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Une réponse anticapitaliste et antipatriarcale à la crise du livre


par Léa Haurie-Hontas
Université Paris 13 - Sorbonne Paris Nord - Master 2 Politiques éditoriales 2020
  

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C. Ce que le Covid-19 a fait à l'édition

« La fortune des milliardaires français a augmenté de 170 milliards d'euros, soit une hausse moyenne de 40 %58 » : les milliardaires ne connaissent par la crise, et encore moins celle du Covid-19. Si les premiers mois du confinement avait jeté une chape d'incertitude sur la production des livres, le recul nous permet maintenant d'affirmer que certains s'en sont très bien sortis. Pour les éditrices, les relations professionnelles, les fonctionnements d'équipe et les rythmes de production ont été complètement bouleversés. Si le bilan financier est relativement similaire aux années précédentes, le télétravail a révolutionné les pratiques des éditrices et a contraint les départements marketing et promotion à transformer leur activité.

a) Bilan financier presque équivalent par rapport aux années précédentes

Quinze mois se sont écoulés depuis la première annonce d'un confinement national et de la fermeture de tous les commerces jugés « non-essentiels ». Avec le recul d'une année depuis le début de la pandémie de Covid-19, nous avons pu voir se dessiner un bilan financier à peine déficitaire : le rapport statistique du SNE paru en juin 2021 parle de de baisse « modérée » de l'activité. Grâce à des campagnes de communication numérique agressive, à la stratégie sanitaire aléatoire du gouvernement et à la mobilisation de toutes les actrices du livre (libraire, éditrice et autrice), la plupart des grands groupes éditoriaux ont terminé l'année 2020 avec un bilan financier très similaire aux années passées. La baisse des chiffres d'affaires ne dépasse pas -2,36 %, soit une perte de 66 millions d'euros, répartis très inégalement selon les maisons d'édition, certaines ayant pu s'appuyer sur le plan de relance aux petites entreprises.

Le groupe Hachette, par exemple, n'a observé qu'une baisse de 0,8 %, « la branche édition du groupe a réalisé un chiffre d'affaires de 2,375 milliards d'euros avec un résultat opérationnel courant de 246 millions d'euros, en hausse de 26 millions d'euros par rapport à l'année

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58 ATTAC, OXFAM FRANCE, « L'indécent enrichissement des milliardaires français pendant la pandémie », avril 2021.

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précédente.s9 » Ces chiffres contrastent drastiquement avec l'appel larmoyant d'Antoine Gallimard au lendemain du premier confinement de l'année 2020. Le deuxième confinement, et les plaintes incessantes pour que les librairies soient considérées comme des « commerces essentiels », ont achevé de balayer les voix dissidentes parmi les libraires, qui appelaient à de la mesureC0.

Ces baisses très minimes des bénéfices dans les grandes structures éditoriales contrastent de manière saisissante avec le nouveau paysage du marché de l'emploi dans l'édition. Ajoutant à la détresse, à l'isolement et au décrochage scolaire des étudiantes pendant la période de confinement dû au Covid-19, les stages ont été annulés, les embauches sont ralenties au maximum dans ces secteurs où pourtant, les recettes ont été au rendez-vous sur la fin de l'année 2020. Les perspectives d'avenir sont troubles, voire anéanties. Dans l'édition, où les opportunités professionnelles se faisaient déjà rares, ces nouveaux paramètres sont très décourageants.

On ne peut pas dire que l'édition ait souffert de la crise du Covid-19, le livre ayant été érigé comme produit culturel de prédilection, là où les théâtres, les cinémas, les musées, les concerts, n'ont pas bénéficiés de ce statut particulier. On peut cependant affirmer que les éditrices ont souffert des différentes périodes de confinement, et notamment du travail à distance, dans un secteur qui n'y était pas du tout préparé.

b) Lorsque le télétravail complique tout

L'édition n'est vraiment pas un secteur dans lequel la pratique du télétravail, par des salariées internes à l'entreprise, était démocratisée avant l'arrivée de la pandémie du Covid-19. Du jour au lendemain, les éditrices ont dû s'adapter avec les moyens du bord. Pourtant, celles-ci ne devraient pas vivre dans leur bureau. Alors que le montant moyen de leur salaire ne leur permet déjà pas de vivre dans un appartement spacieux, on ne peut pas imaginer qu'elles puissent avoir la place ou les ressources nécessaires pour disposer d'une imprimante ou de tout le matériel nécessaire pour produire la même charge de travail qu'au bureau. À ce sujet, une enquête de la Filpac CGT (le livre, le papier et la communication) intitulée « Télétravail dans l'édition : quelles réalités ? » dénonçait le flou juridique concernant le télétravail dans les maisons d'édition. « Faute d'accord de branche

" FAIDHERBE, Thomas, « Exercice stable pour Hachette en 2020 », Livres Hebdo.fr, 25 février 2021.

60 GARDETTE, Hervé, « Antoine Gallimard : "Je regrette que l'on ne donne pas un sort particulier aux livres et à la librairie" », émission « Â quoi pensez-vous ? » France Culture, 30 octobre 2020.

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et d'entreprise, les employeurs font un peu ce qu'ils veulent et, dans bien des cas, s'épargnent de prendre en charge une partie des coûts qu'impose le télétravail et même d'équiper en matériel informatique leurs salariés.61 » Lorsque l'on sait que les entreprises ont réalisé d'énormes économies pendant le confinement, dû à la présence moindre voire l'absence totale de salariées, ne pas avoir compensé les travailleuses pendant cette période délicate semble pour le moins problématique.

S'agissant de l'intégration des stagiaires et des apprenties à l'équipe éditoriale, il est très difficile de nouer des liens avec des collaboratrices que l'on ne voit pas, ou si peu. Encore plus difficile d'apprendre, par mimétisme, de suivre le quotidien d'une tutrice que l'on ne voit qu'à travers un écran. Plus de conseils attrapés à la volée, plus d'informations glanées à la machine à café, plus de briefings bienveillants, plus d'occasions de s'investir dans la vie quotidienne du bureau : les expériences professionnelles pour les éditrices en herbe, depuis mars 2020, ont été amputées de leur aspect le plus stimulant. Quelles seront les difficultés pour s'insérer dans le monde du travail pour la promotion d'étudiantes 2020, voire 2021 ?

Le télétravail éditorial a rajouté des difficultés supplémentaires pour travailler sur les textes, les images, pour appréhender les questions de fabrication, en plus d'avoir complètement chamboulé le planning des sorties littéraires et la promotion autour des livres.

c) Repenser la promotion et la communication

Sans même parler du fait que les canaux d'informations étaient monopolisés par la crise sanitaire, les confinements successifs ont fait connaître aux lectrices, et aux journalistes, des véritables embouteillages dans la communication autour de la parution des livres. Impossible pour les chargées de promotion d'organiser des événements promotionnels avec les libraires pour assurer la visibilité des livres, la communication s'est entièrement reportée sur les canaux numériques. Considérant la fracture numérique du lectorat plus âgée, mentionnée plus tôt, un tel parti pris est une manière assurée de perdre un pan de ses acheteuses. Le réseau social Instagram a ainsi pris une place gigantesque dans le paysage éditorial, avec un succès mitigé.

61 Enquête à remplir sur le site de la filpac CGT : https://www.filpac-cgt.fr/teletravail-dans-ledition-quelles-realites-participez-a-lenquete/

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery