REPUBLIQUE DU CAMEROUN REPUBLIC OF CAMEROON
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PAIX - TRAVAIL - PATRIE PEACE-WORK-FATHERLAND
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MINISTERE DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR MINISTRY OF HIGHER
EDUCATION
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INSTITUT DES RELATIONS INTERNATIONALES DU
CAMEROUN Filière : « Coopération Internationale, Action
Humanitaire et Développement Durable (CA2D) » 9éme
Promotion (2018-2020) Option : Management environnemental et
développement durable THEME
Les enjeux de la conservation de la biodiversité
pour les pays du Bassin du Congo : Cas du parc national de Lobéké
au
Cameroun.
PROJECT WORK
(Communication Visuelle et Intégrée du Parc
National de
Lobéké)
COVII DU PNL
Mémoire rédigé et soutenu
publiquement le 31/07/2023 en vue de l'obtention du diplôme de Master en
Relations Internationales (mention très bien)
Présenté par :
BAKELEKI BOHIN Jean Marie
Sous la supervision de : Pr. Yves Paul
MANDJEM
Professeur des Universités. Chef de département de
l'intégration et de la Coopération au développement
Année Académique : 2021 2022
1
SOMMAIRE
i
SOMMAIRE i
AVERTISSEMENT ii
DEDICACE iii
REMERCIEMENTS iv
ABREVIATIONS, ACRONYMES ET SIGLES v
RESUME vi
ABSTRACT vii
INTRODUCTION GENERALE 1
PARTIE I : LE CONTEXTE MITIGE DE LA CONSERVATION DE LA
BIODIVERSITE DANS LE BASSIN
DU CONGO 26
CHAPITRE I : 27
LES POLITIQUES DE CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE DANS LE BASSIN
DU CONGO 27
SECTION I : L'ÉTAT DES LIEUX DE LA GESTION DES
FORÊTS DU BASSIN DU CONGO 27
PARAGRAPHE I : LES POLITIQUES DE GESTION DES FORÊTS DU
BASSIN DU CONGO 28
PARAGRAPHE II : LES CONFLITS HOMME/HOMME (HH) ET HOMME/ GRANDS
SINGES (HGS) 32
SECTION II : L'EXEMPLE DE LA GESTION DECENTRALISEE DES
FORÊTS AU CAMEROUN 37
PARAGRAPHE I : LA STRUCTURE DECENTRALISEE DE LA GESTION DES
FORÊTS AU CAMEROUN
38
PARAGRAPHE II : ZONAGE PARTICIPATIF ET GESTION INTEGREE DE LA
PERIPHERIE DU PNL 41
CHAPITRE II :LES RELATIONS INTERNATIONALES ET LA CONSERVATION DE
LA BIODIVERSITE
DANS LE BASSIN DU CONGO 44
SECTION I : LE CONTEXTE INTERNATIONAL DE LA CONSERVATION DE LA
BIODIVERSITE 44
PARAGRAPHE I : TENTATIVE D'INTERPRETATION DU PROTOCOLE DE NAGOYA
ET DES
OBJECTIFS D'AICHI 45
PARAGRAPHE II : LA COMMISSION DES FORÊTS D'AFRIQUE CENTRALE
(COMIFAC) 49
SECTION II : LA GESTION DES AIRES PROTEGEES ET L'ASSISTANCE
TECHNIQUE DES
POLITIQUES DE CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE DANS LE BASSIN DU
CONGO 56 PARAGRAPHE I : LES SYSTEMES DE GESTION DES AIRES PROTEGEES DANS LA
SOUS-REGION 57
PARAGRAPHE II : L'ASSISTANCE TECHNIQUE DES AP AU CAMEROUN
59 PARTIE II : LES ENJEUX CONTEMPORAINS DE LA CONSERVATION DE LA
BIODIVERSITE FACE
AU DEVELOPPEMENT DURABLE DANS LE BASSIN DU CONGO 66
CHAPITRE III : LE DEVELOPPEMENT DURABLE ET LA CONSERVATION DE LA
BIODIVERSITE 68
SECTION I : LES PILIERS DU DEVELOPPEMENT DURABLE DANS LA
CONSERVATION DE LA
BIODIVERSITE 68
PARAGRAPHE I : L'ENVIRONNEMENT ET, OU L'ECONOMIE ? 69
PARAGRAPHE II : LA RESPONSABILITE SOCIALE 78
SECTION II : ENTRE PRATIQUES TRADITIONNELLES ET INNOVATIONS
SCIENTIFIQUES 84
PARAGRAPHE I : LA CULTURE BAKA 84
PARAGRAPHE II : DEUX AVANCEES SCIENTIFIQUES DANS LA CONSERVATION
DE LA
BIODIVERSITE 87
CHAPITRE IV : LE TOURISME DURABLE AU PARC NATIONAL DE LOBEKE
96
SECTION I : LE TOURISME DURABLE COMME ENJEU DE DEVELOPPEMENT
96
PARAGRAPHE I : LA STRATEGIE SOUS- REGIONALE DE DEVELOPPEMENT DE
L'ECOTOURISME
96
PARAGRAPHE II : LA STRATEGIE DE DEVELOPPEMENT DE L'ECOTOURISME DU
PNL 102
SECTION II : LE TOURISME CULINAIRE POUR LE PNL 105
PARAGRAPHE I : LES NOUVELLES TENDANCES ALIMENTAIRES 106
PARAGRAPHE II : LE POTENTIEL CULINAIRE AUTOCHTONE DE LA
PERIPHERIE DU PNL ET LES
PERSPECTIVES D'AVENIR POUR LA SOUS REGION 111
CONCLUSION GENERALE 117
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 120
ANNEXES 126
TABLE DES MATIERES 129
AVERTISSEMENT
ii
L'Institut des Relations Internationales du Cameroun
(IRIC) n'entend donner aucune approbation ni improbation aux options contenues
dans ce mémoire. Celles-ci doivent être considérées
comme propres à l'auteur.
DEDICACE
iii
À
Mon feu père M. BOHIN Etienne KABELOK
(1960-2019)
REMERCIEMENTS
iv
Ce travail de recherche ne serait convenablement parvenu
à son terme sans les contributions significatives des institutions et
personnes ci-après. C'est ainsi l'occasion pour nous de signifier nos
remerciements :
6. Au Professeur Yves Paul MANDJEM, notre
enseignant et superviseur académique, pour les orientations
thématiques capitales tout au long de notre parcours académique
et nos travaux de recherche sur le terrain;
6. À S.E. Daniel Urbain NDONGO,
Directeur de l'Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC) pour
la supervision générale des travaux de recherche à l'IRIC
et pour le magnifique cadre d'apprentissage mis à notre disposition;
6. À tout le personnel enseignant de l'IRIC et de
l'Université de Padoue (Italie) pour le très haut niveau
d'enseignement dispensé malgré les contraintes de la COVID 19
;
6. À la Professeure Sarriette BATIBONAK
pour son accompagnement personnel et méthodologique tout au
long de nos travaux ;
6. Au Colonel Jean Paul Kevin MBAMBA (conservateur du
PNL) et tout le personnel du parc national de Lobéké
(PNL), pour l'accompagnement et la disponibilité durant notre stage
d'insertion professionnelle;
6. Au Colonel Jean Pierre BISSEK et toute
l'équipe du service de la conservation du parc national du Mpem et Djim,
pour toute l'attention durant notre stage académique;
6. Au Dr FEUSSOM du ministère des
pêches et de l'industrie animale (MINEPIA) pour tous les conseils
techniques ;
6. À l'organisation Allemande : Konrad Adenaeur
Stifung (KAS), pour la bourse de recherche de 1500 Euro qui nous a
été octroyée;
6. À l'organisation Américaine :
Conservation Action Research Network (CARN) pour la subvention
à hauteur de 1000 Dollars US et l'accompagnement jusqu'à la
publication de nos travaux ;
6. Aux Ministères des relations
extérieures et celui des Forêts et de la Faune (MINFOF),
aux différents partenaires techniques (WWF, FTNS, GIZ),
pour le suivi logistique, technique, scientifique et financier de ces
travaux;
6. À la famille EBA pour son soutien
moral et fraternel inconditionnel ;
6. À la famille BATIBONAK pour le suivi
professionnelle et humain ;
6. À la famille IMOULANOK pour l'espace
de travail familial;
6. À Tous mes amis, camarades et connaissances ayant
contribué de près comme de loin
à l'accomplissement de ce mémoire :
Alexis KALDAPA, Dominique ETAMBOA, Fernand Moïse NDJIPENDJI,
Branly FOMEKONG, Nelson NOUMA, Georges MBARGA, William NGUIMGO, Ricardo
KIEGAIN, gaucho NDONG, Brice SIMEU, Fritz BETCHEM à BETCHEM, Marthe NGO
NGUE TEGUE ma confidente et tous les autres ;
6. Enfin, à mes frères : BOHIN BOMBAR,
BOHIN MOUSSENI, BOHIN BEHALAL, BOHIN BAGNAMAK ; et ma mère
Mme BOHIN née ONBEHOK Anne-Marie.
Merci pour toutes les énergies positives que vous m'avez
transmis durant ces moments laborieux.
ACRONYMES ET SIGLES
v
AP : Aire Protégée
AGNU : Assemblée Générale
des Nations Unies
ASBABUK : Association Sanguia Buka Buma'a
Kpode
ASGE : L'Analyse Stratégique de la
Gestion Environnementale
CCNUCC : Convention Cadre des Nations Unies sur
les Changements Climatiques
CDB : Convention sur la Diversité
Biologique
CEEAC : Communauté Economique des
États de l'Afrique Centrale
CEFDHAC : La Conférence sur les
Ecosystèmes des Forêts Denses et Humides d'Afrique Centrale
CITES : Convention on International Trade in
Endangered Species of Wild Fauna and Flora/ Convention sur le Commerce
international des Espèces de faune et de flore Menacées
d'Extinction
CNRS : Centre National de Recherches
Scientifiques
COMIFAC : Commission des Forêts d'Afrique
Centrale
FAO : Organisation de Nations Unies pour
l'Alimentation
FTNS : Fondation pour le Tri National de la
Sangha
GIZ: Geselchäft für Internationale
Zusammen arbeit
LAB : Lutte Anti Braconnage
MINEPDED : Ministère de l'Environnement,
de la Protection de la Nature et du
Développement Durable
MINFOF : Ministère des Forêts et de
la Faune
MNHN : Museum National d'Hhistoire Naturelle
ODD : Objectifs de Développement
Durable
OMD : Objectifs du Millénaire pour le
Développement
OSC : Organisation de la Société
Civile (OSC)
PFBC : Partenariat des Forêts du Bassin du
Congo
PNUE : Programme des Nations Unies pour
l'Environnement.
PN : Parc National
RAPAC : Réseau des Aires
Protégées d'Afrique Centrale
RT : Redevance Touristique
UA : Union Africaine
UICN : Union Internationale pour la Conservation
de la Nature
UNESCO : Organisation des Nation Unies pour la
Science, l'Education et la Culture
WWF: World Wild Fund for Nature.
RESUME
vi
Les enjeux liés à la conservation de la
biodiversité dans le bassin du Congo gravitent principalement autour de
son importante capacité de séquestration du carbone. En effet,
l'actuelle deuxième réserve écologique de la terre fait
l'objet de convoitises de la part des grandes puissances internationales pour
des raisons scientifiques, géostratégiques, politiques,
écologiques et autres. Toutefois, cette richesse écologique
contraste avec la pauvreté économique des populations locales.
Faisant naitre pour les pays du bassin du Congo des enjeux sous-jacents de
développement durable tels que le transfert de technologie, la culture,
la place des femmes, etc. Bien que de nombreuses conventions et accords
internationaux martèlent l'impérieuse nécessité
d'autonomisation des populations locales pour une conservation optimale de la
biodiversité dans cette zone politiquement instable, tout reste à
faire. C'est fort de ce constat mitigé que nous nous sommes
demandé comment contribuer à l'optimisation des politiques de
conservation de la biodiversité en accord avec les résolutions
internationales ? Comment réintégré les populations
locales et autochtones; gardiennes traditionnelles de ces forêts, dans
les processus décisionnels, opérationnels et légaux de
conservation de la biodiversité ?
Pour y répondre, en convoquant notamment la
théorie du transfert des politiques publiques, nous sommes partis d'un
raisonnement hypothético-déductif sur la base de nos observations
directes au niveau des parcs nationaux du Mpem et Djim et de
Lobéké au Cameroun et d'une revue documentaire des derniers
rapports officiels dont ceux de la COMIFAC. En pleine période de
COVID-19, nous avons dû faire appel à des techniques de collecte
résilientes comme la photo et des entretiens téléphoniques
ouverts. Nous avons ainsi pu identifier quelques grands axes politiques et
stratégiques du plan de convergence de la COMIFAC à l'horizon
2025 pouvant impulser un développement durable et interculturel en
périphérie des aires protégées de la
sous-région. Parmi ceux-ci, l'écotourisme et en particulier le
tourisme culinaire nous sont apparu comme un consensus idéal pour une
gestion durable et équitable des aires protégées telles
que le parc national de Lobéké. Nous avons ainsi pu
dégager des perspectives de soft power pour l'État du
Cameroun en particulier et par extension pour les pays du bassin du Congo.
Mots-clés : Enjeux, conservation de la
biodiversité, politique publique, PNL, bassin du Congo,
écotourisme.
ABSTRACT
vii
The challenges related to the conservation of biodiversity in
the Congo Basin revolve mainly around its significant carbon sequestration
capacity. Indeed, the current second ecological reserve of the earth is coveted
by the major international powers for scientific, geostrategic, political,
ecological and other reasons. However, this ecological wealth contrasts with
the economic poverty of local populations. Giving rise to underlying
sustainable development issues for the countries of the Congo Basin such as
technology transfer, culture, the place of women, etc. Although many
international conventions and agreements stress the urgent need for local
populations to be empowered for optimal biodiversity conservation in this
politically unstable area, everything remains to be done. It is on the strength
of this mixed observation that we asked ourselves how to contribute to the
optimization of biodiversity conservation policies in accordance with
international resolutions? How to reintegrate local and indigenous populations;
Traditional custodians of these forests, in the decision-making, operational
and legal processes of biodiversity conservation?
To answer this, by summoning in particular the theory of the
transfer of public policies, we started from a hypothetico deductive reasoning
on the basis of our direct observations at the level of the national parks of
Mpem and Djim and Lobéké in Cameroon and a documentary review of
the latest official reports including those of COMIFAC. In the midst of
COVID-19, we had to rely on resilient collection techniques such as photography
and open phone interviews. We were thus able to identify some major political
and strategic axes of COMIFAC's convergence plan by 2025 that could boost
sustainable and intercultural development on the periphery of protected areas
in the sub-region. Among these, ecotourism and in particular culinary tourism
appeared to us as an ideal consensus for a sustainable and equitable management
of protected areas such as Lobéké National Park. We were thus
able to identify prospects of soft power for the State of Cameroon in
particular by extension for the countries of the Congo Basin.
Keywords: Issues, biodiversity conservation, public
policy, NLP, Congo Basin, ecotourism.
INTRODUCTION GENERALE
1
Depuis les années 1970, on accorde de plus en plus
d'importance aux questions se rapportant à l'environnement.
Environnement entendu ici comme la biosphère et les
écosystèmes où les hommes et autres espèces
évoluent. Sur le plan international, la couverture médiatique
d'enjeux majeurs tels que le changement climatique et les catastrophes
naturelles ou de grandes rencontres internationales comme le Sommet de la Terre
de 2012 Rio+20, dénotent une indéniable attention du moins en
apparence, à l'égard des problématiques environnementales.
Toutefois, cette attention n'est pas pour autant régulière et
systématique. Certaines thématiques davantage pécuniaires
font plus souvent la une, certains événements captivent plus que
d'autres1. Par ailleurs, le constat de la perte continue de la
biodiversité demeure alarmant en 2022. La biodiversité devrait
pourtant au vue de la crise qu'elle subit actuellement être l'une de ces
problématiques environnementales les plus urgentes à
régler pour la planète terre.
À l'origine, sur le plan international, les accords
liés à la régulation des habitats naturels et des
espèces sauvages sont en général le produit d'une
coïncidence d'intérêt entre plusieurs catégories
d'acteurs notamment: les « conservateurs» et les « utilisateurs
». Les conservateurs rassemblent les personnes et organisations
vouées à la conservation de l'environnement, en particulier les
grandes organisations proches des gouvernements, telles la GIZ, I'UICN ou le
WWF2. L'utilisateur quant à lui fait référence
aux populations locales principalement. De fait, réussir à
adjoindre les besoins de développement économique et de
conservation de la biodiversité constitue aujourd'hui encore un enjeu de
survie planétaire à plusieurs titres3. En effet, si
depuis la convention sur la diversité biologique (CDB) de Rio de Janeiro
en 1992, des efforts se multiplient pour tenter d'inverser la vitesse à
laquelle disparaissent certaines espèces, les pressions anthropiques sur
la nature continuent de croitre4. Comme le confirme le rapport 2019
de la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la
biodiversité et les services éco systémiques (IPBES) :
« Selon la plupart des scenarios de changement
à l'échelle planétaire, la biodiversité et les
contributions régulatrices de la nature aux populations devraient encore
décliner au cours des prochaines décennies, tandis que l'offre et
la demande de contribution matérielles possédant une valeur
marchande établie (aliments destinés à la consommation
humaine et animale, bois d'oeuvre et bioénergie) devraient augmenter.
»5.
En Afrique, le constat du déclin progressif de la
biodiversité ne date pas d'aujourd'hui. Mais certains enjeux de
développement durable en lien avec sa gestion quant à eux ne
sont
1Lucile Maertens, Penser l'environnement et les
relations internationales : une introduction, Genève, Science Po/
CERI-Université / GSI, 2014, p. 1.
2Marc Hufty, La gouvernance internationale de la
biodiversité, Études Internationales, 32 (1), 2001, p. 8.
3 Idem.
4 Ibid., p. 2.
5 Rapport annuel de l'IPBES 29 mai 2019, p. 31.
2
pas encore tous bien intégrés par les politiques
régionales et sous régionales de conservation de la
biodiversité. La place de la culture, l'implication des minorités
sociales, les nouvelles technologies sont autant d'enjeux contemporains qui
nécessitent une plus grande attention des politiques. De fait,
l'appropriation des résolutions internationales reste encore
problématique pour de nombreux États africains en voie de
développement et génère déjà des conflits
dans des zones économiquement fragiles comme le bassin du Congo.
D'après l'Union internationale pour la conservation de
la nature (UICN), le bassin du Congo est considérer comme la
deuxième réserve écologique de la terre6. C'est
également une zone en pleine croissance économique. Sa gestion au
niveau décisionnaire est assurée par des institutions sous
régionales à l'instar de la commission des forêts d'Afrique
centrale (COMIFAC). À ce jour, quasiment tous les États africains
participent aux grandes conventions internationales sur la gestion durable de
l'environnement et font preuve d'avancées significatives dans
l'appropriation de la vision planétaire de conservation de la
biodiversité. Des efforts sont également faits dans la
matérialisation des accords internationaux au niveau de l'application
législative, de l'implication des populations autochtones ; bien que
dans les faits des écarts considérables sont encore
observés dans la redistribution des bénéfices tirés
de la nature7. De nombreuses aires protégées doivent
faire face aujourd'hui en priorité aux besoins des populations
riveraines afin d'éviter des conflits gestants.
Le parc national de Lobéké (PNL/Cameroun) est
l'une de ces aires protégées dont les enjeux
socio-économiques, culturelles, environnementaux,
géostratégiques, etc., sont grandissants. Cette aire
protégée transfrontalière à la RCA et le Congo
Brazzaville fait l'objet d'une attention particulière de la part de la
communauté internationale pour son impressionnant potentiel
environnemental et culturel. La construction d'un modèle de
développement durable et équitable au travers de
l'écotourisme y est en cours.
I. CONSTRUCTION DE L'OBJET D'ÉTUDE
Construire un objet d'étude, « C'est d'abord et
avant tout, rompre avec le sens commun »8. En d'autres termes,
construire son objet d'étude reviens également à se
situé dans un champ épistémologique et à adopter
une stratégie visant à construire, orienté la recherche
vers des objectifs à définir clairement9. Pour Quivy
et Campenhoudt, l'objet de l'étude s'exprime aussi plus classiquement,
sous le terme problématique.10Même s'il ne s'agit que
d'une première formulation très provisoire. À ce titre,
aborder la problématique des enjeux de la conservation de la
biodiversité pour les pays du bassin du Congo impose une démarche
construite autour des connaissances actuelles sur cet objet d'étude
contemporain.
6UICN/PACO, Rapport annuel 2019, Dakar,
Sénégal : UICN PACO, 2020, p. 24.
7UICN/PACO, Retombées économiques
des aires protégées d'Afrique de l'Ouest, Ouagadougou, BF:
UIC, 2011, p. 7.
8Pierre Bourdieu, Réponses, Paris
Seuil, 1992, p. 207.
9Yvonne Giodano, Spécifié l'objet de
recherche, Nice, Université de Nice Sophia-Antipolis, 2008, p. 2.
10Raymond Quivy, et Luc Van Campenhoudt, Manuel de recherche en
sciences sociales, Paris, DUNOD 2eme édition, 1995, p. 15.
3
A. CONTEXTE ET JUSTIFICATION
La conservation de la biodiversité depuis de nombreuses
années maintenant est au coeur des préoccupations mondiales et
constitue plus que jamais un enjeu majeur des relations internationales. Ceci
en raison des mouvements écologistes au départ puis de la prise
de conscience mondiale de la dégradation continue de l'environnement, du
climat et de la biodiversité au cours de la révolution
industrielle11. Aujourd'hui sur toute la planète, les
ressources naturelles se détériorent, les
écosystèmes sont mis à rude épreuve et la
biodiversité se perd. Les changements d'affectation des terres et la
déforestation, entrainent la disparition d'habitats précieux, une
diminution des ressources en eau douce, la dégradation des terres,
l'érosion des sols et la libération de carbone dans
l'atmosphère. Entrainant une perte d'actifs économiques
précieux et des valeurs culturelles des populations
locales.12 Jusqu'à il y a quelques décennies encore,
en dehors des milieux spécialisés, il n'était
prêté que peu d'attention à la diversité biologique
comme facteur de développement. Précisément avant la
Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le
développement de Rio de Janeiro en 1992. Cette convention fait depuis
l'objet d'une attention particulière et a suscité par la suite
des conventions et conférences internationales, projets et
programmes13.
En effet, depuis les premiers constats de la
dégradation de notre milieu naturel à la suite des grandes
catastrophes industrielles dans les années 1960, la planète toute
entière s'est dotée d'un cadre de réflexion et de
décision au sein des grandes instances des nations unies pour
remédier au phénomène. Par la suite, les objectifs du
développement durable (ODD) ont vu le jour ; précisément
lors de la conférence de Rio de Janeiro, en 1992 :
considérée comme le point de départ de la sensibilisation
et de la mobilisation de la communauté internationale sur les questions
écologiques et de développent durable. C'est à l'occasion
de ce sommet de la terre qu'a été mise en place la convention sur
la diversité biologique (CDB) pour la valorisation et la conservation de
la biodiversité dans le monde, convention entrée en vigueur le 29
décembre 1993 et ratifiée actuellement par 193 pays.
S'agissant du développement durable, il se
résume en 17 objectifs fondés sur 03 piliers : l'économie,
le sociale et l'environnement. Auxquels nous essaierons de greffer la culture
et les nouvelles technologies. Cet ensemble d'objectifs a été
élaboré en vue de relever des défis urgents auxquels notre
monde est confronté sur le plan socio-écologique, politique et
économique. Les ODD remplacent en 2015 les Objectifs du
Millénaire pour le développement (OMD) avec lesquels ont
été entamés en 2010 les efforts mondiaux destinés
à combattre l'indignité et la pauvreté. Les OMD ont
fixé des objectifs mesurables, faisant l'objet d'un consensus universel,
pour éradiquer l'extrême pauvreté et la faim,
empêcher les pandémies comme Ebola et étendre la
scolarisation a tous les enfants en âge de fréquenter
l'école primaire, entre autres priorités de
développement.
11Luc Martens, Penser l'environnement et les
relations internationales : une introduction, Genève, Sciences Po
/CERI-Université de /GSI, 2016, p.16.
12[En ligne : «
http://www.fao.org/sustainable-development-goals/goals/goal-15/fr/
», consulté le 08/09/2020 à 13h45].
13Marc Hufty, op. cit, 2001, p. 5.
4
Face à une faible réponse politique aux
changements climatiques, la planète s'est désormais
tournée vers un développement plus soutenable et durable. Les
objectifs de développement durable se sont alors présenter comme
l'occasion de rendre le monde meilleur pour les générations
présentes et futures14. Ces 17 objectifs de
développement durable forment la clé de voute de l'Agenda 2030 de
l'Organisation des Nations Unies (ONU). Ils tiennent compte
équitablement de la dimension économique sociale et
environnementale du développement durable.15La
biodiversité et les écosystèmes se reflètent dans
plusieurs ODD mais principalement l'ODD 15: « Gérer durablement
les forêts, lutter contre la désertification, enrayer et inverser
le processus de dégradation des terres, mettre fin à
l'appauvrissement de la biodiversité ».
Il est plus que jamais urgent d'agir car la
biodiversité planétaire subit actuellement l'une des crises les
plus importantes de notre histoire. La communauté scientifique parle de
la 6eme extinction massive, qui se caractérise par des rythmes de
diminution et de perte de la biodiversité beaucoup plus rapides que dans
les périodes précédentes. Ce rythme serait entre 100
à 1000 fois plus rapide. Par exemple, en France, des chercheurs du
muséum national d'histoire naturelle (MNHN) et du centre national de
recherches scientifiques (CNRS) ont alerté l'opinion en mars 2018
à propos de la disparition d'un tiers des oiseaux de campagne
française en 15 ans. Une autre étude réalisée en
Allemagne a montré que 75% des insectes volants ont disparu en 30 ans.
En mars 2018 le Kenya lui a enregistré la mort du dernier
rhinocéros blanc du nord male16.
S'il est vrai que Rio 1992 aura marqué le lancement de
la phase contraignante de la convention sur la diversité biologique,
engageant les pays signataires non plus simplement à réduire mais
à stopper la dégradation de la biodiversité, 2010 marquera
sans doute une phase encore plus importante. En effet l'assemblée
générale des nations unies (AGNU) a décidé en
décembre 2006 de déclarer 2010 comme année internationale
de la biodiversité dans l'espoir de voir les États et les autres
acteurs de la communauté internationale mettre cet
évènement à profit pour sensibiliser la communauté
internationale à l'importance de la biodiversité et entreprendre
des actions concrètes au niveau international, régional et local.
Avec comme organe décisionnel la conférence des parties
(COP)17.
La dixième conférence des parties (COP 10) s'est
tenue à Nagoya dans la préfecture d'Aichi au Japon du 18 au 29
octobre 201018.Conférence ayant débouché sur un
plan stratégique 2011-2020 pour la conservation de la diversité
biologique encore appelé les objectifs d'Aichi. Cette stratégie
visait premièrement à consacrer plus d'espace à la
conservation de la biodiversité et la création d'aires
protégées :
14[En ligne : «
https://www.undp.org/content/undp/fr/home/sustainable-development-goals/background.html
»
consulté le 15/09/2020 à 15h32]
15Le développement durable d'après la
convention sur la diversité biologique (DD) est « un
développement qui répond aux besoins des
générations présentes sans compromettre la capacité
pour les générations futures de répondre aux leurs »
: Mme Gro Harlem Brundtland, premier ministre norvégien (1987).
16Abdou SOILIHI, « réconciliation
des enjeux de la conservation de la biodiversité et de
développement : analyse des perceptions de la mise en place d'une aire
protégée dans la forêt du Karthala aux Comores ».
Biodiversité et écologie, Paris, Université Paris Saclay,
2018, p. 35.
17[En ligne : «
http://www.biodiversite2010.ch/comprendre/international/index.html
», consulté le 07/10/2020 à 19h02].
18[En ligne : «
https://www.cbd.int/cop10/
», consulté le 15/10/2020 à 19h35].
5
« D'ici à 2020, au moins 17% des zones
terrestres et d'eaux intérieures et 10% des zones marines et
côtières ; y compris les zones qui sont particulièrement
importantes pour la diversité biologique et les services fournis par les
écosystèmes, sont conservés au moyen de réseaux
écologiquement représentatifs et bien relies d'aires
protégées gérées efficacement
etéquitablement et d'autre mesures de conservation effectives par zone,
et intégrées dans l'ensemble du paysage terrestre et marin.
»19(Objectif 11).
Le Bassin du Congo qui recèle à lui tout seul la
moitié de la faune et de la flore africaine20est le
deuxième réservoir écologique planétaire
après le bassin de l'Amazonie en Amérique du sud et suivi du
bassin du Mékong en Asie du sud Est. Ses forêts font l'objet d'une
attention particulière de la part de la communauté Internationale
en raison de leur diversité biologique et de leur impact sur le climat
planétaire mais aussi des valeurs culturelles locales.21
En effet, au plan régional, l'Union africaine (UA)
demeure consciente de l'utilisation non durable de la faune et de la flore
sauvage d'Afrique et a intégré les objectifs d'Aichi dans
l'Agenda 2063.Le constat étant que :
- La biodiversité en Afrique continue à
décliner, avec des pertes constantes d'espèces et d'habitats ;
- La perte continue de la biodiversité en Afrique est
entrainée par une combinaison de facteurs anthropiques ;
- Les écosystèmes d'eau douce de l'Afrique et
leur biodiversité sont particulièrement menacés ;
- L'Afrique continue de connaitre la déforestation et
la dégradation des forêts ;
- Les impacts négatifs des changements climatiques sur
les espèces et les écosystèmes aggravent les effets de ces
pressions ;
- Les pays africains travaillent de manière
collaborative afin de traiter certains objectifs d'Aichi pour la
biodiversité ;
- Il existe un portefeuille croissant d'aides internationales
pour aider les pays africains à atteindre les objectifs d'Aichi ;
- Les pays africains recourent à l'évaluation
des services rendus par les écosystèmes et à
l'investissement dans la REDD+ afin d'atteindre les objectifs d'Aichi pour la
biodiversité ;
- De nombreux pays ont déjà atteint leur
objectif de 17% d'aire terrestres protégées, et beaucoup d'autres
travaillent à la réalisation de cet objectif et celui qui vise
à atteindre 10% d'aires marines protégées ;
- L'Afrique recourt de plus en plus à la conservation
fondée sur les écosystèmes et à la restauration des
ressources naturelles22.
Sur le plan sous régional, les pays membres de la
COMIFAC s'organisent au sein d'institutions avec des missions
générales et spécifiques comme l'agence
intergouvernementale pour le développement de l'information
environnementale (ADIE), la
19Plan stratégique 2011-2020 pour la
diversité biologique, Nagoya 2011, p. 15.
20[En ligne : «
www.comifac.org »,
consulté le 15/10/2020 à 20h37].
21SNCFFC : (Stratégie nationale des
contrôles forestiers et fauniques au Cameroun), Mars 2005, p. 3.
22UNEP-WCMC, l'État de la biodiversité en Afrique :
Examen à mi-parcours des progrès réalisés vers
l'atteinte
des objectifs d'Aichi, Cambridge, UNEP-WCMC, UK, 2016, p. 1.
6
conférence sur les écosystèmes des
forêts denses et humides d'Afrique centrale (CEFDHAC), l'organisation
pour la conservation de la faune sauvage en Afrique (OCFSA) ou encore le
réseau des aires protégées d'Afrique (REPAR). La
biodiversité de l'Afrique est l'un des atouts majeurs pour la
réalisation des objectifs de développement durable et peut
être utilisée de manière durable et équitable pour
réduire les inégalités et la pauvreté sur le
continent. L'harmonisation des objectifs de l'Agenda 2063 de l'Union africaine,
des objectifs de développement durable et des Objectifs d'Aichi pour la
biodiversité, associés à la conservation de la
biodiversité et aux contributions de la nature au bien-être humain
en Afrique, faciliteraient l'élaboration d'interventions pouvant aboutir
à de multiples résultats positifs. L'Afrique cherche donc
à assurer un environnement et des écosystèmes sains et
préservés, capables de soutenir des économies
résilientes aux changements climatiques et les moyens de subsistance des
communautés locales et autochtones riveraines des AP.23
Comme l'a indiqué le récent rapport
d'évaluation régionale de l'IPBES concernant la
biodiversité et les services éco systémiques en Afrique,
les écosystèmes et les paysages joueront un rôle de plus en
plus important dans les efforts menés par les pays pour concilier leurs
intérêts en matière de conservation, restauration et
développement. La demande croissante en denrées alimentaires,
biens de consommation et avantages multiples des écosystèmes dans
le bassin du Congo entraine une présence de nombreux acteurs
internationaux comme le WWF (World Wilde Fund), la GIZ, L'Union Internationale
pour la Conservation de la Nature (UICN) et bien d'autres. Il ne fait plus
aucun doute que le bassin du Congo par la richesse de sa biodiversité
représente aujourd'hui un enjeu environnemental, stratégique pour
les sciences politiques et toutes disciplines scientifique en évolution
avec son temps.
Le massif forestier du Bassin du Congo qui s'étend
principalement sur le Cameroun, le Congo, le Gabon, la guinée
équatoriale, la république centrafricaine, la république
démocratique du Congo, Burundi, Rwanda, Sao tome et principe et le
Tchad, recèle la moitié de la faune et la flore africaine on l'a
déjà dit.24La commission pour les forêts
d'Afrique centrale (COMIFAC), s'est assigné pour mission d'orienter,
d'harmoniser et suivre les politiques forestières et environnementales
en Afrique centrale; par la supervision, la coordination des actions et
initiatives en matière de gestion des forêts et de l'environnement
dans la sous-région. Dotée de trois organes : le sommet des chefs
d'États et gouvernement, le conseil des ministres en charge des forets
ou environnement et le secrétariat exécutif.25La
COMIFAC défini ainsi les enjeux prioritaires en matière de
conservation de la diversité biologique pour le bassin du Congo.
Au Cameroun, la politique forestière est mise en oeuvre
par le ministère des forêts et de la faune (MINFOF) à
travers la loi 1994 et ses deux décrets d'application.26La
conservation de la biodiversité et l'amélioration de la
gouvernance sont deux piliers qui montrent le moins des résultats
à atteindre. Plusieurs textes balisent déjà le secteur
forestier au Cameroun. Il est
23Sharm El-Sheikh, Rapport de la conférence
des ministres africains sur la biodiversité, Caire, 13 Novembre, 2018,
p.18.
24[En ligne : «
www.comifac.org »,
consulté le 19/11/2020 à 16h38.]
25Bulletin d'information de la commission des
forêts d'Afrique centrale, numéro 17, trimestre 2019, p. 6.
26L'aménagement durable des forêts de production; la
conservation de la biodiversité; la participation des populations
locales; l'amélioration de la gouvernance.
7
essentiellement question de trouver la formule pour une
adéquation des politiques de conservation. Trouver des solutions
alternatives qui ne soient pas justes théoriques. L'écotourisme
et le tourisme culinaire en particulier présenterait d'après les
derniers rapports d'experts, le compromis idéal à la
réalisation de nombreux objectifs de développement durable
interculturel.
B. CLARIFICATION DES CONCEPTS
La définition conceptuelle ici participe d'une
contextualisation de la terminologie de notre travail de recherche. À
partir des contributions d'auteurs reconnus des disciplines transversales des
sciences sociales et environnementales, des documents et dictionnaires
spécialisés, nous pouvons définir les concepts suivants
:
1. Les enjeux
La définition des enjeux dépend du champ
scientifique, de la démarche du chercheur mais aussi de sa perception du
sujet27. Brièvement, c'est ce que l'on gagne ou perd d'une
entreprise ; entreprise comprise au sens holistique. Par exemple, dans le cadre
des relations internationales, plus précisément de l'éco
politique internationale, les principaux enjeux tournent autour de la gestion
des ressources naturelles en particulier et leurs implications dans d'autres
domaines parallèles ou parfois complètement inattendus.
Patrick Triplet dans le Dictionnaire encyclopédique de
la diversité biologique et de la conservation de la nature défini
les enjeux comme étant les « personnes, biens, systèmes ou
autres éléments présent dans des zones à risque et
qui sont ainsi soumis à des pertes potentielles. 28»
Il définit un enjeu de conservation comme étant
l'objectif à atteindre par un site en fonction de ses
caractéristiques et de l'évaluation préalable qui a
été faite sur les différents facteurs environnementaux,
économiques, paysagers, culturels29.
2. La diversité biologique
Pour la convention sur la diversité biologique (CDB),
la diversité biologique se définit comme étant la
variabilité parmi les organismes provenant de toutes les sources, y
compris entre autres, les écosystèmes terrestre, marins, et
aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie; il s'agit
de la diversité au sein des espèces, entre les espèces et
des écosystèmes.30D'après Patrick triplet, elle
correspond au nombre absolu d'espèces (richesse spécifique) ou
à une mesure qui incorpore à la fois le nombre d'espèces
et leur abondance relative.31La diversité biologique renvoie
donc à un tout cohérent qui nécessite des mesures de
conservations adéquates.
27Jean Simmoneaux, Les enjeux didactiques des
dimensions économiques et politiques du développement durable,
« Ecologie et politique », Presse de Science Po,
no 34, 2007, p. 5.
28Patrick Triplet, Dictionnaire encyclopédique
de la diversité biologique et de la conservation de la nature,
Neuvième édition, 2023, p. 542.
29Idem
30CDB (Convention sur la diversité
biologique), Art2, 1992, p. 3.
31Patrick Triplet, Dictionnaire de la
biodiversité et de la conservation de la nature, p.221.
8
3. La Conservation
L'idée de conservation à première vue
nous fait penser à une boite de conserve, quelque chose de clos,
coupé de l'extérieur. Face à l'évolution des
enjeux, la conservation (de la biodiversité) est de plus en plus
tournée vers une gestion raisonnée des équilibres
naturels, dans le respect des rythmes de renouvellement des espèces et
des milieux.32Pour Benoit Limoges, Gaétane Boisseau, Louise
Gratton et Robert Kasiki, c'est un ensemble de pratiques comprenant la
protection, la restauration et l'utilisation durable et visant la
préservation de la biodiversité, le rétablissement
d'espèces ou le maintien des services écologiques pour les
générations actuelles et futures33.
Selon Patrick Triplet, la conservation est un concept large
qui sous-tend la possibilité d'utiliser, de gérer et de
réguler des populations animales, par la chasse ou tout autre moyen
légal de contrôle. Elle est généralement
associée à la protection des ressources naturelles, comme la
faune et la flore, l'eau, l'air, et les éléments
géologiques. La conservation tend donc vers la notion d'utilisation
soutenable ou durable et concerne tant les ressources renouvelables que celles
non renouvelables. Pour les ressources renouvelables, elle vise à
éviter les prélèvements supérieurs à la
production. Pour les ressources non renouvelables, elle implique d'en maintenir
les quantités suffisantes pour que les générations futures
puissent les exploiter. Elle vise donc un bon usage de la nature, contrairement
à la préservation qui vise à éviter l'usage de la
nature. On distingue la conservation in situ (dans le milieu naturel)
et la conservation ex situ (en dehors du milieu naturel)34.
La conservation ex situ se rapprochant plus de la préservation
(les zoos et sanctuaires par exemple).
4. La Préservation
Pour Benoit Limoges, Gaétane Boisseau, Louise Gratton
et Robert Kasiki, il s'agit du maintien à long terme
d'éléments de la biodiversité et de leur dynamique
naturelle. La préservation de la biodiversité est la
finalité, le résultat visé par les actions de conservation
de la biodiversité.35Patrick Triplet, lui, la voit comme
étant la sécurisation par rapport à un danger, un risque.
Il s'agit d'une forme extrême de la protection dans laquelle
l'accès et les prélèvements sont prohibés en vue de
maintenir la valeur du bien pour les générations actuelles et
futures. Elle vise à maintenir les ressources naturelles existantes dans
leur état actuel afin d'en garantir les avantages à court, moyen
et long terme. La préservation implique le retrait d'une menace ou la
mise en oeuvre d'une action destinée à empêcher le
déclin d'une ressource. Le terme inclut des activités
généralement associées avec la protection et la gestion
par la mise en place de mécanismes légaux
appropriés36.
5. Une aire protégée
32Sammuel Depraz, Géographie des
espèces naturelles protégées, Paris, Éditions
A. Colin, Collection « U », 2008, p. 328.
33Benoit Limoges, Boisseau, G., Gratton, L. et
Kasiki, R., « Terminologie relative à la conservation de la
biodiversité in situ », in LE NATURISTE CANADIEN, 137
No2, 2013, p. 22.
34 Rapport final de la convention sur la
diversité biologique CDB, 1992, p. 3.
35 Ibid., p. 23.
36 Patrick Triplet,op.cit, p. 1061.
9
Selon l'UICN, il s'agit d'un espace géographique
clairement défini, reconnu, dédié et géré
par les moyens légaux ou autres, afin de favoriser la conservation
à long terme de la nature, des services éco systémiques et
des valeurs culturelles qui y sont liées.37
Pour l'État du Cameroun et le décret N 95/466PM
du 20 juillet 1995, une aire protégée est une zone
géographiquement délimitée et gérée en vue
d'atteindre des objectifs spécifiques de conservation et de
développement durable d'une ou de plusieurs ressources données.
Tout projet notamment industriel, minier, agro-sylvo-pastoral susceptible
d'affecter l'objectif de conservation d'une aire protégée doit
être assorti d'une étude d'impact sur l'environnement.
L'Administration chargée de la Faune est de droit membre de toute
commission ou de tout organe chargé de cette étude d'impact.
Pour le dictionnaire du développement durable, une aire
protégée est :
« Une zone protégée par des lois, un
règlement ou une politique d'aménagement du territoire afin de
limiter l'occupation ou les activités humaines. Les aires
protégées comprennent les paysages protégés, les
parcs nationaux, les zones d'aménagement intégré et les
parcs naturels.38 »
6. Le parc national
Pour l'UICN, le parc national est une institution dotée de
trois missions principales :
- Le souci de la protection de la nature ;
- L'étude scientifique des écosystèmes dont
ils sont le support et qui sont ou devraient
être libérés de toute exploitation ou
occupation humaine ;
- la connaissance favorisée du public des milieux ou
espèces ainsi gérées.
L'UICN a établi six catégories de
classifications en fonction du niveau d'intervention humaine allant de la
protection la plus forte (categorie1) à la catégorie la plus
légère (catégorie 6) ou l'homme interfère le plus.
Les parcs nationaux appartiennent à la (catégorie 2). La notion
de parc national diffère d'un État à l'autre aux
échelles mondiales39.
Au Cameroun, d'après le décret N 95/466PM du 20
juillet 1995, un parc national est un périmètre d'un seul tenant,
dont la conservation de la faune, de la flore, du sol, de l'atmosphère,
des eaux et en général du milieu naturel, présente un
intérêt spéciale qu'il importe de préserver contre
tout effort de dégradation naturelle, et de soustraire à toute
intervention susceptible d'en altéré l'aspect, la composition et
l'évolution.40Sont prises en considération à ce
titre:
- la préservation d'espèces animales ou
végétales et d'habitats en voie de disparussions sur toute partie
du territoire national;
- la préservation ou la constitution d'étapes
sur les grandes voies de migrations de la faune sauvage ;
37Ibid., p. 10.
38Christian Brodhag, Dictionnaire du
développement durable, Éditions AFNOR, 2014, p. 4.
39North Dudley, (Éditeur), « Lignes
directrices pour l'application des catégories de gestion aux aires
protégées. », Gland, Suisse : UICN, 2008, p.5.
40Décret no 95/466/PM du 20 juillet 1995-
fixant les modalités d'application du régime de faune au
Cameroun, article 2 alinéa 8.
10
- les études scientifiques ou techniques indispensables
au développement des connaissances humaines.
Y sont interdits:
- la chasse et la pêche, sauf dans le cadre d'un
aménagement ;
- les activités industrielles ;
- l'extraction des matériaux ;
- les pollutions de toute nature ;
- les activités agricoles, pastorales et
forestières ;
- la divagation des animaux domestiques ;
- le survol par aéronefs à une altitude
inférieur à 200m ;
- l'introduction d'espèces zoologiques ou botaniques
indigènes ou importées, sauf dans
un but scientifique ou le cadre d'opérations
d'aménagement autorisées par le ministre chargé
de la faune.
7. La politique publique
Définir le terme politique public s'avère une
tâche complexe au vu des nombreuses propositions en fonction des domaines
scientifiques. Cependant, qu'on se situe dans le champ des relations
internationales ou celui des sciences environnementales, le fond reste le
même.
Pour jean Claude Thoenig, serait politique publique :
« Tout ce que les acteurs gouvernementaux
décident de faire ou ne pas faire, font effectivement ou ne font pas
».41Il complètera cette définition avec Yves Meny
en rajoutant qu'une politique publique c'est aussi : « l'intervention
d'une autorité investie de puissance publique et de
légitimité gouvernementale sur un domaine spécifique de la
société ou du territoire »42.
En d'autres termes, c'est donc la manière dont
l'État ou un de ses démembrements se mobilisent et se
déploient, mettent en branle un processus constitué
d'activités concourant à apporter une réponse
précise, à un problème particulier et sur un territoire
déterminé. C'est ainsi que l'on parlera de politique de gestion
de déchets dans une localité ou encore de politique de
conservation de la biodiversité comme exemples.
Gilles Massardier quant à lui en a une conception plus
ouverte. Pour lui les politiques publiques sont :
« Des dispositifs tangibles(un budget, du droit, des
institutions spécialisées etc.) qui régissent un secteur
de la société ou une activité (industrie chimique,
agriculture, développement économique etc.), voire un projet
(aménagement routier, ferroviaire etc.), des dispositifs issus d'une
fabrication sociale collective et complexe par des acteurs( individus,
entreprises, associations etc.) ou groupe d'acteurs (organisation
professionnelles,
41Jean Claude Thoenig, « Politiques publiques
», in Dictionnaire des politiques publiques, L., Boussaget,
Jacquot, P. Ravinet (Dir.) 3ème édition
actualisée et augmentée- Paris : Presses de Sciences Po,
Collection références, 2010, p. 420.
42 Ibid., p. 421.
11
mobilisations sociales plus sporadique etc.), et des
institutions publiques( nationales, locales voire des organisations
internationales »43.
Pour lui les autorités publiques n'ont plus le monopole
de ce « pouvoir » et doivent au contraire collaborer avec d'autres
acteurs qui projettent la même finalité. En effet Dans toute
société, tout problème est potentiellement politique. Le
déclenchement de l'action publique n'est pas lié à une
quelconque intensité du phénomène. La mise en pratique de
la politique est alors liée à la perception du problème ;
le problème politique est donc un construit des représentations
sociales et sa configuration dépend de divers facteurs, acteurs et
enjeux.
C. DELIMITATION DU SUJET
Délimité notre sujet consiste à
préciser quelles sont les bornes prisent en compte dans notre travail,
à la fois dans la période de temps, l'aire géographique au
sein de laquelle sera menée l'étude, le(s) champ(s) de recherche
auxquels il va faire appel.
1. Délimitation spatiale
Le Parc National de Lobéké (PNL) a
été créé par décret n° 2001/107/CAB/PM
du 19 mars 2001. D'une superficie de 217.854 ha, sa zone tampon englobe
plusieurs Zones d'Intérêt Cynégétiques (ZIC)
auxquelles sont superposées cinq Unités Forestières
d'Aménagement (UFA). Cet ensemble fait partie du complexe
transfrontalier du Tri-National de la Sangha, impliquant les parcs nationaux de
Dzangha-Ndoki (RCA) et Nouabalé-Ndoki (Rép. Congo).Le PNL subit
de nombreuses pressions et menaces dues à l'ampleur des activités
en périphérie mais aussi aux actes illégaux
perpétrés à l'intérieur. Parmi les facteurs
externes on note le braconnage, l'exploitation forestière, la
densité du réseau routier, l'exploitation minière
artisanale, la capture des perroquets. Comme facteur interne, plusieurs
insuffisances relevées portent sur le dispositif de surveillance et de
gestion, la participation des communautés, les bases de prise des
décisions de gestion, la collaboration transfrontalière, la
promotion et la valorisation du parc.44
Le Parc National de Lobéké (PNL) est
situé entre les latitudes Nord de 2°05' à 2°30' et les
longitudes Est de 15°33' à 16°11'. Sa superficie est d'environ
217.854 ha. Ses limites sont décrites dans l'acte de création du
parc. Du point de vue de l'organisation administrative, il est
entièrement assis dans l'arrondissement de Moloundou, département
de Boumba-et-Ngoko, province de l'Est. Sa zone tampon se partage entre
plusieurs zones de chasse comprenant : à l'Ouest, les Zones
d'Intérêt Cynégétique à Gestion communautaire
(ZICGC) n° 1, 2, 3 ; au Nord, les Zones d'Intérêts
Cynégétique (ZIC) n° 28 et 30 et enfin au Sud par la ZIC
n° 31. Plusieurs Unités forestières d'aménagement
(UFA) sont définies dans cette zone tampon, en superposition aux ZIC et
des ZICGC. Il s'agit des UFA n° 10-011, 10012, au Nord, 10-063, 10-064 au
Sud et10-013 à l'Ouest45.
43Gilles Massardier, Politiques et actions
publiques, Éditions Armand colin, 2003, p. 1. 44Plan
d'aménagement du parc national de Lobéké et de sa zone
périphérique, 2004, p. 6. 45Idem.
GABON
CONGO
RCA
12
Figure 01 : Localisation du parc national de
Lobéké, Source : Plan d'aménagement du PNL, 2004, Bohin.,
B, 2022.
2. Délimitation temporelle
Cette étude aura pour point de départ
l'année internationale de la conservation de la biodiversité et
des objectifs d'Aichi (2010) pour une évaluation des enjeux à
l'ère COVID 19.
3. Délimitation matérielle
L'étude que nous entendons mener s'inscrit dans le
champ de l'écopolitique internationale. Cette sous branche des sciences
politiques relativement récente se situe au carrefour des études
écologiques, de la science politique, l'anthropologie, les relations
internationales. Philippe Le Prestre, l'un des principaux auteurs de la
discipline pense qu' :
13
« Un problème d'environnement n'existe
qu'à travers l'impact qu'il a sur certains groupes ou acteurs sociaux,
par la façon dont il est perçu par ceux-ci, et lorsque ces
acteurs ont pu l'inscrire à l'ordre du jour politique
».46
Par conséquent un problème d'environnement n'est
pas seulement un problème d'environnement d'après Le Prestre ; il
touche des questions de pouvoir, de politique de développement, de
gouvernance, des questions ethniques et éthiques, culturelles et bien
d'autres. LE PRESTRE pense que :
« Si la politique internationale de l'environnement
souffre d'une politisation c'est parce que la dégradation de
l'environnement résulte des activités économiques et
sociales, et qu'au niveau international, ces processus sont liés aux
relations diplomatiques, à la formation et à la mise en oeuvre
des politiques nationales, ainsi qu'aux efforts d'instaurer un
développement durable au niveau international
».47
D. LES OBJECTIFS DE L'ETUDE
Nous avons essayé de dégager 04 objectifs
spécifiques résultants d'un objectif général.
1. Objectif général
L'objectif général est d'apporter une grille de
lecture interdisciplinaire des enjeux liés à la conservation de
la biodiversité pour les pays du bassin du Congo. Une grille de lecture
susceptible de concilier les exigences de conservation avec les besoins de
développement dans la sous-région. Par exemple de répondre
aux besoins socio-économiques urgents des populations autochtones
riveraines des aires protégées dans le bassin du Congo. Plus
encore, y impulser un développement durable et interculturel.
2. Objectifs spécifiques
Les objectifs spécifiques de notre étude sont entre
autres de :
- Questionner et remettre en question l'efficacité des
politiques qui encadrent la gestion
des forêts du bassin du Congo et essayer d'en
dégager des résultats capitalisables au niveau des aires
protégées comme le parc national de Lobéké au
Cameroun;
- Stimuler une meilleure appropriation des accords et
conventions internationales de
conservation de la biodiversité. Décrypter les
enjeux sous-jacents en lien avec le développement durable et d'optimiser
leur mise en application local;
- Favoriser une prise en compte réelle des populations
autochtones riveraines des aires
protégées comme les pygmées Baka dans le
partage des bénéfices issus de la gestion de leurs forêts
et du tourisme, mais aussi et surtout favoriser leur inclusion totale aux
processus décisionnels de conservation et de valorisation des ressources
forestières.
46Philippe Le Prestre, Ecopolitique
internationale. Québec, Guérin, 1997, p. 46.
47Raùl Bernal-Meza, Compte rendu de (Le Prestre
philippe, Ecopolitique internationale), Québec, Études
internationales, 29(4), 1998, p. 3.
14
- Proposer des alternatives économiques innovantes et
opérationnelles au travers de
l'écotourisme. Proposer des alternatives susceptibles
d'optimiser par exemple la valorisation du potentiel culinaire autochtone de la
périphérie du PNL comme outils de soft power pour le
Cameroun.
E. INTERET DE L'ETUDE
L'intérêt en général fait
référence à la curiosité, l'attention, la
sollicitude portée à un fait. Il s'entend également comme
l'importance que revêt le sujet d'étude. En bref il s'agit ici de
dire à quoi peut servir le travail que l'on mène. D'après
Raymond Quivy et Luc Van Campenhoudt : « Un travail de recherche est
susceptible d'apporter deux types de connaissance : des nouvelles connaissances
théoriques et de nouvelles connaissances pratiques. »48
1. L'intérêt scientifique
Au vue des nombreux constats alarmants, la conservation de la
biodiversité devrait être inscrite en priorité dans les
agendas politiques de tous les États. La sécurité humaine
(sanitaire, alimentaire, identitaire etc.) est en effet au coeur des
problématiques politiques contemporaines. L'écopolitique à
ce titre se traduit comme étant la participation de la communauté
internationale sur le plan scientifique. Cette étude est une occasion de
plus de faire le lien entre les enjeux de développement durable pour les
populations riveraines des aires protégées et les relations
internationales. C'est pour nous l'occasion de proposer une grille de lecture
sous l'angle des sciences politiques et des relations internationales qui
prenne en compte un large spectre d'enjeux sous-jacents.
2. L'intérêt pratique
De manière concrète, il est question pour nous
d'apporter des propositions concrètes pour une amélioration de la
sécurité humaine et environnementale des populations du bassin du
Congo. D'améliorer les conditions de vie des populations riveraines des
aires protégées tout en essayant d'optimiser les politiques et
stratégies de conservation de la biodiversité régionale,
sous-région et nationale.
F. REVUE DE LITTERATURE
Elle peut être définit comme étant
l'examen détaillé d'un ensemble d'écrits importants et
incontournables recensés dans un domaine de connaissance. La revue de
littérature situe donc le sujet par rapport à des recherches
antérieures et fournit un créneau unique pour le sujet de
recherche. Dans le cadre de notre recherche, la littérature
mobilisée renvoie à des courants de pensée qui ont
structuré la problématique de la conservation de la
biodiversité. Il s'agit notamment du préservationnisme de John
Muir, le conservationnisme de Gifford Pinchot et l'utilitarisme de Jeremy
Bentham et John Stuart Mills.
Le préservationnisme de John Muir promouvait une vision
d'un monde romantique et non utilitariste de la nature, ainsi qu'une relation
plus équilibrée entre les hommes et la
48Raymond Quivy, et Luc Van Campenhoudt, Manuel de
recherche en sciences sociales, DUNOD 2eme édition,
Paris, 1995, p. 28.
15
nature. Pour lui il faut préserver la nature pour sa
beauté, faisant abstraction des désirs humains; telle est
l'idée générale de son ouvrage « Un été
dans la Sierra », publié en 199749.
Muir en opposition à la dichotomie classique
homme-nature, parvint à une idéalisation de la
wilderness (d'un état naturel pas encore entamé par les
processus sociaux et économiques des populations humaines)
considérée comme la condition naturelle permettant aux hommes
d'entrer en contact avec leur nature la plus profonde et de ressentir, en
même temps les liens qui les unissent au reste de la
planète50. Il fut également considéré
comme le père des parcs nationaux qui à l'origine ne devaient en
aucun cas être exploités. Il cherchait avant tout à
entrainer ses concitoyens dans une « passion oecuménique de la
nature ». Ainsi, dès la fin du XIXème
siècle va se rependre ce mouvement stricte et radicale de la protection,
dans lequel la nature acquiert une valeur intrinsèque : elle est digne
d'être protégée pour elle-même, contre les effets
néfastes de l'action des sociétés, selon un principe
dichotomique 51 d'une nature en dehors de l'homme.
Cette considération des richesses naturelles en
général et fauniques en particulier apparait largement en
décalage avec les besoins vitaux de l'homme qui, pour vivre dans son
environnement a besoin de puiser dans la nature toutes les ressources dont il a
besoin (nourriture, habitat, vêtement, etc.). C'est d'ailleurs pour cela
qu'il est très tôt repris par son compatriote américain
Gifford Pinchot, opposé à cette vision « biocentrée
».
Le conservationnisme de Gifford Pinchot en réaction
à ce mouvement, développe une gestion ordonnée et
raisonnable de la nature, tolérant l'utilisation des ressources
naturelles par l'homme. La conservation de la diversité biologique
consistant en la protection des populations d'espèces animales et
végétales, ainsi que la conservation de l'intégrité
écologique de leurs habitats naturels ou de substitution (comme les
parcs nationaux)52. Son objectif est de maintenir les
écosystèmes dans un bon état de conservation, et de
prévenir ou corriger les dégradations qu'ils pourraient subir.
Jean Paul Payre, un autre partisan de ce courant de pensée disait que
:
« La politique nationale définie en 1966-1967
et en 1975 ne faisait pas des parcs régionaux des « cloches de
verre » isolant un territoire des méfaits de la
société moderne. Mais elle leur assignait plutôt une
fonction sociale qui apparait à travers leurs trois objectifs : la
protection de la nature, le développement des loisirs, la
réanimation rurale »53.
Comme Payre, Pierre Lascoumes pense que les
éléments naturels sont perçus comme des ressources
à saisir à travers les services (écologiques,
économiques, esthétique, socioculturels, etc.) qu'ils rendent. Il
affirme que bien que l'on retrouve quelques politiques publiques de
conservation de la diversité biologique hybrides c'est-à-dire qui
combinent une priorité donnée aux éléments naturels
et à celle des besoins humains ( protection des biotopes et des zones
humides, la qualité biologique de la ressource en eau), les
intérêts humains,
49Donato Bergandi, Galangau-querat, F., « Le
développement durable : les racines environnementalistes d'un paradigme
», in L'éducation à l'environnement ou au
développement durable, Éditions ASTER, Numéro 46, 2008 p.
31.
50Ibid., p. 36.
51Sammuel Depraz, « Protéger,
préserver ou conserver la nature ? », notion à la une de
Geoconfluence, Université Jean Moulin Lyon 3, 2013, p. 38.
52Idem.
53Jean Paul Payre, Les parcs naturels
régionaux en France, Université de Grenoble, 1979, p.
371.
16
scientifiques, culturels (culinaire), économiques; sont
au centre des questions environnementales54.
Rowan Martin affirme que les ressources naturelles ont une
valeur propre, qu'elle peut être économique et/ou intangible; si
elle est monétaire c'est encore mieux car elles contribueraient à
supporter les coûts afférents à la conservation. Ainsi,
lorsque l'on tenterait de lui supprimer une exploitation marchande, le risque
de nuire à la conservation souhaitée est
généralement grand, car cette suppression enlève à
la conservation tout avantage comparatif économique et provoque son
remplacement par d'autres utilisations plus avantageuses de la
ressource55. D'autres auteurs comme Henk iront plus loin.
Henk fait intervenir les questions d'éthique dans cette
réflexion en postulant que si les humains sont les seuls êtres
vivants doués d'éthique, cela ne signifie pas pour autant que
l'éthique ne s'applique qu'à eux. Tout au contraire,
l'humanité ne prend son véritable sens que lorsque la vie sur la
terre est respectée dans toute sa diversité. Selon une
éthique environnementale profonde, poursuit-il, la nature possède
des valeurs qui existent au niveau des animaux, des espèces
menacées, des écosystèmes et des organismes vivants. Pour
beaucoup, pense-t-il, c'est toute la raison d'être de l'éthique
environnementale : préserver dans les systèmes soutenant la vie
des humains, dans leurs paysages et leurs ressources naturelles ce qui
autrement, mettrait leur survie en péril56. Ce courant va
ouvrir la voie à une conservation beaucoup plus tourné vers
l'utilitaire.
La pensée utilitariste, alimentée dans un
premier temps par Jeremy Bentham et John Stuart Mills, est une doctrine qui
prescrit d'agir ou non de manière à maximiser le bien être
global, il évalue une action uniquement en fonction de ses
conséquences. Les individus opèrent des calculs individuels en
vue de maximiser leur bien être global, en essayant de peser le pour et
le contre d'une décision, et comparent cette dernière aux
avantages et désavantages de la décision inverse. Ainsi nait la
vision utilitariste anthropocentrée de la nature, car elle cautionne
toute action dont les conséquences augmenteraient le bien-être
général, car le bien-être général se
réduit à celui de l'humanité. Le vivant se conçoit
alors comme un outil sous le joug de la technique, outil que l'on se doit de
perfectionner pour le bien de tous. La pensée utilitariste est
critiquée pour sa froideur ; car elle suggère que la fin puisse
justifier les moyens : ainsi, il serait normal de sacrifier la vie de quelques
innocents, si le sacrifice profite au plus grand nombre, comme le pense
Jean-Luc Pelletier57. L'homme ne peut sacrifier son bien être
au profit de la nature. C'est ainsi que lorsque le souci de protéger les
espèces se heurte aux intérêts vitaux de l'homme, le
discours utilitariste l'emporte toujours, parce que l'homme passe avant tout
autre chose.
54Pièrre Lascoumes, Action publique et
environnement, Paris, Presses Universitaires de France, 2012, p.127.
55Moore Garety Rowan, « Conservation et développement :
les nouvelles responsabilités des autorités
publiques », in Administrer l'environnement en
Afrique : gestion communautaire, conservation et
développement durable, Éditions
Karthala, Paris, 2000, p. 101.
56Antonius Maria Johannes Ten Have Henk et al.,
Éthiques de l'environnement et politique Internationale,
Éditions UNESCO, Paris, 2007, p. 51.
57Jean Louis Pelletier, Une éthique
environnementale pragmatique adaptée au contexte
québécois, Éssai présenté au Centre
universitaire de formation en environnement et développement durable en
vue de l'obtention du grade de maitre en environnement (M.Env.), Québec,
Université de Sherbrooke, 2014, p.15.
17
Beatrice Parance pense qu'il ne s'agit plus simplement de
protéger les ressources naturelles, mais aussi de les utiliser en
assurant leur conservation58. C'est cette vision du rapport
harmonieux de l'homme avec la nature, qui de plus en plus, combine les besoins
de l'homme et ceux des autres espèces, justifiée par la mise en
place de cadres techniques et légaux propices à la conservation
de la diversité biologique. Mettant la problématique de la
conservation de la biodiversité au centre des enjeux de
développement durable.
G. PROBLEMATIQUE
L. Olivier, G. Bédard et J. Ferron définissent
la problématique comme «la recherche ou l'identification de ce
qui fait problème 59». C'est également
l'ensemble des questions que soulèvent un problème,
c'est-à-dire une énigme d'ordre théorique ou pratique pas
encore élucidée. Dans le même ordre d'idée, Raymond
Quivy et Luc Van Campenhoudt pensent qu'une problématique est :
« L'approche ou la perspective théorique
qu'on décide d'adopter pour traiter le problème posé par
la question de départ. C'est l'angle sous lequel les
phénomènes vont être étudiés, la
manière dont on va les interroger. 60».
Le constat de la profonde dégradation de la
diversité biologique de la planète n'est plus à discuter.
Les phénomènes de changement climatique, de disparition
d'écosystèmes entiers, les feux de brousse, etc., devraient
interpeler les décideurs des pays du bassin du Congo qui tant bien que
mal résistent encore à ces phénomènes
extrêmes. La chasse abusive, le braconnage, le commerce illicite
d'espèces en danger, l'appropriation foncière d'espaces
classés par les populations en manque de terre agricoles, la
déforestation et destruction d'écosystèmes et habitats
fauniques, et bien d'autres phénomènes similaires, sont de plus
en plus observés. Dans ce contexte sous régional précaire,
les experts de l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN)
pensent que l'implication totale des populations riveraines et leur
autonomisation financière est capitale pour tout processus de
conservation durable de la biodiversité.
Comment optimiser les politiques de conservation de
la biodiversité dans le bassin du Congo ? Comment favoriser une
meilleure absorption communautaire des politiques internationales,
régionales et sous régionales de conservation de la
biodiversité au niveau des aires protégées ? Quelles sont
les opportunités de développement durable interculturel et de
soft power autour de l'écotourisme pour les États du Bassin
du Congo ?
H. HYPOTHESES
Pour Omar Aktouf, l'hypothèse est en quelques sortes
une base avancée de ce que l'on cherche à prouver. C'est la
formulation pro forma de conclusions que l'on compte tirer et que l'on va
s'efforcer de justifier et démontrer méthodiquement et
systématiquement.61En d'autres
58Béatrice Parance, et de Saint Victor, J.,
« Repenser les biens communs », Paris, Éditions CNRS,
2014, p. 225. 59Olivier Lawrence, Guy Bedard, Julie Ferron, «
L'élaboration d'une problématique de recherche: sources,
outils et méthodes », Paris, L'Harmattan, 2005, p. 24.
60Raymond Quivy, et Luc Van Campenhoudt, «
Manuel de recherche en sciences sociales », DUNOD 4éme
édition, Paris, 2011, p. 81.
61Omar Aktouf, Méthodologie des sciences
sociales et approche qualitative des organisations : une introduction à
la démarche classique et une critique, Montréal : les
presses de l'Université du Québec, 1987, p. 58.
18
termes, une hypothèse se propose de trouver des
solutions à différentes sortes de questions. Elle nait à
partir d'une observation de la vie quotidienne ou de constats
opérés au cours d'une recherche. Elle permet, pour ainsi dire, de
déclarer que la réponse recherchée est probablement due
à tel ou tel autre aspect; la formulation d'une hypothèse
implique la vérification d'une théorie ou
précisément de ses propositions. Elle devra être
confirmée, infirmée ou nuancée par la confrontation des
faits. En définitive, c'est la thèse que l'auteur entend
soumettre à la communauté des chercheurs. Les questions de
recherche précédentes nous permettent donc de dégager les
hypothèses suivantes :
a. Hypothèse principale :
Comme préconisé par de nombreux rapports des
organisations internationales en charge de la conservation de la
biodiversité dans le monde, l'optimisation des politiques de
conservation de la biodiversité dans le bassin du Congo exigerait entre
autres de : Revoir les systèmes de gestion et de gouvernance des
forêts, redéfinir les méthodes et techniques de
négociation des enjeux environnementaux, réadapter le cadre
législatif et politique local, remettre les populations locales et
autochtones au coeur des mécanismes de conservation de la
biodiversité et vulgariser les bonnes pratiques internationales.
b. Hypothèses secondaires :
- L'absorption optimale des politiques internationales de
conservation de la biodiversité
passerait par une meilleure prise en compte des populations
locales et autochtones;
- Cette prise en compte de la sécurité humaine des
populations locales et autochtones en
périphérie des aires protégées
exige par exemple une analyse de la mise en oeuvre des piliers du
développement durable de manière concrète dans la
conservation de la biodiversité et aussi l'implication des piliers
culturels et technologiques ;
- L'implication réelle et efficiente des populations
autochtones dans les processus
décisionnels de conservation de la biodiversité
dans le bassin du Congo exigerait une redistribution équitable des
retombées de l'écotourisme par exemple et aussi une valorisation
modernisée des savoirs traditionnels ;
- En inspirant une politique sous régionale et
internationale de soft power autour de
l'écotourisme et du tourisme culinaire en particulier,
le parc national de Lobéké et l'État du Cameroun
pourraient apporter des solutions innovantes à la résolution des
problèmes alimentaires et sanitaires qui gravitent autour de la gestion
des parcs nationaux. Inscrivant cette zone écologique comme enjeu
géopolitique majeur à l'ère COVID-19 pour les
générations présentes et futures.
I. CONSIDERATIONS METHODOLOGIQUES A. CADRE
LOGIQUE
Dans le cadre logique ou modèle théorique, il ne
s'agit pas simplement d'indiquer un champ de connaissance en y replaçant
son sujet, mais plutôt de faire état de sa propre connaissance du
champ en question et surtout, de ce qui, pris dans ce champ éclaire,
généralise, approfondit, explique, enrichit les principales
dimensions du problème que l'on
19
traite. En bref il s'agit de prendre un modèle et de
l'opérationnaliser. Il est donc impératif de savoir comment
adapter les éléments de ce modèle théorique
à notre recherche. C'est suivant cette posture d'analyse que comme
théories nous avons mobilisé :
1. La théorie de la gouvernance
La gouvernance est un chantier de recherche qui concerne les
formes de coordination, de pilotage et de direction des secteurs, des groupes
et de la société, au-delà des organes classiques du
gouvernement. Ce n'est évidemment pas une idée neuve, on en
trouve par exemple des traces dans le latin médiéval avec le
terme Gubernantia, mais dans un contexte de restructuration et de
décentralisation des États d'Afrique centrale, cette question de
direction se pose à nouveau. L'intérêt actuel pour ces
questions de gouvernance répond en effet à la transformation du
rôle de l'État et des modes de régulation politique qui s'y
attachent. L'État, et plus précisément une partie
spécialisée, le gouvernement central est en charge, d'une partie
de la direction de la société et de l'agrégation des
différents intérêts pour la définition de
l'intérêt général. Dans les sociétés
européennes, le gouvernement central réduit sa charge
décisionnelle au profit de la périphérie et des
régions. Cependant l'européanisation et la globalisation
notamment remettent en cause les conceptions traditionnelles de
l'autorité telle que culturellement partagée dans les traditions
africaines. Rendant complexe l'action publique et la notion de
gouvernance.62
La question de gouvernance est donc profondément
liée à celle de gouvernement, car elle est pensée par
rapport à lui. La notion même de gouvernance émerge face au
diagnostic d'une « incapacité » des gouvernements à
répondre aux problèmes contemporains qui leurs sont soumis et
à s'ajuster à de nouvelles formes d'organisations sociales,
économiques, politiques, écologiques, technologiques,
stratégiques et culturelles. Alors que le terme «gouvernement»
décrit le type d'autorité, hiérarchique et contraignante,
qui s'exerce dans la plupart des États, «Gouverner» :
«C'est prendre des décisions, résoudre
des conflits, produire des biens publics, coordonner les comportements
privés, réguler les marchés, organiser les
élections, extraire les ressource naturelles tout en les conservant,
affecter les dépenses publiques etc.».
La notion de «Gouvernance» désigne quant
à elle une forme plus souple de pouvoir politique et consiste dans
l'interaction d'une pluralité d'acteurs (Gouvernants) qui ne sont pas
tous étatiques ni même publics. Mais, quel est le contenu
précis de cette notion de « Gouvernance »?
Elle peut être définie comme un processus de
coordination d'acteurs, de groupes sociaux et d'institutions, en vue
d'atteindre des objectifs définis et discutés collectivement. La
gouvernance renvoie alors à l'ensemble d'institutions, de
réseaux, de directives, de règlementations, de normes, d'usages
politiques et sociaux ainsi que d'acteurs public et privés qui
contribuent à la stabilité d'une société et d'un
régime politique, à son orientation, à la
62Patrick Le Galès, « Gouvernance
», in Dictionnaire des politiques publiques, Boussaget, L.,
Jacquot, S., Ravinet, P. (Dir.), 3ème édition
actualisée et augmentée- Paris : presses de sciences Po,
collection Références, 2010, p. 36.
20
capacité de diriger, et à celle de fournir des
services et à assurer sa légitimité. Plus
précisément, quatre (04) traits permettent de caractériser
ce qu'est la gouvernance:
· Le polycentrisme institutionnel (système
politique qui admet plusieurs centres de décision), soit l'existence
d'une grande complexité institutionnelle qui empêche de distinguer
un lieu unique de pouvoir, de décision et d'exécution;
· Une frontière public/privé plus floue,
avec une ouverture des processus de décision en direction de la
société civile et l'inclusion d'acteurs privés dans le
processus politique;
· L'accent mis sur la dimension procédurale de
l'action publique, les formes et instruments de l'action publique sont parfois
privilégiés sur la substance même des programmes
publics;
· Un rapport différent à la contrainte et
à l'autorité, vécue et conçue de façon plus
horizontale, coopérative et souple, avec le développement
d'instruments d'action publique plus contraignants.63
Pour mieux comprendre l'applicabilité de la
théorie de la gouvernance dans la conservation de la
biodiversité, il est également important d'analyser le
fonctionnement des instruments d'action publique.
2. Les instruments d'action publique
Un instrument d'action publique constitue un dispositif
à la fois technique et social qui organise des rapports sociaux
spécifiques entre la puissance publique et ses destinataires en fonction
des représentations et des significations dont il est
porteur.64
La dimension technique renvoie aux informations
condensées dans les instruments qui permettent le pilotage de la
société. La création d'instruments d'action publique peut
servir de révélateur de transformations parfois invisibles, de
l'action publique, de son sens, de son cadre cognitif et normatif et ses
résultats. La notion d'instrument d'action publique permet d'envisager
l'action publique sous l'angle des instruments qui la structurent. Ces
instruments ne disposent pas d'une totale neutralité axiologique, et ne
sont pas indifféremment disponibles. Ils sont porteurs de valeurs,
nourris d'une interprétation du social et de conceptions précises
du mode de régulation envisagé. Ils sont aussi producteurs d'une
représentation spécifique de l'enjeu qu'ils traitent et induisent
une problématique particulière de l'enjeu dans la mesure
où ils hiérarchisent des variables et peuvent aller jusqu'
à impliquer un système explicatif. L'instrumentation de l'action
publique renvoie à l'ensemble des problèmes posés par le
choix et l'usage des instruments (des techniques, des moyen d'opérer,
des dispositifs) qui permettent de maitriser et d'opérationnaliser
l'action gouvernementale. Il s'agit de comprendre non seulement les raisons qui
poussent à retenir tel instrument par rapport à tel autre, mais
aussi à envisager les effets induits par ces choix.65
L'observation montre qu'il est exceptionnel qu'une politique,
et même qu'un programme d'action au sein d'une politique, soit
mono-instrumentale. On constate le plus souvent une
63Ibid., p. 301.
64Pièrre Lascoumes, et Patrick Le
Galès, « Instruments », in Dictionnaire de politiques
publiques, Boussaget,L., Jacquot, S., Ravinet, P. (dir.),
3ème édition actualisée et augmenté -
Paris : Presses de sciences Po, collection Références, 2010, p.
45.
65 Ibid., p. 326.
21
pluralité d'instruments mobilisés, ce qui pose
alors la question de leur coordination. L'instrumentation de l'action publique
est donc un moyen d'orienter les relations entre la société
politique (via l'exécutif administratif) et la société
civile (via ses sujets administrés).
Dans le champ des politiques publiques, la question du choix
des instruments pour l'action publique et de leur mode opératoire est en
général présentée de manière
fonctionnaliste, comme relevant de simples choix techniques. L'essentiel des
travaux de politique public consacré à la question de
l'instrumentation est marqué d'une forte orientation fonctionnaliste
caractérisée par cinq traits:
- L'action publique est fondamentalement conçue dans un
sens pragmatique, c'est-à-
dire comme une démarche politico-technique de
résolution des problèmes via des instruments;
- On raisonne en terme de naturalité de ces
instruments, considérés comme étant
«à disposition» et qui ne poseraient que des questions de
meilleure adéquation possible aux objectifs retenus;
- La question de l'efficacité des instruments est la
problématique centrale. Les travaux sur la mise en oeuvre des
politiques consacrent une grande part de leurs investigations à
l'analyse de la pertinence des instruments et à l'évaluation des
effets crées;
- Face aux lacunes des outils classiques, et souvent
envisagée, soit pour offrir une alternative aux instruments habituels
(dont les limites ont été démontrées par les
nombreux travaux sur la mise en oeuvre), soit pour concevoir des
«méta-instruments» permettant une coordination des instruments
traditionnels (planification, schéma d'organisation,
convention-cadre);
- Les analyses ont souvent pour point de départ, soit
l'importance de réseaux d'action publique spécifique, soit
l'autonomie de sous-secteurs de la société, mais elles convergent
pour faire du choix et de la combinaison des instruments une question centrale
pour une action publique conçue en termes de management et de
régulation de réseaux qui s'éloigne des questions
classiques de sociologie politique.66
Ces postulats peuvent être dépassés si
l'on rompt avec l'illusion de leur neutralité en adoptant une
démarche de sociologie politique, considérant les instruments
comme des institutions. Les instruments à l'oeuvre ne sont pas pure
technique: ils produisent des effets spécifiques indépendants des
objectifs affichés (des buts qui leur sont assignés) et ils
structurent l'action publique selon leurs logiques propres. Au fur et à
mesure de leur usage, ils tendent à produire des effets originaux et
parfois inattendus. Les instruments ne sont donc pas neutres; ils sont des
institutions au sens sociologique du terme: « Un ensemble plus ou moins
coordonné de règles, de normes et de procédures, qui
gouverne les interactions et les comportements des acteurs et des
organisations. ». Les instruments déterminent en partie la
manière dont les acteurs vont se comporter; ils créent des
incertitudes sur les effets de rapport de force; ils vont conduire à
privilégier certains acteurs et intérêts et à en
écarter d'autres; ils contraignent les acteurs et leur offrent des
possibilités; ils véhiculent une certaine représentation
des problèmes. Les instruments déterminent en partie quelles
ressources peuvent être utilisées et par qui. Comme toute
institution, ils permettent de stabiliser des formes d'action collective, de
rendre plus prévisible et plus visible, le comportement des
66 Ibid., p. 330.
22
acteurs (politiques ou non).67Les instruments sont
donc au coeur de l'analyse du changement dans les politiques publiques et leurs
transferts.
3. La théorie du transfert de politique publique
Il s'agit d'une théorie contemporaine ayant pris de
l'ampleur avec la mondialisation bien que dans les faits elle existe depuis
toujours à travers les rapports Nord/Sud. On parle soit de convergence,
de diffusion ou encore de transfert de politiques publiques. Cette dynamique
d'expansion des transferts de politiques publiques est imputée à
trois facteurs causaux principaux : l'émulation résultant de la
concurrence accrue entre les nations du fait de la globalisation
économique et financière, les mouvements d'harmonisation dans le
cadre de processus d'intégration régionale ou de
développement de régimes internationaux et, enfin , l'essor
depuis le milieu des années 1990, de programmes internationaux d'aide au
développement ou à la transition démocratique
centrés sur l'exportation de standards de «bonne gouvernance
».68Ainsi, qu'on parle de greffe, de transplantation, de
transfert, le vocable ne modifie pas vraiment la finalité. Selon David
Dolowitz et David Marsh il s'agit:
« Du processus par lequel des informations et des
savoirs concernant les politiques publiques propres à un système
politique (passé ou présent), sont empruntés et
utilisées dans le cadre du développement de politiques publiques
dans un autre système politique.».69
Ainsi à travers des relations interpersonnelles et
inter-organisationnelles, la transplantation cache plusieurs enjeux. Le
principe d'import-export de systèmes part des logiques sociales qui
sous-tendent la prise de décision au sein du système importateur,
avec des répercutions sur les perceptions, les règles et valeurs
locales qui y émergent. Par conséquent l'intérêt
pour nous repose principalement sur les jeux d'acteurs et sur l'adaptation
locale des politiques internationales en matière de développement
durable et plus précisément de la conservation de la
biodiversité.
Dans les pays du Sud et d'Afrique subsaharienne
particulièrement, montré sa conformité avec les
règles, les idées et pratiques qui jouissent d'un prestige
élevé dans sa communauté de référence,
présente de nombreux avantages pour l'importateur. Il lui est plus
facile de légitimer son activité en affirmant qu'elle respecte
des principes supérieurs (internationaux) autour desquels existe un
large consensus. Ces États (Africains) importateurs de politiques
occidentalisées tiennent alors à démontrer
l'efficacité de chacune de leurs actions à la communauté
exportatrice pour avoir des facilités économiques, politiques et
diplomatiques.70
Les politiques de conservation des aires
protégées en Afrique centrale sont aujourd'hui victimes de cette
tendance. Cependant certaines solutions importées comme étant le
modèle à standardisé, bien que reproduites à
l'identique se heurtent à une inadéquation locale. Chaque
organisation est en effet enserrée dans un contexte local particulier et
dans un tissu complexe
67 Ibid., p. 331.
68 Thierry Delpeuch, L'Analyse des transferts
internationaux de politiques publiques : un état de l'art, Paris,
Centre d'étude et de recherches internationales Science Po, 2008, p.
4.
69David Dolowitz, Policy transfer and British
Social Policy. Learning from the USA? Buckingham, Philadelphia, Open
University, Press, 2000, p. 5.
70 Thierry Delpeuch, Op. cit., 2000, p. 13.
23
d'environnements institutionnels
enchevêtrés.71Les liens d'interdépendance et
d'interactions sont noués. Or les « solutions »
transférées doivent être adaptées pour
préserver les relations extérieures indispensables à la
survie de l'organisation importatrice. De plus, chaque organisation
possède ses propres spécificités culturelles et ses
propres règles de jeu plus ou moins implicites (savoir-faire tacites,
valeurs partagées, représentations sociales, manières de
percevoir et d'interpréter les évènements, routines et
coutumes constitués au fil du temps, auxquels les membres de
l'organisation vouent un attachement superstitieux et qui sont difficiles
à infléchir au moyen d'une action
délibérée.). Toute chose qui influe nécessairement
sur la façon dont les éléments incorporés depuis
l'extérieur sont assimilés.
B. CADRE METHODOLOGIQUE
1. La méthode
La méthode est selon Omar Aktouf est :
« La procédure logique d'une science,
c'est-à-dire l'ensemble des pratiques particulières qu'elle met
en oeuvre pour que le cheminement de ses démonstrations et ses
théorisations soient claires, évidentes et irréfutables
».72
Dans cette logique, notre étude sur les enjeux de la
conservation de la diversité biologique pour les pays du bassin du Congo
entend s'appuyer sur une méthode hypothético-déductive.
Les informations analysées dans ce travail seront recueillies à
partir de trois outils techniques d'investigation : l'analyse de contenu les
entretiens et l'observation directe. Méthode qui sera appuyée par
des instruments contemporains comme la photo, un magnétophone de
Smartphone et autres supports numériques nécessaire. En effet,
l'analyse qualitative n'est pas une invention de la science. Elle est d'abord
une faculté de l'esprit cherchant à se relier au monde et
à autrui par les divers moyens que lui offrent ses sens, son
intelligence et sa conscience73. L'objectif étant d'arriver
à obtenir des données qualitatives brutes et contourner les
mesures barrières imposées par la pandémie de COVID 19 qui
ont eu un impact significatif dans la collecte de nos données.
2. La technique de collecte de
données
En sciences sociales, la recherche fait appel à des
pratiques bien définies appelées « techniques ». Le
choix de la technique dépend de l'objectif poursuivi, lequel est
lui-même lié à la méthode de travail. Dans le cadre
de notre étude le choix des techniques et méthodes est
orienté vers une perception optimale des informations recueillies. Tout
en gardant la plus grande subjectivité scientifique, nous avons
opté pour l'observation directe et des entretiens ouverts
précédés d'une analyse documentaire du sujet.
· L'analyse de contenu
71Ibid., p. 15.
72Omar Aktouf, méthodologie des sciences
sociales et approche qualitative des organisations. Une introduction
à la démarche classique et une critique,
Montréal : Les presses de l'Université du Québec, 1987, p.
27. 73Pierre Paillé, Alex Mucchielli, L'analyse
qualitative en sciences humaines et sociales, Edition Armand Colin,
2012, p. 22.
24
Comme son nom l'indique, cette méthode de pré
enquête consiste à répertorier et à consulter des
documents, les plus spécifiques et les plus spécialisés
possibles sur le sujet de la recherche. Nous utiliserons donc les conventions
internationales, les registres, les rapports, les publications
institutionnelles ou personnelles, les manuels scolaires, les thèses et
mémoires, et tous autres documents jugés pertinents comme les
documents audio-visuels et MOOC, afin d'en savoir le maximum possible à
l'avance sur le problème traité ou sur des problèmes
similaires74.
· L'entretien
Aussi appelé interview ou encore entrevue, c'est un
rapport oral, en tête à tête, entre deux personnes dont
l'une transmet à l'autre des informations sur un sujet
prédéterminé. C'est une discussion orientée, un
procédé d'investigation utilisant un processus de communication
verbale, pour recueillir des informations en relation avec des objectifs
fixés. Il existe plusieurs types d'interviews dont on peut faire usage
selon les buts visés, l'étape de la recherche, le niveau de
profondeur de l'information désirée, le genre d'informations
désirées.75Nos entretiens seront de type ouvert.
C'est-à-dire la forme d'interview ou le degré de liberté
laisse une ouverture à certaines précisions nécessaires
pour le traitement d'un sujet sensible comme le braconnage à titre
d'exemple. Il s'agira essentiellement dans notre cas d'étude de
causeries enregistrées à l'aide d'un smartphone. Toutefois,
précisons que nos interviews obéissent à une logique
scientifique et une approche systémique. Aussi, les enregistrements
cités dans nos travaux respectent les thématiques propres
à notre thème de recherche et les normes juridiques en
matière de protections des droits des personnes interviewées.
L'objectif de l'utilisation de cette technique est la vérification de
points précis qui pourraient être dénaturés dans le
cas d'un entretien classique.76
· L'observation directe
Cette méthode repose sur le fait de rapporter
exactement le comportement observé, avec le moins
d'interprétations possibles. Il s'agit ainsi de décrire une
séquence de comportements de façon narrative. Les mots
utilisés doivent permettre de distinguer ce qui a été
observé. En effet les sciences sociales sont des disciplines
d'observation de la vie sociale. Malheureusement les chercheurs de ces
disciplines n'observent parfois qu'à travers la médiation de
documents ou d'instruments plus ou moins élaborés. Plutôt
que de se limiter à des questionnaires standardisés, notre
travail envisage une immersion dans le fait social à étudier.
Pour Anne-Marie Arborio, l'observation directe est :
«Le seul moyen d'accéder à certaines
pratiques : lorsque celles-ci ne viennent pas à la conscience des
acteurs, sont trop difficiles à verbaliser ou au contraire, font l'objet
de
74 Ibid., p. 103.
75 Ibid., p. 87.
76 Ibid., p. 89.
25
discours préconstruits visant au contrôle de
la représentation de soi, ou lorsque celles-ci ont le souci de
dissimuler certaines pratiques».77
C'est dans cet état d'esprit que nous avons
effectué successivement un stage académique de 03 mois au parc
national du Mpem et Djim (Cameroun) entre janvier et avril 2021 et un stage
d'insertion professionnelle de 06 mois au parc nationale de
Lobéké (transfrontalier à la RCA et le Congo
Brazzaville).
Pour mieux saisir cette observation directe et contourner les
mesures barrières imposées par la COVID-19 au moment de nos
travaux de terrain, nous avons donné une place importante aux photos.
Les photos participent de notre démarche d'investigation visant à
retranscrire de la manière la plus fidèle possible les faits
observés sur le terrain et les résultats de nos travaux.
C. ANNONCE DU PLAN
Aucun architecte n'entreprend la construction d'une maison
sans en avoir les plans détaillés, cohérents, avec des
notes précises.78Ainsi notre travail sera axé sur les
parties suivantes :
PARTIE I : Le contexte mitige de la conservation de la
biodiversité dans le bassin du Congo PARTIE II : PARTIE II : Les Enjeux
Contemporains De La Conservation De La Biodiversité Face Au
Développement Durable Dans Le Bassin Du Congo.
77Anne Marie Arborio, « L'observation
directe en sociologie : quelques réflexions méthodologiques
à propos de
travaux de recherches sur le terrain hospitalier »,
recherche en soins infirmiers, Numéro 90, 2007, p. 26.
78Michel Beaud, « L'art de la thèse : comment
préparer et rédiger un mémoire de master, une thèse
de doctorat
ou tout autre travail universitaire à l'ère du
Net. », Paris, La découverte, 2006, p. 48.
PARTIE I : LE CONTEXTE MITIGE DE LA CONSERVATION DE
LA BIODIVERSITE DANS LE BASSIN DU CONGO
26
Les enjeux de la conservation de la biodiversité sont
aujourd'hui légions. Allant de la déforestation au braconnage, en
passant par les changements climatiques et plusieurs autres
phénomènes socio-anthropologiques parallèles comme les
famines, les conflits, les déplacements ; qui rendent ces enjeux de plus
en plus complexes à gérer pour les conservateurs. Comme nous le
savons déjà, les activités anthropiques sont au coeur de
la disparition de nombreuses espèces. C'est ce que continuent de
marteler les institutions et organisations internationales de recherche
environnementale comme l'IPBES, la CITES, l'UICN, le WWF, la GIZ et bien
d'autres. Si la communauté internationale semble se saisir du
problème au travers des conventions internationales, dans le bassin du
Congo de nombreux efforts restent à faire. Cette prise de conscience est
à l'origine de la mise en place d'un cadre légal international
appliqué à la protection de la biodiversité et la
création d'aires protégées comme le parc national de
Lobéké au Cameroun (Patrimoine mondial de l'UNESCO). Cependant,
un constat mitigé est observé à ce jour.
Sur le plan hiérarchique, la conservation de la
biodiversité au Cameroun est orientée par des instruments
internationaux et régionaux pertinents ayants fait l'objet de
ratifications par l'État du Cameroun. Le rôle des institutions
comme la COMIFAC au plan sous régional est plus que jamais
décisif dans l'absorption des conventions internationales au niveau
local. Un diagnostic de l'état des lieux de la conservation de la
biodiversité dans cette sous-région déjà instable
économiquement et politiquement nous fait comprendre que des
opportunités d'amélioration des conditions socio-anthropologiques
des populations existent. Aussi, l'encadrement normatif et institutionnel
appliqué à la gestion des forêts du bassin du Congo bien
qu'étant assez important nécessite une meilleure appropriation
locale.
Dans cette partie de notre travail, nous ferons un
état des lieux non exhaustif des politiques de conservation de la
biodiversité dans le bassin du Congo (Chapitre 1) et par la suite nous
aborderons les liens de causalité entre les politiques internationales
et la conservation de la biodiversité dans la sous-région
(Chapitre 2).
CHAPITRE I :
LES POLITIQUES DE CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE DANS
LE BASSIN DU CONGO
27
Des milliers d'espèces animales disparaissent depuis
des années. Des animaux qui jadis parcouraient la terre disparaissent de
la planète à un rythme alarmant. Les forêts, leur habitat
naturel font l'objet de convoitises et de surexploitations humaines de plus en
plus irréversibles. Les changements climatiques et la perte de la
biodiversité occasionnent des tensions qui se transforment peu à
peu en conflits dans des zones déjà politiquement et
économiquement instables comme le Bassin du Congo. Les scientifiques
estiment que le taux actuel d'extinction des animaux est mille fois plus
élevé que ce qu'il devait être79. Cette tendance
régressive des populations fauniques contraste avec la multitude de
conventions, d'organes et textes qui encadrent pourtant les politiques de
conservation de la biodiversité. Les principales causes de cet
état de fait sont attribuées aux activités anthropiques
comme l'agriculture, l'urbanisation incontrôlée, la
déforestation excessive mais aussi en amont aux politiques
internationales de conservation pas toujours adaptées au contexte
local.
Ce chapitre se propose de jeter un regard sur la situation
politique actuelle de la conservation de la biodiversité dans le bassin
du Congo. À cet effet, nous tenterons de parcourir et diagnostiquer des
problématiques d'actualité telles que les conflits hommes-faune,
les changements climatiques, la gestion communautaire des revenus des
forêts, etc.
Pour rappel de notre posture réflexive, la
biodiversité fait l'objet d'attaques tous azimuts tandis que les besoins
anthropiques croissent. La Section (1) fera un état des lieux des
politiques sous régionales de gestion des forêts du bassin du
Congo et la Section (2) présentera un modèle de gestion
décentralisée des forêts déjà fonctionnel au
Cameroun.
SECTION I : L'ÉTAT DES LIEUX DE LA GESTION DES
FORÊTS DU BASSIN DU
CONGO
Le bassin du Congo c'est d'abord et avant tout une immense
forêt tropicale continue sur plusieurs États. Son rôle dans
la séquestration du carbone au niveau planétaire n'est plus
à démontrer. Bien que des reformes légales et politiques
dans la gestion des revenus issus de sa gestion fassent encore l'objet de
revendications locales. En effet, les politiques de gouvernance des
forêts et de la conservation de la biodiversité au niveau national
sont étroitement liées aux politiques internationales. Les enjeux
et jeux d'acteurs liés à la conservation de sa diversité
biologique nécessitent une vue globale et systémique. Ces
politiques, ces acteurs et leurs effets directs et indirects voir
stratégiques ont des impacts induits conséquents.
79NicolasNamba « S'unir pour la sauvegarde de la
faune sauvage »,Ejournal USA, Département d'État
des États-Unis, volume 17/Numéro 2, Avant-propos, 2012, p. 13.
28
Dans cette section, nous ferons premièrement un
état commenté des politiques de gestion des forêts du
bassin du Congo (Paragraphe I) et par la suite nous mettrons en lumière
l'une des conséquences du mode de gestion actuel : les conflits HH et
HGS (Paragraphe II).
PARAGRAPHE I : LES POLITIQUES DE GESTION DES
FORÊTS DU BASSIN DU CONGO
D'après Ongolo et Badoux. « Dans les
arènes internationales de gouvernance environnementale, la quête
du « bon » usage des forêts tropicales oscille entre
exploitation raisonnée de ces ressources naturelles et
préservation de portions plus ou moins importantes de ces espaces.
» 80
Dans ce paragraphe nous observerons la politique
socio-environnementale du bassin du Congo (A) et sa gestion complexe en tant
que « bien commun » (B).
A. LA POLITIQUE SOCIO-ENVIRONNEMENTALE DU BASSIN DU
CONGO 1. Le partenariat pour les forêts du bassin du Congo
(PFBC)
Les forêts du bassin du Congo offrent des moyens de
subsistance à 60 millions de personnes qui vivent ou résident
à proximité (nourriture, pharmacopée, combustibles,
fibres, produits forestiers non ligneux). Elles remplissent aussi des fonctions
sociales et culturelles. Ces forêts contribuent plus indirectement
à alimenter les 40 millions de personnes qui vivent dans les centres
urbains proches de ces domaines forestiers81. L'état de cette
forêt affecte le bien être de millions de personnes, influe sur le
climat régional et mondial et sur la biodiversité. Ces
rôles essentiels sont pris en compte par les accords multilatéraux
sur l'environnement tels que la convention - cadre des Nations Unies sur les
changements climatiques (CCNUCC). Les politiques de réduction des
émissions de GES dues à la déforestation et la
dégradation des forêts (REDD+) qui reconnaissent le rôle des
forêts dans le cycle du carbone. Pour la convention sur la
diversité biologique (CDB), la perte d'habitats forestiers est une cause
majeure de la baisse de la diversité biologique. Ces
problématiques sont transférées par la suite aux
institutions sous régionaux tels que le partenariat pour les
forêts du bassin du Congo (PFBC).
Le partenariat pour les forêts du bassin du Congo
(PFBC) a été institué dans le but de conserver cette riche
biodiversité d'Afrique centrale dans une perspective de
développement durable. Il s'agit d'un partenariat non contraignant ayant
pour objectif de promouvoir une bonne gouvernance de ces forêts. La
protection des forêts du bassin du Congo a été ainsi
placée au coeur, non seulement des politiques nationales, mais aussi des
travaux du sommet de Johannesburg en 2002 en marge duquel le partenariat pour
les forêts du bassin du Congo a été signé.
Pour la sous-région, le PFBC devrait anticiper sur les
politiques et le cadre juridique de conservation des forêts du bassin du
Congo. Sur le plan politique et géostratégique ces
80Symphorien Ongolo et Miriam Badoux, «
Gouverner par la ruse : l'État camerounais face aux exigences
internationales de conservation de la biodiversité », in
Daniel et al., Les politiques de biodiversité, Paris,
Presses de science Po, 2017, p. 4.
81CarlosWasseige, J., Flynn,Louppe, D., HiolHiol,
F., P., Mayaux, Les forêts du bassin du Congo - État des
forêts, Weyrich. Belgique, 2013, p. 21.
29
forêts sont au coeur des enjeux majeurs non seulement
pour les pays de la sous-région, mais aussi pour ceux du
monde82. Compte tenu de leur importance au regard des grands
problèmes environnementaux contemporains, les enjeux sociaux,
économiques, scientifiques, politiques, juridiques, autour du bassin du
Congo sont au coeur des débats.
Toutefois, la diversité des acteurs impliqués
qui est une des caractéristiques de ce complexe forestier suscite des
interrogations sur le mécanisme juridique accompagnant tous leurs
efforts, dans la mesure où l'association de ces partenaires aux statuts
juridiques différents nécessiterait préalablement un cadre
juridique qui détermine les droits et obligations de chaque
associé83. En effet, nous avons à ce jour 52 membres
que sont les gouvernements, des organisations internationales, des ONG et
groupes de recherches ou relevant du secteur privé ; qui doivent
conjuguer des efforts afin d'arriver aux objectifs assignés au
partenariat. Par conséquent « Ce partenariat devrait disposer de
personnel permanent et ne pas juste servir de courroie de transmission entre
les bailleurs de fonds et organismes d'exécutions ou de forum de
dialogue entre partenaires ».84
Remettre en question le rôle politique et
stratégique de certains partenaires techniques dans la vision globale de
la conservation de la biodiversité du bassin du Congo ne devrait pas
être perçu comme une sortie de ligne pour un pays comme le
Cameroun. En effet, le Cameroun occupe une place centrale dans les jeux de
pouvoir de la sous-région et devrait pouvoir contribuer à
infléchir l'autoritarisme occidental observé dans cet immense
réservoir de ressources naturelles. Par exemple, le Cameroun par sa
position géographique et politique dans la sous-région devrait
s'orienter vers une coopération scientifique sous régionale pour
répondre aux problèmes rencontrés dans la gouvernance des
forêts.
2. Le modèle participatif du PNL
Le parc national de Lobéké (PNL) à
l'extrême Sud-est du Cameroun, à la frontière avec le Congo
Brazzaville et la RCA offre un bon exemple d'intégration des politiques
de conservation endogénéisées. Les modèles de
gestion communautaire des revenus de l'exploitation forestière dans le
TNS (Tri National de la Sangha) avec les populations locales et autochtones
comme les pygmées Baka sont aujourd'hui largement valorisés dans
d'autres aires protégées en Afrique centrale. Avec l'appui de
nombreux partenaires techniques et financiers comme le WWF et la GIZ,
l'État du Cameroun fait preuve de réalisme en créant un
environnement institutionnel favorable à une gestion des conflits
sous-jacents à la gestion des revenus tout en valorisant les savoirs
locaux. Toutefois, il est important d'accentuer la communication sur ces
modèles qui portent déjà des fruits.
En effet, à cause de la faible fertilité des
sols pour l'agriculture et la faible productivité dans certaines zones,
des changements climatiques, la croissance démographique et des
complications foncières ; les populations de la grande partie du Bassin
du Congo pénètrent consciemment dans les aires
protégées. Leur attachement culturel et économique
à la forêt fait qu'elles continuent à l'utiliser, dans
leurs usages quotidiens et pour leur subsistance, les
82Jean Paul Segihobe Bigira, Partenariat pour les
forêts du bassin du Congo et développement durable : à
l'épreuve des enjeux, Academia-l'harmattan, 2012, p. 12.
83Ibid., p. 23.
84Idem.
30
produits forestiers ligneux et non ligneux parmi lesquels le
bois, les fibres, les feuilles, les cordes et ficelles, le fourrage, les
produits de décoration, les gommes, les résines et latex, la
viande de brousse, les épices, les champignons, le miel, les fruits ,
les noix, les légumes, etc. Toutes ces ressources font l'objet de
convoitise de la part des pays voisins mais aussi de la planète
entière.
B. Le bassin du Congo : Un « bien commun »
à gestion complexe 1. La notion de « bien commun »
Pour le jeune spécialiste des relations
internationales, la tâche est rude quand il s'agit d'aborder les enjeux
de la forêt du bassin du Congo. Depuis trente ans, il est de bon ton dans
le courant dominant de la discipline de montrer que, là où surgit
une question d'intérêt mondial, là se crée un «
régime » : « ensemble de règles, de principes, de
procédures, de mécanismes de prise de décision autour
desquels convergent les attentes des acteurs », selon la formule
canonique85. Le modèle d'analyse étant celui de
l'action collective et l'idéologie celle du choix rationnel. Mais que se
passe-t-il lorsque les États refusent de s'engager à
coopérer dans un texte obligatoire ? Lorsque sur le terrain, la
corruption, l'abattage illégal, la fraude et le braconnage dominent ?
Lorsque, du point de vue scientifique et technique, l'information n'est pas
sûre ou manipulée. Les experts ne sont pas d'accord. Aucune
communauté de savoir ne s'impose sur la réelle démarche
à suivre.
Privé de ses repères familiers,
l'internationaliste du courant dominant est démuni. Il se réfugie
dans la glose et tourne en rond. Il n'est d'ailleurs pas le seul. Les bilans
dressés par les grandes organisations internationales sur les politiques
forestières sont une longue suite de lamentations sur le sort incertain
des forêts et de mea culpa pour les stratégies
erronées.
Ici, ce sont les systèmes d'interaction construis
à tous les niveaux autour des multiples fonctions de la forêt
qu'il convient de décortiquer en préalable à toute action
politique pour que se révèlent les mécanismes
d'échange et négociation, les liens de dépendance
coloniale, les stratégies économiques et scientifiques
contribuant à l'exploitation abusive de ces ressources.86 En
clair, depuis la fin des années quatre-vingt, la notion de
commons a tout envahi87.
Lorsque la notion de « Bien commun » a
été introduite dans la discussion internationale sur les
forêts et sur la biodiversité en préparation de la
conférence de Rio (1992), elle avait déjà des implications
différentes selon les thèmes et selon les acteurs. Pour les
organisations de défense de l'environnement des pays du Nord, il
s'agissait de faire connaitre les forêts tropicales humides, principal
réservoir de richesse biologique, comme des sites relevant d'un
patrimoine commun à tous. Un régime supranational de protection
de l'environnement se serait superposé à la souveraineté
territoriale. Les pays tropicaux seraient devenus des gardiens de leurs propres
forêts, responsables passifs d'une ressource appartenant à
l'humanité. L'idée de bien commun était clairement au
service d'un objectif de préservation pour le bien commun. Comme on
pouvait s'y attendre, les grand pays de forêt tropicale
85Marie ClaudeSmouts, « Un monde sans bois
ni lois. La déforestation des pays tropicaux », In: Critique
internationale, vol. 9, Politiques de la biosphère. 2000, p.
3.
86 Ibid., p. 3.
87 Ibid., p. 4.
31
dénoncèrent vigoureusement ce nouvel
impérialisme écologique bien mal masqué et
s'opposèrent à toute introduction de la notion de bien commun
dans les textes relatifs aux forêts.
De leur côté, les pays industrialisés
s'intéressaient, eux, à la dimension « libre accès
» de la notion de bien commun. Au nom de la préservation de la
biodiversité, patrimoine commun de l'humanité, il s'agissait pour
eux d'assurer à leurs groupes pharmaceutiques et à leurs
laboratoires de recherche un accès continu aux richesses biologiques et
ressources génétiques se trouvant dans les pays
tropicaux88. À Rio, les pays du Sud réussirent
à faire reconnaitre leur souveraineté sur leurs ressources. Le
paradoxe de tout ceci est que la notion de bien commun a favorisé de
facto le pillage des savoirs locaux, notamment dans le domaine de la
pharmacopée traditionnelle89, la musique, la sculpture, ainsi
que la privatisation accélérée de la biodiversité
mondiale par le biais des brevets et droits de propriété
intellectuelle sur les ressources génétiques ; terrain sur lequel
s'est rapidement déplacé l'essentiel de la discussion
internationale.
Dans le domaine de la forêt et de la conservation de la
biodiversité, l'invocation du bien commun sert avant tout à
légitimer l'intervention extérieure au nom des
intérêts supérieurs de l'humanité dans les domaines
relevant de la souveraineté territoriale des États. Exactement
comme l'obligation de protéger les droits de l'homme a permis l'invasion
de la Lybie en 2011. Si les pays du Sud s'opposent le plus souvent à son
usage, ils y recourent parfois aussi pour souligner qu'il n'y a pas de raison
de traiter à part les forêts tropicales et que, si organisation et
conventions mondiales il doit y avoir, celles-ci doivent appliquer les
mêmes exigences et les mêmes contrôles à tous les
types de forêts, notamment celles du Canada et des États-Unis.
Pratiquement, la notion de Commons n'a pas de pertinence pour la
protection des forêts. Juridiquement, elle n'est pas
nécessaire.90Ce que les forêts offrent de « Commun
» à l'échelle planétaire, ce sont les
externalités, positives ou négatives, dont la
responsabilité incombe entièrement à l'État
territoriale et donc aux populations locales. Sur ce point, la
déclaration de Stockholm (1972) et celle de Rio (1992) sont identiques
et très claires :
« Conformément à la charte des nations
unies et aux principes du droit international, les États ont le droit
souverain d'exploiter leurs ressources propres selon leur politique
d'environnement et de développement, et ils ont le devoir de faire en
sorte que les activités exercées dans les limites de leur
juridiction ou sous leur contrôle ne causent pas de dommage à
l'environnement dans d'autres États ou dans des zones ne relevant
d'aucune juridiction nationale ».91
2. Le bassin du Congo comme bien multifonctionnel
L'une des particularités de la forêt par rapport
à d'autres ressources, est en effet son caractère
multifonctionnel. Dépositaire de culture, de symboles, d'émotions
esthétiques ; réservoir de la diversité des espèces
; réserve foncière ; régulatrice de l'écologie ;
productrice
88Idem.
89Les savoirs traditionnels des pygmées autre
fois secrets sont aujourd'hui exploités en laboratoire par des
grandes firmes internationales sous le couvert d'ONG
sensées les protégés.
90Ibid., p. 5.
91Ibid., p. 6.
32
de bois (matériau, combustible), de gibier, de
fourrage, de fruits et autres produits. La forêt est ressource et milieu,
produit de base et abri.
Comment hiérarchiser au niveau mondial
l'utilité respective de ces fonctions ? Et comment définir le
groupe des usagers ? Au simple niveau local, ces questions soulèvent
déjà des problèmes redoutables92. Rien n'est
donné, tout est à construire pour les pays du bassin du Congo.
Par exemple, le périmètre de forêt gérée en
commun est à délimiter. Le groupe de ses usagers est à
définir. Les intérêts sont divers, les droits se
chevauchent et sont en compétition. Lorsqu'on parle de forêt
communautaire au Cameroun par exemple, on a beaucoup de mal à expliquer
de quelle communauté il s'agit. Le village ? Combien de villages ? Les
familles ? Combien de familles ? Et que fait-on des Églises, qui s'en
mêlent un peu partout en Afrique subsaharienne ? Des municipalités
et autres collectivités territoriales décentralisées? La
gestion d'une forêt est donc d'abord la gestion de conflits sociaux,
conflits d'intérêt, conflit de légitimité.
Sur un point au moins, un consensus se fait. Associations
d'exploitants, écologistes, organisations internationales, se rejoignent
pour estimer que l'abattage illégal, la production et le transport
illicites des produits forestiers sont l'un des grands fléaux de la
forêt tropical du bassin du Congo. Certaines ressources fauniques en
particulier sont aujourd'hui menacées d'extinction par des
réseaux clandestins de chasse et le braconnage. C'est le cas des grands
singes comme le chimpanzé ; notre plus proche cousin d'après la
théorie de l'évolution humaine.
PARAGRAPHE II: LES CONFLITS HOMME/HOMME (HH) ET HOMME/
GRANDS SINGE (HGS)
D'après le professeur Yves Paul Mandjem93,
« La sécurité est une valeur essentielle et
suprême de toute société »94.
La sécurité humaine est aujourd'hui au centre
des préoccupations mondiales en raison des effets de la COVID-19. Cette
assertion du professeur spécialiste de la résolution pacifique
des conflits et des questions de sécurité en Afrique trouve tout
son sens en périphérie de la grande majorité des aires
protégées du bassin du Congo.
Dans ce paragraphe nous observerons l'état actuel des
conflits homme/homme (A) et celui des conflits homme/grands singes (B) en
périphérie de certaines aires protégées au
Cameroun.
A. Les conflits homme/homme (CHH) 1. C'est quoi un
conflit ?
92Christophe Gauchon, « Conclusion - Des
causes du conflit aux conditions de l'acceptation. » In: Collection
EDYTEM. Cahiers de géographie, numéro 10, Espaces
protégés, acceptation sociale et conflits environnementaux, 2010,
p. 8.
93Le Pr. Yves Paul Mandjem, notre encadreur est
major CAMES et directeur de la coopération à l'Institut des
Relations Internationales du Cameroun (IRIC).
94 Yves Paul Mandjem, /KAS, « Les offres
et espaces alternatifs de production de la sécurité en Afrique de
l'ouest et centrale : Étude des marginalités, informalités
et complémentarités locales à l'action des forces de
défense et sécurité (FDS) », ABESS,
no 1 (03), 2021, p. 1.
33
Alors qu'appelle-t-on précisément un conflit? On
peut définir un conflit comme un désaccord qui se traduit par un
antagonisme suffisamment conflictogène et durable pour qu'il en vienne
à structurer la position et le jeu des acteurs. Cette définition
ne ferme pas sur un type de conflit en particulier ni sur ses modalités,
ne préjuge pas de sa cause (ou de ses causes) ni de son issue(ou de
l'impossibilité d'une issue). Mais la durée et le
caractère structurant du conflit apparaissent comme deux
éléments centraux du conflit, et ils expliquent que sa
résolution parfois difficile puisse nécessiter l'intercession ou
la médiation d'un tiers.
J. Freud, dans sa Sociologie du conflit (1983), n'envisageait
pas le cas des conflits environnementaux, mais il était très
clair sur le fait que le conflit incorpore nécessairement une composante
de violence : « Le recours à la violence, même s'il n'a
pas lieu et qu'il reste à l'état de menace, est
inséparable de la substance même du conflit ».
Parfois le conflit nait réellement des enjeux de
l'espace à protéger, mais il arrive aussi que l'hostilité
vienne d'une sorte de transfert politique incompatible depuis un autre
système. Les causes de ces conflits sont assurément multiples, et
dépendent tout autant du contexte que des outils de protection mis en
oeuvre et des enjeux identifiés. Par exemple, Au Cameroun, les
revendications pour l'implication des populations Baka (en
périphérie du parc national de Lobéké) dans les
prises de décision et la gestion communautaire du parc ont
été à l'origine des premiers accords signés entre
le service de la conservation nationale et une organisation de la
société civile (OSC) typiquement autochtone.
ASBABUK (Association Sanguia Baka Buma'a Kpode) est
née de cette dynamique. Cependant, dans de nombreux parcs nationaux du
bassin du Congo, la gestion des conflits homme/homme exige encore une mise
à niveau des stratégies de gestion des enjeux coutumiers,
juridiques et socio-anthropologiques qui gravitent autour de ces conflits.
2. Les conflits d'intérêt
Paradoxalement, au niveau de certaines aires
protégées, la reconnaissance des droits des populations
riveraines par les institutions internationales, a coïncidée avec
l'augmentation des cas d'abus par les personnels de la conservation et parfois
des maltraitances physiques. Les écogardes qui reçoivent une
formation paramilitaire (sans en jouir totalement) doivent désormais
combiner d'autres aptitudes pas toujours à leur disposition pour arriver
à gérer les conflits en gestation. Ces écogardes portent
des armes mais reçoivent très souvent à peine quelques
jours de tirs. En face, les « Braconniers » par exemple le long de la
frontière Est du Cameroun, sont souvent des anciens militaires qui se
sont réfugié dans les forêts. Forêts pleines de
ressources naturelles des aires protégées
transfrontalières du Cameroun, Gabon, Congo, RCA, les deux Congo et le
Rwanda principalement.
Certaines sociétés forestières dans ces
zones font face à des enlèvements, des brigandages, voire des
véritables mafias organisées et cachées sous l'appellation
de `braconniers', se fondant très souvent dans la population locale. La
présence de ces anciens militaires à la recherche d'ivoires
d'éléphants, de peaux de panthères et autres
trésors de chasses qui se vendent très bien dans les
marchés noirs d'Asie et d'Europe principalement, trouble
profondément la quiétude des populations depuis des
décennies.
34
Au Cameroun, il est important ici de savoir que les premiers
colons français et allemands avaient introduit la chasse de loisir dans
le paysage forestier et à la suite des indépendances dans les
années 1960 le système politique français d'exploitation
des ressources naturelles a continué d'être reproduit. En
réponse à ce paradigme, l'implication des populations locales
dans les processus de décision participe aujourd'hui de la
volonté de l'État du Cameroun d'adopter une gestion communautaire
des ressources naturelles dans et autour des aires protégées tout
en respectant les accords internationaux.
Bien qu'une tendance à une conservation plus
communautaire s'observe de plus en plus autour de certaines aires
protégées au Cameroun comme au parc national de
Lobéké, l'intégration de ces populations locales à
toutes les étapes du processus reste complexe en raison de la divergence
des enjeux. Par exemple, les réfugiés (RCA) et
déplacés climatiques (Adamaoua/ Cameroun) sont aujourd'hui une
entité importante à considérer dans la résolution
des conflits socio-environnementaux dans le bassin du Congo. Selon qu'on se
trouve dans une zone plus ou moins chaude, riche ou non en ressources
naturelles, la tension peut très vite monté.
Au parc national du Mpem et Djim (Cameroun), situé
dans la région du Centre, département du Mbam et Kim, le service
de la conservation doit faire face à de nombreuses vagues de troupeaux
de boeufs en provenance de la région de l'Adamaoua. Face aux effets des
changements climatiques, ces bergers nomades culturellement, se retrouvent
à l'intérieur du parc par besoin vital (nourriture et abreuver
leurs bêtes et leurs familles qui en dépendent très souvent
totalement). L'agressivité de la sécheresse plus au nord leur
fait courir le risque d'aller jusqu'au coeur du parc et de se faire attaquer
eux et leurs biens par des animaux sauvages (lions, buffles, serpents, etc.),
mais aussi par des braconniers souvent installés dans le
parc95. S'il n'est nullement question ici de céder le pas
à une quelconque « induction utilitariste96 », il
nous semble ici important de questionner le sens donner aux aires
protégées dans le bassin du Congo. En clair, il est question pour
nous ici de savoir par qui et pour qui sont mis en place ces espaces
protégés. Si les enjeux sécuritaires et
stratégiques qui en découlent semblent encore minimisés
par les politiques sous régionales, les effets sur les espaces naturels
eux sont déjà perceptibles.
Figure 2 : Patrouille de refoulement au parc national
du Mpem et Djim. Source : Bohin, 2021.
95Bohin Bakeleki, J.M, « Rapport de stage
académique effectué au parc national du Mpem et Djim »,
Ntui, MINFOF, 2021, p. 15.
96Joël Trésor NYONKA'A, Politique
étrangère et diplomatie camerounaise (1982-2002) :
évaluation de la
politique étrangère d'un Etat africain,
Thèse de doctorat en relations internationales, IRIC, 2021, p. 30.
35
Figure 3 : Visite au domicile de Mr Jacques
Vivien1 au milieu avec Mr Osiris Ndoumbe1 à sa
droite et le Col. Bisseck1 . Source : Bohin, janvier
2021.
Au parc national du Mpem et Djim (Cameroun) la saison
sèche rime avec de nombreuses vagues de troupeaux de boeufs en
quête de pâturage dans le parc. Les nombreuses patrouilles de
sensibilisation et opérations « coup de poing »97
parfois à l'aide de drones ont été faites sans grand
changement dans les zones de forte pénétration anthropique.
Entrainant la perte continue de nombreuses espèces
protégées comme le Chimpanzé (Classe A) dont les photos
des nids sont visibles au parc national du Mpem et Djim mais dont l'observation
en milieu naturel relève de l'exploit.
Parmi les nombreuses espèces protégées
de la liste rouge de l'UICN (Union Internationale pour la conservation de la
Nature), le gorille et le chimpanzé sont en danger d'extinction dans
certaines zones. Le parc national du Mpem et Djim, grâce à
l'ouvrage« Mammifères sauvages du Cameroun » de Mr Jacques
Vivien, a pu répertorier des nids de chimpanzé bien que l'animal
lui-même soit devenu difficile à observer même à
l'aide de camera-traps. D'après les théoriciens de
l'évolution humaine comme Charles Darwin, le chimpanzé serait
pourtant notre plus proche cousin génétique. Mais pour bien de
raisons humanoïdes comme la curiosité, l'exotisme, les
expériences scientifiques sur ses semblables, ce mammifère de
nature calme et affectueuse au contact de l'homme a fini par se retrouvé
au coeur de nombreux conflits.
B. Les conflits homme / grands singes (CHGS) : Cas du
Chimpanzé 1. Pourquoi le singe ?
Les populations de tous les grands singes ont diminué
au cours des dernières décennies en raison principalement de la
perte de leur habitat, des maladies, de la chasse, du commerce de viande de
brousse mais également du commerce d'animaux de compagnie ; commerce qui
peut entrainer la mort d'adultes au moment de la capture. La situation est
telle que tous les grands singes sont inscrits sur la liste rouge de l'UICN.
Les enjeux de conservation, autour de ces animaux sont primordiaux et de
nombreuses mesures ont été prises pour enrayer cette
97 Appellation donnée par les
écogardes aux missions musclées de lutte anti braconnage (LAB),
missions très souvent planifiées dans le plus grand secret par
l'unité de surveillance pour éviter toute fuite en interne et
faire des saisies importantes de gibiers, d'armes de chasse proscrites, et se
terminent généralement par des arrestation spectaculaires. La
chasse des lions étant au coeur des activités de chasse dans
cette région depuis la période coloniale, certains jeunes
s'improvisent guides et chasseurs professionnels pour des safaris et des
groupes hôteliers occidentaux.
36
triste dynamique. À l'échelle internationale
notamment, les gouvernements ont ratifié l'Accord pour la conservation
des gorilles et de leurs habitats (Accord Gorille), entré en vigueur en
2008. Hors initiatives gouvernementales, des programmes de protection ont
également été créés, supervisés par
les organisations internationales comme l'UICN98.
D' après l'UICN (2005), les conflits homme-faune
surviennent lorsque les besoins élémentaires de la faune
contrarient ceux des humains, ce qui engendre des conséquences
négatives à la fois pour les communautés et les
animaux99. Cependant lorsque les besoins primaires des humains (se
nourrir, se vêtir, se soigner, construire une maison) contrarient ceux de
la faune il en résulte le braconnage, déforestation et la
pollution. Du point de vue de la faune, la sous-région abrite des
animaux emblématiques, parmi lesquels des grands singes comme le
gorille, le bonobo, les babouins, chimpanzé, etc. On y trouve les plus
importantes populations existantes, appartenant aux genres Pan
(chimpanzés et bonobo) et gorilla (gorilles).
Au Cameroun, en 1999, se tenaient des assises sur la lutte
anti- braconnage. À l'issue de ces assises, une stratégie
nationale de lutte anti braconnage100 a vu le jour ainsi qu'un
comité national anti braconnage en août 1999. Les
réalisations concrètes de ce comité se font encore
attendre. Avec le déficit de financement, le manque de personnel
qualifié sur le terrain, le manque d'équipement pour les
patrouilles, ce comité national a disparu ; seules les
délégations départementales demeurent et tentent de
maintenir les comités régionaux. En janvier 2008, le niveau de
braconnage était inquiétant et estimé par le nombre
particulièrement important de camps de braconniers et de carcasses
animales retrouvées par les équipes d'écogardes. En 2010,
les espèces les plus braconnées au parc national du Mpem et Djim
ont été les cobes de Defassa, les cobes de Buffon, le babouin.
Elles sont principalement consommées comme viande de
brousse101.
2. Le chimpanzé
Les chimpanzés forment un genre de singe appartenant
à la famille des hominidés. Ce genre comprend deux espèces
: le chimpanzé commun et le chimpanzé nain, plus connu sous le
nom de bonobo. Ces hominidés d'Afrique équatoriale sont les
animaux génétiquement les plus proches de l'espèce
humaine. La répartition géographique du chimpanzé commun
s'étend de la guinée aux lacs Tanganyika et victoria. Identifier
tardivement comme espèce à part entière, le bonobo quant
à lui ne se trouve que dans le bassin oriental du fleuve Congo, en
république démocratique du Congo. Dans des zones politiquement
instables où les acteurs de la conservation de la biodiversité
tout comme les singes sont l'objet d'attaques armées, où les
programmes de protection des singes cachent quelques fois des programmes
d'essaies de vaccins ou d'armes bactériologiques et chimiques.
Ces deux espèces de singes présentent des
traits physiques, affectifs, mentaux, de même que des comportements
relationnels et sociaux, particulièrement remarquables pour
l'être
98 OFAC, EDAP, 2020, p. 40.
99 Antoine justinEyebe,Guy Patrick Dkamela, Dominique
Endamana,Op. cit., p.4.
100Stratégie nationale de lutte anti
braconnage qui n'incluait pas encore la prise en compte des savoirs et
techniques locales de chasse pour une optimisation de la lutte anti braconnage.
Lutte qui dans sa forme essentiellement répressive actuelle engendre des
conflits tous azimuts.
101« Évaluation protection de la
biodiversité - Cameroun », in planète Urgence - Nous vous
aidons à agir, p.102.
37
humain dans leur similitude ou parfois dans leur
différence. Pour cette raison, elles sont des sujets privilégies
d'étude scientifique avec en arrière-plan l'énigme de la
nature humaine et de son évolution. Le chimpanzé et le bonobo en
particulier sont menacés d'extinction du fait essentiellement de
l'activité humaine : destruction de leur habitat, chasse, guerre, etc.
Paradoxalement, le chimpanzé a contribué à l'aventure
scientifique et technologique du XXème siècle.
En 1961, envoyé à bord d'une capsule spatiale
américaine, le chimpanzé Ham précède de quelques
mois le cosmonaute soviétique Youri Gagarine dans l'espace. De par sa
proximité génétique avec l'humain, le chimpanzé a
aussi souvent été utilisé comme modèle dans les
domaines médicaux et scientifiques. La prise de conscience publique et
l'évolution des pratiques en laboratoire ont toutefois largement
réduit son utilisation à des fins d'expérimentation.
Depuis 2001, les chimpanzés font l'objet d'un programme de protection
dans le cadre du programme des nations unies pour l'environnement (PNUE).
Devant ce constat de conflit face à notre plus `proche cousin', le
milieu de la recherche s'est tourné vers les questions d'éthique,
de santé globale (Approche One Health) et l'apport des
nouvelles technologies dans la gestion des AP.102
Le chimpanzé considéré à juste
titre comme le plus proche cousin génétique de l'homme avec 98%
de gènes en commun, est un des rares animaux capable de se servir
d'outils et d'utiliser des plantes pour se soigner. Ces savoirs lui ont valu
une place importante dans la culture des peuples des forêts du bassin du
Congo comme les pygmées Baka, mais aussi une chasse
effrénée des occidentaux pour la science, des asiatiques avides
d'exotisme et quelques africanistes pour sa chaire qui d'après certaines
représentations locales aurait des pouvoirs mystiques.
Les tous premiers travaux internationaux sur les primates
dans le bassin du Congo se sont focalisé sur le chimpanzé et ont
fait naitre de nombreux programmes visant sa protection intégrale.
Créant des stratégies de gouvernance sous régionales, des
outils politiques et institutionnels qui s'appliquent aujourd'hui à de
nombreuses autres espèces classées A103. Bien que la
gestion de la faune soit assez problématique pour les gestionnaires des
forêts dans le bassin du Congo, des modèles participatifs,
inclusifs, communautaires et décentralisés prennent forme au
Cameroun.
SECTION II : L'EXEMPLE DE LA GESTION DECENTRALISEE DES
FORÊTS AU
CAMEROUN
L'applicabilité et le transfert des différents
accords et conventions internationales liées à la conservation de
la biodiversité dans le bassin du Congo se heurte dans la
majorité des États membres à une inadéquation
législative, une insuffisance dans la contextualisation locale, la
volonté politique pas toujours claire, etc. Dans le contexte
Camerounais, on peut observer que les textes de lois relatifs à la
gestion décentralisée et communautaire des forêts et
102Cyrille Leonel Zela Demelon, « Conflits
homme - grands singes dans la zone périphérique du parc national
de Lobéké », Mémoire de master en foresterie,
Université de Dchang, 2021, p. 72.
103 La classe A est celle d'après la liste rouge de
l'UICN qui correspond au niveau le plus élevé de protection.
C'est le cas du lion, de l'éléphant, du gorille, du pangolin
géant, de la panthère, de nombreux oiseaux comme le perroquet
à queue rouge (Perroquet à l'origine du classement du parc
national de Lobéké comme patrimoine modial de l'UNESCO).
38
les bénéfices des aires protégées
sont assez nombreux. Toutefois, la place accordée aux actions
communautaires concrètes comme l'intégration intégrale des
femmes reste en construction.
Les modèles de gestion décentralisée et
intégrée qui encouragent des actions communautaires au Cameroun
et plus précisément dans la périphérie du PNL sont
ceux qui retiendront notre attention dans cette section. Nous verrons ainsi un
aperçu de la structure décentralisée et
intégrée des forêts au Cameroun (Paragraphe I) et par la
suite nous présenterons le modèle de zonage participatif et
intégré de la périphérie du PNL (Paragraphe II).
PARAGRAPHE I : LA STRUCTURE DECENTRALISEE DE LA GESTION
DES FORÊTS AU CAMEROUN
D'après Dominique d'Antin de VAILLAC104,
« Les forêts appartiennent toutes à quelqu'un,
entité publique ou privée, individu, collectivité ou
communauté, elles se déploient toutes entre des frontières
au même titre que tout autre espace affectés, champs, villages,
villes, friches ou déserts. » 105
Au Cameroun, l'État s'est engagé à
restituer une partie des bénéfices de ses forêts aux
communautés riveraines des aires protégées au travers de
la foresterie communautaire (A) bien que ce secteur rencontre encore beaucoup
de défis (B).
A. La foresterie communautaire au Cameroun 1.
L'accompagnement législatif
La loi forestière de 1994 validée par le
Président de la République a favorisé l'implication de
nouveaux acteurs dans la gestion des ressources forestières et fauniques
au Cameroun. C'est le cas des systèmes de cogestion :
États-populations locales riveraines des aires protégées,
de la rétrocession des taxes forestières aux communes et
communautés, de la création/gestion des forêts communales
et communautaires, etc.
D'après cette loi en son article 37 (3), les produits
forestiers de toute nature résultants de l'exploitation des forêts
communautaires appartiennent aux communautés villageoises
concernées, qui bénéficient d'une assistance technique
gratuite de l'administration forestière (art. 37 (1)). Toutefois, il
faut relever que d'après la convention de gestion, l'État
transfère uniquement la gestion de la forêt aux communautés
et non le foncier. Pour le décret d'application de 1995106,
précision est faite de ce que les forêts pouvant faire l'objet
d'une convention de gestion de forêts communautaire sont celles
situées à la périphérie ou à
proximité d'une ou de plusieurs communautés et dans lesquelles
leurs populations exercent
104Docteur en science politique, il est professeur
associé à l'Université Bordeaux IV-Montesquieu (France) et
directeur de recherche au Centre d'analyse politique comparée, de
géopolitique et de relations internationales (Bordeaux IV). Il est
également chercheur associé à l'institut d'études
de la forêt cultivée (IEFC) et coordinateur du groupe Aquitaine de
recherche sur les indicateurs socio-économiques de gestion
forestière durable.
105Dominique d'Antin de VAILLAC, « La
forêt comme objet de relations internationales ?», Annuaire
français des relations internationales, Vol. VI., 2005, p.1.
106 Décret no95/531/PM du 23 août 1995
fixant les modalités d'application du régime des forêts.
39
leurs activités (art.27 (2)) et que toute forêt
susceptible d'être érigée en forêt communautaire
incombe de ce fait et de manière principale à la
communauté concernée (art.32 (2)).
Pour ce qui est de son exploitation, le législateur
n'a pas tenu compte du côté artisanal, encore moins de la faible
capacité financière des communautés par rapport aux
exploitants forestiers plus nantis. En son article 54, la loi précise
que l'exploitation d'une forêt communautaire se fait pour le compte de la
communauté en régie, par vente de coupe, par autorisation de
coupe personnelle ou par cession, conformément au plan simple de gestion
approuvé par l'administration forestière107.
2. Quelques textes d'accompagnement
Bien d'autres dispositions réglementaires ont
été prises plus récemment au Cameroun par le
Président de la République pour la gestion communautaire des
forêts. On peut citer entre autres :
· La lettre circulaire no0677/LC/MINEF/DF/CFC
du 23 février 2001 limitant l'exploitation industrielle dans les
forêts communautaires ;
· L'arrêté ministériel
no0518/MINEF/CAB du 21 décembre 2001 fixant les
modalités d'attribution en priorité aux communautés
villageoises riveraines de toute forêt susceptible d'être
érigée en forêt communautaire. L'originalité de cet
arrêté par rapport à la loi de 1994 est l'introduction du
droit de préemption, qui donne la priorité aux communautés
de créer une forêt communautaire par rapport à la vente de
coupe, lorsque celle-ci est projetée sur le même espace ;
· La décision ministérielle
no1985/D/MINEF/SG/DF/CFC du 26 juin 2002 fixant les modalités
d'exploitation en régie dans le cadre de la mise en oeuvre des plans
simples de gestion (PSG) des forêts communautaires ;
· Le manuel de procédure des normes d'attribution
d'une forêt communautaire élaboré en 1998 et
révisé en février 2009 a introduit de nouvelles
dispositions :
- L'intégration d'une phase préliminaire
d'information et de sensibilisation ;
- Un effort de représentativité de toutes les
composantes sociales dans le processus en vue de limiter les conflits ;
- Plus de précisions sur l'entité de gestion
(organisation, gestion rôle des membres, etc.)
- Une réduction de la durée de traitement des
dossiers ;
- L'instauration de la Convention provisoire de gestion (2
années) en vue de permettre aux communautés d'exploiter la
forêt et de financer elles-mêmes l'élaboration du PSG ;
- L'ouverture mécanique de pistes d'accès
à la forêt à faible impact environnemental ;
- La possibilité d'utiliser des engins agricoles pour le
transport des produits.
Si l'avancée législative en matière de
foresterie communautaire au Cameroun a fait un progrès significatif au
cours de ces dernières années, des défis importants restes
à relever.
107Luc Moutoni (Okani), « La foresterie
communautaire au Cameroun-un aperçu de la perspective communautaire
», 2019, p.10.
40
B. Les principaux défis actuels de la foresterie
communautaire
1. Une meilleure prise en compte des
minorités
Dans la quasi-totalité des communautés
villageoises du bassin du Congo et du Cameroun en particulier, la forêt
est perçue comme un élément fondamental de la vie des
villageois. Ils y retrouvent tous les éléments nécessaires
pour la pharmacopée traditionnelle. Sur le plan des moyens d'existence,
c'est dans la forêt qu'ils viennent au monde et elle constitue leur
source principale de moyen d'existence. Ernest Adjina, président
d'ASBABUK108 dit avec regret que :
« Par le passé, les communautés
pouvaient se déplacer librement dans la forêt sans restriction.
Mais de nos jours, la forêt a été divisée et les
choses ont changé. La forêt communautaire a des obligations qui ne
correspondent pas avec notre façon de vivre. Par conséquent,
c'est compliqué pour nous. Nous ne maitrisons rien du processus de
forêt communautaire. Toutes les procédures en vue de l'obtention
d'une convention de gestion, le plan simple de gestion
etc. ne sont ni connues, ni
maitrisées par nous. Nous ne connaissons même pas nos rôles.
Tout est fait par les ONG.»
En effet, la mise en oeuvre des FC suppose la création
d'une organisation formelle représentative de toutes les composantes de
la communauté qui puisse légalement s'engager en son nom.
D'après la loi en vigueur au Cameroun, les quatre types d'entités
légales sont les associations, les coopératives, les Groupes
d'initiative Commune (GIC) ou les Groupes d'Intérêt Economique
(GIE). Cependant, aucune de ces entités n'est adaptée au contexte
social et administratif de la zone, et de ce fait, une faible appropriation des
FC par les populations locales est souvent constatée.
Autre problème, le « noyautage » des FC par
les élites externes ou internes qui contrôlent, parfois à
leur seul profit, les retombées positives de la gestion des FC. Une
marginalisation de certains groupes sociaux : de manière
générale, certains groupes sociaux tels que les peuples
autochtones de la forêt, les femmes. Les allogènes
forcément sont défavorisés dans le processus de foresterie
communautaire actuel. Leurs besoins sont très rarement pris en compte
dans la gestion de la FC et en reçoivent rarement les
bénéfices équitables ou justes. Ce qui peut entrainer des
conflits entre différents groupes sociaux.
2. L'implication des femmes
À l'exemple de ce qui se passe dans les autres parcs du
bassin du Congo, les femmes des forêts du Cameroun jouent un rôle
significatif dans la gestion des forêts. Que ce soit en pratiquant
l'agroforesterie traditionnelle ou en collectant du bois de chauffe et des
produits forestiers non ligneux (PFNL) pour se nourrir, nourrir le
bétail, se soigner ou générer des revenus. La
réalité du terrain démontre que les femmes, au même
titre que les hommes sont activement engagées dans les activités
de gestion et d'utilisation des forêts et des ressources
forestières.
108Association Sanguia Buka Buma'a Kpode est l'une des
plus importantes associations pygmée Baka dans le bassin du Congo.
41
En effet, les activités dans la forêt sont
réparties en fonction des sexes. Toutefois, bien que leurs rôles
soit bien définis, il n'en demeure pas moins qu'elles sont reconnues
comme main d'oeuvre plutôt que comme des actrices majeures de la gestion
des ressources forestières109.
PARAGRAPHE II : ZONAGE PARTICIPATIF ET
GESTION INTEGREE DE LA PERIPHERIE DUPNL
D'après Lawrence Olivier, « La vie en commun
ne doit pas seulement être possible, cela ne peut pas être une
simple possibilité (au sens d'hypothèse), il faut que chacun y
voit aussi son intérêt, qu'il soit concerné,
c'est-à-dire qu'il adhère non seulement par contrainte à
la communauté (le pire moyen d'adhésion en l'absence d'un ordre
transcendant), mais parce que celle-ci peut être avantageuse dans la
poursuite de ses fins. »110
En ce sens, la répartition de la zone tampon du parc
national de Lobéké en espaces d'aménagement pour les
communautés riveraines participe de la stratégie
d'intégration du PNL. Ce zonage se décline sous la forme de ZIC
(A) et ZIGC (B).
A. Les ZIC
Au parc national de Lobéké (PNL), la chasse
sportive est pratiquée dans le cadre de safaris ouverts à des
chasseurs amateurs dans des zones spécifiques qui sont affermées
par l'Etat camerounais à des guides professionnels.
Les Zones d'Intérêt Cynégétiques (ZIC)
au PNL sont :
- Du domaine permanent, assimilées à des aires
protégées ;
- Exploitées par l'administration en charge de la
faune, ou en affermage par une personne physique ou morale, ou une
collectivité locale.
Si ces zones d'exploitation sont l'objet de convoitise de la
part de nombreuses firmes internationales, la transparence dans l'attribution
des permis d'exploitations reste assez complexe. Les questions sur ce domaine
extrêmement lucratif sont très souvent mal perçues et les
gestionnaires (généralement des safaris étrangers)
confirment le peu d'informations disponibles sur ce domaine.
La simple évocation du mot safaris dans certaines zones
périphériques du parc national de Lobéké suffit
à créer des tensions. Ces exploitants sont accusés par les
populations locales d'abus dans leur traitement lorsqu'elles sont
utilisées comme guides de chasse. Aussi, ces populations se plaignent
des intrusions de ces safaris hors des zones qui leurs sont assignées
par les autorités. Si ces phénomènes sont observables tant
dans les ZIC que dans les ZICGC, des efforts de coopération et
d'implication sont beaucoup plus perceptibles au niveau des ZICGC (Zone
d'Intérêt Cynégétiques à Gestion
Communautaire zones).
109Eulalie Guillaume,« La foresterie
communautaire : Opportunité ou chimère pour les femmes du Bassin
du Congo », Fern, 2018, p. 28.
110Ernest Orlando Lawrence, « Vouloir vivre
ensemble et science », in O., Lawrence et al., Epistémologie de
la science politique, Presses de l'Université de Québec,
1998, p. 109.
42
Figure 06 : ZIC et ZICGC en périphérie du
PNL. Source : Zela, 2021.
B. Les ZICGC
Les Zone d'Intérêt Cynégétiques
à Gestion Communautaire (ZICGC) au PNL sont :
- Le produit d'une révision de la notion de territoire
de chasse prévue par le décret no95/466/PM du
20juillet 1995 ;
- L'établissement de la « Convention de
Mambélé » en juin 1999, dont les propositions
sont officiellement entérinées par
l'arrêté ministériel no1236 du 20 septembre 2000 ; - Les
ZICGC peuvent s'étendre sur des unités forestières
d'aménagement (UFA) et des
aires protégées ;
- Elles sont gérées localement par des
Comités de Valorisation des Ressources Fauniques (COVAREF), qui ont
statut d'association.
Si ce modèle de gestion participative est clairement
une avancée dans le partage des bénéfices des forêts
périphériques du PNL, des améliorations sont à
envisager pour une gestion optimale. Il s'agirait par exemple de :
- Clarifier et rendre transparent le processus d'attribution
des zones de chasse pour sélectionner les meilleures guides sur la base
de leurs compétences avérées ;
- Simplifier la réglementation, notamment pour les
COVAREF qui disposent de faibles sommes d'argent devant être
essentiellement allouées à la gestion de la zone de chasse et au
développement local ;
- Mettre en place des incitations pour appliquer la
réglementation sur le terrain en matière de gestion des
populations animales, de contrôle des pratiques de chasse ou de respect
de cahiers des charges ;
43
- Solutions alternatives : la privatisation du contrôle
de la chasse sportive, avec la délivrance d'un label privé de
gestion durable ;
- Favoriser l'éclosion de l'écotourisme.
En effet, la conservation de la biodiversité
nécessite une approche globale des enjeux. Bien que des
spécificités existent au niveau international, les conventions et
accords semblent tous revêtir en commun la volonté d'inverser la
perte continue de la biodiversité. La biodiversité constitue un
enjeu géostratégique, scientifique, économique et aussi
culturel pour les acteurs internationaux et sous régionaux dans le
bassin du Congo.
De ce fait, le chapitre suivant fera un aperçu des
liens de causalités parfois complexes entre les relations
internationales au sens ontologique et les mécanismes d'absorption et de
diffusion des politiques de conservation de la biodiversité dans la
sous-région comme la COMIFAC.
CHAPITRE II :
LES RELATIONS INTERNATIONALES ET LA CONSERVATION DE LA
BIODIVERSITE DANS LE BASSIN DU CONGO
44
Comment expliquer le paradoxe récurrent entre l'ampleur
des enjeux environnementaux et la faiblesse des politiques pour y
répondre ? Pourquoi, en dépit de l'accumulation de preuves
scientifiques, de l'urgence d'agir, des pressions de l'opinion publique, des
discours souvent emphatiques sur le sujet ; les Sommets internationaux sur
l'environnement débouchent-ils le plus souvent sur un cuisant constat
d'échec ? Quels sont les principaux acteurs, les ressorts et les effets
réels des politiques internationales sur l'environnement et les
communautés qui en dépendent? Dans quelle mesure les pays du
Bassin du Congo peuvent-ils réellement coopérer pour
définir et faire respecter des accords internationaux sur des enjeux
essentiels tels que le réchauffement climatique, la protection de la
biodiversité ou encore la promotion du développement durable?
Pour ainsi reprendre les interrogations de Philippe Le Prestre
(L'un des `pères' de l'écopolitique) dans le contexte
camerounais, nous examinerons l'encadrement international et sous
régional de la conservation de la biodiversité pour les pays du
bassin du Congo. Dans ce deuxième chapitre, il sera plus
précisément question d'analyser les schémas de transfert
des politiques internationales de conservation de la biodiversité dans
le bassin du Congo et au Cameroun en particulier. Au travers des protocoles de
Nagoya et la CITES, nous examinerons le contexte international et ses
répercussions directes ou indirectes sur le modèle de gestion des
forêts dans la sous-région (Section I) et la déclinaison
décentralisée au plan national (Section II).
SECTION I : LE CONTEXTE INTERNATIONAL DE LA
CONSERVATION DE LA
BIODIVERSITE
La diplomatie contemporaine sous sa forme multilatérale
englobe aujourd'hui de façon croisée tous les acteurs et enjeux
internationaux : guerre et paix, droits humains, commerce, environnement, etc.
Stricto sensu, la diplomatie multilatérale met en relation un
minimum de trois États. En pratique, elle rassemble couramment des
dizaines d'États (représentés par leurs diplomates et
leurs délégations mais aussi des multinationales) et un nombre
croissant d'acteurs non étatiques. La diplomatie multilatérale a
longtemps été organisée sous forme de conférences
ad hoc. Depuis la création de la Société des
nations (SDN) puis de l'Organisation des Nations Unies (ONU), elle s'incarne
aussi beaucoup dans les organisations internationales111.
La conservation de la biodiversité dans le bassin du Congo
dans cet ordre d'idée fait
intervenir un nombre important d'acteurs et d'instruments
internationaux. Les accords et
111FranckPetiteville,D., Placidi-Frot,« La
diplomatie multilatérale », in Balzacq, T. (dir.) et al.,
Manuel de diplomatie, Paris, Science Po, 2018, p. 53.
45
conventions comme le protocole de Nagoya et la CITES,
ratifiés par les États membres du bassin du Congo sont ou
devraient être adaptés au contexte sous régional par les
institutions supra nationales comme la COMIFAC (Commission des Forêts
d'Afrique Centrale).
Dans cette section nous ferons une analyse du protocole de
Nagoya et de la CITES (Paragraphe I) puis une tentative de décryptage de
leur appropriation au niveau de la COMIFAC (Paragraphe II).
PARAGRAPHE I : TENTATIVE D'INTERPRETATION DU PROTOCOLE DE
NAGOYA ET DES OBJECTIFS D'AICHI
D'après Jose Do Nascimento, « Durant la
colonisation, les puissances coloniales avaient organisé la mise en
valeur des ressources africaines selon une logique d'exploitation qui ne
produisait des bénéfices et avantages qu'au seul profit des
grandes compagnies concessionnaires et des métropoles coloniales. La
mise en valeur des ressources africaines sous l'angle de la rentabilité
externe est encore aujourd'hui la logique selon laquelle les multinationales
mettent en valeur les ressources africaines dans un contexte post colonial
».112
A. Le protocole de Nagoya et les objectifs d'Aichi en
2022 1. Les objectifs du protocole
La Convention sur la diversité biologique (CDB) a
été ouverte à la signature le 5 juin 1992, lors de la
Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le
développement (le « Sommet planète Terre » de Rio) et
est entrée en vigueur le 29 décembre 1993. La Convention est
encore le seul instrument international complet sur la diversité
biologique. La Convention a trois objectifs : la conservation de la
diversité biologique, l'utilisation durable de ses
éléments constitutifs et le partage juste et équitable des
avantages découlant de l'utilisation des ressources
génétiques113. À la suite de la CDB, de
nombreux accords internationaux vont tenter d'enrayer la perte continue de la
biodiversité. Le protocole de Nagoya reste l'un des plus ambitieux de
ces dernières décennies.
Le Protocole de Nagoya sur l'accès aux ressources
génétiques et le partage juste et équitable des avantages
découlant de leur utilisation relatif à la Convention sur la
diversité biologique a été adopté à la
dixième réunion de la Conférence des Parties, le 29
octobre 2010, à Nagoya, au Japon, après six ans de
négociations. En encourageant l'utilisation des ressources
génétiques et des connaissances traditionnelles associées
à celles-ci, et en consolidant les occasions de partage juste et
équitable des avantages découlant de leur utilisation, le
Protocole devait contribuer à stimuler la conservation de la
diversité biologique, l'utilisation durable de ses
éléments constitutifs, accroitre la contribution de la
diversité biologique au développement durable et au
bien-être humain.114Mais rendu en 2022 quel est le bilan de
cette convention rendu à son terme en 2020 ?
112José Do Nascimento,« La pensée
politique de Cheikh Anta Diop », Paris, l'Harmattan, 2020, p. 113.
113 CBD, Protocole de Nagoya sur l'accès aux ressources
génétiques et le partage juste et équitable des avantages
découlant de leur utilisation relatif à la convention sur la
diversité biologique, Montréal, 2012, p. 1.
114 Ibid., p. 1.
46
L'UICN dans l'un de ses rapports sur le protocole de Nagoya
précisait qu'au niveau national, les États signataires
s'engageaient à :
« Améliorer la qualité de la
gouvernance des AP, ainsi qu'à garantir la participation pleine et
entière des communautés locales et autochtones aux structures de
gestion et de gouvernance des AP de façon à améliorer
leurs moyens de subsistance, leur accès aux ressources naturelles, ainsi
qu'un partage équitable des avantages tirés des aires
protégées ».115
Il était déjà nécessaire de porter
sans attendre toute l'attention à l'élaboration d'un cadre, de
normes, d'instruments et d'indicateurs internationaux pour l'évaluation
sociale des aires protégées, et d'en tenir compte pour
évaluer l'efficacité de la gestion des AP. Il demeure à ce
jour important de fournir des renseignements sur l'évaluation sociale
des projets et programmes de conservation. Que des données
précisent sur les avancées majeurs et les retours
d'expériences de terrain soient introduits dans la base de
données mondiale sur les aires protégées (WDPA) afin
d'améliorer les négociations au niveau international et la prise
de décision au niveau national.
Figure 04 : Mécanisme d'accès et de
partage des avantages des AP. Source : Introduction à l'accès
et au partage des avantages, Montréal, Secrétariat de la
Convention sur la diversité biologique, 2011, p. 4.
115UICN, « Améliorer la contribution
des aires protégées à la conservation de la
biodiversité- Le rôle du Programme de travail sur les aires
protégées (PTAP) de la CDB : déclaration de position
», p. 1.
47
Du protocole de Nagoya va déboucher le Plan
stratégique 2011-2020 de la mise en oeuvre des « Objectifs d'Aichi
». Il proposait que pour inverser la perte continue de la
biodiversité, il était impératif d'aborder les causes
sous-jacentes comme la pauvreté et l'éducation. Il
préconisait déjà de commencer à prendre des mesures
stratégiques, afin de gérer, dans une perspective de long terme,
les causes sous-jacentes de l'appauvrissement de la diversité biologique
dans les zones prioritaires de la biodiversité comme les bassins de
l'Amazonie, du Congo et du Mékong. Toute chose qui nécessitait
une cohérence des politiques générales, ainsi que
l'intégration de la diversité biologique dans l'ensemble des
politiques et stratégies de développement national, dans les
secteurs économiques, et à tous les niveaux de planification des
gouvernements.
Les approches stratégiques pour parvenir à ceci
devaient alors inclure nécessairement la communication,
l'éducation et la sensibilisation du public, la coopération, etc.
Les parties prenantes de tous les secteurs des gouvernements, de la
société et de l'économie, y compris le milieu des
affaires, devaient être impliquées en tant que partenaires, pour
mettre en oeuvre ces mesures. Les conservateurs et les citoyens devaient
être mobilisés pour contribuer à la conservation et
l'utilisation durable de la diversité biologique afin de réduire
considérablement l'empreinte écologique et soutenir l'action des
gouvernements.
2. Les recommandations du protocole
En 2022, Les enjeux pour les pays du bassin du Congo restent
les mêmes. Pour rappel, il serait important de ne pas oublier que :
« L'utilisation des ressources
génétiques est bien souvent associée à des
connaissances traditionnelles. Bien avant l'exploitation à grande
échelle de certaines ressources génétiques par le secteur
biotechnologique occidental, nombre de communautés autochtones et
locales (CAL), dans le monde entier, identifiaient déjà les
propriétés particulières des ressources naturelles
disponibles dans leur environnement pour en développer des utilisations
et des innovations. »116
La nécessaire implication totale des populations
locales et autochtones demeure une recommandation fondamentale
héritée du protocole de Nagoya.
D'autres recommandations des évaluations sur
l'efficacité de la gestion des aires protégées dans le
bassin du Congo devraient être mises en oeuvre et intégrées
dans d'autres évaluations (Par exemple: Financement durable et
innovant), afin d'attirer et d'orienter l'allocation des ressources
financières destinées à la mise en oeuvre de ces
recommandations. L'UICN souligne cependant la nécessité de
coordonner la mise en oeuvre des stratégies locales avec d'autres
conventions, accords et programmes relatifs à l'environnement (RAMSAR,
Convention du patrimoine mondial de l'UNESCO, Programme pour l'homme et la
biosphère de l'UNESCO, CCNUCC et CDD, etc.), ainsi qu'avec d'autres
programmes de travail de la CDB comme la CITES, afin d'améliorer
l'efficacité des actions117.
B. La CITES
116Brendan Coolsa, et J., Pitseys, «
Biodiversité et ressources génétiques : la Belgique et le
protocole de Nagoya », Courrier hebdomadaire du CRISP, N°
2226, 2014, p. 7.
117 Ibid., p.7.
1. 48
Le rôle de la CITES
La CITES (Convention internationale sur le commerce des
espèces menacées de faune et flore sauvage) fut adoptée le
03 mars 1973 par quatre-vingt États réunis à Washington.
Entrée en vigueur le 1er juillet 1975, et modifiée
deux fois depuis, 118elle répond à une menace
clairement identifiée par les scientifiques : l'impact du commerce, en
constante augmentation, des espèces sauvages. Menace toujours actuelle
puisque ces activités représentent chaque année plusieurs
milliards de dollars. Ce commerce, dont l'impact sur les espèces
vivantes est plus qu'évident puisqu'on estime à des centaines de
millions le nombre de spécimens de plantes ou d'animaux qu'il
touche,119est extrêmement difficile à
réglementer ; notamment du fait de l'importance des échanges
illicites.
La part de marché des échanges illégaux
d'espèces est en effet estimée à 25 % des échanges
mondiaux pour un revenu d'environ cinq milliards d'euros120. En
parallèle, certaines études estiment qu'environ vingt-sept mille
espèces disparaissent chaque année, soit environ
soixante-quatorze espèces par jour. Ces chiffres, en constante
augmentation depuis 1973 témoignent du déclin mondialement
constaté de la biodiversité et montrent la pertinence de la CITES
comme instrument de gestion des espèces sauvages121.
De manière liminaire, il est important de rappeler que
la CITES, loin d'être un traité global de protection des
espèces sauvages, est une convention portant uniquement sur le commerce
international des espèces menacées. Le niveau de « menace
», tel qu'envisager dans le cadre de la CITES, est le résultat
d'une équation entre le niveau de conservation des espèces et
l'impact sur leurs populations d'une menace anthropique : le commerce. La
notion d'espèces menacées d'extinction (dont le commerce devrait
être interdit) et celles qui ne sont pas encore menacées
d'extinction (dont le commerce peut être autorisé)122.
C'est sous l'emprise de ces deux qualifications de la menace que seront
adoptées les réglementations commerciales adéquates pour
les espèces concernées.
Si l'impact des règlementations CITES sur la gestion
de la diversité biologique est évident, il est nécessaire
de comprendre que la Convention est avant toute autre chose un instrument
économique. La protection induite n'est donc ni spatiale ni uniquement
fondée sur les critères biologiques mais bien la
conséquence directe de la gestion d'une
activité123.
2. Le fonctionnement de la CITES
En tant que convention de première
génération, la CITES possède un système de
fonctionnement relativement simple. Il repose entièrement sur trois
annexes dans lesquelles
118Amendement de Bonn le 22 juin 1979 et amendement
de Gaborone le 30 avril 1983. [En ligne «
www.cites.org » consulté
le 05/07/2022 à 20 : 37]
119Karin Wisenius, Conflicts of Norms and
Jurisdictions Between the WTO and MEAs - Including Case Studies of CITES and
the Kyoto Protocol, University of Gothenburg, 2009, p. 47.
120Françoise Comte, « Environmental
Crime and the Police in Europe: A Panorama and Possible Paths for Future
Action», European Environmental Law Review, vol. 15, n° 7,
2006, p. 198.
121 Edward Osborne Wilson, « Extinction la nouvelle vague
», UNESCO Le Courrier. 2000, p. 15. [En ligne : «
http://www.unesco.org »
consulté le 05/07/2022 à 21h15]
122 CITES, « Interprétation et application de
la Convention, Réexamen de l'expression à des fins principalement
commerciales », COP 8 Doc 8.49 (Rev.), Kyoto, 2 au 13 mars 1992.
123 Alexandre Kiss, Jean-Pièrre Beurrier,Droit
international de l'environnement, Paris, Pedone, 3e éd., 2000, p.
233.
49
sont listées des espèces en fonction de
l'importance de la menace pesant sur leur survie. De ce classement
dépend l'autorisation ou l'interdiction du commerce de telle ou telle
espèce animale ou végétale.
v L'annexe I recense « toutes les espèces
menacées d'extinction qui sont ou pourraient être affectées
par le commerce » ; il ne s'agit donc pas de protéger
indifféremment toutes les espèces menacées d'extinction,
mais bien seulement celles dont le commerce pourrait causer l'extinction. Pour
les espèces citées en annexe I, le commerce « ne doit
être autorisé que dans des circonstances exceptionnelles » et
est totalement prohibé s'il n'a qu'un but commercial. Au-delà de
l'impact du commerce qui doit être démontré, les
espèces classées en annexe I doivent donc être «
menacées d'extinction ». Un seuil de menace, fondé sur des
critères biologiques, a donc été défini : une
espèce sera considérée comme menacée d'extinction
quand sa probabilité d'extinction sera de 50% avant cinq ans ou 20%
avant dix ans.
v L'annexe II comprend, quant à elle, « toutes
les espèces qui, bien que n'étant pas nécessairement
menacées actuellement d'extinction, pourraient le devenir si le commerce
des spécimens de ces espèces n'était pas soumis à
une réglementation stricte ». Cette annexe comprend
également certaines espèces qui doivent faire l'objet d'une
réglementation, afin de rendre efficace le contrôle du commerce
des spécimens d'espèces déjà inscrites. Le commerce
des espèces de l'annexe II est en principe autorisé, mais sous
réserve d'effectuer toutes les formalités contenues dans
l'article IV de la convention.
v L'annexe III comprend enfin « toutes les
espèces qu'une partie déclare soumises, dans les limites de sa
compétence, à une réglementation ayant pour but
d'empêcher ou de restreindre leur exploitation, et nécessitant la
coopération des autres parties pour le contrôle du commerce
»124.
Pour répondre aux exigences de ces conventions
internationales, l'Afrique centrale s'est doté un instrument
décisionnel en matière de conservation de la biodiversité
et de gestion des forêts.
PARAGRAPHE II : LA COMMISSION DES FORÊTS D'AFRIQUE
CENTRALE (COMIFAC)
D'après le ministre camerounais des forêts et de
la faune (MINFOF), « Le premier Sommet des chefs d'États
d'Afrique Centrale sur les Ecosystèmes des forêts denses et
humides s'est tenu à Yaoundé en mars 1999 sous l'impulsion du
président Paul BIYA. La COMIFAC est l'émanation de ce processus
125». Cette institution sous régionale relativement
jeune est le coeur de la politique de gestion des forêts du bassin du
Congo.
Dans ce paragraphe, nous ferons un rappel de son historique et
son fonctionnement (A) dans un premier temps et par la suite nous examinerons
son principal outil d'implémentation : Le plan de convergence 2015-2025
(B).
124Deleuil Thomas, « La CITES et la protection
internationale de la biodiversité », In: Revue Juridique de
l'Environnement, numéro spécial, Évaluation
environnementale et gestion de la biodiversité, 2011, p.4.
125 COMIFAC News, « La COMIFAC fête la
déclaration de Yaoundé 20 ans, 2ème trimestre
2019 (No17), 2019, p.10.
50
A. Historique et fonctionnement de la COMIFAC
1. Historique de la COMIFAC
La commission des forêts d'Afrique centrale (COMIFAC)
est née de la volonté des chefs d'États d'Afrique centrale
qui en mars 1999 se sont réunis à Yaoundé dans le cadre du
1er sommet des chefs d'États et gouvernements sur la gestion durable des
écosystèmes forestiers d'Afrique centrale, sommet au terme duquel
une Déclaration dite « Déclaration de Yaoundé »
a été adoptée et dont la déclinaison
opérationnelle est le plan de convergence. La COMIFAC est un instrument
très essentiel pour la sous-région d'Afrique centrale voire pour
l'Afrique tout entière à en juger par les positions communes
prises lors des foras internationaux qui traitent des problématiques des
forêts et de l'environnement126.
Figure 05 : Paysage institutionnel de la COMIFAC.
Source : COMIFAC news, No 17, 2ème trimestre
2019.
2. Fonctionnement de la COMIFAC
Les politiques nationales de gestion des
écosystèmes forestiers présentent le principal
inconvénient de briser l'unité géographique des massifs
forestiers qui relèvent de la juridiction de plusieurs États. Par
conséquent, l'appropriation nationale de la forêt participe, dans
une certaine mesure, à la déstructuration de la
biodiversité au sens global. La multiplication et la diversité
des législations nationales apparaissent donc comme des contraintes
supplémentaires qui méritent d'être levées. Car
chaque État adopte ses lois et règlements sur la base de ses
intérêts et, sans toujours tenir compte des besoins
d'harmonisation. En outre, les uns et les autres ne disposent pas toujours des
ressources financières, matérielles et de l'expertise
126 COMIFAC news, op. cit. p. 11.
51
nécessaires à la conservation appropriée
de la forêt et de ses ressources. La prise de conscience de ces facteurs
justifie l'adoption de mesures au plan sous régional.
Sur le plan financier, l'article 20 du Traité indique
que « le financement de la COMIFAC est assuré par une contribution
obligatoire des États membres selon un principe égalitaire ou
conformément à un mécanisme de financement indexé
sur un taux appliqué à la somme des recettes
réalisées sur les produits forestiers et fauniques
exportés. Toutefois, la COMIFAC peut rechercher des financements
additionnels, notamment auprès des partenaires au développement.
Le montant de la contribution annuelle obligatoire des États est
fixé par le conseil des ministres sur proposition budgétaire
préparée par le Secrétariat Exécutif. Tout
État qui ne remplit pas ses obligations financières perd son
droit de vote ainsi que tout appui de l'organisation jusqu'à
régularisation. La COMIFAC est habilitée à recevoir des
dons, des legs. La COMIFAC est ouverte à tout autre mode de financement
susceptible d'accroitre ses ressources sans porter atteinte à ses
objectifs. » À cette effet, le Conseil des ministres de la COMIFAC
a fixé la contribution égalitaire à 45 000 000
(quarante-cinq millions) de francs CFA, soit environ 90 000
USD127.
Les revenus de la contribution obligatoire des États
membres ont progressivement rétrécis au cours des
dernières années ; peu de pays s'acquittent de leurs
contributions égalitaires. Cette situation est due d'une part aux
difficultés financières que rencontrent la plupart des
États membres, mais aussi et surtout à leur appartenance à
plusieurs autres organisations, aussi bien au niveau sous régional,
régional, qu'international. Par ailleurs, la conjoncture
financière internationale, marquée par une instabilité des
cours des matières premières qui sont les principales sources de
revenus des pays ne facilite elle non plus le respect par certains États
de leurs engagements vis-à-vis de la COMIFAC128.
La COMIFAC comporte trois principaux organes, selon l'article 6
du Traité :
· Le Sommet des chefs d'États et de gouvernement
;
· Le Conseil des ministres ;
· Le Secrétariat exécutif.
Les deux premiers Sommets des chefs d'États et de
gouvernement se sont tenus à Yaoundé en 1999 et en 2005 à
Brazzaville. Le deuxième organe c'est le Conseil des ministres qui est
composé des ministres en charge des forêts et/ ou l'environnement
de chaque État membre. Il est l'organe de décision, de
coordination et de contrôle de la mise en oeuvre des politiques en
matière de gestion durable des écosystèmes forestiers
d'Afrique centrale. Le conseil des ministres se tient en session ordinaire tous
les deux ans. Des sessions extraordinaires peuvent être convoquées
par le président en exercice, sur demande des 2/3 des membres. À
défaut, une nouvelle session se tient, sans aucune exigence de quorum,
à une date ultérieure. Le Président en exercice du Conseil
de ministres est le ministre en charge des forêts du pas assurant la
présidence de la COMIFAC. Son mandat est de deux ans129.
127 Ibid., p.12.
128 Ibid., p.13.
129 Idem.
52
Au cours de ces sessions, les ministres font le point sur les
problèmes liés au fonctionnement de l'institution aussi bien sur
les plans organisationnels, techniques, que financiers. Lesquels proposent ou
instruisent le Secrétariat Exécutif de mener des actions en vue
de les résoudre. À ce titre, en 2007, les chefs d'États
ont fait de la COMIFAC un organe spécialisé de la CEEAC ; Par la
suite ils ont instruit la CEEAC de procéder à la rationalisation
des organisations sous régionales.
Les Coordinations Nationales COMIFAC sont les relais à
l'échelle nationale du secrétariat exécutif. Elles sont
appelées à travers leurs lettres de mission à adopter en
septembre 2006 à Malabo en Guinée Equatoriale, et
révisée à Brazzaville en début juin 2019 ; à
jouer un rôle prépondérant, aussi bien dans le suivi, la
coordination de la mise en oeuvre du plan de convergence, que dans l'animation
des fora nationaux regroupant tous les acteurs concernés par la
conservation et la gestion durable des écosystèmes forestiers.
Par décision No /D/MINFOF/SG/DCP du 07 Septembre 2017
portant création, organisation et fonctionnement de la Coordination
Nationale de la COMIFAC, la CNC Cameroun sous la direction de Mme Victoire
EHETH a été redynamisée. Dès lors elle a
mené plusieurs activités à savoir :
- Son installation suivie de l'inauguration de son immeuble
siège ;
- Formalisation du réseau des points focaux des
conventions ;
- Organisation de l'atelier de présentation du premier
rapport de mise en oeuvre des
directives sous régionales de la COMIFAC ;
- Organisation de la 17èmeréunion du
Partenariat pour les forêts du bassin du Congo
(PFBC) et de session extraordinaire des ministres de l'OCFSA du
24 au 27 octobre 2017 à
Douala ;
- Suivi du chantier de construction de l'immeuble siège de
la COMIFAC, du paiement
des locaux actuels de la COMIFAC et du paiement de la
contribution égalitaire ;
- Déclinaison des priorités du Plan de convergence
2 au niveau du cadre de planification
national à moyen terme qu'est le Cadre de dépenses
à Moyen Terme (CDMT) ;
- En avril 2016, un chantier et une table ronde sur la
vulgarisation du P s'était tenu à
Yaoundé, au cours desquels ce document avait
été largement diffusé ;
- Vulgarisation du P sur le site web du Ministère des
forêts et de la faune (MINFOF)
à travers la cellule de la communication ;
- Édition et diffusion du rapport 2016 de l'état de
mise en oeuvre des directives sous
régionales de la COMIFAC ;
- Suivi et réalisation du bilan de la mise en oeuvre du P
au niveau national à travers
son tableau de bord et le suivi de la plateforme suivi
convergence;
- Organisation d'un atelier de mise en cohérence des
indicateurs du P et ceux des
annuaires statistiques produits par le MINFOF ;
- Organisation du Forum National CEFDHAC ;
- Suivi des projets sous régionaux en lien avec le
processus COMIFAC, exécutés au
Cameroun (TNS, BSB YAMOUSSA, TRIPARTITE Tchad-Cameroun-RCA) ;
- Invitation du Secrétariat Exécutif aux
activités phares du ministère ;
- Eclairage de la hiérarchie sur tous les dossiers
concernant la COMIFAC ;
53
- Signature de plusieurs MoU avec les ONG, les PTF et les pays
à travers les ambassades pour l'accompagnement de la CNC, à
travers le MINFOF dans la mise en oeuvre du P ;
- Développement d'une base de données de toutes
les initiatives sous régionales mises en oeuvre au niveau du Cameroun
;
- Facilitation des missions des programmes et projets COMIFAC
mis en oeuvre au Cameroun ;
- Participation à toutes les rencontres
organisées par le SE COMIFAC ou ses partenaires ;
- Organisation d'un atelier de lancement de la campagne de
collecte de données du P ;
- Appui à l'élaboration des directives sous
régionales de suivi des ODD ;
- Organisation de l'atelier national de validation des
indicateurs de suivi des ODD dans les pays de l'espace COMIFAC : cas du
Cameroun ;
- Conduite des activités préparatoires de la
10ème session ordinaire du Conseil des ministres de la
COMIFAC qui a eu lieu à Yaoundé du 09 au 11 juillet
2019130.
À ce titre, il ne fait plus aucun doute que les
forêts du bassin du Congo jouent un rôle déterminant pour
l'Afrique et le reste du monde en termes de fourniture des biens et services
environnementaux, la régulation et la stabilisation du climat mondial.
Ces forêts n'appartiennent plus aux seuls pays de l'espace COMIFAC qui
les abritent, mais deviennent un bien de l'humanité tout entière.
Donc, les moyens de gestion ne devraient plus venir uniquement des pays qui
font déjà des efforts considérables mais de la
communauté internationale comme l'a voulue l'Assemblée
Générale des Nations Unies à travers sa résolution
5/214 du 22décembre 1999. Dix ans après Rio de Janeiro,
précisément à Johannesbourg en 2002 lors du Sommet sur le
Développement Durable, les partenaires qui accompagnent la COMIFAC se
sont réunis au sein d'une structure appelée Partenariat pour les
Forêts du Bassin du Congo (PFBC) pour appuyer les États sur le
plan technique et financier dans la mise en oeuvre des politiques
forestières. Les nombreuses réalisations obtenues par la COMIFAC
depuis sa création lui ont valu la reconnaissance et la
notoriété qu'elle a aujourd'hui tant sur le plan national, sous
régional qu'international.
Ces acquis faut-il le dire, sont à mettre en grande
partie à l'actif des pays membres mais aussi des appuis multiformes des
partenaires techniques et financiers. Ceux-ci contribuent aux cotés des
États à la mise en oeuvre du plan de convergence et surtout
à l'amélioration des performances que l'institution a su
acquérir au fil des années131.
B. Le Plan de Convergence 2 (P) 2015-2025 de la COMIFAC
1. Les résultats à mi-parcours
Après dix 10 ans de mise en oeuvre dudit Plan de
Convergence, l'on relève que des progrès majeurs ont
été enregistrés, notamment :
130 Ibid., p. 21.
131 Ibid., p. 14.
54
- la signature et la ratification des conventions
internationales majeures sur les forêts et l'environnement ;
- les réformes engagées au niveau des politiques
et législations forestières nationales ;
- l'augmentation de la superficie d'aires
protégées nationales et des complexes d'aires
protégées transfrontalières ;
- l'augmentation des superficies des forêts sous
aménagement et des forêts certifiées ;
- la diminution du taux de déforestation et de
dégradation des forêts ;
- l'adoption et l'internalisation au niveau national des
instruments juridiques, politiques et techniques d'orientation pour la gestion
durable, tels que les accords de coopération et de partenariat, les
directives et stratégies sous régionales relatives aux divers
domaines ;
- la création du Fonds pour les Forêts du Bassin
du Congo (FFBC) destiné à financer les priorités du Plan
de Convergence et la création d'un fonds fiduciaire pour la gestion du
complexe d'aires protégées trinational de la Sangha (TNS) auquel
appartient le parc national de Lobéké (PNL)132.
Ce plan énonce dans un premier temps les valeurs de la
COMIFAC, les hypothèses qui guident la réflexion au sein de
l'organisation et les axes stratégiques.
2. Valeurs et axes stratégiques du plan de
convergence 2 (P)
v Les valeurs
Le plan de convergence 2 (P) est arrimé aux
conventions, traités et accords internationaux, régionaux et sous
régionaux auxquels les pays de l'espace COMIFAC ont
adhéré. Il contribue essentiellement à la mise en oeuvre
des engagements des chefs d'Etats d'Afrique centrale énoncés dans
la déclaration de Yaoundé sur les forêts en mars 1999.
Ainsi, toute action ou initiative de gestion durable des
écosystèmes forestiers en Afrique centrale doit
systématiquement considéré les valeurs portées par
la Déclaration de Yaoundé et soutenues par la COMIFAC. Ces
valeurs se résument dans les quatre points ci-après :
- Le respect des droits de l'homme et des droits des peuples
autochtones : « Considérées comme des atouts
indéniables pour la conservation des ressources biologiques, leurs
connaissances doivent être promues et valorisées pour garantir le
développement socio-économique et culturel de ces populations et
procurer les services essentiels pour le bien être de l'homme et la
réduction de la pauvreté. »;
- La prise en compte du genre : « La stratégie
sous régionale pour la prise en compte du genre dans le Plan de
Convergence est l'outils de référence pour intégrer les
préoccupations et les aspirations des femmes aussi bien que celles des
hommes dans l'élaboration, la mise en oeuvre, le suivi et
l'évaluation des programmes de conservation et de gestion durable des
forêts des pays de la COMIFAC. » ;
- La coopération, le partenariat et la
solidarité : « Selon l'esprit de la Déclaration de Paris sur
l'efficacité de l'aide publique au développement, la formulation
et la mise en oeuvre des politiques nationales et instruments sous
régionaux de gestion durable des forêts doivent obéir aux
principes d'alignement, de synergie, de dialogue et de concertation entre les
parties. » ;
132 COMIFAC, Plan de convergence pour la conservation et la
gestion durable des écosystèmes forestiers d'Afrique centrale,
Édition 2015-2025, 2015, p. 14.
55
- La bonne gouvernance : « Toute action menée dans
le cadre du Plan de convergence doit par conséquent contribuer à
renforcer la bonne gouvernance forestière dans la région à
travers notamment une amélioration de la reddition des comptes , de la
transparence, de l'équité, de la participation, de la
redevabilité et de la subsidiarité, en particulier en lien avec
la lutte contre la corruption dans le secteur forêt-environnement de
l'espace COMIFAC »133.
Les différentes leçons tirées de la mise
en oeuvre du Plan de Convergence et les résultats des travaux des
différents ateliers tenus dans le cadre du processus de la
révision dudit Plan ont permis d'identifier des conditions de
réussite (hypothèses) ainsi que des risques qui pourraient
influencer l'atteinte des objectifs du P. Il s'agit entre autre de :
- L'engagement politique affirmé depuis le Sommet de
Yaoundé est maintenu : « les intérêts des
différentes parties prenantes à la gestion des
écosystèmes forestiers d'Afrique centrale sont parfois
divergents, de même que la prédominance des intérêts
de certains États (et même de certaines administrations à
l'intérieur d'un États).Ceux-ci ne doivent pas occulter
l'engagement de départ des États relatif à la vision
commune et la gestion concertée des écosystèmes forestiers
de la sous-région au risque de compromettre l'atteinte des objectifs du
Plan de Convergence. »;
- L'appropriation du Plan de Convergence par toutes les
parties prenantes est renforcée : « La non prise en compte des
priorités du Plan de Convergence par tous les acteurs pourrait avoir un
impact préjudiciable sur l'atteinte de objectifs communs de conservation
et de gestion durable des écosystèmes forestiers. » ;
- Les financements durables sont effectifs : « En effet,
l'irrégularité des financements extérieurs n'est pas de
nature à garantir l'atteinte des résultats dudit plan. »
;
- L'alignement et le soutien des partenaires internationaux
pour la mise en oeuvre du Plan de Convergence sont garantis : «
Malgré l'importance et le dynamisme du PFBC, l'aide internationale pour
la convergence des politiques forestières en Afrique centrale reste
globalement éloignée des standards prévus par la
Déclaration de Paris. » ;
- Les conditions de paix et de sécurité sont
maintenues : « Bien que la paix et la sécurité soient
assurées dans la plupart des pays, l'on observe encore ici et là
des zones de conflits qui entrainent des déplacements et migrations des
populations avec comme corollaire la dégradation de l'environnement
»134.
La stratégie sous régionale de conservation de
la biodiversité dans le bassin du Congo encadrée par le P
obéit à une vision énoncée telle que suit :
Les pays d'Afrique centrale gèrent durablement et d'une
manière concertée leurs ressources forestières pour le
bien-être de leurs populations, pour la conservation de la
diversité biologique et pour la sauvegarde de l'environnement mondial.
Le but étant d'arriver d'ici 2025 à une transition vers
une économie verte, les ressources forestières et fauniques des
pays d'Afrique centrale sont conservées efficacement et
gérées durablement de manière concertée pour
l'amélioration du bien-être des populations, pour la contribution
au développement économique des pays de la sous-région et
pour l'équilibre écologique de la planète. Cette vision se
traduit en 06 axes prioritaires d'intervention et 03 axes
transversaux135.
133 Ibid., p. 14.
134 Ibid., p. 18.
135 Ibid., p. 19.
v
56
Les axes stratégiques du plan de convergence 2
(P)
· Les axes prioritaires
- L'harmonisation des politiques forestières et
environnementales : « D'ici 2025, tous les pays d'Afrique centrale sont
dotés de politiques et législations forestières et
environnementales, et de cadres institutionnels appropriés, en
cohérence avec les politiques sectorielles et intégrant les
directives COMIFAC et les accords régionaux et internationaux. »
Indicateur 1.1 ;
- La gestion et valorisation durable des ressources
forestières : « D'ici 2025, l'intégrité des
domaines forestiers permanents de tous les pays d'Afrique centrale est
maintenue dans le cadre des schémas nationaux d'aménagement du
territoire. » Indicateur 2.1 ;
- La conservation et l'utilisation durable de la
diversité biologique : « La contribution du secteur
écotouristique aux PIB nationaux a augmenté de 20% dans tous les
pays d'Afrique centrale d'ici 2025.» Indicateur 3.1 B ;
- Lutte contre les effets du changement climatique et la
désertification : « Les superficies reboisées et ou
restaurées ont augmenté de 25% dans tous les pays d'Afrique
centrale d'ici 2025.» Indicateur 4.2 ;
- Le développement socio-économique et la
participation multi-acteur : « Le nombre de documents de propositions des
groupes vulnérables (jeunes, femmes, autochtones) pris en compte dans
l'élaboration des politiques forestières a augmenté de 25%
dans tous les pas d'Afrique centrale d'ici 2025. » Indicateur 5.2 ;
- Les financements durables : « Les besoins de
financement de la gestion durable des forêts sont couverts à au
moins 75% d'ici 2025 au niveau national et sous régional. »
Indicateur 6.1136.
· Les axes transversaux
- La formation et le renforcement des capacités :
« Développer, harmoniser et mettre en oeuvre les curricula et
programmes de formation adaptés aux exigences actuelles et future.
» ;
- La recherche et le développement : « Promouvoir
le dialogue entre les scientifiques et les politiques pour la valorisation
des résultats de la recherche.» ;
- La communication, la sensibilisation, l'information et
l'éducation : « Promouvoir la sensibilisation et
l'éducation environnementale. »137.
La mise en pratique du P au niveau national passe
inévitablement par une appropriation législative et juridique des
recommandations politiques de la COMIFAC. Les aires protégées qui
sont l'un des outils prioritaires de gestion durable des
écosystèmes de la sous région souffrent encore de
l'appropriation intégrale de ces objectifs.
SECTION II : LA GESTION DES AIRES PROTEGEES ET
L'ASSISTANCE TECHNIQUE DES POLITIQUES DE CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE DANS
LE BASSIN DU CONGO
Dans cette section nous présenterons succinctement
d'une part le système global de gestion institutionnelle et
décisionnelle des aires protégées dans la
sous-région (Paragraphe I) et d'autre part l'assistance technique et la
stratégie de gestion des aires protégées au Cameroun
(Paragraphe II).
136 Ibid., p. 30.
137 Ibid., p. 34.
57
PARAGRAPHE I : LES SYSTEMES DE GESTION DES AIRES
PROTEGEES DANS LA SOUS-REGION
D'après P. Bigombe Logo, « Les politiques et
les législations qui régissent aujourd'hui la gestion des
ressources forestières et fauniques au Cameroun et dans le bassin du
Congo sont encore largement tributaires de la période coloniale
138». En d'autres termes, les modèles de
gestion forestière dans le bassin du Congo en 2022 nécessitent
encore un examen.
Dans un premier temps, nous observerons la stratégie
sous régionale de gouvernance des aires protégées (A) et
par la suite nous proposerons des pistes d'améliorations de la gestion
des aires protégées dans le bassin du Congo (B).
A. La stratégie sous régionale de gestion
des aires protégées 1. Un constat mitigé
En dépit de l'augmentation continue des réseaux
d'aires protégées et des financements en Afrique centrale, ainsi
que des efforts internationaux et sous régionaux déployés
pour accroitre la performance des aires protégées, les objectifs
fixés ne sont pas toujours atteints. Le braconnage et les autres
pressions anthropiques continuent de s'exercer parfois avec des ramifications
dans d'autres domaines comme la sécurité alimentaire, la
santé, l'éducation, etc. Une réponse un tant soit peu
efficace à ces défis n'est envisageable que si la gouvernance des
aires protégées est améliorée.
Si la « bonne gouvernance » - partagée,
transparente, efficace est un facteur clé de la gestion efficiente des
aires protégées. Son absence peut conduire à des
résultats mitigés, malgré la mobilisation de moyens
financiers, humains et matériels importants. La bonne gouvernance ne se
décrète pas, c'est un processus évolutif de connaissances,
de pratiques et de normes qui doivent être adaptées à
chaque contexte. Qu'en est-il des aires protégées d'Afrique
centrale ? Leur gouvernance favorise-t-elle une participation inclusive et
effective de tous les acteurs ?
Par participation inclusive et effective ici nous entendons
l'implication des institutions gouvernementales, des communautés
locales, du secteur privé et de la société civile dans les
processus entiers de prise de décisions, en toute transparence et dans
le respect du principe de reddition des comptes aux parties-prenantes
concernées.139Ceci dans le respect des canons de
communication adaptés au public cible.
L'efficacité de gestion des aires
protégées dépend de nombreux facteurs parmi lesquels le
statut légal, des objectifs clairs de gestion et de conservation, le
type de gouvernance, les ressources humaines, le budget, la législation
en vigueur y compris dans d'autres secteurs, le contexte écologique et
socio-économique (présence de populations riveraines, projets
industriels, etc.). Tous ces éléments doivent être pris en
compte dans les plans d'aménagement des aires protégées ;
outils stratégiques indispensables pour le pilotage
138Patrick Bigombe Logo, J. J., Sinang, et Y.,
Zo'obo, « Les racines coloniales de la gestion des ressources
forestières et fauniques au Cameroun », in P. Batibonak (Dir.),
les indépendances inachevées en Afrique. Sur les chemins de
la reconquête, Yaoundé, Monange, 2020, p. 4.
139 EDAP, op.cit. 2020, p. 66.
58
de la gestion des sites. Ces plans doivent s'étendre
sur plusieurs années et faire l'objet d'une révision à
l'issue de cette période, à des fins d'améliorations. Ils
doivent ensuite être déclinés en plans de gestion annuels,
plans d'affaires et autres documents opérationnels140.
2. Quelques avancées
La gestion des aires protégées proprement dite
relève de ce qui est fait par les différents acteurs pour
atteindre des objectifs donnés. Malgré des progrès
considérables et l'utilisation de divers outils de mesure de
l'efficacité de gestion, les pays d'Afrique centrale sont
confrontés à d'importants défis en ce domaine. Les
gouvernements affectent en effet très peu de moyens et d'importance aux
aires protégées, contrairement à ce qui se fait
déjà bien mieux en Afrique de l'Ouest et Australe en particulier,
et dans une moindre mesure en Afrique centrale dans certains parcs au Gabon,
Congo et RCA.
Si la coopération internationale comble en partie ces
déficiences financières, un changement de paradigme dans la forme
des négociations entre le Sud et le Nord est nécessaire et passe
par une volonté politique nationale avant tout. Les politiques de
développement durable en Afrique centrale trainent à prendre
corps principalement en raison de nombreux déséquilibres dans le
jeu des acteurs internationaux. La priorité exclusive donnée au
renforcement des moyens financiers et humains sous sa forme actuelle
s'avérant incomplète pour une gestion efficace des aires
protégés141dans le bassin du Congo. On peut toutefois
observer que des mécanismes de gouvernance inclusive et
intégrée voient le jour.
La gouvernance publique des aires protégées
dans le bassin du Congo a fortement changé de visage au cours des
dernières décennies. Une majorité de parcs a
basculé du mode « gestion par un ministère » à
« gestion par une agence ». La création d'agences
indépendantes est supposée apporter plus d'efficacité dans
la gestion des aires protégées, en particulier en matière
budgétaire, mais aussi donner plus de confiance aux bailleurs de fonds
du fait d'une meilleure transparence dans l'utilisation des fonds. À
l'heure actuelle, on peut noter une meilleure capacité de ces
institutions à mobiliser des financements et une amélioration de
la transparence, de la visibilité des actions, de la création
d'outils d'aide à la gestion des AP.
Malgré tout, en l'absence d'études
spécifiques, il reste difficile d'évaluer
précisément les pours et les contres des deux formes de
gouvernance142. Toutefois, dans une optique d'efficacité, il
est possible d'envisager des pistes d'amélioration telles qu'une gestion
partagée comme c'est déjà le cas dans certains
États en Afrique centrale.
B. Des pistes d'amélioration de la gestion des
aires protégées dans le bassin du Congo
1. La reconnaissance du droit coutumier
Divers textes fondateurs ont établi la
souveraineté de l'État colonial sur la gestion de la faune et la
consécration des aires protégées, au sens moderne du
terme, comme instruments de
140 COMIFAC/OFAC, « État des aires
protégées d'Afrique centrale », 2020, p. 34.
141 CharlesDoumenge, F., Palla,P., Scholte, F., HiolHiol,
&A., Larzillière, (Eds.), « Aires protégées
d'Afrique centrale - État 2015. OFAC », Kinshasa,
République Démocratique du Congo et Yaoundé, Cameroun,
2015, p. 201.
142 EDAP, op.cit. 2020, p.76.
59
préservation des espèces et de la conservation
de la biodiversité. Après les indépendances, les
États d'Afrique centrale se sont dotés de législations,
certes nouvelles, mais encore largement héritées de ces textes
anciens.
Le sommet de Rio, 1992, et la tenue de plusieurs
congrès internationaux des parcs ont créé des conditions
favorables à l'intégration et la participation des populations
riveraines et de la société civile dans les instances de
gouvernance des aires protégées. Ces textes réaffirment la
souveraineté des États dans la gestion des aires
protégées, tout en réglementant de manière stricte
les droits reconnus aux organisations de conservation de la biodiversité
et aux populations locales autochtones. Comme conditions à une
collaboration inclusive dans la gestion des aires protégées dans
le bassin du Congo nous pouvons citer : La reconnaissance des droits d'usage
coutumiers, la participation dans les institutions de gouvernance des aires
protégées, la participation effective des femmes et enfants,
etc.
Actuellement, ces schémas structurels traditionnels
évoqués plus haut montrent leurs limites. Ils n'arrivent pas
à freiner le déclin de la faune, la poursuite du braconnage et
l'érosion de la biodiversité. Ils ne permettent pas aux aires
protégées de répondre efficacement aux attentes
légitimes des États et populations riveraines. Cette situation
peut s'expliquer par plusieurs facteurs, tels que l'augmentation des
populations en bordure ou dans les aires protégées, le rôle
consultatif et non décisionnel attribué à certaines
organisations issues des populations autochtones et communautés locales,
ou encore, les conflits qui persistent entre certaines communautés et
les gestionnaires.
2. L'intégration des populations autochtones dans
le processus décisionnel
La gouvernance efficace des aires protégées en
Afrique centrale exige une réforme approfondie, une révision et
une adaptation idoine du cadre juridique y relatif. Ce processus doit favoriser
et mieux encadrer une gouvernance partagée des aires
protégées entre les États, les organisations de
conservation de la biodiversité, la société civile, dont
font partie les populations locales autochtones. Elle se traduit, entre autres
par la mise en place d'une législation simplifiée et
cohérente, adaptée et opérationnelle. Cette nouvelle
approche se doit d'inclure la reconnaissance du patrimoine juridique
traditionnel, le développement d'une approche de conservation de la
biodiversité basée sur le respect des droits humains, et la
refondation de la coordination institutionnelle régionale et sous
régionale de la gestion des aires protégées.
Dans le cadre de la mise en place de la gouvernance
partagée ou gouvernance par les populations autochtones et
communautés locales, il est important de veiller à ce que tous
les organes représentatifs de ces populations acquièrent une
existence légale, de manière à ce que leur participation
soit inscrite officiellement dans les statuts de l'aire protégée
comme cela se fait peu à peu au parc national de Lobéké au
travers de mémorandum d'entente (MoU) entre le parc et les population
Baka. L'objectif étant de faire de ces populations autochtones «
assistées » jusque-là, de véritables assistants
techniques pour les services de conservation et les aires
protégées du bassin du Congo au regard de leurs connaissances
avérées de ces forêts.
PARAGRAPHE II : L'ASSISTANCE TECHNIQUE DES AP AU
CAMEROUN
60
D'après la Professeure Sarriette Batibonak, «
La question des indépendances africaines reste préoccupante.
Après avoir transcendé plus de cinq décennies,
après les proclamations en cascade des années 1960, en fait, la
situation de l'Afrique a juste changé d'appellation et de manifestation.
On est parti d'une méthode forte pour une autre plus douce et
très subtile.143».
Cette assertion de la professeure d'anthropologie est une
invitation à un questionnement approfondi sur l'assistanat technique
occidental au Cameroun dans le secteur de la conservation de la
biodiversité. À ce titre, nous examinerons les liens de
coopération technique de deux organisations internationales majeures
dans le domaine de la gestion des aires protégées au Cameroun :
GIZ (A) et WWF (B).
A. GIZ
1. La politique d'intervention allemande au
Cameroun
Sans qu'on ait pu en fixer le démarrage exact, la
coopération entre l'Allemagne et le Cameroun a connu assez tôt des
interventions dans le domaine de l'environnement, notamment dès 1982
avec le projet S.O.S. (Stratégie d'occupation des sols de la
région du Louti-Nord) dans l'Extrême-Nord (gestion des terres,
conservation de l'eau, bois de feu et reboisement). Projet inscrit dans le
cadre de la lutte contre la désertification. Ce projet était
conduit conjointement avec la coopération canadienne (ACDI) et l'ONG
CARE-Cameroun. Les résultats mitigés obtenus ont
été attribués en particulier aux insuffisances dans le
diagnostic préalable et dans la connaissance du contexte sociologique,
témoignant de la démarche peu participative du projet.
Ce type de constat, qui a été assez
général lors de la Conférence de Rio en 1992, ainsi que
celui de la nécessité d'une meilleure prise en compte du
rôle des populations locales dans la gestion des ressources naturelles
(GRN) ont été actés par la communauté
internationale, avec de surcroit une grande importance donnée à
la participation de l'ensemble des parties prenantes, auront été
un tournant décisif pour le Gouvernement du Cameroun avec la
création d'un « Ministère de l'Environnement et des
forêts (MINEF)» ; initiative suivie par la révision de la
politique sectorielle (1993) et celle des textes relatifs aux forêts
(1994 et 1995) et à l'environnement (1996).
Conduit au départ à travers de simples projets,
l'engagement de l'Allemagne en appui au gouvernement du Cameroun a
été progressivement structuré par le Ministère
fédéral pour la Coopération économique et le
développement (BMZ) qui s'est fixé en 1998 quatre pôles
d'intervention prioritaire :
- La santé publique,
- Le transport,
- La décentralisation, le développement
communautaire et la gouvernance,
143 Sarriette Batibonak, « Introduction : réveil
réflexif et (re)prise de conscience pour la libération finale
», in P., Batibonak, (dir.), indépendances
inachevées en Afrique, Yaoundé, Monange, 2020, p. 18.
61
- l'Environnement (concrètement la gestion durable des
ressources naturelles GDRN).
Le pôle environnement intitulé «Gestion
durable des ressources naturelles (GDRN)» se traduit par une
coopération bilatérale conduite au travers des outils propres au
BMZ : la GTZ (Agence allemande de coopération technique), le DED
(Service d'assistance technique), InWEnt (Agence pour la formation) et la KfW
(Institut de coopération financière, engagé depuis 2004
dans le secteur forêts environnement). S'y ajoutent, la Fondation
Friedrich Ebert (appui aux processus de démocratisation), des ONG et des
Eglises.
En 2010, GTZ, DED et InWEnt ont été
regroupés en une seule nouvelle agence : la GIZ. À ce jour, la
coopération allemande au Cameroun et dans la sous régions est
profondément ancrée sur les questions de politique climatique et
d'appui à la recherche dans au travers d'organismes comme la Konrad
Adenauer Stifung (KAS).
L'Agence allemande de coopération internationale
(GIZ), parallèlement aux autres initiatives bilatérales entre
l'Allemagne et le Cameroun notamment dans le cadre des échanges
étudiants, a favorisé l'intérêt politique d'autres
partenaires techniques comme les États Unis d'Amérique qui vont
développer des interventions dans le secteur tout comme les
coopérations britannique, canadienne, française,
néerlandaise, ainsi que des institutions et organisations
internationales (PNUD, Union européenne (UE), Banque mondiale (BM),
GEF/FEM, UICN, WWF, WCS, OIBT, SNV, Tropenbos ).
Simultanément à ce développement
d'actions pour la GRN et selon les orientations propres à chaque
coopération, un processus de concertation permanente s'est
développé entre les partenaires extérieurs, ainsi qu'entre
ces partenaires et les gouvernements, afin d'en améliorer la
complémentarité et l'efficacité. Ce processus a conduit
à une revue institutionnelle, lancée pour poser un diagnostic sur
le fonctionnement du secteur et les obstacles aux progrès
souhaités, puis à l'élaboration d'un véritable
programme gouvernemental basé sur les principes de
planification/budgétisation, action et évaluation
périodique de résultats. Construit dans une démarche
participative et itérative, le programme sectoriel
Forêts-Environnement (PSFE) est devenu en 2004 le cadre de l'action du
gouvernement et de ses partenaires, dont la GTZ/GIZ qui a poursuivi les efforts
déjà entrepris.
2. Les actions de la GIZ au Cameroun
La continuité d'action entre GTZ et GIZ est prise en
compte dans la suite par l'appellation «GTZ/GIZ» pour nommer l'Agence
quand on évoque l'ensemble de son intervention dans le pays. Recadrant
en permanence selon les évolutions du contexte institutionnel
camerounais et de celui de la sous-région (Bassin du Congo), ainsi que
des grandes thématiques au niveau mondial. Dans la vision globale du
«développement durable» qui est sienne depuis 1998, la
coopération allemande a accordé une place importante à
« l'aménagement des forêts ».
Afin de mieux cadrer le sujet et les enjeux, il convient en
préambule de préciser que la politique de gestion des
forêts et zones de chasses de la localité de Moloundou en
périphérie du PNL, avant la défaite Allemande durant la
seconde guerre mondiale, était dite douce comparativement au
système français qui a suivi. L'«Aménagement des
forêts», était une
62
priorité pour les Allemands. Ce système donnera
vie plus tard à la version adaptée aux forêts
communautaires actuellement largement vulgarisé. Le principe de
l'aménagement s'inscrit donc dans la durée car on ne saurait
entreprendre de telles études et planifier des travaux et
activités généralement coûteuses sans certaines
garanties de temps pour une bonne valorisation de l'investissement.
Au Cameroun, sont donc surtout concernées, les
forêts permanentes telles que définies par la loi (forêts
domaniales et communales), même si dans une moindre mesure les
forêts communautaires et forêts de particuliers devraient
l'être aussi (dès que leur vocation permanente est affirmée
par les propriétaires. Propriétaires qui peuvent aujourd'hui
être des particuliers). La plupart des forêts domaniales de
production sont constituées au Cameroun en «Unités
forestières d'aménagement (UFA)». Et, tout comme les
forêts de production, les «aires de conservation» aussi
appelées «aires protégées (AP)» sont
susceptibles d'être aménagées.
Selon les critères internationaux, est
considérée comme durable toute activité
économiquement viable, socialement acceptable et respectueuse de
l'environnement. Si à première vue l'aménagement forestier
peut être considéré comme une activité
répondant à ces critères, l'expérience montre que
c'est loin d'être aussi simple, tant pour les forêts de production
que pour la viabilité écologique. Le caractère socialement
équitable est difficile à respecter pour les aires
protégées ou ce sont les caractères socialement vivables
et la viabilité économique qui sont difficiles à
atteindre.
Pour répondre à ces enjeux beaucoup plus
techniques, d'autres organisations internationales comme le WWF se sont
positionné comme des partenaires gouvernementaux plus ancrés dans
la gestion technique des aires protégées au
Cameroun144.
B. WWF
1. Le WWF au PNL
La connaissance des interactions systémiques entre les
enjeux anthropiques, environnementaux, technologiques, inter et intra culturels
de la conservation de la biodiversité, demande un haut niveau de
formation dans la recherche scientifique. Le WWF est sans conteste l'un des
plus importants acteurs en matière de défense des valeurs
environnementales dans le monde. Bien que des rapports récents d'ONG
locales font état de nombreux cas d'ingérence, de stigmatisation
et parfois de violence physique de la part de certains assistants techniques
peu ou mal informés sur les enjeux culturels de la forêt pour les
populations riveraines des aires protégées au Cameroun.
Au parc national de Lobéké, le WWF apporte un
appui dans la gestion communautaire de la périphérie mais aussi
et surtout dans le suivi écologique. La logistique du parc est
assurée conjointement et parfois transversalement par le personnel du
MINFOF et celui du WWF. Les missions du parc sont systématiquement
soumises au contrôle financier et
144GIZ/ V., Eligne, « Bilan de 25 années
d'appui de la GTZ/GIZ à l'aménagement forestier durable au
Cameroun (1992-2013), 2014». [En ligne : «
https://docplayer.fr/89185666-Bilan-de-25-annees-d-appui-de-la-gtz-giz-a-l-amenagement-forestier-durable-au-cameroun-vincent-beligne.html
» Consulté le 23/06/2022 à 04h09].
63
technique du WWF. Y compris les patrouilles intelligentes, les
déplacements du conservateur dans le cadre des rencontres bi ou tri
nationales, les rencontres avec les organisations de la société
civile (OSC) et COVAREV, les différents partenaires financiers du parc
comme la fondation pour le tri national de la sangha (FTNS) et aussi les
touristes.
Ce transfert de politique sous régionale est
implémenté ou tout au moins devrait l'être sur le terrain
par le WWF et d'autres partenaires techniques145. Dans le but
d'optimiser le rôle de l'assistance technique au Cameroun et dans la
sous-région, certaines organisations supra nationales comme la
CA.WH. FI apportent des recommandations
techniques claires.
2. Les recommandations de la
CA.WH.FI pour une
optimisation de l'assistance technique
La
CA.WH.FI (Central africa world heritage
forest initiative / initiative pour le patrimoine mondial forestier d'Afrique
centrale) émet comme recommandations structurelles à
l'amélioration de l'assistance technique des aires
protégées :
- Créer ou redynamiser les Comités Nationaux du
Patrimoine Mondial dans le cadre de la mise en place des plateformes nationales
de concertation des différents acteurs concernés par la gestion
de sites inscrits ou potentiellement éligibles au Patrimoine Mondial
;
- Réaliser l'étude sur l'harmonisation des
législations relatives à la gestion de la faune tel que
programmée avec le RAPAC ;
- Réaliser l'étude sur la vulgarisation des
expériences de la RCA et du Cameroun sur la gestion de la faune (ZCV et
COVAREF) à engager en rapport avec RAPAC, ECOFAC, WWF-JENGI, FFEMRCA.
Dans ce cadre, il s'agit de manifester aux partenaires de la sous-région
l'intérêt de partager les données sur leurs
expériences et de susciter un débat en fonction des
résultats ;
- Poursuivre et intensifier le travail de communication sur
le Patrimoine Mondial, thématique qui n'a pas
bénéficié d'assez d'interventions au cours des
dernières années ;
- Maintenir et améliorer la formule consistant
à faire le point sur l'exécution des contrats et budgets à
l'occasion de chaque comité de pilotage, pour assurer davantage la
transparence dans la gestion du programme afin de renforcer la
visibilité et la confiance au sein des partenaires ;
- Veiller au respect des dates limites de soumission des
rapports financiers et techniques par les partenaires pour ne pas retarder les
paiements et par conséquent la réalisation des activités
dans les délais et les meilleures conditions ;
- Veiller à l'homogénéisation de la
qualité des rapports techniques et financiers ;
- Mettre la matrice de la coordination partiellement
actualisée en circulation auprès des différents
partenaires concernés pour achever sa mise à jour ;
- Etudier la possibilité de coordonner
l'évaluation finale des activités financées sur les fonds
du l'UNF d'une part et l'évaluation à mi-parcours de
activités financées par le FFEM
145Samuel Christian Tsakem, M. Tchamba, et R.B.,
Weladj, « Les gorilles du parc national de Lobéké
(Cameroun) : interactions avec les populations locales et implications pour la
conservation », Department of Biology, Concordia University,
Sherbrooke Street West, Montréal, Canada, 2009, P.1. [En ligne :
http://ajol.info/index.php/ijbcsConsulté
le 23/06/2022 à 06h01].
64
d'autre part, afin de réduire leurs coûts et
d'éviter dans la mesure du possible un double emploi ;
- Susciter une réflexion sur les modalités
d'une participation effective des partenaires du programme à la
célébration de l'évènement Yaoundé +10 ainsi
que celle des pays du Bassin du Congo au prochain Congrès Forestier
Mondial prévu à Buenos Aires en Argentine ;
- Etudier et améliorer les modalités de
distribution des publications, afin que celles-ci parviennent sans
complications aux administrations nationales et aux conservateurs des sites
concernés ;
- Valoriser les résultats de l'important atelier
organisé par le RAPAC avec les appuis de
CA.WH.FI, FAO et ECOFAC sur la
thématique de la conciliation des contraintes de la conservation avec
les besoins de développement socio-économique des populations
vivant dans la périphérie des aires protégées, en
allant au-delà des simples actes publiés, par la mobilisation des
financements nécessaires pour une mise en oeuvre effective des
recommandations très pertinentes adoptées au cours dudit atelier
;
- Introduire un axe d'intervention qui mettra un accent
particulier sur la contribution des aires protégées à
l'atténuation des changements climatiques ainsi que sur les mesures
à prendre pour l'adaptation des sites du patrimoine Mondial aux dits
changements ;
- Améliorer la gestion et consolider les sites du
Patrimoine Mondial existants créés dans le cadre du programme
CAWHFI, par la mise en place de mécanismes de financement durable. Une
piste à explorer par la valorisation des stocks de carbone et
mécanismes de reboisement ;
- Rappeler aux États, leurs engagements et obligations
en rapport avec la nomination des sites de leurs pays respectifs en
qualité de Réserves de biosphère ou de Sites du Patrimoine
Mondial ;
- Etudier dès maintenant les solutions viables et
déterminer avec les gouvernements des pays, les modalités de
prise en charge par les États des salaires des écogardes
actuellement payés par CAWHFI après la fin du programme
prévue en juin 2010 ;
- Prendre les modèles des textes juridiques de la RCA
et du Congo définissant le statut des écogardes pour proposer un
texte similaire aux autres pays, en vue de l'harmonisation des politiques et
législations, dans le cadre de l'étude programmée par le
RAPAC avec les appuis des programmes CAWHFI et ECOFAC. À cet effet, les
administrations des pays impliqués dans le programme CAWHFI doivent se
procurer ces textes pour les vulgariser auprès de leurs autorités
de tutelle respectives, avec les appuis et la facilitation des programmes du
RAPAC et de la COMIFAC ;
- Demander une intervention forte de la COMIFAC pour une
régulation plus rigoureuse146.
Dans ce contexte institutionnel et relationnel où l'on
relève facilement un foisonnement d'enjeux liés à
l'appropriation réelle des textes internationaux et le positionnement
technique et stratégique de certains partenaires internationaux, la
législation camerounaise pourrait- elle être efficace et
efficiente sur le long terme sans véritablement intégré
les paramètres comme les droits des peuples autochtones et les
impératifs de développement durable ? Dans le
146Rapport de la
CA.WH.FI, IVème
Réunion du comité de pilotage, 2008, [En ligne :
https://archive.pfbc-cbfp.org/docs/news/mars_avril2009/CAWHFI_actescomitepiltage_2009.pdf
, Consulté le 23/06/2022 à 05h17].
65
chapitre suivant, nous tenterons une critique constructive de
l'encadrement législatif camerounais afin d'en dégager de
potentielles améliorations.
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
En somme, cette partie nous a permis d'observer et commenter
le contexte global de la conservation de la biodiversité dans le bassin
du Congo. Il a été fait un constat mitigé qui comme nous
l'a démontré le premier chapitre contraste entre des
avancées politiques importantes et des enjeux sous-jacents encore peu ou
mal maitrisés comme les conflits homme grand singe, l'implication des
populations locales et autochtones, des femmes, le rôle
stratégique de certains assistants techniques internationaux, etc. Nous
avons également pu voir le rôle, l'historique et le fonctionnement
de la principale institution décisionnelle de la sous-région dans
la gestion politique des forêts à savoir la COMIFAC.
Cependant, le constat général est que la
gestion des aires protégées dans le bassin du Congo fait face
encore aujourd'hui à une présence occidentale pas toujours
bonifiée au travers de l'assistance technique parfois au
détriment des droits des populations locales et autochtones. Toutefois,
des avancées significatives sont observables au niveau du parc national
de Lobeke par exemple où la sécurité humaine des
populations riveraines est de plus en plus intégrée dans les
processus décisionnels du parc.
La gestion des forêts du bassin du Congo comme nous
l'avons vu, tend fortement vers des processus décisionnels beaucoup plus
intégrés. Aussi, les institutions sous régionales comme la
COMIFAC tendent tant bien que mal à diffuser les objectif du plan de
convergence à l'horizon 2025. Parmi les axes majeurs de ce plan figure
en grande ligne une meilleure absorption de tous les piliers et objectifs du
développement durable et une valorisation des ressources biologiques au
travers de l'écotourisme.
PARTIE II : LES ENJEUX CONTEMPORAINS DE
LA CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE FACE AU DEVELOPPEMENT DURABLE DANS LE
BASSIN DU CONGO
66
S'il est vrai que les réflexions sur la relation entre
les activités économiques et l'environnement étaient
déjà présentes dans la philosophie antique, elles prennent
une place grandissante dans la seconde moitié du XXe
siècle avec l'apparition des pollutions, des déchets issus de
modes de consommation gaspilleurs de ressources, la surexploitation des
systèmes naturels, la consommation croissante d'énergies
d'origine fossile dans un contexte de croissance exponentielle de la population
mondiale. C'est en 1992, année où se déroule à Rio
de Janeiro la deuxième conférence mondiale des Nations Unies sur
l'environnement que le développement durable prends
définitivement corps. À ce « Sommet de la Terre », les
réflexions portent la marque de changements majeurs au niveau mondial :
depuis la conférence de Stockholm (1972), la population mondiale est
passée de 3,5 milliards d'individus à 5 milliards,
l'appauvrissement des pays du Sud s'est accentué ; le remboursement de
la dette absorbe l'aide publique du Nord, etc. La conférence de Rio
aboutit sur plusieurs points : rédaction des principes de la «
Déclaration de Rio », d'un programme d'actions pour le
XXIe siècle avec l'Agenda 21 et de deux conventions :
convention cadre sur le changement climatique et convention sur la
diversité biologique147.
Cependant, malgré cette prise de conscience des
problèmes environnementaux et de sous-développement,
malgré l'accord sur les principes d'une plus grande défense du
patrimoine naturel alliée à une amélioration de la
qualité de la vie pour l'ensemble de l'humanité, les actes qui
traduiraient de manière conséquente ces principes sont encore
trop peu nombreux. Et, lorsqu'ils existent, ils relèvent plus d'actes
isolés que d'une stratégie politique à grande
échelle.
La conservation de la biodiversité dans le bassin du
Congo à ce titre illustre largement cet état de fait. Pour
contribuer à l'objectif général de l'atteinte de l'agenda
2030 des Nations Unies, l'appropriation concrète de ces enjeux est un
impératif pour les aires protégées et les secteurs
d'activités connexes comme le tourisme.
Ainsi, dans le premier chapitre de cette partie
intitulé : Développement durable et conservation de la
biodiversité (Chapitre III), nous ferons un rappel des piliers du
développement durable sous le prisme des sciences politiques et quelques
outils techniques susceptibles d'optimiser leur prise en compte dans la
conservation de la biodiversité.
147 Alexandre Alcouffe et al., « Les enjeux du
développement durable », Université des sciences de
Toulouse, no 57, 2002, p. 1. [En ligne «
https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02116569/document
», consulté le 11/072022 à 14 :07 ].
67
Au chapitre suivant intitulé : Tourisme durable au parc
national de Lobéké (Chapitre IV), nous présenterons les
enjeux et la stratégie de développement de l'écotourisme
du parc national de Lobéké à laquelle nous avons
participé et quelques perspectives positives pour la
sous-région.
CHAPITRE III : LE DEVELOPPEMENT DURABLE ET LA
CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE
68
Le développement durable fait référence
à toute politique de développement qui s'efforce de concilier la
protection de l'environnement, l'efficience économique et la justice
sociale, en vue de répondre aux besoins des générations
présentes sans compromettre la capacité des
générations futures de satisfaire les leurs. En d'autres termes,
le développement durable est une finalité dont la
réalisation peut faire l'objet de différentes stratégies.
Stratégies qui peuvent quant à elles concerner les
activités d'une entité étatique ou gouvernementale,
entité territorialement décentralisée ou toute forme
d'entreprise (publique ou privée), un groupe social tout autant qu'un
individu.
Les aires protégées en raison de leur
importance pour la planète et les populations riveraines qui en
dépendent presque totalement dans le bassin du Congo, se doivent de
s'approprier le développement durable dans son sens le plus complet. Par
exemple, analyser et optimiser la gestion stratégique de l'environnement
par rapport à l'action politique tout en veillant à une
capitalisation des externalités de l'économie classique pour les
populations riveraines relève encore de l'abstrait pour de nombreux
gestionnaires d'aires protégées en Afrique centrale.
Proposer un modèle d'opérationnalisation des
différents piliers et outils du développement durable pour la
gestion des aires protégées constituera le corpus de ce chapitre.
La (section I) intitulée : les piliers du développement durable
dans la conservation de la biodiversité fera un rappel des objectifs
attendus de chaque pilier du développement durable pour une optimisation
des politiques de conservation de la biodiversité. La (section II)
intitulée : entre pratiques traditionnelles et innovations
scientifiques, présentera de nouvelles approches
largement encouragées pour une conservation durable, efficiente et
efficace de la biodiversité dans le bassin du Congo.
SECTION I : LES PILIERS DU DEVELOPPEMENT DURABLE DANS
LA CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE
Les piliers du développement durable que sont
l'environnement, l'économie et le social sont aujourd'hui analyser dans
leur sens le plus large pour en déterminer des actions créatrices
d'un réel changement auprès des populations. Aujourd'hui encore,
la dualité conceptuelle rencontrée dans les courants de
pensée scientifique depuis les origines du concept de
développement durable reste manifeste. Lorsque survient le besoin de ce
développement au sens strict du terme, la durabilité semble
rationalisée par l'impératif économique. La
responsabilité sociétale dans le sens de la recherche du bien
être humain qui quant à elle semble se substitué à
une formalité imposée par le besoin de paraitre conforme aux
normes internationales. Tels sont entre autres les enjeux abordés dans
cette section.
69
Au (Paragraphe I) intitulé : l'environnement et, ou
l'économie ? Nous essaierons de révéler une des causes
tacites du problème, de confronter l'idée selon laquelle l'un de
ces piliers devrait forcément s'opposer à l'autre dans un
processus de développement durable.
Dans le (Paragraphe II) intitulé : la
responsabilité sociétale, il sera question d'aborder
l'éducation environnementale comme un préalable à tout
processus de bien être total pour les générations
présentes et futures.
PARAGRAPHE I : L'ENVIRONNEMENT ET, OU L'ECONOMIE ?
Le rapport Meadows du Club de Rome, intitulé «
Halte à la croissance », dénonce un modèle
économique fondé sur une croissance illimitée. Ce rapport
présente le développement économique et la protection de
l'environnement comme étant antinomiques et appelle à un
changement radical de mode de développement. Or, le
développement durable nous propose aujourd'hui des outils susceptibles
d'associer performance économique et protection de l'environnement.
Ce paragraphe illustrera dans un premier temps l'ASGE
(stratégique de la gestion environnementale) en (A). Il s'agit
brièvement d'un modèle de conceptualisation de la relation qui
existe entre les différents enjeux de chaque concept. Dans un second
temps nous parlerons de l'économie durable (B).
A. L'analyse stratégique de la gestion
environnementale (ASGE) 1. Les origines de l'analyse de la gestion
environnementale
L'analyse stratégique de la gestion environnementale
(ASGE) prend ses racines dans les années 1980 à partir
d'études de cas très diverses, notamment la théorie de la
pratique de la gestion environnementale148. Ces travaux ont
été par la suite largement appuyés par les bases
théoriques d'un réseau de chercheurs qui, de 1976 à 1987,
ont développé la « gestion patrimoniale ». Trois (03)
des fondements de cette théorie sont encore aujourd'hui au coeur de la
mise en oeuvre de l'ASGE :
Cependant, la plupart des approches développées
dans ce champ de l'environnement sur ces mêmes bases à l'exemple
de la gestion patrimoniale, la gestion intégrée, le
développement durable, etc., reviennent en dernière analyse
à instituer comme système d'action pour remédier à
un problème environnemental, le même système d'action qui
porte en lui, souvent profondément inscrites, les causes de ce
problème et l'impuissance ou la réticence à les
résoudre. Il y a là une contradiction essentielle, que ces
approches entendent lever tant sur le plan théorique que pratique, en
posant sous des formes diverses l'hypothèse d'un potentiel de
transformation à mobiliser par une meilleure coordination. Coordination
qui inclurait en autres l'amélioration de la communication, changement
des procédures, l'ajout de nouvelles institutions de coordination
etc.149
Même si ces approches qui posent le problème
environnemental en termes de coordination ou d'action collective en sont encore
à leurs débuts au milieu des années 1980, la
148Laurent Mermet, « L'institution patrimoniale
du haut Béarn : gestion intégrée de l'environnement ou
réaction anti-environnement ? », Annales des
Mines/Responsabilité et Environnement, 2001, p. 9.
149 Idem.
70
réflexion critique sur leurs fondements, le constat
qu'elles méconnaissent ou minorent systématiquement certains
aspects des dossiers d'environnement,150conduisent à affirmer
un désaccord théorique fondateur de notre démarche encore
en 2022.
Résumons-le en quelques mots : s'il y a un «
problème » écologique que la gestion existante peine
à résoudre, il faut envisager de changer le système de
gestion ; l'amélioration de la coordination, la collaboration dans
l'action ne sont que des aspects particuliers de ce changement. Il n'y a pas de
raisons de lès considérer a priori comme centraux, encore moins
comme suffisants. La problématique de changement, intrinsèque
à la plupart des situations de gestion environnementale
rencontrées, nous incite à mettre au centre de nos analyses le
projet d'identifier dans les situations concrètes de gestion de
l'environnement, les conditions d'un changement de gestion, sans les postuler
au départ151.
2. Des propositions pour une amélioration
Les principaux théoriciens de cette approche
préconisent comme préalable, la mise en oeuvre d'un cadre pour
une analyse stratégique de la gestion de l'environnement,
articulée autour de quatre (04) principes organisateurs :
· Appuyer l'analyse du système d'action
lié à un problème d'environnement sur une
définition préalable, en termes écologiques, de l'objet
environnemental à prendre en compte et des objectifs poursuivis.
La formule un peu provocatrice « buts dans la nature,
moyens dans la société » ; insiste sur la ponctuation
très spécifique qu'opère, dans le continuum
socio-écologique, l'opération particulière qui consiste
à répondre à une question précise de
responsabilité sur l'état de l'environnement.
· Prendre en compte, dans le diagnostic de la gestion de
cet objet environnemental, l'ensemble des actions anthropiques qui,
consciemment ou non, intentionnellement ou non, ont une influence
déterminante sur ses qualités. C'est cet ensemble que l'on
définit comme la « gestion effective ». Ce concept, souvent
mal compris, opère un décalage majeur par rapport aux habitudes
qui restreignent en général l'usage du mot gestion à
l'intervention délibérée sur une organisation.
Pourtant, le concept de gestion désigne bien aussi
l'exercice de fait, conscient ou non, d'une responsabilité d'ensemble.
Ainsi, une entreprise mal gérée n'est pas tant celle que ses
dirigeants «mal-gèrent» consciemment et activement, que celle
où le management ne parvient pas à insuffler à la gestion
effective la cohérence nécessaire avec les objectifs de
gestion.
· Apporter une attention centrale aux acteurs qui ont
pour mission principale de provoquer des changements appropriés de la
gestion effective de l'objet écologique : ce sont les « acteurs
d'environnement», opérateurs de la « gestion intentionnelle
».
Ce concept est souvent, lui aussi, saisi avec peine. La
tentation est forte, en effet, de considérer comme acteurs
d'environnement tous ceux qui sont impliqués dans le problème
environnemental que l'on considère, ou bien tous ceux qui mènent
des actions à objectif environnemental affiché.
150Par exemple, le rôle essentiel souvent
joué par le mouvement environnemental, le poids des résistances
au changement, la domination exercée à tous les niveaux de la
décision par des réseaux d'intérêts sectoriels, etc.
151 Laurent Mermet, et al., 2005, Op.cit, p. 3.
71
Nous lui donnons un sens plus étroit où le ou
les acteurs qui, dans une situation donnée, jouent effectivement
(à la fois dans le discours et par leurs actions constatées),
vis-à-vis des acteurs responsables des processus dommageables pour
l'environnement ou des acteurs régulateurs (élus territoriaux,
préfet, etc.), un rôle d'agent de changement en faveur de
l'objectif environnemental pris en référence. Là encore,
ce concept porte le poids d'un déplacement de l'analyse qui fait passer
le problème d'environnement du statut de «
problème-collectif-à-résoudre-tous-ensemble »
à celui de responsabilité collective qui ne sera pas
honorée sans l'intervention stratégique efficace d'un agent de
changement, en général minoritaire, au moins au départ.
· Replacer ces analyses dans la perspective dynamique
d'un système de gestion qui change et se structure au fil du temps sous
l'effet structurant des conflits, par lesquels les préoccupations
portées par les interventions de gestion intentionnelle finissent par
être partiellement intégrées. Ce caractère
intégré caractérisant avant tout un résultat de
gestion, même s'il peut aussi porter sur l'intervention de gestion
elle-même152.
Ces quatre principes pris ensemble permettent un recadrage
déterminant pour l'analyse des problèmes environnementaux et dans
un sens plus large les problèmes de développement durable.
À ce titre, l'analyse du concept d'économie durable.
B. L'économie durable
L'atteinte des objectifs du développement durable
passe par l'utilisation adéquate d'un certain nombre d'outils d'ordre
technique, politique ou socio-économique. Le rôle de
l'économie est de plus en plus indispensable à l'atteinte des
objectifs du développement durable. Tous les secteurs clés du
développement durable comportent un volet économique, dans lequel
divers outils peuvent être optimisés.
Ici, nous estimons que la question du financement durable est
essentielle voir centrale. À cela s'ajouterai la question de
l'économie verte, qui prend de l'importance dans la mise en oeuvre du
développement durable, après Rio+20153.
1. Le financement durable.
Le financement des activités d'un pays suppose la
création de richesses. Il s'agit de la croissance économique, qui
est la variation positive de la production nationale de biens et de services
sur une période donnée. La croissance économique se mesure
par le produit intérieur brut (PIB), qui est aujourd'hui l'indicateur
usuel pour l'appréhender. Et donc, le financement du
développement durable est tributaire de la croissance économique.
On peut supposer qu'en période de crise, les financements seront moins
disponibles qu'en période de forte croissance. Cependant, le financement
du développement durable est aussi une question de volonté
politique et d'engagement au niveau national et international154.
Le financement public
152Ibid. p. 4.
153IFDD, Yelkouni, M.et al., Développement
durable - Comprendre et analyser des enjeux et des actions du
développement durable, Université Senghor, 2018, p. 55.
154 Ibid., p. 56.
72
Le financement public du développement durable
relève en général des organisations internationales et des
gouvernements nationaux. Il a donc une dimension internationale et nationale.
À l'échelon international, des organisations comme le Fonds
monétaire international (FMI) ou la Banque mondiale sont des partenaires
clés du développement. Pour l'atteinte des objectifs de
développement durable (ODD), le FMI envisage :
- De relever l'accès des pays en développement
aux ressources du FMI, ce qui leur permettrait de mieux faire face à
leurs besoins de financement de la balance des paiements tandis qu'ils
cherchent à accélérer leur croissance ;
- D'accroître l'aide à l'établissement de
diagnostics et d'intensifier le renforcement des capacités pour les pays
qui cherchent à augmenter leurs investissements pour réduire
leurs déficits d'infrastructures ;
- De mettre davantage l'accent sur l'équité,
l'inclusion et l'équilibre des genres dans les travaux
opérationnels, en s'inspirant de l'analyse en cours et des travaux
d'autres institutions ;
- De mettre davantage l'accent sur les pays fragiles et les
pays touchés par des conflits ;
- D'intensifier de manière sélective le
renforcement des capacités dans les domaines de la mobilisation des
recettes, de la taxation de l'énergie et du développement des
marchés financiers155.
Dans le domaine de l'environnement, l'aide publique au
développement est un levier indispensable, en particulier pour les biens
publics régionaux et mondiaux. En plus de la Banque mondiale et du FMI,
il ne faut pas négliger les institutions régionales comme la
Banque africaine de développement (BAD). Dans le domaine des changements
climatiques, la communauté internationale s'engage toujours sur des
promesses de financement. Ainsi, en 2010, à la Conférence des
Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements
climatiques, les pays développés s'engageaient à mobiliser
ensemble100 milliards de dollars par an à l'horizon 2020 pour pourvoir
aux besoins des pays en développement156.
En 2015, l'Accord de Paris a fixé un nouveau plancher
de 100 milliards de dollars par an à mobiliser avant 2025. Cependant, il
existe divers fonds que ces pays peuvent mobiliser pour des actions:
- Le Fonds pour l'environnement mondial (FEM) est un
organisme dédié à la coopération internationale
pour financer des initiatives engagées dans la lutte contre les
principales menaces sur l'environnement : la dégradation de la
biodiversité, les changements climatiques, la dégradation des
eaux internationales, l'appauvrissement de la couche d'ozone, la
dégradation des sols par les polluants organiques persistants (POP).
- Le FEM compte 175 gouvernements membres et travaille en
partenariat avec le secteur privé, les organismes non gouvernementaux
(ONG) ainsi que les organisations internationales pour traiter des enjeux
environnementaux au niveau mondial, tout en soutenant les initiatives de
développement durable au niveau national.
.Le Fonds français pour l'environnement mondial (FFEM)
est un fonds public bilatéral que le gouvernement français a
créé en 1994 à la suite du Sommet de Rio. Son objectif est
de
155 Idem.
156 Idem.
73
favoriser la protection de l'environnement mondial par des
projets de développement durable dans les pays en développement
ou en transition. Les domaines prioritaires sont la biodiversité, les
changements climatiques, la protection des eaux internationales, la
dégradation des sols ainsi que la lutte contre les POP. Les projets
doivent mettre en oeuvre les grandes orientations de la Convention sur la
diversité biologique : la préservation de la biodiversité
; la gestion durable des ressources naturelles ; la valorisation de la
biodiversité comme atout au développement économique et
social. Les deux axes prioritaires sont l'implication des populations locales
et l'intégration de la biodiversité dans les démarches de
développement157.
Pourquoi les États doivent-ils trouver des ressources
publiques propres pour financer leur développement durable ? Plusieurs
raisons existent :
- Arriver à financer leur propre développement
sans toujours dépendre de l'extérieur ; lutter contre la
pauvreté et les inégalités en investissant dans la gestion
des ressources naturelles ;
- Assurer la fourniture de biens et de services publics que
les marchés évitent de fournir ou fournissent en quantité
insuffisante.
La mobilisation d'un financement public interne pour
l'environnement nécessite donc la mise en place d'une fiscalité
environnementale dédiée, ce qui suppose de revoir la taille de
l'assiette fiscale et d'améliorer l'administration des impôts et
taxes. La fiscalité environnementale est un instrument qui vise à
prendre en compte, dans les coûts supportés par les acteurs
économiques (entreprises, ménages, secteur public), le coût
des dommages environnementaux causés par leurs activités. Les
taxes environnementales peuvent être distinguées en fonction de la
problématique environnementale à laquelle elles s'appliquent : la
consommation de ressources (ressources biotiques, ressources en eau,
matières premières énergétiques et
minérales), les changements climatiques (émissions de gaz
à effet de serre), les pollutions (pollution de l'air et de l'eau et
gestion des déchets)158.
Par exemple, le Bénin a instauré, dans sa
politique nationale de gestion des déchets urbains, la taxe
d'enlèvement des ordures (TEO), qui varie :
- Entre 500 et 8 000 francs CFA pour les occupants
d'immeubles à des fins d'habitation
;
- Entre 2 000 et 50 000 francs CFA pour les occupants
d'immeubles à des fins d'activité commerciale, industrielle et
professionnelle.
Dans le bassin du Congo, les différents pays sont
riches en ressources naturelles renouvelables et non renouvelables. Dans ce
cas, la fiscalité des industries extractives doit tenir des impacts
à court, moyen et long terme. On peut donc imaginer qu'une part des
gains soit conservée et investie au service des
générations futures, comme dans les fonds souverains. En somme,
l'État doit être le moteur du financement de l'environnement
à travers des politiques budgétaires
appropriées159.
157 Idem.
158 Idem.
159 Idem.
74
Le financement privé
Le développement d'un pays est lié au dynamisme
du secteur privé, car le public ne peut pas supporter à lui seul
tous les investissements indispensables à la croissance
économique. Les ressources privées sont donc des moteurs de
croissance et de création d'emplois. Même si, de nos jours, le
secteur privé est sensibilisé à la cause de
l'environnement, son niveau d'investissement dans ce domaine reste faible. Les
gouvernements nationaux se doivent d'inciter les banques privées et les
assurances à contribuer au développement durable par l'octroi de
crédits sur des projets innovants. L'accès des ménages et
des entreprises au crédit est en soi un problème en Afrique,
où les taux d'intérêt sont élevés. Or les
banques ont une responsabilité dans le financement du
développement durable. En effet, elles peuvent jouer
un rôle en amont des projets d'investissement de leurs clients
(particuliers ou entreprises)160.
Les investissements dans l'éco-innovation sont souvent
coûteux ; en général, les banques préfèrent
financer des projets dont la rentabilité est réalisable à
court terme. Ainsi, pour stimuler un financement privé interne, les
pouvoirs publics devraient mettre en place des politiques pour encourager les
investissements de long terme dans le domaine de l'environnement. Pour ce
faire, selon les Nations Unies (2015), il faudrait :
- Assurer un meilleur accès aux services financiers
aux ménages et aux micros entreprises ;
- Promouvoir les prêts pour les petites et moyennes
entreprises ;
- Développer des marchés financiers pour les
investissements à long terme ;
- Améliorer la réglementation pour une
meilleure gouvernance dans le système financier.
Il existe cependant des organismes et des fonds privés
très actifs dans le domaine de l'environnement, qui mobilisent des
ressources financières non négligeables dans des domaines
spécifiques comme la conservation des ressources naturelles. On peut
citer, entre autres, l'Union internationale pour la conservation de la nature
(UICN), la Fondation pour la nature et l'homme et la fondation
MAVA161.
Le financement mixte
Les besoins de financement du développement durable
sont considérables, en particulier dans une période de crise
économique. Il faudrait donc envisager des financements mixtes combinant
des capitaux privés et publics. Cela implique la mise en place de
partenariats innovants pour financer le développement durable. Dans bien
des cas, lorsqu'on parle de financement mixte, le partenariat
public-privé est évoqué. Or, il existe différentes
formes de partenariats, combinant les gouvernants, la société
civile, les institutions privées à but lucratif, les banques de
développement, etc. S'il est bien conçu, le financement mixte
permet aux gouvernements d'utiliser des fonds publics pour lever des capitaux
privés et ouvre également la voie à des modes de
financement modernes et alternatifs comme le Bit coin. Il existe aussi un
avantage à ce mode de financement : partager les risques et les
rendements mais aussi les
160 Ibid., p. 58.
161 Idem.
75
émotions dues à la participation directe des
parties prenantes (personnes morales et physiques) aux missions et actions de
conservation. Cependant, l'État peut continuer de jouer
son rôle régalien sur le plan social,
environnemental et économique, au nom de l'intérêt
général162.
2. L'économie durable comme économie verte
et circulaire
La notion d'économie verte a été un des
points saillants des débats à la Conférence des Nations
Unies sur le développement durable (Rio+20)4. Le développement
durable n'est possible qu'en prenant des trajectoires de croissance
économique respectueuses de l'environnement. C'est ainsi que
l'économie verte est considérée comme un outil de
développement durable.
a. L'économie verte
Plusieurs termes sont utilisés dans le cadre de ce
concept, allant de l'économie verte aux emplois verts. Une
première définition à mettre en relief est celle du
Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE, 2011) : « une
économie qui améliore le bien-être humain et
l'équité sociale tout en réduisant de façon
significative les risques environnementaux et les pénuries
écologiques »163.
Sous sa forme la plus simple, l'économie verte se
caractérise par un faible taux d'émission de carbone,
l'utilisation rationnelle des ressources et l'inclusion sociale. Pour
l'Organisation de coopération et de développement
économiques (OCDE), l'enjeu concerne la croissance économique
dans ses pays membres. Ainsi, pour elle, « la croissance verte consiste
à favoriser la croissance économique et le développement
tout en veillant à ce que les actifs naturels continuent de fournir les
ressources et les services environnementaux sur lesquels repose notre
bien-être. Pour ce faire, elle doit catalyser l'investissement et
l'innovation qui étayeront une croissance durable et créeront de
nouvelles opportunités économiques » (OCDE,
2012)164.
Un autre terme employé est celui d'emplois verts, que
plusieurs organisations comme le Bureau international du travail mettent en
relief. Selon Les Verts (2014), les emplois verts recouvrent toute
activité professionnelle qui contribue à protéger
l'environnement et à lutter contre le changement climatique parce
qu'elle économise de l'énergie et des matières
premières, encourage les énergies renouvelables, réduit
les déchets et la pollution ou protège la biodiversité et
les écosystèmes. De manière générale, les
pays d'Afrique ont adopté la définition du PNUE pour la mise en
oeuvre de leurs stratégies d'économie verte165.
La mise en oeuvre de l'économie verte est un processus.
Le guide pratique de
l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF, 2015)
pour l'intégration des stratégies
de l'économie verte dans les politiques de
développement propose cinq étapes principales :
- Le choix des secteurs ;
- L'identification des options d'intervention : la formulation
des politiques ;
- L'évaluation des options d'intervention ;
- L'élaboration d'une stratégie et d'un plan
d'action ;
- La mise en oeuvre de la stratégie, le suivi et
l'évaluation des progrès.
162 Ibid., p. 59.
163 Idem.
164 Idem.
165 Idem.
Ces cinq étapes contribuent à une analyse
transversale de l'élaboration et de l'évaluation des politiques
et des investissements de l'économie verte.
L'Afrique est un continent où les opportunités
sont réelles pour une transition vers une économie verte. Des
stratégies existent ou sont en cours d'élaboration. Les
principaux secteurs clés sont la forêt, l'agriculture, l'eau, la
pêche, l'élevage, l'énergie, les mines, la sylviculture,
les déchets, le transport, l'assainissement, le tourisme et la
construction. Il y a toutefois un secteur qui doit être prioritaire et
transversal à tous les autres : l'éducation166.
b. L'économie circulaire
La notion d'économie circulaire est née des
limites de l'économie linéaire actuelle. Depuis la
révolution industrielle, le modèle de production et de
consommation repose sur des ressources naturelles abondantes, et sur un
schéma d'utilisation linéaire : on extrait des matières
premières, on produit des biens et services, on consomme ces biens et
services, on se débarrasse des déchets. Ce modèle conduit
inexorablement à l'épuisement des ressources
naturelles167.
Le principe clé de l'économie circulaire est
d'éviter le gaspillage des ressources et l'impact environnemental. Pour
Laurent et Le Cacheux (2015), l'économie circulaire vise des
prélèvements limités des ressources, l'utilisation
d'énergies renouvelables et la minimisation des déchets. Selon
l'ADEME (2013, p. 4), l'économie circulaire est un «système
économique d'échange et de production qui, à tous les
stades du cycle de vie des produits (biens et services), vise à
augmenter l'efficacité de l'utilisation des ressources et à
diminuer l'impact sur l'environnement tout en développant le
bien-être des individus »168
Nous reprenons ici les principes énoncés par
l'ADEME. Ainsi, l'économie circulaire repose sur trois domaines d'action
et sept piliers, comme le montre le schéma ci-dessous.
Figure 07 : schéma de l'économie
circulaire. Source : ADEME (2013).
166 Idem.
167 Ibid., p. 61.
168 Idem.
76
77
Les trois domaines d'action concernent : l'offre des acteurs
économiques ; la demande et le comportement des consommateurs ; la
gestion des déchets.
Chacun de ces domaines comprend un ou plusieurs piliers.
L'offre des acteurs économiques comporte jusqu'à quatre piliers
:
- L'approvisionnement durable, qui concerne le mode
d'exploitation ou d'extraction des ressources, en limitant les rebuts
d'exploitation et l'impact sur l'environnement ;
- L'écoconception, qui vise à prendre en compte
l'ensemble du cycle de vie en minimisant les impacts environnementaux ;
- L'écologie industrielle et territoriale, qui
constitue un mode d'organisation interentreprises par des échanges de
flux ou une mutualisation des besoins ;
- L'économie de la fonctionnalité, qui
privilégie l'usage à la possession, et tend à vendre des
services liés aux produits plutôt que les produits
eux-mêmes169.
La demande et le comportement des consommateurs s'appuient sur
deux piliers :
- La consommation responsable, qui doit conduire l'acheteur
à effectuer son choix en prenant en compte les impacts environnementaux
à toutes les étapes du cycle de vie du produit ;
- L'allongement de la durée d'usage par le
consommateur, qui doit le conduire à la réparation, à la
revente ou au don et au réemploi.
Quant à la gestion des déchets, elle repose sur
le recyclage, qui vise à utiliser les matières issues de
déchets. Ainsi, l'économe circulaire s'inscrit dans une
démarche de développement durable. Elle a pour objectif de passer
d'un modèle de réduction des impacts environnementaux à un
modèle de création de valeur positive sur les plans social,
économique et environnemental170.
c. L'analyse du cycle de vie (ACV)
L'ACV est aujourd'hui inscrit dans tout processus
d'industrialisation. Pour parvenir à une valorisation optimale des
ressources prélevées mais aussi des externalités durant le
processus de fabrication, de transformation et de consommation finale du
produit.
L'analyse du cycle de vie (ACV) est une méthode
normalisée qui permet de mesurer les effets quantifiables de produits ou
de services sur l'environnement. Pour la norme ISO 14040, l'ACV est une «
compilation et évaluation des intrants, des extrants et des impacts
environnementaux potentiels d'un système de produits au cours de son
cycle de vie ». À quoi sert l'analyse du cycle de vie ? L'ACV est
un outil d'aide à la décision. Ses résultats peuvent
être utilisés pour des besoins d'écoconception, d'affichage
environnemental ou encore d'orientation des politiques publiques. L'ACV a pour
objectif de présenter une vision globale des impacts
générés par les produits (biens, services ou
procédés), déclinée selon différentes
simulations : pour les politiques industrielles, il s'agit de choix de
conception et d'amélioration de produits, de choix de
procédés, etc. ; pour les politiques publiques, de choix de
filières de valorisation ou de critères d'écolabellisation
des produits.171
L'analyse du cycle de vie s'articule autour de quatre
étapes, selon les normes ISO 14040 et 14044 :
169 Idem
170 Idem.
171 Ibid., p. 62.
78
- Définir les objectifs et le champ de
l'étude
Cette étape permet de déterminer quels sont les
objectifs de l'ACV, en précisant l'application qui en sera faite :
écoconception, comparaison ou déclaration environnementale. La
cible de l'étude (interne ou externe à l'entreprise) est
précisée à ce stade, ainsi que la manière dont
seront divulgués les résultats (pour des affirmations
comparatives par exemple). Le champ de l'étude doit par ailleurs
préciser les fonctions du produit étudié, l'unité
fonctionnelle choisie, les frontières du système
étudié et les limites de l'étude172.
- Inventorier le cycle de vie
Cette étape consiste à dresser l'inventaire des
flux de matières et d'énergie entrants et sortants,
associés aux étapes du cycle de vie rapporté à
l'unité fonctionnelle retenue. L'inventaire est donc une
comptabilité analytique des flux. On collecte ainsi des facteurs
d'activité (la consommation, en kilowatts ; la distance parcourue, en
kilomètres ; les quantités transportées, en tonnes) et des
facteurs d'émission (de gaz, en grammes d'oxydes d'azote ; de phosphate
dans l'eau, en grammes)173.
- Évaluer les impacts
À partir des flux de matières et
d'énergie recensés, on évalue les impacts potentiels, qui
peuvent être des dommages.
- Interpréter les résultats obtenus en
fonction des objectifs retenus.
Cette étape, qui découle des trois
précédentes, permet de valider que les résultats obtenus
répondent aux objectifs de l'étude. Ainsi, l'ACV est un outil
d'aide à la décision. Elle peut être utilisée
à des fins de communication ou pour conduire des politiques
industrielles (« écoconception » des produits) ou
publiques174.
En plus d'une analyse scrupuleuse des modes de productions et
consommations comme évoqué précédemment, le
développement durable pour les pays du bassin du Congo ne sera efficient
qu'en passant par des formations appropriées à tous les niveaux
de l'éducation et en ciblant des couches sociales comme les jeunes
filles. Il faudrait aussi que les États africains investissent davantage
pour la préservation du capital humain indispensable pour un
développement durable du continent.
PARAGRAPHE II : LA RESPONSABILITE SOCIALE
D'après l'UNESCO175, «
L'éducation transforme la vie et est au coeur de la mission de l'UNESCO
pour construire la paix, éradiquer la pauvreté et construire le
développement durable. C'est un droit humain pour tous, tout au long de
la vie. »176.
172 Ibid., p. 63.
173 Idem.
174 Idem.
175 UNESCO : Organisation des Nations Unies pour l'Education, la
Science et la Culture.
176 UNESCO, 2022, [En ligne : « L'éducation
transforme la vie | UNESCO », consulté le 13/07/2022 à
00h34].
79
C'est dire l'importance que revêt l'éducation (A)
pour la construction des modèles de développement justes,
équitables et responsables et pour la satisfaction du bien-être
humain (B).
A. L'éducation
Figure 08 : L'éducation à la base du
développement durable. Source : UNESCO, 2013
1. L'éducation comme besoin vital
Depuis les années soixante-dix, les instances
internationales ont très régulièrement appelé
l'école à apporter sa contribution pour relever les grands
défis environnementaux. Le coup d'envoi de l'éducation à
l'environnement a été donné par la conférence des
Nations Unies de Stockholm en juin 1972. Les conférences de Rio (1992),
Johannesburg (2002) en passant par Kyoto (1997), ont amené leurs lots de
préconisations. En même temps que les analyses et les
problématiques ont évolué, intégrant de
façon plus explicite les volets sociaux et économiques aux
aspects environnementaux, les mots ont changé. Après le rapport
Brundtland en 1987 (du nom de Madame Gro Harlem Brundtland, présidente
de la commission mondiale de l'environnement et du développement), le
terme de «développement durable » s'est imposé
progressivement et a gagné lentement le terrain de
l'éducation.177
177Gustave Bonhoure, et M., Hagnerelle, «
L'éducation relative à l'environnement et au développement
durable », Rapport à Monsieur le ministre de la jeunesse, de
l'éducation nationale et de la recherche, N° 2003 014, 2003, p. 3.
[En ligne : « Rapport éducEnvrt .doc (
ac-lille.fr) »,
consulté le 13/07/2022 à 00h47]
80
L'éducation au développement durable (EDD) est
la réponse du secteur de l'éducation de l'UNESCO aux défis
urgents et dramatiques auxquels la planète est confrontée. Par
leurs activités collectives, les êtres humains ont modifié
les écosystèmes de la terre à un point tel que notre
survie semble même en danger à cause de transformations qui sont
plus difficiles à inverser chaque jour. Pour contenir le
réchauffement climatique avant qu'il n'atteigne des niveaux
catastrophiques, il convient de traiter les questions environnementales,
sociales et économiques sous un prisme holistique. L'EDD pour l'Agenda
Éducation 2030 de l'UNESCO vise à apporter la transformation
personnelle et sociétale nécessaire pour changer de cap sous
forme de plaidoyer :
L'éducation éclaire chaque pas accompli vers
une vie meilleure, surtout pour les pauvres et les plus vulnérables.
Pourtant, l'extraordinaire capacité de l'éducation à
servir de catalyseur pour réaliser les objectifs généraux
du développement ne s'exerce pleinement que lorsque l'éducation
est équitable. Des efforts particuliers doivent donc être
déployés pour garantir que tous les enfants et les jeunes quels
que soient leur revenu familial, le lieu où ils vivent, leur genre, leur
origine ethnique ou leurs handicaps éventuels puissent
bénéficier à égalité de cette
capacité de l'éducation à transformer nos existences.
L'éducation est en particulier source d'autonomisation pour les filles
et les jeunes femmes, parce qu'elle augmente leurs chances de trouver un
emploi, de rester en bonne santé et de participer pleinement à la
vie de la société. Elle donne aussi plus de chances à
leurs enfants de vivre des vies saines. Pour recueillir les plus larges
bénéfices de l'éducation, il faut permettre à tous
les enfants d'étudier jusqu'au terme non seulement du cycle primaire,
mais aussi du premier cycle de l'enseignement secondaire. L'accès
à l'école n'est toutefois pas suffisant : pour qu'il y ait
réellement apprentissage, l'éducation doit être de bonne
qualité. Compte tenu de son pouvoir transformateur, l'éducation
doit occuper une place centrale dans le cadre du développement
mondial178.
L'éducation de la mère est cruciale pour sa
propre santé. Environ 800 femmes décèdent chaque jour de
complications évitables liées à la grossesse ou à
l'accouchement, comme la pré-éclampsie179,
l'hémorragie ou l'avortement pratiqué dans de mauvaises
conditions de sécurité. Les femmes qui ont été
scolarisées sont plus susceptibles d'éviter ces risques, en
adoptant des règles d'hygiène simples et peu coûteuses, en
réagissant aux symptômes et en s'assurant de la présence
d'un personnel qualifié lors de l'accouchement. Par exemple, savoir lire
et écrire peut être bien plus bénéfique pour les
mères des ménages pauvres pour ce qui est d'accoucher en
présence d'une sage-femme dûment formée. Au Cameroun, 54 %
des mères analphabètes des ménages pauvres
bénéficient de ce soutien, contre 19 % des mères
analphabètes180.
L'éducation des filles peut sauver des millions de
vies. Il n'y a guère d'illustrations plus spectaculaires du pouvoir de
l'éducation que l'estimation selon laquelle les vies de 2,1 millions
d'enfants de moins de 5 ans ont été sauvées entre 1990 et
2009 grâce aux progrès réalisés en matière
d'éducation des filles. L'éducation est l'un des meilleurs
moyens
178UNESCO, « l'éducation transforme
nos existences », Rapport mondial de suivi sur l'éducation pour
tous, 2013, p. 4.
179Également appelée toxémie,
c'est une condition qui se développe chez la femme enceinte, elle est
marquée par une pression artérielle élevée et la
présence de protéines dans l'urine.
180 Ibid., p. 6
81
d'améliorer la santé des enfants. Les femmes
instruites sont mieux informées sur les maladies, et sont ainsi capables
de les prévenir. Elles peuvent reconnaître les premiers
symptômes, consulter un médecin et prendre les mesures
nécessaires181.
2. L'éducation comme vecteur
d'égalité
L'éducation, surtout lorsqu'elle autonomise les
femmes, permet d'éloigner durablement le spectre de la malnutrition. La
malnutrition est la cause sous-jacente de plus du tiers des décès
d'enfants dans le monde. Les mères instruites sont plus susceptibles
d'obtenir que leurs enfants reçoivent les meilleurs nutriments pour les
aider à prévenir ou à enrayer la mauvaise santé, de
mieux connaître les pratiques de santé et d'hygiène
adéquates, et d'acquérir assez de pouvoir au sein du
ménage pour s'assurer que les besoins nutritionnels de leurs enfants
sont satisfaits182.
L'éducation améliore les perspectives d'emploi,
aidant les ménages à échapper à la pauvreté.
Les hommes et les femmes instruits ont plus de chances non seulement d'avoir un
emploi, mais aussi que cet emploi soit durable et assorti de bonnes conditions
de travail et d'un salaire décent. L'éducation, surtout si elle
bénéficie aux femmes, peut contribuer à combler
l'écart entre les sexes en matière de perspectives d'emploi et de
salaire. De même qu'elle contribue à les en sortir
définitivement, l'éducation aide aussi les ménages
à ne pas tomber ou retomber dans la pauvreté183.
L'éducation donne aux femmes la capacité de
vaincre la discrimination. Les filles et les jeunes femmes instruites ont une
conscience plus aiguë de leurs droits, et elles jouissent de plus de
confiance et de liberté pour prendre les décisions susceptibles
d'affecter leur existence, d'améliorer leur santé et leurs
chances de survie ainsi que celles de leurs enfants, et d'accroître leurs
perspectives d'emploi. En Afrique subsaharienne et en Asie du Sud et de
l'Ouest, une fille sur huit est déjà mariée à
l'âge de 15 ans, et une sur sept est déjà mère
à 17 ans. Maintenir les filles à l'école est l'un des
moyens les plus sûrs de prévenir le mariage des enfants et les
grossesses précoces. L'éducation est aussi un facteur clé
de l'accélération de la transition démographique et de la
baisse des taux de natalité et de mortalité184.
L'éducation est indispensable pour renforcer les liens
entre les communautés et les sociétés. L'éducation
aide les individus à comprendre la démocratie, promeut la
tolérance, ainsi que la confiance qui la sous-tend, et encourage la
participation des citoyens à la vie politique. Son rôle est
particulièrement crucial dans les régions et les pays où
l'intolérance est source de violence et de conflit.185
Une éducation équitable stimule la croissance
économique. Non seulement l'éducation aide les individus à
sortir de la pauvreté en développant les compétences dont
ils ont besoin pour améliorer leurs moyens d'existence, mais elle
génère aussi des gains de productivité qui stimulent
substantiellement la croissance économique. Toutefois, pour faire
reculer la pauvreté, la croissance doit combattre les
inégalités en améliorant le sort des plus pauvres et
181 Ibid., p. 8.
182 Ibid., p. 12.
183 Ibid., p. 14.
184 Ibid., p. 16.
185 Ibid., p. 18.
82
des plus exclus. L'éducation est cruciale pour
atteindre cet objectif, parce qu'elle aide à garantir que les
bénéfices de la croissance sont équitablement
partagé186.
L'éducation apporte des réponses aux
problèmes environnementaux mondiaux. Les individus plus instruits
tendent non seulement à être plus soucieux de l'environnement,
mais aussi à traduire cette préoccupation en actions visant
à encourager ou à appuyer les décisions politiques en
faveur de l'environnement. Parce qu'elle enrichit les connaissances, transmet
des valeurs, renforce les convictions et modifie les attitudes,
l'éducation a une formidable capacité de changer les modes de vie
et les comportements néfastes. Elle peut nous encourager à faire
un usage plus efficace de l'eau et de l'énergie et à recycler les
déchets ménagers. Dans les pays pauvres victimes du changement
climatique, elle peut aider les populations à s'adapter à ses
effets. Au niveau mondial par exemple, investir 11 à14 milliards de
dollars US par an dans l'éducation de base des filles pourrait aider
leurs familles à effectuer de meilleurs choix afin de contrer les effets
futurs des catastrophes d'origine climatique. 187 La finalité
étant de parvenir à construire un bien-être social juste et
équitable.
B. Bien-être humain
1. La théorie de Maslow
L'Homme doit satisfaire certains besoins pour atteindre un
état de bien être satisfaisant. Le psychologue américain
Abraham Maslow (1908-1970) proposait une théorie selon laquelle les
motivations des êtres humains naissent dans des besoins à
satisfaire hiérarchisés en 5 niveaux. Ses travaux ont
été fortement influencés par des études sur les
primates et la sexualité des femmes dans les années 1935. Il est
considéré comme le père de la psychologie humaniste selon
laquelle « l'individu sain est celui qui atteint la réalisation de
soi. Chose qui implique le plein développement de potentialités
propres ». Il proposera une hiérarchie qui débute par les
besoins physiologiques jusqu'à l'étape ultime,
l'accomplissement188.
Il a découvert que le fonctionnement humain est
différent pour les gens qui se trouvent dans un état de
santé positif au lieu d'être dans un état de manque. Maslow
appelait cette nouvelle approche « la psychologie de l'Être ».
Selon lui, les individus accomplis étaient motivés par des «
valeurs de L'Êtres ». Ce sont les valeurs qui sont naturellement
développées par des êtres humains sains et qui ne sont
imposées ni par la religion ni par la culture. Il soutenait que «
nous sommes parvenus au point, dans l'histoire biologique, où nous
sommes désormais responsables de notre propre évolution. Nous
sommes devenus auto-évoluant. L'évolution implique de
sélectionner et donc de choisir et de décider, et cela signifie
évaluer ». Les valeurs reconnues par les individus accomplis
comprennent la vérité, la créativité, la
beauté, la bonté, la complétude, la vitalité,
l'unité, la justice, la simplicité et
l'autosuffisance189.
L'étude de Maslow sur la nature humaine l'a conduit
à de nombreuses conclusions dont ces idées centrales :
· Les êtres humains possèdent une tendance
innée à progresser vers des niveaux supérieurs de
santé, de créativité et d'épanouissement ;
186 Ibid., p. 20.
187 Ibid., p. 22.
188 Abraham Maslow, (traduction française de Laurence
Nicolaieff), « Devenir le meilleur de soi-même, besoins
fondamentaux, motivation et personnalité », Paris, EYROLLES, 2013,
p.8.
189 Ibid., p. 9.
·
83
La névrose peut être considérée
comme un blocage de la tendance vers l'accomplissement de soi ;
· L'évolution d'une société
synergique est un processus naturel et essentiel. C'est une
société dans laquelle tous les individus peuvent atteindre un
niveau élevé de développement personnel sans affecter la
liberté des autres ;
· L'efficacité de l'entreprise et la croissance
personnelle ne sont pas incompatibles. En fait, le processus d'accomplissement
de soi mène chaque individu aux plus hauts niveaux
d'efficacité.
En 1968, Maslow expliquait que la révolution qu'il
avait déclenchée dans la psychologie s'était solidement
installée. En outre, elle commence à être utilisée,
surtout dans l'éducation, dans les usines, dans la religion, dans
l'entreprise et le management, en thérapie et pour l'amélioration
de soi. De fait, son travail fait partie intégrante des courants
intellectuels dominants de ce siècle190.
Figure 09 : Pyramide de Maslow. Source :
Coaching et motivation : quel lien avec la pyramide de
Maslow ? (
reussirsonbpjeps.com)
2. Le bien-être pour le Baka
Dans tous les cas, il est important de dire que le
bien-être ne saurait être standardisé. Les Baka en
périphérie du parc national de Lobéké l'illustrent
à juste titre. Les valeurs culturelles et spirituelles qu'ils accordent
à la nature témoignent d'un bien être qui va bien
au-delà de la théorie de Maslow et des objectifs de
développement durable tels que nous les concevons aujourd'hui. Loin de
la conception pyramidale de Maslow, le Baka trouve sont bien être dans un
contentement à la fois horizontal et vertical totalement lié
à la nature qui l'entoure. Pour le Baka, la nature est tout et peut tout
faire. La conception laborieuse du bien être verticale que nous avons
construit par nos modes de développement n'a tout simplement
190 Idem.
84
pas sa place dans la culture Baka à l'origine. Pour ces
gardiens de la forêt, « ce que dieu te donne chaque jours, tu le
prends, tu dis merci et attend ce qu'il te donnera demain ». Si certains
considèrent cette philosophie de vie comme étant primitive et pas
assez adaptée aux logiques modernistes, nous devrions toute fois nous
demander comment pendant des siècles ces traditions ont pu conserver
intactes les forêts du bassin du Congo. Et si un retour aux basiques de
la vie humaine était la solution pour infléchir la perte continue
de la biodiversité ? Introduire ces valeurs dans ce que la science
apporte comme innovation serait certainement bénéfique à
tous. Construire un modèle scientifique innovant de conservation de la
biodiversité qui prenne en compte les valeurs traditionnelles, n'est-ce
pas possible ?
SECTION II : ENTRE PRATIQUES TRADITIONNELLESET
INNOVATIONS SCIENTIFIQUES
De nos jours, les nouvelles technologies trouvent leur
application à tous les domaines d'activité et le plus souvent au
détriment de la culture considérée très souvent
à tort comme dépassée. Les piliers classiques du
développement durable (environnement, social et économie) face
à l'afflux des enjeux « nouveaux » dans le domaine de la
conservation de la biodiversité font place à la culture et les
nouvelles technologies.
En effet, il est aujourd'hui inconcevable de se défaire
des avancées observées dans ces deux secteurs et d'en tirer
profit. La conservation de la biodiversité ne déroge pas à
la règle.
Dans un premier temps, nous ferons une analyse de la culture
des premiers habitants des forêts du bassin du Congo : les Baka
(Paragraphe I). Par la suite, pour une meilleure perception des enjeux de la
conservation de la biodiversité dans un contexte de COVID 19, nous
aborderons deux avancées scientifiques majeures (paragraphe II) pour la
conservation : l'approche One health et les nouvelles technologies.
PARAGRAPHE I : LA CULTURE BAKA
D'après le web chroniqueur camerounais Charly Ngon,
« Les pygmées sont les premiers habitants du Cameroun. Durant
des siècles ils n'avaient pour seul espace d'habitation que la
forêt. Aujourd'hui quelques groupes essaient tant bien que mal de
s'adapter à la vie sédentaire qui ne leur réussit pas
souvent malgré les initiatives mises en place pour faciliter ce nouveau
mode de vie. »191
Savoir qui sont les « pygmées » (A) et savoir
ce que nous pouvons apprendre de leur mode de vie (B) constituera la
quintessence de ce paragraphe.
A. Qui sont les baka ?
Si l'expression peut souvent sembler barbare ou encore
péjorative hors du contexte habituel, il est couramment utilisé
pour identifier le premier peuple autochtone du Cameroun. Dans les manuels
scolaires, on a toujours décrit les pygmées comme étant
des personnes de petite taille, qui vivent de la chasse, de la pêche, le
ramassage et de la cueillette. Ils habitent dans des huttes construites avec
des feuilles et des bambous (Moungoulou), dans lesquels ils vivent avec toutes
leurs familles.
191Charly Ngon, « Traditions et
légendes : les pygmées du Cameroun, un peuple, une histoire
», Auletch Webzine. 2018, [En ligne : « Traditions et
légendes : Les pygmées du Cameroun, un peuple, une histoire (
auletch.com) »,
consulté le 13/07/2022 à 03h00].
85
En réalité, le terme de « Pygmées
» réunit un peu artificiellement plusieurs groupes ethniques,
différents au point de vue physique, linguistique et, dans une certaine
mesure, culturel. Disséminés de la côte atlantique au
Rwanda : Ba Mbuti de l'est du Zaïre (forêt de l'Ituri) qui se
divisent en au moins trois grands groupes, Efè, Asua et Mbuti proprement
dits ; Ba Kola ou Ba Gyeli (sud-ouest du Cameroun), Baka et Bangombe (sud-est
du Cameroun, nord du Gabon et nord-ouest du Congo), Ba Aka et Ba
Mbènzèlè (République centrafricaine et nord du
Congo), Ba Bongo ou Akoa (Gabon et ouest du Congo). Ces derniers groupes
étaient connus sous le terme générique de Ba
Binga192.
1. Les origines des Baka
Les origines réelles des pygmées étaient
un mystère insoluble. Une difficulté accentuée par
l'éparpillement de ce groupe à travers le monde. Serge Bahuchet
en parle dans son livre « Les pygmées d'aujourd'hui en Afrique
Centrale ». Établir donc une filiation qui existerait entre les
différents groupes de pygmées, était devenue une urgence
pour les chercheurs. Pour résoudre donc cette énigme, ils sont
partis du constat selon lequel, les pygmées ne partagent pas les
mêmes habitudes culturelles, même si il y a 3000 ans, ils auraient
appartenu à un même groupe de personnes193.
Pour étayer leurs explications, ils ont
procédé à l'analyse de plusieurs souches
génétiques. Des souches qui ont été
prélevées sur des pygmées vivant au Cameroun, au Gabon et
au Congo. Les résultats ont indiqué une concordance
génétique entre les différents groupes. Tout en soulignant
aussi une diversité dans les souches qui s'explique par
l'éclatement des groupes. Une séparation rendue possible par
l'émergence de nouveaux modes de vie, qui aurait débuté il
y a 2 800 ans. Ce qui a pu montrer que les ancêtres des ancêtres
des pygmées se seraient eux aussi détachés d'autres
groupes humains plusieurs années auparavant depuis
l'Égypte194.
Ils ont démontré aussi que la diversité
observée au niveau des gènes était dû aux mariages
des femmes. Chez les pygmées c'est la femme qui épouse l'homme,
parfois les non pygmées. Lorsqu'elles ne se sentent plus
considérées dans leur relation, elles faisaient le choix de
rentrer dans leurs familles avec leurs enfants. C'est ainsi que ces enfants
allaient à leur tour créer une famille aux origines multiples.
Une situation qui a laissé émerger un nouveau profil des
pygmées, loin de ce qu'on a toujours appris dans les documents.
Aujourd'hui, on trouve des pygmées avec une taille normale. Mais la
science continue encore de faire des recherches sur d'autres groupes de
pygmées, comme pour dire il y a encore à apprendre des origines
des pygmées195.
2. Au Cameroun
Au Cameroun, on rencontre quatre groupes de pygmées.
Les Bakas, l'un des groupes les plus importants, qui comptent près de
40000 individus ou plus. Avec un lignage qui s'étend au Gabon et Congo,
ils sont principalement localisés dans les provinces de l'Est et du Sud
(Sangmélima, Djoum, Mintom et Dja). Ensuite, les Bakola qui vivent dans
le département de l'Océan, dans la localité de Lolodorf et
une partie à la limite des forêts du littoral. Puis vient, les
Bagyeli, qui sont du lignage des Bakola, et qui occupent la région du
Sud-ouest. Avec leurs frères, on estime leur population à 3000
individus. Enfin, les Medzam
192 Serge Bahuchet, « Les Pygmées d'aujourd'hui en
Afrique centrale » In: Journal des africanistes, tome 61,
fascicule 1. 1991, p. 7.
193 Ibid., p. 2.
194 Ibid., p. 3.
195 Ibid., p. 4.
86
très minoritaires, vivent au centre plus
précisément dans la plaine Tikar. On estimerait leur population
à près de 1000 personnes.
B. Leur mode de vie
1. L'organisation familiale
Les pygmées vivent généralement en clan,
c'est-à-dire qu'ils appartiennent à un même ancêtre.
C'est la raison pour laquelle, lorsqu'un membre du clan veut épouser une
femme, il doit aller la chercher dans une autre communauté, pour
éviter de tomber sous le coup de l'inceste. Avant de se marier, tout
homme doit passer par le rite de la circoncision encore appelé le beka'a
en langue locale. Chez les pygmées, chaque membre du clan a un
rôle bien défini. Tout membre quelqu'il soit doit se soumettre aux
règles du clan de peur d'être sanctionné.
Les anciens représentent la sagesse et
l'expérience. Ils conseillent les jeunes et leurs transmettent leurs
savoirs. L'enfant c'est l'héritage familial. Celui-ci doit se montrer
obéissant et disponible. Les femmes sont les garantes de la tradition.
Elles prennent les décisions importantes dans la gestion de la famille.
Elles sont chargées de construire les huttes. Un savoir-faire qu'elles
transmettent aux enfants. Les hommes assurent la protection de la famille. Ils
sont chargés de veiller aux besoins alimentaires de la famille.
Dès que les garçons ne sont plus sous la responsabilité de
leurs mères, ils sont à la charge des hommes pour poursuivre leur
éducation196.
Les pygmées croient en un dieu tout puissant qu'ils
appellent Komba. Ils le considèrent comme celui qui a créé
le ciel et la terre, donc le créateur de l'univers. À
côté, il y a Ed-jengui, le dieu de la forêt qui les
protège dans la forêt, leur offre du gibier, les plantes
médicinales ou encore d'autres denrées alimentaires. Les
pygmées croient en la réincarnation. C'est la raison pour
laquelle lorsqu'un membre du clan décède, ils savent qu'il va
continuer sa vie dans celle d'un animal ou d'un arbre. Une croyance qui les
emmène à s'abstenir de chasser certains animaux ou de couper
certains arbres. En désobéissant à cela, ils s'exposent
à la colère des « més », d'autres esprits de la
forêt197.
2. La sédentarisation
L'année 1960 qui marque un grand tournant historique
dans le jeune État Cameroun, pousse les autorités à lancer
un vaste programme d'insertion des pygmées. L'initiative avait pour but
d'en faire des citoyens camerounais à part entière. C'est ainsi
que les premiers pygmées à bénéficier de cette
mesure sont ceux de la région de l'Est dans l'arrondissement de
Moloundou. Puis suivront les pygmées du département de
l'Océan dans la localité de Bipindi. En 1968, le gouvernement
lance l'opération mille pieds inscrit dans le deuxième plan
quinquennal pour accélérer la sédentarisation des
pygmées. Mais le projet n'ira pas jusqu'au bout.
Les pygmées sont certes les premiers habitants du
Cameroun mais leur représentativité est presque inexistante au
sein de la société. Très peu ont la chance d'aller
à l'école ou encore d'avoir accès à certains
besoins primaires. Une marginalisation qui les oblige à fuir la
modernité. La forêt qui est leur espace de vie, est menacée
de déforestation par des entreprises qui viennent couper du bois.
Envahis dans leur environnement, certains sont obligés de se
196 Ibid., p. 5.
197 Ibid., p. 6.
87
déplacer dans les zones plus reculées ou encore
de troquer malgré eux leur mode de vie de nomade à celui de
sédentaire198.
Un changement de mode de vie qui a une conséquence sur
le nouveau regard qu'on porte sur certains pygmées. Ils ne vivent plus
dans la forêt, leur savoir-faire sur le plan de la médecine
traditionnelle disparaît peu à peu. Une aliénation qui nous
pousse à nous demander si dans quelques années, on aura encore
des pygmées authentiques ?
PARAGRAPHE II : DEUX AVANCEES SCIENTIFIQUES DANS LA
CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE
D'après Mr. Sali Ballo,199« Face
aux graves enjeux liés à la vulnérabilité sanitaire
actuelle dans le monde, la communauté internationale se questionne sur
le nouvel ordre de sécurité sanitaire à adopter, en vue
d'anticiper la prochaine pandémie et limiter les
évènements de santé publique. Pour y répondre,
l'approche One health apparait comme la solution idoine. »200
L'approche One heath (A) et l'internet des objets (B)
apportent des solutions aux pressions anthropiques et favoriseraient des
innovations en termes de développement durable en
périphérie du Parc national de Lobéké. À la
fin, c'est « l'association des objets connectés avec d'autres
technologies, d'autres approches culturelles, d'autres politiques
environnementales et d'autres modèles économiques innovants qui
vont donner toute la valeur » au process201.
A. L'approche Une Sante
1. One health au Cameroun
L'approche One Heath a pour but de s'arrimer aux exigences du
Règlement Sanitaire International (RSI), du code terrestre des animaux,
et des conventions et traités internationaux en matière de
préservation de l'environnement auxquels le Cameroun a souscrit. Le pays
s'active davantage depuis quelques années à repositionner ce
référentiel sanitaire au coeur des stratégies de
prévention, de mitigation, de préparation et de réponse
aux situations d'urgence. Cette matérialisation se traduit par
l'amélioration de la gouvernance sanitaire et le renforcement des
capacités techniques des différents secteurs et
intervenants202. L'un de ses principaux défis reste la
prévention d'une éventuelle apparition de zoonoses. Parmi les
zoonoses susceptibles d'apparaitre dans les AP nous avons :
a. La Maladie à Virus Ebola
Connue sous le nom de fièvre hémorragique Ebola,
la maladie à virus Ebola (MVE) est une maladie rare mais souvent
mortelle chez l'homme si elle n'est pas traitée. Elle est apparue pour
la première fois en 1972 au Soudan du Sud et a connu en 2014-2016 sa
plus grande épidémie. Elle se manifeste par une période
d'incubation qui va de 02 à 21 jours. Les symptômes de la MVE
peuvent être soudains et inclure la fièvre, la diarrhée, la
fatigue, les
198Ibid., p. 7.
199Coordonnateur du comité technique du
programme zoonose Cameroun.
200Stratégie Nationale Une Santé,
«Advancing One health in Cameroon», Cameroun one health
magazine, no
001, 2022, p. 9.
201Microsoft, « Internet des objets (IoT), 30
projets concrets », Paris, LIVRE BLANC, 2015, p. 82.
202Stratégie Nationale Une Santé, op.
cit., p. 9.
88
douleurs musculaires, les maux de tête, la gorge
irritée. Au cours de l'évolution de la maladie, d'autres
symptômes peuvent se développer tels que les vomissements, une
éruption cutanée, voire des symptômes d'insuffisance
rénale et hépatique. Les manifestations de la MVE sont d'ordre
diverses : saignements internes et externes, faible taux de globules blancs et
de plaquettes, taux élevé d'enzymes hépatiques.
Figure 10: Schéma de l'approche One Health.
Source: Cameroun one health magazine.
Le traitement pour la MVE n'est pas encore disponible.
Toutefois, les soins de soutien (réhydratation par voie orale ou
intraveineuse) et le traitement de symptômes spécifiques
améliore la survie. S'agissant de la prévention, les mesures de
réduction des risques prennent en compte un certain nombre de facteurs
tels que le risque de transmission de la faune à l'homme, la
transmission interhumaine, la contamination par les liquides et les tissus
liés à la grossesse et le renforcement des mesures de
contrôle des épidémies. Au Cameroun, même si le
risque de survenue est élevé, aucun cas n'a encore
été détecté à date203.
b. La variole du singe
La variole du singe encore appelée monkeypox,
est une zoonose causée par un virus orthopoxviridae, du
même genre que celui de la variole humaine. La transmission se fait par
contact avec les animaux infectés, le plus souvent des rongeurs
sauvages. Elle peut ensuite se propager d'une personne à l'autre. Chez
l'humain, la variole du singe se manifeste par des
203 Ibid., p. 16.
89
éruptions cutanées pustuleuses, de la
fièvre, des symptômes respiratoires entrainant parfois la mort. En
Afrique, la variole du singe est présente dans les régions
centrales et occidentales, près des forêts tropicales humides. Le
taux de mortalité se situe entre 1 et 10 %. Il n'existe pas de
médicament spécifique. Le traitement est symptomatique. Ainsi, la
surveillance de la variole est cruciale dans la perspective de prévenir
une éventuelle réémergence de la variole jadis
éradiquée. Au Cameroun, de nombreux cas ont été
signalés principalement dans les régions du Centre, de l'Est, du
Sud, de l'Ouest et du Nord-ouest204.
La stratégie nationale Une santé du Cameroun
vise à prévenir la survenue de bien d'autres zoonoses comme la
grippe aviaire, l'anthrax, la rage, etc. Le ministère des forêts
et de la faune en charge de la gestion des aires protégées est
particulièrement interpelé à cet effet.
2. Le rôle du MINFOF dans la stratégie One
health.
Parmi les missions régaliennes du MIFOF, certaines ont
un lien direct avec les activités du Programme Zoonoses, notamment la
gestion de la faune sauvage qui constitue des réservoirs ou vecteurs de
nombreuses maladies zoonotiques ou épizooties. Représenté
au sein de toutes les instances décisionnelles de ce Programme, le
MINFOF contribue à l'élaboration et à la mise en oeuvre
des stratégies et plans d'actions de celui-ci, en liaison avec les
autres sectoriels concernés. Plus particulièrement, un accent est
mis sur le renforcement des capacités des écogardes dans la
prévention, la surveillance épidémiologique et la lutte
contre les zoonoses, de même que la sensibilisation des populations
riveraines des aires protégées.
Le suivi sanitaire des espèces sauvages se fait in-situ
et ex-situ. Pour cela, le Ministère de l'Elevage des Pêches et des
Industries Animales (MINEPIA), a mis à la disposition du MINFOF, des
vétérinaires dans les jardins zoologiques de Mvog-Betsi, Limbe,
Garoua et au Parc National de Campo Ma'an. Pour le moment, ce suivi est fait
aussi bien par les écogardes que par ces vétérinaires. Il
consiste à observer des singes suspects lors des missions de terrain de
suivi écologique ou des patrouilles. Au niveau des jardins zoologiques,
ce suivi est beaucoup plus accentué en raison du fait que les animaux
sauvages vivent en captivité et le milieu est ouvert au public. En cas
de prélèvement, les échantillons sont soit soumis aux
analyses préliminaires sur place, pour les cas des aires
protégées disposant de laboratoire (Parc National de Campo Ma'an
et le Jardin Zoologique de Limbe), soit transmis au Laboratoire National
Vétérinaire (LANAVET) sous autorité du MINEPIA, pour des
analyses plus poussées.
Le grand défi reste le renforcement des
capacités des personnels sur les différents symptômes de
maladie, afin qu'ils soient mieux outillés pour les alertes et la
manipulation des échantillons. Certaines aires protégées
ont bénéficié des kits de prélèvement des
échantillons205. Dans le but d'arriver à des standards
internationaux mais aussi de réduire le contact et les pressions
anthropiques au cours de leurs différentes missions, plusieurs aires
protégées au Cameroun investissent dans les nouvelles
technologies.
B. L'Internet Of Things (IoT)
204 Ibid., p. 17.
205 Ibid., p. 31.
1. Origines et bénéfices de
l'IOT
En 2019 se fêtait les 50 ans de l'Internet. Son embryon
est en effet né en 1969 au Darpa sous l'appellation «Arpanet»,
premier réseau à faire transiter l'information sous la forme de
paquets de données. L'Internet est entré dans l'âge adulte
à 21 ans, en 1990, avec l'invention du Web, dont on ne
répétera jamais assez qu'il n'est qu'une application de
l'Internet (de même que l'e-mail, par exemple), et non pas l'Internet
à lui tout seul.
Nous précisons tout de suite que nous choisirons de
circonscrire notre analyse à l'utilisation du drone et des camera
connectés étant donné le rayon extrêmement vaste des
IoT. Ces deux outils en particulier sont d'une grande utilité dans le
domaine précis de la conservation de la biodiversité et les
enjeux de développement durable. Ceci pour bien montrer qu'il s'agit
d'une réalité unique, à savoir l'interconnexion de tous
les réseaux de terminaux émetteurs de données (data)
à travers le monde206.
a. Les origines de l'IoT
Depuis 1990, qu'est-il arrivé à l'Internet ? Pas
grand-chose, à vrai dire. Certes, au fil des années, une part de
plus en plus importante des Terriens ont pu s'y connecter, et de plus en plus
vite; c'est vrai, il y a eu la « nouvelle économie », le
« Web 2.0 », les médias sociaux, etc. Mais tous ces
changements de paradigmes, car c'est bien ce dont il s'agit, ont plutôt
concerné le Web, c'est-à-dire tout ce à quoi l'on
accède à partir d'un navigateur. Le seul vrai changement au fond
qui a touché la partie « tuyaux », la technique, c'est
l'avènement de l'Internet Mobile, qui a réellement
émergé à partir de la sortie de l'iPhone en 2007.
À l'aube de ses 50 ans, il était temps que
l'Internet fasse sa révolution, sous peine de rejoindre à court
terme la radio ou la télévision dans le club du troisième
âge des technologies. Cette révolution, elle est en train de se
produire: c'est l'Internet des Objets.
De quoi s'agit-il ? D'une généralisation du
concept de l'Internet à une grande variété d'objet,
au-delà de tout ce qui ressemble de près ou de loin à un
ordinateur, y compris les montres, GPS, smartphones, drones, caméras et
autres objets.
90
206 Microsoft, op. cit., 2015, p. 9.
91
92
Figure 11 : Formation en pilotage de
drones207. Source : Bohin B.,2021.
Aujourd'hui, en effet, une foultitude d'objets sont des «
terminaux émetteurs de données ». Capteurs industriels sur
des chaînes de production en usines, sondes de température dans
des colis devant rester à climat contrôlé, objets du
quotidien (montres, bracelets), robots domestiques en train d'apparaître,
capteurs d'empreinte carbones, etc. Tout ceci n'est pas entièrement
nouveau. Ce qui l'est, en revanche, c'est l'essor que prend le
phénomène, sous l'effet conjoint de la diminution des prix, de
l'apparition de nouvelles technologies d'échanges de données,
économiques à la fois du point de vue financier et du point de
vue énergétique, et enfin de nouveaux comportements liés
à la mesure des effets de la pollution et de la destruction de la
biodiversité, et au partage des données208. L'IoT
permet de rendre visible les images des sites naturels à
l'intérieur du parc, des vidéos en temps réel qui peuvent
être directement observées sur un site web dédier du parc.
Cette nouvelle forme de tourisme visuelle par exemple dépasse
l'idée de l'immersion dans la nature telle que nous la concevions
encore.
207Formation en pilotage de drones et à la
gestion des données sur le paysage faunique du parc national du Mpem et
Djim par le colonel Bisseck (Conservateur du parc). Formation au cours d'une
mission de tracking des lions observés quelques mois plus
tôt dans le parc par les populations riveraines victimes d'attaques de
leur bétail. Nous avons également évoqué la
question de la valeur stratégique (sur le plan international) des
données recherchées par tous les groupes étrangers
auprès des aires protégées. Nous avons à cet effet
travailler sur comment valoriser la communication des données obtenues
des camera trap installées dans presque tout le parc ?
208 Idem.
Figure 12 : Panthère prise en photo par une
camera trap. Source : WWF, 2017 p. 8.
En effet, grâce au digital et à des applications
comme les casques virtuels, il est tout à fait possible aujourd'hui de
vivre un voyage au coeur de la vie sauvage sans avoir à laisser une
grosse empreinte carbone au passage. Les touristes aujourd'hui qui sont
taxées de grands pollueurs acceptent de plus en plus l'idée de
participé à la lutte contre le réchauffement climatique.
Grace à l'IoT, il est aujourd'hui possible pour les touristes d'avoir
des détails sur leurs efforts.
Au PNL, les images des caméras traps
régulièrement collectées par le service de surveillance
permettent d'alimenter l'unité d'écotourisme (en charge de la
communication et de la visibilité des actions du parc) en images
directement postées sur les pages Facebook, YouTube et autres.
Initiative qui porte des résultats encourageants au stade actuel des
recherches sur les questions ultra futuristes comme l'autonomisation des robots
et objets connectés, qu'importe le vocabulaire, pourvu qu'on ait
l'usage. Les gens ne sont pas à la recherche d'objets connectés,
ils recherchent des fonctionnalités, des solutions pour réduire
leur consommation d'énergie, pour améliorer la
sécurité sanitaire ou le confort à domicile ou lors des
voyages. « Nous sommes face à une mutation qui est que le produit
s'efface derrière l'usage ».
b. Les bénéfices de l'IoT en
matière de valorisation des savoirs traditionnels liés à
la pharmacopée.
Il y a plusieurs façons de considérer les
bénéfices induits par l'internet des objets dans le domaine de la
pharmacopée traditionnelle :
· 93
Des objets connectés pour prendre soin des hommes et de
leur environnement.
L'un des domaines dans lequel l'Internet des objets est le
plus développé est sans nul doute celui de la santé
(pèse personnes connectés, traceurs d'activité, montres
spéciales, la panoplie des objets connectés dédiés
au sport et à la santé est bien fournie). Mais au-delà de
cette dimension « forme et bien-être », l'Internet des objets
peut considérablement améliorer le quotidien de centaines de
milliers de malades, voire sauver des vies. L'utilisation que commence à
en faire les laboratoires pharmaceutiques classiques au moyen de la
télémédecine ouvre également la voie à de
possibles consultations à distance faites par des guérisseurs
pygmées Baka grâce aux applications smartphones actuellement en
cours de développement par des étudiants français, belges
et de bien d'autres nationalités au niveau du PNL.
· Les objets connectés pour un meilleur suivi des
traitements.
« Soigner un patient ne consiste pas uniquement à
lui administré un vaccin ». Pour qu'un traitement soit efficace, il
faut qu'il soit bien observé et pris de manière
persistante209. Il est déjà possible de créer
des interfaces d'échange entre les populations autochtones
détentrices de savoirs traditionnels exceptionnels et les potentiels
patients dans le monde entier. La culture asiatique en est un parfait
exemple.
· Une bonne observance.
L'observance du traitement consiste en la prise du
médicament dans les conditions prescrites par le médecin
(posologie, moment de prise, etc.). Un dispositif connecté fixé
à notre inhalateur pourrait permettre également de suivre ces
données.
2. Les grands enjeux de l'IoT pour la conservation de la
biodiversité.
De nombreux enjeux stratégiques gravitent autour de
l'application des nouvelles technologies dans la conservation de la
biodiversité. Mais sans aucun doute la gestion des data est le
plus important. Au final, qu'apportent les objets connectés, sinon la
capacité de capter des lots de données de faibles volumes
unitaires mais en grande quantité (images, audio, cartes et
données GPS etc.), pour un coût modique et au niveau micro-local?
En ce sens, ils sont un catalyseur extraordinaire du Big Data210.
a. Le Cloud
Comment le Cloud rend possible l'exploitation des
données émises par les objets connectés ? «
L'internet des objets a un ancêtre : le machine to machine. Vu son
coût, ce dernier était réservé à certaines
industries et à certaines entreprises. Le Cloud, aujourd'hui apporte les
mêmes possibilités pour n'importe quel type d'objet, de la
poubelle à l'ascenseur en passant par la voiture, etc. Le Cloud
apporte des données à large échelle, permettant de
traiter des problématiques de type Big Data. Enfin, il rend tout cela
possible à un coût raisonnable. Aujourd'hui, l'internet des objets
devrait être accessible à n'importe quel parc dans le bassin du
Congo. À partir du moment où on oriente les recherches sur des
outils déjà
209 Ibid., p. 15.
210 Ibid., p. 33.
94
largement accessibles auprès des populations
autochtones notamment le Smartphone qui permet de gérer une large gamme
de données211. Donner de la valeur aux données est un
enjeu clé pour les aires protégées. « Connecter des
objets, c'est relativement facile, la difficulté, c'est d'exploiter
l'énorme quantité de données qu'ils produisent, et d'y
ajouter de la valeur. Le back-office des objets connectés est donc
très important, pour donner de la valeur à ces données.
Avec des algorithmes pertinents, il faut pouvoir tirer quelque chose
d'intéressant et d'exploitable à partir des données
émanant des objets connectés212. En particulier les
données économiques par exemple.
b. La block chain
En juillet 2022, la République centrafricaine s'est
ouvertement tourner vers les financements alternatifs qu'offrent internet comme
le Bit Coin. L'objectif annoncer étant de favoriser des financements qui
soient libérés des contraintes imposées depuis des
décennies par le système colonial. La RCA veut en effet profiter
des avantages des systèmes comme la Block Chain pour s'affranchir des
chaines qui freinent l'exploitation de son immense potentiel minier et
environnementale. La Block Chain ouvre par exemple la voie à une forme
de tourisme participatif à la fois dans le flux direct des transactions
financières entre les nombreux acteurs dont les touristes
engagés, et des populations locales autochtones en charge de la
conservation, réunies sur le terrain sous forme d'association.
L'écotourisme en ce sens-là peut répondre
à de nombreux défis déterminants du développement
durable et interculturel. La valorisation des produits comme les
chenilles213commercialisées au niveau des standards
internationaux, en prenant en compte les enjeux stratégiques de
développement durable pour les pays du bassin du Congo, fait partie de
notre vision pour réduire les pressions anthropiques sur le commerce et
la consommation excessive de viande de brousse. Apporté une
réponse aux enjeux économiques sans les tracasseries bancaires
serait forcément un gain en efficacité. L'autonomisation
financière des populations riveraines constitue en effet le coeur des
réflexions actuelles en matière de conservation de la
biodiversité dans le bassin du Congo.
La difficulté majeure se trouve dans le fait de pouvoir
proposer des produits qui répondent également aux valeurs
culturelles des populations locales. Et dans ce sens, la cuisine Baka est
extrêmement riche tant sur le plan diététique que sur le
plan esthétique. Mais il faudrait une synergie de talents pour arriver
à la valoriser au même niveau que la cuisine traditionnelle
asiatique par exemple. Pour joindre la théorie à la pratique,
nous avons essayé de confectionner une maquette214 totalement
opérationnelle qui a été exposée et
appréciée par toutes les autorités administratives et
traditionnelles présentent lors du festival Baka - Bantu
211Ibid., p. 34.
212Ibid., p. 35.
213MBOYO : concept d'une boite de conserve de
chenilles fumées. Produit à base d'une recette culinaire
autochtone (pygmée Baka)
214Maquette entièrement supervisée
personnellement dans le but d'impulser une dynamique innovante sur les
questions de conservation de la biodiversité et tendre vers un consensus
social. Comment puis-je vendre mon produit à un touriste de
manière à valoriser également mon patrimoine culinaire et
participer au Soft Power au niveau des relations internationales ? Ces
travaux ont bénéficié du soutien financier de la KAS
(Allemagne), de la CARN (USA), de la FTNS (Cameroun, RCA, Congo.) et ont
été retenus par le Comité national MAB-UNESCO Cameroun
pour candidater au programme de bourse MAB-UNESCO pour jeunes scientifiques en
2022.
organisé en Novembre 2021 au PNL. En cas de
financement, ces alternatives peuvent dans une politique internationale de
conservation communautaire donné vie à des projets de reboisement
d'arbres hôtes des chenilles inféodées à ces
derniers ; en l'occurrence le Sappeli215. En plus, il est
aujourd'hui possible de donner au client à l'autre bout du monde la
possibilité d'acheter et ou financer tout en traçant la
destination de son argent à partir d'un code barre. Par là, il
est possible d'ouvrir la voie à un commerce juste, durable et
équitable. Commerce qui ouvre par ricochet des possibilités
importantes de tourisme durable.
95
215 L'une des essences de bois les plus exploitées dans
le bassin du Congo.
CHAPITRE IV : LE TOURISME DURABLE AU
PARC NATIONAL DE LOBEKE
96
Le tourisme est l'un des secteurs d'activité qui
emploie le plus au monde. Aussi, depuis quelques années, les pays
d'Afrique centrale misent sur le tourisme durable comme enjeux de
développement (Section I). À titre d'exemple, le parc national de
Lobeke au Cameroun a élaboré une stratégie de
développement de l'écotourisme autour du tourisme culinaire
à laquelle nous avons contribué (Section II).
SECTION I : LE TOURISME DURABLE COMME ENJEU DE
DEVELOPPEMENT
La Convention sur la diversité biologique (CBD)
étudie la question de la diversité biologique et du
développement écotouristique depuis 2004. Elle a notamment
adopté un document intitulé « Guidelines on Biodiversity and
Tourism Development ». Un autre intitulé « Lignes directrices
sur la diversité biologique et le développement du tourisme
» ainsi que deux guides d'application correspondants, l'un intitulé
« Managingtourism and biodiversity», Gestion du tourisme et
diversité biologique, et l'autre « Tourism supporting
Biodiversity». Le tourisme au service de la biodiversité. Les
travaux présentés lors de la Conférence des Parties de la
CDB en 2020 ont conclu que le tourisme était le principal secteur
à contribuer, au niveau mondial, au financement des réseaux
d'aires protégées dans de nombreux pays d'Afrique subsaharienne
en faisant appel aux mécanismes du marché, grâce à
l'acquittement de droits d'entrée et d'autres redevances d'utilisation,
et à la mise en place de partenariats et de concessions pour la
constructions d'établissements touristiques hauts de
gamme216.
PARAGRAPHE I : LA STRATEGIE SOUS- REGIONALE DE
DEVELOPPEMENT DE L'ECOTOURISME
D'après l'UICN, de nombreuses Parties à la CDB
sous-exploitent le tourisme comme moyen de concourir à la
viabilité financière des aires protégées. Les
partenariats et les concessions touristiques dans des aires
protégées répondent à la sous-exploitation de ce
potentiel et aux récentes décisions prises par la CDB sur le
tourisme, dans lesquelles elle invite les Parties à :
«[...]renforcer les capacités des agences
nationales et infranationales responsables des aires protégées et
des parcs ou autres organes compétents, selon qu'il convient, afin de
former des partenariats avec l'industrie touristique pour contribuer
financièrement et
216UICN, A., Spenceley, S.,Snyman, et P.,
Eagles, Lignes directrices sur les partenariats et les concessions
touristiques dans les aires protégées: Créer des revenus
durables pour la conservation et le développement. Rapport au
secrétariat de la Convention sur la diversité biologique et
à l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), 2017,
p. 6.
97
techniquement à l'établissement,
l'exploitation et l'entretien des aires protégées au moyen
d'outils pertinents tels que les concessions, les partenariats
public-privé5».217
Dans ce paragraphe, nous verrons le rôle de la
coopération internationale pour la valorisation des sites touristiques
(A) et les limites à l'implémentation de l'écotourisme au
Cameroun (B).
A. La coopération internationale pour la
valorisation des sites touristiques
1. Quelques définitions
Touriste: un visiteur (du tourisme interne, récepteur ou
émetteur) est qualifié de touriste (ou visiteur qui passe la
nuit) s'il/elle passe une nuit sur place.
visiteur: un visiteur est une personne qui fait un voyage
vers une destination située en dehors de son environnement habituel,
pour une durée inférieure à un an, et dont le motif
principal de la visite (affaires, loisirs ou autre motif personnel) est autre
que celui d'exercer une activité rémunérée dans le
pays ou le lieu visite. Un visiteur (du tourisme interne, récepteur ou
émetteur) est qualifié de touriste (ou visiteur qui passe la
nuit) s'il/elle passe une nuit sur place, et de visiteur de la journée
(ou excursionniste) dans le cas contraire. Pour les aires
protégées, un visiteur est une personne qui visite les terres et
les eaux de, l'aire protégée dans un but précis. Un
visiteur n'est pas payé pour être dans l'aire
protégée et ne vit pas en permanence dans l'aire
protégée. La visite est typiquement à des fins
récréatives, éducatives ou culturelles.
Tourisme durable: Tourisme qui tient pleinement compte de ses
impacts économiques, sociaux et environnementaux actuels et futurs, en
répondant aux besoins des visiteurs, des professionnels, de
l'environnement et des communautés d'accueil218.
Tourisme axé sur la nature: Toute forme de tourisme
utilisant les ressources naturelles dans un cadre sauvage ou non
aménagé - notamment les espèces, les habitats, les
panoramas, les paysages, les eaux salées et eaux douces et leurs
éléments. Le tourisme axé sur la nature est un voyage dont
le but est de profiter des aires naturelles non aménagées ou de
la faune.
Écotourisme: Forme de voyage responsable dans les
aires naturelles qui contribue à la protection de l'environnement et au
bien-être des populations locales, et qui comprend des services
d'interprétation du patrimoine et d'éducation.
Tourisme non rationnel: Type de tourisme où la faune
ou la flore sont recueillies, chassées ou pêchées (en
appliquant de préférence les principes et les approches
liés à une utilisation durable).
Tourisme respectueux: Type de tourisme qui ne détruit
pas la faune, comme par exemple la photographie touristique basée sur
l'observation de la faune219.
2. La coopération comme outils d'aide au
développement du tourisme durable
217Ibid., p. 6. 218Ibid., p. 10.
219Idem.
98
La coopération au développement est un des
piliers des relations internationales de la seconde moitié du
XX? siècle. Jusque-là confinée au
développement économique dominé par le fétichisme
de la croissance, c'est-à-dire par une exploitation anarchique des
ressources naturelles en vue d'atteindre des objectifs statistiques sans
considération des conséquences sur le milieu vivant ; cette
coopération internationale s'est progressivement ouverte aux
préoccupations environnementales220.
L'Afrique en particulier, apparue pendant longtemps comme un
terrain d'expérimentation de ces politiques développementalistes
parfois écologiquement désastreuses, constitue aujourd'hui le
champ privilégié où se déploie, non sans quelques
confusions ou un certain manque de coordination, cette nouvelle approche du
développement intégrant préoccupations économiques
locales et exigences écologiques. De façon
générale, en effet, les principales instances de la
coopération multilatérale avec le continent ont désormais
leurs propres politiques environnementales, tout comme les institutions
internationales d'aide au développement intègrent
dorénavant un volet environnemental dans leurs interventions.
Leurs actions sont relayées sur le terrain par de
nombreuses organisations non gouvernementales (ONG). La plupart de ces ONG sont
du reste originaires des pays pourvoyeurs de l'aide, et le renforcement de
leurs capacités participent de la nouvelle philosophie de l'aide
internationale qui privilégie l'intervention directe auprès des
collectivités de base, ou l'intermédiation des ONG actives sur le
terrain, plutôt que de passer par les mécanismes étatiques
traditionnels. Cette nouvelle approche de la coopération pour le
développement durable, en particulier le rôle des institutions, a
été soulignée et amplement développée aussi
bien par la Déclaration de Rio que par le Programme d'Action
21221.
Le Groupe d'experts sur le tourisme et les aires
protégées (Groupe Tapas) est l'un des différents groupes
de bénévoles réunis dans le cadre de la Commission
mondiale des aires protégées (CMAP) de l'Union internationale
pour la conservation de la nature (UICN). Le Groupe Tapas est un réseau
de plus de 480 bénévoles engagés à promouvoir le
tourisme durable dans les aires protégées et les autres aires
naturelles appropriées en tant que moyen d'assurer la conservation
à long terme de la nature ainsi que les services
écosystémiques et les valeurs culturelles qui lui sont
associés. Il a pour but d'offrir un cadre propice à la
collaboration, au dialogue, à l'échange de données
d'expérience, au développement et à la diffusion de
connaissances, et au renforcement des apprentissages, afin d'améliorer
la planification, le développement et la gestion du tourisme durable
dans les aires protégées. Il a notamment pour objectif de fournir
des avis stratégiques aux gouvernements, entre autres, sur les
stratégies optimales en faveur du tourisme durable dans les aires
protégées et aussi de développer et de diffuser des
connaissances sur le tourisme et les aires protégées, au moyen
notamment d'études de cas et de recueils de bonnes
pratiques.222
B. Les difficultés d'implémentation de
l'écotourisme au Cameroun.
220 Idem.
221 Idem.
222 Idem.
99
Dans le contexte du 21ème siècle, toute aire
protégée doit devenir un outil de développement local,
national et régional; bref, c'est un outil d'aménagement du
territoire qui doit engranger des bénéfices tant sur le plan
écologique et scientifique (échanges d'information sur le milieu,
mise en place des systèmes de suivi écologiques et scientifiques
et synergie des méthodes de prospection, de collecte et de suivi) que
sur le plan social et économique (zonage du parc, maîtrise des
déplacement des populations rurales, meilleure gestion des parcelles,
contrôle réglementaire, création d'emplois et
opportunités économiques, formation, intégration
régionale et frein à l'exode rural)223.
Dans cette optique, l'on doit oublier au Cameroun le
modèle des aires protégées issues du colonialisme qui
spoliaient les populations locales. Il est important d'éviter d'en faire
un luxe réservé aux romanciers et aux gens en mal de
dépaysement ou aux chasseurs. Les sites protégés sont un
instrument de gestion pour la survie des systèmes biologiques complexes
dont nous faisons partie et dépendons. Deux ordres de difficultés
principalement sont un frein à la valorisation économique et
sociale des aires protégées du Cameroun par
l'écotourisme224 : Les difficultés logistiques,
scientifiques et socio-culturelles.
1. Les difficultés logistiques et scientifiques
La plupart des aires protégées du Cameroun sont
situées dans des zones excentriques ou difficiles d'accès. Par
conséquent, l'absence des services organisés et le mauvais
état des routes imposent des voyages longs, fatiguant et à la
limité dangereux. Par ailleurs, il n'existe pas de piste d'atterrissage
pour petit avion à proximité de la grande majorité de ces
parcs. Même s'il en existait, la mauvaise gestion,
l'insécurité et la diminution logique du nombre de touristes
étrangers a provoqué leur abandon. C'est bien le cas dans
l'ensemble des parcs et réserves du Cameroun du Nord au Sud, notamment
le parc du Faro, Boumba Bek, Lobéké, Korup et la réserve
du Dja très isolés. De plus, le réseau routier du Cameroun
ne présente que moins de 5000 km de routes bitumées sur les 60000
préexistantes parmi lesquels 52% sont classées (avec 6%
bitumées et 46% en terres) et les 48% non classées.
Par ailleurs, ce réseau est défectueux,
inadapté et mal entretenu, voire même vétuste et inexistant
par endroit. Ce défaut du trafic routier limite cruellement la
fréquentation des aires protégées camerounaises et
favorise le braconnage. Par exemple, les voisins nigérians ont plus
accès au parc national du Faro que les camerounais; guides et gardes
parcs inclus. Par conséquent, le réseau existant doit être
amélioré et l'on devrait en créer d'autres. Le
réseau ferroviaire quant à lui est insignifiant et ne peut
guère faciliter le développement adéquat de
l'écotourisme225.
223Mesmin Tchindjang, Abossolo, Aimé Samuel,
Joseph Armathée Menga, Vincent Francis., « Les difficultés
de développement de l'écotourisme dans les aires
protégées du Cameroun » Boletim Goiano de Geografia,
vol. 26, núm. 2, julio-diciembre, Universidade Federal de
Goiás, Goiás, Brasil, 2006, p. 12.
224 Ibid., p. 14.
225 Ibid., p. 16.
100
Figure 13: Mission d'identification et de cartographie
des sites écotouristiques du département de la Boumba et Ngoko
pour le PNL(Camerou). Source : Bohin B.
a. Les difficultés scientifiques des aires
protégées
Depuis la mise sur pied du MAB (Man and Biosphère) par
l'UNESCO, les vocations et les types d'aires protégées se sont
multipliés de par le monde. Une aire protégée peut se
définir comme une zone dédiée à la protection de la
biodiversité et des ressources naturelles et culturelle et dont le
classement relève d'un acte législatif ou réglementaire
local ou/et international. Mieux, c'est une portion de terre et/ou de mer
vouée spécialement à la protection et au maintien de la
diversité biologique, ainsi que des ressources naturelles et culturelles
associées, et gérées par des moyens efficaces, juridiques
ou autres. Le Cameroun en compte 05 grands types:
- Le site du patrimoine mondial (réserve du Dja, Parc
national de Lobéké): cette
dénomination caractérise une aire
protégée dont les éléments biotiques ont une
importance internationale exceptionnelle; ces sites sont identifiés et
proposés par les Etats qui s'engagent à assumer la
responsabilité de protéger ces biens dès lors que leur
inscription sur la Liste du Patrimoine mondial est faite;
- La réserve de la Biosphère :
caractérise tout site classé dont l'objectif est de conserver
la diversité et l'intégrité des communautés
animales et végétales en vue d'une utilisation présente et
future. Les aires protégées bénéficiant de ce
statut ont une vocation de recherche, d'éducation et de formation: c'est
le cas des parcs de Waza et Bénoué; les sites de réserve
de la biosphère sont proposées par les pays concernés au
bureau MAB et approuvés en dernier ressort par l'UNESCO;
- Le parc national : est une aire protégée dans
laquelle les régions naturelles et paysages exceptionnels sont
protégés à des fins scientifiques, éducatives et
récréatives. Les activités d'extraction sont interdites
dans ces aires protégées qui doivent être vaste; (Parc du
Mbam et Djerem, du Faro, de Korup, PNL, etc.).
- La réserve naturelle intégrale : concerne un
site classé où l'on protège la nature et les processus
naturels dans un état non perturbés afin de conserver des
exemples du milieu dans un stade dynamique et évolutif: cas de la
Réserve de Kimbi, de Mbi Crater, de
Douala-Edéa et du Lac Ossa;
101
- Le Sanctuaire de Faune : est une aire
protégée dont l'objectif principal est de
maintenir les conditions naturelles nécessaires pour
protéger des espèces ou communautés biologiques
d'importance nationale si possible par l'intervention humaine: Sanctuaire
de Mengame pour les Gorilles et Sanctuaire de Bayang Mbo. Une
évaluation de la faune
camerounaise par le Programme National de Gestion de
l'Environnement montre un potentiel immense des spécimens de faune au
Cameroun226.
2. Les difficultés socioculturelles
Le volet socioculturel au Cameroun est marqué par le
contexte économique de misère accentuée. En effet, le
contexte socioculturel camerounais est précaire et marquer par
l'informalisation des activités. On observe une montée des
exclusions qui ont engendré la marginalisation et le sous-emploi (67%),
sans oublier une forte déscolarisation depuis 1990. Les risques
d'aggravation des disparités régionales se font sentir et
hypothèquent l'avenir. La pauvreté a gagné les
ménages et le secteur informel satisfait près de 70% de la
demande de ces ménages. Le nombre de pauvres en milieu rural passe de
49% en 1983 à 71% en 1993 pour une population où plus de 50% ont
moins de 15ans. Par conséquent, les secteurs les plus pauvres sont les
zones rurales où sont établies ces aires protégées.
Il revient donc à l'État d'oeuvrer pour la réduction de la
pauvreté afin de diminuer la pression actuelle exercée sur les
ressources par le braconnage et d'autres pratiques mafieuses de ces populations
appauvries227.
Au plan politique, la multiplicité des institutions de
gestion qui interviennent dans la chose touristique sans coordination; ensuite,
ces institutions ont des visions et intérêts divergents:
- MINFOF pour la Gestion des Aires protégées ;
- MINTOUR pour la gestion des campements des sites
protégés ;
- MINATD pour l'administration territoriale ;
- MINEPAT pour les investissements publics et
l'aménagement du territoire ;
- MINAGRI pour l'Agriculture ;
- MINEPIA pour élevage et pêche etc.
La délimitation des zones tampon entourant les aires
protégées ne correspondent pas à la définition
requise pour les aires protégées et rend difficile le zonage. Par
exemple le passage de la Route Nationale N° 13 en plein parc de la
Bénoué et au Sud du parc de Bouba Ndjida favorise le
braconnage228.
Enfin, les populations locales n'y trouvent aucunement leur
intérêt parce qu'il n'existe aucune promotion de la culture locale
alors que cette zone de la Bénoué et de Bouba Ndjida pratiquent
un élevage diversifié et pratique l'artisanat des peaux sans
oublier l'élevage. Pour ce qui est du parc de Waza, la mise en service
du barrage réservoir de Maga en vue de faciliter la riziculture avait
porté un coup dur aux migrations saisonnières des animaux dans le
parc. Heureusement après des études poussées, une solution
de réinondation du Logone a été trouvée et
exécutée, ce qui a permis la restauration du parc. Le parc
national de Lobéké innove dans ce domaine en initiant par exemple
le tout premier festival Baka-Bantou au sein du quartier général
du PNL en Novembre 2021.
226 Ibid., p. 20.
227 Ibid., p. 22.
228 Ibid., p. 32.
102
Figure 14 : Quelques images du tout premier festival
Baka-Bantou en périphérie du PNL dans le respect des
mesures sanitaires imposées par la COVID 19.
Source : Bohin . 2022.
Une telle situation engendre des conflits de
compétence, sans oublier que les travaux d'entretien des pistes sont du
domaine du Ministère des Travaux Publics et des Transports. Par
ailleurs, la promotion du tourisme de découverte est très faible
sinon inexistante au Cameroun. En effet, il existe peu d'affiches, peu
d'ouvrages et de dépliants, de tee-shirts et divers gadgets souvenirs
sans oublier les limites en termes de compétence
spécialisées des responsables en charge des dossiers.
PARAGRAPHE II : LA STRATEGIE DE DEVELOPPEMENT DE
L'ECOTOURISME DU PNL
D'après le Colonel J.P.k. Mbamba (Conservateur du parc
national de LObeke), la vision du Plan Stratégique de
Développement de l'écotourisme au PNL est :
« Le PNL est une destination écotouristique de
référence d'ici l'horizon 2027, assure à long terme, le
développement socio-économique des communautés locales en
jouant un rôle moteur dans la réduction de la pauvreté, le
développement local par la construction d'une
103
offre touristique compétitive dans la
Sous-région d'Afrique centrale basée sur les richesses
patrimoniales authentiques du segment camerounais du TNS. » 229
Dans ce paragraphe il sera question pour nous de ressortir
tour à tour les objectifs (A) de la stratégie de
développement de l'écotourisme du PNL puis de dégager
quelques impacts de l'écotourisme au PNL (B).
A. Les objectifs de la stratégie de
développement de l'écotourisme au PNL
1. Objectif général : Recevoir
2500 touristes entre 2022 et 2026 par la promotion des produits touristiques
diversifiés et le tourisme interne comme contribution au plan national
pour le développement de l'écotourisme dont la perspective vise
à atteindre un million de touristes d'ici 2022 - 2023.
2. Objectifs spécifiques : Le Parc
National de Lobéké souhaite promouvoir l'écotourisme comme
un secteur stratégique dans sa politique de gestion et consolider une
place de choix dans le paysage de la Tri-Nationale de la Sangha et l'Afrique
centrale en actionnant les leviers capables de permettre le
développement de ce secteur d'activité230.
Ces objectifs constituent l'ossature de l'offre touristique du
PNL. Avant tout, il faut rendre les objectifs stratégiques simples,
mesurables, appréciables et réalisables dans le temps (SMART). Il
s'agira notamment de :
- Créer un environnement favorable au
développement d'un secteur écotouristique durable ;
- Développer les capacités humaines locales, le
professionnalisme et les PPP;
- Augmenter l'impact des revenus du tourisme sur le plan local
et le partage équitable des bénéfices avec les
communautés ;
- Améliorer l'expérience du visiteur en
diversifiant les offres et produits touristiques;
- Développer et mettre en oeuvre une stratégie
marketing rentable avec les professionnels ;
- S'appuyer sur des partenariats mutuellement
bénéfiques pour assurer un financement adéquat et durable
du développement du tourisme231.
Les impacts directs et indirects du tourisme durable pour le PNL
et sa périphérie sont :
B. L'impact de l'écotourisme au PNL
Il s'agit ici d'identifier, à partir des études
de cas et des données recueillies pendant nos missions de stage. Quels
sont les impacts de l'activité écotouristique dans et en
périphérie du PNL sur le prisme des trois piliers suivants :
environnemental, socioéconomique et culturel. Les impacts de
l'écotourisme sur la conservation au PNL seraient nombreux. On en
dénombre entre autres :
1. Les impacts sur l'économie et l'environnement
a. Sur l'économie
229J. P. K., Mbamba, W., Njamen Nkwidja, J., Souhe
Balepa, J. M Bakeleki Bohin, 2021, « Plan Stratégique de
Développement de l'Écotourisme du Parc National de
Lobéké et sa périphérie 2022-2026 »,
Édition Universitaires Européennes, p. 17.
230 Idem.
231 Ibid., p. 18.
104
L'écotourisme peut contribuer à renforcer la
conservation d'une aire protégée en générant des
revenus directs. Ces revenus, connus sous la formule générique de
Redevance Touristique (RT), sont récoltés de multiples
façons par les droits d'entrée, les permis, les concessions, les
taxes de conservation, les produits dérivés,
etc. et peuvent être ensuite
être affectés à la gestion des AP ainsi qu'à
d'autres projets visant à promouvoir la conservation. Or, pour ce qui
est du PNL, la part des recettes du tourisme reversée pour la
conservation semble minime et reversée au trésor public. Les
droits d'entrée, qui représentent la principale source de revenu
touristique dans les AP, ne sont pas réalloués à la
conservation. Ils sont soit reversés entièrement au Trésor
Public, soit répartis entre le Trésor et la Commune, mais en
général rien ne revient directement à la
conservation232.
b. Sur les écosystèmes
Ici, les enjeux sont très difficilement mesurables du
fait de l'inexistence des outils appropriés de vérification des
impacts écologique des touristes au PNL. La gestion inexistante des
déchets dans la majorité des AP au Cameroun constitue l'un des
principaux défis actuels au PNL. Les déchets humains et
détritus laissés derrière par les touristes peuvent
sérieusement affecter la qualité sanitaire de l'eau, du sol, de
la végétation, et de l'air. Si le degré de l'impact sur
l'environnement n'est pas quantifiable (même s'il est
indéniablement loin d'être négligeable pour certains
sites), il génère d'ores et déjà une pollution
visuelle significative. Dans le cas du PNL il est strictement interdit aux
touristes de jeter les ordures en forêt233.
2. Les impacts socioéconomiques et culturels de
l'activité écotouristique pour les communautés
Ils peuvent être liés à la création
d'emplois directs (guides, locations de véhicule, employés
d'hôtels et de restaurants, vendeurs d'objet d'art, emplois de
tâcheron, prestataires de service (piroguiers, groupes d'animation
culturelle...)), ou indirects (boutiquiers, apiculteurs, producteur, etc.),
générant des revenus complémentaires pour les populations
dans le but de réduire la pauvreté et les pressions sur les
ressources naturelles. Au PNL lors d'une entrée d'un touriste en
forêt une bonne partie des fonds sont reversés aux populations ;
car les guides locaux, les porteurs de bagages, les pisteurs sont issus des
communautés locales en périphérie du
parc234.
a. Les impacts sociaux (l'amélioration des
conditions de vie)
Ils concernent généralement l'accès
à l'eau, l'électricité, la santé,
l'éducation (participation aux frais de scolarité, à
l'achat de matériel scolaire, etc.), la communication et la formation.
Ainsi, les retombées économiques de l'écotourisme sont
utilisées dans l'ensemble des zones périphériques pour
répondre aux besoins primaires des communautés, en matière
de forage, de dispensaire, d'école. Les villages en
périphérie du PNL ont bénéficiés des projets
de construction de forage d'eau, réfection des écoles et bien
d'autres projets235.
232Ibid., p. 50. 233Ibid., p. 51
234Idem..
235 Ibid., p. 52.
105
b. Les impacts culturels (culinaires)
Le tourisme culinaire favorise un engagement participatif des
touristes. Créant plus d'interactions entre les différentes
cultures sujettes au jeu touristique. Au niveau international par exemple, la
valorisation de l'immense potentiel culinaire des pygmées Baka devrait
susciter l'attractivité écotouristique et stimuler des
modèles d'écotourisme endogéneisés dans le bassin
du Congo.
SECTION II : LE TOURISME CULINAIRE POUR LE PNL
Le tourisme culinaire également appelé tourisme
gastronomique ou gourmand, est un type de voyage touristique associé
à la cuisine locale dans le but de découvrir l'histoire, le
savoir-faire et la culture d'un pays ou d'une région à travers
des spécialités culinaires. Le tourisme culinaire est divers et
se réalise partout où l'on peut se restaurer : un restaurant,
à la ferme, dans un foodtruck, directement chez le producteur,
etc. La fréquentation des restaurants est courante chez les touristes et
la nourriture est censée être classée au même titre
que le climat, l'hébergement et les paysages, ce qui est important pour
les touristes. Le tourisme culinaire est considéré comme un sous
ensemble du tourisme culturel : c'est un facteur d'identité nationale et
un élément du patrimoine culturel immatériel pour certains
pays comme la France.
Aujourd'hui le marché du tourisme culinaire connait une
forte croissance. La mondialisation permet d'amener les modes de cuisine et de
consommation d'un bout à l'autre du globe. L'augmentation des
évènements et de la prise de partie de certains acteurs pour ce
type de tourisme offre aux fournisseurs de services alimentaires
l'opportunité d'accéder à une clientèle plus large.
De nombreuses destinations comme le Parc national de Lobéké ont
commencé à collaborer avec des entreprises locales et
internationales, des chefs autochtones, pour proposer des activités
annexes sur différents types d'offres culinaires.
Par ailleurs, le droit à une alimentation
adéquate et le droit fondamental d'être libéré de la
faim ont été réaffirmés au Sommet mondial pour
l'alimentation de 1996, qui a demandé aux États parties de
rechercher de meilleures manières de donner effet aux droits en rapport
avec l'alimentation et aux pays qui ne l'avaient pas encore fait de ratifier le
Pacte236. Cependant, la conservation de la biodiversité dans
le bassin du Congo fait essentiellement face au besoin de nourrir les
populations riveraines qui ont besoin des produits de la forêt pour leur
épanouissement physiologique mais aussi pour les valeurs culturelles
qu'elle renferme. Pour y répondre l'écotourisme s'est au fil du
temps imposé comme étant une ; si ce n'est la solution pour un
compromis environnemental, économique, social et culturel. La cuisine
justement fait partie intégrante du patrimoine de la culture
africaine.
Quelle place occupe le tourisme culinaire dans le
positionnement international des pays du Bassin du Congo ? Comment faire de la
cuisine autochtone des Baka en périphérie du PNL, un potentiel
levier de développement durable tout en participant à la
conservation et la restauration des écosystèmes ? Comment trouver
un compromis à la surconsommation de la viande de brousse tout en
valorisant la consommation de sources alternatives en protéines
236 FAO (Dubravka Bojic Bultrini, Margret Vidar et Lidija Knuth,
Isabella Rae), « Guide pour légiférer sur le droit à
l'alimentation », Le droit à l'alimentation, Livre 1,
Rome, 2010, p. 10.
106
comme les chenilles ? En quoi est ce que le tourisme culinaire
contribuerait à l'autonomisation des populations autochtones tout en
leur rendant leur rôle de gardiennes des forêts ? Tels sont les
axes qui guiderons la dernière section de nos travaux. Au (Paragraphe I)
intitulé : Les nouvelles tendances alimentaires, nous
présenterons quelques évolutions dans notre façon de
manger, et enfin le (Paragraphe II) : le potentiel culinaire autochtone de la
périphérie du PNL, présentera un
prototype de commerce de chenille qui pourrait favoriser un modèle
politique de développement durable, interculturel et juste pour le
bassin du Congo.
PARAGRAPHE I : LES NOUVELLES TENDANCES ALIMENTAIRES
D'après la FAO, « Le droit à
l'alimentation a été établi et approuvé avec plus
d'urgence que la plupart des autres droits de l'homme. Il a été
officiellement reconnu comme droit de l'homme en 1948, lorsque
l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté la
Déclaration universelle des droits de l'homme. Depuis, ce droit
fondamental, ou certains de ses aspects, a été incorporé
dans plusieurs instruments internationaux contraignants ou non contraignants,
parmi lesquels le Pacte international relatif aux droits économiques,
sociaux et culturels. »237
Parallèlement à la nécessité de se
nourrir, le tourisme culinaire s'est progressivement construit autour des
nouvelles tendances alimentaires comme le Végan en Occident ou encore
l'entomophagie238en Asie. Tendances qui elles-mêmes sont
très souvent liées à la disponibilité des
ressources. Depuis quelques décennies, la cuisine africaine
également se positionne sur cette branche économique. Les pays
comme la France ou la Thaïlande sont à ce jour des pionniers dans
le domaine.
A. Les nouvelles tendances alimentaires en France
Figure 15 : Bug burgers (Hamburger à base
d'insectes). Source : IKEA Bug Burger est respectueux de
l'environnement et la restauration rapide du futur (
swirled.com)
237 Idem.
238 Consommation des insectes par l'homme.
107
De nombreux facteurs sont à l'origine des nouvelles
tendances alimentaires dans le monde. Les touristes ont grandement
contribué à répandre ces tendances au bout du monde. Il
est important de mettre en exergue l'apparition de certaines innovations qui
ont eu un impact sur la manière dont l'alimentation s'effectue encore
aujourd'hui. On note par exemple l'invention des boîtes Tupperware en
1945 par l'ingénieur américain Earl Tupper, afin de conserver les
aliments plus longtemps. Puis en 1953 est commercialisé le premier four
à micro-ondes aux États-Unis au prix de $3500 et mesurant 1,80m
pour 340 kg. L'appareil apparait ensuite en France à la fin des
années 1980. Innovation qui ouvrira la voie à une forme de
consommation extrêmement consommatrice en espace, en énergie, en
matériaux et matériel, etc.
Figure 16 : Surface de sol nécessaire pour la
production de quelques sources de protéines importante
dans l'alimentation humaine. Source : Justine Debret, 2018, p.
36.
D'après la FAO, l'élevage serait responsable de
14,5 % des émissions de gaz à effet de serre (c'est plus que le
secteur des transports) et de plus de 80 % de la déforestation en
Amazonie. Le 5ème rapport du GIEC recommande ainsi une
diminution importante de la consommation de viande.
1. Les origines des nouvelles tendances alimentaires en
France
L'industrie agro-alimentaire voit l'augmentation de
l'utilisation des additifs alimentaires dès 1956. Ils occupent une place
de plus en plus prégnante dans l'alimentation quotidienne et en France
le JECFA est créé afin de les évaluer scientifiquement.
Aujourd'hui encore, le JECFA publie des recommandations afin d'évaluer
les risques des contaminants et des composés chimiques présents
dans les produits alimentaires. En 1974, le cuisinier Georges Pralus introduit
la cuisine sous-vide en France.
Née outre Atlantique, elle permet de cuire et de
conserver les aliments tout en conservant leurs qualités gustatives,
grâce à un conditionnement dans des sachets hermétiques. Il
est important ici de remarquer à quel point les tendances et innovations
scientifiques créaient des changements sociaux qui à leur tour
transforment notre quotidien. La cuisine sous-vide eu un impact
considérable sur le travail des femmes par exemple. Changement qui
modifiat donc les habitudes alimentaires de toute la famille et donc du monde.
Ainsi, en 1980 les foyers français
108
consomment en moyenne 10 kg de surgelés par an et en
1987 les salades en sachet font leur entrée au
supermarché239.
La restauration rapide se développe en France dans les
années 80, McDonald's ouvre son premier fast-food à Strasbourg.
En effet, la distance moyenne entre le lieu de travail et le domicile
augmentent ce qui favorise l'essor de la restauration rapide et des aliments
à emporter. Les nouveaux modes de consommation alimentaire issus du
modèle nord-américain et arrivés en France s'expliquent en
effet par la contraction de l'espace-temps. Des innovations comme le
Fast-food et le Drive-in font leur arrivée en France
dans les années 1980. Ils proposent des menus standardisés
inspirés des classiques américains240.
2. Les avantages marketing
D'un point de vue marketing, les grands groupes alimentaires
américains désirant augmenter leurs parts de marché
s'internationalisent dans les pays aux habitudes alimentaires similaires ainsi
que dans des pays occidentaux où le soft power américain
possède une influence certaine. Ces groupes standardisent leur
stratégie marketing pour souvent refléter les clichés
américains qui plaisent. La Guerre Froide a notamment joué un
rôle important dans la promotion de la culture américaine dans les
pays du bloc de l'Ouest. Cet épisode historique a créé des
liens culturels qui ont fait de certains pays alliés, des
débouchés pour les produits américains.
L'ouverture de chaines et de franchises américaines
comme Mc Donald en Europe permet également à ces marques, de
réaliser des économies d'échelle, et donc de baisser leurs
coûts afin de proposer des prix attractifs aux consommateurs. Cela
participe à la généralisation et mondialisation d'une
consommation alimentaire homogénéisée. La France a connu
un changement sociétal au travers des innovations culinaires en lien
avec le modèle de consommation à l'américaine. Mais il est
désormais primordial pour les pays africains par exemple de
s'intéresser aux risques que représente le développement
du modèle de consommation alimentaire américain sur le long terme
(obésité, maladies cardiaques, etc.)241.
Manger autrement (vert, sain, culturel, bio, traditionnel,
etc.) fait partie des nouvelles tendances dans les modes de consommation comme
le souligne Christine Glorieux. Elle indique que la part du revenu des
ménages dédiée à l'alimentation dépend de la
richesse des pays (dans les pays pauvres de 45 à 60%, riches de 10
à 15%). Les consommateurs des pays riches initient les évolutions
et nouvelles tendances dans le domaine de l'alimentation. À ce titre, la
gastronomie française est inscrite au « patrimoine
immatériel de l'humanité » (UNESCO en 2010). Les
comportements alimentaires sont généralement fonction de la
dimension sociale et culturelle. On a remarqué une exigence croissante
du désir de qualité et de variété alimentaire des
consommateurs (en Europe, sur environ 30 ans: repas à
l'extérieur, plats industriels et préparés par industries
agroalimentaires, aliments selon population ciblée comme sportifs,
régimes, etc.).
Dans les pays du Nord on trouve une abondance de l'offre
alimentaire avec une agriculture productiviste. Mais, ces transformations
provoquent des allergies et maladies comme le diabète ou
cholestérol et des soupçons émergent sur les additifs et
la santé, ce qui amène une exigence des consommateurs en termes
de « qualité-santé » avec des labels et des
239Justine Debret, Étude des nouvelles
tendances de consommation alimentaire et leur arrivée dans l'Hexagone.
La vague du vegan. L'expression d'un soft power américain dans
l'industrie agroalimentaire française ?, Mémoire d'affaires
internationales et stratégie d'entreprise, Toulouse, Science Po
Toulouse, 2018,
p. 13.
240 Ibid., p. 17.
241 Ibid., p. 18.
109
origines certifiées (AOP, AOC, etc.). Le végan
s'inscrit dans cette tendance et depuis quelques années la demande
française a explosé. Demande à laquelle réponds
grandement le marché asiatique.
B. Les nouvelles tendances alimentaires en Asie
(l'entomophagie)
Figure 17 : Plat de sauterelle (Cambodge). Source
: Insecte Plat - Bing images
1. L'entomologie
L'entomologie242 existe en Asie comme en Afrique
depuis toujours. En février 2008, le Bureau régional de la FAO
pour l'Asie et le Pacifique a organisé un atelier international à
Chiang Mai, (Thaïlande) intitulé «Les insectes forestiers
dans l'alimentation: L'Homme a du mordant». L'atelier a réuni
des experts du monde entier en entomophagie, qui ont discuté plus
spécifiquement des aspects scientifiques, de la gestion, de la collecte,
du traitement, de la commercialisation et de la consommation des insectes
forestiers comestibles, ainsi que des possibilités pour les populations
locales de les élever. Le rapport de l'atelier de Chiang Mai visait
à sensibiliser sur le potentiel des insectes forestiers comestibles
comme ressource alimentaire, démontrer la contribution des insectes
comestibles aux moyens de subsistance des populations et mettre en
évidences les liens avec la conservation et l'aménagement des
forêts243.
2. La FAO et la consommation d'insectes
Durant la période 2010-2013, la FAO a
réalisé un projet de coopération technique en
République démocratique populaire Lao, intitulé
«Récolte et élevage durable des insectes
242 Branche de la zoologie qui étudie les insectes, et
par extension, des arthropodes terrestres. À des fins médicales,
culinaires, ou scientifiques ; les populations autochtones des zones tropicales
à forte concentration d'insectes comme le Mékong, le bassin du
Congo ou l'Amazonie, ont apprivoisé les insectes depuis très
longtemps. Ces populations ont en effet un lien historique avec les
insectes.
243 FAO (Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et
l'Agriculture), Insectes comestibles : perspectives pour la
sécurité alimentaire et l'alimentation animale, Rome,
Forestry Paper No 117, 2014, p. 22.
110
pour une meilleure alimentation, l'amélioration de la
sécurité alimentaire et la création de revenus au niveau
familial». Ce projet était une réponse immédiate aux
diverses propositions identifiées par la Stratégie nationale de
nutrition de la République démocratique populaire lao et par le
Plan national d'action sur la nutrition qui ont été
finalisés et approuvés en décembre 2009. À savoir,
améliorer la ration alimentaire et aborder les causes sous-jacentes (par
l'amélioration de l'accès à la nourriture,
l'amélioration et la diversification de la production alimentaire
domestique). Le projet s'est attaché à renforcer le rôle
déjà effectif des insectes comme aliments complémentaires
dans les menus locaux, reconnaissant le rôle de la collecte
traditionnelle dans la nature en renforçant la durabilité, la
sécurité et la rentabilité de la récolte des
insectes, de leur traitement après récolte et de leur
consommation, ainsi que le développement de leur
élevage244.
Suite à l'atelier international de Chiang Mai en 2008,
le Programme des produits forestiers non ligneux du Département des
forêts de la FAO et l'Université et Centre de recherche de
Wageningen (WUR) (Laboratoire d'entomologie) ont initié une
collaboration pour promouvoir l'entomophagie.
La première étape a été la
rédaction pour le Département des forêts de la FAO d'une
note de politique intitulée «Promouvoir la contribution des
insectes forestiers comestibles en confortant la sécurité
alimentaire». Cette note exposait les grandes lignes de la
stratégie à long terme de la FAO pour intégrer le
Programme «Insectes comestibles» au Programme régulier de la
FAO et de sensibiliser les organisations et agences nationales et
internationales ainsi que les donateurs s'impliquant dans la
sécurité alimentaire. En 2010, une liste bibliographique des
publications relatives aux insectes comestibles a été
rédigée et une base de données sur les personnes
ressources sur l'entomophagie dans le monde a été établie
à partir d'un questionnaire largement diffusé245. La
FAO entretient un portail Web sur les insectes comestibles depuis 2010. Il
fournit des informations de base sur l'utilisation et le potentiel des insectes
comestibles ainsi que sur les liens Web pertinents, comme celui vers le
compte-rendu de l'atelier de Chiang Maide 2008. Il fournit également des
informations sur la consultation d'experts de Rome en 2012 ainsi que d'autres
informations techniques pertinentes, des vidéos et autres couvertures
médiatiques.
L'adresse du portail est:
www.fao.org/forestry/edibleinsects247.
En Afrique subsaharienne et centrale plus
précisément, bien que la consommation d'insecte face partie du
quotidien de nombreuses populations, l'entomophagie n'a pas encore
réellement trouvé sa place en tant qu'outils de
développement d'une filière de tourisme culinaire et d'enjeu
premier pour les relations internationales dans le bassin du Congo. Le parc
national de Lobéké par l'accompagnement des travaux de recherche
et des projets écotouristiques autour de la consommation des chenilles,
ouvre la porte à une nouvelle façon de percevoir les ressources
alimentaires traditionnelles des populations autochtones en
périphérie des aires protégées.
244 Ibid., p. 23.
245 Idem.
246 Ibid. 24.
247 Ibid. 24.
111
PARAGRAPHE II : LE POTENTIEL CULINAIRE AUTOCHTONE DE LA
PERIPHERIE DU PNL ET LES PERSPECTIVES D'AVENIR POUR LA SOUS REGION
D'après le Dr. David S. Wilkie, « Le tourisme
est l'industrie mondiale la plus importante, et croît progressivement. En
1996 les recettes du tourisme dans le monde entier ont été de 3
trillions de dollars. Le tourisme international seul croît d'environ 9%
par an et les recettes dépasseront 527 milliards de dollars en l'an
2000.»248.
La cuisine dans cette gigantesque industrie du tourisme fait
appel à des recettes culinaires innovantes capables de conserver toute
leur originalité, qui soient respectueuses des valeurs
environnementales, qui soientt économiquement et socialement
adéquates aux besoins locaux principalement. Si la consommation
d'insecte en Asie a permis le développement d'une puissante industrie du
tourisme culinaire, l'Afrique subsaharienne a tout pour devenir une destination
culinaire unique. En Afrique, les insectes les plus consommés sont les
chenilles (notamment en Afrique du Sud ou au Nigeria). À la
Réunion, on consomme frais ou frits les zendettes, les larves des
capricornes et bien d'autres. Les larves de guêpes maçonnes sont
aussi mangées frites, ou en rougail (sauce avec des tomates et des
épices)249.
En périphérie du PNL/Cameroun par exemple, les
pygmées Baka consomment les chenilles depuis des
générations mais très peu de travaux sont
réalisés pour la valorisation écotouristique des recettes
traditionnelles dans la sous-région. Ce dernier paragraphe
présentera les initiatives prises dans le cadre de notre stage
professionnel au PNL. Notamment : la valorisation du potentiel culinaire des
pygmées Baka en périphérie du PNL (A) et les perspectives
d'avenir pour le tourisme culinaire dans le bassin du Congo (B).
A. Valorisation du potentiel culinaire Baka en
périphérie du PNL
1. La chenille du Sappelli
En périphérie du PNL et par extensions à
de nombreux pays du bassin du Congo comme la RCA en particulier ; de nombreuses
variétés de chenilles sont comestibles.
Le Programme des produits forestiers non ligneux du
Département des forêts de la FAO a lancé en 2003 une
étude sur la contribution des insectes comestibles au régime
alimentaire des populations en Afrique centrale. Quatre études de cas et
de nombreuses autres études ont été lancées en
Afrique centrale et particulièrement dans le bassin du Congo du fait de
la grande consommation d'insectes sauvages récoltés au sein
d'importantes ressources forestières et d'écosystèmes
riches en faune sauvage.
248David S., Wilkie et Julia F., Carpenter, «
Tourisme nature dans le bassin du Congo. Le tourisme peut-il aider à
financer les aires protégées dans le bassin du Congo ? »,
Oryx, 1998, P. 4.
249 [En ligne : « Consommation. Insectes : où
les mange-t-on dans le monde ? (
bienpublic.com) ».
Consulté le 21/07/2022 à 01h44].
112
Figure 18 : Sauce de mangue sauvage aux chenilles du
Sappeli (MBOYO) fumées, accompagnées de plantain cuit à
la vapeur et pilé (plat traditionnel Baka. Source : Bohin, B.
2022)
Figure 19 : Comparaison de la teneur moyenne en
protéines des insectes, des reptiles, des poissons
et des mammifères. Source : FAO, 2014, p.
95.
113
Le rapport «Contribution des insectes de la forêt
à la sécurité alimentaire: L'exemple des chenilles
d'Afrique centrale» a évalué le rôle des insectes
comestibles dans l'alimentation et ainsi, initié un débat sur
l'entomophagie en tant que coutume essentielle pour la sécurité
alimentaire. Le résumé et les conclusions de ce rapport ont
été pris en compte par l'Overseas Development Institute dans son
Document d'information sur les politiques de la faune sauvage. Document qui a
renforcé la sensibilisation des décideurs du secteur forestier et
lors des discussions sur la crise de la viande de brousse, sur le rôle
majeur que les insectes comestibles jouent ou pourrait joué dans la
sécurité alimentaire des populations tributaires de la
forêt.
2. Un prototype déjà exploitable
Ces chenilles à l'exemple de celles du Sappelli,
agrémentent de nombreux plats traditionnels de la sous-région
comme le kôkô ; le plat traditionnelle par excellence de la
Région de l'Est Cameroun. Cette chenille (Figure 13)
précisément provient du feuillage des grands sapellis qui sont
envahis chaque année en juillet-août par lépidoptère
saturnidé (Imbrasiaoyemensis). Elle (la chenille) lui (le
sappelli) est inféodée250. Cette chenille est
comestible et fortement recherchée par les populations locales, qui en
font un appoint alimentaire important en protéine et en lipides.
Figure 20 : Prototype d'une bouteille de chenilles du
Sapelli, fumées et pasteurisées, conditionnées dans une
ancienne bouteille de mayonnaise réutilisées ; que nous avons
estampillée sous une forme labélisable. Source : Bohin.
B
Produit du projet COVII du PNL, ce prototype a
été conçu dans le but d'impulser une dynamique
d'accompagnement des populations Baka riveraines du PNL vers une modernisation
durable de leurs atouts culinaires. Ceci par la valorisation économique
d'une protéine alternative à la viande de brousse. Pour la simple
raison que les politiques de conservation de la biodiversité font en
effet toutes face à l'impérieuse nécessité
d'autonomisation économique des populations locales pour être
efficaces. Ce prototype testé avec des moyens limités pourrait en
effet accompagné la stratégie écotouristique du PNL en
250 Cette chenille ne vit que sur cet arbre.
114
donnant aux populations la possibilité de
commercialiser des produits culinaires concurrentiels, de disposer d'un
accompagnement financier innovant pour des projets de reboisement de l'arbre
hôte, mais aussi et surtout de disposer d'une excellence source de
protéine pour l'alimentation durable des générations
présentes et futures.
Figure 21 : Plat de kôkô (Plat traditionnel
par excellence de la Région de l'Est Cameroun). Source : Bohin. B,
2022.
B. Les perspectives d'avenir pour le tourisme culinaire
dans le bassin du Congo
Figure 22 : Plat de Kôki (l'un des plats
traditionnel par excellence de la Région de l'Ouest Cameroun). Source :
B. Motema, 2022.251
251 B. Motema de son nom d'artiste est vainqueur du concours
de la plus belle photo au festival des saveurs du Cameroun et du monde
organisé à Yaoundé en 2022. Il est par ailleurs majors de
sa promotion à l'institut des beaux-arts de Foumban/Cameroun.
1. 115
Le potentiel africain
Le tourisme culinaire se développe depuis quelques
décennies en Afrique subsaharienne et dans le bassin du Congo. À
travers l'organisation des foires gastronomiques, l'organisation
d'émissions culinaires, la vulgarisation des manuels et livres de
recettes traditionnelles et bien d'autres canaux médiatiques, l'Afrique
essaie de se hisser au rang des destinations culinaires dans le monde. Le
bassin du Congo et sa richesse culinaire a de quoi attiré de nombreux
touristes engagés en quête d'originalité et de
diversité culinaire. Bien que d'énormes efforts soient encore
à réaliser pour rendre certains produits concurrentiels sur le
marché international.
2. Une vision optimiste
En effet, situé la gastronomie africaine au rang des
puissances mondiales actuellement serait prétentieux à ce stade
de développement. Toutefois, dans une perspective de
développement à l'horizon 2050 d'après l'Agenda 2063 de
l'UA, et au regard des changements alimentaires et sanitaires observés
en 2022, il est possible que ce paradigme change rapidement. Les changements
peuvent êtres anticipés dès aujourd'hui en valorisant
l'héritage culinaire local. À l'exemple de l'exportation de la
cuisine nord ou sud-américaine, asiatique, indienne et autres, la
cuisine africaine a de quoi conquérir les assiettes du monde d'ici
2050.
La réponse des politiques de conservation de la
biodiversité dans le bassin du Congo devrait par ailleurs d'avantage
oeuvré à construire une image plus ouverte aux besoins des
communautés riveraines, encourager des stratégies touristiques
qui respectent les besoins alimentaires traditionnels des populations
locales.
En s'ouvrant à des thématiques de recherche
innovantes comme le tourisme culinaire ou l'utilisation durable des
matériaux alternatifs en cuisine comme le bambou de Chine, le Parc
National de Lobéké a multiplié de façon
considérable son nombre de visiteurs physiques et virtuels. Favorisant
ainsi de nombreux partenariats stratégiques pour le développement
d'un circuit écotouristique complet et varié.
116
Figure 23 : Quelques écogardes du PNL qui se
prêtent au test d'un concept de table haute à base
du bambou de Chine en prélude au FESTI
Baka-Bantou. Source : Bohin. B, 2022.
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
La conservation de la biodiversité et le tourisme
durable comme nous avons pu le voir peuvent faire bon ménage. Bien que
des modèles de tourisme durable et interculturel soient encore en
gestation dans le bassin du Congo, le PNL pour se démarquer a su miser
sur le secteur de l'écotourisme et plus précisément sur
celui du tourisme culinaire pour communiquer différemment sur ses
missions régaliennes.
La construction d'une politique de développement
durable qui soit sociologiquement et économiquement viable pour les
populations autochtones pauvres en grande majorité reste sur la table.
Mais des solutions existent pour rendre notre développement commun
soutenable sur le plan environnemental pour les jeunes États d'Afrique
centrale, culturellement et technologiquement exportables sur le plan
international pour la sous-région.
117
CONCLUSION GENERALE
Parvenu au terme de notre travail de recherche nous rappelons
que notre mémoire a été articulé autour de la
problématique majeure qui était celle de savoir comment optimiser
les politiques de conservation de la biodiversité dans le bassin du
Congo, avec pour cas pratique le Parc National de Lobéké au
Cameroun. Pour y parvenir nous avons fais appel à la théorie du
transfert des politiques publiques pour comprendre l'applicabilité ou
non des politiques internationales qui encadrent déjà ce secteur.
Au moyen d'une analyse hypothético-déductive et des fondements de
l'écopolitique, nous avons essayé de présenter des enjeux
non exhaustifs qui gravitent autour de la conservation de la
biodiversité sur la base des données bibliographiques existantes
et essentiellement de nos observations directes sur le terrain.
Nous avons structuré notre travail en deux grandes
parties : Le contexte mitige de la conservation de la biodiversité dans
le bassin du Congo (Partie I) et Les enjeux contemporains de la conservation de
la biodiversité face développement durable dans le bassin du
Congo (Partie II).
Après avoir fais ce rappel heuristique, nous tenons
à dire de façon basique que les aires protégées
comme toutes les oeuvres anthropologiques devraient redonner à la nature
sa place maitresse. Les aires protégées peuvent être une
source directe de nourriture pour les populations autochtones et une source
d'enrichissement illicite pour d'autres. La collecte de nourriture est
autorisée dans de nombreuses aires protégées. Mais
à partir du moment où cette collecte se fait de manière
durable, et qu'elle ne sape pas les objectifs de conservation. De même,
dans de nombreuses aires marines protégées, la pêche
commerciale à grande échelle est interdite mais les
communautés de pêche locales peuvent avoir l'autorisation de
poursuivre une activité de pêche durable. Ces modèles
marins peuvent s'appliquer à la conservation terrestre.
En effet, l'UICN reconnait que parfois une aire
protégée peut même faire office de source alimentaire
d'urgence en cas de mauvaise récolte, de sécheresse, ou
même de catastrophe sanitaire. Bien sûr, l'exemple de la collecte
des chenilles par les Baka comme elle se fait au parc national de
Lobéké (Tri National de la Sangha/ Patrimoine mondial de
l'UNESCO) peut devenir un problème si elle se transforme en
prétexte pour des activités illicites comme le braconnage
d'éléphants, perroquets et autres espèces classées
A à l'intérieur de la zone de conservation
stricte252.
À l'intérieur de nombreuses aires
protégées se trouvent des valeurs historiques et culturelles qui
remontent à plusieurs siècles (Grottes, sanctuaires mystiques,
etc.). L'entretien de ces sites peut être un avantage clé pour la
conservation et la valorisation communautaire. La conservation de ces valeurs
matérielles et immatérielles peut être un défi pour
les gestionnaires africains et du bassin du Congo en particulier, et c'est
là où les discussions politiques avec les communautés
locales, peuvent permettre d'identifier la meilleure approche de gestion des
enjeux de la conservation de la biodiversité à l'horizon
2063253.
252 BOOC/ UICN-PAPACO, Valorisation des ressources des aires
protégées, 2020, p. 5.
253 Ibid., p. 50.
118
La cuisine locale en particulier fait partie de ces valeurs
immatérielles qu'on peut très bien matérialiser en circuit
touristique. En dehors des exigences culturelles, les besoins en
protéines alimentaires d'origine animale pour les populations
pygmées vivant en périphérie du PNL reste vital. En plus,
les services de la conservation doivent également répondre
à l'urgence de leur autonomisation financière dans le total
respect de leurs droits. Cette situation est à l'origine de nombreux
conflits manifestes ou non. Il est évident que la prise en compte des
droits des populations autochtones telle que pensée au niveau
international devrait tenir compte des difficultés institutionnelles
auxquelles font faces les jeunes États africains. La pression
économique en effet tend à réduire certains efforts
gouvernementaux. Mais la coopération sous régionale
initiée au niveau du TNS par exemple montre qu'il est possible de
créer une synergie d'acteurs pour la valorisation durable des
forêts du bassin du Congo.
Le volontourisme254, le tourisme culinaire, le
tourisme vert, etc., sont de nouvelles tendances du tourisme international et
le tourisme est reconnu comme étant un important stimulant de
développement économique. Les pays membres de la COMIFAC en
faisant le pari sur l'écotourisme pour le développement local en
périphérie des AP devraient s'investir davantage sur les enjeux
stratégiques que cette activité implique. Le tourisme culinaire
par exemple participe aujourd'hui encore d'une politique de soft power
dans les relations internationales.
Les agapes et autres cérémonies protocolaires en
diplomatie s'accompagnent généralement d'un repas. Il s'agit de
cet instant de partage mais aussi d'observation dont les enjeux sont parfois
décisifs. À titre d'exemple, voir sur CNN255 le
président des États-Unis d'Amérique mangé un plat
de chenilles d'Afrique ou de larves d'Asie peut suffire à faire chuter
l'indice boursier de la viande de boeuf dans le monde. Ce petit instant
pourrait redéfinir les accords entre les USA et ses principaux
partenaires en production bovine (principal secteur polluant de la
planète), ou aussi pourquoi ne pas stimuler une économie
circulaire, solidaire, et durable autour des produits dérivés des
chenilles en Afrique. Ces repas sont des moments de conquête, d'ouverture
ou de fermeture à l'autre.
Malheureusement, les populations Baka en
périphérie du PNL par exemple, ne disposent pas des mêmes
accompagnements logistiques que les indiens et autres aztèques en
Amériques, les mayas et autres peuples autochtones. Lors du premier
congrès africain des aires protégées (APAC) 2022
intitulé « nous sommes la nature », les représentant
des peuples autochtones et des communautés locales (PA et CL), issus de
plus de 40 nations africaines, à Kigali au Rwanda, les 16 et 17 juillet
2022, ont fait une déclaration commune à laquelle nous nous
joignons pour conclure:
« Nous prenons note des progrès
réalisés par les gouvernements, les partenaires du
développement et d'autres acteurs dans la reconnaissance et l'avancement
des droits des peuples autochtones et des communautés locales (PA et
CL), mais il reste beaucoup à faire. Nous sommes loin d'être
où nous devrions être. Par conséquent nous vous engageons
à mettre en place un organe panafricain des peuples autochtones et des
communautés locales, basé sur
254 Le volontourisme : Est une tendance en pleine croissance
dans le monde où les touristes choisissent de visiter un site afin
d'apporter une contribution significative à la destination. Un certain
nombre d'organisations privées à but lucratif ou non lucratif
offrent ce type d'expérience. Les aires protégées peuvent
en bénéficier en offrant aux volontaires la possibilité de
s'engager dans des activités de conservation, gratuitement ou pas.
255 Chaine de télévision américaine.
119
les réseaux nationaux et sous-régionaux, comme
plateforme pour nos préoccupations, actions, programmes et
apprentissages croisés, partagés et pour suivre la mise en oeuvre
de cette déclaration.
Nous appelons les gouvernements à donner la
priorité à la protection de la nature dirigée par les
communautés autochtones locales et en faire le fleuron de la
préservation de la nature en Afrique, et grâce auquel les PA et CL
peuvent rétablir leurs droits à posséder, gouverner et
gérer les terres, les eaux et les territoires conservés et
protéger existants et nouveaux, y compris dans les zones de conservation
transfrontalières.
Nous invitons les donateurs à développer de
nouveaux mécanismes et de nouvelles pratiques pour canaliser les
nouveaux financements importants qui se présentent pour faire face aux
changements climatiques et à la perte continue de la biodiversité
directement vers les PA et CL et leurs organisations qui vivent et travaillent
au point d'impact.
Nous encourageons les organisations de conservation de la
nature à redéfinir le concept d'aires protégées, en
particulier la catégorie VI qui maintient l'application nationale de la
création d'aires protégées. Il est urgent de revoir et de
remplacer le concept et la pratique des « aires protégées
» par la « préservation » selon la conception autochtone
pour en finir avec la militarisation des aires protégées,
promouvoir la relation entre les personnes, la terre et la nature, appliquer le
principe du consentement préalable, libre et éclairer et garantir
la priorité du financement des efforts de préservation de la
nature communautaire menée par les PA et CL et leurs organisations.
La recherche, les médias et les milieux universitaires
nous vous invitons à oeuvrer d'avantage pour redresser le tort de la
mauvaise présentation en produisant des documentaires, des films, des
études, etc. qui mettent en valeur la complexité des paysages
africains et la place des africains dans ces paysages. Malgré le fait
que les africains soient vilipendés dans le discours sur la
préservation de la nature, la vérité est que la faune
sauvage existe en Afrique parce que les africains sont la nature ».
À nos ancêtres, nous vous remercions pour la
santé et la force, à notre jeunesse, nous regardons vers le haut
avec optimisme, et à nos générations futures, nous nous
inquiétons face à l'incertitude du désastre de la perte de
la biodiversité. »256
256 Déclaration de Kigali (premier Congrès
africain des aires protégées) au Rwanda, les 16 et 17 juillet
2022, « Nous sommes la nature », Rencontre qui a vu la participation
des représentants des peuples autochtones et des communautés
locales (PA et CL), issus de plus de 40 nations africaines.
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sur la diversité biologique et à l'Union internationale pour la
conservation de la nature (UICN), 2017, p. 60.
12. UICN PACO, Rapport annuel 2019, Dakar,
Sénégal : UICN PACO, 2020, 46p.
13. UICN/PACO, Retombées économiques des
aires protégées d'Afrique de l'Ouest. Ouagadougou, BF:
UICN/PACO, 2011, 53p.
14. WWF, WEARN R. Oliver et GLOVER-KAPFER, WWF Conservation
Technologie Series i(i), 2017, 181p.
15. SNCFFC : (Stratégie nationale des contrôles
forestiers et fauniques au Cameroun), Mars 2005, 135p.
ANNEXES
126
LISTE DES ANNEXES
Annexe 1 : Liste des personnes
interviewées Annexe 2 : Liste des figures
127
ANNEXE I : LISTE DES PERSONNES INTERVIWEES
Dans le cadre de la rédaction de notre mémoire
de fin d'étude à l'Institut des Relations Internationales du
Cameroun (IRIC), en filière Coopération internationale, Action
humanitaire et Développement Durable (CA2D), option Management
Environnemental et Développement Durable ; nous avons effectué
des interviews ciblées dans le but d'enrichir nos recherches de faits
saillants du terrain.
Nous tenons à remercier toutes les personnes
citées ci-dessous pour leur précieuse contribution à cet
exercice scientifique :
Nom et prénom
|
No
|
profession
|
Lieu
|
Col. Jean Paul Kevin
MBAMBA
|
01
|
Conservateur du parc national de Lobéké
|
Mambele/Cameroun
|
Col. Jean Pierre BISSEK
|
02
|
Conservateur du parc national du Mpem et Djim
|
Ntui/Cameroun
|
Mr Osiris NDOUMBE
|
03
|
Assitant technique
PNMD/BRLingenierie
|
France
|
Mr Louis NGONO
|
04
|
Collaborative
Management Officer/ Tridom/WWF
|
Yaoundé/Cameroun
|
Mr Gregroir OWONA
|
05
|
SGIC/ Mairie de
Salapoumbe
|
Salapoumbe/Cameroun
|
Mr KA'A ELIE
|
06
|
Chef de village
|
momboue
|
Mr MODJANA RAUL
|
07
|
Chef de village
|
mikel
|
Mr ABOUMA gaspard
|
08
|
Chef de village
|
Tembe-piste
|
Mr MOUSSADIKOU
norbert
|
09
|
Chef de village
|
Lokomo sebc
|
Me Djokou
|
10
|
Chef de village
|
libongo
|
Mr BACHIROU
|
11
|
Chef de village
|
bella
|
Mr
DORANDA Bonaventure
|
12
|
Chef de village
|
koumela
|
128
ANNEXE II : LISTE DES FIGURES
1. Localisation du parc national de Lobéké.
2. Patrouille de refoulement des troupeaux de boeufs à la
frontière nord du parc national du Mpem et Djim.
3. Visite au domicile de Mr Jacques Vivien avec Mr Osiris
Ndoumbeet le Col. Bissek.
4. Mécanisme d'accès et de partage des avantages
des AP.
5. Paysage institutionnel de la COMIFAC.
6. ZIC et ZICGC en périphérie du PNL.
7. Schéma de l'économie circulaire.
8. L'éducation à la base du développement
durable.
9. Pyramide de Maslow.
10. Schéma de l'approcheone health.
11. Formation en pilotage de drones.
12. Panthère prise en photo par une camera trap.
13. Mission d'identification et de cartographie des sites
écotouristiques du département de la Boumba et Ngoko pour le
PNL(Camerou).
14. Quelques images du tout premier festival Baka-Bantou en
périphérie du PNL dans le respect des mesures barrières
imposées par la COVID 19.
15. Bug burgers (Hamburger à base d'insectes). Source
: IKEA Bug Burger est respectueux de l'environnement et la restauration
rapide du futur (
swirled.com)
16. Surface de sol nécessaire pour la production de
quelques sources de protéines importante dans l'alimentation humaine.
17. Plat de sauterelle (Cambodge). Source : Insecte Plat -
Bing images
18. Sauce de mangue sauvage aux chenilles du Sappelli (MBOYO)
fumées, accompagnées de plantain cuit à la vapeur et
pilé.
19. Comparaison de la teneur moyenne en protéines des
insectes, des reptiles, des poissons et des mammifères
20. Prototype de bouteille de chenilles du sapelli fumées
et pasteurisées, conditionnées dans des bouteilles de mayonnaise
réutilisées, estampillées sous une forme
labélisable.
21. Plat de kôkô (Plat traditionnel par excellence
de la province de l'Est Cameroun).
22. Plat de Kôki (Plat traditionnel par excellence de la
province de l'Ouest Cameroun).
23. Quelques écogardes du PNL qui se prêtent au
test d'un concept de table haute à base du bambou de Chine en
prélude au FESTI Baka-Bantou.
TABLE DES MATIERES
129
SOMMAIRE i
AVERTISSEMENT ii
DEDICACE iii
REMERCIEMENTS iv
ABREVIATIONS, ACRONYMES ET SIGLES v
RESUME vi
ABSTRACT vii
INTRODUCTION GENERALE 1
I. CONSTRUCTION DE L'OBJET D'ÉTUDE 2
A. CONTEXTE ET JUSTIFICATION 3
B. CLARIFICATION DES CONCEPTS 7
1. Les enjeux 7
2. La diversité biologique 7
3. La Conservation 8
4. La Préservation 8
5. Une aire protégée 8
6. Le parc national 9
7. La politique publique 10
C. DELIMITATION DU SUJET 11
1. Délimitation spatiale 11
2. Délimitation temporelle 12
3. Délimitation matérielle 12
D. LES OBJECTIFS DE L'ETUDE 13
1. Objectif général 13
2. Objectifs spécifiques 13
E. INTERET DE L'ETUDE 14
1. L'intérêt scientifique 14
2. L'intérêt pratique 14
F. REVUE DE LITTERATURE 14
G. PROBLEMATIQUE 17
H. HYPOTHESES 17
I. CONSIDERATIONS METHODOLOGIQUES 18
A. CADRE LOGIQUE 18
1. La théorie de la gouvernance 19
2. Les instruments d'action publique 20
3. La théorie du transfert de politique publique 22
1.
130
La méthode 23
2. La technique de collecte de données 23
C. ANNONCE DU PLAN 25
PARTIE I : LE CONTEXTE MITIGE DE LA CONSERVATION DE LA
BIODIVERSITE
DANS LE BASSIN DU CONGO 26
CHAPITRE I : 27
LES POLITIQUES DE CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE DANS LE
BASSIN DU
CONGO 27
SECTION I : L'ÉTAT DES LIEUX DE LA GESTION DES
FORÊTS DU BASSIN DU
CONGO 27
PARAGRAPHE I : LES POLITIQUES DE GESTION DES FORÊTS DU
BASSIN DU
CONGO 28
A. LA POLITIQUE SOCIO-ENVIRONNEMENTALE DU BASSIN DU CONGO
28
1. Le partenariat pour les forêts du bassin du Congo
28
2. Le modèle participatif du PNL 29
B. Le bassin du Congo : un « bien commun » à
gestion complexe 30
1. La notion de « bien commun » 30
2. Le bassin du Congo comme bien multifonctionnel 31
PARAGRAPHE II : LES CONFLITS HOMME/HOMME (HH) ET HOMME/
GRANDS
SINGE (HGS) 32
A. Les conflits homme / homme (CHH) 32
1. C'est quoi un conflit ? 32
2. Les conflits d'intérêt 33
B. Les conflits homme / grands singes (CHGS) : Cas du
Chimpanzé 35
1. Pourquoi le singe ? 35
2. Le chimpanzé 36
SECTION II : L'EXEMPLE DE LA GESTION DECENTRALISEE DES
FORÊTS AU
CAMEROUN 37
PARAGRAPHE I : LA STRUCTURE DECENTRALISEE DE LA GESTION DES
FORÊTS
AU CAMEROUN 38
A. La foresterie communautaire au Cameroun 38
1. L'accompagnement législatif 38
2. Quelques textes d'accompagnement 39
B. Les principaux défis actuels de la foresterie
communautaire 40
1. Une meilleure prise en compte des minorités 40
2. L'implication des femmes 40
PARAGRAPHE II : ZONAGE PARTICIPATIF ET GESTION INTEGREE
DE LA
PERIPHERIE DU PNL 41
A. Les ZIC 41
B. Les ZICGC 42
CHAPITRE II : 44
131
LES RELATIONS INTERNATIONALES ET LA CONSERVATION DE LA
BIODIVERSITE DANS LE BASSIN DU CONGO 44
SECTION I : LE CONTEXTE INTERNATIONAL DE LA CONSERVATION DE LA
BIODIVERSITE 44
PARAGRAPHE I : TENTATIVE D'INTERPRETATION DU PROTOCOLE DE
NAGOYA
ET DES OBJECTIFS D'AICHI 45
A. Le protocole de Nagoya et les objectifs d'Aichi en 2022 45
1. Les objectifs du protocole 45
2. Les recommandations du protocole 47
B. La CITES 47
1. Le rôle de la CITES 48
2. Le fonctionnement de la CITES 48
PARAGRAPHE II : LA COMMISSION DES FORÊTS
D'AFRIQUE CENTRALE
(COMIFAC) 49
A. Historique et fonctionnement de la COMIFAC 50
1. Historique de la COMIFAC 50
2. Fonctionnement de la COMIFAC 50
B. Le Plan de Convergence 2 (P) 2015-2025 de la COMIFAC 53
1. Les résultats à mi-parcours 53
2. Valeurs et axes stratégiques du plan de convergence 2
(P) 54
SECTION II : LA GESTION DES AIRES PROTEGEES ET L'ASSISTANCE
TECHNIQUE DES POLITIQUES DE CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE DANS LE BASSIN
DU
CONGO 56
PARAGRAPHE I : LES SYSTEMES DE GESTION DES AIRES PROTEGEES DANS
LA
SOUS-REGION 57
A. La stratégie sous régionale de gestion des
aires protégées 57
1. Un constat mitigé 57
2. Quelques avancées 58
B. Des pistes d'amélioration de la gestion des aires
protégées dans le bassin du Congo 58
1. La reconnaissance du droit coutumier 58
2. L'intégration des populations autochtones dans le
processus décisionnel 59
PARAGRAPHE II : L'ASSISTANCE TECHNIQUE DES AP AU CAMEROUN 59
A. GIZ 60
1. La politique d'intervention allemande au Cameroun 60
2. Les actions de la GIZ au Cameroun 61
B. WWF 62
1. Le WWF au PNL 62
2. Les recommandations de la
CA.WH.FI pour une optimisation de
l'assistance
technique 63
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE 65
132
PARTIE II : LES ENJEUX CONTEMPORAINS DE LA CONSERVATION DE LA
BIODIVERSITE FACE DEVELOPPEMENT DURABLE DANS LE BASSIN DU CONGO
66
CHAPITRE III : LE DEVELOPPEMENT DURABLE ET LA
CONSERVATION DE LA
BIODIVERSITE 68
SECTION I : LES PILIERS DU DEVELOPPEMENT DURABLE DANS
LA
CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE 68
PARAGRAPHE I : L'ENVIRONNEMENT ET, OU L'ECONOMIE ? 69
A. L'analyse stratégique de la gestion environnementale
(ASGE) 69
1. Les origines de l'analyse de la gestion environnementale
69
2. Des propositions pour une amélioration 70
B. L'économie durable 71
1. Le financement durable. 71
2. L'économie durable comme économie verte et
circulaire 75
PARAGRAPHE II : LA RESPONSABILITE SOCIALE 78
A. L'éducation 79
1. L'éducation comme besoin vital 79
2. L'éducation comme vecteur d'égalité
81
B.Bien-être humain 82
1. La théorie de Maslow 82
2. Le bien-être pour le Baka 83
SECTION II : ENTRE PRATIQUES TRADITIONNELLES ET
INNOVATIONS
SCIENTIFIQUES 84
PARAGRAPHE I : LA CULTURE BAKA 84
A. Qui sont les baka ? 84
1. Les origines des baka 85
2. Au Cameroun 85
B. Leur mode de vie 86
1. L'organisation familiale 86
2. La sédentarisation 86
PARAGRAPHE II : DEUX AVANCEES SCIENTIFIQUES DANS LA
CONSERVATION
DE LA BIODIVERSITE 87
A. L'approche UNE SANTE 87
1. One health au Cameroun 87
a. La Maladie à Virus Ebola 87
b. La variole du singe 88
2. Le rôle du MINFOF dans la stratégie One health.
89
B. L'Internet Of Things (IoT) 89
1. Origines et bénéfices de l'IOT 90
a. Les origines de l'IoT 90
133
b. Les bénéfices de l'IoT en matière de
valorisation des savoirs traditionnels liés à la
pharmacopée. 92
2. Les grands enjeux de l'IoT pour la conservation de la
biodiversité. 93
a. Le Cloud 93
b. La block chain 94
CHAPITRE IV : LE TOURISME DURABLE AU PARC NATIONAL DE LOBEKE
96
SECTION I : LE TOURISME DURABLE COMME ENJEU DE DEVELOPPEMENT
96
PARAGRAPHE I : LA STRATEGIE SOUS- REGIONALE DE DEVELOPPEMENT
DE
L'ECOTOURISME 96
A. La coopération internationale pour la valorisation des
sites touristiques 97
1. Quelques définitions 97
2. La coopération comme outils d'aide au
développement du tourisme durable 97
B. Les difficultés d'implémentation de
l'écotourisme au Cameroun. 98
1. Les difficultés logistiques et scientifiques 99
a. Les difficultés scientifiques des aires
protégées 100
2. Les difficultés socioculturelles 101
PARAGRAPHE II : LA STRATEGIE DE DEVELOPPEMENT DE
L'ECOTOURISME DU
PNL 102
A. Les objectifs de la stratégie de développement
de l'écotourisme au PNL 103
1. Objectif général :. 103
2. Objectifs spécifiques : 103
B. L'impact de l'écotourisme au PNL 103
1. Les impacts sur l'économie et l'environnement 103
a. Sur l'économie 103
b. Sur les écosystèmes 104
2. Les impacts socioéconomiques et culturels de
l'activité écotouristique pour les
communautés 104
SECTION II : LE TOURISME CULINAIRE POUR LE PNL 105
PARAGRAPHE I : LES NOUVELLES TENDANCES ALIMENTAIRES 106
1. Les origines des nouvelles tendances alimentaires en France
107
2. Les avantages marketing 108
B. Les nouvelles tendances alimentaires en Asie (l'entomophagie)
109
1. L'entomologie 109
2. La FAO et la consommation d'insectes 109
PARAGRAPHE II : LE POTENTIEL CULINAIRE AUTOCHTONE DE LA
PERIPHERIE
DU PNL ET LES PERSPECTIVES D'AVENIR POUR LA SOUS REGION 111
A . Valorisation du potentiel culinaire Baka en
périphérie du PNL 111
1. La chenille du Sappelli 111
2. Un prototype déjà exploitable 113
B . les perspectives d'avenir pour le tourisme culinaire dans le
bassin du Congo 114
1. Le potentiel africain 115
2. Une vision optimiste 115
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE 116
CONCLUSION GENERALE 117
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 120
ANNEXES 126
ANNEXE I : LISTE DES PERSONNES INTERVIWEES 127
ANNEXE II : LISTE DES FIGURES 128
TABLE DES MATIERES 129
134
MERCI
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