenierie

France

Mr Louis NGONO

04

Collaborative

Management Officer/ Tridom/WWF

Yaoundé/Cameroun

Mr Gregroir OWONA

05

SGIC/ Mairie de

Salapoumbe

Salapoumbe/Cameroun

Mr KA'A ELIE

06

Chef de village

momboue

Mr MODJANA RAUL

07

Chef de village

mikel

Mr ABOUMA gaspard

08

Chef de village

Tembe-piste

Mr MOUSSADIKOU

norbert

09

Chef de village

Lokomo sebc

Me Djokou

10

Chef de village

libongo

Mr BACHIROU

11

Chef de village

bella

Mr

DORANDA Bonaventure

12

Chef de village

koumela

128

ANNEXE II : LISTE DES FIGURES

1. Localisation du parc national de Lobéké.

2. Patrouille de refoulement des troupeaux de boeufs à la frontière nord du parc national du Mpem et Djim.

3. Visite au domicile de Mr Jacques Vivien avec Mr Osiris Ndoumbeet le Col. Bissek.

4. Mécanisme d'accès et de partage des avantages des AP.

5. Paysage institutionnel de la COMIFAC.

6. ZIC et ZICGC en périphérie du PNL.

7. Schéma de l'économie circulaire.

8. L'éducation à la base du développement durable.

9. Pyramide de Maslow.

10. Schéma de l'approcheone health.

11. Formation en pilotage de drones.

12. Panthère prise en photo par une camera trap.

13. Mission d'identification et de cartographie des sites écotouristiques du département de la Boumba et Ngoko pour le PNL(Camerou).

14. Quelques images du tout premier festival Baka-Bantou en périphérie du PNL dans le respect des mesures barrières imposées par la COVID 19.

15. Bug burgers (Hamburger à base d'insectes). Source : IKEA Bug Burger est respectueux de l'environnement et la restauration rapide du futur ( swirled.com)

16. Surface de sol nécessaire pour la production de quelques sources de protéines importante dans l'alimentation humaine.

17. Plat de sauterelle (Cambodge). Source : Insecte Plat - Bing images

18. Sauce de mangue sauvage aux chenilles du Sappelli (MBOYO) fumées, accompagnées de plantain cuit à la vapeur et pilé.

19. Comparaison de la teneur moyenne en protéines des insectes, des reptiles, des poissons et des mammifères

20. Prototype de bouteille de chenilles du sapelli fumées et pasteurisées, conditionnées dans des bouteilles de mayonnaise réutilisées, estampillées sous une forme labélisable.

21. Plat de kôkô (Plat traditionnel par excellence de la province de l'Est Cameroun).

22. Plat de Kôki (Plat traditionnel par excellence de la province de l'Ouest Cameroun).

23. Quelques écogardes du PNL qui se prêtent au test d'un concept de table haute à base du bambou de Chine en prélude au FESTI Baka-Bantou.

TABLE DES MATIERES

129

SOMMAIRE i

AVERTISSEMENT ii

DEDICACE iii

REMERCIEMENTS iv

ABREVIATIONS, ACRONYMES ET SIGLES v

RESUME vi

ABSTRACT vii

INTRODUCTION GENERALE 1

I. CONSTRUCTION DE L'OBJET D'ÉTUDE 2

A. CONTEXTE ET JUSTIFICATION 3

B. CLARIFICATION DES CONCEPTS 7

1. Les enjeux 7

2. La diversité biologique 7

3. La Conservation 8

4. La Préservation 8

5. Une aire protégée 8

6. Le parc national 9

7. La politique publique 10

C. DELIMITATION DU SUJET 11

1. Délimitation spatiale 11

2. Délimitation temporelle 12

3. Délimitation matérielle 12

D. LES OBJECTIFS DE L'ETUDE 13

1. Objectif général 13

2. Objectifs spécifiques 13

E. INTERET DE L'ETUDE 14

1. L'intérêt scientifique 14

2. L'intérêt pratique 14

F. REVUE DE LITTERATURE 14

G. PROBLEMATIQUE 17

H. HYPOTHESES 17

I. CONSIDERATIONS METHODOLOGIQUES 18

A. CADRE LOGIQUE 18

1. La théorie de la gouvernance 19

2. Les instruments d'action publique 20

3. La théorie du transfert de politique publique 22

1.

130

La méthode 23

2. La technique de collecte de données 23

C. ANNONCE DU PLAN 25

PARTIE I : LE CONTEXTE MITIGE DE LA CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE

DANS LE BASSIN DU CONGO 26

CHAPITRE I : 27

LES POLITIQUES DE CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE DANS LE BASSIN DU

CONGO 27

SECTION I : L'ÉTAT DES LIEUX DE LA GESTION DES FORÊTS DU BASSIN DU

CONGO 27

PARAGRAPHE I : LES POLITIQUES DE GESTION DES FORÊTS DU BASSIN DU

CONGO 28

A. LA POLITIQUE SOCIO-ENVIRONNEMENTALE DU BASSIN DU CONGO 28

1. Le partenariat pour les forêts du bassin du Congo 28

2. Le modèle participatif du PNL 29

B. Le bassin du Congo : un « bien commun » à gestion complexe 30

1. La notion de « bien commun » 30

2. Le bassin du Congo comme bien multifonctionnel 31

PARAGRAPHE II : LES CONFLITS HOMME/HOMME (HH) ET HOMME/ GRANDS

SINGE (HGS) 32

A. Les conflits homme / homme (CHH) 32

1. C'est quoi un conflit ? 32

2. Les conflits d'intérêt 33

B. Les conflits homme / grands singes (CHGS) : Cas du Chimpanzé 35

1. Pourquoi le singe ? 35

2. Le chimpanzé 36

SECTION II : L'EXEMPLE DE LA GESTION DECENTRALISEE DES FORÊTS AU

CAMEROUN 37

PARAGRAPHE I : LA STRUCTURE DECENTRALISEE DE LA GESTION DES FORÊTS

AU CAMEROUN 38

A. La foresterie communautaire au Cameroun 38

1. L'accompagnement législatif 38

2. Quelques textes d'accompagnement 39

B. Les principaux défis actuels de la foresterie communautaire 40

1. Une meilleure prise en compte des minorités 40

2. L'implication des femmes 40

PARAGRAPHE II : ZONAGE PARTICIPATIF ET GESTION INTEGREE DE LA

PERIPHERIE DU PNL 41

A. Les ZIC 41

B. Les ZICGC 42

CHAPITRE II : 44

131

LES RELATIONS INTERNATIONALES ET LA CONSERVATION DE LA

BIODIVERSITE DANS LE BASSIN DU CONGO 44

SECTION I : LE CONTEXTE INTERNATIONAL DE LA CONSERVATION DE LA

BIODIVERSITE 44

PARAGRAPHE I : TENTATIVE D'INTERPRETATION DU PROTOCOLE DE NAGOYA

ET DES OBJECTIFS D'AICHI 45

A. Le protocole de Nagoya et les objectifs d'Aichi en 2022 45

1. Les objectifs du protocole 45

2. Les recommandations du protocole 47

B. La CITES 47

1. Le rôle de la CITES 48

2. Le fonctionnement de la CITES 48

PARAGRAPHE II : LA COMMISSION DES FORÊTS D'AFRIQUE CENTRALE

(COMIFAC) 49

A. Historique et fonctionnement de la COMIFAC 50

1. Historique de la COMIFAC 50

2. Fonctionnement de la COMIFAC 50

B. Le Plan de Convergence 2 (P) 2015-2025 de la COMIFAC 53

1. Les résultats à mi-parcours 53

2. Valeurs et axes stratégiques du plan de convergence 2 (P) 54

SECTION II : LA GESTION DES AIRES PROTEGEES ET L'ASSISTANCE TECHNIQUE DES POLITIQUES DE CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE DANS LE BASSIN DU

CONGO 56

PARAGRAPHE I : LES SYSTEMES DE GESTION DES AIRES PROTEGEES DANS LA

SOUS-REGION 57

A. La stratégie sous régionale de gestion des aires protégées 57

1. Un constat mitigé 57

2. Quelques avancées 58

B. Des pistes d'amélioration de la gestion des aires protégées dans le bassin du Congo 58

1. La reconnaissance du droit coutumier 58

2. L'intégration des populations autochtones dans le processus décisionnel 59

PARAGRAPHE II : L'ASSISTANCE TECHNIQUE DES AP AU CAMEROUN 59

A. GIZ 60

1. La politique d'intervention allemande au Cameroun 60

2. Les actions de la GIZ au Cameroun 61

B. WWF 62

1. Le WWF au PNL 62

2. Les recommandations de la CA.WH.FI pour une optimisation de l'assistance

technique 63

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE 65

132

PARTIE II : LES ENJEUX CONTEMPORAINS DE LA CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE FACE DEVELOPPEMENT DURABLE DANS LE BASSIN DU CONGO

66

CHAPITRE III : LE DEVELOPPEMENT DURABLE ET LA CONSERVATION DE LA

BIODIVERSITE 68

SECTION I : LES PILIERS DU DEVELOPPEMENT DURABLE DANS LA

CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE 68

PARAGRAPHE I : L'ENVIRONNEMENT ET, OU L'ECONOMIE ? 69

A. L'analyse stratégique de la gestion environnementale (ASGE) 69

1. Les origines de l'analyse de la gestion environnementale 69

2. Des propositions pour une amélioration 70

B. L'économie durable 71

1. Le financement durable. 71

2. L'économie durable comme économie verte et circulaire 75

PARAGRAPHE II : LA RESPONSABILITE SOCIALE 78

A. L'éducation 79

1. L'éducation comme besoin vital 79

2. L'éducation comme vecteur d'égalité 81

B.Bien-être humain 82

1. La théorie de Maslow 82

2. Le bien-être pour le Baka 83

SECTION II : ENTRE PRATIQUES TRADITIONNELLES ET INNOVATIONS

SCIENTIFIQUES 84

PARAGRAPHE I : LA CULTURE BAKA 84

A. Qui sont les baka ? 84

1. Les origines des baka 85

2. Au Cameroun 85

B. Leur mode de vie 86

1. L'organisation familiale 86

2. La sédentarisation 86

PARAGRAPHE II : DEUX AVANCEES SCIENTIFIQUES DANS LA CONSERVATION

DE LA BIODIVERSITE 87

A. L'approche UNE SANTE 87

1. One health au Cameroun 87

a. La Maladie à Virus Ebola 87

b. La variole du singe 88

2. Le rôle du MINFOF dans la stratégie One health. 89

B. L'Internet Of Things (IoT) 89

1. Origines et bénéfices de l'IOT 90

a. Les origines de l'IoT 90

133

b. Les bénéfices de l'IoT en matière de valorisation des savoirs traditionnels liés à la

pharmacopée. 92

2. Les grands enjeux de l'IoT pour la conservation de la biodiversité. 93

a. Le Cloud 93

b. La block chain 94

CHAPITRE IV : LE TOURISME DURABLE AU PARC NATIONAL DE LOBEKE 96

SECTION I : LE TOURISME DURABLE COMME ENJEU DE DEVELOPPEMENT 96

PARAGRAPHE I : LA STRATEGIE SOUS- REGIONALE DE DEVELOPPEMENT DE

L'ECOTOURISME 96

A. La coopération internationale pour la valorisation des sites touristiques 97

1. Quelques définitions 97

2. La coopération comme outils d'aide au développement du tourisme durable 97

B. Les difficultés d'implémentation de l'écotourisme au Cameroun. 98

1. Les difficultés logistiques et scientifiques 99

a. Les difficultés scientifiques des aires protégées 100

2. Les difficultés socioculturelles 101

PARAGRAPHE II : LA STRATEGIE DE DEVELOPPEMENT DE L'ECOTOURISME DU

PNL 102

A. Les objectifs de la stratégie de développement de l'écotourisme au PNL 103

1. Objectif général :. 103

2. Objectifs spécifiques : 103

B. L'impact de l'écotourisme au PNL 103

1. Les impacts sur l'économie et l'environnement 103

a. Sur l'économie 103

b. Sur les écosystèmes 104

2. Les impacts socioéconomiques et culturels de l'activité écotouristique pour les

communautés 104

SECTION II : LE TOURISME CULINAIRE POUR LE PNL 105

PARAGRAPHE I : LES NOUVELLES TENDANCES ALIMENTAIRES 106

1. Les origines des nouvelles tendances alimentaires en France 107

2. Les avantages marketing 108

B. Les nouvelles tendances alimentaires en Asie (l'entomophagie) 109

1. L'entomologie 109

2. La FAO et la consommation d'insectes 109

PARAGRAPHE II : LE POTENTIEL CULINAIRE AUTOCHTONE DE LA PERIPHERIE

DU PNL ET LES PERSPECTIVES D'AVENIR POUR LA SOUS REGION 111

A . Valorisation du potentiel culinaire Baka en périphérie du PNL 111

1. La chenille du Sappelli 111

2. Un prototype déjà exploitable 113

B . les perspectives d'avenir pour le tourisme culinaire dans le bassin du Congo 114

1. Le potentiel africain 115

2. Une vision optimiste 115

CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE 116

CONCLUSION GENERALE 117

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 120

ANNEXES 126

ANNEXE I : LISTE DES PERSONNES INTERVIWEES 127

ANNEXE II : LISTE DES FIGURES 128

TABLE DES MATIERES 129

134

MERCI






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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld