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Les Etats face aux Drogues


par Eric Farges
Université Pierre Mendès France - IEP Grenoble 2002
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE PIERRE MENDES FRANCE

Institut d'Etudes Politiques de Grenoble

Eric FARGES

LES ETATS FACE AUX DROGUES

Analyse de la transition des politiques publiques en matière de toxicomanie au modèle de la réduction des risques. Etude comparative entre la France et l'Italie.

Année universitaire 2001-2002

Recherche sous la direction de M. Bouillaud

«  Il arrive quelquefois que la personnalité disparaisse et que l'objectivité, qui est le propre des poètes panthéistes, se développe en vous si anormalement, que la contemplation des objets extérieurs vous fait oublier votre propre existence, que vous vous confondez bientôt avec eux. Votre oeil se fixe sur un arbre harmonieux, courbé par le vent, dans quelques secondes ce qui ne serait que dans le cerveau d'un poète, qu'une comparaison fort naturelle deviendra dans le votre une réalité. Vous prêtez d'abord à l'arbre vos passions, votre désir ou mélancolie ; ses gémissements et ses oscillations deviennent les vôtres ; et bientôt vous êtes l'arbre. De même l'oiseau qui plane au fond de l'azur représente d'abord l'immortelle envie de planer au-dessus des choses humaines ; mais déjà vous et l'oiseau lui-même. Je vous suppose assis et fumant. Votre attention se reposera un peu trop longtemps sur les nuages bleuâtres qui s'exhalent de votre pipe. L'idée d'une évaporation lente, successive, éternelle s'emparera de votre esprit et vous appliquerez bientôt cette idée à vos propres pensées, à votre matière pensante »

Baudelaire, Les Paradis artificiels

Je tiens à remercier Marcello Guerra sans qui mon stage et l'écriture de cette recherche n'auraient pas été possibles. Je tiens également à remercier Eve pour son travail de recherche qui m'a été précieux. Je remercie tous ceux qui m'ont soutenu moralement et tout particuliérement Cristina pour sa grande patience. Je tiens à remercier ma mère, et mes « camarades » romains. Je souhaite remercier mon directeur de stage, M. Bouillaud pour ses conseils avisés. Enfin, j'exprime ma gratitude vis-à-vis des intervenants et des toxicomanes de Villa Maraini et notamment son directeur, Massimo Barra, à qui ce travail est dédié. S'il suscite des réflexions, des critiques alors son objectif sera en partie rempli.

UNIVERSITE PIERRE MENDES FRANCE

Institut d'Etudes Politiques de Grenoble

Eric FARGES

LES ETATS FACE AUX DROGUES

Analyse de la transition des politiques publiques en matière de toxicomanie au modèle de la réduction des risques. Etude comparative entre la France et l'Italie.

Année universitaire 2001-2002

Recherche sous la direction de M. Bouillaud

SOMMAIRE

Introduction 6

PARTIE 1: DROGUES, TOXICOMANIE ET ACTION DES POUVOIRS PUBLICS

1 Les paradigmes de compréhension de la toxicomanie: de la drogue au consommateur 15

2 Les Etats face à la toxicomanie 64

PARTIE 2: LES POLITIQUES PUBLIQUES A L'EPREUVE DE LA REDUCTION DES RISQUES

1 Un nouveau modèle d'action publique 99

2 La mise en place de la réduction des risques : dispositif, résultats et limites 152

PARTIE 3: SOIGNER ET PREVENIR LA TOXICOMANIE

1 Pluralité et renouveau des conceptions du soin et de la prévention de la toxicomanie 227

2 Les réseaux thérapeutiques 312

Conclusion 373

Bibliographie 384

INTRODUCTION

R

ome, gare de Termini. Il est 23h30 et le camper du centre Villa Maraini effectue sa permanence quotidienne devant le plus important point de passage de Rome. A cette heure tardive, de nombreuses personnes s'affairent sur la piazza del Cinquecento de façon frénétique. Peu de passants remarquent la présence du camion situé en face de la gare, beaucoup en ignorent la fonction, notamment les touristes. Les toxicomanes de Rome le connaissent en revanche très bien. Ils sont nombreux à s'y rendre chaque jour afin de pouvoir échanger des seringues ou tout simplement afin de discuter un peu avec un operatore de l'équipe de prévention. Ceux-ci appartiennent à la Fondazione Villa Maraini qui fut créée en 1976 par Massimo Barra. Elle fut conçue à l'origine comme une structure de soin pour toxicomanes selon le modèle des communautés thérapeutiques qui sont très répandues en Italie. Il s'agissait alors de porter jusqu'à l'état de sevrage les nombreux héroïnomanes qui fréquentent la capitale. Villa Maraini n'effectuait pas à l'époque des missions de prévention comme celle qui a lieu chaque soir devant Termini. Le bouleversement sanitaire lié à l'apparition de l'épidémie de VIH/Sida a cependant contraint Massimo Barra à envisager de nouveaux modes d'intervention. Il s'agissait de répondre alors aux nombreuses infections à VIH qui risquaient de décimer la population toxicomane de Rome. Les pouvoirs publics semblaient alors demeurer inertes et c'est par le biais des acteurs privés que le problème fut pris en charge. Cette transformation des pratiques n'est pas spécifique à Rome, ni à l'Italie, mais elle traduit un bouleversement du monde de la toxicomanie qui a progressivement eu lieu en Europe : le passage à la réduction des risques.

Les Etats face aux drogues et à la toxicomanie

L'attitude des Etats face aux drogues et à la toxicomanie est le résultat d'une longue histoire ponctuée de nombreux changements. La définition qui a été attribuée aux drogues témoigne de ce changement de représentations. En 1967, l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en donne une définition qui est encore en usage actuellement1(*) : une drogue est une substance naturelle ou artificielle en mesure de modifier la psychologie et l'activité mentale des êtres humains. Ces effets sont appelés « psychoactifs », d'où le nom de substances psychoactives. Cette définition assez sommaire a le mérite de mettre l'accent sur un même dénominateur commun à toutes les drogues : la capacité d'altérer les états de consciences et le système nerveux. Les textes législatifs se réfèrent en revanche au terme de « stupéfiants »2(*), en tant que produits ayant des effets de modification sur la conscience, et réserve le mot drogue à l'usage de matières premières végétales utilisées dans un but de plaisir ou thérapeutique3(*). Les stupéfiants ne regroupent cependant pas toutes les substances psychoactives : la nicotine ou l'alcool ne sont pas considérés par les Etats comme des stupéfiants bien que l'OMS les classifie comme drogues. La loi ne présente donc pas une définition précise des substances stupéfiantes ou psychotropes mais elle les identifie par une liste officielle des autorités administratives. Les premières politiques publiques furent construites sur l'idée d'endiguer les drogues, entendues comme stupéfiants, sans qu'une distinction soit opérée entre elles.

Le terme de drogues ne se résume cependant pas à celui de substances psychoactives, il inclut une notion plus spécifique. En témoigne par exemple le fait que le café n'est pas classifié comme une drogue bien que la caféine ait des effets psychoactifs. Les drogues, telles qu'elles sont décrites dans le domaine de la toxicomanie et plus généralement médical, sont de façon plus spécifique « toutes les substances psychoactives prêtant à une consommation abusive et pouvant entraîner des manifestations de dépendance »4(*). La notion de dépendance est fondamentale, elle a permit d'apporter au cours des années soixante-dix une définition de la toxicomanie. Le « drogué » ou toxicomane est celui qui présente une dépendance aux substances psychoactives. Les politiques publiques ont pour objectif, dans cette perspective, de limiter les drogues les plus potentiellement addictives, telle que l'héroïne.

Les dimensions sociales et politiques de la toxicomanie

La définition de la toxicomanie comme état de dépendance est aujourd'hui remise en cause. Certains auteurs soutiennent l'idée d'une construction sociale de la toxicomanie. Bulow en Allemagne pose ainsi l'hypothèse que les préjugés des personnes engagés dans la toxicomanie, semblables à ceux de l'opinion commune, ont contribué à produire des toxicomanes et a fait obstacle à la formation d'une culture de la consommation régulée des drogues5(*).

Cette dernière observation permet de souligner un fait jusque là ignoré : les drogues et la toxicomanie sont empreintes d'une forte dimension sociale. L'usage, mais plus encore l'abus, de drogues font l'objet d'une sévère condamnation de l'ensemble du corps social. Le drogué, comme le note Grazia Zuffa, défit un fondement de la culture occidentale : celui de la primauté de l'esprit sur le corps6(*). « L'être soi », le self-control, la propriété de soi sont constitutives de l'affirmation et de la reconnaissance de l'homme en groupe. Aller contre ces principes anthropologiques fondamentaux implique la mise au ban de la société. La toxicomanie apparaît dès lors davantage comme un mode de déviance social que comme un comportement pathologique de l'individu en soi.

La répression des drogues peut-être entendue comme la forme politique de la condamnation morale qu'effectue la société en regard des usagers de drogues. Les politiques publiques en matière de toxicomanie ne sont pas dénuées d'enjeux politiques à l'échelle aussi bien locale, nationale, voire internationale comme le prouve l'appui des pouvoirs publics italiens à la politique anti-drogues américaine notamment par la loi Jervolino-Vassali en 1990, annoncée par le Président du Conseil Craxi en voyage aux Etats-Unis7(*).

La remise en cause du modèle prohibitionniste

Les politiques adoptées par les Etats face aux drogues sont demeurées pendant très longtemps uniquement fondées sur le principe du prohibitionnisme, c'est-à-dire de l'interdiction totale de tous les stupéfiants, du cannabis jusqu'à l'héroïne. La répression de l'usage et du trafic ont été des objectifs jugés beaucoup plus important que la prise en charge des usagers de drogues. Si les Etats ont accordé de nombreux crédits aux politiques publiques en matière de drogues au cours des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix8(*), c'est presque uniquement en faveur de la répression. Pierre Kopp note dans ce sens que les pouvoirs publics français consacraient en 1997 4,5 milliards de francs à la répression contre seulement 0,7 milliards de francs au dispositif de prévention et de soins9(*).

Ce modèle de politiques publiques va cependant être fortement ébranlé au cours des années quatre-vingt-dix. Alors qu'elles ont longtemps été sous-tendues pas le paradigme prohibitionniste et des représentations sociales associant la marginalité, l'héroïne et l'exclusion, les questions de drogues semblent s'inscrire aujourd'hui dans un paysage renouvelé dans les principaux pays européens10(*). La cause de cette transformation, c'est avant tout l'épidémie de VIH/Sida qui a eu lieu dès le début des années quatre-vingt et qui a considérablement affecté la population des toxicomanes par voie intraveineuse. Comme le note Monika Steffen, « pour les système de santé [et plus encore les dispositifs de prise en charge des toxicomanes] l'épidémie de Sida présentait un  problème « mal structuré », ne correspondant pas aux modes d'intervention, cadres cognitifs et découpages institutionnels forgés antérieurement et appelant, de ce fait, des réajustements » 11(*). Un passage a alors eu lieu entre un modèle de politiques ciblées sur la « réduction de la demande », c'est-à-dire la pénalisation et la criminalisation de l'usage de substances, à un modèle de « réduction des risques ».

La réduction des risques : une norme sanitaire ou socioculturelle ?

La réduction des risques est aujourd'hui un principe reconnu de façon mondiale. Il s'agit cependant de s'interroger sur la définition qui en est donnée. Le premier objectif de cette politique était de limiter les risques d'infection à VIH encourus par les usagers de drogues par voie intraveineuse, mais le terme a cependant rapidement englobé l'idée d'une prise en charge sanitaire globale. La prévention se fonde alors sur une stratégie visant à réduire les risques sanitaires liés à la consommation. La méthode comporte deux volets12(*). Le premier consiste à éliminer la source directe de transmission virale : le partage de seringues, en fournissant aux toxicomanes des équipements d'injection sûrs. Le deuxième volet vise à substituer les prises de drogues par injection intraveineuse en administrant des médicaments sous contrôle médical. Ces traitements dits de « substitution » contournent ainsi les risques encourus par les toxicomanes. La réduction des risques peut alors être définie comme « une politique de santé publique visant à minimiser les effets néfastes que l'usage de drogues peut entraîner chez le consommateur »13(*).

La mise en oeuvre de ces stratégies se heurte cependant aux politiques inspirées par la volonté d'éradiquer la toxicomanie. Les politiques répressives poussent les toxicomanes à se réfugier dans la clandestinité, où il est difficile pour les responsables des programmes de prévention, de les atteindre dans leurs interventions et de les prendre en charge médicalement. La politique de réduction des risques présente un double défi pour les pouvoirs publics et les intervenants de la toxicomanie14(*) : accepter, d'une part, l'usage des drogues illicites comme un fait social avec lequel il faut désormais compter et réserver, d'autre part, la répression aux acteurs du commerce illicite. Il s'agit de confirmer cette réorientation des priorités au sein même des politiques gouvernementales, à défaut de quoi il s'avère presque impossible pour les acteurs de terrain d'effectuer leur mission de prévention. Le principe de réduction des risques n'est dès lors plus assimilable à sa seule dimension sanitaire. Il est fortement empreint d'une dimension sociale. Il s'agirait de faire accepter l'usage de drogues comme un comportement non répréhensible. L'analyse des politiques publiques en matière de toxicomanie ne peut pas faire l'économie d'une réflexion sur la signification du principe de la réduction des risques.

Quelle transition à la réduction des risques ?

La mise en place d'une politique de réduction des risques a confronté les systèmes sanitaires à plusieurs défis structurels. Le plus significatif est peut-être la mise à l'épreuve de la gouvernance dans le secteur de la santé. L'efficacité des politiques de prévention dépendait étroitement de la capacité de coordination entre les acteurs professionnels, administratifs et professionnels, au delà des frontières sectorielles. Elles dépendaient par conséquent de l'existence d'un « groupe porteur d'un référentiel de santé publique »15(*) pouvant imposer une conception homogène aux différents interlocuteurs. Le rôle des pouvoirs publics, mais aussi l'attitude des professionnels de la toxicomanie, ont été déterminantes dans la mise en place des politiques de prévention des risques. Il s'agit selon une approche comparative de rendre compte de l'inégalité d'application d'un même principe en fonction des pays considérés. Les résultats des politiques menées ont été très hétérogènes en Europe : tandis qu'en 1999, la part des toxicomanes intraveineux parmi les cas de Sida déclarés était de 6,5% au Royaume-Uni et de 14,2% en Allemagne, elle atteignait 23,5% en France et 61,8% en Italie16(*). Ces écarts renvoient aux spécificités de chaque configuration nationale.

Le passage des politiques publiques en matière de toxicomanie au principe de la réduction des risques doit être analysé selon une double problématique. Il s'agit de s'interroger, d'une part, sur la signification du principe de réduction des risques afin de déterminer quel sens en ont adopté les différents pays. La réduction des risques a t-elle été assimilée à un principe de sécurité sanitaire ou a t-elle été perçue comme une nouvelle considération socioculturelle de la place des drogues dans nos sociétés contemporaines ? Il est nécessaire, d'autre part, de confronter les applications qui ont été faites du principe de la réduction des risques et de délimiter les limites qui en résultent. Selon quels facteurs peut-on rendre compte des inégalités de mise en place de la réduction des risques ? Ces deux problèmes ne seront pas traités séparément puisqu'il s'agit de se questionner sur le lien possible entre la définition adoptée de la réduction des risques et les résultats qui en ont découlés. Il s'agit en définitive de déterminer si les écarts rencontrés dans les résultats de la réduction des risques ne renvoient pas aux différentes définitions qui peuvent en être données.

La prépondérance de l'approche comparative

Pour pouvoir répondre à cette problématique, il sera nécessaire d'adopter une approche comparative entre les différents pays européens. Les cas du Royaume-Uni, de l'Allemagne, des Pays-Bas et de la Suisse seront envisagés dans leur transition au principe de la réduction des risques. Deux pays feront en revanche, l'objet d'une attention particulière : la France et l'Italie. Outre une meilleure connaissance socio-institutionnelle17(*), cette comparaison se justifie par un ensemble de motifs. Tout d'abord, la France et l'Italie ont connu de fortes résistances au passage à la réduction des risques. La loi italienne de 1990 s'inscrivait à l'encontre de l'évolution générale en Europe en accordant une forte place à la répression des usages de drogues et à cette même date aucun programme d'échanges de seringues n'existaient en France, tandis que les Pays-Bas ont initié dès 1984 ces programmes et qu'en 1991 on recense plus de cents centres d'échange de seringues au Royaume-Uni. Les résistances des cas français et italien sont particulièrement flagrantes en ce qui concerne la mise en place des programmes de substitution qui ne seront développés qu'en 1993 en Italie et en 1995 en France. Ces oppositions sont par ailleurs à mettre en lien avec la catastrophe sanitaire, causée par l'épidémie de VIH/Sida, qui a eu lieu en France et en Italie, pays qui figurent parmi les pays les plus touchés d'Europe. Il s'agit par conséquent de rendre compte des difficultés à mettre en place le principe de la réduction des risques.

Il est important à cet égard de souligner les lignes de clivages qui distinguent très nettement le modèle français et le modèle italien. Le dispositif français de prise en charge de la toxicomane se caractérise, comme il sera établi par la suite, par une forte autonomie vis-à-vis des pouvoirs publiques. Un système spécialisé se forme progressivement au cours des années soixante-dix et permet d'assurer une forte homogénéité des pratiques thérapeutiques mises en oeuvre. A l'inverse, le dispositif italien est fortement fragmenté et se caractérise par une pluralité d'acteurs publics et privés qui ne partagent aucune culture commune. Le système est, en outre, fortement décentralisé et l'Etat italien est réduit à une fonction de distributeur de crédits. C'est dans ce cadre commun et avec les spécificités annoncées de chaque pays que va être mise en place la stratégie de réduction des risques. Cette transition sera étudiée en trois temps :

Il s'agira tout d'abord de porter une réflexion préliminaire sur la notion de drogue et de toxicomanie, d'un point de vue socio-historique mais également sociologique et épidémiologique, après quoi on étudiera comment les Etats européens ont fait face au problème jusqu'aux années quatre-vingt.

Dans un second temps, on explicitera le concept de réduction des risques et ses implications théoriques et pratiques. Cette réflexion permettra ensuite de mettre en évidence comment la réduction des risques a été introduite dans les différents pays et quelles ont été ses conséquences et ses limites.

Enfin, on adoptera le point de vue plus spécifique de la prise en charge de la toxicomanie pour souligner dans quelle mesure les instruments de la prévention et du soin ont été révolutionnés ces dernières années sous le poids de la réduction des risques.

Partie 1 Drogues, toxicomanie et action des pouvoirs publics

1 Les paradigmes de compréhension de la toxicomanie: de la drogue au consommateur

La compréhension de l'action publique en matière de toxicomanies rend tout d'abord nécessaire un retour historique sur la notion de toxicomanie et sur la place que les drogues ont occupé au sein des sociétés. D'autant plus que l'usage de substances a toujours été dans l'histoire de l'humanité une préoccupation quotidienne. Leur statut a en revanche considérablement varié puisqu'elles désignaient auparavant des remèdes médicinaux ou bien des épices et des arômes. Le mot « drogue » avait jusqu'aux années cinquante une connotation assez positive18(*). Comment expliquer ce passage d'une société « libertaire » à une société « liberticide » ?

1.1 La naissance de la toxicomanie

« Expansion de la conscience est le mot-clef. L'amélioration de la vie matérielle et les espoirs de mobilité sociale ouvrent l'espace des possibles. Levons donc toutes les barrières, y compris mentales ! Disciplines, hiérarchies, interdits qui encadrent l'individualité sont ébranlés. L'usage de drogues symbolise par la négative cet ébranlement » Alain Ehrenberg19(*)

1.1.1 Le développement historique des drogues

1.1.1.1 Des premières civilisations à l'Europe moderne

La notion de drogue, entendue ici dans son acceptation la plus large, c'est-à-dire comme « substance pouvant altérer les états de conscience de l'homme », semble remonter aux premières civilisations humaines20(*). C'est ce dont témoignent, les premières références à l'utilisation d'opiacés qui remontent aux époques sumérienne et babylonienne (3000 avant J.C). L'usage d'opium, extrait du pavot, était très diffusé dans le bassin méditerranéen. Les Egyptiens l'utilisaient à la fois comme médicament et comme poison. Il est ensuite importé en Chine vers l'an 1000 où l'on avait recours dès le deuxième siècle à une poudre minérale composée d'un mélange de souffre, de quartz et d'améthyste. L'opium se développe en Europe durant le Moyen-âge, notamment comme médicament, sous l'influence de l'alchimiste Paralcese. L'usage de substances n'est pas un phénomène récent. Toutefois, ce n'est qu'au cours du 19ème siècle, consacré comme « le siècle des stupéfiants »21(*), qu'est apparu un usage hédonique de la drogue. Les conduites toxicomaniaques renvoient dès lors à une recherche de plaisir personnel et à un démarquage social22(*).

La première cause de ce changement est le développement économique des subsances qui acquièrent le statut de marchandise. Les gouvernements européens sont à l'époque largement favorables, pour des motifs économiques, au commerce et à la diffusion des substances, et notamment de l'opium23(*). Au XIXe siècle une guerre s'engage entre l'Angleterre et la France face à la Chine dans le but d'imposer à l'Empire du Milieu son ouverture au commerce occidental et son importation de quantités croissantes d'opium produit et commercialisé par les européens. Les autorités chinoises en avaient prohibé la vente et l'usage pour protéger la population de plus en plus touchée par l'opiomanie. La « guerre de l'opium » contraint la Chine à ouvrir plusieurs ports francs au commerce européen. La France tirait, elle aussi, de substantiels bénéfices du commerce d'opium en Indochine. Le monopole du commerce était détenu par une Régie générale instituée en 1897. Ce commerce perdure près d'un demi-siècle. Les autorités réglementent en 1889 le commerce d'opium en Cochinchine, au Tonkin et en Annam. Le ministre des colonies interdit la vente d'opium le 3 octobre 1908, ce qui entraîne la quasi-disparition des fumeries.

Mais le développement des stupéfiants passe avant tout par la découverte au cours du 19ème siècle des alcaloïdes, substances actives contenues dans les principaux stupéfiants naturels, simultanément à l'accélération rapide des progrès réalisés en chimie organique24(*). Certains chercheurs tentent de purifier l'opium dès le 18ème siècle. En 1803, un pharmacien parisien, Louis Charles Dersone isole un sel composé de morphine et de narcotine. Armand Seguin, chimiste des armées napoléoniennes esquisse une description de la morphine en 1804. La découverte officielle en revient pourtant à Friedrich William Sertürner, un jeune pharmacien de Westaphalie, qui identifie en 1805 le premier alcaloïde de l'opium, baptisé morphium (qui a pour origine étymologique la divinité grecque du sommeil, Morphée) en référence aux puissantes propriétés calmantes et analgésiques de la substance. Celle-ci n'a aucun effet par voie orale, mais elle est en revanche utilisée comme anesthésiant pendant la guerre de 1870 ou encore durant la guerre de Sécession américaine. Elle est alors injectée à l'aide de la seringue hypodermique mise au point en 1850 par le chirurgien lyonnais Charles-Gabriel Pravaz. Les médecins s'enthousiasment de façon exagérée pour ce médicament qui supprime instantanément la douleur25(*).

Le chimiste Allemand Dreser synthétise une nouvelle substance encore plus puissante, l'héroïne, qui est mise sur le marché en tant que médicament en 1898. L'industrie pharmaceutique, à la recherche de nouveaux produits à commercialiser, soutient ces recherches. La compagnie Bayer, dont l'héroïne est une marque déposée, lance une compagne publicitaire en 1898 pour l'héroïne qui est présentée comme une médication « héroïque » de la tuberculose, « dépourvue de propriétés d'accoutumance, d'une manipulation très aisée, et par dessus tout, la seule capable de guérir les morphinomanes »26(*). La généralisation de sa prescription dans un grand nombre d'indications peu ou pas adaptées à ses propriétés pharmacologiques banalise son usage au début du vingtième siècle et fut à l'origine d'innombrables cas de toxicomanies.

La cocaïne apparaît en Europe à la même époque. Elle est découverte par le chimiste allemand Albert Niemann en 1859 à partir des feuilles de coca rapportées du Pérou. Elle est décrite chimiquement par Wilhelm Lossen en 1862. La cocaïne est tout comme la morphine accueillie par le monde médical avec beaucoup d'enthousiasme. Elle est administrée comme traitement d'un grand nombre d'infections, comme désintoxiquant contre l'alcoolisme ou encore comme tonique (elle entre dans la formule du Coca-Cola). Freud préconise la cocaïne, dans un texte publié en 1884, dans les troubles les plus variés tels que l'indigestion, la cachexie et l'impuissance, mais surtout le morphinisme et l'alcoolisme27(*).

Les médecins contribuèrent fortement à l'introduction et au développement des substances psychoactives en Europe. Celles ci sont perçues comme des remèdes miracles et sont prescrites comme traitement dans une multitude de pathologies. Au 19ème, l'opium constitue l'essentiel de la pharmacopée. Le Laudanum, mis au point par l'anglais Sydenham en 1660, est décrit par le docteur Bouchardat en 1849 comme le « médicament le plus employé en matière médicale » en France. Les utilisations qui en sont données semblent illimitées : « A petites doses, il produit un état de calme qui porte au sommeil ; à plus fortes doses, il agit d'abord comme un stimulant, en exaltant les fonctions intellectuelles [...] c'est l'agent le plus utile contre les névralgies [...] C'est aussi un très bon auxiliaire des antisyhilitiques [...] Il rend de grands services contre la bronchite et il est d'une incontestable utilité contre plusieurs maladies de l'appareil digestif »28(*).

La considération sociale des drogues est dominée, du début du 19ème siècle jusqu'aux années 1840, par la règle du « désintérêt général »29(*). L'usage de drogues n'est pas stigmatisé et n'est pas encore perçu comme un fléau. L'attitude favorable du corps médical, qui prescrivait volontiers mais faisait également un usage privé des drogues, a fortement contribué à ce phénomène30(*). Parallèlement à l'utilisation médicale, un usage hédoniste des drogues apparaît. L'opiomanie se développe de façon importante à partir du 19ème siècle31(*). De nombreuses fumeries semi-clandestines se multiplient en France notamment après la colonisation de l'Indochine. L'opiophilie se développe dans les cercles artistiques et intellectuels, sous forme de la consommation d'opium fumable, et dans le milieu médical, sous forme d'opium ingéré. Lorsque la médecine généralisa le recours à la morphine par voie injectable, l'opophagie diminua, mais en rapport avec les conquêtes coloniales françaises et une certaine fascination pour l'Extrême-Orient, l'usage d'opium fumé se banalisa dans les milieux militaires et artistiques. La drogue est alors définie comme un moyen d'exploration de la conscience32(*). Plusieurs intellectuels mettent en avant l'importance des substances psychotropes en faveur de la créativité. On peut par exemple citer Les confessions d'un mangeur d'opium anglais, ouvrage de Thomas de Quincey traduit en français par Alfred de Musset33(*).

Jaques Moreau, dit Moreau de Tours, éminent psychiatre, prescrivait à partir de 1842 du haschich à ses patients34(*). Il soutient dans l'ouvrage Du Haschich et de l'aliénation mentale. Etudes psychologiques publié en 1845 que, outre ses effets proprement thérapeutiques, le chanvre permet une «  exploration en matière de pathologie mentale ». Moreau fréquenta le « club des haschichins », fondé par Théophile Gautier sur l'île Saint-Louis à Paris. Ce cercle d'initiés fut le rendez-vous du monde littéraire et artistique parisien durant la seconde moitié du 19ème siècle : Alexandre Dumas, Charles Baudelaire, Eugène Delacroix, Victor Hugo ou encore Gérard de Nerval figurèrent parmi ses habitués. Il s'agit pour eux d'ouvrir, à l'aide de l'usage de psychotropes, la porte de l'inconscient qui offre l'accès aux « paradis artificiels ». Les prises de haschich ou d'opium deviennent des stimulants qui permettent une initiation au voyage, un accroissement de conscience. L'usage hédoniste encore très restreint va cependant rapidement se développer et donner place à la toxicomanie.

1.1.1.2 De l'hédonisme à la toxicomanie

A partir du milieu du 19ème siècle, l'usage de la morphine se généralise et dépasse les classes sociales aisées. Elle se répand dans les couches les plus défavorisées de la société. C'est à cette époque que le terme de « stupéfiant » intègre les dictionnaires et les encyclopédies35(*). Le constat des complications engendrées par une consommation régulière commença à préoccuper une partie de la population et du corps médical36(*). En 1874, la « société pour la suppression du commerce de l'opium » voit le jour en Angleterre. En France, des ouvrages qui dénoncent les dangers des substances psychoactives sont publiés (Levinstein en 1877, Guimbail en 189137(*)). De nombreux romans critiquent la déchéance du drogué. Un phénomène nouveau apparaît dont la désignation emprunte autant à la médecine qu'à la morale : morphinisme, morphinomanie, cocaïnomanie, cocaïnisme, etc. Le terme de toxicomane est introduit en 1885 par Regnard. Les médecins spécialisés commencent alors à débattre des modalités de traitement : sevrage brusque, rapide ou lent avec le recours ou non à d'autres substances psychoactives telle que la codéine ou l'alcool.

Une nouvelle explication du développement des substances émerge au début du vingtième siècle : il s'agirait d'une épidémie menaçant l'ensemble de la société38(*). Le toxicomane est décrit alors par un médecin comme un « malade dangereusement contagieux, contre lequel les mesures les plus sévères doivent être prises, aussi bien dans son propre intérêt que dans celui de la société »39(*). Certains médecins prônent une loi répressive afin d'endiguer les « toxiendémies » qui menacent la civilisation. Les hygiénistes décrivent trois épidémies d'abus de drogues qui ont eu lieu en France40(*) : la morphinomanie de 1880 à 1900, l'opiomanie à partir du début du 20ème siècle puis la cocaïnomanie qui se développe considérablement au début du vingtième siècle et qui supplante la morphine et l'héroïne en France juste avant la guerre de 1914. La cocaïne symbolise l'arrivée massive de la drogue dans le monde de la rue.

La seconde moitié du 20ème siècle représente la diffusion massive de substances psychoactives. Le passage des années 50, ou très peu ont recours aux « stupéfiants » à une période à laquelle beaucoup auront recours aux drogues correspond à une période de bien être social et à un mode de production et de consommation élevée. La première apparition des substances a cependant eu lieu à travers le biais légal. En Italie, en Suède, en Grande Bretagne et en France la consommation de substances psychoactives est liée au développement des médicaments comme les tranquillisants, les amphétamines, les analgisants qui venaient régulièrement prescrites et distribuées dans les pharmacies. Il s'agissait de substances légales dotées d'un fort pouvoir de dépendance. Les amphétamines étaient déjà utilisées durant la Seconde guerre mondiale, tandis que Albert Hoffman décrit en 1943 les effets de l'acide lysergique, connu sous le nom de LSD.

Certaines dépendances induites par ces médicaments ont été d'autant plus fortes par exemple que les amphétamines (dont le commerce a été interdit en 1944 en Suède, en 1972 en Italie) étaient fréquemment injectées par voie veineuse. Luigi Cancrini note que ceci a probablement contribué à constituer un premier groupe de personnes « dépendantes », qui, une fois fermée la porte des amphétamines, se sont dirigées d'autant plus facilement vers les substances « dures » intraveineuses41(*). Il ne s'agit pas ici de critiquer les substances appelées communément antidépresseurs, qui constituent une grande découverte médicale, mais de souligner les erreurs qui ont accompagné leur usage42(*). La première consiste dans la très forte prescription de ces nouveaux médicaments et ce dans de nombreuses circonstances (sommeil, anxiété, régimes amincissants, etc.). La seconde a été la très forte pression des industries pharmaceutiques face à la faiblesse des institutions politiques.

La diffusion des drogues est également à mettre en lien avec un phénomène culturel43(*). Au cours des années soixante, Timothy Leary, un jeune docteur en psychologie de l'université de Harvard, travaille sur les effets du LSD 25 et publie L'expérience psychédélique qui connaît un succès foudroyant. Les premières communautés hippies s'installent en 1966 sur les hauteurs de San Francisco et les Etats-Unis connaissent dès 1967, une extension rapide de l'usage de drogue. Celle-ci atteint rapidement les couches sociales les plus pauvres, telles que les communautés portoricaines et les afro-américaines.

Les pays européens (Grande Bretagne, Pays Bas, France, Allemagne, Italie), où l'usage de substances psychoactives était avant tout le fait de quelques élites, de petits cercles restreints, pas nécessairement jeunes, bien que moins touchés que les Etats-Unis, connaissent les retombées de ce phénomène44(*). Le mouvement hippie accélère l'élargissement des drogues grâce à l'installation de communautés qui pratiquent un usage important des drogues. Les jeunes appartenant à la contre-culture underground, qui s'est développée durant les années soixante dans de nombreux pays européens, a été une des principales cibles des substances45(*). Ces groupes deviennent plus visibles au début des années soixante-dix, à travers certaines publications tel que « Re nudo » en Italie reprenant à son compte le message contestataire américain. L'orientation favorable en faveur des drogues s'explique par le besoin de prendre des distances avec une réalité sociale et culturelle trop rigide. « L'élévation de l'esprit » est fréquemment invoquée comme motif au sein de ces communautés. Leur consommation se tourne uniquement vers des drogues plus « douces » tels que la marijuana, le haschich et le Lsd et laissera à part l'héroïne. La drogue s'élargit progressivement aux populations en difficulté et ne se limite plus dès lors à certaines classes sociales. Le « temps des fleurs » prend cependant très rapidement fin et le cannabis cède la place aux drogues dures telles que la cocaïne ou encore l'héroïne. Ainsi, de 1969 à 1971, le nombre d'interpellations pour usage ou trafic d'héroïne passe en France de 210 à 98246(*).

« Au sein des structures et des centres de récupération on rencontre encore parfois quelques représentants de cette génération de jeunes, dont beaucoup sont heureusement sortis de la drogue et dont d'autres sont morts : des toxicomanes historiques, ou militants ou alternatifs, avec parfois vingt ou vingt cinq années de dépendance derrière eux, qui sont passés, entre temps, des hallucinogènes aux opiacés et à la cocaïne . Ils sont reconnaissables par les mots avec lesquels ils justifient l'origine de leur rapport avec les substances (« c'était un mode de refuser le système, parfois violent », « alors nous avions des idées »), ils souffrent de dépression, ils manifestent un comportement tout à la fois détaché et pugnace, bien différent de celui des toxicomanes de la phase successive »47(*)

Luigi Cancrini a mis en évidence que l'arrivée massive d'opiacées (morphine puis héroïne) au début des années soixante-dix constituent une étape décisive dans la diffusion des substances psychoactives en Italie. Celle-ci a lieu légèrement plus tard qu'en France. La première mort par overdose est signalée en 1973. Les drogues légères sont alors progressivement remplacées par l'héroïne. Le développement d'une clientèle se fit à partir de 1973/1974. C'est seulement ensuite que des structures organisées comme la mafia vont s'emparer des réseaux de distribution tout en continuant à avoir recours aux petits revendeurs. La période 1976-1977 marque la fin de la distinction entre les groupes alternatifs et les jeunes de banlieue. Le phénomène se développe et le groupe des consommateurs s'étend en direction des périphéries.

Les années quatre-vingt ne présentent, mis à part une forte croissance des personnes usant de substances, qu'une seule nouveauté : l'augmentation de la consommation de la cocaïne qui semble pendant un temps devancer l'usage d'héroïne. La cause de cette préférence est simple : après la découverte du syndrome d'immunodéficience, le Sida, et de son virus, le VIH, transmis à travers les rapports sexuels ou par voie sanguine. Les consommateurs s'éloignent de l'héroïne, injectée par voie intra veineuse, et optent pour une substance qui puisse être absorbée par voie nasale. Toutefois ce changement reste limité aux consommateurs les plus aisés en raison du prix plus élevé de la cocaïne.

Un autre facteur de l'évolution des consommations, et de la diminution de l'héroïne, est selon Pascal Courty48(*) la situation économique des ménages qui va considérablement se détériorer au cours des années quatre-vingt tandis que les substances sont dotées d'une très forte rigidité des prix (le prix moyen de l'héroïne revient à 1000 francs le gramme qui correspond à la dose journalière moyenne). L'alcool fait ainsi son apparition au début des années quatre-vingt comme substitut aux substances. De nombreux médicaments vont également être détournés de leur utilisation tels que les sirops antitussifs ou les tranquillisants comme les benzodiazépines. Les années quatre-vingt-dix se caractérisent enfin par l'apparition de nouveaux modes de consommation des drogues synthétiques (LSD, amphétamines, etc.) et par le développement du cannabis qui a fortement contribué à aggraver la consommation de substances des plus jeunes.

L'extension des drogues en Europe peut se résumer en un plan linéaire en 4 phases, similaire à celui que Ravenna utilise pour analyser le développement de la drogue en Italie49(*): une première phase de diffusion des années 60 aux années 70, une seconde marquée par la diffusion d'héroïne des années 70 aux années 80, puis une phase d'expansion du marché de la cocaïne des années 80 aux années 90, et enfin l'apparition des drogues synthétiques des années 90 jusqu'à aujourd'hui. Chaque phase serait caractérisée, selon Ravenna, non seulement par la prédominance d'une substance mais, surtout, par un nouveau mode de consommation qui viendrait se rajouter aux précédents.

L'usage de substances psychoactives, appelées drogues, est un phénomène concomitant aux sociétés humaines. En revanche, l'image du toxicomane est un concept social puisqu'elle caractérise une étape spécifique de l'histoire des drogues qui a profondément évoluée au cours de l'histoire. Cette distinction entre l'usage de substances et le toxicomane révèle l'impossibilité de rendre conte du concept de toxicomane uniquement à partir des substances psychoactives. Ainsi, comme le rappelle Simone Piccone Stella : « L'histoire des toxicomanies ne saurait se résumer à celle des drogues. Il faut dès lors s'interroger sur la construction sociale de la « maladie »50(*). L'analyse de cette construction sociale suppose de considérer quelles ont été les représentations sociales du consommateur de drogues et selon quels processus celui ci est devenu toxicomane.

1.1.2 La construction sociale de la toxicomanie

1.1.2.1 Une évolution socio-historique

Les substances psychoactives, comme il a été établit, ont toujours été consommées au sein des sociétés humaines. Ce constat permet d'affirmer que le premier usage des drogues est probablement de permettre à l'homme d'atteindre un changement de son état psychique51(*). Toutefois, outre cet aspect psycho-métaphysique, l'usage de substances est doté d'une forte dimension sociale qui a varié au cours de l'histoire. Chaque type de société a développé un usage culturel spécifique des drogues. Les premières civilisations leur donnaient par exemple une dimension religieuse et spirituelle52(*). Pour les Assyriens, la consommation de chanvre faisait partie de la liturgie du dieu Assur. De même en Egypte, le chanvre était utilisé sous l'injection des grands prêtres afin de se rapprocher des dieux. Les substances n'étaient alors pas dotées d'une valeur matérielle : la cocaïne n'était pas une marchandise dans le Pérou des Incas, de même que ne l'était pas non plus le haschich dans les fumeries de l'Empire Ottoman. Le rapport des populations avec la drogue était par ailleurs un rapport harmonieux, équilibré et marqué par une consommation modérée.

La drogue a en revanche pris dans les sociétés occidentales un rapport plus commercial et a perdu certains aspects socioculturels qui en permettaient le contrôle. Le point de rupture entre sociétés traditionnelles et sociétés « modernes » ou capitalistes se situerait donc dans la commercialisation des drogues53(*). Selon P. Arlacchi le trafic est une invention moderne qui a défait les substances de leurs racines socioculturelles et qui en a fait un pur objet de consommation. Les substances ont désormais perdu leurs fonctions naturelles ou rituelles qu'elles avaient auparavant. Les spécificités culturelles de consommation propres à chaque pays ont progressivement disparues et la figure universelle du toxicomane est apparue dans chacun de ces endroits.

Cette « marchandisation » des drogues a été accentuée par l'usage qu'en a fait la société occidentale moderne. Alain Ehrenberg distingue ainsi deux phases historiques ou deux âges de la toxicomanie moderne54(*). La première, les « évangiles de l'épanouissement personnel » (1960 -1970), correspond à la découverte de nouvelles possibilités insoupçonnées. La drogue y est conçue comme un nouveau moyen d'émancipation. A cette période succède à partir des années 80 celle des « tables de l 'initiative individuelle » où l'autonomie devient la nouvelle règle sociale : elle fait de l'agent individuel le seul responsable de son action. L'usage toxicomaniaque ou l'abus de substances naît du moment où la distinction entre finalités thérapeutiques et finalités de « confort » ou de « performances » ne fait plus sens. Se droguer et se soigner se confondent. Comme le note Ehrenberg le mot dopage enregistre cet état de fait : ni soin ni « défonce », mais une démultiplication de soi dans une société où la mesure de la personne est l'initiative. L'usage de drogues est désormais conçu comme un « dépassement permanent » de l'individu.

La compréhension de la drogue relève d'une approche anthropologique, aussi bien pour interpréter les aspects religieux, spirituels et érotiques que les drogues ont eu auparavant dans les civilisations précédentes que pour appréhender aujourd'hui leur rôle dans les sociétés modernes. Marco Orsenigo rappelle que la drogue est désormais une « pratique clandestine qui oppose le sujet à l'organisation sociale dans laquelle il est inséré »55(*). Avec les nouveaux usages de la drogue, un type de déviance a émergé : la figure du toxicomane. Le mot toxicomane ne renvoie donc pas tant à une pathologie (toxicologique ou psychiatrique) qu'à une forme de déviance sociale56(*). Les déviances sont le fruit de luttes entre cultures minoritaires (par exemple la drogue) face à des cultures majoritaires (comme l'alcool) qui sont engagées dans une lutte pour la légitimité57(*).

Le terme de « toxicomane » est apparu dans les années 1880, alors que la société commençait tout juste à réprimer les usages de drogues. Viel en donne une définition en 1900 : « Le mot toxicomane désigne, d'une façon aussi commode qu'exacte, toute cette catégorie de gens qui par habitude s'intoxiquent avec des produits divers afin de se procurer des sensations agréables dont la forme et l'intensité varient suivant la nature et la qualité du toxique employé, sensations qui peuvent aller de l'atténuation ou de la cessation d'une douleur physique, de la simple euphorie, de l'excitation agréable, jusqu'aux rêves, aux hallucinations, aux jouissances, aux voluptés mystérieuses des « paradis artificiels » »58(*). La définition du toxicomane synthétise les diverses conduites d'addiction et constitue un fort geste de réprobation morale à leur égard. La « toxicomanie » est avant tout une construction sociale, c'est pourquoi sa signification va fortement évoluer au cours du 20ème siècle. Les multiples statuts dont a bénéficié la toxicomanie sont liés aux disciplines qui lui ont servi de modèle interprétatif. Ainsi chaque discipline (médicale, sociologique, etc.) a constitué un point de vue spécifique sur l'usage de substances. La compréhension de la drogue et du toxicomane requiert par conséquent l'analyse des paradigmes qui ont servi à l'appréhender.

1.1.2.2 Les paradigmes explicatifs en matière d'usage de drogues

Il est possible de distinguer au moins cinq modes de compréhension de l'usage de substance59(*). Le premier correspond aux civilisations passées, il s'agit du paradigme religieux ou moral dans lequel l'usage des drogues était avant tout religieux, semblable à un rituel. C'est également de là qu'est né la première prohibition : l'usage profane hors de l'acte sacré est interdit. La médecine a constitué un second modèle de compréhension de l'usage de substances. Le premier modèle de « maladie d'une addiction » fut démontré par le médecin américain Benjamin Rush en 1785 au sujet de l'effet des spiritueux sur le corps. Les « pathologies de la dépendance » font ainsi leur apparition. La conception médicale n'a toutefois pas été une compréhension physiologique comme celle que nous connaissons dans la médecine moderne. La médecine classique était fortement empreinte de superstition et de morale. Ainsi le modèle « bivarié » décrit par Louise Nadeau correspond à l'alliance de la médecine et de la morale à travers la figure du médecin hygiéniste décrit par Howard Becker comme un « entrepreneur de morale ».

La psychiatrie sera influencée jusqu'au début du 20ème siècle par la théorie des dégénérescences proposée par Morel en 1857, qui constitue la théorie la plus significative du modèle bivarié60(*). Celle-ci considère que certains individus sont plus faibles que d'autres, tout à la fois sur les plans physique, intellectuel et moral61(*). Cette faiblesse est transmise par hérédité et aggravée par des maladies telles que l'alcoolisme62(*). Les travaux sur la morphinomanie s'appuient alors sur cette théorie63(*). Le « vice morphinique » est interprété comme la conséquence d'une tare antérieure64(*). La toxicomanie, et particulièrement l'alcoolisme, sera ainsi perçue comme une « maladie sociale » qui au mal de la substance ajoute la prédisposition naturelle de certaines personnes65(*). Le modèle « bivarié » place au centre de la dépendance aussi bien l'individu que la substance. Il donnera lieu à la constitution des Alcooliques Anonymes aux Etats-Unis en 1934. Ceux ci considèrent l'alcoolisme comme une maladie incurable semblable à une allergie qui ne concerne que les individus prédisposés. Les Narcotiques Anonymes développeront successivement une théorie similaire pour les stupéfiants66(*).

L'évolution conceptuelle de la médecine et sa rationalisation ont permis la prépondérance du modèle médical « monovarié » qui considère le toxicomane comme une personne malade devant être soignée67(*). Les racines de cette dépendance sont attribuées à une caractéristique intrinsèque des substances. Cette idée donne lieu aux politiques prohibitionnistes qui visent à éradiquer la dépendance en ôtant la substance, c'est le cas par exemple de l'alcool qui est interdit aux Etats-Unis en 1919. Cette conception a cependant rendu possible une véritable reconnaissance de la toxicomanie comme maladie. Aussi paradoxal que cela puisse paraître la définition de la toxicomanie comme « maladie » a permis de faire évoluer la gestion sociale du problème. En effet, s'il s'agit d'une maladie elle peut alors être soignée comme une autre maladie et il devient alors impossible d'en donner une définition purement morale. Désormais, l'opprobre laisse place à la compassion et à la punition se substitue le traitement. Un quatrième modèle s'est développé au cours du 20ème siècle : le paradigme psychologique et parallèlement à celui ci le paradigme psychanalytique. Ces approches ont pour point commun de placer principalement le sujet au centre du problème pour lequel la dépendance aux substances illégales constituerait une forme d'auto thérapie de ses pathologies psychiques68(*).

Le modèle médical monovarié, qui assimile la toxicomanie à la substance elle-même, et le modèle psychologique furent toutefois remis en cause au début des années soixante par plusieurs observations : la prise en compte de consommateurs modérés et contrôlés, l'usage thérapeutique de l'héroïne notamment sur les soldats américains de la guerre du Viêt-Nam, l'importance du milieu culturel et du système axiologique attribué à la substance. Certaines études de toxicomanie comme « carrières » telle que celle de Howard Becker sur les fumeurs de marijuana permirent de modifier le paradigme médical qui régissait la compréhension du phénomène69(*). L'approche sociologique et ethnologique de la toxicomanie vont s'imposer enfin avec l'apparition des mouvements contre-culturels (Mai 68 par exemple) où l'usage de substances ne peut pas être interprété comme une maladie mais comme un phénomène culturel.

D'où un cinquième modèle, dit « modèle trivarié », qui combine l'approche psychologique, pharmacologique et socio-ethnographique ou encore selon les mots de Claude Olivienstein « la rencontre d'une personnalité, d'un produit et d'un moment socioculturel »70(*). De façon similaire Massimo Campedelli distingue trois cadres de lecture spécifiques de la toxicomanie: l'approche qui prend en compte les caractéristiques du sujet (paradigme de l'ôte), celle qui considère les caractéristiques pharmacologiques des substances (paradigme de l'agent) et celle enfin qui évalue les données environnementales aussi bien macro que micro (paradigme de l'environnement)71(*). La compréhension de la toxicomanie est progressivement passée d'un modèle unilatérale (religieux, moral, médical) à une approche multilatérale ou globale.

Enfin, il est possible d'ajouter à ces différents modèles un dernier paradigme de compréhension de la drogue, plus social que scientifique, qui est l'approche répressive. Entendue initialement comme une désapprobation morale du corps social face au consommateur de substances, elle s'est progressivement transformée durant la seconde moitié du 20ème siècle en condamnation judiciaire et en contrôle policier72(*). L'approche répressive s'accompagne d'une dévalorisation sociale qui est facilement perceptible par les enquêtes d'opinion qui sont réalisées périodiquement auprès de la population73(*). Elle conditionne fortement notre rapport aux substances aussi bien dans la recherche scientifique (par exemple lors de la manipulation des résultats concernant la marijuana par le National Institute Drug Abuse (NIDA) situé aux Etats-Unis74(*)) que dans l'action du législateur. C'est le cas par exemple de la loi italienne sur la toxicomanie n°162 de 1990, dite Jervolino-Vassali, qui semble davantage répondre à l'alarme sociale liée à la drogue plutôt que de traiter véritablement le problème75(*).

La construction sociale de la toxicomanie est un phénomène complexe. Elle se situe à la croisée des chemins de différents acteurs et de différentes logiques. Elle résulte tout d'abord d'un processus culturel qui a vu l'usage de drogues passer d'un cadre religieux à un usage tourné vers la recherche du plaisir, comme durant la fin des années soixante. A cet hédonisme s'est ajouté un fort individualisme qui caractérise les modes de consommation actuels. La compréhension de la toxicomanie est également le fruit des conceptions médicales qui, d'une considération morale (la toxicomanie comme dégénérescence), sont passées à une théorie centrée sur la substance elle-même qui a contribué à médicaliser la toxicomanie. Enfin, la toxicomanie est née des tentatives de contrôle et de répression qu'ont multiplié les pouvoirs publics vis-à-vis des usagers de drogue. C'est pourquoi on peut affirmer :« Telle que nous la connaissons aujourd'hui, la toxicomanie est à la fois l'avatar d'une entreprise culturelle, le fruit des recherches médicales et l'objet des tentatives de contrôle et d'interdictions »76(*). Les substances, les consommateurs et les politiques de contrôle de la toxicomanie doivent par conséquent faire l'objet d'une réflexion spécifique afin de comprendre comment a évolué la représentation du toxicomane.

1.2 Pharmacologie et épidémiologie des substances : un état des lieux des drogues aujourd'hui

La toxicomanie apparaît moins comme un simple usage de substances que comme un mode de déviance. Le toxicomane précéderait, selon certains, la consommation de drogues, qui n'est alors que le mode d'expression d'une pathologie antérieure. Peut-on toutefois aller jusqu'à affirmer que c'est le « toxicomane qui fait la drogue » ? Le premier acte de définition d'une toxicomanie est resté pendant longtemps la consommation de substances psychoactives illicites. Ces substances comportent des effets pharmacobiologiques réels qu'il s'agit d'examiner.

1.1.2 La connaissance des substances : drogues, usages et toxicomanies

1.1.2.1 Une classification des substances selon le critère de la dangerosité

Les substances psychoactives présentent tout d'abord pour trait commun le fait d'induire des effets (hédonistes, stimulants, euphorisants) éprouvés lors de la prise d'une substance. Ceux-ci s'expliquent par certains processus neuro-biologiques qui ont lieu dans le cerveau, et notamment dans des zones appelées récepteurs de substances endogènes naturelles et d'y activer des processus physico-chimiques de plaisir77(*). Par delà cette similitude, il ne s'agit pas d'amalgamer tous les produits dans un ensemble unique comme celui des « substances psychoactives ». Il existe des différences d'effets et de dangerosité pharmacologiques qu'il s'agit de souligner. Une classification des substances a été élaborée par les psychologues travaillant sur la toxicomanie. Elle prend pour critère les effets de la substances sur le système nerveux central (Snc). Voilà cette classification telle que la propose Augusto Polmonari78(*) :

n Les substances modifiant la perception : A ce premier groupe de substances appartiennent le cannabis et le haschich. Leur usage provoque un sentiment de relaxation, de somnolence. Elles comportent de très faibles risques de dépendance. Toutefois ces substances ne favorisent pas la concentration, affaiblissent la mémoire et ralentissent le mécanisme cérébral. On compte dans cette même catégorie les hallucinogènes de synthèse dont le plus connu est le Lsd. De même que le cannabis, le Lsd ne provoque que très rarement une dépendance physique.

n Les substances qui réduisent la sensation de douleur : Ces substances correspondent à la catégorie des opiacés, et de l'opium (opiacée naturel), la morphine, l'héroïne et le méthadone (opiacé synthétique). Ces substances provoquent tour à tour un sentiment d'euphorie et de tranquillité. Ces substances sont celles qui présentent le plus fort risque de dépendance.

n Les substances qui stimulent le système nerveux central : On compte parmi celles-ci aussi bien des substances d'usage quotidien telle que la caféine ou la nicotine que des substances illégales comme la cocaïne et les amphétamines. Ces substances ont des effets très directs sur le fonctionnement physiologique : perte des sensations de faim et de fatigue, besoin de dormir et de se reposer, augmentation de l'énergie. Elles augmentent également les opérations mentales et les processus cognitifs. L'ecstasy est répertorié parmi les amphétamines bien que sa composante chimique, Mdma (méthylène-diossi-méthylamphétamine) incorpore un élément hallucinogène.

n Les substances ayant une action dépressive sur le système nerveux : Toutes les boissons alcoolisés rentrent dans cette catégorie, ainsi que les barbituriques et les sédatifs. Toutefois presque chaque substance comporte un effet dépressif. Ainsi, l'alcool peut être aussi bien responsable d'un comportement festif que d'un replis symptomatique de la dépression. Cette double essence des substances est à relier aux particularités individuelles du consommateur.

Chaque substance engendre des effets spécifiques sur le cerveau. La dangerosité d'une substance dépendra de ces effets. Elle ne peut donc pas se réduire à sa seule toxicité79(*) : une substance faiblement neurotoxique comme l'héroïne, par exemple, peut entraîner rapidement des situations de dépendance, et donc être néanmoins très dangereuse. Alain Morel propose la définition d'un profil de dangerosité pharmacologique fondé sur quatre critères80(*). Tout d'abord, le risque d'intoxication ou potentiel intoxique, c'est à dire la possibilité de provoquer un dysfonctionnement voire la lésion d'un organe (le MDMA, molécule de l'ecstasy, peut avoir de graves conséquences sur le SNC ; le tabac est doté d'un fort pouvoir cancérigène). Chaque substance doit être définie en rapport à son potentiel addictif (second critère), c'est à dire le risque de susciter une dépendance. Ce potentiel est particulièrement important pour les opiacés, et notamment l'héroïne, et pour la nicotine. Il est en revanche faible pour le cannabis et le MDMA. Le troisième critère est le potentiel psychodysleptique qui regroupe les risques liés à la transformation des perceptions internes et externes, tels que l'apparition de troubles mentaux ou l'affaiblissement de certaines capacités intellectuelles. Enfin, le quatrième critère de dangerosité est le potentiel agressogène, c'est-à-dire la propriété de favoriser la désinhibition comportementale et générer de l'agressivité. Cette propriété constitue un risque de dangerosité sociale, notamment dans la conduite automobile.

Les législations en matière de drogue ont apporté une classification des substances psychoactives en fonction de leur dangerosité pour l'organisme. C'est le cas par exemple de la législation française 81(*). La nomenclature issue de la législation sur les substances vénéneuses date de 1845 et a été incorporée au Code de Santé publique dès 1953. Elle comprend trois tableaux : A - produits toxiques pouvant entraîner la mort ; B - produits stupéfiants susceptibles d'engendrer une toxicomanie ; C - produits dangereux susceptibles d'entraîner de graves troubles. La dangerosité des substances n'est cependant pas réductible à leur toxicité. Les substances psychoactives peuvent engendrer une multiplicité d'effets. Il existe plusieurs variables qu'il est nécessaire de prendre en compte dans la détermination de ces effets82(*). La toxicité varie bien sûr en fonction du dosage et la fréquence de prise et de la nature de la substance consommée. Les effets obtenus ont également un rapport direct avec le mode de consommation des substances. En effet, les médecins expliquent que les drogues prises par voie orale rejoignent le cerveau par le biais des voies gastriques et intestinales tandis qu'une substance par voie veineuse agit de façon beaucoup plus immédiate. Plus le passage est rapide et plus le risque de neurotixicité est important. Le mode de consommation (centré sur l'individu) est donc une donnée fondamentale dans la détermination des prises de risques. L'usage d'une substance psychoactive ne signifie pas pour autant un état de dépendance. Il existe entre les deux une longue série de nuances qui se rapportent aux comportements humains.

1.1.2.2 Les usages et mésusages des substances: de la toxicomanie à la dépendance

Les termes de toxicomanie et de dépendance recouvrent une pluralité de sens. Il est possible d'en donner de nombreuses définitions selon l'angle de vue adopté. Ils ont été pendant longtemps assimilés l'un à l'autre. L'approche médicale, aussi bien somatique que psychiatrique, peut constituer un point de départ utile dans leur définition et leur distinction. Deux classifications internationales, qui sont très similaires, ont été établies afin d'apporter une homogénéisation dans la définition de ces termes : le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM) proposé par l'Association Américaine de Psychiatrie (APA) et le CIM élaboré par l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS)83(*). L'OMS a abandonné en 1964 l'idée de toxicomanie pour lui préférer celle de « pharmacodépendance » qu'elle définissait ainsi en 1969 :

« Un état psychique et quelques fois également physique, résultant de l'interaction entre un organisme vivant et une drogue, se caractérisant par des modifications de comportement et par d'autres réactions, qui comprennent toujours une pulsion à prendre le produit de façon continue ou périodique afin de le retrouver des effets psychiques et quelquefois d'éviter le malaise de la privation. Cet état peut s'accompagner ou non de tolérance. Un même individu peut être dépendant de un ou plusieurs produits »

Cette définition souligne, comme le note Florent Farges, aussi bien la dépendance physique, que la dépendance psychique ou encore le processus de tolérance. La dépendance psychique, auparavant appelée accoutumance, est « un état mental caractérisé par une impulsion qui requiert l'usage périodique ou continu d'une drogue dans le but de créer un plaisir ou d'annuler une tension » 84(*). La dépendance physique correspond à « une exigence de l'organisme nécessitant, pour conserver son équilibre, l'apport régulier d'une substance chimique exogène. Cette dépendance se manifeste à travers les symptômes physiques survenant lors du sevrage et de la tolérance » 85(*).

Quelle que soit la définition adoptée, la tolérance constitue l'idée majeure de la notion de dépendance, il s'agit d'un dénominateur commun à toutes les drogues. Florent Farges définit la tolérance comme « le processus d'adaptation d'un organisme à une substance, qui se traduit par l'affaiblissement progressif des effets de celle-ci et entraîne la nécessité d'augmenter la dose pour obtenir les mêmes effets »86(*). La tolérance est à l'origine de la pulsion qui amène le consommateur à revenir vers la substance, le craving87(*). Le craving est une impulsion à rechercher le produit et à le consommer de façon compulsive. Il s'agit d'une sensation de très forte intensité, comparable à la soif ou à la faim. Ce désir similaire aux besoins naturels est une construction psycho-comportementale.

L'introduction du concept de pharmacodépendance en 1964 a permis de mieux cerner le champ de la toxicomanie en distinguant certaines pratiques culturelles ou sociologiques d'avec les consommations pathologiques d'une substance (d'où une distinction entre la dépendance et l'usage), mais aussi en délimitant un trait commun aussi bien aux substances illicites que licites. Les critères diagnostiques de la dépendance, communs à l'ensemble des substances psychoactives, établis au sein des classifications internationales ont provoqué une évolution sensible dans ce domaine. Le manuel DSM IV établi par l'APA en 1994 et la CIM 10 établie en 1992 par l'OMS ne requièrent pas la présence nécessaire des items de sevrage ou de dépendance physique pour porter le diagnostic de dépendance à une substance. C'est le mode d'utilisation compulsive de la substance qui caractérise désormais la dépendance88(*). La définition de la dépendance semble dès lors reposer aussi bien sur le sujet que vers l'objet c'est à dire la substance. L'approche toxicologique amène donc à porter une réflexion sur les substances.

1.1.2 Epidémiologie des substances et des consommateurs

La connaissance quantitative et qualitative des usages de substances psychoactives constitue un point de départ logique à l'action publique en matière de toxicomanie. Pourtant l'action précède le plus souvent la connaissance. On se trouve confronté en matière de toxicomanie à un « déficit de savoirs »89(*). La production de savoirs épidémiologiques en matière de toxicomanie est ainsi demeurée très faible en France jusqu'à la fin des années quatre-vingt90(*). Les enquêtes qui se sont multipliées au cours des années soixante-dix offraient peu de données sur le nombre de consommateurs, l'évolution des consommations et les dispositifs d'intervention. L'approche épidémiologique de la toxicomanie est restée longtemps à l'état léthargique en raison de nombreux obstacles : la conception de la toxicomanie comme un phénomène ponctuel et de court terme, les résistances des intervenants de la toxicomanie, la peur de dramatiser l'épidémie de toxicomanie au sein de l'opinion publique91(*).

Henry Bergeron considère que l'absence d'un institut d'analyse spécialisé et indépendant a constitué un manque précieux à l'épidémiologie française des toxicomanies92(*). Le besoin d'une telle structure fut pourtant exprimé par les autorités responsables des plantes de lutte contre la toxicomanie. Ce n'est qu'en 1993 que naît l'Observatoire national des drogues et des toxicomanies qui ne fonctionnera effectivement qu'à partir de 1995 après être devenu l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT)93(*). De même, Nizzoli note le manque de données précises qui existe en Italie en matière de toxicomanie. Le recueil des données est effectué par le Ministero della Sanità directement auprès des unités sanitaires spécialisées en toxicomanie, toutefois seuls 500 des 556 services spécialisés ont répondu à la précédente enquête de données ce contribue à fausser les résultats d'un dixième94(*).

L'épidémiologie en matière de toxicomanie n'a été perçue que très récemment comme une priorité de l'action publique. Les politiques présentent donc déjà un premier handicap initial du fait d'une mauvaise comptabilisation et compréhension du phénomène. La présentation des substances, de leurs usages et de leurs consommateurs constitue une étape d'autant plus importante dans cette réflexion.

1.2.2.1 Les substances et leur usage

Les substances sont généralement regroupées en trois groupes95(*) : les psycholeptiques ou dépresseurs de l'humeur (cannabis, barbituriques, opiacés, etc.), les psychoanaleptiques ou psychostimulants (cocaïne, amphétamines, ecstasy, etc.) et enfin les psychodysleptiques ou hallucinogènes (LSD, kétamine ou encore les champignons hallucinogènes, etc.). L'épidémiologie a toujours mis en avant la nécessité de ne pas distinguer l'étude des substances licites et illicites à partir du simple fait qu'elles reposent toutes sur des mécanismes neurobiologiques identiques.

L'alcool est une substance fortement hédonique et socialisante, ce qui explique probablement qu'elle soit l'une des substances psychoactives les plus consommées96(*) (la seconde dans le monde après le café) et les plus acceptées socialement97(*). Elle est fréquemment présentée comme étant inoffensive car liée à un contexte de convivialité. Le rapport Roques publié en 1998 constitua un pavé dans la mare en affirmant que l'alcool serait une drogue « dure », au sens de « à risque élevé »98(*). Elle comporte un mécanisme de dépendance beaucoup plus diffus et progressif que celui des morphiniques. L'alcool comporte enfin une forte toxicité organique à des doses facilement atteintes. La consommation d'alcool peut provoquer de nombreuses pathologies : cancers, maladies du foie et du pancréas, troubles cardiovasculaires, nerveux ou encore psychiques. En France, en 1995, on recensait 27 000 décès directement liés à l'alcool dont 23 700 de maladies (le reste étant dû aux accidents de la route, aux accidents domestiques et aux suicides)99(*).

Le tabac est le troisième produit psychoactif le plus consommé après le café et l'alcool. La proportion de fumeurs dépendants dépasse de loin celle des buveurs, le tabac tend à devenir un produit quotidien tandis que l'alcool reste plus généralement occasionnel. En France, on compte 10 millions de fumeurs dépendants. Le tabac est doté d'une forte toxicité en raison de la nicotine où des additifs qui sont à l'origine de nouveaux composants (monoxyde de carbone, goudrons). En France, on estimait en 1999 que 60 000 décès étaient liés à la consommation de tabac, dont 95% chez les hommes. Cette mortalité est due au cancer (31 500), aux maladies cardiovasculaires (13 700) et aux maladies respiratoires (11 000)100(*).

Les médicaments psychotropes constituent le dernier type de substances psychoactives licites. Leurs effets varient en fonction de la catégorie à laquelle ils appartiennent (les tranquillisants ou les anxiolytiques, les somnifères ou les hypnotiques, les neuroleptiques ou les antipsychotiques, les antidépresseurs). La consommation de médicaments psychotropes est très importante. En France, elle représentait en 1991 un adulte sur dix pendant au moins six mois dans l'année101(*). Leur usage continue fortement de progresser : entre 1991 et 1997, les ventes d'antidépresseurs ont augmenté de 40%102(*). Les médicaments psychotiques peuvent présenter de nombreux risques. On peut par exemple citer le flunitrazépan commercialisé en France sous le nom de Rohypnol, qui est un efficace somnifère104(*). Il possède un potentiel hédonique fort qui incite à l'abus et à l'autoadministration. Ces consommations abusives sont à l'origine d'une haute toxicité organique (dépression respiratoire, coma et décès). Le flunitrazépan est pour ces raisons considéré comme une drogue « dure » par certains spécialistes qui demandent son retrait du marché médical.

Le cannabis est fréquemment la drogue illicite la plus consommée. Elle représente en France 21,6% d'expérimentateurs et 2,2 millions de consommateurs occasionnels105(*). Le cannabis peut se présenter sous diverses formes : l'herbe ou marijuana qui se présente sous la forme de feuilles séchées qui se fument mélangées le plus souvent à du tabac ; le haschich ou shit, est une résine obtenue à partir de la fleur ; elle apparaît sous forme de plaques et se fume également en compagnie de tabac ; l'huile est une préparation plus concentrée en principe actif dont l'usage est peu répandu. Le cannabis est l'une des substances psychoactives illicites qui porte le plus à polémiques. Le rapport Roques publié en 1998 sur la dangerosité des drogues aboutit à la conclusion que le cannabis, dont le principe actif est le THC, a un profil de dangerosité nettement moins marqué que l'alcool106(*). Des risques de toxicité à long terme ne sont pas exclus, ses principaux dommages restent cependant les effets dysleptiques liés à une consommation quotidienne (problèmes de mémoire et de concentration, baisse de motivation et de la capacité à choisir, etc.)107(*). Le cannabis possède enfin de fortes vertus hédoniques et socialisantes qui ont contribué à le démystifier en tant que « stupéfiant ». Les personnes dépendantes au cannabis représentaient en France 10% des prises en charge en 1997108(*).

L'héroïne appartient à la famille des opiacés qui sont des molécules d'origine naturelle (le latex recueilli du pavot appelé opium) ou synthétique qui se comportent comme des agonistes vis-à-vis des récepteurs à endorphine109(*). De nombreux opiacés existent : outre l'opium, la morphine et l'héroïne, on trouve la codéine, le naltrexone, la méthadone, la buprénorphine qui font notamment l'objet d'usages thérapeutique. L'héroïne est le plus puissant des opiacés110(*). Elle se présente comme une poudre blanche et cristalline mais contient rarement plus de 2% de produit pur. Le mode d'utilisation le plus courant, bien qu'elle puisse être snifée ou fumée, reste l'injection intraveineuse qui présente de nombreux risques mais qui apporte un violent effet de flash recherché par les usagers. L'effet immédiat est alors de type « orgasmique », il est suivi d'une sensation d'euphorie puis fréquemment de somnolence voire de nausées et de vertiges. Les doses utilisées excèdent rarement un gramme par jour. L'héroïne est l'un des produits au pouvoir hédonique le plus important111(*). Elle possède en revanche un pouvoir addictif considérable qui est accru par la voie injectable. L'usage hédonique qui impose de fortes doses et une consommation répétée n'est donc que très difficilement contrôlable. A de faibles doses, l'héroïne -comme toutes les molécules de la famille des morphiniques- est douée de propriétés antalgiques remarquables tout en étant dénuée de toxicité organique. Le principal risque présenté par l'usage d'héroïne reste l'overdose ou la surdose qui peut provoquer une insuffisance respiratoire entraînant une perte de connaissance et éventuellement la mort112(*). Le nombre de surdoses mortelles reste cependant relativement faible. Ce chiffre est passé en France entre 1994 et 1998 de 564 à 143 dont 92 liées à l'héroïne (les autres décès étant liés à l'association de plusieurs produits)113(*).

La cocaïne est une substance psychoactive extraite des feuilles de cocaïer114(*). Elle se présente le plus fréquemment sous forme de sels (poudre blanche) qui sont sniffés à l'aide d'une paille (la ligne ou le rail). L'administration intraveineuse s'est particulièrement développée notamment chez les polyconsommateurs. La cocaïne peut également être fumée sous forme de pâte de coca. Le crack est un dérivé de la cocaïne, destiné à être fumé. C'est un mélange de cocaïne, de bicarbonates de soude et d'ammoniaque présenté sous forme de petits cailloux. Il provoque des effets plus intenses que ceux de la cocaïne : le produit arrive plus rapidement au cerveau, la durée de son effet est plus brève. Sa consommation régulière crée rapidement une forte dépendance psychique et une neurotoxicité très forte. Le crack pose un problème majeur de santé publique aux Etats-Unis par exemple où son faible prix le rend attractif notamment vis-à-vis des adolescents. La consommation de cocaïne reste en revanche marginale dans les pays européens. Le nombre de consommations déclarées (au moins une fois dans la vie) est par exemple en France inférieur à 2% de la population115(*). La cocaïne est à l'origine de 2% des demandes de prise en charge en premier produit, elle est revanche fréquemment associée puisqu'elle est citée comme second produit dans 11% des demandes de traitement.

La principale innovation du point de vue des substances est sans nul doute le développement des nouvelles drogues synthétiques (ecstasy, LSD, amphétamines, poppers, Gamma 0H ou le GHB, Protoxyde d'azote ou gaz hilarant). Les quatre principaux produits de synthèse utilisés en France selon une enquête réalisée en 1998 seraient l'ecstasy, le LSD, les amphétamines et la kétamine. Cependant, l'ecstasy serait la seule vraie nouvelle drogue puisque le LSD et les amphétamines circulaient déjà depuis un certain temps. La molécule active de l'ecstasy, le MDMA, a été synthétisée par les laboratoires Merck en 1912 dans un but militaire116(*). Elle a fait l'objet d'usages ponctuels en psychiatrie en Californie dans les années 1970. Mais l'ecstasy fur surtout employée à partir des années soixante-dix et plus récemment en Europe dans un cadre récréatif lors de soirées « tecnho ».

En quoi consiste la nouveauté de ces drogues synthétiques? Elles marquent avant tout un renouveau de l'usage des substances117(*). En effet, elles présentent la particularité d'attirer beaucoup de jeunes dans un cadre culturel spécifique (en fin de semaine dans les discothèques ou les rave parties, dans les stades et les occasions de divertissement collectif). Elles attirent par leur mode de consommation plus sûr. Ainsi comme le rappelle Simonetta Piccone Stella « une gélule qu'il suffit d'avaler, sans aucune préparation, à n'importe quel moment, est une consommation facile, propre, apparemment innocente, non contagieuse. Très différent du rite complexe de l'héroïne et très loin des risques liés à l'usage d'une seringue intraveineuse »118(*). Ces drogues sont également appréciées pour leur faculté à favoriser un état proche de la transe, qui multiplie l'effet des rythmes et des décibels et qui empêche de ressentir la fatigue. Les défenseurs de la culture techno et de l'usage d'ecstasy ont tenté, sous l'égide du mouvement « Safer Dancing » né en Grande-Bretagne à la fin des années quatre-vingt, de légitimer leur consommation en l'associant à un phénomène festif, doté de mécanismes de régulations comparables à ceux de l'alcool119(*). L'usager des drogues de synthèse appartient par conséquent à un nouveau type de consommateur qui refuse d'être reconnu comme « drogué » mais qui décrit son comportement comme un usage récréatif.

« L'usage des drogues dans les clubs n'est pas un phénomène de dépendance, c'est un phénomène récréatif. C'est une activité de loisirs. Il importe de ne pas confondre, et de bien voir la différence fondamentale entre l'usage récréatif d'une drogue- la fièvre du samedi soir si vous préférez - et la dépendance »120(*)121(*)

Les risques encourus par les consommateurs semblent nettement moins élevés que pour les autres drogues. Il n'y a pour l'instant aucun cas de dépendance aux nouvelles substances, ni un cas de mort par overdose, attribuables exclusivement à ces drogues qui n'aient été relevés. La dangerosité des drogues synthétiques peut sembler au premier regard bien faible en comparaison des drogues « dures » comme l'héroïne122(*). On doit toutefois souligner que le manque de données à cet égard est notable. De même si les drogues de synthèse, massivement diffusées, représentent en France une part minime à l'origine des prise en charge (2% en 1998), ceci est davantage à mettre en lien avec l'attitude des usagers de drogues de synthèse et leur non-reconnaissance du statut de toxicomane qu'avec la non-dangerosité de ces drogues123(*).

Les substances se sont considérablement multipliées au cours des vingt dernières années. Leurs usages ont connu de nombreuses variations aussi bien en raison de l'attente des consommateurs, que de l'offre de drogues mise sur le marché124(*). La description des substances licites et illicites ne doit néanmoins pas amener à penser qu'il existerait une distinction nette entre les consommateurs d'alcool, de tabac d'une part et les consommateurs de cannabis et d'héroïne de l'autre, et encore moins entre les consommateurs de cannabis ou ceux de cocaïne et d'ecstasy. L'épidémiologie a, au contraire, mis en évidence que l'abus d'une substance favorise le recours aux autres : en d'autres termes « un abus peut en cacher un autre »125(*)126(*). A contrario, la monoconsommation d'un produit illicite constitue un phénomène rare. La multiplication des usages a fait apparaître les termes de « polytoxicomanies », « polyconsommations » ou « polyexpérimentations ». Mais quelle réalité recouvre ce changement sémantique ? L'usage de ces termes ne traduirait, selon Pascal Courty, que « la reconnaissance d'un phénomène ancien puisque déjà évoqué dans le Rapport Pelletier en 1978 ». La multiplication des enquêtes épidémiologiques ne ferait que « lui conférer une réalité statistique ». Cette « re-découverte » aurait pour origine une meilleure prise en considération des substances licites (alcool, tabac, médicaments) en tant que substances addictives. Il est possible de distinguer, comme le fait Pascal Courty127(*), trois types de polyconsommations :

n Les polyconsommations d'entraînement : « Ce sont des sujets qui sont dépendants des opiacés au départ avec toujours de façon occasionnelle ou exclusive de l'héroïne. Par la suite, et à cause du prix relativement élevé de cette substance, se mettent en place des stratégies d'auto-substitution ». Ce type de patients témoignent, selon Pascal Courty, de la nécessité d'user des thérapies à partir de produits de substitution telle que la méthadone.

n Les polyconsommateurs d'ennui ou d'oubli : « Elles sont le fait de jeunes qui ont connu des ruptures familiales et sociales nombreuses [...] Ils semblent avoir été repérés par le système mais n'avoir jamais été réellement pris en compte [...] Leur consommation est anarchique et elle concerne tous les produits. Leur mode de consommation est impulsif avec tout ce qui leur tombe sous la main. Le but ultime est de « ne plus penser ». On peut les qualifier de zonards, jeunes en errance, SDF ou marginaux sans bien toujours savoir à quoi renvoient ces termes »127(*). Cette catégorie met en évidence les difficultés de prise en charge que le système socio-sanitaire rencontre.

n Les polyconsommations actuelles ignorées ou déniées : « Pour nous c'est l'aspect le plus préoccupant car il y a peu de consultations spontanées de la part des consommateurs [...] Lorsque nous avons la chance de les rencontrer, ils ne reconnaissent pas de dépendance à un ou plusieurs produits malgré une consommation quotidienne. [...] Ce sont le plus souvent des lycéens ou des étudiants avec une bonne insertion économique de façade [...] Ils revendiquent très souvent une situation professionnel stable des parents et un train de vie confortable [...] Nous les qualifierons plutôt de « polyexpériementateurs ». Ils se présentent toujours en disant qu'ils font des expériences de leur consommation et ils gardent, comme nos anciens patients toxicomanes, longtemps l'impression du contrôle des doses et des effets ». Ce dernier cas correspond le plus souvent aux consommateurs de drogues de synthèse. La polyconsommation est ainsi très fréquente lors des soirées techno où elle correspond à une recherche d'effets spécifiques. L'association la plus courante au cours de ces soirées reste l'alcool, le cannabis et les produits de synthèse.

Le phénomène de la polyconsommation a mis fin à de nombreux clichés sociologiques sur les toxicomanes. Ainsi l'image du cocaïnomane riche et nettement distingué socialement du consommateur d'héroïne est en train de s'affaiblir. Il est désormais nécessaire d'utiliser l'expression de « poly/toxicomanies » du fait que la personne dépendante passe souvent de sa drogue « primaire » à d'autres substances. L'idée de polyconsommation est toutefois trompeuse selon Alain Morel : elle sert avant tout à masquer le fait que la présence d'une telle conduite va de pair très souvent avec la présence d'autres troubles (scolaires, judiciaires, etc.)128(*)129(*). Ces phénomènes constituent autant d'indicateurs de risque des populations toxicomanes. Les différences entre usage, abus et dépendance ne reposent que partiellement sur les substances consommées. Elles tiennent pour beaucoup au contexte individuel et social dans lequel s'inscrit cet usage.

1.2.2 Sociologie des toxicomanes : les « profils à risque »

La connaissance et l'évaluation des usagers de drogues est un phénomène difficilement chiffrable et descriptible. Le recueil de données épidémiologiques en matière de toxicomanie s'oppose, outre la réticence des pouvoirs publics et/ou des professionnels du secteur, à de nombreux obstacles méthodologiques. Il est tout d'abord fortement influencé par le statut légal des dogues en cause130(*)131(*). Le caractère clandestin de l'usage des drogues illicites rend, d'autant plus si le contexte est très répressif, une partie du phénomène non apparente. En revanche, lorsqu'il s'agit de produits légaux (alcool, tabac, médicaments), les chiffres de vente rapportés à l'ensemble de la population constituent de bons indicateurs de consommation. En l'absence d'un recensement de la population toxicomane, les sujets étant par définition dans une situation illégale, diverses enquêtes sont organisées pour donner des indications utiles aux prises de décision en matière de santé publique. Il est nécessaire de multiplier et de croiser les sources de données. Les principaux éléments recherchées sont la prévalence de l'usage d'une drogue (le pourcentage de personnes concernées dans une population) et son incidence (les nouveaux cas apparus par exemple au cours d'une année).

Les enquêtes en population générale constituent le premier moyen utilisé. Il peut s'agir d'enquêtes élaborées autour de la consommation d'une ou plusieurs substances, auprès d'un échantillon représentatif de la population. Les questions sur les psychotropes sont cependant souvent inclues dans des enquêtes plus vastes sur les consommations ou les modes de vie afin d'obtenir un échantillon suffisamment large. Les services de police ou judiciaires sont une source importante de données en matière de consommation de substances illicites. Les chiffres d'interpellations, d'incarcérations ou des saisies de drogues peuvent fournir autant d'indicateurs sur les tendances en cours. Toutefois, il reste difficile, comme le précise Marc Valleur, de faire la part entre les modifications de prévalence ou l'incidence d'une problématique d'usage, et les modifications de l'activité policière elle-même132(*).

Les services spécialisés en matière de toxicomanie (centres de soins, points d'accueil, etc.) constituent l'un des moyens les plus efficaces pour estimer les variations, notamment en terme d'abus et de dépendance. Les données recueillies permettent de dresser le profil sociologique des personnes dépendantes, ainsi que leur état de santé, les morbidités et la mortalité reliées aux addictions. En France, un système de recueil de données fut mis en place dès 1986 par l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) à partir des centres de soins spécialisés en toxicomanie133(*)134(*). Les enquêtes épidémiologiques nationales visent à souligner la socio-démographie, l'histoire de la toxicomanie, le recours aux soins, le parcours dans les structures et les pathologies associées. L'état de santé des toxicomanes, notamment au point de vue des maladies infectieuses, fait l'objet d'études spécifiques : ministère de la Santé, enquêtes hospitalières, travaux de l'Inserm auprès des antennes prisons.

Il existe par conséquent trois modes afin de tenter de sortir de l'obscurité le phénomène de la drogue135(*) : lorsqu'une personne en difficulté s'adresse à un service de soin, l'arrestation, le secours lors d'une overdose. Ces modes d'évaluation sont suffisamment adaptées aux drogues classiques, telle que l'héroïne, mais se révèlent très lacunaires en ce qui concerne les nouvelles tendances en matière de toxicomanie, c'est à dire les drogues de synthèse ou encore la forte augmentation du cannabis. En effet, les cas d'overdoses sont plus facilement vérifiables à partir d'une prise d'héroïne que de LSD, de plus les services de soins aux toxicomanes ont été orientés depuis ces vingt dernières années afin de lutter principalement contre la dépendance aux opiacés. Et ceci constitue une chose bien connue des toxicomanes, lesquels se dirigent très peu, lorsqu'ils sont dépendants d'autres substances, vers les services d'aide existants et finissent par ne pas être comptabilisés comme toxicomane. Il est donc difficile de connaître le nombre d'usagers de substances non opiacées (cocaïne, amphétamines, etc.) en tant que simples consommateurs ou en tant que toxicomanes. Les seules sources existantes pouvant nous renseigner sur l'évolution des substances proviennent par conséquent de corps antidrogue policiers ou d'enquêtes menées pour trafic.

Un ensemble d'enquêtes spécifiques de nature sociologiques ou ethnologiques permettent néanmoins de mettre en évidence les consommations les plus marginales. Des observations participantes peuvent par exemple éclairer des pratiques sous-culturelles, comme l'usage d'ecstasy durant les rave-parties, ou encore l'usage de crack dans certains quartiers. Un autre moyen d'évaluation épidémiologique des consommateurs similaire est constitué du « travail de proximité » (unità di strada, outreach-work) qui apportent des services d'aide aux consommateurs de façon directe sur leur lieu de consommation (discothèques, gares, périphéries, etc.)136(*).

Ces études ont pour point commun de se dérouler à l'échelle locale (de la ville, voire du quartier). Elles développent une épidémiologie sur les populations minoritaires à partir de groupes spécifiques. Une image globale de la population est alors reconstituée à partir de divers procédés (capture-recapture, « boule de neige »). La méthode « boule de neige ». (snowballing ou snow ball sampling en anglais, campionamento a valanga en italien) est un procédé d'échantillonnage utilisé dans les cas d'études où il est difficile d'établir avec précision un échantillon représentatif, comme c'est souvent le cas pour la toxicomanie. Il s'agit alors de recueillir des informations auprès de toxicomanes rencontrés sporadiquement (dans la rue, boites de nuit, etc.). De cette façon on élargit le groupe de référence en partant d'un échantillon limité137(*). C'est à partir de telles études, qu'il a été possible de mettre en évidence les caractéristiques épidémiologiques des toxicomanes qui se sont considérablement transformées au cours des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix.

Parmi les facteurs socio-épidémiologiques, le sexe est la caractéristique la plus tranchée : les toxicomanes sont en grande majorité des hommes. Ils représentent les trois quarts des personnes prises en charge par les services de soin français138(*). De même en Italie, où en 1997 sur 117.131 toxicomanes recensés dans les services de soin privés et publics, on dénombrait 99.575 hommes, tandis qu'on comptabilisait 17.556 femmes. Le rapport homme/femme au niveau national est donc de 5,6 hommes pour une femme139(*). Cette différence est cependant encore plus nette au niveau des interpellations (90% d'hommes) en France et peut laisser entendre que les femmes sont moins nombreuses parmi les toxicomanes mais qu'elles ont une plus forte propension à avoir recours au système de soin140(*). Il est intéressant d'examiner à cet égard la répartition géographique des sexes en Italie. La proportion homme/femme est de 4/1 dans deux régions septentrionales (Lombardie et Emilie-Romagne) et descend même jusqu'à 3/1 dans certaines villes du Nord (Milan, Turin), tandis que ce rapport augmente jusqu'à 10-12/1 dans deux régions du Sud, la Sicile et la Campanie. Piccone Stella déduit de ces observations que « l'écart entre hommes et femmes est notable, mais tend visiblement à se réduire dans les zones plus prospères et plus égalitaires, là où la liberté de mouvement, de comportement et de consommation des femmes est plus importante »141(*).

L'âge est une caractéristique délicate du fait que les personnes rencontrées dans les services spécialisés sont très souvent plus anciennes que l'ensemble des consommateurs. L'âge moyen de ceux qui ont recours aux services de soin est de 30 ans, quel que soit le sexe, aussi bien en France qu'en Italie142(*). Il s'agit là d'un âge tardif lorsqu'on prend en considération le fait qu'il s'agit le plus souvent de personnes qui ont commencé à user de substances, bien souvent, au cours de l'adolescence. Le temps de maturation avant qu'un toxicomane ait recourt à un service d'aide est le plus souvent entre quatre et sept ans. Ce chiffre peut être nuancé pour la France en fonction des établissements étudiés. L'âge moyen des toxicomanes est plus élevé dans les centres spécialisés (28,9 ans) et les hôpitaux (29,7) que dans les centres sociaux (24,4)143(*). Ces chiffres renvoient aux représentations culturelles qui sont rattachées à chaque institution mais elles traduisent aussi les inégalités d'accès aux populations toxicomanes144(*).

Les études actuelles témoignent d'un vieillissement de la population rencontrée dans les services pour toxicomanes. En France, l'âge moyen s'est accru de trois ans, notamment dans les centres spécialisés où il est passé de 25,9 ans en 1987 à 28,9 en 1995 et dans les hôpitaux où il a diminué de 27,2 en 1987 à 29,7 en 1995145(*). Des observations similaires peuvent être réalisées en Italie où la tranche des plus jeunes se rétracte légèrement en passant de 4,72% des toxicomanes en 1991 à 3,2% en 1997, tandis que la tranche des 20-24 ans s'est rétracté de façon notable en passant de 28,60 % en 1991 à 17,9% en 1997. En revanche les plus anciens ont augmenté puisque les 30-34 ans sont passés de 20,13% à 26,6% et les 35-39 ans ont plus que doublé en passant de 6,55% à 13,4%146(*)147(*). Il est nécessaire de rappeler, comme le fait Piccone Stella que ces statistiques portent sur les centres de soin où sont fortement prévalant les héroïnomanes et que ce recul des jeunes traduit avant tout une diminution de la consommation des substances les plus dangereuses en faveur d'autres substances, telles que les drogues synthétiques.

La population toxicomane globale se marginalise de façon croissante, en demeurant le plus souvent sans formation et sans emploi. Ainsi une enquête du SESI (Service de statistiques, des études et des systèmes d'information, ministère de la Santé) réalisée en 1994 établit que 70% des toxicomanes ayant recours au système sanitaire et social n'ont pas d'activités professionnelles148(*). Ces données sont confirmées par les statistiques du ministère de l'Intérieur qui établissent que 66% des personnes interpellées pour usage et pour usage-revente en 1995 sont sans activité professionnelle déclarée149(*). Les toxicomanes se situent le plus souvent dans une situation de forte précarité : 23 à 26% perçoivent le RMI tandis que 6 à 7% n'ont pas de couverture sociale150(*).

Quelques instruments d'évaluation ont été mis en place en Europe, comme dans le cas des exemples français ou italien. Leur validité est toutefois réduite du fait que les critères restent centrés sur des contextes locaux. Au cours des dernières années, on a assisté à un intérêt croissant des chercheurs dans la mise au point d'instruments d'évaluation standardisés à des fins d'évaluation clinique ou de comparaison entre les pays151(*). L'ASI, Addiction Severity Index ou indice de gravité de la toxicomanie, est un instrument d'évaluation des comportements de dépendance mis en place en 1980 par une équipe américaine dirigée par Mc Lellan. Son objectif était de reconstituer pour chaque patient le contexte ayant abouti à l'usage de substances et d'établir un profil de gravité et de toxicomanie afin de renforcer les mécanismes de prévention. Ce modèle fut discuté pour la première fois en Europe au cours d'un colloque sur l'épidémiologie clinique organisé en 1993. Un projet européen, l'EuropASI, a été initié en le 15 juin 1995 à l'occasion d'une collaboration entre les Pays-Bas, la Grèce, l'Italie, l'Allemagne, la Suisse et la France. Certains items du modèle américain qui ne paraissaient pas pertinents ont été reformulés, tandis que d'autres ont été ajoutés. Cette adaptation européenne de l'ASI rencontre de nombreuses difficultés et les réticences françaises à son application illustre les limites des outils standardisés dans l'étude des conduites de dépendance.

Une recherche comparative menée entre la France et le Québec a permis de souligner certains facteurs de fragilité ou de vulnérabilité152(*)153(*) en délimitant les « profils de gravité ». Il est possible de citer quelques données épidémiologiques sur les facteurs à risque en matière de consommation de drogue154(*). Outre les facteurs génétiques qui sont encore peu connus, l'âge de la vie apparaît comme un facteur déterminant dans les comportements toxicomaniaques. Les études montrent que l'âge des premières utilisations de drogue se situe entre 14 et 20 ans et la consommation de tabac et d'alcool précède très souvent celle de drogues illicites. L'adolescence est une période de remise en cause des repères précédents marquée par les oppositions entre parents et enfants durant laquelle ont souvent lieu les premières consommations de substances licites puis rapidement illicites.

D'autres facteurs ont été mis en évidence tel que le contexte familial. Les problèmes familiaux constituent un trait commun important dans les profils de gravité mis en évidence dans l'enquête France/Quebec155(*). Les troubles psychologiques (manque de confiance en soi, anxiété, etc.), le manque de ressources et l'absence d'emploi sont apparus comme d'autres composantes de ce même modèle. Mary Jansen156(*) évoque enfin la mauvaise intégration des normes sociales, l'attitude comportementale (plus ou moins grande permissivité envers les comportements marginaux) et enfin le milieu dans lequel évolue la personne (influence et plus ou moins grande accessibilité aux substances). Les comportements addictifs sont enfin corrélés de façon très forte aux troubles psychiatriques.

L'analyse des substances et de leurs effets a permis d'apporter des premiers éléments de réponse à la définition de la toxicomanie. Celles-ci sont toutefois plus pertinentes dans la définition de la dépendance, ou pharmacodépendance, que de la toxicomanie elle-même. La toxicomanie semble davantage se rapporter au sujet, et à ses caractéristiques sociales et individuelles, qu'à l'objet de sa consommation.

1.3 De la substance à l'acteur 

La première définition du toxicomane fut apportée par le législateur. Celui-ci n'explicita pas directement qui était le toxicomane mais l'établissement d'une norme et d'un clivage entre le licite et l'illicite permit de déterminer la ligne de démarcation entre toxicomanie et usage de substances. La première définition du toxicomane fut construite à partir d'une considération des substances. La distinction entre le légal et l'illégal n'est toutefois pas immuable et fut remise en cause dès les années quatre-vingt sur la base de l'étude de la dangerosité pharmacologique des drogues, mais surtout à partir des usages qui en sont fait.

1.3.1 Le législateur face aux drogues : entre jugements normatifs et considérations pragmatiques

1.3.1.1 Le clivage légal/illégal

La consommation de drogues apparaît d'emblée comme un phénomène privé, relevant uniquement de la sphère personnelle. Se droguer, c'est un choix. Le législateur a pourtant été rapidement amené à réguler l'usage de substances au sein de la société. Pourquoi un régime de prohibition pour les substances psychoactives?

Cette intervention trouve sa justification dans la finalité protectrice dont est mandaté le législateur face à l'ensemble du corps social. La modification des états de conscience et de l'activité mentale est une entrave, outre les risques sanitaires encourus, pour le plein contrôle du comportement individuel. La répétition de ces comportements et la recherche de ces états de conscience comme fin en soi, l'instauration d'un lien organique entre l'individu et la substance, que l'on appelle communément « dépendance » entendue comme une réduction de la liberté de choix, constitue une menace non seulement pour l'individu mais pour le corps social dans son ensemble. L'intervention du législateur dans la sphère individuelle se justifie donc par les risques qu'un comportement singulier entraîne sur l'ensemble de ses concitoyens. Ces risques sont de nature aussi bien sécuritaires que sanitaires157(*).

Il a paru par conséquent nécessaire d'établir des règles encadrant l'usage et la circulation des drogues. La première attitude adoptée par les autorités publiques face aux substances psychoactives fut de réglementer leur usage selon les catégories normatives licite/illicite en opérant une distinction entre drogues illégales et drogues légales. Cette distinction varie selon les législations nationales, elle reste néanmoins très similaire. La majorité des pays occidentaux considèrent comme des drogues légales l'alcool, le tabac et les anti-dépresseurs. Parmi les drogues illégales figurent le cannabis (marijuana étant le nom mexicain), les opiacées, la cocaïne, les amphétamines et les hallucinogènes. Le critère de distinction retenu entre les deux groupes est celui de la toxicité, c'est à dire la capacité de la substance à induire une dépendance psychophysique. Cette distinction juridique a servi pendant longtemps de principe fondamental à la considération de l'usage de drogues. Les actions répressives des services policiers étaient ainsi tournées jusqu'à la fin des années quatre-vingt vers toutes les drogues illicites sans qu'il soit établi une distinction entre cannabis et héroïne158(*)159(*).

Mais la distinction licite/illicite correspond t-elle aux risques réels encourus par les consommateurs de substances ? Comme le rappelle Simonetta Piccone Stella, on doit reconnaître d'un point de vue épidémiologique (c'est à dire l'étude de l'évolution des maladies et de leurs conséquences spatio-temporelles) que les dégâts à l'organisme et le risque de maladies potentiellement liées à l'alcool et au tabac sont plus élevés que ceux dérivants du cannabis et même des opiacées160(*). La représentation sociale constitue le véritable frein à une juste distinction entre les drogues : aux yeux de l'opinion publique un buveur de bière est une personne normale, c'est-à-dire un simple usager, tandis qu'un fumeur de marijuana est automatiquement un toxicomane161(*).

C'est pour beaucoup, en fonction de la menace qu'elle associe à une drogue que la collectivité énonce de façon explicite (par des règles tangibles) ou induit de façon implicite (par ses représentations culturelles) l'idée que les membres doivent s'en faire. Celle-ci n'est pas immuable et varie en fonction des époques. On peut prendre l'exemple du tabac envers qui les représentation sociales ont connu de nombreux bouleversements162(*). Le tabac était ainsi un objet de condamnation dès le début du 17ème siècle. Les premiers écrits de médecine en dénonçaient les effets au début du 20ème siècle163(*). Le tabac ne fut cependant pas pris dans la tourmente prohibitionniste contrairement à l'alcool en raison de ses effets moins flagrants. Les premières mesures de restriction remontent aux années soixante-dix. L'Oms considère aujourd'hui le tabac comme une drogue en raison de son pouvoir cancérigène et de son potentiel addictif.

L'alcool est encore plus emblématique de l'évolution des opinions sur la dangerosité d'une substance164(*). Il fut perçu comme un fléau sanitaire dès 1851, date à laquelle Magnus Huss lui donne le nom d'alcoolisme. La dangerosité de l'alcool est perçue très tôt à travers ses conséquences sociales et notamment sur la famille. Le second argument, qui justifiera l'interdiction de l'absinthe en France en 1916, est l'affaiblissement des énergies combattantes en temps de guerre. La France ne met cependant pas en place une politique restrictive. Ce phénomène est à mettre en lien, selon Alain Morel, avec le statut dont le vin bénéficie depuis la révolution française du statut de « boisson égalitaire républicaine et patriotique » puis de « boisson nationale ». Des mesures de prévention sont néanmoins mises en place au cours des années cinquante. C'est la loi Evin, votée en 1991, qui statut une restriction sur la publicité de l'alcool. Ces deux exemples du tabac et de l'alcool montrent que la notion de dangerosité relève avant tout d'une construction. La distinction entre substances légales et illégales est très fragile. Un nouveau clivage plus représentatif de la dangerosité des drogues est alors venu s'ajouter au précédent.

1.3.1.2 Drogues douces/dures : une distinction empirique

Le législateur a introduit à la fin des années quatre-vingt une distinction entre les drogues considérées comme « douces » et les drogues dites « dures »165(*). Cette différenciation est née tout d'abord en Hollande pour répondre de façon pragmatique au problème de l'élargissement des consommateurs de cannabis qui étaient toujours plus nombreux et qui rendait inadéquate la distinction entre les substances licites et illicites. Cette distinction s'est progressivement élargie au cours des années quatre-vingt-dix à l'ensemble de l'Europe. Il s'agissait d'opérer une distinction au sein même des drogues illicites, afin d'éviter un amalgame entre le cannabis et l'héroïne. Cette distinction a amené les législations nationales à opérer une classification graduelle du niveau de dangerosité attribué. Le classement des substances illégales se fait en Italie en fonction d'un chiffre représentant cette dangerosité comprise entre 1 (le plus faible) et 6 (le plus fort). Le cannabis est ainsi considéré dans les substances de la seconde classe juste après l'opium et la cocaïne. Certains estiment que ce jugement est exagéré et soutiennent qu'il ne s'agit pas plus d'une drogue que le tabac ou l'alcool

Cette distinction a ouvert la voie à de nombreuses polémiques. Elle constitue le principal argument des partisans de la légalisation du cannabis. L'usage social qui est fait du cannabis c'est à dire la possibilité de consommer cette substance de façon occasionnelle constitue, selon les anti-prohibitionnistes, la meilleure preuve afin de légaliser le cannabis. De plus, on observe fréquemment une distinction entre les fumeurs de marijuana ou haschich et les consommateurs d'héroïne. Cette observation contredit l'idée d'un continuum progressif allant des drogues douces aux drogues légères. Il semble que les logiques qui sous-tendent leur consommation soient diverses. Ce second argument pourrait toutefois être contredit par le fait que la quasi-totalité des toxicomanes ont commencé leur rapport aux substances par le biais de la marijuana166(*).

Certains pays ont utilisé cette distinction comme point de départ pour la légalisation du cannabis. C'est le cas par exemple de la Hollande, où comme le rappelle Grazia Zuffa la distinction entre les drogues douces et les drogues dures a rendu possible la vente de modestes quantités de cannabis dans les coffee shops sans pour autant renoncer à la persécution pénale des autres substances jugées plus dangereuses167(*). D'autres pays toutefois, comme la France ou l'Italie, ont utilisé cette distinction afin d'adapter les mesures judiciaires en fonction de la dangerosité de la substance et afin de réorienter les politiques publiques (notamment en matière de traitement) en direction des drogues caractérisées comme étant « dures ». 

Le terme de drogue douce a également permis de rapprocher les drogues légales (alcool, tabac, etc.) avec les substances comme le cannabis qui tout en présentant des caractères similaires sont prohibées. La frontière entre le légal et l'illégal, mais aussi entre celle qui distingue les drogues douces illicites et les drogues légales, semblent ainsi de moins en moins pertinentes au regard des modes de consommation. Le rapport Roques réalisé à la demande de Bernard Kouchner a remis en cause le classement des stupéfiants en relativisant les risques du cannabis (relativement au tabac) et en classant l'alcool parmi les drogues les plus dangereuses168(*).

La distinction entre le licite et l'illicite constitue une première ligne de démarcation entre toxicomane et non-toxicomane. La catégorisation des substances opérée par le législateur est cependant le fait de considérations sociales. Le clivage drogues dures/drogues douces a profondément remis en cause les législations nationales. L'observation clinique a toutefois limité la portée de cette dernière distinction. Il existe par exemple certains consommateurs qui réalisent un usage toxicomaniaque du cannabis. Piccone Stella remarque dès lors que « l'adjectif doux ou dur connote de façon plus adéquate les consommateurs que les substances elles-mêmes »169(*). Le point de référence et de distinction entre toxicomanie et non toxicomanie ne semble plus être la substance elle-même mais l'usage qu'il en est fait.

1.3.2 L'approche comportementaliste ou la prépondérance de l'usage

1.3.2.1 Usage récréatif et usage nocif

En matière de consommation de drogues illicites, il n'existait naguère que l'abstinence et la toxicomanie170(*). La mise en évidence d'une pluralité de pratiques de consommation a ébranlé cette catégorie binaire. L'approche comportementaliste effectue une nouvelle translation de la substance vers l'usager en considérant non plus la seule nocivité pharmacologique de la drogue mais l'usage qui en est fait et le rapport que le consommateur entretient avec elle. A coté de la toxicomanie a été créé un concept intermédiaire permettant de traduire les problèmes somatiques/sociaux occasionnés par des usages trop forts (sans qu'il y ait dépendance). Il s'agit de l'idée « d'abus » pour le DSM et « d'utilisation nocive pour la santé » pour le CIM171(*). Cette catégorie n'inclut pas la tolérance, le sevrage ou le mode compulsif d'utilisation, mais seulement les conséquences néfastes de consommations répétées. Cet état caractérise particulièrement les consommateurs récents mais il existe un continuum de l'abus à la dépendance, notamment pour l'héroïne.

La catégorie de l'usage, qualifié le plus souvent d'occasionnel, récréatif ou simple, est progressivement apparue, bien qu'elle ne soit pas reconnue par les classifications internationales172(*). L'usage regroupe les formes de consommation qui n'entraînent pas de complications somatiques ou psychiques et qui ne relèvent pas d'une problématique psychologique. Il s'agit de consommations considérées comme contrôlées, et qui sont le plus souvent socialement régulées173(*). On considère qu'il correspond à chaque substance (licite ou illicite) des usages toxicomaniaques et d'autres non toxicomaniaques. Simone Piccone Stella retrace le raisonnement effectué permettant d'arriver à cette affirmation : les substances légales sont le plus souvent très bien acceptées pat les populations des pays occidentaux, en revanche on en réprime l'abus qui signifie bien souvent des dégâts à la santé ou encore une perte de crédibilité sociale de la personne. C'est ainsi que l'alcoolémie est perçue comme un fléau social demandant une réponse sanitaire adéquate. Piccone Stella effectue un raisonnement analogue pour les substances illégales en supposant qu'il existe un mode de consommer du cannabis ou de l'héroïne de façon non toxicomaniaque.

Les substances psychoactives sont porteuses d'une dangerosité intrinsèque. Toutefois, les risques d'une consommation de substance ne peuvent être analysés que dans les circonstances dans lesquelles a lieu cette consommation. C'est avant tout l'usage, ou plutôt le mésusage, qui constitue le principal facteur de risque174(*). Il est important d'introduire la notion de conduites, de pratiques ou encore d'usages à risques. Cette idée implique que des produits de consommation courante puissent présenter des risques, s'ils sont utilisés en dehors de certaines règles. C'est par exemple le cas des tranquillisants ou encore des solvants. Ce second exemple est encore plus significatif du mésusage d'une substance. Il indique que « le potentiel de dangerosité d'une substance psychoactive se révèle lorsque la pratique de sa consommation sort des systèmes de régulation qui en limitent une grande part des risques »175(*)176(*). Il existe par conséquent des systèmes de régulation des conduites de consommation qui prennent le plus souvent la forme d'un contrôle social informel. Les modes de consommations renvoient avant tout à des représentations culturelles qui ne sont pas immuables.

Les risques encourus dépendent de la relation qu'entretient l'usager avec la substance. On ne peut pas en déduire pour autant qu'il est urgent de légaliser une substance comme l'héroïne qui reste très dangereuse. On ne peut pas non plus souhaiter que l'alcool et/ou le tabac soient relégué dans les substances illicites. Mais il est important de réaliser que tandis qu'on distingue un buveur ou un fumeur modéré d'un buveur/fumeur excessif, aucunes modalités et styles de consommation ne sont distingués pour les substances illégales qui se retrouvent toutes confondues dans une seule et unique partie. Il est certain que les préjugés et les façons de pensé sont autant de limites au fait d'établir une comparaison entre drogues licites et illicites ou comme le résume Piccone Stella « nous refusons de croire que la substance alcool et la substance héroïne ont quelque chose en commun, une parenté, une affinité, étant, par exemple, également nocives, tant nous sommes habitués à penser que la première peut être usée avec modération ».

« Le point fondamental est qu'il n'existe pas de barrière entre les consommateurs de tabac, bière et alcools forts d'une part et les consommateurs de haschich ou d'héroïne, d'autre part. Il y a bien au contraire un continuum, une très longue et inégale ligne de goûts et d'habitudes, de peurs et de plaisirs, d'auto-contrôle et de consommation effrénée, de risques plus ou moins responsables, le long de laquelle les ressemblances et les différences sont examinées sans que aucun de nous soit extérieur au problème »177(*)

Il est possible dès lors de distinguer, comme le fait Pascal Courty, trois façons de se rapporter aux substances : l'absence d'usage, l'usage récréatif et occasionnel exposant au risque judiciaire et l'usage nocif correspondant à un abus de drogues178(*). L'idée d'un usage récréatif implique le fait que la consommation de drogues puisse résulter d'un acte libre et volontaire provenant d'un individu qui puisse concilier l'usage de substances avec un mode de vie normal. L'approche comportementaliste aboutit à l'idée d'un consommateur non marginalisé mais qui reste un sujet autonome.

1.3.2.2 Le consommateur intégré : mythe ou réalité ?

« Il n'existe qu'un seul délit que l'on puisse commettre contre les autorités, l'autocontrôle, et il n'existe qu'une seule façon de lui obéir, se soumettre au contrôle de l'autorité » T.S Szazs, Il mito della droga

L'idée de consommateur intégré renvoit à une double considération : d'une part qu'un usager de substances puisse être intégré au corps social et d'autre part que celui-ci soit en mesure d'intégrer la substance à son mode de vie. Cela nécessite tout d'abord de souligner que la consommation de drogues ne concerne pas seulement les populations les plus marginalisées mais également les classes moyennes ou supérieures. On dispose de peu d'éléments sur la distribution sociale des consommations mais l'on connaît l'existence d'une « toxicomanie des hautes classes », décrite par Robert Castel179(*)180(*), qui est le fait de ceux qui sont dotés en capitaux (social, culturel, économique) et une « toxicomanie des classes basses » de ceux qui « n'ont rien à perdre ou très peu »181(*). Les motivations des « hautes classes » sont bien sûr distinctes de celles des autres consommateurs. Elles sont souvent, comme Ehrenberg l'a décrit, poussées par les logiques sociales et cherchent à travers l'usage de drogues un « dépassement permanent »182(*).

Tom Decorte a réalisé une étude qualitative, de janvier 1996 à décembre 1998, sur la consommation de cocaïne et de crack dans la ville d'Anvers (Belgique)183(*). Cette recherche a été menée, contrairement au paradigme moraliste et médicale qui prône l'abstinence comme seule solution possible, à partir du paradigme du self-control c'est à dire l'idée que « le consommateur de drogue ne perd jamais totalement le contrôle de sa consommation, même lorsqu'il est dépendant ». Cette hypothèse est construite elle-même sur l'idée « que les drogues sont consommées par des gens qui ont des raisons pour le faire, qui les apprécient, et qui ne voient pas pourquoi ils devraient s'en passer »184(*). L'usager de drogues est considéré comme un consommateur rationnel.

L'étude a mis en évidence l'existence de nombreux consommateurs de cocaïne capables de contrôler leur consommation à long terme. Les auteurs en donnent l'explication suivante : « C'est l'environnement social, à travers le développement de prescriptions et de rituels (c'est-à-dire de mécanismes de contrôle informels) qui met la consommation de drogues illégales sous contrôle [...] La consommation de cocaïne (et sans doute de n'importe quelle drogue) implique à la fois des valeurs et des règles de conduite qui définissent quand et comment la drogue doit être prise (prescriptions sociales) et qui dessinent des modes de comportements obligatoires et stylisés autour de la consommation de drogue (rituels sociaux) »185(*). Ainsi de nombreux consommateurs reconnaissent des règles de consommation par rapport à leur environnement, ils ont de même une théorie personnel de l'usage de drogue « toujours quand on se sent bien, jamais quand on se sent mal »). Les pratiques toxicomaniaques sont dès lors porteuses d'une certaine rationalité.

Les mécanismes d'autocontrôle servent ainsi à délimiter la distinction entre l'usage et l'abus. Le contrôle informel des substances légales comme le tabac et l'alcool est rendu possible par une socialisation familiale et un apprentissage des règles de contrôle de sa propre consommation. Ces processus de socialisation ne sont bien sûr pas envisageables en ce qui concerne les stupéfiants. Les mécanismes de contrôle naissent en matière de drogues illicites, comme l'a mis en évidence Howard Becker, des enseignements tirés du groupe de pairs auquel appartient le consommateur. Le groupe, au lieu d'être perçu comme un élément corrupteur, peut ainsi être intégré dans le champ de la prévention186(*). Maria Caiata a analysé les stratégies de préservation de soi développées consciemment par les consommateurs intégrés187(*). Elles sont de quatre ordres : les stratégies de gestion du corps (régulation de sa consommation), la gestion de l'argent, la gestion du stigmate (intégration sociale, éloignement du milieu des toxicomanes) et la gestion du stress (planification de la consommation).

Une nouvelle définition du toxicomane peut être déduite à partir de l'usage non toxicomaniaque des substances illégales : le toxicomane est selon Robert Castel celui qui organise toute son existence autour de la recherche et de la consommation de drogue, ou encore comme l'écrit Albert Ogien celui qui fait de la drogue la seule ligne biographique de son existence188(*). Le consommateur intégré réussit, à l'inverse, à faire cohabiter différentes lignes biographiques (travail, famille) avec sa consommation de drogue qui ne constitue donc pas l'intégralité de son mode de vie. La catégorie de l'usage simple ou récréatif permet ainsi de ne pas faire de chaque consommateur de drogues un toxicomane189(*).

Le mérite de l'approche comportementaliste est d'avoir mis en évidence la rationalité dont est empreinte la consommation de drogues. L'usage de drogue se justifie, du point de vue du consommateur intégré, en référence à un ensemble de valeurs socialement reconnues : le soin de soi, le bien-être, le divertissement, la performance ou encore la convivialité. La personne perçoit sa consommation comme ordinaire du fait qu'elle soit en adéquation avec les valeurs communes. Le consommateur normalise ainsi sa propre consommation par un recours aux valeurs collectives190(*). La consommation ne répond pas dès lors à une simple pulsion de manque (qui caractérise la toxicomane) mais elle s'inscrit dans tout un cadre précis (par exemple le soir chez soi en écoutant son disque préféré). La consommation devient donc, aux yeux du consommateur, un acte doté de sens et par-là même de légitimité.

Plusieurs étapes ont été nécessaires pour aboutir à une définition de la toxicomanie. Partant d'une définition physiologique, et après avoir passé en revue les principales substances d'un point de vue toxicologique, il a été mis en évidence que la toxicomanie ne se réduit pas à la simple dépendance, quelle soit de nature psychique ou physique. L'angle juridique opère une distinction entre le licite et l'illicite, celle-ci fut toutefois remise en question par la séparation opérée entre les drogues dures et les drogues douces. Ces catégories sont apparues très inadéquates afin de rendre compte de la multiplicité des modes de consommation. La toxicomanie ne peut pas se résumer à l'usage d'une substance quelle soit décrite comme illicite ou « dure ». L'approche socio-ethnographique a permis de souligner l'importance de la relation et du comportement de l'usager avec la substance. Elle a rendu possible une distinction entre l'usage récréatif (ou usage simple) et l'abus (ou usage nocif ou usage toxicomaniaque). La définition de la toxicomanie se situe par conséquent au croisement de différentes variables. Elle ne peut pas se résumer au simple consommateur de substances psychoactives. La toxicomanie est la conjonction de trois variables : le consommateur, la substance et la relation qui les relie.

La compréhension de la toxicomanie permet dès lors d'envisager l'analyse des politiques publiques en ce domaine. Les éléments précédents permettront d'adopter une approche critique sur l'action des pouvoirs publics en matière de toxicomanie. En effet, quel est le référent ou le groupe de « ressortissants » des politiques publiques en ce domaine191(*)192(*) ? Visent-elles une définition du toxicomane entendu comme le consommateur de substances illicites ou englobe t-elle une approche plus large de la consommation en interrogeant les modes d'usage des substances ?

2 Les Etats face à la toxicomanie

2.1 Une réponse uniforme : l'alliance répression/soin

Face au développement du trafic de stupéfiants, les Etats ont très rapidement ressenti le besoin de normes internationales régissant le commerce et la vente des substances psychoactives. Contrairement à la démarche habituelle, les Etats ont par conséquent commencé à légiférer sur les drogues d'abord sur le plan international avant d'aborder le problème sur le plan interne193(*). En effet, en matière de drogue le danger vient avant tout de l'extérieur, c'est à dire des pays producteurs dont il s'agit de se protéger. Un ensemble de normes régule ainsi la toxicomanie au niveau international, notamment sous l'aspect du trafic de stupéfiants. La création de l'Union Européenne a permis de poursuivre la réglementation des drogues aux niveaux européens, mais surtout d'accentuer les efforts de coopération entre Etats.

2.1.1 De la répression à la coopération entre Etats

2.1.1.1 Un droit international répressif

Le droit international sur les stupéfiants est né d'un ensemble de traités internationaux et de conventions ratifiées par les pays signataires. En l'absence d'une législation internationale, les conventions fournissent l'esprit des normes que les Etats retranscrivent à l'échelle nationale sous formes de lois ; elles lient les Etats signataires à certains principes qu'ils se voient contraints de respecter. Les accords internationaux ont été pendant longtemps dominés par les préoccupations liées au narcotrafic tout en ignorant les problèmes sanitaires. Ils se sont caractérisés par une longue prédominance des intérêts prohibitionnistes194(*).

La première conférence internationale sur les drogues a lieu sur l'initiative des Etats-Unis afin d'enrayer la consommation d'opium en Chine dans un but commercial195(*). La conférence a lieu en février 1909 à Shanghai où se sont réunis treize pays. Le traité auquel aboutissent les négociateurs condamne la consommation d'opium à des fins non médicales et marque le premier texte du mouvement prohibitionniste. En janvier 1912, la première Convention dotée d'effets juridiques est adoptée. Elle porte sur l'ensemble des drogues connues et dispose d'une portée mondiale. Elle aura toutefois peu de retombées du fait que les Etats, comme la France ou l'Angleterre, qui tirent des bénéfices du commerce de stupéfiants sont majoritaires au sein de la conférence196(*).

Le rythme des conférences internationales sur les stupéfiants s'intensifie après la première guerre mondiale. Une conférence de la SDN en 1925 donne le jour à deux nouvelles Conventions internationales. Le premier texte, « la Convention du 11 février 1925 relative à la suppression du commerce et l'usage de l'opium préparé », connaît un semi-échec puisque le texte autorise la France et l'Angleterre à mettre en place un système de production et de distribution contrôlé par l'Etat. Cette convention n'est d'ailleurs pas appprouvée par les Etats-Unis, ni la Chine, favorables à une prohibition totale. Le second texte, « la convention internationale sur l'opium » du 19 février 1925, s'applique aux trois grandes drogues naturelles, l'opium, la coca et le cannabis, ainsi qu'à leurs principaux dérivés, l'héroïne, la cocaïne et le haschich. La convention impose aux signataires de fournir une évaluation de leurs besoins en stupéfiants à des fins médicales et organise un système d'importation et d'exportation sous le contrôle d'un Comité central permanent qui délivre les certificats et centralise les informations recueillies.

Trois textes sont adoptés durant l'entre-deux guerre. Les Conventions de Genève et de Bangkok de 1931 instaurent une classification des stupéfiants et un système de quotas commerciaux en fonction des besoins pharmaceutiques des pays importateurs. La Convention de Genève de 1936 accroît les dispositions répressives à l'encontre du trafic. La politique prohibitionniste des Etats-Unis ne se développe cependant qu'après la Seconde guerre mondiale. Cet essor s'explique tout d'abord par la fin des réticences françaises, dont le commerce de stupéfiants cesse d'être rentable. Le retrait progressif de la France et de l'Angleterre est bien sûr lié au processus de décolonisation qui a lieu durant l'après-guerre. La Régie générale française est d'ailleurs supprimée en 1946. Le second motif de cet élan prohibitionniste est la création de l'Organisation des Nations Unies qui va servir de support à la politique américaine. Trois protocoles sont adoptés : Lake-sucess en 1946, Paris en 1948 et New-York en 1953 qui instaure un contrôle extrêmement rigoureux envers sept pays producteurs (Bulgarie, Grèce, Inde, Iran, Turquie, URSS et Yougoslavie).

Le droit international relatif aux produits stupéfiants procède actuellement essentiellement de trois conventions internationales signées sous l'égide de l'O.N.U.197(*) : la convention unique sur les stupéfiants de 1961, la convention de 1971 sur les substances psychotropes et la convention de Vienne de 1988 contre le trafic illicite de stupéfiants. La principale pièce de la législation internationale en matière de stupéfiants est signée à New-York le 30 mars 1961 par soixante-dix-sept délégations ; elle est aujourd'hui ratifiée par 149 Etats et s'applique à cent vingt plantes et substances naturelles ou synthétiques répertoriées en quatre catégories. Cette convention unique remplace les conventions antérieures. Elle réglemente l'ensemble des stupéfiants, de la production à la consommation, en passant par la distribution internationale. Elle énonce la limitation de « la production, la fabrication, l'exportation, l'importation, la distribution, le commerce, l'emploi et la détention de stupéfiants » à des fins « exclusivement médicales et scientifiques» (art. 4). En matière de traitement des toxicomanes, la convention précise que des services adéquats ne sont imposés aux Etats que si leurs ressources le leur permettent ; la prise en charge est donc laissée à la discrétion des politiques nationales.

La Convention unique est complétée par « la Convention de Vienne sur les substances psychotropes » de 1971 qui opère la classification de 111 substances d'origine industrielle ou synthétique en quatre catégories (hallucinogènes, amphétamines, barbituriques, tranquillisants). Le protocole de Genève de 1972 renforce les mesures prohibitionnistes sur la production et le trafic de stupéfiants sous les pressions américaines. Enfin, la « Convention de Vienne contre le trafic illicite de stupéfiants et de psychotropes » de 1988, ratifiée aujourd'hui par 142 Etats, constitue la dernière pierre de l'ordre répressif et prohibitionniste en contraignant chaque Etat signataire à se doter d'un dispositif pénal concernant l'achat et la détention de stupéfiants. L'article 3, paragraphe 2 contraint les Etats signataires à conférer le caractère d'infraction pénale « à la détention et à l'achat de stupéfiants destinés à la consommation personnelle ». Cette convention renforce enfin de façon considérable la coopération judiciaire et policière entre les Etats, notamment en matière de lutte contre le blanchiment d'argent.

Il est important d'apporter certaines précisions en matière de normes juridiques198(*)199(*). Tout d'abord, dés lors que ces conventions ont été régulièrement ratifiées par un pays, elles ont en droit interne une autorité supérieure à celle des lois. Ce principe est affirmé en France au sein de l'article 55 de la Constitution de 1958. Cela implique que chaque nouvelle loi en matière de stupéfiants doit être conforme à l'ensemble de ces conventions internationales. Toutefois, il convient de noter que les conventions internationales sus-visées ne sont pas d'applicabilité directe en droit interne (contrairement par exemple à la Convention européenne des droits de l'homme). Cela signifie que les dispositions de ces traités ne sont pas directement applicables aux particuliers des Etats membres mais nécessitent pour cela une transposition par les autorités de chaque Etat. C'est pourquoi ces conventions rappellent que leurs dispositions pénales « ne sauraient porter atteinte à la compétence exclusive des Etats en matière répressive » ( art. 36 de la Convention Unique, art. 22.5 de la Convention de 1971 et art. 3.11 de la Convention de Vienne de 1988).

Diverses organisations internationales sont compétentes en matière de drogue et de toxicomanie200(*). L'évaluation du trafic de drogue au niveau mondial s'effectue par le biais de l'OICS (Organisation internationale de contrôle des stupéfiants. ONU) qui dresse chaque année un état du trafic à l'aide des rapports nationaux communiqués par les gouvernements. D'autre part, le PNUCID (Programme des Nations unies pour le contrôle international des drogues), crée en 1971 et basé à Vienne, réalise également depuis 1997 son propre rapport. L'évaluation du trafic s'effectue principalement à partir des saisies effectuées par les services de douane ou de répression du trafic de stupéfiants, bien qu'elles soient très insuffisantes. Enfin l'OMS prend en charge les aspects épidémiologiques tandis que l'UNICRIME a pour fonction les politiques de sécurité et de répression du crime. L'internationalisation du problème de la toxicomanie a eu lieu rapidement et a donné naissance à une multitude d'organisations. Ce mouvement de collaboration internationale va contribuer à inciter la mise en place d'une politique européenne.

2.1.1.2 Les politiques européennes en matière de drogues : entre répression et coopération

La collaboration en matière de drogue et de toxicomanie a été renforcée au niveau européen par certains accords au sein de l'Union Européenne201(*) qui ont donné lieu successivement à une ébauche de collaboration entre Etats et à un effort d'homogénéisation des législations et des politiques nationales.

Un premier plan d'action européen de lutte contre la drogue a été adopté en 1990 lors du Conseil européen de Rome bien que la toxicomanie ne rentrait alors pas dans les prérogatives institutionnelles de l'U.E. La Convention de Schengen de 1990 (entrée en vigueur en 1993) a tenté de répondre à la crainte que la suppression des contrôles aux frontières prévue par l'acte unique de 1986 ne se traduise par une augmentation corrélative du trafic de drogues. Ainsi cette Convention autorise chaque Etat à conserver des contrôles frontaliers lorsque « l'ordre public ou la sécurité nationale l'exigent ». De même, elle invite les parties signataires à prendre « toute mesure nécessaire à la prévention et à la répression du trafic illicite de stupéfiants, y compris le cannabis ». En revanche, l'article 75 de cette Convention autorise le transport de stupéfiants par les résidents d'un Etat vers un autre Etat « à des fins médicales ».

En 1993, le Traité de Maastricht sur l'Union européenne a, pour la première fois, inclus les drogues dans un accord de l'U.E. Le Traité précise, en son article 129, que l'action communautaire porte « sur la prévention des grands fléaux [...] y compris la toxicomanie ». Il détermine les objectifs spécifiques et les instruments de lutte contre la drogue sous les titres de : Santé publique, Politique étrangère et de sécurité commune, Coopération dans le domaine de la justice et des affaires intérieures. Cependant, en pratique, cette disposition n'a pas de valeur contraignante au plan juridique et n'implique d'action commune qu'en matière de prévention. L'objectif de coopération en matière policière et judiciaire en matière de lutte contre le trafic de drogues a été renforcé par le Traité d'Amsterdam du 2 octobre 1997. Mais l'harmonisation des politiques pénales des Etats membres en la matière n'a pas encore été prévue. Les drogues semblent néanmoins faire l'objet d'un effort financier important puisque en 1996 le budget total qui leur était alloué était de 61 millions d'euros (environ 400 millions de francs202(*).

La politique de l'Union européenne en matière de lutte contre la drogue, inspirée des conventions internationales, se caractérise jusqu'à présent par une orientation nettement plus répressive que sanitaire. Elle a connu toutefois un timide changement de cap à l'occasion de la Stratégie de l'Union européenne adoptée à Helsinki en décembre 1999203(*). Les objectifs affirmés à l'occasion sont la défense des droits des toxicomanes et une approche équilibrée entre soutien aux consommateurs et réduction de la demande. Le problème de la toxicomanie est désormais perçu sous l'angle du cannabis et des nouvelles drogues, de la délinquance urbaine, des problèmes liées à la consommation de substances en matière de santé collective, de sociabilité, de criminalité et de justice. Enfin la priorité est donnée à la prévention du Sida chez les toxicomanes par une connaissance précise du problème (harmonisation des indicateurs épidémiologiques) et une mise en place et une évaluation des programmes entrepris.

Afin de pouvoir adopter une réelle perspective commune du problème, l'Union Européenne s'est dotée d'un appareil de surveillance et d'analyse des phénomènes liés aux drogues, l'Observatoire Européen des Drogues et des Toxicomanies (OEDT). L'Observatoire est né d'une proposition faite en octobre 1989 par l'ancien président français, François Mitterrand. Le 8 février 1993, le règlement européen (CEE) n° 302/93 adopté à Bruxelles, créait officiellement l'OEDT qui est devenu opérationnel au début de 1995. Il est chargé de développer des programmes de recherche sur l'épidémiologie, la prévention et la réduction de la demande204(*). En outre l'OEDT, installé à Lisbonne, coordonne un réseau de 15 centres d'information, ou Points focaux nationaux, situés dans chacun des États membres. Avec le Point focal de la Commission européenne, ces centres constituent le REITOX, Réseau Européen d'Information sur les Drogues et les Toxicomanies.

La communauté internationale a réagit dés le début du 20ème siècle au problème de la toxicomanie, essentiellement de façon répressive. Les normes internationales définies au sein des conventions et des traités ont fortement orienté les politiques publiques des Etats en matière de toxicomanie. Ainsi, même en l'absence d'une réelle coopération, les pouvoirs publics nationaux ont adopté des lignes directrices relativement homogènes.

2.1.2 L'homogénéité des politiques publiques nationales

La législation sur les stupéfiants et le traitement de la toxicomanie ont pendant longtemps correspondu à un modèle similaire au sein des pays industrialisés. Les Etats ont d'une part adopté des mesures très restrictives et prohibitionnistes en matière de législation sur les stupéfiants qui ont conduit à une forte criminalisation du problème. Ils ont d'autre part privilégié, en terme de traitement de la toxicomanie, une approche médicalisé visant l'abstinence au détriment des conditions de vie des usagers de drogue. Les politiques publiques ont tenté de concilier deux approches contradictoires. Elles ont contribué ainsi à faire émerger la représentation sociale du « malade- délinquant » qui fut prédominante jusqu'aux années quatre-vingt.

2.1.2.1 De la prohibition à la criminalisation

La première réaction de la communauté internationale fut d'adopter un ensemble de mesures fortement prohibitionnistes visant à réprimer le trafic de drogues. Cette orientation s'est accompagnée d'un durcissement des législations nationales en matière de trafic mais surtout de consommation de drogues. Au niveau international, comme le note Piccone Stella, les Etats-Unis jouent un rôle fondamental dans la voie prohibitionniste, c'est à dire dans la volonté de durcir les sanctions pénales et administratives face à la drogue. La stratégie adoptée par les Etats Unis a bénéficié d'une extraordinaire continuité : du début du vingtième siècle jusqu'à Georges Bush ou Bill Clinton. Elle repose principalement sur l'idée de mener une « guerre face à la drogue » (war on drugs).

De nombreux pays ont adopté suivant les recommandations internationales dictées par les Etats-Unis un système législatif fortement répressif. C'est le cas de la France par exemple ou encore de l'Allemagne. La mise en place de telles législations ont aboutit à une criminalisation du toxicomane perçu dorénavant comme un criminel, une menace pour la société205(*). Cette criminalisation de la toxicomanie est un phénomène qui a parcouru l'essentiel des politiques publiques en matière de toxicomanie en Europe206(*). Celle-ci est observable par le nombre d`arrestations pour des infractions liées à la drogue qui augmente régulièrement depuis le milieu des années quatre-vingt dans l'UE : il a doublé au Danemark, en Italie, au Luxembourg et en Suède, et a été multiplié par plus de six en Belgique, en Grèce, en Espagne, au Portugal et en Finlande207(*). Cette tendance s'est accélérée ces dernières années en Italie et aux Pays-Bas. Elle peut cependant être mise en évidence de façon plus spécifique pour le cas français.

La législation française est l'une des plus sévères d'Europe208(*). En matière de trafic, elle punit le délit simple (vente de stupéfiants pour la consommation) par 5 ans de réclusion maximale et 500 000 d'amende. Le délit de trafic aggravé (acquisition, détention, transport, importation, exportation, blanchiment d'argent issu du trafic) est soumis à une peine maximale de 10 ans et de 1 MF à 50 MF d'amende. Enfin, la direction ou l'organisation de groupements est passible de la perpétuité et de 50 MF d'amende tandis que la production et la diffusion de drogues en bande organisée fait l'objet de 30 ans de réclusion et de 50 MF d'amende. Mais surtout la loi française réprime l'usage simple de stupéfiants (consommation individuelle d'une substance classée comme stupéfiant par la commission nationale des stupéfiants) par une peine allant de 2 mois à un an et de 500 F à 15000 F d'amende (art. L 628 Code de la santé publique).

La politique française de prohibition et de criminalisation de la toxicomanie n'est pas seulement observable à travers la législation en cours. Elle peut également se vérifier par l'analyse de l'indicateur des infractions à la législation sur les stupéfiants (ILS)209(*)209(*). Ce critère est d'autant plus valable que le relevé ILS retrace davantage l'activité des services chargés de veiller au respect de la loi et de dresser les procès-verbaux des infractions constatées que l'évolution réelle des consommations. Quatre types d'infractions sont enregistrés sous le terme d'ILS : le trafic, l'usage-revente, l'usage simple, et les autres ILS. La création de la catégorie « usage-revente » en 1988 a contribué à modifier la répartition des différentes infractions, au détriment du trafic. On s'intéressera plus particulièrement ici aux infractions impliquant l'usage, ce qui n'exclut pas que leurs auteurs puissent être à l'origine d'autres infractions210(*).

En tendance, depuis les premières années d'enregistrement des délits, deux constats peuvent être dressés : d'une part, si la proportion des ILS reste marginale par rapport à l'ensemble des crimes et délits constatés en France, la part des personnes mises en cause pour ILS n'a cessé de progresser par rapport à l'ensemble des individus verbalisés ; d'autre part les statistiques de l'OCRTIS (Office central de répression du trafic illicite de stupéfiants) disponibles dès avant la loi, à partir de l'année 1968, indiquent jusqu'en 1996 un taux de croissance annuel moyen de 18% du nombre des ILS. Les infractions à la législation sur les stupéfiants sont par conséquent en constante augmentation depuis 1970. Elles visent avant tout les usagers de substances. Les 100 000 interpellations conduites en 2000 concernaient principalement des usagers (95 000 interpellations pour usage ou usage-revente, soit 93,5% du total).

Il est nécessaire de distinguer la part des infractions d' « usage simple » (infraction uniquement constituée par la consommation de stupéfiants) de celle des infractions pour «usage-revente» (souvent considéré comme la manifestation des ramifications nombreuses du trafic à l'échelon local). Pour l'usage simple de drogues, le nombre d'ILS a été multiplié par 10 entre 1971 et 1985, et par deux entre 1986 et 1996 (nouveau classement). Depuis 1993, le nombre des procès-verbaux dressés pour « usage simple » augmente beaucoup plus rapidement que pour « usage-revente ». Concernant les premiers, 38 189 faits avaient été constatés en 1993, 74 633 en 1998, ce qui représente un quasi-doublement (+ 95,4%). Pour les années les plus récentes, on observe une augmentation annuelle de 6% entre 1997 et 1998, et de 7,2% entre 1998 et 1999 (80 037 infractions rapportées). En 1999, la part des infractions d'usage simple dans l'ensemble des ILS est de 82% tandis que les ILS pour usage-revente représentaient un peu plus de 11% (10 367 soit diminution des effectifs de 4,5%). Concernant l'usage-revente, 7 017 faits étaient constatés en 1993 contre 10 874 en 1998, ce qui signifie que le nombre des ILS considérées s'est accrû de 55%. Les années récentes indiquent toutefois un net retournement de tendance : entre 1997 et 1998, le nombre a diminué de 11%, et de 4,5% entre 1998 et 1999. Ces chiffres permettent de supposer qu'au niveau de l'action locale, les services répressifs concentrent leur activité sur la simple consommation au détriment du trafic. Ils témoignent d'une répression accrue de l'usage de substances.

La composition des interpellations en fonction des substances souligne une large priorité accordée à la lutte contre le cannabis au détriment de l'héroïne et de la cocaïne. La proportion des ILS pour usage et revente de cannabis a fortement augmenté entre 1993 et 1998, leur nombre a ainsi été multiplié par 2,4 et elles ont quadruplé depuis 1990 en atteignant plus de 90 000 en 2000, soit plus de 90% des interpellations. Les interpellations pour usage, usage-revente ou trafic d'héroïne ne cessent de diminuer depuis le début des années quatre-vingt dix. Elles ont été divisées par trois entre 1995 et 2000 (plus de 17 000 à moins de 6 000 soit moins de 7% des interpellations), stabilisées au même chiffre qu'en 1999. Les interpellations pour usage de cocaïne, beaucoup moins nombreuses en valeur absolue, ont augmenté de 70% (environ 3 000 en 2000), elles représentent toutefois moins de 3% du total des interpellations211(*).

Les poursuites judiciaires sont en revanche nettement moins répressives. Les services judiciaires opèrent une sélection des usagers qui les conduit à ne poursuivre au titre d'usage de stupéfiants qu'une faible part des contrevenants ayant fait l'objet d'une interpellation pour ILS, avec de très grandes variations dans l'attitude des différentes juridictions. Le nombre des condamnations pour usage, stable depuis plusieurs années, reste relativement faible : pour 90 000 interpellations d'usagers en 1999, 6 700 condamnations pour usage en infraction principale ont été prononcées, dont 1 500 font l'objet d`une peine d`emprisonnement ferme et moins de 400 incarcérations effectives en 2000. Il faut là aussi distinguer l'usage « simple » où la personne mise à disposition de la Justice voit en général son sort réglé promptement : le classement sans suite pour les faits les moins importants, le classement avec rappel à la loi par un officier de police judiciaire, voire la comparution immédiate, constituent la règle. Des sources récentes indiquent un taux de poursuite des usagers interpellés de 8,4% en 1999. Pour les usagers-revendeurs, le passé judiciaire et la disposition individuelle à se plier aux demandes formulées lors de l'enquête peuvent être des éléments déterminants.

Mais c'est surtout le type d'affaire dans laquelle l'usager est mis en cause qui motive les poursuites et la peine requise. De multiples formes de classement ou d'alternatives contribuent à faire de l'usage de drogues illicites l'infraction pour laquelle l'abandon de poursuites est le plus fréquent, et les peines de prison les plus rares. Néanmoins, l'incarcération demeure possible pour un certain nombre d'usagers de drogues même en l'absence d'autres comportements délictueux. Le nombres de personnes incarcérées pour infraction principale d'usage a sensiblement baissé au cours des années 90 en passant de 1.213 en 1993 à 471 en 1995 puis a légèrement augmenté pour atteindre 577 en 1999 avant de redescendre à moins de 400 incarcérations effectives en 2000.

La législation adoptée par les pays européens n'est toutefois pas uniquement fondée sur le prohibitionnisme212(*). Plusieurs états (Suisse, Angleterre, Hollande, Espagne) en dépit des principes affirmés au sein des conventions internationales, ont adopté une attitude moins répressive et ont admis l'idée que certaines substance puissent sortirent des drogues illégales (les drogues douces) et que l'usage thérapeutique des opiacées (morphine, héroïne) puisse se monter opportun dans des circonstances déterminées. Par exemple, des médecins suisses ont déjà expérimenté l'administration contrôlée d'héroïne213(*).

Une ligne de clivage s'est progressivement constituée au regard de l'acceptation sociale des drogues entre les prohibitionnistes et les antiprohibitionnistes, c'est à dire les partisans de la légalisation (legalizers). Cette fracture idéologique a parcouru l'essentiel des débats en matière de toxicomanie. On assiste toutefois depuis une dizaine d'années à une remise en cause du clivage prohibitionniste/antiprohibitionniste qui aurait occulté les problèmes posés par la toxicomanie (en terme de santé publique par exemple) en le réduisant à une lutte idéologique. Le magistrat Livio Pepino observe que dans la pratique les frontières entre les positions prohibitionnistes et anti-prohibitionnistes se sont estompées et sont devenues perméables, elles témoignent dans l'usage d'une attention particulière aux toxicomanes plutôt qu'aux substances : « Il n'est pas fondamental d'interdire ou de ne pas interdire en abstrait : ce qui est fondamental c'est ce que font et comment sont les personnes »214(*). Le soin de la toxicomanie a ainsi été pendant très longtemps négligé en raison d'une prise de position morale et idéologique contre l'usage de drogues215(*). Le refus de la drogue a conduit inévitablement à une conception du traitement de la toxicomanie comme éradication de la maladie.

Document n°1 : Résumé des réponses de l'Union Européenne aux délits mineurs liés aux drogues

2.1.2.2 Soigner en réprimant : la représentation du « malade-délinquant »

Le traitement de la toxicomanie, fortement influencé par la politique prohibitionniste internationale, s'est assimilé pendant longtemps dans de nombreux pays avec la suppression de la dépendance. Celle ci était obtenue soit par les cures de sevrage, drug free, soit par le biais de traitements de substitution comme dans l'exemple américain qui sont finalisés à l'abstinence du patient. Le toxicomane était perçu comme un malade vis-à-vis duquel la communauté nationale avait un devoir de soin. Cette exigence était justifiée en raison de la menace sociale que représentait le toxicomane. Le soin et la répression participaient dés lors d'une seule et même logique. Les politiques publiques en matière de toxicomanie ont ainsi allié des approches et des priorités contradictoires : celle de vouloir réprimer la toxicomanie (modèle prohibitionniste) et de vouloir soigner l'usager de drogues (modèle médical)216(*)216(*). La prise en charge des usagers de drogues s'est ainsi fondée sur une association étroite entre santé publique (l'objectif essentiel étant de soigner la toxicomanie) et ordre public (en réprimant la demande de stupéfiants, l'objectif est de contenir l'offre supposée elle-même entretenir la demande).

L'approche exclusive du « malade-délinquant » a contribué à cristalliser la contradiction de fond entre deux registres d'action publique. Le contexte de la prise en charge médico-sociale a probablement contribué à éloigner les soignants d'une attitude plus attachée aux soins des usagers qu'au traitement de la « toxicomanie » en tant que telle. Il est aujourd'hui admis que tous ces aspects ont entretenu une confusion des logiques répressives et médico-sociales qui structuraient la prise en charge des usagers de drogues : à la « guerre à la drogue » des premières répondait l'impératif d'abstinence des secondes. Les deux membres de ce couple suivaient un objectif d'éradication, formulé dans des champs a priori étrangers l'un a l'autre. Les Etats-Unis constituent un exemple très significatif du modèle « médical/répressif »217(*). La politique de médicalisation de la toxicomanie, où l'usager de drogues est perçu comme un malade pouvant être soigné par le biais de traitements aux opiacés puis sous méthadone, s'est ajoutée à une forte prohibition des substances. L'usager de drogues était perçu aussi bien comme un malade que comme un criminel rendant impossible une véritable prise en charge par le système sanitaire.

La prescription de drogue de maintien eu lieu aux Etats-Unis dés le début du vingtième siècle avec les premières lois du régime prohibitionniste. Ce fut tout d'abord l'Harrisson Act de 1914, puis l'ouverture des narcotic clinics qui proposent aux patients des doses d'opiacées soit à long terme soit dans un but d'abstinence. Ce système est vivement critiqué durant le prohibitionnisme et la dernière narcotic clinic ferma en 1925. La prescription de maintien fut réouverte durant les années soixante mais uniquement pour la méthadone. Les recherches qui avaient alors lieu sur cette nouvelle substance permirent de convaincre les autorités publiques: la méthadone peut abolir le « désordre métabolique » causé par la dépendance et bloquer le craving afin d'immuniser l'individu des effets euphorisants. La toxicomanie est perçue de nouveau comme un problème médical dont la méthadone constitue une solution miraculeuse. La dépendance passe du statut de « comportement immoral » à celui de « maladie ». Les Etats-Unis ont dès lors développé de nombreuses thérapies médicalisées reposant uniquement sur les traitements de substitution de méthadone au détriment d'un véritable suivi psycho-social218(*)218(*).

Le modèle de politiques publiques qui tentent de concilier soin et répression de la toxicomanie, à l'image du dispositif américain, s'est développé dans de nombreux pays européens au cours des années soixante-dix. La France est un exemple frappant d'une telle politique. La loi du 31 décembre 1970, sur laquelle repose encore actuellement, au moins en partie, le système français de soin de la toxicomanie, en symbolise l'essence.

«La loi de 1970 tente de concilier un objectif de répression (la drogue est inacceptable socialement) et un objectif de prévention secondaire avec l'ouverture d'une démarche de soins alternative aux sanctions pénales, en appliquant les principes de l'anonymat et de la gratuité des soins. Elle place ainsi l'usager de drogues dans un statut contradictoire de malade et de délinquant : tout en l'obligeant à se soigner, elle le maintient dans une clandestinité paradoxale »219(*)

Tous les pays européens n'ont bien sûr pas adopté des politiques sanitaires fondées sur le modèle médical. Le traitement de la toxicomanie est l'objet d'un clivage entre d'une part les partisans du modèle « médical » qui implique dans une approche individuelle de « soigner » le « patient » afin de le mener jusqu'à l'état d'abstinence et d'autre part le modèle du Public Health qui privilégie les conditions générales de vie et les relations sociales des consommateurs, où le concept de santé est substitué par celui de bien-être220(*)220(*). Le Public Health part de considérations pratiques c'est à dire des conditions de vie effectives des toxicomanes. Cette conception fut par exemple à la base du système de soin de la toxicomanie adopté en Angleterre ou encore aux Pays-Bas. Ce modèle est très proche de la réduction des risques telle qu'elle est apparue à la fin des années quatre-vingt.

Les politiques publiques en matière de toxicomanie présentent, malgré leurs diversités qui sont liées aux spécificités de chaque Etat, de nombreux traits communs. Deux clivages semblent émerger : d'une part la distinction entre prohibitionnisme et anti-prohibitionnisme, en ce qui concerne la législation sur les drogues et leur acceptation sociale, et d'autre part une opposition entre le modèle médical et le modèle du Public Health en matière de traitement de la toxicomanie221(*). Un groupe de chercheurs a établit une nomenclature constituée de trois modèles222(*) : le modèle prohibitionniste qui considère l'usage de drogues comme étant immoral et qui aboutit à une guerre à la drogue (war on drugs) comme dans l'exemple américain, le modèle anti-prohibitionniste qui établit que la source du problème réside dans la criminalisation de consommateurs et le modèle médical qui voit le toxicomane avant tout comme un malade. Tandis que le modèle prohibitionniste ne prend en considération que l'aspect moral et transforme le toxicomane en criminel, l'antiprohibitionnisme ne voit que l'aspect légal et ignore les dangers possibles d'un développement des drogues, le modèle médical ne considère que l'aspect physiologique de la drogue sans en voir l'aspect social. Le modèle de politique publique le plus adapté semble alors être celui du Public Health qui reste le plus pragmatique et le moins idéologique.

Les politiques publiques sanitaires adoptées par les pays européens présentent de nombreuses similitudes223(*). En effet, presque tous les pays européens ont adhéré aux principales conventions internationales et ont tenté de réprimer le trafic et la consommation de substances stupéfiantes. Pourtant au delà de ces similitudes, les réponses nationales face à la drogue se sont exprimées de façon très singulières. Ainsi, comme le note Monika Steffen, les systèmes législatifs nationaux sont très hétérogènes en ce qui concerne le traitement de la toxicomanie224(*)224(*). Ces différenciations nationales renvoient aux cultures d'action publique mais aussi aux cultures professionnelles dominantes. Ainsi Monika Steffen rappelle que « l'esprit des lois et leur application sont intimement liés aux philosophies professionnelles qui dominent le secteur dans chaque pays »225(*). Il s'agit dès lors de voir comment la France et l'Italie ont répondu de façon spécifique au problème de la toxicomanie.

2.2 La mise en place du modèle « soin/répression » dans des contextes spécifiques : la France et l'Italie

Les pays industrialisés adoptèrent dès le début du vingtième siècle des politiques publiques très similaires. Celles-ci reposaient d'une part sur une stratégie prohibitionniste visant à interdire la production et circulation de stupéfiants afin d'en limiter le trafic. Il s'agissait d'autre part de réprimer l'usage de substances afin de criminaliser les consommateurs. Cette politique fut cependant mise en place selon des modalités très distinctes entre la France et l'Italie. Tandis que le système français a bénéficié d'un champ professionnel de la toxicomanie très homogène et d'un mouvement de répression uniforme durant les années soixante-dix, le dispositif italien a connu plusieurs retournements politiques qui ont empêché l'élaboration d'une réflexion sur le long terme.

2.3.1 Un modèle répressif français uniforme

Les politiques françaises en matière de toxicomanie reposent principalement sur une logique de contrôle social. Il s'agit avant tout pour le législateur de protéger l'ensemble du corps social face à la menace que représente le toxicomane. Celui ci est ainsi perçu comme un « malade-délinquant » qui doit être soigné. La référence idéologique à la défense de la nation parcourt l'ensemble de l'histoire des politiques publiques françaises. Elle justifia par exemple l'idéal d'abstinence qui présida aux soins de la toxicomanie après la loi de 1970. Cet idéal doit être mis en relation, selon Alain Ehrenberg, avec la prégnance de la culture républicaine française selon laquelle l'Etat reste le défenseur du lien social. Une stratégie qui vise l'abstinence est légitimée du fait que le toxicomane représente un danger vis-à-vis de l'ordre social, il a besoin par conséquent d'être rééduqué et réinséré au sein du corps social226(*)226(*). La logique socio-répressive va par conséquent orienter la logique médicale, qui n'est que seconde.

2.3.1.1 La prépondérance d'une logique répressive

Comprendre l'évolution des politiques publiques en matière de toxicomanie exige de procéder à un retour sur l'évolution historique des drogues en France227(*). Un usage hédoniste des substances psychotropes se développe au début du 19ème siècle au sein des milieux littéraires. A partir du milieu du 19ème siècle, l'usage de la morphine se démocratise et se répand dans les couches les plus défavorisées. La morphine se développe de 1880 à 1890 puis l'opium au début du 20ème siècle et enfin la cocaïne s'accroît des années 1900 jusqu'aux années 1920.

Les médecins sont les principaux acteurs de la modification sociale de l'usage des drogues puisque c'est eux qui sont dans un premier temps le vecteur d'utilisation de celles ci avant d'en relever ultérieurement les effets négatifs. Chaque substance connaît donc une première phase d'utilisation avant d'être considérée comme un danger. Après observation des effets d'accoutumance sur l'organisme, les concepts d'éthérisme ou de morphinisme sont mis en place sur le modèle de l'alcoolisme établi par Magnus Huss en 1849. Une nouvelle explication fondée sur la folie (manie en grec) est apportée dans les années 1880 et une série de nouveaux termes font leur apparition afin de qualifier les phénomènes liées aux substances psychoactives : éthéromanie, cocaïnomanie, toxicomanie228(*).

L'inquiétude du corps médical face aux conduites addictives s'amplifie à partir de 1923. Un système de contrôle des stupéfiants intervient en 1948 sous l'impulsion d'un groupe de médecins de Fontainebleau. Le dispositif repose alors sur des carnets à souches d'ordonnance qui permettent une prescription limitée et non renouvelable. Ce dispositif échoue en raison de lourdeurs administratives mais surtout de l'indépendance du corps médical229(*). Malgré l'échec de ce dispositif, il est important de noter la tentative des médecins afin de conserver le contrôle sur l'usage et la distribution des drogues, en particulier celles découvertes par le corps médical. Ainsi, comme le notent Markos Zafiropoulos et Patrice Pinell, le seul mode d'usage légitimement reconnu par la société devient l'usage thérapeutique230(*)230(*). Les médecins favorisent les stratégies de « disqualification » des groupes sociaux qui utilisent ces drogues à des fins non médicales231(*).

Le problème du traitement des toxicomanes apparaît alors dans ce contexte. Déjà les spécialistes s'affrontent entre les tenants d'un arrêt brusque et les partisans d'un arrêt progressif avec utilisation de substances de substitution232(*). Toutefois, l'idée d'une impossibilité à traiter médicalement les toxicomanes semble l'emporter, c'est le triomphe du scepticisme thérapeutique233(*). L'idéologie prohibitionniste va alors influencer les priorités sanitaires : sous le poids des pressions internationales les préoccupations de santé publique qui avaient motivé les premières réglementations vont céder la place aux intérêts politiques prohibitionnistes. La législation française en matière de toxicomanie est, selon l'expression de Henry Bergeron, « le fruit d'un long glissement de préoccupations sanitaires vars des préoccupations politiques ».

La première réglementation française est une ordonnance royale du 19 juillet 1845 qui vise à contrôler le commerce des substances vénéneuses (morphine et arsenic) afin de prévenir les empoisonnements volontaires et accidentels. Cette mesure reste toutefois insuffisante à enrayer la morphinomanie et sous les pressions du corps médical, qui décrit la toxicomanie comme une cause de dégénérescence humaine et un danger social, le Comité Consultatif de l'Hygiène Publique propose des réformes réglementaires de contrôle des officines pharmaceutiques afin de limiter l'approvisionnement des substances. L'opium s'introduit au début du vingtième siècle par le biais des fonctionnaires, des administrateurs et des marins français travaillant en Indochine. Alors que le morphinomane était une victime, le toxicomane devient avec l'opium responsable de son état. Un décret est adopté le 1er octobre 1908 afin de réglementer la « vente, l'achat et l'emploi de l'opium ou de ses extraits ».

Trois propositions de loi sont déposées à la Chambre des Députés peu avant la première guerre mondiale234(*)234(*). Les deux premières tendent à réprimer la vente, la consommation et le transport de l'opium et de la cocaïne tandis que la troisième vise à « réglementer la vente des toxiques : morphine, opium, éther, cocaïne, haschich » mais elle présente surtout la particularité de soumettre les usagers à une obligation thérapeutique dans le cadre d'asiles créés à cet effet. La première guerre mondiale contribue à diaboliser les substances en présentant la cocaïne comme une arme allemande utilisée afin d'« affaiblir la race française ». Une loi relative à l'« importation, le commerce, la détention et l'usage de substances vénéneuses, notamment l'opium, la morphine et la cocaïne » est votée à l'unanimité par les parlementaires et promulguée le 12 juillet 1916. C'est dans la perspective d'une protection du corps national contre les dangers du trafic qu'est adoptée cette loi. Dans l'esprit du législateur, il s'agit avant tout de combattre « l'usage en société », pratiqué dans les fumeries d'opium mais plus souvent encore dans des appartements privés235(*). La législation soumet les stupéfiants à un régime extrêmement sévère et introduit le délit de leur usage en société (opium, morphine, cocaïne, haschich). Aucune distinction n'est établie entre l'usager et le trafiquant qui sont punis des mêmes peines (trois mois à deux ans d'emprisonnement et 1000 à 10000 francs d'amende).

Une Commission interministérielle des stupéfiants, qui deviendra la Commission des stupéfiants et des psychotropes, est instituée en 1930 en application de la Convention de Genève de 1925. Son rôle était alors de réglementer les conditions dans lesquelles devaient être stockés et utilisés les stupéfiants par les industries pharmaceutiques. La période 1916-1939 est marquée par la diffusion de nouveaux usages et pratiques illégales dans la distribution d'opiacés, et par un rajeunissement des consommateurs. La loi offre alors toujours aussi peu de réponses à la situation médicale d'individus qui échappent au système de soins (il n'existe pas encore de prise en charge spécialisée), mais qui sont très rarement condamnés par les tribunaux. Le glissement vers la figure d'un « toxicomane-délinquant » s'opère dès lors, entre les deux Guerres mondiales, et consacre la double prise en charge de l'usager par les institutions pénales et médicales.

La première loi globale en matière de stupéfiants est adoptée le 24 février 1953 sous les pressions de l'ordre médical et des instances internationales. Elle comporte un axe répressif qui aggrave les peines encourues en cas de trafic et institue l'Office central de répression du trafic illicite de stupéfiants (OCRTIS), un organe policier chargé de centraliser les informations et de coordonner les opérations de répression du trafic. Néanmoins, pour la première fois, la loi comprend un volet sanitaire puisqu'elle énonce l'idée d'une prise en charge spécifique des toxicomanes. La loi du 24 décembre 1953 ne sera toutefois jamais mise en vigueur, le règlement d'administration publique prévu pour son application n'ayant jamais vu le jour ; le traitement de la dépendance reste assuré par les institutions psychiatriques. Malgré cette première disposition sanitaire, le problème de la drogue n'est pas perçu jusqu'à la fin des années 1960 en France comme un problème de toxicomanie ou de santé publique mais uniquement sous l'angle du trafic international236(*)236(*). Ainsi, bien avant 1970, les principes élémentaires de la législation actuelle sur les stupéfiants sont établis. La loi du 31 décembre 1970 « relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et à la répression du trafic et de l'usage illicite des substances vénéneuses »237(*) marque une étape décisive dans l'élaboration du système français en matière de stupéfiants et de toxicomanies. Elle constitue l'aboutissement d'une logique répressive initiée au début du siècle238(*).

2.3.1.2 La loi du 31 décembre 1970  ou l'aboutissement du modèle répressif

« La loi de 1970 est, sans aucun doute, l'acte fondateur d'une philosophie politique d'action qui place au coeur de sa démarche, la guerre contre la drogue, contre ceux qui l'importent et qui la vendent, et qui fait du simple consommateur un hors-la-loi »

Henri Bergeron, L'Etat et la toxicomanie. Histoire d'une singularité française

La loi de 1970 intervient dans un contexte social particulier : la France assiste durant la fin des années soixante à une modification des habitudes de consommation par un rajeunissement des usagers de substances qui revendiquent le prise de drogue comme mode de vie239(*)239(*). A travers la loi de décembre 1970 c'est une vaste opération de «re-moralisation» de la société qui est entreprise par la classe politique française en réponse à Mai 1968240(*).

Le texte du 31 décembre 1970 délimite, ensemble au décret du 29 décembre 1988, le régime français applicable aux stupéfiants qui est fixé par les articles L.627 à L.630-3 et R.5171 à R.5182 du Code de la santé publique. Il comporte, en premier lieu, un volet répressif qui sanctionne le trafic, l'usage et la détention de stupéfiants ; le législateur prévoit des mesures, comme c'est le cas pour le délai de garde à vue ou encore pour les perquisitions, relevant du droit d'exception c'est à dire hors du droit commun. Le trafic de stupéfiants est passible d'une peine de 20 d'emprisonnement et d'une amende de 50 millions de francs241(*).

La particularité de la loi de 1970 est d'instituer la pénalisation de l'usage. Elle considère l'usager de stupéfiants comme un sujet de droit pénal. Ainsi « ceux qui auront, de manière illicite, fait usage de l'une des substances ou plantes classées comme stupéfiants » sont passibles de deux mois à un an d'emprisonnement et de 500 francs à 1500 francs d'amende ». La loi n'opère aucune distinction de nature entre les substances consommées, pas plus qu'elle ne prend en compte le degré de dépendance de l'usager à la substance. Cette loi s'inspire directement d'une conception prohibitionniste et répressive des drogues.

Le second objectif du législateur était de réprimer toute publicité en faveur de la consommation de stupéfiants. La présentation sous un jour favorable d'un stupéfiant (qui est perçue comme une incitation à la consommation) est en effet passible de 5 ans de réclusion et de 500.000 FF d'amende au titre de l'article L630 de la loi du 31 décembre 1970242(*). Outre le volet répressif de la loi de 1970, le législateur ouvre un volet sanitaire en affirmant comme principe que « toute personne usant des produits classés comme stupéfiants est placée sous la surveillance de l'autorité sanitaire »243(*)243(*). La loi institue notamment le principe de l'injonction thérapeutique qui offre une alternative au toxicomane entre les poursuites judiciaires et le commencement d'un programme thérapeutique244(*).

La loi de 1970 constitue un exemple du modèle des politiques publiques qui tentent de concilier la criminalisation et le soin des toxicomanes. Elle est avant tout le résultat d'un compromis entre des aspirations antagonistes : « la loi du 31 décembre 1970 cherche à établir, en ce qui concerne l'usage de stupéfiants, un compromis entre pénalisation et traitement, en associant l'injonction thérapeutique et une sanction pénale ».245(*) L'un des points faibles de la loi de 1970 est toutefois son manque de cohérence et de clarté. Elle ne définit pas par exemple le terme de toxicomane auquel elle se réfère pourtant dans le titre de la loi246(*). Ces ambiguïtés se sont traduites par un nombre excessif de circulaires émises par les ministères de la Justice, de la Santé et de l'Intérieur : en 30 ans d'application, près de 500 circulaires ont été recensées. Elles illustrent les difficultés d'application qu'a rencontrées la loi247(*).

D'autres lois font suite à celle de 1970 et accentuent la lutte contre le trafic et contre la consommation. La loi du 17 janvier 1987 crée la catégorie de l'« usager revendeur » qui ne sera pris en compte dans les statistiques criminelles de l'OCRTIS qu'à partir de 1996. La loi de décembre 1987 renforce la lutte contre le grand trafic, la procédure est alignée en 1994 à celle qui est appliquée contre le terrorisme. La loi de 1996 fait de l'incitation des mineurs à la consommation un délit et permet aux associations de se constituer partie civile. Enfin, la législation des stupéfiants est rattachée en 1994 au nouveau Code pénal, à l'exception des délits d'usage qui relèvent du Code de la santé publique.

La politique française en matière de toxicomanie se caractérise en définitive par une forte continuité. La logique sociale répressive qui vise à protéger le corps social des toxicomanes, perçus comme des délinquants, reste prédominante sur la logique médicale. Mieux encore, c'est cette même logique sociale qui est à l'origine de la prise en charge sanitaire des toxicomanes, conçue comme un endiguement. La politique italienne se fonde sur la même considération sociale-répressive de la toxicomanie. Elle ne bénéficie pas en revanche de la même permanence en raison du modèle de politique publique qui s'est développé en Italie.

2.3.2 L'inconstance des politiques italiennes en matière de toxicomanie

La compréhension de la politique qui a été mis en place en Italie rend nécessaire une réflexion sur le modèle de politique publique italien. Il est difficile, comme le rappelle Bruno Dente, de parler d'un style particulier (policy style) correspondant aux politiques publiques italiennes248(*)248(*). Elles se singularisent en revanche par deux traits importants. Le premier est le caractère consensuel des interactions entre les différents acteurs, du fait que les institutions politico-administratives ne sont pas en mesure d'imposer des normes aux groupes d'intérêts organisés. Dario Rei explique cet affaiblissement de la figure de l'Etat par une légitimation sociale insuffisante et un sociétarisme-associationnisme qui s'exprime à travers une méfiance vis-à-vis des institutions et des acteurs de la politique étatique. Cette observation serait d'autant plus valable pour les politiques sanitaires italiennes qui correspondent, selon Elena Granaglia, à l'archétype de la policy community ou de l'issue network249(*). Ce modèle se caractérise par la recherche d'un consensus impossible du fait de fortes divergences entre les intérêts exprimés par les acteurs.

La seconde caractéristique est l'orientation vers la nature réactive des décisions à l'inverse d'un modèle de l'anticipation. Rei Dario estime que « la capacité d'anticiper les problèmes est absente de presque toutes les politiques envisagées »250(*). Les décisions publiques italiennes sont souvent dotées d'un fort caractère d'urgence, voire de dramatisation. Cette difficulté est liée, selon Bruno Dente, à l'absence d'une forte bureaucratie organisée, incapable de mettre à l'ordre du jour de l'agenda public les priorités nationales251(*). C'est dans ce cadre de l'action publique que vont prendre place les politiques italiennes en matière de toxicomanie.

2.3.2.1 Une législation progressiste motivée par une exigence de contrôle social

La prise en charge de la toxicomanie en Italie doit être replacée dans le contexte de la social-démocratie qui se caractérise par des valeurs solidaristes mais aussi par la tendance au contrôle social de la personne à travers le cadre délimité par les institutions. Ces deux principes servent de fondement au traitement répressif de la toxicomanie. On peut par exemple remarquer que les défenseurs d'une politique punitive se référent de façon paradoxale à l'idée de solidarité vis-à-vis du toxicomane. Comment passe t-on de la représentation du toxicomane comme criminel à celle de la solidarité ?

Grazia Zuffa rend compte de ce glissement sémantique par l'idée du toxicomane comme personne « dangereuse pour soi même »252(*). A l'image du drogué criminel se superpose celle du malade mental dénué de l'exercice de ses droits. Ce « solidarisme autoritaire », comme l'appelle Grazia Zuffa n'est pas seulement l'apanage des conservateurs catholiques mais représente également l'état d'esprit d'une gauche qui se souhaite plus proche du centre253(*). Le toxicomane, comme le rappelle Orsenigo, représentait dans l'Italie des années soixante-dix la catégorie déviante par excellence qui était résumée à une simple question sanitaire254(*). La médicalisation de la toxicomanie était avant tout un instrument de contrôle social, que décrivent Scannagatta et Noventa :

« Médicaliser la déviance et certains de ses aspects particuliers peut devenir un excellent moyen afin de généraliser le problème à une intervention de contrôle étendue et simultanément à une tentative de classification d'une série de sujets sociaux qui provoquent de la délinquance du fait qu'ils sont malades [...] A travers cette modification du modèle de contrôle social il est possible de rejoindre plusieurs objectifs avec une seule manoeuvre : on substitue les systèmes de référence du concept de peine avec celui de soin, on élargit la catégorie des possibles « malades », on multiplie l'intervention médicale au sein de la société, on élargit le contrôle social en rejoignant l'idéologie, fausse, des soins et du bien- être social. C'est pour cette raison qu'il est nécessaire de reconsidérer la drogue et les situations voisines en terme de transformation d'un système de contrôle »255(*)255(*)

La création d'un service de soin spécifique à la toxicomanie répondait ainsi plus au besoin de classifier et contrôler que d'apporter réellement un soin. Les médecins et psychologues ont été restreint à un rôle de contrôle social (Orsenigo parle de « fonction gestionnaire »)256(*). Le personnel des services sanitaires a d'ailleurs toujours bénéficié d'une faible formation et d'une moindre motivation en matière de toxicomanie. Une absence de culture spécifique au traitement de la toxicomanie a encouragé à reproduire les préjugés sociétaux. Le soin des toxicomanes a été délégué au « privé social » à travers le financement de structures privées, telles que les communautés thérapeutiques, au détriment des services sanitaires. Le traitement de la toxicomanie en Italie a correspondu pendant longtemps à une forte délégation au secteur privé et non professionnalisé.

La législation italienne en matière de toxicomanie fut nettement avant-gardiste en comparaison des autres législations européennes257(*). En 1975 est approuvée la loi 685 (« Disciplina degli stupefacenti e sulla prevenzione, cura e riabilitazione dei relativi stati di tossicodipendenze »), qui présente de nombreuses innovations, en substitution de celle de 1954 qui était totalement prohibitionniste. Ce texte était inséré d'une part dans un processus général de réformes institutionnelles (pénitentiaire, sanitaire, psychiatrique, décentralisation administrative, etc.) des années soixante-dix, et d'autre part dans un mouvement de modernisation de la société qui inscrit dans la loi la libéralisation des moeurs, l'émancipation des femmes, le droit au divorce et à l'avortement. La L.685 soustrait le toxicomane du droit pénal en le considérant aussi bien comme une victime qu'un malade nécessitant d'être soigné. Le toxicomane passa du statut de déviant à celui de malade. Toutefois, cette loi mit en avant une excessive médicalisation du toxicomane en négligeant ainsi les interventions à caractère socio-réhabilitatif258(*).

Le texte de 1975 présente de nombreuses innovations juridiques en faveur des toxicomanes259(*)259(*). Il introduit une distinction entre vente et consommation, entre drogues douces et drogues dures, et entre petits vendeurs et trafiquants. La possession de drogues en « quantités modestes » enclenche des sanctions administratives, les personnes arrêtées sont signalées aux centres de soins spécialisés qui leur proposent un programme de désintoxication. Les « petits vendeurs » sont passibles d'une peine d'emprisonnement à laquelle peut se substituer un traitement en centre d'accueil.

Le législateur prévoit également le développement des actions préventives par le biais des Comitati Regionali per la Prevenzione delle Tossicodipendenze, des Regioni et des Enti locali ou Structures locales. La loi de 1975 ne détermine pas en revanche l'organisation des structures thérapeutiques qui aura lieu en 1978 lors de la réforme générale du système de santé. Par la suite, la loi 689 de 1981 («Modifications du système pénal») poursuit la perspective anti-prohibitionniste. Elle introduit une dépénalisation en limitant les sanctions administratives pécuniaires et prohibitives et établit des peines de substitution aux périodes de détention de courte durée260(*). Cette législation présente à l'époque de nombreuses nouveautés en comparaison avec les pays voisins (Allemagne, France, Espagne). Elle va toutefois faire l'objet d'une remise en cause à la fin des années quatre-vingt dans la situation d'urgence sanitaire que l'épidémie de Sida impose.

2.3.2.2 Le retournement prohibitionniste de 1990 : la loi « Jervolino-Vassali »

A la fin des années quatre-vingt, comme le note Grazia Zuffa, alors même que plusieurs pays européens sont en passe de reconsidérer les précédentes politiques prohibitionnistes adoptées jusque là, l'Italie est à l'inverse en pleine crise de la drogue avec une augmentation du nombre de toxicomanes d'héroïne et du nombre d'infections à VIH. Le mécontentement populaire est tel que les législateurs italiens décident alors de mettre en place un changement de cap en faveur du prohibitionnisme et d'aller ainsi à l'encontre des évolutions européennes261(*). La loi répressive de 1990 ne constitue cependant pas un geste isolé ; elle participe à une période plus ample (1987-1992) caractérisée par une forte instabilité politique et marquée par la mise sur l'agenda des interventions socio-sanitaires « d'urgence » notamment dans le secteur de l'immigration (loi 28 février 1990, n.°39) et de la toxicomanie (loi 26 juin 1990, n°162).

Le retournement italien s'amorce à la fin des années quatre-vingt lorsque Bertino Craxi, président du Conseil, proclame en automne 1988, au retour d'un voyage effectué aux Etats-Unis, la fin de la « permissivité » sur les drogues. Il se réfère alors à la loi 685 de 1975 qui prévoyait la non-punibilité de la consommation personnelle. La ministre de la Santé démocrate-chrétienne de l'époque, Rosa Russo, se rallie à la directive de son parti après avoir donné quelques déclarations à contre courants. Le gouvernement prévoit un texte en 1989 qui est envoyé en discussion au Sénat. Il prévoit d'interdire explicitement la consommation de substances en la condamnant d'une sanction pénale tout en aggravant les peines pour trafic et recel. La nouvelle loi poursuit un double objectif : celui tout d'abord de combler les lacunes de la loi 685, et d'apporter d'autre part une punition envers le toxicomane qui soit suffisamment forte pour l'amener à entreprendre une thérapie262(*)262(*).

Au court des débats la précédente loi 685 est fortement critiquée. Elle est mise en cause dans la progression du Sida263(*). C'est surtout l'article 80 de cette loi, qui prévoit la « non-punibilité » d'une personne détenant une substance en quantité « modique », qui est attaqué. Les deux rapporteurs au Sénat, Condorelli et Casoli, soutiennent qu'elle « a contribué culturellement et psychologiquement à faire considérer l'usage de substances comme accepté, licite et même comme la manifestation d'un droit à la liberté, plutôt qu'une contre valeur et un comportement socialement et juridiquement réprouvable »264(*). La défense du projet de loi gouvernemental repose sur la menace que représente chaque toxicomane. Les arguments employés alors rappellent directement, comme le note Grazia Zuffa, ceux utilisés lors de la loi sur la folie de 1904, selon laquelle l'internement des malades se justifiait en raison du danger social qu'ils représentaient. Les rapporteurs décrivent ainsi au cours de leur argumentaire le toxicomane comme un individu dangereux pour lui-même et le reste de la société.

«Créer des remèdes contre le danger que l'habituel consommateur de drogues exprime envers lui-même et envers les autres. Celui ci est un sujet à risques, étant une personne négligeant de sa propre santé physique et psychique et de sa propre sécurité, mais aussi socialement dangereux et pas uniquement d'un point de vue sanitaire. Il est un potentiel revendeur et un potentiel incitateur à la consommation [...] Il est en outre sujet à des pulsions criminelles [...] qui l'incitent, afin de pouvoir se droguer, à commettre des délits et à offrir des opportunités dangereuses »265(*)265(*)

Les débats parlementaires soulèvent d'amples critiques. Le parti radical y voit une ingérence américaine sur la politique intérieure. Le syndicat des magistrats invoque l'anti-constitutionnalité de la loi du fait qu'elle prive les toxicomanes intraveineux des soins nécessaires que la constitution garantit en droit à tous. Plusieurs sénateurs et députés (il s'agit avant tout de la Gauche Indépendante, Sinistra Indipendente) rejettent le texte gouvernemental au nom du refus d'un « Etat éthique [et d'une] conception de la loi comme instrument de la morale ». A l'Etat éthique totalitaire, à la base de la philosophie du projet gouvernemental, est opposé l'« Etat de droit social qui a le devoir de soutenir les citoyens et les citoyennes dans l'exercice de leur liberté ». Un mouvement d'opposition fait également jour en Italie face au projet de loi. Un document intitulé « Eduquer et non pas punir » est publié par un ensemble d'associations catholiques (ACLI, Azione cattolica, Coordinamento delle Communità di Accoglienza) est significatif de ce mouvement.

La loi votée en 1990 (n°162), dite loi Vassali-Jervolino en raison du nom des ministres qui en ont fait la proposition, énumère un ensemble de mesures restrictives et prohibitionnistes : elle précise les « doses journalières », aggrave les peines pour le « petit » vendeur, notion définie de manière très restrictive. La loi de plus introduit la prison ferme pour les consommateurs récidivistes et renforce la surveillance des patients en traitement sous peine alternative. La décision de la peine alternative revient désormais au préfet, nouvel acteur des politiques publiques de toxicomanie, au détriment des magistrats. L'article le plus « innovant » reste toutefois l'article 72 qui instaure l'interdiction d'user, pour soi et personnellement, n'importe quelle drogue illégale en le rendant passible sur le plan pénal. Cette décision, qui constituait un recul au regard de la loi de 1975, était intimement liée aux pressions exercées par la politique prohibitionniste américaine.

Les thérapies sont également revues à l'aune des nouveaux critères introduits par la loi : sont ainsi admis les seuls traitements drug free selon le modèle des communautés gérées essentiellement par des volontaires (le plus souvent catholiques) qui s'était développé au cours des années quatre-vingt266(*). La nouvelle législation limite sévèrement l'usage de la méthadone en la réservant aux seuls toxicomanes malades du Sida, refusant ainsi les thérapies autres que celles de sevrage. Carlo Casini déclarait dans ce sens : « De l'expérience assez riche des communautés thérapeutiques il émerge qu'il n'existe pas un programme réhabilitatif sérieux qui ait quelque espoir de succès qui ne parte pas de l'affirmation d'une règle, c'est à dire qu'il est nécessaire d'arrêter toute drogue immédiatement »267(*). La réforme insiste en revanche sur les thérapies psychologique et sur le rôle de l'insertion sociale et familiale des toxicomanes. La professionnalisation des opérateurs enfin est également rejetée tandis que le volontariat est présenté comme une des seules voies d'issue possibles.

Cette loi, qui n'a pas été rédigée dans un esprit seulement punitif, inaugure certaines mesures non-prohibitives : elle encourage la distribution et l'échange de seringues par exemple268(*). Elle statut également sur le droit au travail des toxicomanes. Ainsi, un toxicomane souhaitant commencer un traitement thérapeutique a la possibilité de conserver son travail pendant une période de trois ans.

La réforme fait rapidement l'objet de nombreuses critiques et un référendum a lieu en avril 1993. Il met fin aux « innovations » de la loi Jervolino-Vassali et procède à un retour à la législation précédente. Il dépénalise la détention de substances qui est dés lors considérée comme un délit passible d'une sanction administrative (art.75)269(*). La peine administrative relève en général des préfets, la sanction la plus courante étant le retrait du permis de conduire à la personne convoquée qui est considérée comme étant sujette à des altérations psychiques. Le référendum a également permis d'éliminer la « dose moyenne journalière », établie par l'Instituto Superiore della Sanità, qui permettait d'établir la limite entre les personnes détenant une dose à usage personnel et les personnes soupçonnées de recel. L'intention du référendum était de tracer une distinction nette entre l'usage personnel d'une substance et les autres utilisations qui en sont faites. Les conséquences immédiates ont été jugées décevantes par certains puisque l'issue du référendum s'est accompagnée de la libération de 153 personnes qui étaient emprisonnées pour usage personnel. En revanche les personnes incarcérées pour un autre motif lié à la drogue étaient de 15.000 en 1997, soit 29% de l'ensemble des détenus. Ils en représentaient 28% en 1990 et 32,8% en 1991, chiffre qui a progressivement diminué à partir de 1993270(*)270(*).

Deux points de cette loi sont actuellement controversés : le premier concerne la sanction administrative encourue par une personne faisant un usage personnel de substances. La dose quotidienne a été supprimée lors du référendum de 1993 mais certains problèmes subsistent. D'une part, la sanction administration est liée à la liberté de jugement avec laquelle la police peut évaluer la quantité de drogue trouvée en possession d'une personne. La charge de la preuve se fait le plus souvent en défaveur du toxicomane qui doit justifier son mode de consommation, si l'explication n'apparaît pas suffisante il est alors accusé de recel. La seconde critique concerne le fait que cette loi n'établisse pas une distinction entre de nombreuses substances en leur accordant un niveau similaire de danger. Il s'agirait pour certains d'extraire le cannabis de cette législation en tant que drogue douce.

Document n°2 : Sanctions pénales et administratives en matière de toxicomanie selon la législation italienne en vigueur (DPR n. 309/90)

Production et trafic illicite de substances stupéfiantes et psychotropes

Drogues

Amendes

Sanctions pénales

Drogues dures

de 5 a 50 millions L.

1 - 6 ans

Drogues douces

de 2 a 20 millions L.

6 mois - 4 ans

Usage personnel de substances stupéfiantes. Sanctions administratives

Drogues dures

Suspension du permis, passeport, port d'arme, permis de séjour

Drogues douces

Invitation formelle à ne plus faire usage de substances

5 jours après la verbalisation, la personne est convoquée par le préfet et peut choisir entre deux options

Option A

La personne décide d'elle-même d'entreprendre un programme thérapeutique et socio-réhabilitatif. Le préfet peut alors mettre fin aux sanctions administratives. Toutefois dans le cas où le toxicomane ne se présenterait pas ou n'achève pas son programme de nouvelles mesures administratives peuvent être prises par le préfet

Drogues dures

Interdiction de s'éloigner de son lieu de résidence et obligation de se présenter au poste de police pour des contrôles, suspension du permis, passeport, port d'arme, permis de séjour, obligation de fournir des prestations non rétribuées auprès d'organismes publics et privés, séquestre du véhicule, prise en charge par les services sociaux

Drogues douces

Comme pour les drogues dures

Option B

Le toxicomane ne formule pas la demande d'un programme thérapeutique et les sanctions administratives sont appliquées

Association au trafic illicite de stupéfiants

Association de trois personnes au plus pour la vente, la distribution, le commerce, l'importation, l'exportation de substances

Peine non inférieure à 20 ans de réclusion

Qui participe à l'association décrite au dessus

Peine non inférieure à 10 ans de réclusion

Association aux armes et matériel explosif

Peine non inférieure à 24 ans de réclusion

Les cas français et italien présentent, malgré qu'ils puissent tous les deux être assimilés au modèle « répression/soin de la toxicomanie », de nombreuses différences. Tandis qu'il est possible de parler pour le cas français d'une politique publique en matière de toxicomanie, voire d'un modèle, du fait de sa continuité et de sa forte homogénéité, il est nécessaire de se référer à l'idée de politiques italiennes, voire de législations. Les pouvoirs publics italiens se caractérisent par une absence de planification, mais surtout par l'incapacité de pouvoir imposer une direction et une conception singulière à l'ensemble des acteurs en question (professionnels, associations et communautés de volontaires, opinion publique). Les mesures adoptées en Italie pour répondre au problème de la toxicomanie répondent davantage à une logique d'urgence, comme c'est le cas pour la loi Jervolino-Vassali de 1990 qu'à de réelles préoccupations de santé publique. La France et l'Italie ont en revanche pour point commun d'être doté au début des années quatre-vingt-dix d'un système essentiellement répressif au sein duquel la logique sociale prévaut sur la logique sanitaire. Le soin de la toxicomanie est conditionné à un endiguement des menaces que celle-ci représente pour le reste du corps social. Il n'existe pas, dans les deux configurations française et italienne, un réel souci de l'état de santé de la population toxicomane qui ne bénéficie d'aucun statut et encore moins d'un droit de parole.

C'est dans ce contexte, que la France et l'Italie vont se trouver confronter à l'épidémie de Sida à laquelle les dispositifs en place ne seront pas préparés. Ces deux pays vont ainsi être particulièrement concernés par l'infection à VIH des toxicomanes. En 1993, alors que le taux d'incidence des cas de Sida déclarés chez les toxicomanes intraveineux (par million d'habitants) est de 2,6% au Royaume-Uni et de 3,2% en Allemagne, il atteint 25,1% en France et 53% en Italie271(*). Ces chiffres traduisent le très fort handicap du dispositif français et italien vis-à-vis du reste de l'Europe en terme de prévention des risques de contamination. Ce retard est bien sûr imputable aux politiques adoptées jusqu'alors qui refusaient de considérer l'état de santé des toxicomanes comme une priorité de santé publique.

La France et l'Italie vont être contraintes, malgré leur orientation fortement prohibitionniste, à revoir leur politique. Le principe de la réduction des risques qui est apparu en Angleterre et aux Pays-Bas au cours des années quatre-vingt va s'imposer comme un paradigme incontournable en matière de toxicomanie. Son application va toutefois ouvrir la voie à de nombreux débats : en quoi consiste la réduction des risques ? Peut-on la réduire à un ensemble de mesures sanitaires (échange de seringues, méthadone, etc.) ? N'a t-elle pas une dimension socioculturelle ? Ne conduit-elle pas à une acceptation de la drogue dans nos sociétés ? Il est nécessaire pour répondre à ces questions d'analyser quelle a été la réalisation et la mise en place de politiques publiques répondant au principe de réduction des risques.

Partie 2 Les politiques publiques à l'épreuve du paradigme de la réduction des risques

1. Un nouveau modèle d'action publique

La réduction des risques est actuellement une expression fréquemment utilisée en matière de toxicomanie. De telle sorte qu'elle dispose aujourd'hui d'une pluralité de significations. Pour revenir au sens originel du terme il est nécessaire de se reporter au contexte qui l'a vu naître : la réduction des risques constitue la réponse à une situation d'urgence sanitaire et social. Pat O'Hare souligne les deux urgences auxquelles il s'agissait d'apporter une solution : « la diffusion de l'infection à VIH parmi les consommateurs d'héroïne par voie veineuse et le soupçon que les stratégies [...] adoptées alors pour faire face à la consommation de drogues avaient aggravé le problème plutôt que de le connaître »272(*).

Ce double constat a contraint la plupart des pays européens à adopter entre le milieu des années quatre-vingt et le début des années quatre-vingt-dix un nouveau type de politique publique en matière de toxicomanie appelée «réduction des risques». Le terme de « réduction des risques» est une traduction approximative de l'expression anglaise  «harm reduction»273(*). Il est cependant nécessaire de distinguer, comme le précise Monika Steffen, deux conceptions apparues au Royaume-Uni274(*). D'une part, la harm reduction, ou « réduction des dommages », développée par les acteurs des sociétés bénévoles intéressés par la réduction des conséquences sociales néfastes de la drogue. C'est de l'application de cette notion à la prévention du Sida qu'est né, d'autre part, le concept de risk reduction dont le sens littéral serait «réduction des effets nuisibles sur la santé, sous-entendu «causés par l'usage de drogues» »275(*). La même distinction est présente dans la littérature italienne par l'expression riduzione dei danni (réduction des dommages) et  riduzione dei rischi. La première est cependant beaucoup plus fréquente, contrairement aux cas anglais et français276(*).

Le terme de réduction des risques, apparu initialement comme la réponse pragmatique à un problème sanitaire, est aujourd'hui doté d'une forte charge idéologique en raison des débats qui ont lieu. L'analyse du concept réclame de procéder dans un premier temps à un retour historique sur la naissance et le développement de ce nouveau paradigme des politiques publiques, puis, dans un second temps, de discerner les moyens, les résultats et les limites qui caractérisent la réduction des risques.

1.1 L'émergence d'un nouveau paradigme

Les politiques publiques en matière de toxicomanie reposaient auparavant essentiellement sur le principe du prohibitionnisme. Elles visaient davantage à éradiquer la toxicomanie, perçue comme un fléau et une menace sociale, qu'à proposer un véritable traitement des personnes considérées comme malades. Ces politiques enfin se désintéressaient des conditions de santé et de vie des toxicomanes. La pandémie de VIH/Sida apparue aux Etats-Unis puis rapidement présente en Europe va considérablement modifier l'état des choses277(*). Elle va amener à reconsidérer les précédents objectifs (éradication de la toxicomanie) et à la reconnaissance d'enjeux plus pragmatiques (la limitation des dommages sanitaires). Le Sida ne va pas seulement provoquer la contestation des politiques publiques qui étaient alors mises en place, elle va surtout mettre à mal le paradigme prohibitionniste qui avait régné jusque là.

1.1.1 L'ébranlement du modèle prohibitionniste

1.1.1.1 Répondre à une urgence sanitaire: la pandémie de Sida

Les politiques publiques en matière de toxicomanie ont été fortement bouleversées au début des années quatre-vingt lors de l'apparition du virus de l'immunodéficience (VIH). Les toxicomanes par voie intraveineuse et notamment les consommateurs d'héroïne furent extrêmement touchés par la contamination. A la différence des autres drogues, l'héroïne est le plus souvent injectée par voie intraveineuse, favorisant ainsi la transmission directe de tout agent pathogène transmissible par le sang. Les consommateurs d'héroïne avaient l'habitude de s'échanger les seringues. Le virus provoqua alors un renversement des modes de consommation des substances en exposant les toxicomanes à de nombreux risques.

Afin d'avoir une représentation de l'ampleur du phénomène, il est possible de comparer la prévalence des cas de Sida déclarés au sein de la population des usagers de drogues par voie intraveineuse (UDVI)278(*). On peut distinguer deux types de trajectoires nationales distinctes. D'une part, les pays où le nombre de cas de Sida chez les toxicomanes intraveineux a augmenté de façon exponentielle entre 1986 et 1993, en passant pour l'Italie de 4,8 à 53 par million d'habitants et pour la France de 2,7 à 25,1. D'autre part, les pays comme l'Allemagne et le Royaume-Uni pour lesquels le nombre de cas de Sida chez les toxicomanes intraveineux est resté stable jusqu'à aujourd'hui. On peut, en outre, observer une très forte disparité entre l'Italie, qui fut le pays le plus touché d'Europe, et les autres pays (inférieur à 5 par million d'habitants). L'Italie a connu une importante contamination de sa population toxicomane en raison, comme le rappelle Umberto Nizzoli, d'une importante prévalence de consommateurs de drogues par voie intraveineuse279(*). Bien que le Sida constituait la principale menace, l'épidémie de VIH a joué le rôle de révélateur d'autres contaminations qui étaient jusqu'alors ignorées par les services de santé. Il s'agit de l'hépatite B et C. Ainsi comme le rappelle Monika Steffen, c'est grâce « au suivi médical étroit des toxicomanes, introduit pour le Sida, que le ravage épidémiologique des hépatites est devenu visible »280(*).

Certains services de traitement de la toxicomanie mirent en place dès le début des années quatre-vingt des mesures afin de répondre à l'épidémie de VIH qui initiait. Ce fut le cas par exemple des villes de Liverpool et de Manchester en Grande-Bretagne281(*). Ces premières expériences, sans qu'elles puisent être qualifiées de politique de réduction des risques, ont largement inspiré les politiques publiques qui vont être mises en place à la fin des années quatre-vingt. Les politiques qui étaient menées alors par l'Italie, la France et d'autres pays d'Europe étaient encore radicalement prohibitionnistes. Le passage à un nouveau paradigme de politique sanitaire nécessitait l'élaboration et la diffusion du principe de réduction des risques mais surtout la reconnaissance des toxicomanes comme population à risques.

Les toxicomanes furent particulièrement touchés par l'épidémie de VIH/Sida. Ils n'ont cependant pas bénéficié du statut de population à risques. Ce phénomène est à mettre en lien avec l'origine de la maladie282(*)282(*). Le Sida est apparu initialement comme un problème « spécifique » à l'homosexualité. Certains évoquaient alors l'idée d'un « gay cancer » comme origine du mal. Les organisations homosexuelles, notamment américaines, se sont fortement mobilisées. Il s'agissait dans un premier temps d'obtenir une reconnaissance des pouvoirs publics comme groupe à risques. C'est le cas de l'ARCIGAY en Italie qui développa ses activités dès 1985 ou encore de l'association anglaise Terrence Higgins Trust (THT) dès 1982. Le mouvement s'inverse cependant rapidement. Les associations militent alors pour une universalisation du problème, l'objectif étant de « déhomosexualiser » le Sida. L'association française AIDES milite dès 1985 pour que la notion de « groupes à risques » soit remplacée par celle de « comportements à risques ». En Allemagne, les homosexuels participent fortement aux réseaux où s'élaborent la politique de lutte contre le Sida, selon une stratégie qui vise à « investit les institutions ». Ils sont à l'origine de la Deutche Aids Hilfe (DAH), association d'aide aux victimes du Sida, qui devient un partenaire des pouvoirs publics et représente les victimes de l'épidémie, de façon non catégorielle.

La reconnaissance de l'état d'urgence du VIH parmi les consommateurs de stupéfiants par la communauté internationale constitua un facteur décisif. Elle remonte, comme le rappelle Vittorio Agnoletto, à 1986, date à laquelle le Groupe de consultation sur le Sida et la toxicomanie de l'OMS publie un document qui reconnaît la priorité accordée à l'endiguement du VIH. Il affirme ainsi que « dans chaque pays la plus forte priorité est donnée à la prévention du VIH parmi les personnes abusant de stupéfiants [...] Les politiques finalisées à l'usage de drogue ne peuvent pas se permettre d'ignorer les mesures à prendre contre ces risques »283(*). L'Advisory Council on the Misure of Drugs du gouvernement britannique adopte une position similaire dans un rapport «Sida et drogues» de 1988 284(*) en faisant de la prévention du VIH une priorité de santé publique. Ces décisions reposent alors davantage sur la volonté de protéger le reste de la population de l'infection à VIH que sur une préoccupation véritable pour l'état de santé des toxicomanes. A cette époque, des études mettent en évidence qu'une population fréquemment exposée au risque de contamination à VIH peut devenir un « vecteur » d'infection pour le reste de la population, en particulier pour le cas de Sida par le biais des relations sexuelles. La reconnaissance des risques encourus par les toxicomanes est désormais effective.

Un renouvellement des débats sur les stratégies à adopter a lieu à la fin des années quatre-vingt285(*)285(*). Les promoteurs de ce changement construisent leur argumentaire à partir d'un triple constat : l'inefficacité des dispositifs d'intervention fondés sur le prohibitionnisme, l'effet contraire sur le trafic et l'accroissement des maladies sexuellement transmissibles. Leur principale critique à l'ancien système était le fait que toutes les substances soient assimilées les unes aux autres, sans qu'il existe une distinction de dangerosité entre elles. La réduction des risques apparut alors comme une alternative nécessaire aux politiques de répression des drogues.

1.1.1.2 Du Public Health à la réduction des risques

Le principe de la réduction des risques est apparu au cours des années quatre-vingt à partir de quelques expériences de prévention des risques sanitaires développées en Angleterre. Ces expérimentations sont elles mêmes apparues dans le cadre d'un modèle de politiques publiques spécifique : le paradigme du Public Health. L'histoire nous offre de nombreux exemples du modèle du Public Health comme le British System qui s'est établit au Royaume-Uni, où dés la fin des années soixante et le début des années soixante-dix plusieurs cliniques de Londres enseignaient des techniques d'injection plus sûres aux toxicomanes et mettaient à disposition des fixing rooms où il était possible de se procurer de la drogue sans aucune menace. De même, toujours en Grande Bretagne, l'Institute for the Study of Drug Dependance dispensait durant les années soixante-dix des cours de prévention au sein des écoles afin de prévenir les dangers liés à l'usage de solvants. Enfin en Italie, une campagne de vente de seringues en supermarché fut mise en place durant les années soixante-dix afin de prévenir l'épidémie d'hépatite B.

L'application du concept de Public Health ou de « santé publique » à la toxicomanie, selon Drucker, cesse d'en faire un problème individuel pour souligner son aspect collectif en tant que phénomène ayant une forte incidence sur la vie sociale286(*)286(*). Le concept de Public Health, comme le précise Grazia Zuffa, ne se résume toutefois pas à la notion de santé publique mais renvoie à une tradition des pays Nord européens287(*).

C'est dans le cadre du Public Health, que les services sanitaires du Merseyside288(*), une région de l'Angleterre septentrionale, ont expérimenté certains dispositifs de prévention contre le VIH au début des années quatre-vingt. Deux objectifs ont été privilégiés : réduire la propagation de la séropositivité et améliorer les conditions de santé des toxicomanes. Les instruments de réduction des risques sont nombreux : distribution de seringues stériles aux consommateurs d'héroïne, distribution de préservatifs et de façon plus générale n'importe quel service pouvant améliorer les conditions de vie des toxicomanes. Ces mesures n'étaient alors pas le résultat d'une politique publique conçue au niveau national mais elles s'apparentaient plus à des expériences singulières. L'idée était de réduire au minimum les risques d'infection pouvant atteindre les consommateurs de substance et, dans un même temps, protéger la société du fléau du Sida. Il s'agissait d'une part d'aider ceux qui étaient hors de tout centre de soins et, d'autre part, de limiter l'extension des maladies les plus graves au sein même des centres thérapeutiques.

Un premier bilan fut dressé, à la fin des années quatre-vingt, sur les conséquences de l'introduction de ces politiques : elles s'étaient développées rapidement dans les zones précédemment à risques et avaient été remarquablement assimilées. Ses promoteurs en donnèrent alors une explication très pragmatique à partir de la configuration du système anglais qui présentait en effet la particularité d'être suffisamment souple pour permettre une définition des politiques au niveau local et accordait une très grande autonomie aux centres de soins. Le succès de l'opération trouvait également son origine dans la culture underground qui s'était développée au cours des années soixante et soixante-dix : l'échange d'information entre toxicomanes a offert une meilleure orientation et a permis ainsi d'éviter les infections ou les mauvais trips.

La réduction des risques est un modèle de politiques publiques en matière de toxicomanie qui s'est développé de façon pragmatique pour répondre à l'épidémie de VIH. Il est toutefois né de l'héritage du modèle du Public Health qui s'était développé au cours du vingtième siècle face au refus du modèle médical qui considérait le toxicomane comme étant un « criminel-malade ». La politique de réduction des risques est apparue dans le cadre d'une situation d'urgence sanitaire auquel elle a constitué une solution. La réduction des risques c'est la reconnaissance du Sida comme problème de santé publique, c'est à dire comme « pathologie demandant l'intervention programmée des pouvoirs publics »289(*)289(*). Il s'agissait avant tout de limiter les risques sanitaires encourus par les toxicomanes mais aussi, et surtout, par la population dans son ensemble. Peut-on toutefois réduire la réduction des risques à un ensemble de précautions sanitaires ? La distribution de seringues aux consommateurs d'héroïne ne traduit-elle pas un bouleversement d'ordre social, voire culturel ?

1.1.2 Un paradigme de nature sanitaire ou socioculturelle ?

1.1.2.1 Prévenir les risques sanitaires et sociaux

La première finalité de la réduction des risques telle qu'elle a été initiée à Liverpool était de prévenir les risques d'infection encourus par les consommateurs d'héroïne. Il est ainsi possible de définir de façon préliminaire la réduction des risques comme une « politique privilégiant, avant toute autre considération, des stratégies de soin et de prévention visant à limiter au maximum les risques sanitaires (infections, etc.) liés à l'usage de psychotropes et, particulièrement, des drogues illicites »290(*).

La mesure la plus symbolique de la réduction des risques a été, et reste, l'accès garantit à un matériel d'injection stérile, essentiellement par l'échange de seringues. La distribution de ce matériel a rendu nécessaire un travail de terrain et une présence des travailleurs sociaux au plus près des lieux de vie des toxicomanes. Ces contacts répétés ont rapidement permis l'établissement d'un rapport privilégié avec certaines franges des populations les plus marginalisées. Ce système a eu pour avantage de créer « un contact direct avec le toxicomane, un moment privilégié où une éducation sanitaire peut lui être délivrée, de façon individualisée et régulière »291(*). Le rapport sanitaire devient un rapport social du moment qu'il se manifeste par un rapport humain. La réduction des risques s'est dotée d'une double dimension de politiques de santé et de politique sociale par le soutien d'un lien social fondé sur des interventions de proximité292(*)292(*).

Un autre outil de la réduction des risques fut également la mise en place de structures d'accueil et d'informations proches des lieux de vie des toxicomanes ayant des horaires souples et disponibles. Ces lieux ont offert l'occasion d'établir un contact durable avec les populations toxicomanes. Le rapport qui s'instaure entre l'opérateur social permet d'établir une prise en charge globale qui implique un service d'aide social et un programme thérapeutique. Pascal Courty résume cet objectif au sein du Centre de soins pour toxicomanes qu'il dirige à Clermont-Ferrand :

« La réduction des risques, c'est toujours une occasion de dialoguer, d'informer et d'échanger sur des pratiques. L'avantage que nous avons au Centre de Soins Spécialisés pour Toxicomanes est de pouvoir proposer autre chose que l'échange de seringues. Notre démarche s'inscrit dans une prise en charge globale de l'usager, qui peut, s'il le désire, être orienté vers les différents services sociaux, intégrer un programme de substitution ou tant de choses encore »293(*)

La réduction des risques partait d'une nécessité de protéger le toxicomane de ses pratiques addictives mais également des risques qu'il représente pour le reste de la société (en terme sanitaire mais aussi social ou criminel)294(*). La réduction des risques implique par conséquent tout un ensemble de questions : « Comment est-il possible de réduire les risques que les consommateurs de drogue encourent par les infections comme le VIH, l'hépatite B ou C, la tuberculose ? De quelle façon pouvons-nous réduire la probabilité que les toxicomanes aient recours à des activités criminelles ? Mais, plus généralement, comment garantir que les mesures répressives adoptées en faveur du contrôle de la drogue ne provoquent pas au consommateur et à la société plus de dommages que la consommation de drogue elle-même ? »295(*)295(*). Il s'agit donc en premier lieu d'éviter un risque sanitaire pour le toxicomane et pour la communauté mais également de limiter le risque social pour celui qui se drogue (marginalité, inadaptation sociale, déviance) et pour l'ensemble de la société (criminalité).

Le rapport d'aide social nécessite de prendre en compte tout un ensemble de « besoins » que requiert le toxicomane. Diverses conceptions de ce terme peuvent être adoptées. La notion la plus restrictive implique le maintient de l'état sanitaire et social du toxicomane296(*). D'autres définitions incluent en revanche de nombreuses prestations. Stöver et Herving Lempp ont par exemple identifié une série très ample de besoins que doivent satisfaire les toxicomanes afin de pouvoir réguler et contrôler leurs choix297(*). Le premier type de besoins est constitué d'un ensemble de fonctions primaires nécessaires à la survie de l'individu : la santé, l'habitation et l'alimentation. Une seconde catégorie de besoins correspond à des fonctions sociales nécessaires à l'intégration : le travail, le revenu, les relations sociales. Enfin les dernières fonctions, de nature psychique, permettent l'accès à l'autonomie et à la responsabilité : la valorisation de soi, l'équilibre psychique. Toute intervention doit, selon Stöver et Lempp, se donner comme objectif de ne pas aggraver la situation des toxicomanes au regard de ces trois critères. Mieux encore, chaque intervention se légitime en ce qu'elle permet l'amélioration des conditions d'existence des toxicomanes.

Le principe sur lequel repose l'intervention de la réduction des risques serait l'amélioration des conditions d'existence des toxicomanes. Cela implique de prendre en compte le bien être physique, mais aussi le bien être psychique et le bien être relationnel et économique des toxicomanes. Il ne s'agit plus seulement de limiter les risques que le toxicomane fait encourir à lui même et au reste de la population mais de permettre une amélioration de ses conditions de vie et de santé afin qu'il puisse bénéficier d'une meilleure intégration sociale. Ainsi, selon Simonetta Piccone Stella, « réduire les risques dans le domaine de la toxicomanie signifie améliorer directement les conditions de vie et de santé d'une personne qui fait un usage régulier de substances et intervenir sur les dégâts les plus visibles afin d'empêcher leur détérioration »298(*)298(*). L'un des objectifs de la réduction des risques est de promouvoir la réalisation du toxicomane en tant que personne. Une nouvelle définition dès lors peut être :

« Par réduction des risques on entend la protection, le maintient et l'amélioration de la qualité de vie (QDV) de la personne toxicomane -indépendamment de la capacité et de l'intention de celle ci à interrompre l'usage de substances - ainsi que la reconnaissance, le maintient et le renforcement des ressources, des compétences et des habilités de la personne elle-même, finalisées à la promotion et à l'expression de comportements de protection envers soi et envers les autres. La réduction des risques concerne tous les comportements liés à l'usage de substances et à la condition de la toxicomanie »299(*)

La seconde implication de la réduction des risques, outre l'accompagnement social de la toxicomanie, est un renouvellement des traitements. L'aide apportée au toxicomane n'est plus conditionnée, comme elle l'était auparavant, à l'arrêt immédiat de l'usage de substances psychoactives. La réduction des risques inaugure et rend nécessaire un soutien direct et inconditionné au toxicomane. Thamm évoque à ce sujet la fin du « tabou » des politiques de toxicomanie300(*). Il entend par là qu'aucune action thérapeutique ne pouvait précédemment être exercée sans qu'il y ait auparavant une interruption de la consommation. L'abstinence était une condition nécessaire de tout programme thérapeutique. La guérison était alors un processus linéaire partant de l'abstinence pour arriver jusqu'à la réinsertion sociale du toxicomane. La principale critique adressée à ce modèle était sa trop grande simplification du phénomène de la toxicomanie en refusant de considérer qu'il puisse exister plusieurs types distincts de toxicomanies301(*). Il n'existerait dès lors pas un seul mode de désintoxication mais une pluralité. De nouvelles formes d'intervention ont ainsi pu apparaître au début des années quatre-vingt-dix au sein desquelles l'abstinence n'est plus une condition indispensable.

D'autre part, la conception selon laquelle la motivation à la désintoxication est fonction des effets négatifs que subit le toxicomane dans sa vie quotidienne (il s'agit en peu de mots de l'idée que celui qui souhaite « sortir » ou « remonter » de la toxicomanie doive auparavant en « toucher le fonds ») est remplacée par l'idée que c'est seulement si le sujet est en bonnes conditions psychologiques et physiques qu'il pourra réaliser l'interruption de sa consommation. L'objectif n'est pas la thérapie en elle-même mais l'accompagnement du toxicomane jusqu'au moment propice où il choisira d'entreprendre un parcours thérapeutique302(*)302(*). C'est dans ce sens que Vittorio Agnoletto décrit la réduction des risques comme une « propédeutique » à la thérapie303(*). Le soin du toxicomane n'est plus conditionné au soin de sa toxicomanie. Comme le résume Leopoldo Grosso, les interventions de réduction des risques partent de l'idée que :

 « qui ne réussit pas encore à rejoindre l'émancipation de la dépendance ne doit pas être abandonné, que qui ne veut pas se désintoxiquer, ou ne réussit pas encore à accepter la rigueur d'un chemin thérapeutique, ne doit pas être laissé à son problème, sans protections [...] Entre les interventions d'aide (réduction des risques) et les interventions de changement (sortie de la dépendance) il est difficile de regrouper les oppositions et les discontinuités, de même qu'entre intégration et discontinuité. La première stratégie sert de retenue à la seconde : là où elle n'est pas praticable et où échoue un projet drug-free, est présent, au moins en partie, une attention à la réduction des risques. C'est, pour les Anglo-saxons, une intégration entre  « to cure » et «  to care », entre « soigner » et « prendre soin de », avoir attention pour quelque chose »304(*)

Une dernière conséquence directe de ce changement de paradigme est le renouvellement des pratiques thérapeutiques qui ne sont plus uniquement centrées sur une approche psychologique. La réduction des risques ouvre la voie à une médicalisation de la prise en charge de la toxicomanie notamment par le biais des traitements substitutifs sous méthadone, Subutex ou autres produits305(*)305(*).

La réduction des risques se fonde par conséquent sur deux principes : une approche du toxicomane sur son milieu de vie et une aide médicale directe. Mais la réduction des risques ne constitue pas uniquement une réponse médicale au problème de la drogue, elle est à l'inverse avant tout sociale. Le toxicomane bénéficie ainsi de tout un ensemble de prestations sociales qui s'ajoutent à l'aide sanitaire. Cette préoccupation, d'un genre nouveau, ne traduirait-elle pas un changement socioculturel ? La toxicomanie, mais également la drogue, ne serait-elle pas en train d'acquérir une représentation sociale diverse ? La réduction des risques présente le défi, comme l'affirme Monika Steffen, d'accepter l'usage de drogue comme « un fait social » dont la politique aurait pour charge de limiter les conséquences sanitaires. Mieux encore ne s'agit-il pas d'une « reconnaissance publique du problème [qui] passe par la restauration de la parole sociale pour les toxicomanes »306(*). L'usage de drogues n'est-il pas dès lors en voie de « normalisation » ?

1.1.2.2 Une « normalisation » de la consommation de drogues ?

Les politiques prohibitionnistes partaient d'une considération morale qui rejetaient l'usage de substances psychoactives. La stratégie de la réduction des risques prend le contre-pied des politiques de tolérance zéro dans le rapport entretenu par le toxicomane avec l'ensemble du tissu social. Tandis que la seconde considère que le toxicomane est un individu déviant qui doit être éloigné de la société, la réduction des risques affirme que le principal danger est avant tout la dérive sociale du toxicomane. La réduction des risques oppose ainsi à la logique morale des politiques prohibitionnistes une logique sociale pragmatique qui vise à limiter les dommages causés par l'usage de drogue307(*).

La réduction des risques modifie la représentation sociale de la consommation de drogue qui n'est plus perçue comme un comportement déviant mais comme un fait avéré de nos sociétés. La réduction des risques, comme le rappelle Grazia Zuffa, tente d'apporter une approche « neutre » de la consommation et du consommateur. Il s'agit de considérer que l'usage de drogues « n'est pas intrinsèquement immoral ou criminel ou déviant en relation à la norme biologique définit par la médecine. La consommation de drogues n'est que l'un des comportements possibles des individus qui va de la simple expérimentation de substances à des formes problématiques avec les mêmes substances »308(*)308(*).

L'objectif d'une société libérée des drogues est considéré comme étant inatteignable et utopique « puisque la consommation de drogues se montre profondément enraciné dans chaque culture et dans chaque époque ». Le point de vue de la réduction des risques est par conséquent profondément réaliste. La perception des drogues dures est alors semblable à celle que l'on a des drogues douces : l'attention se place sur les usages « problématiques » de la substance. La consommation en soi est perçue comme un mal inévitable dont il s'agit de prévenir les dangers les plus immédiats. L'idéal d'élimination des drogues se voit remplacer par l'objectif de limitation et de contrôle309(*).

Les premières politiques mises en place selon les principes de la réduction des risques, sont apparues dans les années soixante et soixante-dix en Angleterre et en Hollande. Elles se caractérisaient avant tout par le fait qu'elles ne mettaient pas en avant la punition afin d'inciter les toxicomanes à modifier leur comportement. L'idée principale est celle de « normalisation » des consommateurs afin de les réintégrer dans le tissu social dont ils ont été le plus souvent éloignés. L'idée de normalisation de l'usage de substances psychoactives va à l'encontre de la plupart des politiques socio-sanitaires en Europe. En effet, elle implique que le traitement des toxicomanes n'ait plus lieu au sein de structures spécifiques et spécialisées séparées du circuit socio-sanitaire traditionnel. Par exemple, en Italie, où la considération de la toxicomanie reste très répressive, très peu de toxicomanes sont en traitement auprès de médecins de famille comme c'est le cas en Hollande310(*).

Le principal aspect de la réduction des risques est d'ordre culturel : il s'agit de décriminaliser et dé-marginaliser, en normalisant, la représentation sociale du toxicomane. C'est ainsi que Peter Cohen décrit la relation entre le statut social du drogué et la réduction des risques :

« Dans un système de traitement qui se fonde sur une culture de l'exécration de l'usage d'opiacés, socialement représenté comme un comportement extrêmement déviant, la thérapie de méthadone et d'héroïne à maintien est destinée à ne pas avoir lieu. Le consommateur d'opiacés souffrira à l'extrême des conséquences du choix d'utiliser des drogues illégales, et si celles-ci sont la mort, l'overdose, les maladies et les nombreuses incarcérations en prison, elles confirment les raisons pour lesquelles la drogue est exécrée de cette culture. Il s'agit d'une culture du risque qui s'auto-alimente et s'auto-vérifie [...] A l'opposé, il existe une culture des services qui est consciente que certains risques de la consommation de drogues sont une construction de leur statut social. Si la consommation de drogue a un statut social très bas et est réprimée par une forte désapprobation sociale et par l'action de la police, les consommateurs de drogues assument rapidement l'identité de déviant, conformément à la répression [...] La réduction des risques pratique une politique des traitements qui cherche à neutraliser au maximum les effets négatifs de la répression »311(*)311(*)

La réduction des risques serait donc avant tout un renouvellement de nos catégories mentales et de la construction sociale de toxicomanie qui d'une forme de déviance devient un comportement socialement réglé et accepté. Elle traduit un processus de normalisation des toxicomanes. Mais jusqu'à quel point l'usage de drogue peut-il être normaliser, c'est à dire accepté socialement? Peut on aller jusqu'à affirmer, comme le fait Wolfgang Schneider, que la substitution de la philosophie de l'abstinence avec celle des politiques de réduction des risques se fonde sur l'idée que la consommation de drogues est un comportement pleinement compatible avec l'idée moderne de citoyenneté et qu'elle témoigne de l'aboutissement des libertés individuelles, définies comme le bien maximal que les institutions doivent garantir et poursuivre312(*) ?

Fazzi précise que l'idée de « Normaliser pour responsabiliser » est sans doute très séduisante car elle reflète la conception moderne d'un individu responsable313(*). La réduction des risques serait donc avant tout un renouvellement de nos catégories mentales et de la construction sociale de toxicomanie qui d'une forme de déviance devient un comportement socialement réglé. Cela risque toutefois, ajoute t-il, de nous ramener à une conception du sujet toxicomane comme un décideur rationnel. Or, la dépendance est difficilement concevable comme un choix314(*)314(*). La réduction des risques ne constitue pas, selon Fazzi et Scaglia, une solution adéquate au problème de la toxicomanie315(*). Elle ne représente au mieux qu'une réponse temporaire apportée au problème de l'aggravation des conditions de vie et de santé des usagers de drogue. Il est nécessaire de repenser les politiques en matière de toxicomanie en raison du constat que le problème de la drogue ne peut être résolu qu'à partir des seules politiques de réduction des risques ce qui reviendrait à considérer la toxicomanie comme une maladie incurable à l'image de la maladie psychiatrique.

Une seconde difficulté soulevée par la réduction des risques est le rapport qu'elle entretient avec le paradigme de la légalisation. Celui-ci présente comme solution aux problèmes de la toxicomanie la légalisation de toutes les substances psychoactives dont les drogues dures telles que l'héroïne ou la cocaïne. Les mots de réduction des risques et de légalisation sont fréquemment associés. Ces deux conceptions ont pour point commun d'accorder une primauté aux conditions d'existence des usagers de drogues par rapport aux considérations législatives. L'argument principal des défenseurs de la légalisation est que la consommation de drogue ne constitue pas en soi un mal pour l'individu, mais le devient lorsque la consommation est déclarée illégale et que les personnes sont contraintes à franchir la loi pour se procurer de la drogue. Fazzi résume cette idée en affirmant que « La légalisation est considérée comme un moyen pour reporter la consommation sur le plan de la normalité, évitant ainsi l'apparition de phénomènes liés à l'achat de substances illégales, tels que le prix exorbitant du produit, la mauvaise qualité de la drogue, la criminalité, la prostitution et plus généralement les phénomènes se trouvant impliqués par l'achat illégal de drogue »316(*).

Certains auteurs soutiennent cependant que les concepts de réduction des risques et de légalisation des drogues ne sont pas obligatoirement liés entre eux317(*)317(*). La présence de l'un n'implique pas nécessairement l'autre. Réduction des risques et légalisation ou anti-prohibition sont d'ailleurs trop souvent amalgamés. C'est le cas par exemple de la Hollande qui est le plus souvent représentée (comme c'est le cas en Italie ou en France) comme étant un exemple d'anti-prohibitionnisme c'est à dire de délibéralisation des drogues douces mais qui constitue suivant Drucker un modèle de politique de réduction des risques318(*).

La réduction des risques n'est pas un concept qui vient s'ajouter aux anciens clivages mais qui est venu s'interposer dans le clivage prohibitionniste/anti-prohibitionniste. Cette distinction a, selon Drucker, empêché pendant trop longtemps d'adopter une approche plus pragmatique fondée sur la mise en place de programmes socio-sanitaires. La politique de réduction des risques est ainsi à la croisée des différentes approches. Elle ne vise pas à s'opposer à la logique de pénalisation : « Bien que la réduction des risques soit située aux antipodes des politiques principalement basées sur les sanctions pénales, sa nature pragmatique fait que certaines mesures soient tolérées, acceptées et parfois incorporées par les institutions sans complètement démanteler les politiques punitives contre-productives »319(*). La réduction des risques présente pour avantage d'échapper à toute classification et d'éviter ainsi le piége d'une approche unilatérale. Nadelman considère ainsi que la politique de réduction des risques constitue un terrain d'entente possible entre les prohibitionnistes modérés et les anti-prohibitionnistes modérés320(*).

La réduction des risques est, comme nous l'avons établi, une notion qui adopté une pluralité de sens selon de l'angle de vue adopté. Elle est apparue initialement comme un ensemble de considérations pragmatiques rendues nécessaires par l'aggravation rapide de l'état de santé et d'existence des toxicomanes. Elle a toutefois vu sa portée s'élargir considérablement. Elle a, par exemple, servi de fondement à l'accompagnement social des toxicomanes ou encore à la mise en place de programmes thérapeutiques non finalisés à l'abstinence. La réduction des risques n'est pas un simple dispositif sanitaire et social d'accompagnement de la toxicomanie. Elle consiste en une véritable philosophie c'est à dire «une façon d'interpréter le problème de la consommation de drogues»321(*).

Cette notion est l'objet de nombreux débats idéologiques. On peut toutefois en donner les principes fondateurs qui ne font pas l'objet d'une remise en question. La politique de réduction des risques se situe en rupture avec les politiques sanitaires (qui ont toutes pour objectif final l'abstinence) en ce qu'elle repose avant tout sur l'affirmation d'un droit à la santé inaliénable. Elle réintègre ainsi dans le système de santé de droit commun les toxicomanes les plus marginalisés. Ce principe fondateur repose lui même sur trois principes clefs qui seraient selon Nadelman322(*) :

è La « reconnaissance que les drogues sont parmi nous et qu'il n'y a pas d'autres choix possibles que d'apprendre à coexister de sorte qu'elles causent le moins de dommages possible »,

è Elle «  ne se fonde pas sur les peurs, les préjugés et l'ignorance [...] mais sur le sens commun, sur la science, sur les préoccupations de santé publique, sur les droits humains »,

è Elle « ne se focalise pas sur la réduction de consommation en soi, mais sur les conséquences criminelles et les souffrances causées aussi bien par l'abus de drogues que par les politiques prohibitionnistes »

La réduction des risques est apparue au cours des années quatre-vingt et notamment en Europe du Nord. En Hollande, la réforme de 1981 s'inspirait déjà de la réduction des risques et les premiers programmes d'échange de seringues sont introduits dés 1981 à Rotterdam et en 1984 à Amsterdam afin de prévenir les épidémies d'hépatite et de VIH. En Angleterre le terme est employé dés 1984, et les premiers programmes d'échange de seringues ont lieu dés 1986. Depuis, la réduction des risques s'est considérablement élargi323(*). En 1990 un réseau de villes européennes a été créé qui ont souscrit la « résolution de Francfort » où le principe de la réduction des risques est affirmé comme étant un nouvel objectif. La même année, la première conférence mondiale sur les stratégies de réduction des risques a eu lieu à Liverpool. La réduction des risques est aujourd'hui reconnue par l'ensemble des pays industrialisés comme la principale priorité en matière de toxicomanie.

L'affirmation de la réduction des risques ne fut cependant pas immédiate. Il a fallu en revanche plus de quinze ans pour qu'elle s'étende à l'ensemble de l'Europe. L'implantation des programmes d'échange de seringues ou des programmes de substitution à base de méthadone est représentative de ce retard324(*)324(*). La méthadone s'est ainsi développée en Europe du Nord puis s'est progressivement étendue à l'Europe du Sud de façon très inégale : 1984 en Hollande, 1986 au Danemark, en Grande Bretagne et en Allemagne, 1990 en Italie, 1992 en France puis 1995 en Grèce. Il est difficile de rendre compte d'emblée de tels écarts. La compréhension des situations singulières nous rapporte à l'analyse des contextes institutionnels et politiques à travers lesquels ont eu lieu l'implantation des politiques en matière de toxicomanie

1.2 L'Europe face au Sida

L'analyse de l'application du principe de la réduction des risques requiert de confronter différents systèmes nationaux. L'approche comparative présente l'avantage de souligner aussi bien les tendances structurelles communes à une majorité de cas, que les spécificités nationales. L'étude a été partagée selon une triple division. D'une part entre l'exemple anglais et l'exemple allemand. D'autre part entre la Suisse et les Pays-Bas. Enfin, entre la France et l'Italie. Ces couples présentent suffisamment de similitudes afin d'être associés.

Les cas anglais et allemand méritent d'être confrontés à plusieurs titres. Tout d'abord, ils ont été tous les deux relativement épargnés de l'épidémie de Sida au sein de la population toxicomane. La prévalence de l'infection à VIH parmi les toxicomanes par voie intraveineuse (TVI) était en 1995 de 1,4% au Royaume-Uni et de 4,5% en Allemagne contre 19% en Italie et 18% en France325(*). La Grande-Bretagne et l'Allemagne représentent par conséquent des modèles dans l'application de la réduction des risques. Celle ci ne fut toutefois pas tant la conséquence d'un effort des autorités publiques au niveau national pour prendre en compte la nécessité d'endiguer le Sida, du mois dans un premier temps, que la préoccupation d'un ensemble d'associations et de professionnels de la toxicomanie qui opéraient au niveau local. Cette politique « par le bas » constitue le second point commun des modèles allemand et anglais. Ils se caractérisent tous les deux par un système sanitaire suffisamment décentralisé pour permettre l'expression et la prise en compte d'intérêts divergents, contrairement au système français fortement hiérarchisé et contraignant.

Le couple Anglo-allemand présente, cependant, la particularité d'avoir comme point de départ deux cultures et deux conceptions de la toxicomanie radicalement différentes326(*)326(*). En effet, la culture médicale dominante en Allemagne, la Leidenstheorie (théorie de la souffrance), affirmait que la souffrance physique devait inciter les toxicomanes à abandonner les drogues. Elle légitimait traditionnellement l'usage du sevrage et rendait impossible la prescription de produits de substitution. La politique sanitaire allemande s'est donc toujours caractérisée par une forte opposition du corps médical aux produits de substitution et une préférence pour les cures de désintoxication. Il existait, en revanche, en Grande-Bretagne une tradition plus pragmatique se fondant sur le constat selon lequel il n'était pas réaliste de vouloir éradiquer la toxicomanie et qu'il valait mieux en limiter les conséquences négatives. Le système de soin de la toxicomanie était ainsi largement fondé sur la préservation des conditions de santé du patient. La nouvelle donne des années quatre-vingt-dix a toutefois opéré un rapprochement des politiques anglaises et allemandes à travers le développement de la réduction des risques qui est apparue à partir d'expériences locales.

1.2.1 Le couple anglo-allemand : le succès de la réduction des risques

1.1.2.1 L'Allemagne : les Länder face à la résistance des pouvoirs publics

Les politiques sanitaires allemandes sont fortement marquées par l'idéologie médicale et prohibitionniste, similaire aux Etats-Unis327(*). La loi allemande de 1972 visait ainsi l'abstinence et rendait illégal et sujet à des poursuites pénales tout usage de substances, y compris la consommation privée et la détention d'une seringue. L'Allemagne modifie sa législation par le biais du Betäubungsmittel-Gesetz de 1982 qui renforce la lutte contre le trafic mais élargit le champ d'action des opérateurs sociaux en relation avec les toxicomanes. La loi de 1982 alourdit également les peines visant les consommateurs et la possession de petites quantités de drogue. En revanche, contrairement à la loi de 1972, elle donne le libre choix au toxicomane de transformer une peine en traitement. L'application de cette disposition restera toutefois limitée puisque 20% seulement des toxicomanes choisiront cette solution.

L'épidémie de Sida va considérablement modifier les priorités des programmes publics allemand. La diffusion du Sida parmi les toxicomanes intraveineux est officiellement reconnue en Allemagne en 1984328(*). Les différentes enquêtes ont permis de relever une prévalence de séropositivité à VIH de 10% en 1983, 17% en 1984, puis de 24% en 1985. Le débat né du Sida vient s'ajouter au problème de l'hépatite et conduit le gouvernement à faire de la fourniture de seringues aux toxicomanes une priorité de santé publique en 1983. De nouveaux services proches des milieux de vie des toxicomanes sont alors progressivement installés. C'est seulement en 1987 que les distributions de seringues vont bénéficier d'un soutien national. La décision adoptée lors de la Conférence des ministres de la Santé en mars 1987 se traduit dans le Modellprogramm « Betreuung und Beratung Hiev-infizierter Drogenhängiger », programme destiné aux toxicomanes sidéens.

En revanche, contrairement à l'échange de seringue, le gouvernement et les institutions fédérales allemandes restent très prudentes sur la question de la méthadone, en raison de l'opposition du corps médical. Rappelons que la Leidenstheorie rendait impossible la prescription de produits de substitution. La commission nationale compétente, le Ständiger Arbeitskreis der Drogenbeauftragten des Bundes und der Länder, composée de représentants des médecins et des administrations des Länder et du niveau fédéral, avait toujours refusé l'expérimentation d'un véritable programme de traitement substitutif pour toxicomanes.

Les mêmes indications thérapeutiques restent inchangées après les colloques de Berlin de 1984 et la commission nationale de 1986. Le conseil des ministres de la Santé de 1987 admet l'usage de la méthadone « dans des cas individuels », lorsque les tentatives de désintoxication et les efforts d'éducation préventive échouent ou lorsque leur état physique l'exige. C'est ainsi comme le note Monika Steffen « par la notion de « souffrance physique » que la méthadone devient acceptable, réservée dans un premier temps aux toxicomanes malades du Sida ».

Les premiers programmes massifs de substitution, à « bas seuil », sont réalisés par les Länder dés la fin des années quatre-vingt. Toutefois la répartition géographique est très inégale en fonction des Länder. En 1993 tous les Länder gouvernés par les sociaux démocrates expérimentaient au moins un programme, à l'exception de la Bavière, du Bade-Wurtemberg et de la Rhénanie-Palatinat. Les attitudes professionnelles des opérateurs de terrain vis-à-vis de la méthadone évoluent d'ailleurs, comme le note Monika Steffen, en fonction des choix politiques mis en oeuvre au niveau de chaque Länder.

Le plan gouvernemental suscite de nombreuses critiques puisque la méthadone reste réservée aux « cas individuels couplés avec une prise en charge thérapeutique ». L'année suivante, sous l'égide du nouveau ministre de la santé, l'état de dépendance des toxicomanes est officiellement requalifié comme étant une « maladie » pouvant ainsi d'être traité par tous les médicaments nécessaires. La Leidenstheorie (théorie de la souffrance) a par conséquent été progressivement délaissée au cours des années quatre-vingt-dix tandis que les prescriptions de programme de substitution se sont amplifiés. La politique gouvernementale reste en revanche très empreinte de prohibitionnisme puisque le plan de lutte nationale de 1990 prévoit de renforcer les structures d'accueil tout en aggravant les sanctions pour les petits dealers et créant un délit spécifique « d'incitation à la toxicomanie ».

L'Allemagne a réussi à mettre en place avec succès le modèle de la réduction des risques au cours des années quatre-vingt. Celle-ci a rencontré deux obstacles. D'une part, elle a été le fait d'acteurs politiques et sanitaires locaux qui ont affronté plusieurs résistances au niveau fédéral. La culture thérapeutique, d'autre part, a constitué un frein important à l'introduction des programmes de substitution. La réussite de la réduction des risques est ainsi d'autant plus remarquable que l'Allemagne ne bénéficiait pas d'un contexte culturel propice. Le système sanitaire britannique va en revanche être mieux préparé face à l'épidémie de VIH/Sida chez les toxicomanes. Le British System est, contrairement au modèle allemand, basé sur le principe du Public Health. Cela signifie que la principale priorité du système sanitaire a été depuis longtemps le soin des toxicomanes, entendu non pas comme la mise en place de sevrages forcés visant à l'abstinence mais comme la prescription d'opiacés dans le cadre de programmes de substitution ou de maintenance.

1.1.2.2 Le British System ou la culture du Public Health

La particularité britannique vient du fait que le corps médical a toujours établi, mis à part une brève période de prohibition (1920-1926)329(*), un contrôle sur l'usage des drogues, qui étaient accessibles sur prescription médicale330(*). Pour comprendre l'origine de cette mesure, il est nécessaire de remonter aux années 20 durant lesquelles divers pays, sous la houlette des Etats-Unis, considéraient les problèmes de toxicomanie comme des problèmes de criminalité. La prise de position de l'Angleterre fut alors sans équivoques : la toxicomanie était considérée comme une maladie et il était, par conséquent, nécessaire d'en attribuer le traitement aux services médicaux. Un accord fut signé entre la corporation médicale et l'Etat anglais en 1926. Il ne faut pas oublier en effet que ce fut la classe médicale qui fit pression dés le dix-neuvième siècle afin que soit reconnu leur rôle dans la prescription et la vente des substances. Aux intérêts économiques et professionnels (essentiellement des pharmaciens) se superposait une réelle préoccupation de l'environnement dans lequel a lieu la prise de drogues.

Le nouveau système rendait possible le traitement du problème des substances lorsqu'il se limitait à un groupe restreint d'individu331(*). La consommation d'opium, de morphine, d'héroïne et de cocaïne était soumise à une prescription desservie par les médecins. Il suffisait alors qu'un médecin prescrive à un toxicomane les doses nécessaires sous sa responsabilité et sous son contrôle. L'élément clef de ce système était le concept de «cible», c'est l'idée que la prescription d'héroïne a pour conséquence de capturer le patient dans un filet thérapeutique et sanitaire. La relation entre le toxicomane et le médecin devait permettre à long terme, d'avoir une meilleure connaissance du phénomène, plus personnalisée et moins statistique, et d'amener ainsi le toxicomane à abandonner peu à peu sa dépendance332(*).

L'ambition de ce système était de permettre une meilleure intégration des toxicomanes et de protéger ainsi l'ensemble du corps social. La philosophie de la politique du Public Health était alors d'éviter toue implication des toxicomanes dans les activités illégales ; même si l'abstinence restait un objectif, elle cédait le pas devant la stabilisation du toxicomane qui était privilégiée car jugée plus réalisable. Comme le résume Berridge, qui a étudié la politique de prévention anglaise, « le traitement (d'un point de vue strictement médical) était de moindre importance en rapport avec la « minimisation » du risque social »333(*). Il répondait plus à une priorité utilitariste qu'humaniste334(*).

Toutefois ce système devient inefficace lorsque, à la fin des années soixante, le nombre de consommateurs s'élargit considérablement. Tandis qu'on recense 57 cas de consommation d'héroïne en 1954, on en compte 2 240 en 1968335(*). Le mécanisme de prescription du British System avait été conçu pour répondre à de faibles proportions d'usagers. La liberté de prescription a alors été limitée afin d'enrayer les prescriptions des médecins jugées excessives. Le problème est alors d'autant plus important que la toxicomanie concerne un public de plus en plus spécifique. A l'inverse du consommateur intégré, la figure du junkie, jeune marginal impliqué la plus souvent dans des affaires illégales, apparaît comme le stéréotype de l'héroïnomane.

En 1968, on réserve le droit de prescription de l'héroïne et de la cocaïne aux seules drug clinics. Les services hospitaliers, qui auparavant proposaient des programmes de drogue « illimitée », privilégient progressivement des cures de sevrage à courte durée soutenues par la méthadone. Le nombre de toxicomane réclamant un traitement chuta alors de façon importante (de plus de 50% au début des années soixante-six à 25% à la moitié des années quatre-vingt) incitant ainsi de nombreux toxicomanes à rejoindre la rue et la marginalité. Les cliniques continuèrent à prescrire de l'héroïne jusqu'à la moitié des années soixante-dix, puis lui substituèrent la méthadone, d'abord par voie veineuse puis par voie orale, qui avait fait son apparition au début des années soixante-dix. L'objectif redevient alors progressivement celui de l'abstinence avec une réduction des doses de méthadone. Le paradigme du Public Health cède alors le pas, comme le note Grazia Zuffa, au paradigme médical336(*).

La dépendance change de considération au cours des années soixante-dix. Elle « n'est plus perçue comme une pathologie spécifique susceptible d'une intervention médicale spécialisée mais comme un problème personnel lié aux conditions psychologiques et sociales de l'existence ». Le système de prise en charge des toxicomanes se caractérise par un retrait des structures publiques, en raison notamment de la politique tatchérienne de diminution des dépenses, au profit d'oeuvres sociales et des associations de bénévoles337(*). En témoigne, le déclin du domaine médical et l'essor de travailleurs sociaux, de volontaires et de psychologues.

En Grande-Bretagne, John Strang dénonce dès 1981 le système de soin de la toxicomanie qu'il considère inadapté. Il défend une approche différenciée des toxicomanes, population particulièrement hétérogène. Un rapport édité en 1984 rappelle que la prévention ne doit pas être seulement à un niveau « primaire », c'est à dire empêcher l'apparition de comportements à risques, mais qu'elle doit également viser la prévention des risques liés à l'usage de drogues338(*). Mais, c'est en 1985 que le problème Sida-toxicomanie est apparu en Angleterre par la découverte d'une prévalence de séropositivité à VIH très élevée parmi les toxicomanes d'Edimbourg339(*). Dés 1986 ont lieu les premières expériences d'échange de seringues. Mais c'est avant tout au niveau local que vont se développer les programmes de réduction des risques, Liverpool et Manchester vont ainsi bénéficier d'une avance sur Edimbourg qui retarda pour des motifs politiques la mise en oeuvre de ces programmes. En 1996, la prévalence de la séropositivité à VIH chez les toxicomanes est estimée à 40% à Edimbourg, contre seulement 1% à Manchester et 0,2 à Liverpool. On a recensé en 1990 dans le district du Merseyside seulement 20 séropositivités parmi les 15 000 toxicomanes que comptait le district340(*). Aujourd'hui le Merseyside a, en outre, le pourcentage le plus élevé de consommateurs par voie intraveineuse d'Angleterre et constitue la seconde région pour le plus bas nombre de séropositifs parmi les toxicomanes.

Les autorités nationales restent dans un premier temps en retrait face à l'épidémie de Sida et délèguent les mesures sanitaires de soin de la toxicomanie aux professionnels de la santé341(*). Le développement de la stratégie de réduction des risques a tout d'abord eu lieu au cours des années soixante-dix par le biais des associations privées de bénévoles342(*). Celles-ci se dotèrent en 1986 d'un organisme national de coordination qui a permis d'établir un dialogue avec les autorités nationales. L'Advisory Council on the Misure of Drugs (ACMD), lieu au sein duquel s'élaborent les politiques nationales visant les toxicomanes, entérina la stratégie de la réduction des risques sous la pression des associations dans un rapport publié en 1987, dans lequel est exigé la vente et l'échange de seringues et la prescription médicale des produits de substitution. Le premier plan gouvernemental d'envergure national n'interviendra qu'en 1988. En 1991, on recense en Grande Bretagne plus de cent centres d'échange de seringues. En 1987-1988, la pratique d'échange de seringues concernait 62% des toxicomanes intraveineux, autant qu'en Allemagne ou en Italie. Le paradigme de la réduction des risques est désormais appliqué.

Pouvons-nous affirmer, comme le fait Monika Steffen, que « le cas britannique constitue un exemple d'une réussite en matière de réduction des risques, un modèle de référence dans la littérature spécialisée internationale »343(*) ? Il est vrai que le British System a permis une moindre marginalisation des toxicomanes et que le principe du safer use (dont l'objectif peut se résumer en quelques mots : « agir contre le risque lié à l'injection », c'est à dire l'usage à moindre risque) a permis de limiter considérablement la catastrophe sanitaire.

Il est toutefois possible d'apporter deux limites. Tout d'abord, ces résultats ne sont imputables qu'en partie aux pouvoirs publics qui sont restés largement en retrait vis-à-vis des acteurs associatifs ou sanitaires locaux. La réduction des risques est née comme un ensemble de pratiques venant « du bas » et s'est progressivement transformé en politique nationale sous la pression d'un ensemble d'acteurs, fondamentalement non-institutionnels344(*). Cette absence de coordination au niveau national a limité l'application de la réduction des risques, d'une part, en provoquant de fortes disparités et, d'autre part, en prévenant la formation d'une culture de services de la réduction des risques à l'échelle nationale. En outre, et ceci constitue une seconde limite au modèle anglais, le paradigme médical semble avoir pris le pas sur l'idée du Public Health comme le note Grazia Zuffa, il s'agit désormais de conduire les toxicomanes vers l'abstinence qui est redevenu une priorité des politiques publiques345(*). La réduction des risques a toutefois limité ce changement de paradigme en s'interposant entre les deux modèles.

L'Allemagne et la Grande-Bretagne constituent deux exemples réussis de la mise en place de la réduction des risques bien que celle ci s'accomplisse dans deux contextes fortement distincts. Les résultats les plus évidents sont, comme nous l'avons vu, les retombées sanitaires positives des programmes qui ont été mis en place. Toutefois, la réduction des risques prend en Allemagne et au Royaume-Uni une signification essentiellement sanitaire. Il ne s'agit pas tant de modifier la perception de la toxicomanie ou de l'usage de drogue que d'en limiter les effets pervers sur la santé publique. La réduction des risques ne s'accompagne pas d'un renouveau conceptuel des façons de penser la place du toxicomane dans la société qui reste un personnage déviant. L'application de la réduction des risques prend en revanche un sens très différent aux Pays-Bas et en Suisse. Elle ne se résume pas seulement à un choix pragmatique face à la situation d'urgence sanitaire mais elle adopte une dimension culturelle. La réduction des risques participe à une « normalisation » de la place du toxicomane et de l'usager de drogue au sein du corps social.

1.2.2 Les modèles culturels du nouveau paradigme

1.2.2.1 La culture hollandaise de la réduction des risques

Les Pays-Bas ont été amenés à développer une politique publique originale du fait qu'ils ont été particulièrement touchés par le problème des drogues, d'une manière plus dramatique et plus précoce que les autres pays européens. Le cannabis commence à se diffuser parmi les jeunes aux cours des années 60, mais l'introduction massive de drogue aux Pays-Bas remonte, comme l'explique Grazia Zuffa, à 1974, date de l'indépendance de la colonie du Surinam dont les habitants purent alors choisirent leur citoyenneté : 40% optèrent pour la nationalité hollandaise346(*)346(*). Cette population connût de nombreuses difficultés d'intégration et l'usage de l'héroïne se développa massivement parmi celle-ci. L'héroïne s'est ensuite rapidement élargie à la population blanche la plus marginalisée qui était déjà concernée par les problèmes d'alcoolisme. La progression des héroïnomanes s'effectua alors de manière continue : Amsterdam compte 500 héroïnomanes en 1974, le quadruple en 1976, 6 000 en 1979 et entre 12 000 et 14 000 en 1983.

Le phénomène hollandais est le résultat d'une conjonction entre les facteurs « immigration », « marginalité » et « toxicomanie ». L'Etat hollandais a toutefois su réagir de façon adaptée à la situation en prenant en compte chacun des facteurs cités. Actuellement, le nombre d'héroïnomanes est redescendu à 6 000 dont 85% entretiennent une relation régulière avec les services sanitaires. Un tel résultat s'explique, selon Grazia Zuffa, par les politiques mises en place par les pouvoirs publics, dont notamment une politique de prévention dirigée vers la population la plus à risque, qui prît le nom de « Nouvelles perspectives pour les jeunes marginaux »347(*). Elle s'est traduite par exemple par la création d'opportunités d'instruction et de travail qui sont considérées comme la meilleure forme de prévention contre les substances.

La principale mesure adoptée par les Pays Bas reste cependant la distinction opérée entre les drogues douces et les drogues dures348(*). Parmi les premières a été classé essentiellement le cannabis, tandis que parmi les secondes figurent l'ecstasy, l'héroïne et la cocaïne. La distinction remonte aux travaux remis par deux commissions instituées en 1968 afin de mettre à jour les causes de l'usage de drogues et les réponses à y apporter. Le premier rapport, dit Hulsman du nom de son président, affirme : « L'aspect principal est le fait que les drogues ne soient pas considérées uniquement sous l'aspect pharmacologique, puisque celui ci ne peut pas rendre compte de la complexité du rapport des individus et des groupes avec les substances ». Les risques ne sont ainsi pas uniquement évalués en rapport avec la substance mais avec les différents types de consommation, selon le modèle relationnel/comportemental qui a été décrit précédemment.

La commission établit que les drogues présentent un risque lors du passage d'un usage modéré à un usage intensif caractérisé par la dépendance. Le rapport Hulsman considère également qu'il est possible de réaliser un usage contrôlé des drogues illicites qui ne soit un dommage ni pour l'individu ni pour la société : cette affirmation constitue encore aujourd'hui, comme le note Grazia Zuffa, un principe clef dans la politique de réduction des risques349(*)349(*). L'idée qu'il puisse exister des modèles de consommation (intégrés à des sous-cultures) dans lesquels l'usage de drogue, contrôlé aussi bien dans la quantité que la qualité, constitue un moment récréatif, est reconnue pour la première fois en Europe.

C'est de là que Hulsman développe sa principale idée : si les substances sont considérées comme étant également dangereuses, il se créé alors un risque que les types de consommateurs (et à fortiori les sous-cultures) tendent à se rapprocher. Comme le résume Grazia Zuffa, « l'idée est qu'un type de consommateur (par exemple d'héroïne) peut influencer un autre type de consommateur (par exemple de cannabis) si les deux types de consommation sont « assimilés» de manière forcée dans une seule et unique sous culture marginalisée, lorsque les marchés des deux drogues coexistent dans la même zone criminelle ». Un rapport de 1997 qui prend acte que les substances « sont parmi nous et y resteront » rend également compte du passage des drogues douces aux drogues dures par le marché des substances : c'est la proximité du vendeur et du consommateur qui incite à changer de substances. Ces considérations ont servi de fondement à la séparation des marchés entre les drogues douces et les drogues dures. Le gouvernement a donc souhaité séparer les deux marchés en légalisant celui des drogues douces.

Cette distinction a conduit à l'ouverture de lieux réglementés, les coffe shops, dans lesquels il est possible d'acquérir du cannabis350(*). Les conditions des coffe shops ont été codifiées de sorte à ce qu'ils soient ouverts aux personnes de plus de 18 ans et répondent à un ensemble de critères formulés sous le sigle Ahoy-g : la première lettre symbolise le no advertising, pas de publicité, la seconde indique que les drogues dures sont interdites (hard), le O (obstruction) met en garde contre le désordre publique, le Y (young) rappelle la limite d'âge, le G (great quantities) signale que ce ne sont jamais de Grandes quantités mais seulement de petites doses de cannabis qui peuvent être vendues, 5 grammes exactement. Chaque coffe shop ne peut pas détenir une quantité destinée à la revente supérieure à 500 grammes. On dénombre entre 1200 et 1500 de ces locaux dans le pays.

L'argument d'une séparation des marchés apparaît trop simpliste à Grazia Zuffa pour justifier la vente de cannabis dans les coffee shop : les consommateurs seraient ainsi mis à l'abris d'un éventuel passage aux drogues dures qui sont souvent associées aux drogues douces au sein des marchés illégaux351(*). « L'originalité de la proposition de Hulsman n'est pas tant dans l'idée de séparation des marchés que dans la mise en évidence des risques de la réponse pénale vers la marginalisation des sous-cultures des drogues : si les consommateurs sont poussés vers des modes de vie marginaux, le développement d'une structure de vie socialement intégrée facilite la prévention des modèles de consommation « durs ». La commission conclut que la seule réponse possible au problème des substances passe par la « décriminalisation totale ».

L'autre rapport publié en 1968 et présidé par Pieter Baan aboutit à des conclusions similaires. Il introduit également le concept de drogues à « risques acceptables » (comme le cannabis) et de drogues à « risques inacceptables » (comme l'héroïne) pour lesquelles il est recommandé de suspendre les poursuites pénales mais de continuer la répression du trafic. Ces deux rapports ont apporté, comme le souligne Grazia Zuffa, une « base de théorie sociologique à la politique de décriminalisation de la drogue utilisée par la plus grande majorité des consommateurs  (le cannabis) ». Il s'agissait de réintégrer les sous-cultures juvéniles liées à la consommation de cannabis dans la légalité. L'Opium law de 1976, s'inspirant des commissions Huslman et Baan, visait ainsi à éviter tant que possible que les consommateurs de cannabis puissent être incarcérés. D'autres mesures furent adoptées par le gouvernement hollandais dans le cadre de la prévention des risques telle que l'introduction de la méthadone en 1981 ou encore les programmes d'échange de seringues entrepris en 1984 afin de prévenir l'hépatite puis le Sida. Les centres d'échange de seringues ont ainsi contribué à la politique de prévention. Le centre De Regenboog figure parmi l'un des plus importants à Amsterdam, il a permis en 1995 d'échanger 50 000 seringues en une année352(*). En outre, 90% des seringues distribuées sont récupérées après usage évitant ainsi qu'elles puissent se répandre sur la voie publique.

La politique hollandaise, estime Grazia Zuffa, est un des meilleurs exemples de politique de réduction des risques. Elle ne s'est pas, en effet, contentée d'adopter un ensemble de mesures afin d'assurer l'amélioration des conditions sanitaires sociales des toxicomanes. Elle a su adapter sa législation aux évolutions requises par la réduction des risques. Le traitement social et sanitaire de la toxicomanie a été lié à une considération non-prohibitionniste de l'usage de drogues, à l'inverse du modèle du « toxicomane/malade/délinquant ». La politique hollandaise vise à traiter la toxicomanie avant tout par des mesures sociales en évitant une pénalisation et une criminalisation/marginalisation du phénomène.

Les Pays-Bas constituent sans nul doute un pays précurseur de la réduction des risques. Celle-ci a bénéficié de conditions favorables qui rendent compte de son succès. En effet, la législation hollandaise ne présentait pas un long passé prohibitionniste à l'exemple du reste de l'Europe. La Suisse a, en revanche, adopté une politique répressive sur le modèle prohibitionniste jusqu'à la fin des années quatre-vingt. Face à l'inefficacité des précédentes mesures, l'adoption de la réduction des risques s'est alors rapidement imposée comme une transformation nécessaire. Celle-ci fut mise en place avec succès et représente un modèle pour l'ensemble des gouvernements européens.

1.2.2.2 L'expérience helvétique des « 4 piliers »

Zurich est la première ville suisse à développer une politique de réduction des risques à la fin des années quatre-vingt devant l'urgence du Sida. C'est ainsi qu'apparaissent les programmes d'échange de seringues mais aussi un ensemble de services sociaux tels que des programmes de logement et de réinsertion. Zurich a également mît en place une des expériences des plus osées qui soit353(*)353(*). Dans un espace délimité une zone était accessible aux toxicomanes où ils pouvaient en toute liberté, n'ayant pas à craindre d'arrestation, consommer de l'héroïne354(*). Le jardin public central de la ville, le Parkspitz, devient le lieu de rencontre des toxicomanes de Zurich. Malgré les tentatives de la municipalité de déplacer ce point de rencontre, celui-ci devient de plus en plus important et se trouve rapidement transformé en ghetto. Il contribua, en dépit de sa spontanéité, comme l'explique Grazia Zuffa, à la politique de réduction des risques du fait que les toxicomanes purent trouver un lieu de répit où la police ne pénétrait pas et où certains services sanitaires et sociaux étaient disponibles355(*)355(*). La réputation de ce parc incita à la création d'un tourisme la drogue puisque 70% des 2 000 usagers quotidien du parc n'étaient pas de Zurich. La présence de nombreux revendeurs et la violence qui s'en suivait entraîna la fermeture du lieu en 1992356(*).

La politique suisse en matière de toxicomanie, appelée « politique des 4 piliers », n'est lancée qu'à la fin de 1990 et est devenue le modèle de la Suisse en 1994357(*). Le gouvernement suisse bénéficie par ailleurs d'un fort soutien de la part de l'opinion publique. Une spécificité de la politique suisse est également le fait d'avoir été élaborée à partir d'une véritable stratégie au plan fédéral. Tandis que la réduction des risques était apparue au plan local par le biais d'expérimentations isolées (comme le cas du Merseyside en Angleterre, de Francfort en Allemagne ou encore, dans une moindre mesure, d'expériences associatives hollandaises) la Suisse va tenter d'apporter une cohérence au plan national tout en conservant l'autonomie des cantons. La politique des « 4 piliers » part d'une constatation : « l'expérience avec les drogues légales comme l'alcool et la nicotine démontre qu'il est possible de gérer des substances qui engendrent une dépendance en les tenant sous contrôle et par conséquent en mode responsable. De récentes études scientifiques sur les drogues illégales montrent qu'il est également possible de gérer de façon contrôlée des drogues comme la cocaïne et l'héroïne en s'attenant pourtant, comme pour l'alcool à déterminer des règles de consommation».

La stratégie helvétique intègre la réduction des risques comme l'une de ses composantes principales (Prévention, thérapie, réduction des risques, répression). L'ordre des priorités est inversé en comparaison de l'ordre international où la répression occupe la première place. La politique suisse prend de la sorte ses distances avec la politique répressive appliquée jusque là : « Les données statistiques montrent qu'en Suisse, malgré les importantes mesures de répression qui ont été adoptées, l'importation, le commerce et la consommation de drogues n'ont pas diminué [...] et la répression mise en acte par la police ne dissuade pratiquement personne au moment de commencer à consommer des drogues et n'a pas amené à en arrêter la consommation ». La politique suisse est ainsi à l'origine d'un « principe d'opportunité » qui incite ainsi à ne pas appliquer la loi lorsqu'elle peut être à la cause de troubles sociaux importants, comme la non-intégration sociale du consommateur de drogues.

Le premier des principes défendus, la prévention, se justifie par la volonté d'éviter le passage à des modes de consommation incontrôlés, c'est à dire l'abus de substances. Le second et le troisième pilier (thérapie et réduction des risques) se réfèrent à la priorité de la « stabilisation » du sujet dépendant. Il s'agit, comme le note Grazia Zuffa, d'un concept complexe qui inclut aussi bien une dimension physique, que psychique et sociale et qui s'oppose à l'idée qui voudrait que le toxicomane doive toucher le fond (intolérance, exclusion sociale) afin d'être porté à l'abstinence358(*)358(*). C'est dans ce cadre que s'est développé l'usage thérapeutique de l'héroïne mais aussi de la méthadone.

La considération de l'usage de drogues a été considérablement discutée. Elle a fait l'objet d'un référendum en septembre 1997 à l'occasion d'une loi d'initiative populaire (« promotion d'une « jeunesse sans drogues ») qui tentait d'éradiquer la stratégie de réduction des risques entreprise par la politique des quatre piliers en instaurant la pénalisation de la détention personnelle de substances359(*). Le référendum s'est conclu par un « non » massif avec 70,6% des voix. La politique des quatre piliers semble réaliser un large consensus au sein de la population. La Suisse a poursuivi sa politique en réalisant une expérimentation sur l'usage thérapeutique de l'héroïne, qui a été élargie en 1999 à 10% des toxicomanes360(*). Enfin, en août 1999, des travaux préparatifs ont été initiés afin de réformer la loi fédérale sur les stupéfiants de 1951.

La réduction est risques est apparue en Suisse et aux Pays-Bas dans des contextes très distincts. Alors que les Pays-Bas étaient fortement imprégnés d'une culture du Public Health visant à protéger les conditions d'existence des toxicomanes, la politique helvétique était auparavant principalement prohibitionniste. Les deux pays ont toutefois adopté une politique de réduction des risques très similaire qui se fonde, d'une part, sur un traitement social (et non pas simplement sanitaire) de la toxicomanie et, d'autre part, sur une transformation de leur législation sur les drogues (dépénalisation de l'usage en Suisse et légalisation du cannabis aux Pays-Bas). Le passage à la réduction des risques fut en revanche très différent en France et en Italie. Ces deux pays ont tout d'abord pour point commun d'avoir privilégié une approche thérapeutique/répressive de la toxicomanie au détriment d'une approche sociale. Il s'agissait avant tout de soigner les toxicomanes, perçus comme des malades. Cette prise en charge s'effectuait en revanche selon des modalités distinctes. Tandis que la France privilégiait le traitement psychologique, les politiques italiennes reposaient sur l'approche « communautaire » qui vise à rééduquer les toxicomanes.

1.3 France-Italie : les résistances à la réduction des risques

Face à l'épidémie de Sida, tous les gouvernements semblent s'aligner au début des années quatre-vingt-dix sur le modèle de la réduction des risques. La France semble en revanche plus réfractaire puisque les pouvoirs publics n'intègrent le principe de la réduction des risques au sein des politiques en matière de toxicomanie qu'en 1995361(*)361(*). Le système français se caractérisait à cette période par un dispositif de traitement de la toxicomanie essentiellement fondé sur la répression. Les modifications des politiques de traitement de la toxicomanie s'implantent alors difficilement en France car elles vont à l'encontre de la représentation sociale des comportements toxicomaniaques. La distribution de seringues implique par exemple l'idée d'accepter, dans une certaine mesure, l'usage de drogues. La mise en place de politiques de prévention adéquates face au Sida va également être rendue difficile par le refus des professionnels de prendre en compte la gravité du problème. Il s'agit de rendre compte de ce retard dans l'application de la réduction des risques, responsable d'une catastrophe sanitaire sans précédent, que Henry Bergeron qualifie de « singularité française »362(*).

1.3. 1 La réduction des risques en France

1.3.1.1 Le champ professionnel autonome de la toxicomanie

Pour comprendre l'inertie du système et des pouvoirs publics français face à la menace de l'épidémie de Sida, il est nécessaire de se reporter à la culture propre au champ institutionnel et professionnel de la toxicomanie tel qu'il s'est développé en France. Il se caractérise avant tout par une forte autonomie et un important pouvoir décisionnel. Henry Bergeron a mis en évidence dans l'ouvrage L'Etat et la toxicomanie. Histoire d'une singularité française comment un groupe professionnel spécialisé homogène s'est progressivement institué à partir des années soixante-dix puis s'est progressivement transformé en système autonome au cours des années quatre-vingt363(*)363(*).

Le champ institutionnel de la toxicomanie est autonome en raison d'une pluralité de facteurs : centralisation de l'expertise et des décisions entre les mains d'acteurs autonomes et aux considérations homogènes, objectifs de la politique de soins uniquement définis en terme d'abstinence, refus stratégique des hommes politiques à s'investir sur ce dossier délicat, exclusion des élus locaux des capacités d'innovation, faiblesse de l'activité de coordination tant au niveau national qu'au niveau départemental. Les politiques publiques françaises en matière de toxicomanie sont caractérisées par un abandon de la classe politique qui s'en remet volontiers à l'avis des experts et des professionnels du secteur. Cette remarque s'applique d'ailleurs, comme le montre Jobert, à l'ensemble des politiques sanitaires françaises qui « reflète[ent] plus les valeurs et la structure de la profession que celles des gouvernements »364(*).

Les tentatives des pouvoirs publics pour instaurer un contrôle du milieu professionnel de la toxicomanie se soldent par des échecs répétés. La loi de décentralisation et la rationalisation des services de toxicomanie impose par exemple une évaluation systématique des centres spécialisés. Anne Coppel écrit d'ailleurs à ce sujet : « Avec l'arrivée de la gauche au pouvoir, les services entrent dans l'ère de l'évaluation »365(*). La compétition incite toutefois les centres à maquiller leurs chiffres qui restent difficilement comparables en l'absence d'un organe central d'évaluation. Les tentatives de coordination interministérielle comme la création de la Mission interministérielle à la lutte contre la toxicomanie (MILT) en 1982 sont restées également sans réels résultats. La MILT se trouve ainsi réduit à un rôle de « distributeur de crédits non affectés »366(*).  

L'ordre établi par les intervenants de la toxicomanie ne sera remis en cause que par Albin Chalandon, Garde des Sceaux, qui tente de s'opposer au système en vigueur entre 1986 et 1988 en développant un dispositif de communautés spécifiques pour l'injonction thérapeutique. Celles-ci sont perçues par les professionnels comme des « prisons pour toxicomane »367(*). Le projet n'aboutira pas en raison d'un mouvement de protestation des spécialistes de la toxicomanie et du changement de majorité présidentielle en 1988 mais cet évènement a constitué l'unique tentative de déstabilisation du milieu thérapeutique.

Les professionnels de la toxicomanie exerçaient un contrôle total sur leur discipline et étaient réfractaires à l'idée d'une évaluation provenant d'un organe extérieur à leur champ institutionnel. C'est pourquoi l'action publique française en matière de toxicomanie est restée pendant très longtemps étrangère à l'idée d'une évaluation. Il s'agit d'ailleurs d'un phénomène récent puisque ce n'est qu'en 1992 qu'une commission d'évaluation se met en place sous la direction de René Padieu. Les précédentes études (Pelletier en 1978368(*), Trautman en 1990369(*)) analysaient certains éléments des politiques publiques sans remettre en cause les finalités et les valeurs qui y sont rattachées. Henri Bergeron évoque à ce sujet une « évaluation neutralisée »370(*). Les spécialistes sont ainsi convaincus que le système de soin en matière de toxicomanie est absolument adapté au problème et aucune remise en cause n'est envisageable. Comme le rappelle Francis Curtet en 1992, alors même que les conditions de vie et de santé des toxicomanes français se dégradent de façon catastrophique, la France est le « pays [...] qui a le mieux limité la toxicomanie » grâce « à l'efficacité du réseau de soins français » et il conclue en affirmant : « la vraie intelligence est d'oser reconnaître notre efficacité pour en convaincre nos partenaires européens »371(*).

Alors que l'épidémie de Sida s'étend parmi la population toxicomane et que de nouveaux moyens de prévention font leur apparition, la prise en charge de la toxicomanie reste fondée sur les principes du sevrage et de l'abstinence. Aucune évaluation des pratiques thérapeutiques ou d'approche comparative des différentes thérapies possibles ne sont réalisées. Le dispositif français rejette vivement les innovations thérapeutiques. La première évaluation scientifique de synthèse réalisée en 1989 aboutit à la conclusion qu'il n'existe pas de différences de résultats entre les différents techniques de prise en charge372(*). Cette absence d'évaluation a ainsi maintenu en l'état la légitimité des choix opérés par les professionnels de la toxicomanie et a entravé sa possible remise en cause :

« Dans le cadre d'un débat non tranché « scientifiquement » concernant l'efficacité des solutions thérapeutiques disponibles, profitant d'un consensus général sur les objectifs de la politique, la modèle français est maintenu et se maintient solidement sur ses bases, sans être plus amplement questionné »373(*).

Dans ce cadre, la méthadone n'est pas envisagée par les spécialistes français. Alain Morel, président de l'Association nationale des intervenants en toxicomanie (ANIT), ajoute dans ce sens : « Les médecins ne doivent pas être aux ordres des toxicomanes pour renoncer à leur mission première qui est de soigner. Envisagerait-on, dans cette même logique, de prescrire de l'alcool aux alcooliques ou d'inciter à la violence les psychopathes dangereux ? »374(*). Pascal Courty critique, en tant que directeur d'un centre de soins pour toxicomanes, au même moment et de façon sévère, le manque d'instruments à sa disposition :

« Nous sommes en 1993. La prise en charge des usagers de drogue est à la croisée des chemins. En effet, depuis le décret de juillet 1992375(*), les centres de soins ont enfin un statut [...] Qu'avons nous à cette époque à proposer aux usagers de drogue ? Le sevrage, le sevrage et encore le sevrage. La prise en charge hospitalière se résume à une pratique dont on sait bien qu'elle est un échec la plupart du temps »376(*)376(*)

Ce refus de mettre en oeuvre de nouveaux outils thérapeutiques, comprenant entre autres l'échange des seringues ou l'usage de la méthadone, est lié comme l'explique Monika Steffen à la préférence, que cultivent les professionnels, pour l'approche psychanalytique au détriment de l'approche médicale377(*). Elle rend compte de ce comportement par la défense d'intérêts catégoriels propres aux psychothérapeutes : « Ils craignent [les thérapeutes] que le Sida ne conduise à remédicaliser la prise en charge des toxicomanes et à remettre ainsi leur secteur d'activité sous l'autorité des institutions médicales, dont la loi de 1970 les avait affranchies »378(*). Il existe à l'époque un fort cloisonnement des milieux professionnels : d'une part les médecins hospitaliers prenant en charge les toxicomanes malades du Sida, généralement en état d'urgence, et d'autre part les intervenants en toxicomanie. Cette séparation empêche d'envisager un traitement commun du problème « Sida-toxicomanie ». Elle rend compte du manque d'intérêt des professionnels du secteur de la toxicomanie qui sont pourtant confrontés au problème dès 1985. En 1990, lors de la journée nationale de l'ANIT organisée sur le thème du Sida « Toxicomanie(s) au temps du Sida », figure la question suivante : « Sommes-nous concernés ? »379(*).

Le refus de traiter conjointement toxicomanie et Sida est également présent dans l'administration et la classe politique française. Ainsi en 1986, le directeur général de la Santé rappelle que la prise en charge budgétaire des soins liés au Sida ne peut être faite sur les crédits de la toxicomanie. Il justifie cette prise de position ainsi :

« La lutte contre le Sida et la lutte contre la toxicomanie sont deux objectifs de santé publique bien différenciés même si les populations qu'elles concernent se regroupent aujourd'hui fortement, et le Sida ne peut en aucun cas être considéré comme une maladie secondaire de la toxicomanie dont les traitements s'intégrerait dans le traitement de celle-ci »380(*)380(*)

Le rapport Trautmann aboutit à des conclusions similaires en 1990381(*). Enfin en 1993, lorsqu'un journaliste demande à Edouard Balladur la place du Sida dans le plan de lutte contre la toxicomanie rendu public le 23 septembre 1993 il s'exclame d'un air étonné : « Toxicomanie/Sida : quel est le rapport ? »382(*). Le système français de prise en charge de la toxicomanie est fortement autonome à la fin des années quatre-vingt. Il refuse une médicalisation en faveur d'une psychologisation du problème. C'est dans ce contexte que l'épidémie de VIH/Sida va faire irruption, provoquant une catastrophe sanitaire mais aussi un bouleversement de la toxicomanie.

1.3.1.2 La reconnaissance de la réduction des risques

Les premiers cas de contamination à VIH de toxicomanes américains sont connus en France dès 1982, ils sont toutefois interprétés à l'époque comme « le mal qui frappe la communauté homosexuelle »383(*). Les toxicomanes ne sont pas alors reconnus à travers la presse comme un groupe à risques spécifique contrairement aux homosexuels. Une première sonnette d'alarme est amorcée par les gardiens de prisons qui demandent des « équipements spéciaux » face à la prépondérance des toxicomanes contaminés par le virus qui sont incarcérés. Les données statistiques pourtant disponibles ne sont pas publiées384(*). Les journaux nationaux comme Le Monde ou Libération ne font presque aucune allusion au système de soins des toxicomanes jusqu'en 1992385(*). Les programmes gouvernementaux contre la drogue restent inadaptés au problème. Alors même que les toxicomanes sont reconnus en 1991 comme étant le premier groupe de victimes du Sida en Europe, la DGLDT (Délégation générale à la lutte contre la drogue) lance une campagne nationale de prévention des toxicomanies sans même se référer au Sida386(*)386(*).

Les premiers cas de Sida chez les toxicomanes sont diagnostiqués en France en juin 1984387(*) et sont répertoriés dans le bulletin hebdomadaire épidémiologique début 1985388(*). Au 1er janvier 1987, 107 cas de Sida sont recensés. La part des toxicomanes parmi les cas de Sida déclarés augmente de façon ininterrompue : elle est de 7,4% en 1985, 15,1% en 1987, 20,8% en 1988, 24,7% en 1990, 26% en 1992389(*). Le système de traitement de la toxicomanie est alors totalement inadapté pour répondre avec efficacité au problème. En 1992, le système de soins français accueillait 35 000 toxicomanes dont 60% étaient principalement héroïnomanes tandis que la population de toxicomanes dépendants était estimée à 150 000. Les centres spécialisés n'atteignaient donc que 14% d'entre eux. Enfin, comme le rappelle Henri Bergeron, les toxicomanes fréquentant les centres sont le plus souvent ceux qui se situent dans une position plus favorable390(*).

En raison de l'hermétisme des professionnels et des pouvoirs publics, c'est à l'extérieur du domaine de la toxicomanie que vont naître les premières tentatives de prise en compte du problème du Sida pour les toxicomanes. L'association AIDS organise la première campagne de prévention en matière de seringues en décembre 1985 et janvier 1986 (« Une seringue, ça ne se partage pas ») alors que la même année la France est le seul pays européen à interdire la vente libre des seringues391(*). Médecins du monde organise en 1989 une permanence pratiquant l'échange de seringues et met en place un premier bus itinérant avec l'aide financière de la Direction générale de la santé (DGS). Les médecins des hôpitaux commencent également à cette époque à prescrire des thérapies de substitution par méthadone.

Les spécialistes de la toxicomanie prennent alors conscience du fait qu'ils ne sont plus les seuls interlocuteurs des toxicomanes et que des acteurs concurrents (associations de lutte contre le Sida, médecins généralistes, praticiens hospitaliers, pharmaciens, etc.) s'immiscent dans un champ qui leur était jusque là réservé392(*)392(*). Tandis que le premier cas de Sida lié à la toxicomanie est notifié en avril 1984, il faut attendre 1986 pour voir le problème se poser au sein de l'ANIT (Association Nationale des Intervenants en Toxicomanie ) et 1990 pour qu'un groupe de travail se constitue. Les professionnels du secteur spécialisé font connaître lors des Rencontres nationales sur l'abus de drogues et la toxicomanie (1997) leur adhésion à une politique de réduction des risques et même à une dépénalisation de l'usage des drogues illicites393(*).

Mais le facteur qui déclencha la remise en cause de la politique française fut le scandale du « sang contaminé » en 1993. Dés lors les stratégies qui visent à limiter les risques encourus deviennent légitimes. Tandis que le plan de lutte contre la drogue de la DGLDT de 1990 « ne comprenait aucune disposition sur la « réduction des risques » »394(*), le nouveau plan du 23 septembre 1993 intègre le Sida comme une priorité majeure. Le plan de 1993 prévoit ainsi l'extension des programmes d'échanges de seringues et le « développement maîtrisé d'un programme de substitution », à condition que « l'évaluation en cours en confirme l'intérêt »395(*).

La Commission de réflexion sur la drogue et la toxicomanie présidée par Roger Henrion établit en 1995 un rapport, commandé par le ministère des Affaires sociales, de la Santé et de la Ville, qui dresse un bilan très critique des trente années de lutte contre la toxicomanie menée depuis la loi du 31 décembre 1970396(*). Il est, en outre, appuyé par une série d'autorités morales reconnues tel que le Comité consultatif national d'éthique, la Commission sociale de l'épiscopat et la Ligue des Droits de l'homme contribuant ainsi à médiatiser et à amplifier sa portée. Les conclusions du rapport sont tranchées :

« La politique de lutte contre la toxicomanie, fondée sur l'idée selon laquelle il ne faut rien faire pour faciliter la vie des toxicomanes, a provoqué des catastrophes sanitaires et sociales. Il est urgent de rompre avec cette logique de l'exclusion [...] La recherche d'une telle solution visant à « éradiquer la drogue » n'était pas réaliste et [...] elle ne pouvait servir de guide à l'action publique [...] Le véritable enjeu de la politique en la matière est de tenter de « vivre avec » au moindre coût en termes sanitaires et sociaux »397(*)397(*)

La mise en place de la réduction des risques apparaît désormais comme une priorité des pouvoirs publics. Certaines dispositions avaient néanmoins été adoptées dès la fin des années quatre-vingt. La première mesure significative en terme de réduction des risques a lieu en 1987 lorsque Michèle Charaz, alors Secrétaire d'Etat à la Santé, annonce la suspension du décret de 1972 rendant obligatoire la production d'une pièce d'identité pour l'achat d'une seringue en pharmacie398(*). Anne Coppel va jusqu'à considérer que la mise en vente libre des seringues, désormais vendues sans ordonnances, inaugure la politique de réduction des risques en France399(*).

Il faut cependant attendre le début des années quatre-vingt-dix pour qu'une série de mesures significatives soient prises par les pouvoirs publics : en 1992 la DGS étend les programmes d'échange de seringues (PES) à l'ensemble des centres de soins pour toxicomanes400(*) ; en 1994, une meilleure coordination des structures existantes a lieu et la capacité d'hébergement des structures d'accueil est presque doublée401(*) ; le décret du 7 mars 1995 permet aux associations de lutte contre la toxicomanie et de prévention du Sida de pouvoir distribuer librement du matériel stérile402(*) ; l'accès à la méthadone, introduite en 1993, est élargi en 1995 puis 1996 ; la libre prescription du Subutex en 1996 permet aux médecins généralistes de renforcer leur rôle dans la prise en charge des toxicomanes. Le dernier plan triennal de lutte contre les toxicomanies (MILDT, 1999) confirme l'importance accordée à la réduction des risques. Il reconnaît, en outre, la difficile conciliation entre répression et soins et souligne l'orientation trop spécifique du système de soins en faveur des héroïnomanes403(*)403(*).

L'adoption et la généralisation des traitements de substitution par méthadone marquent le triomphe de la réduction des risques404(*). Un nouveau paradigme des politiques françaises en matière de toxicomanie semble s'affirmer. Le bilan français est toutefois accablant : à la fin des années quatre-vingt-dix, on compte 100 à 200 000 séropositifs, 6 000 nouveaux sidéens chaque année, deux à trois cent mille toxicomanes intraveineux dont 1/3 de séropositifs et beaucoup infectés par des hépatites B ou/et C405(*).

Comment comprendre que le modèle français n'ait pas adopté une politique de réduction des risques avant 1995 (extension de la distribution de méthadone) alors que la majorité des pays européens, confrontés à des problèmes similaires, avaient mis en place des PES et avaient intégré la méthadone comme outil thérapeutique, soit dans les années 80 (Pays-Bas et Grande Bretagne), soit au tout début des années 90 (Allemagne, Italie, Suisse, Espagne) ? L'exception française, comme le résume Eve Dussausaye, s'explique à la fois par la tradition culturelle, les programmes thérapeutiques nécessairement finalisés à l'abstinence, et par une résistance au changement des différentes catégories de décideurs (professionnels de la toxicomanie dont notamment les psychologues, administration en charge du secteur de la toxicomanie, classe politique)406(*).

L'affirmation de la réduction des risques doit toutefois être relativisée. Son acceptation a fait l'objet, aussi bien par de la part des professionnels que des administrations en charge de la toxicomanie, de nombreuses réticences. Elle a été adoptée dans un contexte de catastrophe sanitaire auquel il s'agissait d'apporter une solution. Elle ne s'est ainsi pas accompagnée d'une nouvelle conception du rapport thérapeutique qui reste encore finalisé à l'état d'abstinence. « La réduction des risques a donc été présentée comme une solution inévitable, faute de mieux, pour gérer le risque VIH, sans qu'elle soit intégrée à une politique globale de la drogue impliquant une offre thérapeutique diversifiée »407(*). Le fait que l'épidémie de Sida semble aujourd'hui contrôlée parmi la population toxicomane laisserait alors entendre une réduction de l'importance accordée à la toxicomanie, c'est à dire un retour à l'état précédent.

« Ce que moi, je peux regretter, fondamentalement [...] c'est que les changements des politiques publiques n'ont pas été le fruit d'une réflexion sur la toxicomanie. C'est le Sida qui a provoqué ça. D'ailleurs comme le Sida ça c'est un peu calmé, même si ça n'est pas une affaire réglée, on voit actuellement le budget de certains centres non publics diminuer [...] Et on leur retire des moyens sous prétexte que le problème du Sida est pris en charge autrement. Et cela est tout à fait dommageable à la prise en charge des toxicomanes dans les soins » Un médecin psychiatre à l'unité de substitution du CHU de Grenoble407(*)

On peut douter, en outre, que le contexte dans lequel soit apparue la réduction des risques en France ait favorisé une réelle intégration comme dans le cas suisse ou hollandais. L'adoption de la réduction des risques ne semble pas s'être accompagnée d'un renversement culturel de la place du toxicomane ou de l'usage de drogues. Le débat sur la dépénalisation de l'usage de drogues semble difficilement s'étendre au sein des instances politiques ou administratives409(*).

Le retard français s'explique par un double constat. Le système français de la toxicomanie s'est pendant longtemps caractérisé par une forte autonomie du champ professionnel qui a pu maintenir en place une idéologie inconciliable avec la réduction des risques410(*). Cette prépondérance du secteur spécialisé dans la définition des politiques a eu lieu au détriment des institutions publiques. Aucune institution indépendante de définition ou d'évaluation en matière de toxicomanie n'est arrivée à s'imposer avant le début des années quatre-vingt-dix. Les pouvoirs politiques ont tenté de mettre en place une commission interministérielle au début des années 80, qui a par la suite donnée naissance successivement à la DGLDT puis à la MILDT411(*). Ces organes politiques sont cependant restés paralysés, comme le rappelle Monika Steffen, dans leur fonctionnement par la divergence de point de vue des différents ministères qui y sont représentés412(*). Ils n'étaient pas en mesure de développer une capacité d'expertise autonome et ont pendant longtemps repris à leur compte le consensus qui régnait dans le secteur spécialisé de la toxicomanie. L'évaluation des politiques publiques en matière de toxicomanie relève en revanche d'une multiplicité d'organismes soit de façon directe (DGS, la DHOS et la DGAS relayées par les ARH, les DRASS et les DASS) soit de façon indirecte413(*). Cette pluralité constitue à certains égards un handicap en matière d'évaluation, d'autant plus que les recommandations formulées ont été rarement suivies.

L'acceptation du principe de la réduction des risques en France a rencontré de nombreux obstacles, culturels et professionnels. Celui-ci a toutefois pu s'imposer comme une réforme nécessaire face à la catastrophe sanitaire représentée par l'épidémie de Sida chez les toxicomanes intraveineux. Sa mise en place s'est cependant caractérisée par des modalités très diverses en comparaison des autres pays européens. L'application de la réduction des risques a en effet consisté essentiellement en un ensemble de mesures sanitaires adoptées à court terme et elle ne témoigne pas d'un nouveau mode de concevoir la place du toxicomane.

La réduction des risques s'est implanté en Italie dans un contexte différent : une importante prise en charge par le social privé, notamment par les communautés thérapeutiques, une très forte divergence de points de vue entre les professionnels, une faiblesse des pouvoirs publics en la matière et une forte charge polémique du thème de la toxicomanie. Sa mise en place a toutefois rencontré une difficulté identique. Le principal frein à l'application de la réduction des risques en Italie fut l'idée de l'abstinence absolue selon laquelle aucune drogue ne peut être tolérée et qu'aucun médicament ne peut rentrer au sein d'un programme thérapeutique415(*). La réduction des risques a dès lors été imposée par certains professionnels comme une réponse nécessaire à l'urgence sanitaire.

1.3.2 La conciliation italienne entre répression et prévention

1.3.2.1 La « rupture en continuité » des politiques sanitaires italiennes

Il fallut attendre pour voir se développer la stratégie de réduction des risques en Italie les années quatre-vingt-dix. Des premières expériences ont cependant eu lieu au cours des années quatre-vingt. Celles ci ont été réalisées le plus souvent à partir d'initiatives purement privées ; les premiers financements publics italiens à la réduction des risques datent de 1994. Les pouvoirs publics italiens s'étaient engagés en 1990 dans une direction fortement prohibitionniste, allant ainsi à l'encontre du retournement qui avait alors lieu en Europe en faveur de la réduction des risques. L'élément de rupture fut représenté par le succès du référendum de 1993 qui avait abrogé les sanctions pénales pour la consommation personnelle de drogue introduites dans la législation de 1990 connue sous le nom de Jervolino-Vassali. L'issue du référendum, qui allait à l'encontre de la politique adoptée jusqu'à présent, a sans nul doute permis de déclencher les premières initiatives.

Le référendum fut suivi de la première Conférence gouvernementale sur les toxicomanies, qui s'ouvra à Palerme en 1993, durant laquelle le terme de réduction des risques est introduit en Italie pour la première fois416(*)416(*). C'est la ministre Fernanda Contri qui dans son introduction à la conférence se référa à la réduction des risques dans une redéfinition du rôle des Sert :

« Ils doivent, affirme t-elle, devenir des structures complexes, bien intégrés au sein du système socio-sanitaire [...] en mesure d'adapter leurs propres interventions aux besoins qu'ils éprouvent, d'adapter la réponse avec les différentes typologies de toxicomanies, gérant et coordonnant les stratégies de réduction des risques, et par conséquent de la réduction de transmission du VIH, gérant de plus les projets de prévention et de récupération d'un commun accord avec le système privé pour donner un sens concret au concept de « initiatives en réseau » et définissant avec les médecins de bas les projets thérapeutiques au sein desquels doit être prévu l'administration de médicaments de substitution »417(*) 

La réduction des risques n'est toutefois pas présentée par les pouvoirs publics comme une rupture dans l'action politique en matière de toxicomanie. Les représentants ministériels essayent au contraire de mettre en évidence la continuité entre la législation de 1990 et la nouvelle politique. « La réduction des risques ne constitue pas un nouveau point de vue et d'intervention sur les drogues et la toxicomanie, de même que le référendum abrogatif n'inaugure pas une nouvelle vie politique. La tentative est d'introduire et de légitimer cette stratégie en soulignant les aspects de continuité, plus que d'innovation et de rupture, avec les anciennes politiques »418(*)418(*). Il s'agit pour les autorités publiques de trouver un dénominateur commun entre les différentes conceptions qui s'affrontent ; une solution qui permette la prise en compte (rendue nécessaire) de la réduction des risques tout en évitant une stratégie distincte semblable à celle du public health qui fait prévaloir la santé comme un bien-être psychosocial des individus.

La réduction des risques fait, au cours de la conférence, l'objet de nombreux débats afin de distinguer les différentes voies possibles. Une commission spéciale est mise en place où se confrontent pour la première fois les tentatives expérimentales de prévention tournées vers les toxicomanes. Des associations comme Villa Maraini ou la Lilas (Lega Italiana per la lotta all'Aids), présidée par Vittorio Agnoletto, font valoir leur expérience. Giuliano Amato, un leader du centre-gauche, propose à l'occasion de la Conférence que soit adopté en Italie les pratiques développées dans le Nord de l'Europe, notamment dans les villes qui ont souscrit la déclaration de Francfort419(*). Il est également fait référence durant les débats à l'expérience suisse de l'usage thérapeutique de l'héroïne qui se positionne en totale opposition avec l'esprit de la loi Jervolino-Vassalli420(*). La réduction des risques a pour objectif, comme l'a déclaré Carlo Perucci en conclusion du groupe spécifique sur la réduction des risques, de « permettre aux toxicomanes de survivre jusqu'au moment où elles pourront sortir de la drogue »421(*). L'idée principale qui justifie cette stratégie est qu'il est « impossible de récupérer un toxicomane décédé ». Perucci prend, en revanche, des distances avec la question de la légalisation des drogues qui « n'a rien à voir avec la réduction des risques ».

Au moment même où la Conférence se déroule, des responsables de communauté, dont Don Picchi et Don Mazzi, tiennent une conférence de presse contre la réduction des risques. La renonciation à punir le drogué y est décrit comme un désintérêt. Comme le résume Vincenzo Muccioli, fondateur de la plus importante communauté italienne, San Patrignano : « Si nous donnons au toxicomane sa drogue, nous acceptons sa dégradation ». Les interventions de prévention du Sida ou les traitements de méthadone sont perçus comme une stratégie de médicalisation du problème qui rend impossible un soutien psychologique et une réinsertion sociale du drogué.

La Conférence de Palerme conclut à une légitimation de la réduction des risques en tant que propédeutique médicale censée permettre une intervention sociale422(*)422(*). Deux modes distincts de concevoir la réduction des risques sont délimités. Il s'agit, pour certains, d'une stratégie d'insertion sociale des consommateurs de drogue visant à contenir les risques répressifs et prohibitionnistes. Mais la réduction des risques constitue, selon d'autres, une simple série d'interventions avant tout sanitaires qui peuvent s'accompagner d'un contexte socioculturel d'« intolérance » vis-à-vis des consommateurs de drogues.

Un premier progetto obiettivo « Aids », programme de lutte contre le Sida, est voté à la suite de la Conférence de Palerme pour la période de 1994-1996423(*). Il affirme la priorité de la réduction des risques pour les toxicomanes. Le plan préconise d'une part le recours massif au traitement substitutif, en régime de maintenance, dans le but de prévenir la transmission du Sida et afin d'attirer le plus grand nombre possible de toxicomanes vers les centres de prise en charge ; d'autre part le programme encourage le développement d'unités de proximité intervenant dans la rue.

La réduction des risques est apparue suite à la Conférence de Palerme dans son acception sanitaire la plus stricte. L'objectif est avant tout de répondre à l'urgence sanitaire de l'épidémie de Sida chez les toxicomanes intraveineux dont l'Italie constitue l'une des principales cibles. La stratégie italienne n'a pas, en revanche, pris une direction socioculturelle à l'image des Pays-Bas ou de la Suisse. Il existe en effet de nombreuses divergences entre les différents acteurs du champ de la toxicomanie comme en témoigne la prise de position des responsables de communautés thérapeutiques. Le paradigme de la réduction des risques va continuer à s'affirmer au cours de la seconde moitié des années quatre-vingt-dix sans pour autant que soit remise en question les anciennes politiques.

1.3.2.1 Un bilan en demi-teinte

Le changement de politique publique adoptée par l'Italie en matière de toxicomanie va apparaître en réponse au projet commun de plusieurs communes (Turin, Venise, Bologne et Florence) qui aboutit à la proposition d'un plan de cinq mesures lors de la Conférence de Naples qui a lieu en 1997424(*)424(*). Ces propositions sont : la dépénalisation de la consommation personnelle déjà initiée par le référendum de 1993, la légalisation des drogues douces, le renforcement des actions socio-sanitaires de réduction des risques, l'expérimentation des thérapies fondées sur l'héroïne, une plus grande autonomie accordée aux politiques municipales de toxicomanie. La réduction des risques est développée au cours de la Seconde Conférence Nationale de Naples où le noyau de la réduction des risques est affirmé comme étant les « soins », c'est à dire la « prise en charge » des toxicomanes. Livia Turco, ministre pour la Solidarietà Nazionale déclare à l'occasion : « il y a une requête éthique à la base de la réduction des risques : celle de l'accueil de tous les toxicomanes, tout particulièrement les plus marginaux »425(*).

Il ne faut toutefois pas penser pour autant que l'esprit prohibitionniste ait cessé d'être, ainsi la déclaration d'un groupe de travail reste ambiguë : « Elle [la réduction des risques] naît de l'amour de l'être humain au-delà du refus de sa conduite auto et hétéro destructive »426(*). Le paradigme de la réduction des risques se heurte au même obstacle que précédemment : le refus de rompre avec l'idéologie qui considère l'abstinence comme la finalité conditionnelle de la prise en charge du toxicomane. Cela illustre bien la condamnation morale qui pèse encore sur la consommation de drogues illégales. Ce jugement s'accompagne de la déclaration ferme de l'objectif de toute thérapie qui reste l'abstinence : « Soutenir la réduction des risques ne signifie pas diminuer l'importance des stratégies vouées au dépassement total de la toxicomanie, qui doit rester dans tous les cas l'objectif ultime de toutes les interventions ».

Certains intervenants, tels que Leopoldo Grosso, vont tenter de souligner que loin d'être opposés les deux paradigmes se présentent comme un continuum d'offres thérapeutiques et sociales. Ainsi, en s'appuyant sur la distinction entre to cure (soigner, c'est à dire éliminer la maladie) et to care (prendre soin du malade), Grosso affirme : « La première stratégie (la réduction des risques) sert de substitut à la seconde (les interventions de « soins », finalisées à l'abstinence) : là où le projet drug free n'est pas praticable ou échoue, une attention à la réduction des risques est requise »427(*)427(*).

Les défenseurs du concept de « réseau intégré de services », « rete integrata di servizi » et les partisans de la réduction des risques comme soin et accueil pour les plus marginaux trouvent un terrain d'entente. Il s'agit toutefois de deux stratégies distinctes comme le note Grazia Zuffa. Par la stratégie de réduction des risques, « il s'agit d'offrir une multiplicité d'opportunités sociales et de traitements différenciés et l'on présume que l'arbitre de ce choix reste le consommateur lui-même où au moins on présume qu'il détient un rôle actif et déterminant dans l'alliance thérapeutique avec l'opérateur » 428(*). A l'inverse, dans la conception du réseau intégré de services « le système de services délimite un parcours prédéfini : la réduction des risques est réduite à un instrument d' « accrochage » du consommateur « réticent à l'abstinence », un pas préliminaire afin de l'orienter successivement vers le recupero (la récupération) ». De plus cette conception de la réduction des risques ne traduit pas la volonté de modifier la culture collective, en renversant la construction sociale de la consommation de drogues comme déviance. Elle part au contraire du présupposé qu'il s'agit d'un comportement à corriger et dont la responsabilité individuelle est imputable au toxicomane lui-même.

Le titre de la seconde conférence gouvernementale : « Contro le droghe, cura la vita ! », « Contre les drogues, soigner la vie !», résume la ligne de conciliation entre la « lutte contre la drogue » et la réduction des risques, ou encore entre la « réduction de la demande » (les stratégies qui tendent à éliminer la consommation) et la réduction des risques429(*). Les instruments de la réduction des risques sont jugés en fonction de l'objectif recherché qui n'est pas, contrairement aux pays nord européens, de permettre une réinsertion sociale du consommateur et à fortiori de rendre compatible son comportement avec le reste de la société mais qui reste la « réhabilitation » du drogué qui est identifiée comme l'abstinence. Les conséquences de cette conciliation sont le rejet de la légalisation, ou tout au moins de la tolérance de certaines drogues comme le cannabis, et par conséquent le refus de distinction entre les drogues douces et dures.

La réduction des risques, à l'occasion de la Troisième conférence gouvernementale sur les drogues, est centrée essentiellement sur les consommateurs d'héroïne dont la consommation est en cours de stabilisation en Italie comme dans le reste de l'Europe. Les « nouvelles drogues » ne sont pas perçues comme une priorité de l'action publique alors même qu'elles occasionnent des dégâts de plus en plus importants.

Un second programme de réduction des risques en matière de toxicomanie est voté à la suite de la Conférence de Naples pour la période de 1998-2000430(*)430(*) qui poursuit les mesures du premier plan sans introduire de véritables changements. Il maintient l'usage de la méthadone et encourage la distribution de préservatifs et de seringues parmi les toxicomanes qui se prostituent. La nouvelle politique italienne s'appuie également sur le renforcement du réseau thérapeutique public, les Serts. Le programme 1998-2000 en accroît l'efficacité et conforte leur rôle de prévention. Une nouvelle loi (L.45) en 1999 rectifie la précédente loi Jervolino-Vassali. La répartition du fonds national antidrogue est effectuée selon le principe de la décentralisation, comme cela avait été souhaité lors de la Conférence de Naples, puisque 75% des financements vont du gouvernement aux régions. Il s'agit de la première référence dans un texte de loi à la stratégie de la réduction des risques. Une dernière conférence s'est déroulée du 28 au 30 novembre 2000 à Gênes431(*). Le prohibitionnisme fut à cette occasion rejetée avec vigueur par le ministre de la santé Umberto Veronesi, qui a déclaré «le prohibitionnisme, comme il a été historiquement démontré, ne paie pas. Il n'évite pas les dangers pour lesquels il a été choisi et en créé d'autres bien pires»432(*).

La réduction des risques semble reconnue et mise en place en Italie, à la fin des années quatre-vingt-dix. Les mesures adoptées par les pouvoirs publics permettent de contrôler l'épidémie de Sida chez les toxicomanes, évitant ainsi la catastrophe sanitaire. Les nouvelles infections à VIH concernent 7% des toxicomanes intraveineux par an à Milan durant la période 1987-1989, taux ramené à 3% par an après 1990. A Rome, le taux d'incidence passe de 9% en 1985-1987, à 5% en 1987-1989 puis à 4% en 1990-1996. Naples connaît des taux légèrement plus bas à ceux de Rome.

La mise en place de la réduction des risques en Italie comporte toutefois de nombreuses limites et demande à être relativisée. La politique actuelle du gouvernement Berlusconi semble s'orienter en sens contraire à la réduction des risques. Berlusconi déclara à plusieurs reprises qu'il « est nécessaire d'opérer en matière de drogues une inversion de tendances »433(*). Il confirma son soutient aux communautés thérapeutiques d'origine catholique et notamment celle de San patrignano434(*). La politique de la réduction des risques fut qualifiée par Gianfranco Fini, vice-président du Conseil, de « donner de la drogue aux drogués avec l'aide de l'Etat »435(*). Les actions de prévention et d'information comme les opuscules fournis par la Lila (Lega italiana lotta all'aids) au sein des écoles furent fortement critiquées. Gianfranco Fini annonça d'ailleurs la constitution d'une structure nationale répressive anti-drogue mise sous la direction de la présidence du conseil. Le gouvernement italien semble donc aller à l'encontre du principe de réduction des risques en faisant le choix du modèle curatif fondé sur les communauté thérapeutiques.

La réduction des risques connaît en outre de nombreuses limites d'application en Italie. Elle a été mise en avant au cours des Conférences nationales sur la toxicomanie en terme de «prise en charge», d'aide aux plus marginaux. Leopoldo Grosso436(*) remarque toutefois une importante différence avec les politiques appliquées dans les pays nord européens du fait que ceux ci bénéficient de politiques du Welfare globales, de type universalistes, qui incluent un système d'allocation chômage et d'offres de logement pour les personnes les plus marginales. En l'absence d'un semblable réseau social, les politiques de réduction des risques de type nord-européenne sont rendues pour cela difficilement applicables en Italie. La priorité des pouvoirs publics devrait dès lors consister en l'établissement d'interventions sociales qui ne soient pas spécifiques à un groupe défini de population (toxicomanes, immigrés, etc.).

En outre, Leopoldo Grosso rappelle que la réduction des risques souffre en Italie d'une profonde discontinuité qui en pénalise l'application437(*). De nombreuses villes ont mis en place des services à bas seuil ou des unités de rue en ayant recours aux financements du fonds public pour les projets expérimentaux, il n'existe pas en revanche un cadre normatif pour les insérer dans le réseau sanitaire national. Les mesures les plus significatives de réduction des risques restent donc à l'état embryonnaire et expérimental faute d'une répercussion nationale suffisante. Le même problème de discontinuité se pose également pour la méthadone qui n'est pas acceptée pareillement par tous les opérateurs créant ainsi un ensemble de discontinuités territoriales. Ces inégalités donnent lieu à d'importants contrastes des taux de contamination à VIH. Ainsi, selon Galli et Rezza, en 1997 40% des toxicomanes des régions de Ligurie (Gênes) et Emilie-Romagne (Bologne) étaient Hiv-séropositifs, 30% dans le Latium (Rome) et 10% en Campanie (Naples)438(*)438(*).

Au terme de cette réflexion, il apparaît que la réduction des risques n'est pas une stratégie univoque. Elle peut représenter une véritable politique de réforme visant à transformer les normes culturelles sur les drogues afin de permettre une meilleure intégration des consommateurs. Elle peut, en revanche, se limiter à un ensemble de mesures sanitaires d'urgence retenues valides pour contenir l`épidémie de Sida sans pour autant s'accompagner d'une remise en cause des modèles précédents, comme c'est le cas pour l'Italie.

On peut déduire de cette diversité d'approche, une pluralité d'application de la réduction des risques. C'est à partir du même principe que les Etats vont adopter un ensemble de mesures très hétérogènes : celles ci vont de la distribution de seringues à la mise en place de programmes à base d'héroïne, avec une longue série de nuances. L'application de la réduction des risques s'est suivie par conséquent de résultats très hétérogènes en fonction de la définition adoptée au préalable. Ces limites sont cependant, comme en témoignent les exemples anglais, allemand, suisse et hollandais, davantage liées aux diverses conceptions en jeu qu'à une limitation intrinsèque du concept de réduction des risques. Il s'agit d'analyser comment les outils de la réduction des risques se sont implantés au sein de chaque configuration nationale et quels en ont été les effets.

2 La mise en place de la réduction des risques : dispositif, résultats et limites

2.1 Les instruments de la réduction des risques

La première réponse significative à l'épidémie de Sida chez les toxicomanes en Europe fut la création de programmes sanitaires d'urgence d'aide aux toxicomanes destinés à réduire les risques d'infection. Ce fut le cas en Italie par exemple où se développèrent des unità di strada (littéralement « unités de rue ») dont le premier projet naquit durant l'hiver 1991 à San Giuliano Milanese, dans une proche banlieue de Milan439(*)439(*). Cette expérience fut la première de nombreuses autres qui présentent certains points communs : une formation des équipes sur les aspects cliniques épidémiologiques et les implications psychologiques liées à la population toxicomane, une phase de connaissance du terrain d'action et des populations fréquentées, une approche non discriminante et un ensemble d'actions sanitaires (distribution de seringues, tampons et préservatifs) afin d'assurer une diminution des comportements à risque et enfin un accompagnement en direction des services socio-sanitaires.

Une expérience comme celle de San Giuliano Milanese s'est construite à partir de deux éléments qui demandent à être analysés. Le premier principe est celui de la mise en place de programmes d'échange de seringues (PES) auprès de la population toxicomane. Ceux-ci ont constitué l'un des éléments les plus symboliques de la réduction des risques. Le second principe est celui d'un travail de proximité avec les toxicomanes qui est né dans le cadre de l'application des PES. Il ne se réduit cependant plus aujourd'hui à la distribution de matériel sanitaire mais il est devenu progressivement un outil majeur dans la prévention de la toxicomanie.

2.1.1 De la prévention des risques sanitaires à la prévention de la toxicomanie

2.1.1.1 Les Programmes d'Echange de Seringues en France

La mise en place des PES fut particulièrement longue en France ; elle symbolisa la première mesure de réduction des risques. La vente libre des seringues fait l'objet d'une décision ministérielle en 1987 et les programmes d'échange de seringue se développent au sein des Centres spécialisés à partir de 1994. Le mode de transmission du VIH lié au partage de seringues souillées a pourtant été mis en évidence en 1981440(*)440(*). La prise en compte du risque de transmission de l'infection à VIH chez les toxicomanes intraveineux a nécessité près de quinze ans en France tandis que l'échange de seringue a eu lieu dès 1986 au Royaume-Uni ou encore 1987 en Allemagne. Comment rendre compte de cette « exception française » ?

Depuis 1972 un décret réglemente en France la vente des seringues afin de dissuader les toxicomanes d'utiliser des drogues injectables (héroïne, cocaïne, amphétamines)441(*). Ce décret édicte un monopole de la vente des seringues au profit des pharmacies et des établissements spécialisés dans le commerce médico-chirurgical et soumet leur délivrance à des conditions drastiques442(*). Les seringues ne peuvent être cédées au public que sur ordonnance et aux personnes majeures pouvant justifier leur identité. Face à ces mesures dissuasives, les toxicomanes ont alors pris l'habitude de s'échanger les seringues en leur possession.

Claude Olievenstein est l'un des premiers spécialistes à envisager la vente libre des seringues. Il propose une réforme le 1er avril 1985 qu'il défend à travers la presse443(*). Il obtient une certaine écoute de la classe politique française qui ne s'ensuit toutefois pas de conséquences notables. Le président de la Commission sur les stupéfiants écrit en octobre 1986 dans une note qu'il n'est pas « en mesure d'avancer un avis sur le plan scientifique et technique » et qu'il apparaît que « la solution est une décision d'opportunité politique »444(*).

Le milieu professionnel de la toxicomanie est globalement hostile à la mise en vente des seringues, elle est perçue comme une fausse solution voire comme une incitation à l'usage de stupéfiants445(*)445(*). En 1987, Michèle Barzach, ministre de la Santé, décide de libéraliser la vente de seringues dans les pharmacies446(*). Le décret ne sera signé par le ministère de l'Intérieur et le ministère des Finances qu'après l'intervention de Michèle Barzach auprès du Premier ministre447(*). L'année 1987 inaugure, selon Anne Coppel, par la mise en vente libre des seringues, la politique de réduction des risques en France448(*).

Le décret de mise en vente libre des seringues n'est tout d'abord adopté qu'à titre provisoire pour une durée de un an. La mesure est prolongée en 1988449(*) puis pérennisée en 1989450(*). L'INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale) et l'IREP (Institut de recherche en épidémiologie de la pharmacodépendance) soulignent l'efficacité de la mesure ce qui permet son adoption définitive. Le taux de contamination à VIH s'est sensiblement modifié : au sein des centres spécialisés, 33,8% des toxicomanes s'ayant injecté de la drogue pour la première fois en 1983 étaient séropositifs contre seulement 1,3% pour ceux dont la première injection est postérieure à 1992451(*).

Le retard français de mise à disposition des seringues a toutefois été à l'origine d'une première catastrophe sanitaire. Entre le 1er avril 1985, date à laquelle Claude Olivienstein demande au gouvernement l'abrogation du décret de 1972 en raison des risques de propagation du VIH qu'il implique, et le 13 mai 1987, date du « décret Barzach », le partage des seringues aurait causé la contamination directe de 16 800 personnes452(*). Pour répondre aux responsabilités politiques, deux associations (l'Association Auto-support et prévention du VIH parmi les usagers de drogue (ASUD) et le Mouvement de la légalisation contrôlée (MLC) et quatre toxicomanes contaminés pendant cette période saisissent en 1995 la Cour de justice de la République d'une « plainte sans constitution de partie civile pour coups et blessures involontaires » contre sept ministres453(*)453(*). Les plaignants reprochent aux dirigeants politiques leur retard ou leur refus à signer le décret rendant les seringues accessibles. La plainte est cependant classée sans suites454(*) et le recours devant la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) est rejeté455(*).

En 1990, la DGS charge deux centres et Médecins du Monde (MDM) d'expérimenter des programmes d'échange de seringues (PES), et elle décide en 1992 de l'étendre à l'ensemble des centres456(*). Pourtant les PES ne se développent au sein des centres spécialisés, qui présentent de nombreuses réticences, qu'à partir de 1994. Les professionnels des lieux spécialisés refusent, dans la peur d'une ambiguïté de leur rôle, d'introduire les seringues au sein des structures de toxicomanie. Le témoignage d'une éducatrice spécialisée de la ville de Grenoble  illustre les résistances du milieu professionnel :

« C'est pour cela qu'à l'époque, en 1985-1986, quand il y a eu l'apparition du Sida et des hépatites puis que l'on a mis les programmes d'échange de seringues, nous on début, on s'est un petit peu « attrapé » avec AIDS : eux voulaient que nous, nous distribuions des seringues et nous, on ne peut pas ; nous sommes ici pour que les gens mettent de la distance avec leur produit. Alors qu'il y ait des lieux qui échangent des seringues, c'est tant mieux. Mais nous, on ne peut pas, en tant que centre de soins, distribuer des seringues » Une éducatrice spécialisée au centre Hauquelin, Grenoble457(*).

Cette difficulté d'application des PES est accrue du fait que le simple port d'une seringue constitue une présomption d'usage au regard du droit français. Anne Coppel souligne ce paradoxe : « Il est incohérent de mettre les seringues en vente libre et de criminaliser les toxicomanes qui les ont sur eux pour présomption d'usage »458(*).

Une série de mesures vont renforcer la prévention des infections au cours des années quatre-vingt-dix. décret adopté en 1995458(*) permet aux associations à but non lucratif, ainsi qu'à toute personne physique menant une action de prévention des risques, de délivrer gratuitement des seringues stériles. Un travail de prévention et de sensibilisation se met également en place au sein des pharmacies ; c'est le cas par exemple de l'association Apothicom qui met en vente au prix de 5 francs, une trousse de soins, baptisée « Stéribox » composée d'un préservatif, de deux seringues, de tampons d'alcool, d'un étui pour les seringues utilisées, de l'eau pour les préparations injectables et d'un message de prévention. En 1995, plus de deux millions de Stéribox ont été vendu tandis que les PES ont permis de distribuer 916 000 seringues460(*).

Enfin des actions sont menées autour de l'utilisation de l'eau de Javel, qui selon des recherches américaines dispose d'une forte efficacité dans la prévention du Sida chez les toxicomanes461(*). Une étude menée par l'IREP en France en 1992 démontre la forte capacité des toxicomanes à modifier leurs comportements à risques grâce à la distribution de fioles d'eau de Javel. Néanmoins une lettre de la DGS précise aux associations que « le nettoyage à l'eau de Javel ne doit être utilisé qu'en cas de dernier recours. Il permet de réduire, mais pas d'éliminer, les risques de contamination pour les usagers qui réutilisent une seringue, et à fortiori pour ceux qui persistent à partager une seringue »462(*).

La France a témoigné de nombreuses résistances à la mise en place de programmes d'échange de seringue et à la prévention du risque de l'infection à VIH chez les toxicomanes à voie intraveineuse. Au terme d'une lutte longue de quinze ans, les pressions exercées par les associations et certains professionnels de la toxicomanie a conduit à la mise en place de toute une série de mesures d'actions publiques. Par exemple, en 1999, plus de 18 millions de seringues auraient été distribuées aux usagers de drogues par voie intraveineuse en France463(*)463(*). Ce chiffre suffit à rendre compte d'un retournement des politiques publiques françaises.

La prise en compte du risque d'infection à VIH encouru par les toxicomanes de drogues par voie intraveineuse a constitué une mesure clef du dispositif de la réduction des risques. La distribution de matériel sanitaire a permis de réduire les risques d'infection de façon drastique. Ces distributions ont eu lieu dans plusieurs contextes, elles ont permis de souligner le problème de l'accès aux toxicomanes. La réduction des risques n'a ainsi pas seulement rendu possible la prévention des risques d'infection chez les toxicomanes, elle a également renouvelé les modes d'approche des toxicomanes. En effet, le risque d'infection était particulièrement élevé chez les toxicomanes les plus marginalisés, ceux qui n'entretenaient aucun contact avec une structure de soin. Les PES ont contraint à aller à l'encontre des héroïnomanes sur leur lieu de vie, là où ont effectivement lieu les pratiques à risque. C'est ainsi qu'un travail de proximité a été développé et mis en place dés le début des années quatre-vingt en Europe. Il s'est progressivement élargi, en raison de ses résultats, à l'ensemble des dispositifs en matière de drogues jusqu'à constituer un modèle de prévention de la toxicomanie.

2.1.1.2 Une culture de l'outreach work : vers une prévention globale de la toxicomanie

Le « travail de proximité »464(*) est une traduction approximative du terme anglais outreach work (qui signifie littéralement « travail au-dehors pour atteindre ») mais que les intervenants eux-mêmes appellent « travail de rue » ou « à bas seuil d'exigence »465(*). Les programmes «outreach» désignent ainsi dans une définition étymologique et stricte du terme l'ensemble des activités destinées à atteindre les individus difficiles à rejoindre tels que les toxicomanes. Hartnoll décrit ce terme avec plus de précision comme « une activité orientée vers la communauté, qui vise à entrer en contact avec des personnes ou des groupes issus de populations particulièrement ciblées, qui ne sont pas efficacement contactés ou atteints par les services existants ou par les circuits traditionnels d'éducation pour la santé »466(*).

Cette définition met en évidence le fait que le travail de proximité n'est pas spécifique au domaine de la toxicomanie. En effet, ce type d'intervention a été remis à l'ordre du jour avec l'épidémie de Sida mais il s'inscrit dans une histoire bien antérieure qui remonte au 19ème siècle durant lequel il a été expérimenté auprès des populations en situation de précarité. Le travail de proximité a été utilisé après cela durant l'après Seconde Guerre mondiale pour atteindre les jeunes considérés comme déviants (pauvres, jeunes, usagers de drogue), puis il a été ciblé à la fin des années soixante sur les jeunes consommateurs de drogue. Les services d'assistance décentrés qui se sont développés dans le secteur de la toxicomanie ont été fortement influencé par les travaux de l'école de Chicago467(*). Ces services se sont mis en place de manières très diverses entre les pays européens selon leurs cultures. Ainsi, ils se sont développés rapidement au Danemark sous l'action d'associations et de groupes d'auto-support tandis qu'ils sont apparus de façon tardive en France au sein des institutions médicales. Ces activités ont enfin connu une forte accélération au cours des années quatre-vingt sous le fléau du Sida puis se sont élargis durant les années quatre-vingt-dix aux consommateurs des « nouvelles drogues »468(*).

Les projets de travail de proximité partent tous de la conviction qu'il est préférable d'améliorer les conditions de vie d'un toxicomane plutôt que d'attendre la dégradation de son état de santé qui constituera un handicap, et non pas un avantage, à la réalisation d'un programme thérapeutique469(*)469(*). Ces interventions à bas seuil ont pour but de colmater l'espace qui existe entre les traitements thérapeutiques ambulatoires et communautaires et la rue où se trouvent tous ceux qui n'ont pas encore intégré ces programmes.

Les objectifs des unités de proximité sont généralement les suivants : distribution de matériel (seringues, préservatifs et fioles d'eau distillée), interventions d'urgence à partir du Narcan (médicament utilisé dans la prévention des overdoses), distribution d'information (prévention des overdoses, le « trou propre »), suivi de la situation épidémiologique des lieux d'agrégation, de vente et de consommation de substances narcotiques, contact avec les toxicomanes hors de tout réseau thérapeutique et accompagnement vers un service. Certains services ont cependant des objectifs particuliers. C'est le cas par exemple des unités de proximité développées en Grèce, aux Pays-Bas et en Norvège qui visent à évaluer la perception qu'ont les toxicomanes des services de soin afin de renforcer l'efficacité de leur travail.

La portée du travail de proximité a aujourd'hui considérément évolué. Il ne s'agit plus seulement de répondre à une situation sanitaire d'urgence et d'exercer un rôle de prévention des pratiques dangereuses. Le travail de proximité est désormais considéré comme un élément à part entière de la prévention et du soin de la toxicomanie. Il existe différents types de travail de proximité. Une monographie publiée en 1999 par l'OEDT470(*) (connue sous l'acronyme Emccda en anglais) en distingue 4 modèles471(*) : le travail de rue auprès des jeunes délinquants, la recherche de clients (qui a pour objectif d'inciter les toxicomanes à entreprendre une cure de réhabilitation), l'auto-support et enfin le modèle de Santé publique (réduction des risques).

Le premier modèle, le Youth Work Model ou « travail auprès des jeunes », s'est développé en Europe au cours des années soixante et vise en particulier les plus jeunes. Les interventions ne sont pas tournées spécifiquement vers les consommateurs de drogue mais vers une cible potentielle. Les programmes consistent en un ensemble d'activités éducatives et de temps libre et sont organisés le plus souvent par des animateurs pour jeunes. Ce type de prévention est essentiellement diffusé en Allemagne, Autriche et en France472(*)472(*).

Le second modèle, le Catching Clients Model, c'est à dire la « recherche de clients », s'est diffusé à partir des années soixante-dix et repose sur un programme d'abstinence qui a lieu le plus souvent au sein d'une communauté. On trouve ce type de prévention dans les Pays scandinaves, en Italie, au Royaume-Uni et en moindre mesure en Grèce.

Le troisième modèle, le Self-Help Model ou « auto support », s'est développé depuis la fin des années soixante-dix et au cours des années quatre-vingt ; il vise l'amélioration des conditions de vie des toxicomanes par des programmes d'éducation à la santé. La Hollande constitue l'exemple même de cette prévention473(*).

Enfin le quatrième modèle, le Public Health Model c'est à dire le « modèle de santé publique » est apparu à la fin des années quatre-vingt et vise la réduction des risques encourus par les toxicomanes par le biais de programmes de distribution de seringues, de préservatifs et d'informations. La principale distinction avec le troisième modèle vient du fait qu'il est l'oeuvre de professionnels de la santé ou d'opérateurs de rue tandis que le troisième est réalisé par d'anciens toxicomanes et des opérateurs de communauté.

La France a particulièrement développé ce type de travail de proximité à partir de 1995 en multipliant les actions de distribution de matériel sanitaire. Le Conseil national du Sida (CNS) remarque ainsi dans une évaluation réalisée en juin 2001474(*) que les missions de « première ligne», définies comme « l'ensemble des actions mettant les intervenants directement au contact avec les usagers de drogues », ont fait l'objet d'un considérable effort financier des pouvoirs publics. Le budget des actions de proximité contribuant à la réduction des risques chez les UDVI est passé de 24,6 millions de francs en 1994 à 102 millions de francs en 1999. Les crédits ont donc plus que quadruplé. Ces efforts ont donné lieu à un ensemble de résultats concrets475(*)475(*): il existait en 1999 en France deux sleep-in (lieux d'hébergement de nuit), 88 PES (dont quelques structures mobiles, et auxquels il faut ajouter 148 distributeurs de matériel stérile), et 34 boutiques de proximité. Ces chiffres reflètent cependant mal l'insuffisance de la couverture territoriale. Paris offre de loin la gamme et la densité de lieux d'accueil les plus importantes, tandis qu'en 1999, plus de la moitié des villes de plus de 70.000 habitants ne disposaient d'aucun programme.

Les centres d'agrégation polyvalents, destinés aussi bien à des personnes sous traitement qu'à des personnes souhaitant obtenir des informations, doivent également être considérés comme des lieux de travail de proximité, basés sur le Youth Work Model, bien qu'ils ne répondent pas au schéma classique de l'échange de seringues. Leurs principales fonctions sont : informer les toxicomanes sur les risques encourus et comment les éviter en promouvant ainsi l'éducation sanitaire, informer et orienter sur les possibles traitements thérapeutiques et de substitution, informer les toxicomanes et notamment les immigrés sur les questions de travail et de droits sociaux, proposer un lieu de discussion et de rencontre entre toxicomanes et enfin offrir un lieu de loisir à l'aide d'un ensemble d'activités (cours d'informatique, de guitare, etc.). Les activités d'animation ne sont pas une fin en elles-mêmes476(*), pas plus que ne l'est l'échange de seringues. Le dénominateur commun entre les PES et les centres d'agrégation est la volonté d'établir une relation sociale entre le réseau thérapeutique et les toxicomanes.

« Le travail de proximité permet une intervention de contact direct avec les personnes toxicomanes pour mettre en acte les stratégies de réduction des risques et offrir une relation d'aide également à ceux qui n'ont pas en ce moment l'intention de se désintoxiquer pour divers motifs (manque d'informations sur les opportunités thérapeutiques, manque de motivation, etc.). Le but ultime étant de se présenter comme un lien entre une possible demande d'aide de la personne et les services pour toxicomanes qui opèrent sur le territoire »477(*)477(*)

La définition la plus juste du travail de proximité en matière de toxicomanie pourrait être celle qu'en donne Mougin Chantal: « Le travail de proximité dans le domaine des drogues est une méthode active employée par des professionnels, des bénévoles ou des pairs, pour renter en contact avec des usagers de drogue. Ses objectifs sont de les informer sur les risques associés à la consommation de drogue, les aider à réduire ou éliminer ces risques et/ou à améliorer leur condition physique ou psychosociale par des moyens individuels ou collectifs »478(*).

Le Bus « Echange Prévention »

Nous souhaitons proposer ici la présentation d'un projet de « travail de proximité » à partir de la description que fait Pascal Courty d'un « Bus Echange-Prévention » (BEP) basé sur le Youth Work Model479(*). Le BEP est né d'une première initiative de l'Association nationale d'aide aux toxicomanes (ANAT) qui, grâce à un financement du ministère de la Jeunesse et des Sports, a assuré une mission de prévention auprès de festivals comme le Printemps de Bourges ou encore les Francofolies de la Rochelle. Le BEP effectue également des actions de prévention autour de la ville de Clermont-Ferrand. Le principal objectif est la création d'un lien social durable entre l'équipe et les jeunes. Le BEP accueille chaque année entre 400 et 600 personnes dont 60% de moins de 18 ans. Le BEP est désormais l'oeuvre d'une collaboration avec le CSST de Clermont-Ferrand qui met à disposition une équipe composée d'un chauffeur-animateur, de deux à trois éducateurs spécialisés dans l'intervention auprès du public toxicomane et d'un psychiatre.

Pascal Courty résume les questions auxquelles l'unité mobile était censée répondre : « Comment attendre les jeunes sans qu'ils se sentent agressés ? Comment les apprivoiser pour faire passer des informations ? [...] Comment faire passer de l'information continue et variée alors que l'habitude veut plutôt que l'on fasse des actions coup de poing et uniques ? Comment faire venir dans un lieu des jeunes qui se sentent perdus dans des structures inertes, reçus derrière un bureau ». La création d'une unité mobile de prévention avait donc pour premier objectif d'atteindre les plus jeunes. Cette unité mobile répondait aux même règles que celles pratiquées dans le centre de soins de Clermont-Ferrand, à savoir : le libre accès, le respect de l'anonymat, l'interdiction de substances licites et illicites et de tout usage de violence.

La structure offre trois types de services : un espace d'accueil pouvant recevoir jusqu'à 8 personnes facilitant les discussions informelles autour d'une boisson, une salle d'accueil afin d'avoir une discussion plus spécialisée et un cabinet médical pour un problème particulier. Les sujets abordés, précise Pascal Courty dépassent bien sûr largement le cadre de la toxicomanie qui n'est jamais abordée d'emblée à l'inverse de sujets beaucoup plus vastes comme la sexualité, la contraception, le Sida et les maladies sexuellement transmissibles, la violence ou encore l'école. Le BEP est d'avantage un moyen d'information que d'échange de seringues, les jeunes ne souhaitant pas être identifiés à des toxicomanes dans leur quartier.

Le BEP est également utilisé lors de festivals musicaux et théâtraux comme outil de prévention. Il s'agit à cette occasion d'appliquer la réduction des risques à deux niveaux : en limitant les risques infectieux (VIH, hépatites) et les risques toxiques liés aux substances elles-mêmes. Cela se traduit par la distribution et l'échange de seringues, d'eau pour préparation injectable, de tampons alcoolisés et de Stéricups, c'est à dire une coupelle stérile permettant d'effectuer le mélange d'eau et de poudre (héroïne, cocaïne) avant l'injection permettant ainsi de limiter les risques de propagation de l'hépatite C. Il s'agit de souligner les risques de chaque drogue prise individuellement mais aussi des associations de substances entre elles ou avec des médicaments, dont les produits de substitution. Le travail effectué permet également de retracer les évolutions des modes de consommation qui ont lieu lors des regroupements festifs.

Les principes de fonctionnement sont simples, il s'agit tout d'abord de marquer la visibilité et la permanence du BEP et de l'équipe soignante afin d'établir un rapport de confiance avec les toxicomanes. Toute distribution de matérielle repose sur une démarche individuelle du toxicomane qui doit pénétrer dans le bus de sa propre initiative. A ces règles élémentaires, deux autres principes s'ajoutent : la discontinuité de la présence et le refus d'associer des soins d'urgence. Le BEP tout d'abord n'assure pas une présence 24h/24h et privilégie une présence discontinue afin d'inciter à une « responsabilisation du consommateur de substances psychoactives ». Il s'agit de l'inciter à autoréguler sa consommation de seringues, éviter un type d'assistanat et favoriser ainsi un premier acte de réinsertion sociale. Pascal Courty écrit dans ce sens que « c'est un moyen comme un autre de les aider à se projeter dans un avenir même proche, qui est la base de toute reconstruction identitaire ». Le second principe est le refus d'assurer des soins somatiques ou d'urgence. En cas de problème médical les secours d'urgence sont appelés. Ce principe répond au refus de médicaliser l'intervention du BEP qui correspond avant tout à une intervention sociale. On peut d'ailleurs remarquer la prépondérance des opérateurs sociaux sur le personnel médical au sein de l'équipe.

Pascal Courty pose enfin une dernière limite à la fonction du BEP : l'accueil proposé doit rester volontairement « précaire », sans quoi le risque d'un effet pervers peut faire irruption. Il témoigne ici de sa crainte de voir les unités mobiles comme le BEP se transformer en refuge pour toxicomanes480(*)480(*).

La mise en place de programmes de distribution de matériel sanitaire a constitué une mesure clef de la réduction des risques. Elle visait avant tout à répondre à la situation d'urgence que constituait l'épidémie de VIH. Elle a toutefois permis, comme nous l'avons établi, de mettre en place une modification durable de la culture d'intervention en matière de toxicomanie. Des unités de « travail de proximité » se sont en effet mis en place pour répondre à la nécessité de distribuer le matériel sanitaire.

Ces unités se sont cependant fortement diversifiées afin de répondre à une pluralité de situation, l'objectif n'étant alors plus seulement la distribution mais l'établissement d'un lien social avec les populations toxicomanes marginalisées481(*). Mieux encore, la distribution de matériel est devenue un prétexte au rapport établi entre l'opérateur et le toxicomane. On est ainsi passé progressivement d'une prévention des risques à une prévention de la toxicomanie. L'objectif du travail de proximité est d'établir un contact qui puisse permettre ultérieurement l'orientation vers un programme thérapeutique. Il s'agit d'assurer les conditions de santé du toxicomane et de l'« accompagner » jusqu'au traitement. Cette modification a contraint à adapter les instruments de la thérapie. Les programmes fondés sur l'abstinence semblaient alors trop rigides pour répondre aux besoins des toxicomanes. La diffusion du VIH a rendu nécessaire, en outre, la possibilité de substituer l'héroïne par une substance pouvant être utilisée sans risques d'infection, c'est à dire par voie orale. Les programmes de substitution sous méthadone sont apparus comme la solution à ces problèmes.

2.1.2 Substituer l'héroïne : vers un usage thérapeutique des drogues

2.1.2.1 Un principe reconnu universellement mais inégalement appliqué

La méthadone s'est imposée comme le produit de substitution le plus utilisé dans le monde. Bien que la méthadone fut connue dès les années 70 en Europe, (en 68 à Londres et à Amsterdam), son développement a suivi des mouvements très différents d'un pays à l'autre, dans des contextes de politiques sanitaires variés. Elle est aujourd'hui utilisée dans certains pays en voie de développement comme le Népal et se trouve mise en discussion dans d'autres pays réputés pour leur conservatisme idéologique comme la Turquie et le Bengladesh. Le nombre de personnes en traitement sous méthadone dans le monde serait estimé à près de 250.000 selon Fazzi et Scaglia482(*)483(*). Didier Touzeau Jacques Bouchez comptabilisent en revanche plus de 300 000 patients en traitement en Europe, 180 000 aux États-Unis et 20 000 en Australie484(*).

La méthadone est apparue en Europe dans le cadre de l'application de la politique de réduction des risques et de la lutte contre l'épidémie de Sida485(*). Les pays européens n'ont toutefois pas tous accordé la même importance aux traitements de méthadone, en fonction notamment de leur culture thérapeutique. La mise en place inégale des programmes s'est ainsi répercutée par d'importants écarts de prise en charge entre les différents pays européens486(*). La France s'est pendant longtemps caractérisée par un important retard en confrontation de ses voisins. En février 1994, le dispositif de soins aux toxicomanes français ne comprend que 77 places pour les traitements de substitution de méthadone pour une population d'héroïnomanes pris en charge estimée entre 13 000 et 18 000 individus487(*). A la même date on compte 9 500 traitements en Espagne, 17 000 en Grande Bretagne (soit 10% de la population héroïnomane), 15 650 en Italie, 10 300 en Suisse (soit 35%), 8 400 aux Pays-Bas (soit 35 à 40%)488(*)488(*). En septembre 1993, seules six institutions de soins spécialisés françaises possèdent un programme de substitution, tandis qu'on en recense à la même époque 250 en Grande-Bretagne.

La méthadone constitue la principale substance utilisée dans les programmes de substitution et il est par conséquent important d'en retracer l'histoire489(*). La méthadone est un médicament analgésique narcotique à longue durée d'action, synthétisé en Allemagne à la fin des années 1930. Il a été utilisé en tant qu'opiacé de synthèse durant la seconde Guerre mondiale pour calmer les douleurs des blessés. Son utilisation thérapeutique a été abandonnée durant l'après-guerre, mis à part quelques médecins américains qui l'utilisaient pour sevrer les consommateurs d'opium ou d'héroïne. Puis la méthadone a connu un regain d'intérêt au début des années 60. Son utilité a alors été démontrée dans le traitement des dépendances aux opiacés par les Docteurs Dole et Nyswander de l'Université Rockfeller de New York. L'équipe de Vincent Dole, spécialisé dans les maladies métaboliques, avait reçu en 1962 la responsabilité du Health Research Council de New York d'étudier les possibilités de traitement de la toxicomanie.

Dole et Nyswander partent de l'idée que les toxicomanes pourraient stabiliser leur mode de vie si la prescription d'un agoniste opiacé leur permettait de ne plus ressentir ce besoin renouvelé de drogues. Parmi les substances étudiées (héroïne, morphine, codéine et d'autres opiacés à courte durée d'action) la méthadone fut la substance qui s'est révélée la plus apte à normaliser le comportement du patient sans qu'il présente des symptômes d'anxiété liés au désir de drogue (craving)490(*). Dole notait également que le dosage de méthadone présentait la particularité de bloquer les effets des autres opiacés. En outre, le seuil de tolérance restait identique permettant ainsi un traitement indéfini. La méthadone gardait enfin son efficacité en étant ingéré par voie orale, permettant ainsi de réduire les risques d'infection par voie intraveineuse.

C'est en 1963 qu'un chercheur canadien, le Docteur Robert Halliday, mit en place le premier programme de traitement par la méthadone en Colombie britannique. Ce traitement se révéla très efficace et il bénéficia d'un fort développement aux Etats-Unis où les pouvoirs publics en reconnaissent le principe et en étendent l'usage. Les programmes de substitution de méthadone s'amplifièrent alors très rapidement dès les années 60 jusqu'au début des années soixante-dix491(*)491(*). Les toxicomanes sous traitement étaient 1 000 en 1968 mais plus de 25.000 en 1971.

L'approche thérapeutique américaine à partir de la méthadone est toutefois très similaire à celle opérée à partir de l'héroïne : il s'agissait d'une approche uniquement médicale et individuelle qui ne tenait pas compte du contexte social dans lequel avait lieu la consommation de substances. L'approche sociale a été négligée au profit d'une simple distribution de méthadone. La méthadone a alors été vendue au marché noir et de nombreux effets pervers sont apparus (création d'un trafic, overdoses) chez des consommateurs qui n'étaient auparavant pas dépendants aux opiacés.

Le président Nixon déclare l'état d'urgence national en 1972, date à partir de laquelle vont proliférer un ensemble de traitement divers, des communautés thérapeutiques aux centres de désintoxication. La principale critique adressée à la méthadone était de considérer cette substance comme une drogue ce qui revenait ainsi à « substituer une drogue par une autre ». La nouvelle moralité lancée par Reagan durant les années quatre-vingt et la réduction du budget des programmes sociaux vont mettre fin à l'expérience de la méthadone. Ainsi de 1976 à 1987 les fonds publics pour la méthadone de substitution subissent une baisse de 30% entre 1976 et 1987.

Dans les années 80, les évaluations sont aussi nombreuses, que contradictoires. Toutefois, c'est aux études de Ball et Ross492(*) que l'on doit d'avoir mis à jour les différences de résultats obtenus par les centres, essentiellement liés à la qualité des programmes et non en priorité à l'évolution de la toxicomanie sous traitement de substitution. En analysant les facteurs prédictifs de réussite des programmes dans cinq centres (villes de New York, Baltimore et Philadelphie), ils ont pu mettre en évidence que la durée de rétention était liée à la qualité de l'accompagnement psychosocial, aux actions de réinsertion menées, aux orientations thérapeutiques prises et nécessitaient des cures de long terme et des dosages de méthadone suffisants (pas moins de 60 mg par jour) ainsi qu'une équipe compétente, stable et connaissant les produits.

Le développement de la méthadone n'a pas suivi un schéma régulier en Italie493(*). Elle est apparue en Italie dés le début des années quatre-vingt et a fait l'objet d'une forte utilisation (1ère phase), les pouvoirs publics ont alors préféré limiter son développement dans la seconde moitié des années quatre-vingt (2nd phase), après quoi ils ont été contraints de ré-envisager les traitements de méthadone face à l'épidémie de VIH au début des années quatre-vingt -dix (3ème phase).

La méthadone a été utilisée de façon très forte dans toute l'Italie au début des années 80 suite aux « Décrets Aniasi » qui en définissaient les modalités d'applications. Elle représentait alors pour les toxicomanes et leurs familles un « droit pour trouver la voie du salut ». Puis les communautés furent jugées comme la seconde « solution magique » à la sortie de l'état de toxicomanie. La création des Sert a contribué à reléguer la méthadone au second plan en développant l'idée de « traitement multidisciplinaire » et en reléguant les médecins dans un rôle secondaire en faveur d'une approche psychosociale démédicalisée. Le fait de ne pas recourir à la méthadone constituait au milieu des années 80 une fierté de certains services, tandis que les traitements médicamenteux étaient limités pendant plusieurs années au seul traitement des symptômes physiques.

A la fin des années 80, l'épidémie de VIH a contraint à substituer massivement l'héroïne par la méthadone tandis que certains critiquaient les Services de « bar metadonici » c'est à dire de « café de la méthadone ». Le ministère de la Santé italien rappelait en 1994 qu'un traitement de substitution à partir de méthadone est indispensable pour les cas de dépendance aux opiacés stabilisés494(*). Ils sont cependant décrits comme des programmes socio-réhabilitatifs dont l'objectif principal reste le dépassement de toute forme de dépendance aux substances dont le médicament substitutif.

La mise en place des programmes de substitution s'est heurtée en Italie à une culture professionnelle qui privilégie l'approche communautaire ou sociale. L'usage de la méthadone reste encore souvent lié à la perspective de l'abstinence, et par conséquent au sens étroit de la réduction des risques. Ces réticences du milieu professionnel ne sont pas sans conséquences sur les traitements eux-même. Marc Orsenigo accuse certains opérateurs spécialisés publics de sous-doser volontairement la méthadone pour condamner par avance les thérapies entreprises495(*)495(*). L'application de la réduction des risques connaît donc un bilan très mitigé en Italie au point de vue des traitements de substitution.

L'acceptation de la politique de réduction des risques par la France a rencontré, comme nous l'avons établi, de nombreux obstacles. Toutefois alors que la mise en vente libre des seringues est confirmée par les pouvoirs publics en 1987 et que les Programmes d'Echange de Seringues sont assurés par la DGS dés 1992, l'introduction de la méthadone n'aura pas lieu avant 1995. Comment rendre compte de ce décalage et plus généralement de cette « exception française » ?

2.1.2.2 La bataille française du méthadone

La méthadone est reconnue par le milieu médical à l'échelle internationale comme un instrument utile dans le soin de la toxicomanie entre les années soixante-dix et les années quatre-vingt. Les premières manifestations d'intérêt pour la méthadone en France datent de cette époque496(*). Devant les résultats apparemment positifs des essais développés depuis quelques années aux États-Unis et dans certains pays européens, un cadre expérimental d'utilisation de la méthadone fut conçu et proposé par l'INSERM en 1973 à la demande des pouvoirs publics. Mais cette ouverture resta très limitée. Sur les quatre structures agréées pour mener cette expérimentation sur le territoire national, seuls deux centres parisiens le mirent effectivement en oeuvre (l'hôpital Fernand Widal et l'hôpital Sainte Anne) dans des conditions très restreintes qui réduisaient la portée de l'expérience497(*).

L'opinion générale des acteurs de cette époque - intervenants spécialisés, administrations, responsables politiques - était en effet réticente voire opposée à la diffusion des traitements de substitution498(*). La lecture de la toxicomanie demeure à l'époque essentiellement sociale ou psychologique. Les craintes que soulèvent les techniques substitutives sont alors celles du «contrôle social pharmacologique » et de la perte du sens de l'intervention thérapeutique si l'on « donne de la drogue » et si l'on rend « le patient dépendant » dépendant d'un traitement médicamenteux. Les spécialistes du secteur de la toxicomanie s'affrontent entre 1986 et 1988 sur les différentes options thérapeutiques à adopter sans que toutefois cela remette en cause la finalité du dispositif spécialisé qui reste l'abstinence. Le consensus anti-substitution a maintenu pendant une vingtaine d'années la méthadone dans un statut expérimental et extrêmement marginal.

Il faut ajouter que, depuis la fin des années 70, la France a connu une très forte consommation de médicaments codéinés (sirops anti-tussifs, Néocodion®, Nétux®, codéthyline, etc.) dont 80 % étaient utilisés en auto-substitution par des personnes héroïno-dépendantes499(*). La codéine est en effet disponible sans prescription médicale, une exception par rapport aux autres pays européens, ce qui la rend très facilement accessible. De nombreux toxicomanes se sont alors détournés de l'héroïne (pour une question de coût monétaire) en privilégiant les codéinés comme les sirops antitussifs dont le prix les rendait attractifs. En 1994, on estimait à 50 000 le nombre de personnes qui faisaient un usage quotidien de la codéine en auto-substitution en France, et les ventes de Néocodion® atteignaient 1 million de boîtes par mois. Ces produits ont entraîné une forte dépendance, parfois supérieure à celle due à l'héroïne. Cette «soupape » non officielle et quelque peu hypocrite a contribué à maintenir la croyance en la possibilité de se passer de traitements de substitution prescrits. Les toxicomanes ont également recourt aux benzodiazépines. Ceux-ci vont toutefois contribuer, du fait de leur fort pouvoir amnésique, à détériorer la représentation sociale des toxicomanes poussant les toxicomanes vers le « manque » ou l'« agitation ». La prescription de ces produits, et notamment du Néocodion® ont largement diminué après la mise sur le marché des traitements de substitution légaux, comme le souligne le graphique.

Document 3 : Courbe des ventes de Néocodion® de 1990 à 2001

Source : Graphique extrait de Augé-Caumon M-J., Bloch-Lainé J-F., Lowenstein W., Morel A., L'accès à la méthadone en France. Bilan et recommandations, Rapport réalisé à la demande de Bernard Kouchner Ministre Délégué à la Santé, p.36.

Au tournant des années 90, de nombreux professionnels de la santé (médecins, praticiens hospitaliers) et des associations, réclament une meilleure prise en compte des problèmes posés par le VIH chez les toxicomanes500(*)500(*). La question de la méthadone revient ainsi à l'ordre du jour, d'autant plus que l'OMS et l'Union Européenne exercent des pressions depuis 1988-1989 pour que la méthadone soit développée en France. Léon Schwarzenberg, alors ministre délégué à la Santé, avait proposé une extension des programmes méthadone en 1988 et avait été évincé du gouvernement la même année.

Une circulaire de la DGS501(*) propose l'introduction de la méthadone dans les centres spécialisés mais elle définit de façon stricte les critères d'accès à de tels programmes : les toxicomanes doivent être volontaires, dépendants majeurs depuis au moins cinq ans d'un opiacé, avoir entrepris plusieurs cures de sevrage infructueuses et témoigner d'une réelle motivation502(*). La substitution n'est, en outre, utilisée que dans un objectif d'abstinence. Entre 1990 et 1993, seules deux candidatures seront transmises à la DGS par les centres spécialisés. Les intervenants de la toxicomanie refusent de considérer la méthadone comme un outil thérapeutique503(*). Le système de soins français est alors confronté à un dilemme que résume Michel Setbon : « Faut-il comme le réclament certains, abandonner l'objectif qualifié d'utopique d'une « guérison de la dépendance » et concentrer l'action publique sur des objectifs plus accessibles, changement que traduit le concept de réduction des risques liés à l'usage de drogues ?»504(*).

Le 9 novembre 1993, des professionnels se prononcent à l'Académie nationale de médecine en faveur de l'introduction de la méthadone au sein de programmes qui doivent « se développer dans des structures spécialisées en toxicomanie, où ils représenteraient un élément parmi les autres possibilités thérapeutiques »505(*). L'ANIT se prononce en faveur de l'utilisation de la méthadone au sein d'un rapport intitulé « Pour une politique française de lutte contre les toxicomanies. Changer de cap » et publié en 1994505(*). Alain Morel, président de l'ANIT, précise toutefois la même année que « les programmes utilisant de la méthadone (ou toute autre substitution) apportent une aide thérapeutique à condition qu'ils soient menés par des professionnels expérimentés dans le domaine de la toxicomanie, capables d'accompagner les usagers et de tenir le cadre de soins »507(*).

L'arrivée de Bernard Kouchner, fervent défenseur de la méthadone et proche de l'ONG Médecins du Monde (MDM), au ministère de la Santé au début de l'année 1992 marque un tournant dans la politique de soin508(*). Il affirme, à l'occasion de la présentation de son budget à l'Assemblée nationale en octobre 1992 que l'héroïne n'a pas un caractère irréversible à l'inverse de l'infection à VIH, et qu'il est par conséquent nécessaire de redéfinir une hiérarchie des priorités de santé publique. Bernard Kouchner demande ainsi à quintupler les places de méthadones qui avaient été créées à titre expérimental en 1973. Son projet rencontre une violente hostilité politique notamment de Geogina Dufoix, présidente de la DGLDT (Délégation générale à la lutte contre la drogue), du ministre de l'Intérieur et de Jaques Chirac509(*). Sa proposition reçoit néanmoins le soutien des médecins généralistes (REPSUD), des praticiens hospitaliers s`occupant de sidéens, des associations de lutte contre le Sida et des associations d'usagers de drogue qui amorcent une campagne collective. Plusieurs conférences scientifiques ont lieu en 1993 en faveur de l'introduction de la méthadone511(*).

Toutefois, l'exemple de la ville de New York, fréquemment cité par les spécialistes français, amène à limiter le rôle de la méthadone512(*). Alors que les programmes de méthadone ont été développés très tôt à New York (1965), le taux de toxicomanes séropositifs est l'un des plus élevés au monde (39%). C'est ainsi que Alain Morel déclare qu'il « est dangereux d'établir un lien entre méthadone et prévention du Sida. La dernière mode dans notre pays est de considérer que le problème de la drogue pourrait être changé si l'on envisageait sous l'angle de la substitution. C'est une manière d'occulter le reste des problèmes ». Les professionnels de la toxicomanie soutiennent que les programmes de substitution n'ont d'effets significatifs concernant la transmission du Sida que pour les toxicomanes qui sont prêts à arrêter leur consommation. Ils rejettent ainsi la mise en place de programmes à bas seuil d'exigences513(*).

Simone Veil décide la formation d'une commission de réflexion sur la méthadone présidée par le professeur Roger Henrion. Certaines instances politiques restent réticentes telles que le ministère de l'Intérieur de Charles Pasqua, dont le conseiller de lutte contre la toxicomanie, le professeur Jean-Paul Séguéla, qui annonça comme conséquence la conversion des médecins en « dealers en blouse blanche »514(*). Sur le terrain, la clinique Liberté s'ouvre en 1993 à l'initiative de Anne Coppel et Didier Touzeau, deux « anciens » du dispositif spécialisé qui se sont « convertis ». Le protocole d'admission est strict, conformément à la circulaire de 1992. Un projet déposé par Médecins du Monde est tout d'abord rejeté par la Commission ministérielle des traitements de substitution en raison d'un manque de perspective thérapeutique515(*). Néanmoins le dossier est accepté notamment grâce à l'appui de Bernard Kouchner.

Le ministère de la Santé renouvelle en 1993 un appel à candidature pour les programmes de méthadone ; celui-ci ne pose plus comme condition thérapeutique nécessaire le principe de l'abstinence516(*). Une seconde circulaire publiée la même année délègue 4 MF pour que soient mis en place « dans les grandes villes françaises des unités de prise en charge bénéficiant de la possibilité de prescrire de la méthadone »517(*). Le soutien des autorités sanitaires locales (DDASS) rend alors possible la création de centres méthadone518(*). Entre 1993 et 1995, la France est passée de 3 centres méthadone pour 52 places à 45 centres pour plus de 1 600 places. Le processus de diffusion de la méthadone semble alors lancé.

La politique française en matière de toxicomanie confirme le choix de la substitution avec une circulaire adoptée en 1995519(*). Celle ci stipule que tous les centres sont « autorisés à prescrire et délivrer de la méthadone » sans avoir à demander un agrément. Les toxicomanes n'ont, en outre, plus besoin d'être dépendants depuis au moins 5 ans et d'avoir connu au préalable des échecs de sevrage pour bénéficier d'un programme de substitution. Une seconde circulaire réaffirme ce choix en considérant la prescription de médicaments de substitution constitue un volet essentiel de la politique de santé publique519(*). Devant le succès clinique rencontré, les centres méthadone se développent passant de 1 645 patients en 1995 à 6 000 en 2000 avec une dose moyenne de 60 mg520(*). Dès lors, « la vision utopique fondée sur l'abstinence est remplacée par une vision pragmatique fondée sur la maintenance et la stabilisation »522(*).

L'acceptation de la méthadone par la classe politique et le milieu professionnel de la toxicomanie français fut l'aboutissement d'un long combat idéologique et politique. La diffusion des programmes de substitution constitue un symbole de la victoire de la réduction des risques, c'est à dire la reconnaissance (implicite) de l'échec des politiques d'abstinence passées. Il est nécessaire de replacer cette transformation dans le cadre global de la santé qui passe d'un modèle curatif, dans lequel il s'agissait d'éradiquer la maladie, à un modèle préventif, qui consiste en la préservation de la santé523(*). La prévention devient aussi légitime que la guérison. Ainsi, « on passe lentement d'un modèle public de santé à un modèle de santé publique »524(*).

L'introduction de la méthadone représente enfin une révolution culturelle en matière de toxicomanie. Elle témoigne de l'affirmation d'une nouvelle politique (celle de la réduction des risques) et avec elle de l'adoption de nouvelles valeurs professionnelles et socioculturelles524(*)524(*). Le toxicomane n'est plus considéré comme un « malade-délinquant » qui doit être libéré de la drogue. La toxicomanie est dès lors en voie de normalisation. La méthadone marque la remise en cause de la structure des relations de pouvoir qui s'étaient stabilisées au sein du champ de la toxicomanie française. Le patient est désormais reconnu comme l'élément central de la thérapie.

« Pour les récalcitrants, le choc était double. Ils considéraient le passage à la méthadone comme un abandon tant de nos croyances anciennes que de nos patients, que nous renoncions désormais à libérer de la dépendance. En outre, cette nouvelle orientation impliquait pour eux la perte d'un pouvoir supplémentaire. C'était particulièrement vrai pour les psychologues, qui avaient animé jusque-là le rôle de pointe. C'était eux qui avaient accès au coeur du problème - l'âme des patients - et c'était eux en conséquence qui posaient les diagnostics et décidaient des traitements au cours d'évaluations d'entrée auxquelles étaient soumis tous les toxicomanes se présentant à la consultation [...] Avec la méthadone, nous allions tenir compte de la première demande des patients et négocier avec eux les projets du traitement. La psychothérapie en ferait toujours partie, mais elle cesserait d'en être le centre pour en devenir un élément parmi d'autres » 526(*)

La mise en place du principe de la réduction s'est traduit par l'apparition de nouveaux instruments de soin et de prévention qui ont révolutionné les pratiques antérieures. C'est ainsi, que des programmes de distribution de matériel sanitaire se sont développés en matière de prévention des risques infectieux. Ceux-ci ont ouvert la voie à de nouveaux modes d'intervention, tel que le travail de proximité, et ont permis d'élargir l'accès aux populations les plus marginales. Des outils spécifiques de traitement de la toxicomanie ont été mis en place, tels que les programmes de substitution de méthadone. Ces derniers ont rendu possible non seulement un renouvellement des pratiques thérapeutiques mais, surtout, la remise en cause des idéologies dominantes au sein des professionnels de la toxicomanie qui étaient le plus souvent hostiles à l'idée de la substitution.

L'application de la réduction des risques a cependant été accomplie de manière très inégale selon les pays. Elle a ainsi engendré des effets très divers selon les configurations nationales condidérées. La portée de la réduction des risques est, comme il a été établi auparavant, de double nature : elle permet d'une part de limiter les risques sanitaires encourus par les toxicomane, particulièrement ceux liés à l'épidémie de VIH, mais elle contribue d'autre part à renouveler les représentations sociales du toxicomane et de l'usager de drogues par un processus de « normalisation »

2.2 Un bilan sanitaire primordial : éviter la catastrophe

L'épidémie de VIH s'est répandue sur tous les continents de manière phénoménale. La principale voie de transmission dans le monde reste la sexualité. La toxicomanie intraveineuse a en revanche constitué un important vecteur de transmission du virus en Europe occidentale et, depuis peu, en Europe centrale et orientale. Les rapports de l'OMS et de l'ONUSIDA527(*)527(*) (Programme commun des Nations-Unies pour la lutte contre le Sida) décrivent l'« explosion » de l'épidémie qui a lieu dans le reste de l'Europe actuellement. En décembre 2000, ONUSIDA répertoriait en Europe de l'Est 700 000 personnes vivant avec le VIH/Sida, soit 0,35% de la population adulte (15 à 49 ans). Ce chiffre reste inférieur à la plupart des autres continents. En revanche, le nombre de nouvelles infections répertoriées en 2000 (250 000) laisse présager une catastrophe sanitaire imminente. Il y a eu autant de nouvelles infections en 2000 que durant toutes les années antérieures en Russie, en Ukraine en Biélorussie et dans les républiques de l'Asie Centrale.

Les pays de l'Europe de l'Ouest528(*) ont en revanche réussi à contrôler l'épidémie de VIH. Ainsi, en décembre 2000, ONUSIDA répertoriait 540 000 personnes vivant avec le VIH/Sida soit 0,24% de la population adulte. En revanche, le nombre de nouvelles contaminations était seulement de 30 000, soit le plus bas dans le monde (après l'Australie/Nouvelle Zélande). La France et l'Espagne, les deux pays les plus atteints de l'UE, comptent moins de personnes touchées que la ville de New York. La spécificité européenne se situe aussi bien dans la présence d'un Etat-providence fortement interventionniste que dans la mise en place de politiques publiques de prévention adaptées au problème529(*). Le paradigme de la réduction des risques a fortement contribué au contrôle de l'épidémie de VIH/Sida, notamment auprès de la population toxicomane. La réduction des risques a cependant fait l'objet d'une mise en place très inégale selon les Etats. Tandis que le Royaume-Uni, l'Allemagne, les Pays-Bas ou encore la Suisse ont particulièrement bien intégré ce principe au coeur de l'action publique, la France et l'Italie ont présenté de nombreuses réticences et la réduction des risques a conduit à un semi-échec.

2.2.1 Le bilan sanitaire dans l'application du principe de réduction des risques : résultats, limites et nouveaux risques

2.2.1.1 Eviter la catastrophe : un bilan positif mais inégal

Même si globalement la mortalité liée aux drogues diminue530(*), il est établi que les décès par cause indirecte sont beaucoup plus nombreux que les décès par cause directe531(*). Les maladies d'origine virale (hépatites et Sida) y contribuent largement. Celles-ci représentent le premier risque pour la santé encouru par les toxicomanes. En effet, les maladies infectieuses peuvent se transmettre par le biais de rapports sexuels mais l'on sait que c'est avant tout par l'échange de seringues. La mortalité des usagers de drogues infectés par le VIH (sans que le Sida soit nécessairement la cause directe des décès) est en Europe, encore aujourd'hui, six fois plus élevée que celle des usagers non infectés532(*). En France néanmoins, la baisse de la mortalité des usagers de drogues imputable au Sida reflète une nette amélioration de la prise en charge médicale et des résultats thérapeutiques, puisque depuis 1998, parmi les groupes de transmission, les UDVI constituent la seule catégorie pour laquelle le nombre de décès a continué à diminuer à un rythme soutenu après 1998533(*).

La réduction des risques est apparue initialement comme réponse à la menace du Sida. Le Portugal, l'Espagne, l'Italie et la France ont constitué les pays les touchés d'Europe par l'épidémie. Le nombre de cas de Sida déclarés, cumulés, au 31 décembre 1999 était de 56 491 en Espagne, 51 641 en France et 45 605 en Italie tandis qu'il était de 18 524 en Allemagne et de 16 813 au Royaume-Uni534(*). Le même écart se retrouve également entre les pays dotés d'un fort taux d'infection à VIH parmi les consommateurs de drogue intraveineuses entre 1996 et 1999 (32% pour l'Espagne, 27,4% pour le Portugal, 16,4% pour la France suivie de l'Italie avec 16,2%) et les pays peu affectés c'est-à-dire l'Allemagne (3,8%), la Suisse (2,6%) et l'Angleterre (1%)535(*).

On peut remarquer par ailleurs que les pays les plus touchées par l'épidémie de Sida se caractérisent par une forte prévalence du mode de transmission « Toxicomanie par voie intraveineuse ». L'Italie a par exemple été particulièrement touchée par l'épidémie du virus du Sida en raison d'une importante prévalence de consommateurs de drogues par voie intraveineuse536(*). Le pourcentage attribué aux toxicomanes sur le total des nouveaux cas de Sida déclarés atteint un pic durant la période 1982-1992 avec un taux de 67,4%537(*). Celui-ci est resté stable jusqu'en 1995 (60,7%). Il a alors diminué jusqu'à atteindre 43,4% en 1999, chiffre qui reste important. L'Istituto per la Sanità remarque cependant une légère tendance à la hausse depuis 1999. En effet, la toxicomanie intraveineuse représentait 63,3% des cas de Sida déclarés et cumulés (depuis le début de l'épidémie) au 31/12/2000 contre 61,8% au 31/12/1999538(*). La seconde voie de transmission est constituée des rapports hétérosexuels avec respectivement 16,4% parmi les cas déclarés de Sida en 1999539(*).

La France semble nettement moins affectée par le mode de transmission de la toxicomanie intraveineuse. Celle-ci ne représentait que de 23,4% des cas de Sida déclarés tandis que la voie homosexuelle atteignait 44,6% des cas de Sida (document n°6 et n°7). Ce phénomène s'explique tout d'abord par le fait que la France semble avoir réussi à limiter, en partie, le nombre d'infections grâce à une mise en place efficace de la réduction des risques, mais surtout par un nombre de toxicomanes intraveineux moins important. L'Italie est en revanche fortement concernée par le mode de transmission de la toxicomanie intraveineuse. Ces deux hypothèses sont confirmées par le document n°10. Celui-ci témoigne d'une forte diminution de l'incidence du mode de transmission « toxicomanie intraveineuse » chez les cas de Sida déclarés. Ce taux d'incidence (par millions d'habitants) reste en France supérieur à 20 entre 1991 et 1995 puis chute à partir de 1996 pour atteindre 5,4 en 1998. Le cas italien suit une évolution similaire bien que moins accentuée. Le taux d'incidence reste supérieur à 50 entre 1993 et 1996 puis chute à partir de 1997 pour atteindre 15,5 en 1999.

Les indicateurs liés à la prévalence des toxicomanes au sein des cas de Sida déclarés doivent cependant être maniés avec précaution du fait que les trithérapies, mises en place dès 1995, provoquent une chute générale des taux observés. C'est pourquoi la prévalence de l'infection à VIH doit également être considérée avec attention (document n°5 et n°6)540(*). Les chiffres attestent, dans le cas français, que la prévalence de l'infection à VIH suit une pente décroissante depuis les premières mesures de réduction des risques décidées en 1987, pour se stabiliser depuis 1996 à un niveau encore trop élevé : évaluée à environ 1/3 d'UDVI infectés au début des années 90, elle serait aujourd'hui de l'ordre de 15 à 20%541(*). La contribution spécifique des mesures de réduction des risques liés à l'usage de drogues est délicate à évaluer avec précision : si la baisse observée est concomitante avec le début de libéralisation de l'accès aux seringues à la fin des années 1980, un certain nombre d'autres facteurs peuvent intervenir. En Italie, la part de toxicomanes séropositifs est passé de 30,8% en 1990 à 16% en 1997, date depuis laquelle elle semble s'être stabilisée (15,7% en 1999)542(*). Cette amélioration est due à une diminution des comportements à risque, transformation intimement liée à la politique de  réduction des risques.

L'épidémie de VIH/Sida semble donc avoir été endiguée sur l'ensemble de l'Europe grâce, en partie, à une mise en place efficace de la politique de réduction des risques. Cette observation doit toutefois être relativisée en raison d'inégalités géographiques très fortes. Par exemple, le taux d'incidence des cas de Sida en Italie varie énormément selon la zone géographique. Les plus touchées sont la Lombardie (Milan), la Ligurie (Gênes), l'Emilie Romagne (Bologne) tandis que les régions du Sud ont un taux plus faible de même que le Val d'Aoste (Aoste) et le Frioul (Trieste)543(*). Le Conseil national du Sida français note également que la diminution de la transmission du VIH au sein des usagers de drogues en France masque le fait qu'il existe en réalité plusieurs épidémies localisées sur le territoire. Ainsi, on relève une prévalence inférieure à 4% en Alsace, mais comprise entre 20 et 30% en Ile-de-France, Provence - Alpes - Côte - d'Azur et Corse544(*).

Les pays ayant un faible nombre de cas de Sida déclarés, comme c'est le cas pour l'Allemagne, le Royaume-Uni, se caractérisent par un faible taux de cas de Sida chez les toxicomanes par voie intraveineuse (documents n°7 et n°8). C'est ainsi que seulement 6,5% des cas de Sida déclarés, adultes, cumulés au 31 décembre 1999 avaient eu pour mode de transmission la toxicomanie intraveineuse en Royaume-Uni et 14,2 % en Allemagne545(*). Ces pays ont connu une évolution très distincte de la France ou l'Italie. Le Royaume-Uni a par exemple toujours maintenu un taux d'incidence des cas de Sida déclarés (par millions d'habitants) liés à l'utilisation de drogue inférieur à 3. En Allemagne, ce taux a presque atteint 8 en 1993 mais est aujourd'hui redescendu à 3. Ces chiffres sont confirmés par la prévalence de l'infection à VIH parmi les toxicomanes intraveineux entre 1996 et 1999 qui reste très faible au Royaume-Uni et en Allemagne, avec respectivement 1% et 3,8% (documents n°5 et n°6).

Les Pays-Bas, très critiqués pour leur politique de libéralisation des drogues douces, semblent également avoir mis en place un dispositif de réduction des risques efficace puisqu'elle n'a jamais dépassé un taux d'incidence des cas de Sida déclarés (par millions d'habitants) liés à l'utilisation de drogue supérieur à 5 (1995)546(*). Cette observation doit être relativisée par un autre chiffre : une enquête de l'OEDT établit un taux moyen d'infection à VIH des toxicomanes entre 1996 et 1999 aux Pays-Bas de 11% alors que celui du Royaume-Uni atteint pour la même période 1%. Ce même taux avait atteint près de 14% en 1999. Il faut noter que la prévalence d'infection par le VIH est très variable selon un indicateur géographique. En 1999, ce taux variait entre 2 et 26% (document n°6). Ce fait peut être mis en lien avec la présence de grandes métropoles (Amsterdam et Rotterdam) internationales qui comportent une forte population à risques vis-à-vis du VIH ce qui tend à déséquilibrer la moyenne nationale547(*).

Il apparaît néanmoins que les pays européens ayant facilité très tôt l'accès aux seringues connaissent aujourd'hui une prévalence de l'infection à VIH bien inférieure à celle rencontrée chez les toxicomanes qui n'ont pu bénéficier de programmes d'échange de seringues que plus tard (France, Italie, Espagne). Dans tous les cas, si les mesures de prévention décidées par les pouvoirs publics ont pu participer à la diminution des nouvelles contaminations, elles n'ont pas eu le même impact sur les autres affections virales.

La réduction des risques fut mise en place initialement afin de répondre à la menace de l'épidémie de Sida. L'infection à VIH ne constitue cependant pas la seule menace sanitaire à laquelle sont exposés les toxicomanes. La mise en place de programmes de dépistage des maladies infectieuses ont permis de révéler une forte présence des hépatites parmi la population toxicomane (document n°11). Les pays européens sont davantage touchés de façon générale par l'hépatite C que l'hépatite B. La France semble particulièrement préservée avec un taux de prévalence de l'hépatite B entre 15 et 30%. L'hépatite B est en revanche plus importante en Italie bien qu'elle tende à diminuer. En 1991, 50,9% des patients des Serts étaient atteints de l'hépatite B, ce taux était de 43,8% en 1997, et de 40% en 1999548(*). Les taux de prévalence de l'hépatite C sont beaucoup plus élevés que pour le VIH549(*). La prévalence de l'hépatite C parmi les utilisateurs de drogues intraveineuses est considérablement élevée en Europe puisqu'elle s'élevait entre 1994 et 1999 à 83% en Espagne, 78% aux Pays-Bas, 74% au Portugal ou encore 68% en Italie et 66% en France550(*). L'Allemagne est également très touchée avec une prévalence de 66% en 1994 (qui passe à 79% en 1999) pour l'hépatite C et 62% (1999) pour l'hépatite B. Le Royaume-Uni fait figure d'exception en Europe avec un taux de 38% pour l'hépatite C (1999) et 19% pour l'hépatite B. La diversité des taux d'infection mais surtout la diversité des cas (certains pays comme la France ne semblent concerner que par l'hépatite C, d'autres par les deux comme la Grèce ou l'Espagne, tandis que d'autres pays relativement épargnés de l'épidémie de VIH semblent fortement concernés par le problème des hépatites, comme l'Allemagne) rend difficile la mise à jour du facteur discriminant en matière d'hépatites.

Il est nécessaire de rappeler que l'hépatite C est un élément important dans la prise en charge des UDVI atteints par le VIH. La co-infection par le VIH et le VHC peut ainsi atteindre des proportions alarmantes et entraîner de nombreuses complications dans le traitement des patients551(*). Davantage encore que le VIH, le VHC est un élément infectieux perçu comme un «stigmate ordinaire » lié à l'image stéréotypée de l'usager de drogues. Ce phénomène a sans doute gêné l'apparition de pratiques préventives. Ainsi alors que des pratiques de protection efficaces vis-à-vis du VIH ont été rapidement diffusées auprès des consommateurs, les moyens pour réduire les risques de transmission des virus des hépatites et leur mise en oeuvre demeurent très lacunaires en Europe.

Enfin, il est nécessaire de rappeler que, outre les maladies infectieuses, les toxicomanes sont sujets à d'autres problèmes sanitaires552(*). Ainsi, un certain nombre de pathologies somatiques graves sont couramment diagnostiquées chez les usagers injecteurs, qui concourent à la dégradation de l'état de santé, notamment quand il s'agit de personnes séropositives : phlébites, gangrènes, abcès, septicémies, candidoses, endocardites. Parfois moins graves mais plus fréquentes, d'autres affections participent à la souffrance corporelle des usagers : problèmes pulmonaires (tuberculose notamment), cutanés, digestifs, dentaires. Elles sont souvent le fait d'un manque général d'attention portée au corps et au maintien de la santé. De nombreux usagers révèlent également, au cours de la prise en charge médicale, des problèmes de fragilité psychologique, de santé psychique ou mentale, bien souvent masqués par les consommations de psychotropes. Ces problèmes ne font malheureusement pas toujours l'objet de l'attention des services spécialisés qui concentrent leurs efforts sur la prise en charge de la dépendance toxicomaniaque au détriment de l'état de santé général du patient. Il est possible, comme il avait été fait auparavant, de réaliser une distinction entre une définition de la réduction des risques comme la prévention des maladies infectieuses et une définition plus large qui vise l'amélioration des conditions d'existence du toxicomane.

La politique de réduction des risques semble avoir réussit son objectif en limitant, voire en évitant, la catastrophe sanitaire de l'épidémie de Sida. Cependant, plusieurs indicateurs semblent confirmer la persistance de pratiques à risques, telles que le partage de seringues ou de matériel d'injection ou les rapports sexuels non protégés553(*). Ces usages font craindre non seulement une reprise de l'épidémie de VIH au sein de certaines populations d'usagers de drogues, mais aussi le développement d'autres affections. Pour ceux d'entre eux déjà infectés par le VIH, les infections par les virus des hépatites représentent les risques les plus connus et probablement les plus répandus.

Tableaux et graphiques épidémiologiques

Document n°4 : Evolution du nombre de décès liés à la drogue dans l'UE entre 1991 et 1997

Source : OEDT « Rapport annuel sur l'évolution du phénomène de la drogue dans l'Union Européenne », Lisbonne, 1999, 38p.

Document n°5 : Prévalence de l'infection à VIH parmi les toxicomanes intraveineux entre 1996 et 1999

Pays

Allemagne

Danemark

Espagne

France

Italie

Pays-Bas

Royaume-Uni

Suisse

Taux

3,8

1,5

32

16,4

16,2

11

1

2,6

Source : Emccda, Statistical Tables for 2000 Annual Report, 2000. Montanari Linda, «Valutazione e prevenzione dell'Aids in Europa», art.cit.

Document n°6 : Prévalence de l'infection à VIH chez les consommateurs de drogues par voie intraveineuse dans l'UE en 1999

Source : OEDT « Rapport annuel sur l'évolution du phénomène de la drogue dans l'Union Europénne », Lisbonne, 1999, p.21.

Document n°7 : Voies de transmission (en %) des cas de Sida déclarés, adultes, cumulés au 31 décembre 1999

 

Homosexuelle

Toxicomanie intraveineuse

Homosex.

et tox.

Hétéro-sexuelle

Produits sanguins

Autres et inconnues

France

44,6

23,4

1,2

20,6

4,6

5,6

Royaume-Uni

67,5

6,5

1,8

18,6

4,6

1,0

Allemagne

64,9

14,2

1,0

8,8

4,4

6,7

Italie

15,6

61,8

2,0

16,4

1,6

2,6

Espagne

15,6

65,1

1,6

12,7

1,8

4,7

Sources: Centre européen pour la surveillance épidémiologique du Sida, Paris. Pour la France : Bulletin Epidémiologique hebdomadaire, n°38, 2000. Cité in Steffen, M., Les Etats face au Sida en Europe, op.cit.,p.58.

Document n°8 : Incidence du Sida chez les consommateurs de drogues par voie intraveineuse dans l'UE au 31 décembre 1998

Source : OEDT « Rapport annuel sur l'évolution du phénomène de la drogue dans l'Union Europénne », Lisbonne, 1999, p.23.

Document n°9 : Prévalence des toxicomanes sur le total des cas de Sida chez les adultes En Italie

Année

1982-1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

Total

Hommes

Femmes

%

67,4

64,1

62,5

60,7

59,2

53,7

46,9

43,4

61,8

62,6

58,7

Source : 31 décembre 1999, Centro operativo Aids (Coa) de l'Istituto superiore della sanità. Extrait de Agnoletto V., La società dell'Aids, op.cit, pp.180-181.

Document n°10 : Incidence des cas de Sida liés à l'utilisation de drogue entre 1985 et 1999. Cas de Sida déclarés par millions d'habitants.

Année

France

Italie

Espagne

Royaume-Uni

Hollande

1985

0,8

1,7

2,4

0

0,1

1986

2,7

4,8

7,1

0,1

0,4

1987

6,0

12

17,1

0,3

1,1

1988

11,1

21,3

38,8

0,5

2,3

1989

15,7

29,0

52,1

1,1

2,3

1990

18,5

36,1

64,7

1,4

2,7

1991

20,8

43,3

73,4

1,5

2,9

1992

22,8

48,3

79,2

1,4

3,7

1993

25,2

52,7

86,0

2,6

3,9

1994

23,1

58,7

120,5

2,3

4,0

1995

22,00

58,1

113,0

2,5

5,0

1996

15,9

50,0

103,2

2,0

3,1

1997

7,0

30,8

73,2

1,3

2,7

1998

5,4

19,5

52,4

0,8

1,7

1999

?

15,5

45

0,9

0,6

Nombre de cas de Sida déclarés au 31/12/1999554(*)

 

11 750

27 748

?

1 065

?

Source : European Centre for Epidemiological Monitoring of Aids, Paris. Montanari Linda, «Valutazione e prevenzione dell'Aids in Europa: alcune piste di riflessione», art.cit, p.111.

Document n°11 : Prévalence de l'infection de l'hépatite B et de l'hépatite C chez les consommateurs de drogues par voie intraveineuse dans l'UE en 1999

Source : OEDT « Rapport annuel sur l'évolution du phénomène de la drogue dans l'Union Européenne », Lisbonne, 1999, p.23.

2.2.1.2 La persistance de pratiques à risques

Plusieurs enquêtes statistiques témoignent de la présence de pratiques à risques, notamment chez les toxicomanes par voie intraveineuse. Une étude portant sur les modes de consommation des toxicomanes réalisée auprès de 529 toxicomanes de l'Emilie Romagne (pris en charge au sein des Serts et des communautés thérapeutiques) a permis de mettre en évidence la persistance de pratiques à risques chez les toxicomanes italiens555(*). Le mode de consommation principal des opiacés reste l'injection : 91% des consommateurs d'héroïne et 63% des consommateurs de cocaïne déclarent recourir à l'injection. L'échange de seringues semble rester inchangé puisqu'en 1996, 26,5 % des sondés déclaraient échanger les seringues de « façon occasionnelle » tandis qu'ils étaient entre 23 et 29% en 1993. Les personnes déclarant « ne  jamais s'échanger les seringues » étaient en revanche 73,2%, ce qui traduit une assez bonne connaissance des risques encourus en cas d'échange. En revanche les risques liés à l'échange des instruments utilisés pour se « trouer » restent moins perçus puisque 52,5% déclaraient en 1996 s'échanger occasionnellement les instruments utilisés tendaient que 12,6% déclaraient le faire systématiquement. .

Les toxicomanes présentent en outre des difficultés à adopter des relations sexuelles moins risquées. 52,9% des patients déclaraient avoir eu des relations sexuelles avec un partenaire au cours des six derniers mois tandis que 21,2% déclaraient avoir eu entre deux et cinq partenaires. L'usage du préservatif reste une pratique encore fragile puisque le pourcentage de patients déclarant ne jamais utiliser le préservatif était de 40,2% lors d'un rapport vaginal et de 58,9% pour un rapport anal.

On observe également la persistance, voire la résurgence, de pratiques à risques en France. Il semblerait que depuis 1996 une part, certes minoritaire mais non négligeable, d'injecteurs continue à partager les seringues556(*). Cette proportion constitue entre 13%557(*) et 20%558(*) du nombre total d'UDVI, avec d'importantes variations géographiques. Une étude française menée par un groupe de chercheurs558(*) soulignent un certain nombre de données statistiques importantes caractérisant 421 usagers de drogues séropositifs pour le VIH. 45% des répondants au questionnaire déclarent n'avoir pas fait usage de préservatifs systématiquement dans les six derniers mois, alors que moins d'un quart (23,5%) déclarent avoir partagé une seringue dans le même temps. 64,3% des usagers déclarant un partage de seringues ne se protègent pas systématiquement lors d'un rapport sexuel (contre 32,4%), 60% de ceux dont le partenaire régulier est usager de drogues ou ex-usager contre un tiers de ceux dont le partenaire n'a pas d'expérience d'usager, et 2/3 de ceux dont le partenaire est séropositif contre 1/3 de ceux dont il est séronégatif.

On peut noter enfin l'apparition d'un usage à risque de la buprénorphine, opiacé utilisé comme substitut de la méthadone au sein des traitement de substitution. Ce produit peut faire, contrairement à la méthadone l'objet d'une injection par voie intraveineuse, reportant ainsi les risques d'infection. Les enquêtes réalisées pour apprécier le problème de l'injection de buprénorphine démontrent que ce phénomène est réel, il varie de 10 à 20% pour des personnes suivies en centre ou en ville, jusqu'à 70% pour des populations très marginalisées rencontrées sur les lieux d'échange de seringues560(*). Les injections de sulfates de morphine semblent plus importantes mais aucune étude n'a encore été réalisée sur le sujet.

Les études témoignent ainsi de la présence de pratiques à risques aussi bien chez les toxicomanes pris en charge (étude italienne) que chez les toxicomanes séropositifs (étude française). Ces chiffres laissent entendre que le message de prévention de la réduction des risques n'est pas perçu par l'ensemble des toxicomanes. Les recherches en prévention mettent en évidence que certaines typologies de toxicomanes sont plus réfractaires à la prévention des comportements à risques en matière d'infection à VIH. Plusieurs variables rentrent alors en jeu. Il est possible d'en distinguer quatre : la variable socio-culturelle met en évidence la fragilité des plus marginaux, le facteur clinico-démographique souligne les risques encourus par les plus jeunes, le critère toxicologique selon lequel les polyconsommateurs présentent des risques d'infection majeurs, enfin la manifestation de troubles psychopathologiques est un facteur particulièrement néfaste aux tentatives de prévention des comportements à risques561(*)561(*). Il est possible de développer les trois premiers critères cités.

Selon une variable socioculturelle, les toxicomanes les plus marginaux et les moins insérés socialement sont moins sensibles aux actions de prévention et présentent plus de fragilité face aux maladies infectieuses. C'est ce qui ressort d'une recherche effectuée du 01/01/1999 au 31/08/1999 auprès de Centre nocturne de la Fondation Villa Maraini auprès de 99 patients dont 80,8% d'hommes et une moyenne d'âge de 33 ans562(*). D'un point de vue sanitaire, 41,4% étaient positifs au test de l'hépatite B et 60,6% étaient positifs au test de l'hépatite C. Ces taux sont globalement équivalents aux moyennes nationales. En revanche, 30,3% étaient positifs au test du VIH tandis que la prévalence moyenne de cette infection parmi les toxicomanes intraveineux entre 1996 et 1999 en Italie était de 16,2%. La prévalence de l'échantillon est donc particulièrement élevée (le double de la moyenne nationale). Enfin, parmi ceux ci, 16,1% des toxicomanes cumulaient l'hépatite B et C ainsi que le VIH. En outre, 24% des personnes reçues durant cette période n'avait jamais effectué de test ou l'avait effectué il y a plus d'un an. Les conditions de marginalité des occupants du centre nocturne se vérifient puisque 61,9% des enquêtés se déclaraient chômeurs et 61,5% avaient un niveau inférieur au baccalauréat (licenzia media inferiore).

Une véritable politique de réduction des risques doit par conséquent nécessairement tenir compte de la précarisation sociale des usagers de drogue. Certains facteurs doivent être pris en considération comme, par exemple, l'interpellation policière, le non-accès à des moyens de désinfection adéquats ou à une source d'eau propre dans l'espace public pour la préparation des substances injectées, le dérangement voire l'agression au moment des injections dans la rue, l'absence de ressources financières suffisantes pour se procurer les drogues recherchées, la perte du logement, des solidarités familiales, etc. Autant de facteurs à risques qui se conditionnent mutuellement et favorisent l'exposition aux affections virales et infectieuses.

Selon un facteur clinico-démographique, les jeunes toxicomanes sont, quelle que soit la substance, moins susceptibles de modifier leurs comportements. Des données datant de 1998563(*)563(*) indiquent un taux de partage élevé des seringues chez les usagers les plus jeunes (20%). On peut alors s'interroger, comme le fait le Conseil National du Sida563(*) sur la pertinence des affirmations relatives à la modification positive des comportements à risque dans la durée, et sur les progrès de la prévention chez les jeunes usagers de drogue. Cette forte présence de pratiques à risque pourrait s'expliquer par la pression subie par leur entourage. En effet comme le note Friedman « le meilleur facteur prédictif de la consommation de comportements protecteurs serait la fréquentation d'amis qui pratiquent des comportements protecteurs »563(*).

Du point de vue du critère toxicologique, les polyconsommateurs présentent une plus forte résistance aux messages de prévention. Il est nécessaire de rappeler que la fin des années quatre-vingt-dix a été marquée par une diminution de la prévalence de l'usage d'héroïne chez les consommateurs d'opiacés, et l'augmentation de la prévalence de l'usage, jusqu'alors inexistant ou minoritaire, de certaines substances par voie intraveineuse. Parallèlement, on a identifié et documenté une multiplication de polyconsommations de drogues licites (tabac et alcool) et illicites, de médicaments psychoactifs et de médicaments de substitution parfois détournés de leur finalité. Un enjeu à ce jour trop timidement exploré concerne la modification des pratiques de prise de risques liées à ces changements de consommation.

De nouvelles associations apparaissent qui introduisent de nombreux risques sanitaires et sociaux. Ces polyconsommations, dont le caractère inédit repose avant tout dans l'agencement des substances et des effets recherchés, sont massivement le fait d'usagers en situation d'extrême vulnérabilité sociale, voire marginalisés. Tout semble indiquer que cette « recomposition » des profils de consommation dépend en grande partie de la précarisation, matérielle et sociale, d'un grand nombre d'UDVI au cours des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, notamment de ceux n'ayant plus accès aux opiacés pour des raisons de coût (ils sont devenus trop chers) et de qualité (jugée trop mauvaise).

La réduction des risques a permis de limiter les infections par voie intraveineuse et par voie sexuelle chez les toxicomanes. Un ensemble de pratiques à risques paraît pourtant résister aux mesures adoptées par les Etats. Ces pratiques sont à mettre en lien avec une modification des comportements et des usages des substances (setting) auxquels les politiques de réduction des risques ne répondent pas de façon adéquate. Ainsi, l'ensemble des structures s'adressent à des usagers socialement précarisés, sans répondre précisément aux besoins des plus marginalisés, pour lesquels des dispositifs plus souples ont été proposés dans d'autres pays (lieux d'injection, distribution d'héroïne sous contrôle médical...). Le Conseil National du Sida remarquait dans son rapport publié en juin 2001 la nécessité de prendre en compte certaines innovations qui furent entrepris en Suisse ou aux Pays-Bas afin de répondre aux nouvelles pratiques.

« Ces expériences ne doivent pas être systématiquement considérées comme des modèles. Néanmoins, là où elles ont été évaluées, elles s'avèrent proposer des réponses adaptées aux besoins d'une frange d'usagers particulièrement désocialisés, refusant les contacts avec le système de soins, insensibles parfois aux messages de prévention parce que mobilisés par la consommation de drogues. Pour ces usagers, la prise en charge doit se faire au plus près des lieux et des gestes de consommation ; c'est une condition de leur engagement individuel progressif dans des démarches de soins, et de l'adoption d'attitudes de prévention de la contamination des infections virales »566(*)

Le principal obstacle au traitement des toxicomanes fut, comme il a été établi, l'absence de reconnaissance sociale dont ils bénéficiaient. Le corps social considérait le toxicomane comme un être déviant qui, du fait de son attitude, perdait le droit à disposer de soin. La réintégration du toxicomane dans le système de soin de droit commun n'a pu avoir lieu que grâce à la situation d'urgence sanitaire causée par l'épidémie de Sida qui a joué un rôle de révélateur. Si l'obstacle au soin des toxicomanes et à la réduction des risques fut un problème de reconnaissance sociale et de droits, il est alors possible de se demander quelle a été la situation des toxicomanes en prison. La prison est en effet le lieu par excellence de la non-considération de la personne qui est traitée comme un individu déviant et dangereux pour le corps social. Quelle prévention des risques a dès lors pu s'appliquer dans le milieu carcéral ?

2.2.2 Quelle réduction des risques en milieu carcéral ?

Les prisons ne constituent pas, contrairement à ce que l'on pourrait croire, des lieux protégés de la drogue. L'exposition à l'introduction de drogues de la prison est en grande partie imputable au fait qu'elle est un lieu de passage : pour les détenus bénéficiant de mesures de liberté partielle, les familles, les visiteurs et professionnels extérieurs, et pour les personnels pénitentiaires. Les mesures de réduction des risques ne sont en revanche souvent pas adaptées à cet état de fait. Ainsi, comme l'explique Vittorio Agnoletto, tandis que l'héroïne circule de façon plus ou moins cachée au sein des prisons, les seringues ne sont pas pour autant disponibles ce qui amène les détenus toxicomanes à partager à 10, 15 ou 20 la même seringue567(*). Tout indique non seulement la présence de pratiques à hauts risques en prison (injections avec partage de seringues, rinçage à l'eau, premières injections), mais aussi le renforcement des facteurs de vulnérabilité déjà présents à l'extérieur, particulièrement pour les femmes : pauvreté, violence, contact avec les réseaux criminels, difficulté de contrôle de la qualité des produits. Enfin, les pratiques sexuelles non protégées sont une réalité en prison et constituent un autre vecteur de transmission des infections.

Face aux risques de contamination, la gamme des actions envisageables pouvant théoriquement contribuer à la réduction des risques de contamination par le VIH et autres infections est similaire en milieu carcéral à celle offerte à la population générale des usagers de drogues : l'Allemagne, la Suisse et l'Espagne étant à ce jour les pays ayant mis en oeuvre le plus large éventail de mesures568(*). Les dispositifs d'échanges de seringues en prison ont fait l'objet de nombreuses expérimentations. Il existe actuellement 14 programmes en Europe : en Suisse, en Allemagne et en Espagne et au Portugal depuis peu. La France et l'Italie disposent toutefois d'un très faible système de prévention, de dépistage et de prise en charge de l'épidémie de VIH chez les utilisateurs de drogue par voie intraveineuse (UDVI) incarcérés.

En premier lieu, les problèmes de nature sanitaire des toxicomanes incarcérés que connaissent la France et l'Italie sont à mettre en lien avec une forte surpopulation des prisons. En 1995, tandis que les normes italiennes en vigueur auraient du limiter la capacité d'accueil des prisons à 29 500 unités, on dénombrait 54 000 détenus569(*). Les effectifs ont connu une forte progression au début des années quatre-vingt-dix en raison d'un durcissement de la politique judiciaire italienne, notamment par le biais de la loi Jervolino-Vassali570(*). L'effectif national des prisons est ainsi passé de 25 573 détenus en 1990 à 54 000 en 1995. Cette augmentation est également observable dans la région du Lazio (Rome) où on dénombre 2 444 détenus en 1991 et près de 6 000 en 1995 dont 1 964 toxicomanes déclarés.

On peut remarquer que la part des toxicomanes au sein des prisons italiennes reste très importante571(*). Celle-ci représente près de 30% de l'ensemble des détenus, chiffre resté stable depuis 1990. Ce taux dépasse cependant, comme le précise Bruno Bertelli, plus de 40% dans certaines régions (Ligurie, Val d'Aoste, Sardaigne, Trentin). Bruno Bertelli note également la part croissante des immigrés au sein de la population toxicomanes incarcérée. Ceux-ci représentaient 14% des toxicomanes écroués en 1992 ; ce chiffre est passé à 23,4% en 1996 puis 31,5% en 1998572(*). L'augmentation de l'effectif global du milieu carcéral est fortement liée à la hausse du nombre de toxicomanes incarcérés. Celle-ci s'explique en partie par le décret de 1993 qui a identifié la dose de consommation journalière avec le délit de « revendeur ». Dans le semestre suivant l'entrée en vigueur du décret, on a pu observer une augmentation de toxicomanes incarcérés de 13% puis de 32% en 1995.

Les prisons françaises comportent de même une forte présence de toxicomanes. On comptait sur l'ensemble de la population carcérale française entre 20 et 65 % d'usagers de drogues (licites et illicites), dont au moins 15 à 20% d'usagers de drogues par voie intraveineuse dépendants. Les ILS comptent parmi les premiers motifs d'incarcération (21% des détenus à Fleury-Mérogis en 1996, et 15% à l'entrée en détention ). Sur le plan pénal, presque la moitié des usagers de drogues illicites sont détenus en l'attente de leur jugement, ce qui rend hypothétique leur maintien dans la maison d'arrêt et a bien entendu un impact sur les formes du suivi médical, psychologique et social dont ils peuvent bénéficier. En 1996, la majorité des usagers de drogues reçus dans les « antennes-toxicomanies »573(*) étaient incarcérés pour d'autres motifs qu'une ILS (52%). Ils se caractérisent en outre par une très forte précarité socio-économique574(*).

Les prisons italiennes et françaises sont confrontées de manière très forte aux problèmes des drogues. Elles furent par conséquent pleinement concernées par l'épidémie de VIH/Sida au début des années quatre-vingt-dix. Quelles ont été dans ce contexte, les politiques cacérales de réduction des risques adoptées par la France et l'Italie?

2.2.2.1 Les prisons italiennes face à au VIH/Sida : une politique de réduction des risques en trompe-l'oeil

Le traitement des toxicomanes incarcérés n'a été perçu que très récemment en Italie comme un enjeu de santé publique575(*). Outre l'inertie législative, le milieu carcéral présenta de nombreuses réticences à mettre en place les réformes. La loi 685 de 1975 établissait par exemple un traitement spécifique des toxicomanes à travers des départements à « garde atténuée » qui ne virent pas le jour. La réforme pénitentiaire de 1975 (L.354) prévoyait également une assistance au sein des prisons effectuée de manière individualisée ainsi que l'intervention de nouvelles figures professionnelles tels que les éducateurs, sans que cela s'accompagne de résultats notables576(*).

La principale réglementation va être établie par le Testo Unico n 309 de 1990, apparu suite à la loi Jervolino-Vassali, qui a confié au monde carcéral de nouvelles responsabilités en matière de traitement des toxicomanes (art.90 à 96). L'article 30 de la loi 162/90 prévoit la création de structures thérapeutiques spécifiques pour toxicomanes au sein des prisons. Elle attribue à l'administration pénitentiaire le traitement socio-sanitaire et de réhabilitation de la toxicomanie en milieu carcéral, de même que la prévention des infections. La loi prévoit également une coopération entre l'institution pénitentiaire et les services sanitaires publics. Les Sert sont désormais tenus de façon explicite par la loi à prendre en charge les toxicomanes détenus ou condamnés577(*). Des équipes médico-psycho-pédagogique des Sert doivent collaborer avec les équipes sanitaires pénitentiaires.

L'application de cette mesure est toutefois restée très faible et la présence des opérateurs de toxicomanie demeure ponctuelle dans le milieu carcéral. Luigi Culla explique que l'administration pénitentiaire a le plus souvent refusé de voir intervenir des équipes extérieures à l'environnement carcéral. La méfiance d'une institution spécialisée à voir un intervenant extérieur s'immiscer dans son domaine, sur lequel elle bénéficie d'un monopole, constitue une première limite au traitement sanitaire des toxicomanes incarcérés.

Ce phénomène s'explique également selon Fernanda Spella, par les réticences du monde thérapeutique à participer à un processus de contrôle social et de sanction. Un président de tribunal de surveillance écrit ainsi : « Les interventions des opérateurs USL au sein des Instituts sont actuellement largement insuffisantes, qualitativement et quantitativement, en regard avec les exigences réelles [...] il manque ainsi une « culture du pénitentiaire » aux opérateurs USL, qui voit dans la prison non pas un ennemi mais un lieux de choix dans la lutte contre la toxicomanie [...] pour donner à la prison (même si cela est difficile et ingrat) un contenu récupérateur ou, au moins, orienteur de façon à éviter non seulement sa mort mais aussi les effets contre-productifs »577(*).

Malgré les dispositifs de traitement de la toxicomanie en prison que prévoit la réforme de 1990, les résultats restent décevants. En août 1993, par exemple, près de 90 instituts pénitentiaires n'assuraient pas les interventions socio-sanitaires fondamentaux tel que le soutien psychologique579(*). Le niveau de prise en charge en milieu carcéral est très insuffisant. Les toxicomanes incarcérés étaient 2,4% à effectuer un traitement pharmacologique substitutif en 1992, tandis qu'à la même époque les toxicomanes en lien avec les services publics étaient près de 25% à en effectuer un580(*). En l'absence d'un véritable système de prise en charge des toxicomanes incarcérés, certaines associations, telle que la L.I.L.A.S (Lega Italiana per la Lotta contro l'Aids), proposent des cours de sensibilisation et de formation, aussi bien aux détenus qu'aux agents carcéraux, sur les thèmes de la santé et de la toxicomanie et du Sida en particulier581(*).

Le principal problème est celui de la part des détenus séropositifs qui constituent un fort risque d'infection et de propagation du VIH582(*). Ceux ci étaient 2 378 au 31/12/1993 puis 6 500 au 31/12/1993. Les pouvoirs publics italiens ont tenté de répondre en partie à ce problème de deux façons détournées. Il s'agissait, d'une part, de multiplier les mesures de peines alternatives qui permettent de confier le toxicomane auprès d'un centre de soin, notamment les communautés thérapeutiques583(*). Il s'agit là d'une « délégation » des toxicomanes auprès des structures non carcérales. Le nombre de bénéficiaires de ces mesures est passé de 2 386 en 1992 à 5 656 en 1996584(*). Le législateur met en place, d'autre part, des dispositions particulières permettant la désincarcération des personnes infectées. La loi n.222 du 14 juillet 1993 et le décret-loi n°139 qui l'accompagne et qui fixent les conditions dans lesquelles le juge peut déclarer l'impossibilité de l'état de santé d'une personne atteinte du Sida et de l'incarcération585(*). En 1995, la Cour constitutionnelle annule ces dispositions jugées anticonstitutionnelles en raison de l'inégalité qu'elles introduisent vis-à-vis d'autres prisonniers malades586(*). Ce n'est qu'en 1999, dans le cadre de deux décrets, l'un réorganisant les services médicaux pénitentiaires, l'autre précisant les mesures particulières pour les sidéens, que les modalités pratiques de la prise en charge sont définitivement arrêtées. Le nombre de détenus infectés à VIH est redescendu à 1 860 au 31/12/1996. Les porteurs de Sida incarcérés sont restés très peu nombreux du fait qu'ils ont bénéficié d'une meilleure application de la L.222. Le nombre de cas de Sida déclarés est passé de 39 en 1990, à 80 en fin juin 1992, 120 le 20 octobre 1992 puis 74 au 31/12/1996587(*).

Peu d'enquêtes ont été réalisées sur les risques d'infection réels encourus par les toxicomanes incarcérés. Une étude remise à la Commission européenne par le Réseau européen sur la prévention du VIH/Sida et de l'hépatite en prison, dont les chiffres sont résumés dans le tableau ci-dessous, laisse cependant entendre que ces risques restent faibles588(*). En 1998, 16,1% des UDVI incarcérés étaient positifs au VIH, contre 15,% pour la moyenne nationale. La prévalence de l'infection à VHC semble même plus faible en prison (64,2%) que dans l'ensemble de la moyenne nationale (67%). Bruno Bertelli évoque aujourd'hui des chiffres nettement plus bas589(*). Depuis 1999, la part de séropositifs serait inférieure à 4% des détenus. Parmi ceux-ci figurent cependant 90% de toxicomanes. Enfin, la prévalence de l'infection à VIH de la population toxicomane incarcérée serait de 10%, soit nettement inférieure à celle de la moyenne nationale qui était de 16,2% entre 1996 et 1998590(*). Le rapport de l'OEDT affirme d'ailleurs que « de nombreuses études chez les TVI révèlent une prévalence plus élevée de maladie infectieuse chez ceux qui n'ont jamais été détenus »591(*).

Document 12 : VIH hépatite C et comportement à risque chez les consommateurs de drogues par voie intraveineuse en prison (%)

Source : OEDT « Rapport annuel sur l'évolution du phénomène de la drogue dans l'Union Europénne », Lisbonne, 1999, p.22.

D'autres indicateurs semblent toutefois contrebalancer ces conclusions optimistes : la même recherche effectuée par le « Réseau européen » affirme que 25% des TVI s'injectent en prison. Ce chiffre laisse deviner l'ampleur des conséquences sanitaires qui peuvent en découler du fait qu'aucun matériel d'injection n'est mis a disposition des détenus. Les risques d'infection sont d'autant plus importants que 32% des TVI affirmaient avoir échangé du matériel lors de la dernière injection hors de la prison dans les quatre semaines précédentes. Enfin, 6% déclarent avoir commencé a s'injecter en prison.

Affirmer que les risques d'infection ne sont pas supérieurs en prison que dans le reste de la société, mieux encore qu'ils sont moindres en milieu carcéral, malgré l'absence d'une réelle prise en charge comporte un risque socio-sécuritaire réel (enfermer pour mieux protéger) qu'il s'agit de ne pas négliger. Il faut cependant remarquer que l'étude citée précédemment n'a été effectuée que dans trois prisons italiennes, ce qui limite considérablement la pertinence des résultats obtenus. Or, en l'absence de directives nationales claires (mais surtout d'un contrôle effectif des pouvoirs publics) la prévention des risques a lieu en milieu carcéral de façon très inégale. D'autres enquêtes à plus grande échelle seraient nécessaires pour évaluer avec pertinence les risques réels encourus par les usagers de drogues intraveineux.

Document n°13 : récapitulatif du nombre de détenus en Italie de 1990 à 1997592(*)

Date

Détenus présents

Détenus toxicomanes

Détenus atteints du Hiv

 

Unités

Unités

Part en %

Unités

Part en %

31/12/1990

25 573

7 299

28,54

2 378

9,29

31/12/1991

35 172

11 540

32,81

?

?

31/12/1992

47 062

14 818

31,55

3 731 (au 31/06/1992)

?

31/12/1993

49 980

15 135

30,28

6 500

13,00

30/06/1994

54 098

14 742

29,06

?

?

30/06/1995

46 526

13 488

28,99

?

?

31/12/1996

47 381

13 859

29,25

1 860

3,9

31/12/1997

48 215

14 074

29,19

?

?

31/12/1998

47 553

13 567

28,53

?

3-4

Peut-on affirmer comme le fait Monika Steffen que « la politique de réduction des risques s'applique désormais également et effectivement au sein des prisons italiennes »593(*) ? Il est vrai que la part de toxicomanes séropositifs et sidéens a été considérablement réduite par le biais des mesures alternatives et des statuts spéciaux affirmés par le législateur. Cette diminution n'est cependant pas le résultat d'une véritable politique de réduction des risques dont les principaux outils n'ont toujours pas été introduits (échange de seringues, traitements de substitution, distribution de préservatifs). Les risques d'infection semblent réels bien que difficilement repérables au sein des prisons italiennes. Aucune stratégie de réduction des risques n'a jusqu'à présent été appliquée par les autorités publiques en milieu carcéral. La présence des services spécialisés est une étape nécessaire au changement, celle-ci reste cependant très marginale et la situation des prisons italiennes est encore le fait d'une situation au cas par cas.

La réduction des risques en prison reste encore faible en Italie. Les principales mesures sont plus destinées aux prisonniers déjà porteurs de l'infection à VIH, voire des malades du Sida déclaré plutôt qu'aux toxicomanes non-contaminés. Le système français se caractérise par une plus grande prise en compte de ces derniers. On peut noter à ce titre le rôle joué par le Conseil national du Sida (C.N.S) dont les évaluations critiques du système carcéral français ont incité les pouvoirs publics à réagir au problème594(*). Les manques du système italien s'expliquent en partie par le manque d'une autorité morale indépendante similaire qui puisse mettre à profit sa capacité d'expertise afin de renouveler le cadre de l'action publique. Quelle réduction des risques fut alors mise en place au sein des prisons françaises?

2.2.2.2 Les prisons françaises: une prise en charge des séropositifs sans véritable réduction des risques

Le problème des risques encourus par les toxicomanes incarcérés ne fut reconnu que très tardivement par les pouvoirs publics français. Les premières mesures de prévention des infections apparaissent au sein des prisons françaises au milieu des années quatre-vingt-dix595(*). La circulaire du 5 décembre 1996, qui prévoyait l'initialisation des traitements de méthadone dans le cadre de la lutte contre l'infection à VIH a permis la généralisation de la distribution périodique d'eau de javel, en quantité et en concentration déterminées, à tous les détenus. Les pratiques de mise à disposition de préservatifs sont quant à elles très aléatoires. Le contexte réglementaire joue un rôle dans cette inégalité de traitement : les relations sexuelles en prison, notamment entre détenus, sont interdites par les règlements intérieurs. L'administration pénitentiaire qui refuse de reconnaître l'existence de telles pratiques à risque délègue la distribution de préservatifs au personnel soignant.

En outre, les autorités françaises ont officialisé le refus de l'installation de programmes de seringues depuis 1997, sans que soit même expérimenté ce type de dispositif596(*). Plusieurs argumentaires fondent en général une telle position : la seringue est susceptible d'être utilisée comme une arme, l'accessibilité du matériel d'injection constituerait une incitation à la consommation de drogues par voie intraveineuse, et surtout, l'usage de drogues étant pénalisé, il serait impossible de le considérer comme une pratique acceptable an milieu carcéral. Là aussi l'argument juridico-culturel reste le plus hostile à l'application de la réduction des risques.

Concernant l'accès aux traitements spécifiques de la dépendance aux opiacés, la circulaire du 8 décembre 1994 a prévu de garantir la qualité et la continuité des soins à l'intérieur du milieu pénitentiaire, conformément aux recommandations internationales (notamment OMS et ONUSIDA). Une circulaire d'avril 1996597(*) a autorisé la poursuite des traitements de substitution à la méthadone et au Subutex598(*) ainsi que la prescription initiale du Subutex ?et une circulaire publiée en décembre 1996599(*) a défini les cadres et les modalités de la prescription initiale de méthadone durant l'incarcération, par un médecin du Centre de soins spécialisés aux toxicomanes (CSST). Dans les établissements pénitentiaires exclusivement gérés par le service public, deux types de structures de soins interviennent: les UCSA600(*) et les CSST. Les taux de prise en charge des toxicomanes incarcérés restent très bas malgré l'arsenal législatif qui fut adopté. Ainsi, seulement 3,3% des détenus bénéficiaient en 1999 de traitements de substitution, soit 1 653 usagers ; cette part est plus faible encore que celle des personnes entrant avec un traitement de substitution en cours (5,8%)601(*). Enfin, 21% des centres ne pratiquaient pas de traitements de substitution selon cette même enquête en 1999.

Le système de dépistage du VIH dans les prisons françaises s'inspire largement des pratiques ayant cours à l'extérieur : proposé à l'entrée, il est volontaire et gratuit. Les principes de volontariat et de gratuité, conformes aux soucis de facilitation de l'accès aux soins, de prévention et de respect de la liberté de choix des détenus en la matière, rendent impossible le relevé de chiffres précis et généraux sur la séroprévalence du VIH en prison. Si officiellement, la part des personnes incarcérées séropositives est de 1,6%, les différentes enquêtes situent plutôt cette séroprévalence entre 2 et 6%. En 1995, celles menées par l'ORS-PACA602(*) indiquaient une séropositivité 10 fois plus élevée chez les UDVI incarcérés que dans la population générale, et 6 fois supérieure en 1992 pour les usagers de drogues déjà incarcérés que pour ceux qui ne l'avaient jamais été. L'enquête « Réseau européen » citée précédemment (document 12) évoque une prévalence des TVI en prison de 13,3% en 1998, tandis que la moyenne nationale était évaluée à la même époque entre 15,5 et 18,3%. De même qu'en Italie, le taux d'infection à VHC chez les TVI serait plus bas en prison (avec 34% en 1998) par rapport au reste de la société (entre 62 et 70% en 1998).

Les séroconversions au VIH durant l'incarcération, n'ayant jamais pu être documentées en France, sont toutefois envisageables dès lors que subsistent des pratiques à risques de transmission sanguine ou sexuelle. Des expériences de contamination par les virus des hépatites sont connues ; elles ont révélé des taux de partage de seringues pouvant concerner jusqu'à 66% des injecteurs. Le rapport de la Commission européenne évoque un taux de 34% de TVI ayant échange du matériel lors de la dernière injection hors de la prison dans les quatre semaines précédentes, tandis que 37% des TVI déclarent s'injecter en prison. Les risques d'infection sont par conséquent réels.

Enfin en matière de prise en charge et d'accès aux soins des personnes séropositives incarcérées la réforme instituée par la loi du 18 janvier 1994, sur l'équivalence de la prise en charge sanitaire des personnes incarcérées à l'intérieur et au dehors du milieu pénitentiaire, a permis des améliorations considérables. Les centres de détention ont également avancé sur la voie d'un accès plus adapté et élargi aux soins en matière de traitements concernant le VIH et particulièrement en faveur des traitements antrirétroviraux. En 1998, 68% des détenus séropositifs au VIH étaient traités par antrirétroviraux ; 62% recevaient une trithérapie.

Les problèmes de toxicomanie et de Sida en milieu carcéral constituent en France et en Italie un problème sanitaire crucial en raison de la mauvaise prévention des risques mise en place par les autorités publiques. L'univers carcéral devrait en principe offrir des opportunités pour la prévention, le dépistage et la prise en charge de l'épidémie de VIH chez les UDVI. Les mesures sont toutefois insuffisantes et leur application donne lieu à de nombreuses inégalités de traitement entre prisonniers603(*)603(*).

Le manque de résultats des efforts entrepris par les pouvoirs publics italiens et français depuis 1995 laisse entendre que le problème est autant de nature législatif que culturel et institutionnel. Le milieu carcéral est réfractaire à toute intervention extérieure de peur d'être lésé d'une partie de son autonomie décisionnelle. Les valeurs incarnées par l'institution pénitentiaire semblent en outre s'opposer à celles de la réduction des risques. Le personnel de justice employé dans les structures carcérales a pour mission de veiller à l'administration de la peine dans le respect de la loi. Reconnaître la nécessité de l'échange de seringues suppose par exemple de prendre acte de l'existence de l'injection de drogues dont la présence est illégale en prison. Il y a un paradoxe à exiger des surveillants de collaborer à une action répressive contre les usagers, tout en veillant au bon fonctionnement de l'échange de seringues. En outre, quand bien même leur implication dans cet échange serait inexistante, son existence même peut être vécue comme la conséquence d'un échec professionnel. Le principal obstacle au traitement de la toxicomanie en prison serait ainsi d'ordre culturel.

« L'échec le plus évident de telles tentatives d'effectuer des interventions qualifiées dans une institution totale, se réfère à deux considérations : d'une part la « croyance » qu'il soit vraiment possible de rééduquer là où les conditions minimales pour le faire ne sont pas remplies [...] comment peut-on penser conduire un sujet à être compétent afin de faire des choix de vie dans un environnement dans lequel il est interdit de penser de façon contraire à la règle ? D'autre part, le fait de minimiser voire d'ignorer l'impact entre deux mondes et deux mentalités (le monde pénitentiaire et le monde externe) fondées sur des cultures profondément différentes par leurs habitudes, le vécu quotidien, niveau de scolarisation, etc. »604(*)604(*)

L'impact de la réduction des risques a été dans un premier temps d'avoir limité la diffusion de l'épidémie de VIH/Sida en réduisant les risques sanitaires encourus par les toxicomanes par voie intraveineuse. Ceux-ci n'ont cependant pas disparu et demeurent réels du fait de l'existence de pratiques à risques néfastes à la prévention, mais aussi d'endroits, tel que le milieu carcéral, où la réduction des risques demeure fragile. Les obstacles à son application sont aussi bien culturels que législatifs. Ces difficultés de mise en application traduisent l'affrontement entre deux modèles, les soins d'une part, entendus notamment au sens de « prendre soin de » (to care), et la répression d'autre part. Ce phénomène traduit la portée de la réduction des risques qui ne se réduit pas à un ensemble de mesures sanitaires mais qui comporte une forte dimension socioculturelle.

2.3 Les conséquences sociales et culturelles

2.3.1 Vers une normalisation de l'usage de drogues ?

2.3.1.1 Quand l'héroïne soigne

La Suisse est particulièrement intéressante pour son expérimentation réalisée au cours des années quatre-vingt-dix sur les traitements socio-sanitaires réalisés à partir de l'administration d'héroïne605(*)605(*). Cette expérimentation traduit, selon Grazia Zuffa, l'aboutissement de la stratégie de la réduction des risques. L'idée d'un usage thérapeutique des substances n'est pas nouvelle comme nous l'avons vu avec l'exemple du British System. Toutefois la prescription d'héroïne restait dans l'expérience anglaise limitée à un petit nombre de personnes bien intégrées et le système rentra en crise lorsque le phénomène de la toxicomanie s'élargit à des strates sociales plus marginalisées. L'expérimentation suisse prenait justement pour cible les populations les plus marginales.

Le PROVE (Projekt ärztlichen Verschreibung von Betäubungmitteln) a été inauguré par un décret du gouvernement suisse le 21 octobre 1992. Il s'agit d'une recherche scientifique à partir de l'expérimentation, sous contrôle médical, de substances stupéfiantes : héroïne, morphine, méthadone par injection ou voie orale606(*). La recherche fut conduite pendant trois ans (du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1996) sur un ensemble de 847 personnes (sur les 1 146 participants initiaux, 353 ont abandonné en cours de route607(*)) se déclarant volontaires pour l'expérimentation et pour une durée de traitement de 18 mois. Les critères de sélection imposaient un âge minimum de 20 ans, une dépendance de deux ans, l'absence de thérapie ayant été menée jusqu'à son terme, et la présence d'handicaps sociaux liés à la toxicomanie. L'âge moyen des personnes constituant l'échantillon était de 31 ans. Parmi eux, on retrouvait 62% d'hommes et 38% de femmes. Ces personnes avaient un rapport particulièrement difficile avec les substances mais, de surcroît, étaient très largement marginalisées au point de vue social puisque plus de la moitié était sans abris, 80% étaient au chômage. Au point de vue pénal, 80% avaient reçut au moins une condamnation pénale et la moitié avait connu une période en prison, en revanche l'échantillon comportait peu de personnes séropositives.

Les sujets de cette expérience ont été affiliés à des centres et à des cliniques des divers cantons et ont ainsi pu bénéficier d'un suivi médical. La substance distribuée n'était pas gratuite mais venait administrée pour une somme journalière de 15 frs suisse (300 frs par mois) alors que la somme mensuelle dépensée par un consommateur moyen sur le marché illégal était calculée à 1.800 frs suisse. Enfin, de nombreuses propositions de réinsertion sociale (logement, travail) ont été inclues aux thérapies proposées.

L'étude portait d'une part sur l'usage thérapeutique des substances et d'autre part sur les toxicomanes eux-mêmes à travers diverses enquêtes effectuées à partir de cette expérimentation (modification du comportement criminel, effets secondaires des substances prescrites). L'objectif principal n'était toutefois pas tant d'étudier les substances (que les participants utilisent depuis des années) mais le nouveau mode de consommation (setting) à travers l'expérimentation d'un modèle « médicalisé ».

Il a été démontré, en ce qui concerne les substances, que l'héroïne se révèle être la plus adaptée à un usage thérapeutique en raison de ses moindres effets secondaires, en comparaison avec la méthadone et la morphine. Elle présente avant tout l'avantage de proposer le meilleur taux de « résistance » c'est à dire de respect du programme et des prescriptions effectuées.

Mais les résultats essentiels portent sur les toxicomanes eux-mêmes. Les évaluations menées en Suisse, en particulier à la demande et sous le contrôle de l'OMS, ont fait état de résultats physiologiques spectaculaires par rapport à la situation antérieure. Il résulte, au terme de l'expérimentation, une amélioration générale de l'état de santé des participants notamment en matière d'alimentation et de maladies cutanées généralement liées aux modes d'injections peu hygiéniques (amélioration de l'état somatique pour 65% des patients). De nombreux progrès ont également été constatés au point de vue psychologique (amélioration dans 66% des cas). Enfin l'état de santé des personnes séropositives s'est sensiblement amélioré. Le taux de mortalité pendant les trois années fut de 1% (36 morts dont 50% causés par le Sida) soit largement inférieur au taux normalement observable chez des consommateurs d'héroïne et il ne comprend en outre aucun cas de mort par overdose.

D'un point de vue social, le nombre de personnes disposant d'un emploi stable a plus que doublé (de 14% à 32%) tandis que le nombre de chômeurs s'est réduit de moitié (de 44% à 20%). 30% des personnes qui bénéficiaient d'aides sociales au début du programme s'en sont progressivement détachées. A l'inverse, d'autres personnes sorties de la marginalité sont venues s'ajouter aux demandeurs d'aides sociales.

Une étude sociologique a été réalisée par trois chercheurs de l'Institut de criminologie de Lausanne (Martin Killias, Marcelo Aebi, Denis Ribeaud) sur l'impact du programme sur la vie des toxicomanes du point de vue des activités illégales608(*)608(*). Il s'agissait pour ces auteurs de démontrer si le rapport entre taux de criminalité et taux de dépendance est contingent, et la criminalité ne serait alors que l'expression du contexte social de la dépendance (rejetée dans le domaine de l'illégalité), ou si à l'inverse comme l'affirment certains auteurs les toxicomanes seraient généralement portés au crime de façon antérieur à leur dépendance. Les résultats confirment amplement l'hypothèse du rapport contingent entre crime et toxicomanie puisque la part du revenu provenant de vols est passé entre le début et la fin de l'expérience de 69% à 10%609(*). La consommation de cocaïne et d'héroïne en provenance du marché illégal a considérablement diminué. On note ainsi un arrêt ou diminution des consommations parallèles pour 74% des patients. On observe donc une stabilisation comportementale des personnes inclues dans le traitement.

Suite aux résultats de cette expérimentation, le conseil fédéral a proposé au parlement en février 1998 un projet de décret fédéral sur la prescription médicale d'héroïne qui fut approuvé 9 octobre 1998610(*). L'utilisation de l'héroïne est ainsi devenue accessible dans un cadre médical à une partie de la population toxicomane estimée à 10%. L'expérience suisse fut considérée comme un succès et a permis d'ouvrir un débat sur l'éventuelle utilisation thérapeutique de l'héroïne.

2.3.1.1 Une légalisation... à usage thérapeutique

L'expérience suisse, qui reste encore actuellement inédite, a été particulièrement débattue en Europe. Deux expériences similaires ont été réalisées à une échelle plus réduite aux Pays-Bas en 1998 impliquant prés de 700 personnes et une seconde en juillet 2000. Plusieurs arguments semblent en faveur d'un usage thérapeutique de l'héroïne. Les résultats de l'expérimentation ont souligné le fait que l'héroïne n'est pas une substance comme l'alcool qui nuit physiquement et chimiquement à l'organisme du fait de sa composition. L'héroïne nuit soit parce qu'elle est coupée à d'autres substances nocives, soit parce qu'elle produit une très forte dépendance611(*)611(*). Son utilisation présente surtout de nombreuses conséquences positives en terme de qualité de vie, aussi bien pour le toxicomane (reprise d'un emploi, meilleure insertion sociale), que pour le reste de la société (diminution des nuisances et de la délinquance).

Les opposants à l'usage thérapeutique de l'héroïne soutiennent, outre l'aspect moral (« donner de la drogue aux drogués »), que le but d'un tel dispositif ne serait pas tant le bien être mais le contrôle des toxicomanes. Grazia Zuffa répond à cette accusation en rappelant que les politiques prohibitionnistes de contrôle pénal sont le plus souvent défendues par les adversaires de l'usage médical de l'héroïne. Un autre argument apporté par Lucca Fazzi à l'encontre de l'expérience suisse est le risque de normalisation de la toxicomanie et de la perte du rapport thérapeutique. Ce rapport repose, selon Piazzi, sur la relation entre le soignant et le toxicomane. C'est uniquement cette relation qui permet au toxicomane de s'attribuer une valeur en tant que tel612(*). C'est par exemple le fait que l'opérateur attende un changement de la part du toxicomane qu'un rapport de responsabilisation se construira. En revanche, si l'opérateur se contente de fournir la substance au toxicomane, celui ci ne percevra aucune autre attente de changement. Les bases d'un changement se situent donc avant tout dans l'auto-représenation du toxicomane. La prescription contrôlée d'héroïne occupe dés lors un rôle dans le renforcement de la dépendance des sujets.

Lucca Fazzi ajoute que le changement du mode de vie dépend du réseau relationnel dans lequel évolue le toxicomane, il est par conséquent peu probable qu'il puisse s'émanciper du milieu de la drogue en fréquentant quotidiennement des personnes semblables à lui. L'expérimentation suisse n'a de valeur selon Lucca Fazzi à la seule condition qu'elle soit orientée vers une sortie de la dépendance : « La stabilisation comportementale a une signification seulement si elle sert à former une base sur laquelle il est possible de travailler afin d'opérer un changement. On doit alors se demander quel changement est envisageable pour des toxicomanes qui reçoivent de l'héroïne trois fois par jour pour un prix dérisoire »613(*)613(*). Un groupe de chercheurs argumente, dans le même sens, que l'usage thérapeutique d'héroïne comme il a été réalisé dans l'expérimentation helvétique présente le risque de normaliser le comportement plutôt que d'inciter au changement :

« La stabilisation comportementale liée à la consommation régulière d'héroïne risque d'être porteuse d'un énorme paradoxe qui fait de la normalisation du comportement un obstacle indépassable pour la réhabilitation sociale, aussi bien relative qu'absolue, plutôt qu'une base de changement. Le travail comme principale facteur d'intégration sociale »614(*)

L'introduction d'un usage thérapeutique fut particulièrement débattue en Italie à la fin des années quatre-vingt-dix à partir de l'exemple suisse. Les déclarations de plusieurs parlementaires durant le débat de la loi 1999 L.45 sur la toxicomanie rendent compte du refus de la classe politique italienne : « La réduction des risques comme phase intermédiaire n'est pas et n'entend pas être l'antichambre de certains projets qui sont avancés comme par ceux qui pensent que l'administration d'héroïne peut être considérée comme faisant partie de la réduction des risques. Le maintien de l'état de toxicomanie n'entre pas pour nous [...] dans les services capables de réduire les risques »615(*).

L'usage thérapeutique d'héroïne a fait l'objet de deux refus précédents, l'un en 1997 avec la motion parlementaire de Buttiglione et en 1999 avec la loi Lumia616(*). Les projets de traitement à partir de substances stupéfiantes (et par conséquent les expérimentations faites à partir de l'héroïne mais aussi le cannabis) sont formellement écartés par le Parlement lors du vote de la loi L.45/1999. L'expérimentation d'héroïne a également été proposée au cours de la Conférence de Gênes. Celle-ci a été rejetée de façon catégorique aussi bien par la majorité des communautés que par les pouvoirs publics italiens. L'administration thérapeutique d'héroïne était perçue au cours des débats comme une légalisation de la substance et une incitation à la consommation. Le but du gouvernement ne serait alors pas tant de définir un cadre légal pour expérimenter de nouvelles thérapies contre la toxicomanie mais de « donner un signal » de désapprobation aux thérapies reposant sur la consommation de substances617(*). On peut cependant noter la proposition de Ferdinando Galli Fonseca, procureur général de Cour de cassation, qui déclarait en ouverture de l'année judiciaire 1998 que la « délinquance des toxicomanes, qui préoccupe tant la population, est plus la conséquence du régime prohibitif que des effets psychiques produits par la consommation de stupéfiants », après quoi il a proposé de « considérer avec une grande attention les nouveaux systèmes criminels et thérapeutiques conduits dans certains pays, initiatives non pas de libéralisation du commerce, mais d'administration contrôlée des drogues sur la base de prescriptions médicales »618(*).

Une nouvelle objection, plus spécifique à l'Italie, peut toutefois être formulée à l'encontre de l'introduction de l'utilisation thérapeutique de l'héroïne. Le dispositif de traitement de la toxicomanie, mais aussi le système de protection social, n'offrent pas suffisamment d'aides sociales conjointement aux programmes de méthadone. Un projet similaire à celui qui a été expérimenté en Suisse apparaît ainsi difficilement réalisable en Italie, comme le note Grazia Zuffa, en raison d'un manque d'investissement dans les structures sociales adressées aux toxicomanes. On voit apparaître ici la limite du modèle suisse que l'Organisation Mondiale de la Santé a relevé dans un rapport dont les conclusions semblent limiter la pertinence de l'expérimentation.

« Les études suisses ont enquêté sur la prescription médicale de narcotiques dans des conditions très particulières. Celles ci incluent un haut niveau de contrôle et la mise à disposition de services sociaux globaux et psychologiques. De plus ces études ont été conduites dans un pays riche doté d'un système sanitaire bien développé, qui inclut une série de services pour les personnes dépendantes. Nous ignorons si les mêmes résultats auraient pu être atteints en l'absence de conditions similaires. Ainsi même si le projet PROVE témoigne de la faisabilité d'un usage thérapeutique des substances, les conditions dans lesquelles il a é réalisé limite la pertinence de ses conclusions qu'on peut en tirer »619(*)619(*)

L'usage thérapeutique de l'héroïne n'a pas fait l'objet d'un tel débat en France, peut être en raison d'une large opposition des professionnels de la toxicomanie. On peut cependant remarquer avec intérêt la recommandation adoptée par le Conseil National du Sida, à l'occasion d'une évaluation publiée en juin 2001 sur les  risques liés aux usages de drogues. Celui-ci se déclare favorable à une expérimentation de l'usage thérapeutique de l'héroïne similaire à celle qui a eu lieu en Suisse.

« Le Conseil national du Sida recommande une mise en oeuvre rapide, à titre expérimental, d'un ou plusieurs programmes de remise d'héroïne dans un cadre médical, afin qu'il puisse être procédé aux évaluations nécessaires et à la diffusion éventuelle de cette expérience si elle s'avère positive. Conçue comme un outil favorisant les soins et comme moyen de réduire les risques de consommation de rue, la distribution contrôlée de ce stupéfiant doit permettre de favoriser l'entrée en contact avec les usagers de drogues opiacées les plus marginalisés »620(*)

L'utilisation thérapeutique de l'héroïne effectuée par la Suisse dans le cadre de sa politique de réduction des risques a introduit un bouleversement dans la considération des drogues « dures ». Celles-ci sont passées, au moins partiellement, du statut de poison à celui de médicament. La substance qui était auparavant considérée comme l'origine du mal devient désormais un outil de la thérapie. Cette transformation renvoie à l'essence même des drogues qui est avant tout d'ordre culturel. Elle a permis de réenvisager au sein de nos sociétés modernes l'idée même d'usage de substances. Celui-ci n'est plus renvoyé à la perversité ou au vice de l'homme (l'image du drogué s'injectant un poison) mais devient un acte de consommation similaire à d'autres substances (alcool, tabac, etc.). C'est dans ce cadre que va être débattue l'idée d'une dépénalisation des drogues « douces ».

2.3.2 Une révolution culturelle en matière de toxicomanie ?

2.3.2.1 Accepter l'intolérable : la dépénalisation de l'usage de drogue

La réduction des risques a transformé la conception de l'usage de drogue. L'image de l'héroïnomane s'injectant sa substance par voie intraveineuse semble être passé du champ de la morale à celui de la médecine. La réduction des risques semble avoir « normalisé » l'usage de drogues. Un phénomène singulier témoigne de ce changement : les zones « décriminalisées ».

Les zones « décriminalisées », (ou zones « franches ») sont ces zones à l'intérieur desquelles la consommation d'héroïne est permise et n'est pas poursuivie dans le but de stabiliser le comportement social des usagers et de favoriser leur contrôle. Les deux premières expériences réalisées en la matière se sont déroulées à Amsterdam en 1971 et 1974, appelées respectivement UHK et Het Princenhof. Comme le précise Lucca Fazzi, « pour ces deux projets, l'objectif déclaré n'était pas l'abstinence mais une stabilisation du comportement entendue comme un présupposé à l'amélioration de la qualité de vie des sujets toxicomanes et, dans un second temps, et comme une tentative de réintégration au sein de la société »621(*)621(*). Il s'agissait ainsi d'apporter un soutien, des conseils afin de répondre aux besoins relatifs au logement, à la justice, au travail et à la santé. Les usagers du centre n'étaient contraints à aucun changement de leur style de vie et la philosophie du centre reste le principe de volontariat.

L'un des objectifs était le contrôle des conditions sanitaires dans lesquelles les toxicomanes assumaient des substances : par exemple, un distributeur de seringues mono-usage était installé dans le local afin de limiter l'épidémie d'hépatite. De plus, étant ouvert aussi bien le jour que la nuit, ces centres occupaient un rôle important pour les sans domiciles fixes. Cette expérience se conclut toutefois par un échec. En effet, ces zones « décriminalisées » n'étaient pas sans présenter certains désavantages comme le relate Lew622(*). Tout d'abord la confusion entre le service d'accueil et d'aide d'urgence et les services de conseil empêchaient de tirer pleinement profit des secondes possibilités en privilégiant une utilisation trop forte de l'aide d'urgence.

En second lieu, ces centres devinrent des pôles d'attraction non seulement pour les toxicomanes souhaitant entreprendre une thérapie mais aussi pour des toxicomanes de longue durée qui ont connu de nombreux échecs thérapeutiques, les « Altfixer », en allant ainsi à l'encontre de certains principes fondamentaux qui voient le changement à travers les conditions environnementales du toxicomane et qui préconisent par conséquent la séparation des consommateurs occasionnels d'avec les toxicomanes plus problématiques.

Enfin l'image publique des centres se détériora et ils furent assimilés à des « Junkie-Ghettos ». La municipalité de Amsterdam décida ainsi de mettre fin à l'activité de ces deux centres en 1981 en arguant que leurs fonctions étaient plus de répondre aux besoins des toxicomanes que de leur permettre une véritable responsabilisation623(*)623(*). Les centres continuèrent un certain nombre d'année leur activité puis furent périodiquement remplacés par d'autres structures à financement public.

Un problème resta irrésolu : alors que ces centres se sont développés, le taux de mortalité lié à la drogue n'a pas cessé d'augmenter en Hollande, contribuant à détériorer l'image de la politique de « décriminalisation ». Il est difficile de savoir si cette augmentation peut être rapportée à l'augmentation du nombre global de toxicomanes ou si elle traduit l'échec des « zones franches ». Le seul projet de « zone franche » qui ne soit pas lié à une augmentation du nombre de décès est celui qui a eu lieu à Berne dans les années 80 sur l'initiative d'une fondation privée, la Stiftung Contact624(*). L'esprit était semblable à celui des expérimentations hollandaises, à savoir apporter aux toxicomanes un lieu de consommation d'héroïne où il était possible de trouver des services de conseil et d'orientation thérapeutique. Toutefois à l'inverse de l'UHK et du Het Princenhof, la vente de substances n'était pas tolérée.Les résultats positifs en matière de mortalité ont incité d'autres cantons à financer des projets similaires. On peut signaler qu'une autre expérience particulière fut celle du Pasteur Visser à Rotterdam qui à partir de 1990 offrait aux toxicomanes un espace réservé à la consommation au sein de son église625(*).

Ces zones « décriminalisées » se sont aujourd'hui implantées dans différents pays d'Europe (Pays-Bas, Suisse, Allemagne, Royaume-Uni) et semblent constituer une réponse pragmatique et efficace au problème des conditions de santé des toxicomanes.

Grazia Zuffa nous apporte la description d'une zone décriminalisée située à Hanovre (Allemagne) qui semble rencontrer un large succès. Le Fixpunket (littéralement « le repère des toxicomanes) est gérée par la STEP, une association laïque qui opère depuis les années soixante-dix dans le domaine de la toxicomanie626(*)626(*). Toutefois l'esprit du centre a beaucoup évolué. Comme le décrit son directeur, Gregor Biohart, la STEP n'avait initialement pour fonction que d'orienter les toxicomanes vers les centres de désintoxication et pratiquer une intervention strictement de drug free. Depuis le début des années quatre-vingt-dix un nouveau terme est venu remplacer l'état d'esprit du centre : l'acceptation : « Accepter la toxicomanie et accepter les toxicomanes, prendre soin de leur santé et leur offrir un soutien social ». La transformation s'est paradoxalement opérée à partir du semi-échec du premier service à bas seuil de Hanovre qui a été créé en 1995, en proximité de la gare, afin de distribuer des seringues propres. Très rapidement plus de 300 drogués s'y sont retrouvés chaque jour et l'opinion publique s'est insurgée. Le Fixpunket est ouvert du lundi au samedi et reçoit antre 100 et 120 personnes chaque jour dont 20% de femmes. Dans le centre se situe l'injecting room où les consommateurs peuvent se droguer proprement. Les places sont rares puisque seul neuf consommateurs sont acceptés à la fois dans la salle pour une durée maximale d'une demi-heure. Les substances sont très variées puisque 90% des consommateurs ont recours à plusieurs drogues outre l'héroïne comme la cocaïne ou la benzodiazépine. Peu de règles régissent le centre : la prohibition de la violence et la revente de drogue. Un travail de coopération avec les forces de police fut nécessaire afin d'obtenir que les usagers ne soient pas contrôlés à leur arrivée au centre.

Les zones « décriminalisées », qui s'inscrivent dans le cadre d'une politique de réduction des risques, semblent constituer une réponse originale au problème de la détérioration des conditions d'existence des toxicomanes. Elle aboutit en partant d'une considération sanitaire et sociale à une acceptation, au moins à moyen terme, de l'usage de substances psychoactives. Ces expériences mettent en évidence les effets négatifs que peuvent avoir des mesures législatives trop fortement prohibitionnistes.

Serfaty a étudié le lien entre la réduction des risques et les systèmes législatifs en vigueur. Il a ainsi comparé les délais d'élaboration des mesures d'accessibilité au matériel d'injection, dans une perspective de prévention du Sida chez les usagers de drogue, entre les Etats de l'Union européenne627(*)627(*). Ces délais ont été mis en parallèle avec la législation des pays considérés, concernant la répression de l'usage de drogues. L'étude révèle que plus la législation est répressive, plus les mesures facilitant l'accès aux seringues sont difficiles à mettre en place. Il existe donc un lien entre la réduction des risques et la législation en vigueur ou exactement une tension dynamique qui adapte l'un à l'autre : « Si l'objectif premier de la politique de réduction des risques n'est pas la modification de la législation sur l'usage de stupéfiants, c'est bien le nécessaire développement de cette politique », et il conclue en ajoutant à propos du cas français, « qui, pour beaucoup, rend aujourd'hui inacceptable la législation française jugé trop répressive ».

La réduction des risques, qui passe par une « normalisation » de l'usage de drogue entendue avant tout comme une « régulation », se heurte à la répression et à la pénalisation des comportements toxicomaniaques. La réduction des risques semble ainsi appeler à terme une adaptation des législations trop répressives qui apparaissent inadéquates. La dépénalisation de l'usage simple (consommation personnelle) semble à cet égard la mesure la plus symbolique. C'est l'avis par exemple de Roger Henrion qui voit dans la politique de réduction des risques « une amorce de dépénalisation de l'usage, voire une dépénalisation de fait » qui réclame que « l'on harmonise la législation et la pratique »628(*).

Sidney Hercule définit la dépénalisation de l'usage de drogues comme « la suppression de l'incrimination pénale (et donc de la sanction) pour les consommateurs de drogues »629(*). C'est une solution préconisée par les abolitionnistes et notamment le professeur Hulsman, criminologue hollandais, qui conteste l'opportunité de la peine en général et notamment en matière de drogue630(*). Il propose ainsi de décriminaliser l'usage des drogues, de façon progressive en commençant par le cannabis, sans en criminaliser le trafic.

La pénalisation de l'usage de drogues, personnel et en privé, pose en outre un problème de hiérarchie des normes puisqu'elle s'oppose au principe de la liberté individuelle affirmée dans plusieurs textes de Droits fondamentaux. La loi du 31 décembre 1970 a été perçue par beaucoup comme une atteinte exceptionnelle aux articles 4 et 5 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, figurant au préambule de la Constitution française et protégeant les libertés individuelles631(*)631(*). Le Conseil constitutionnel était seul compétent pour juger de la compatibilité de l'incrimination de l'usage avec ces dispositions, mais n'a pas été saisi avant publication de la loi. En revanche, celle-ci a été jugée conforme avec la Convention Européenne des Droits de l'Homme (dont la valeur normative est inférieure au précédent texte) qui prévoit aux termes de l'article 5 que « Nul ne peut être privé de sa liberté sauf dans les cas suivants [...] s'il s'agit d'un toxicomane ».

Certains pays de l'Union européenne ont adopté, au cours des vingt dernières années, une politique de dépénalisation qui décriminalise l'usage et la détention de petites quantités de stupéfiants destinées à l'usage personnel632(*). C'est le cas de l'Espagne depuis 1983, l'Allemagne depuis 1994 pour le cannabis. La pénalisation a été supprimée depuis très longtemps en Italie. Abolie dans la loi de 1975, elle fut réintroduite en 1990 puis abrogée par le référendum de 1993. Les débats qui sont en cours actuellement en Italie portent sur la légalisation des drogues « douces »633(*). La France et le Portugal constituent les deux seuls pays à conserver une pénalisation pour usage simple de stupéfiants, la Belgique ne réprimant que l'usage collectif.

La législation française de 1970 fait actuellement l'objet de nombreuses critiques aussi bien par les professionnels que par certains juristes qui parlent de « bricolage normatif » et de l'« inefficacité du cadre légal actuel, voire de ses effets contre-productifs »634(*)634(*). Pourtant de nombreux obstacles semblent s'opposer à sa transformation. Le rapport Trautmann, publié en 1990, évaluait en annexe les arguments en faveur d'une dépénalisation de l'usage de drogue mais se positionnait radicalement contre une dépénalisation : « La drogue en toute liberté, ce serait partout la délinquance, la violence, la destruction des familles, la remise en cause du niveau de santé général, l'expression des maladies mentales, la multiplication des décès, la dégénérescence de la population et un péril mortel pour notre culture et notre civilisation »635(*).

La commission de réflexion présidée par Roger Henrion en 1995 se divise en deux camps636(*). Après la remise du rapport Henrion, Simone Veil déclara qu'il est impossible de prendre une décision en raison du manque d'informations637(*). La publication de l'étude de la commission Roques en juin 1998 a modifié les termes du débat puisque celui-ci ôte tout fondement scientifique à la politique prohibitionniste en établissant une nouvelle division des drogues qui ne coïncide pas avec l'actuelle législation entre drogue licites et drogues illicites. Il tend ainsi à rapprocher la dangerosité de l'alcool de celle de l'héroïne et considère le cannabis comme une substance plus dangereuse que le tabac638(*).

Un mouvement semble être engagé à la fin des années quatre-vingt-dix, période depuis laquelle plusieurs avis favorables à une dépénalisation de l'usage de drogue ont été exprimé. La révision de la loi française est par exemple apparue comme une priorité lors des rencontres nationales sur l'abus de drogue et la toxicomanie du 12 et 13 décembre 1997 organisées sur l'initiative de Bernard Kouchner. On peut enfin souligner la position adoptée par le Conseil national du Sida (CNS) dans son rapport de juin 2001. Celui ci a pris position en faveur du retrait de la législation française de la disposition pénale sur la présentation de l'usage de drogues « sous un jour favorable »639(*)639(*). Le CNS a enfin proposé parmi les recommandations faites au législateur, la levée de  l'interdiction pénale de l' « usage personnel de stupéfiants dans un cadre privé »640(*) ainsi que de l'« acquisition et la détention de stupéfiants à des fins de consommation personnelle ».

« Le Conseil national du Sida considère que l'incrimination de la consommation de drogue et de ses actes préparatoires, sans référence à la situation personnelle des usagers ni aux caractéristiques de leurs comportements, est susceptible d'exercer une influence négative sur la préservation de la santé des individus lorsqu'elle donne lieu à confrontation avec les forces de l'ordre ou à sanction pénale, ce qui est encore le cas pour une grande partie des usagers. La prise en charge sanitaire de ces usagers de drogues ne peut s'opérer de façon satisfaisante dans l'illégalité. Plus encore, en ne ciblant pas les situations à risques, l'incrimination de l'usage de stupéfiants est susceptible de compromettre partiellement les efforts de santé publique en orientant les attitudes des individus »641(*)

Le Conseil national du Sida français relativise toutefois, dans le même rapport, la portée d'un changement de législation. Les normes édictées par le législateur ne réglementent qu'une faible partie du champ de la toxicomanie qui reste régulé par un ensemble de représentations sociales. C'est pourquoi, « il ne suffit pas d'agir sur le cadre légal pour modifier les pratiques »642(*). Le rapport du CNS conclue que du fait que « les risques infectieux sont irréductibles à de simples gestes de consommation », car ils renvoient le plus souvent à des phases de précarisation sociale, la prévention des risques ne peut se limiter à la mise en place d'un dispositif sanitaire sûr mais doit en revanche favoriser l'émergence d'une nouvelle culture professionnelle de la toxicomanie.

2.3.2.2 Vers une culture de la réduction des risques

Les intervenants du champ de la toxicomanie sont caractérisés par des cultures spécifiques très divergentes. Celles ci ont profondément influencé, comme il a été établi précédemment, la reconnaissance et la mise en place du principe de la réduction des risques. Ces conflits professionnels ont constitué dans certains pays un obstacle au changement.

Marco Orsenigo décrit les oppositions entre professionnels de la toxicomanie en Italie643(*)643(*). Un premier conflit catégoriel oppose d'une part les médecins, selon lesquels la toxicomanie serait une maladie organique (altération de la transmission des neurotransmetteurs) qui doit être résolu par une thérapie pharmacologique, et d'autre part les psychologues, qui privilégient la psychothérapie. Les opérateurs et les psychologues ont ainsi longtemps considéré que les médicaments de substitution comme la méthadone couvraient le conflit lié à la substance et empêcher ainsi la guérison. A l'inverse, le corps médical auquel se rattache Marco Orsenigo, considère que « l'utilisation de méthadone libère le toxicomane non seulement du besoin d'héroïne mais aussi de la dynamique de la toxicomanie et il permet ainsi de gagner de l'espace afin de mentaliser les conflits »644(*). Les intervenants des communautés thérapeutiques s'opposent également de façon virulente aux méthodes de substitution644(*). Ils considèrent qu'il est nécessaire d'utiliser la souffrance comme outil thérapeutique. Le toxicomane doit ainsi « toucher le fond » afin d'accepter l'idée d'un changement de mode de vie. Cette méthode thérapeutique  découle de la considération du toxicomane comme un être irresponsable et hédoniste.

Face aux divergences de point de vue, Lucca Fazzi défend l'idée de la création d'une culture professionnelle commune construite à partir du principe de la réduction des risques646(*). Les interventions de réduction des risques, selon lui, doivent être conçues comme des instruments pour réaliser un changement du mode de vie du toxicomane par le biais de projets de réhabilitation individualisés. Ces interventions doivent unir les différents acteurs pouvant influencer le toxicomane et multiplier ainsi les points de vue et d'action ; c'est à ce titre que les secteurs sanitaires et sociaux doivent opérer de façon conjointe. C'est pourquoi le personnel travaillant auprès des toxicomanes doit bénéficier d'une formation complète permettant de dépasser le savoir lié à sa culture professionnelle d'appartenance (sanitaire, thérapeutique, sociale).

Afin de favoriser l'émergence d'une « culture commune », le Conseil national du Sida formule une recommandation similaire aux pouvoirs publics français647(*)647(*). Il propose d'accroître les efforts visant à doter les professionnels des compétences nécessaires en matière de réduction des risques, en privilégiant en ce domaine la formation initiale des professionnels concernés (policiers, magistrats, pharmaciens, médecins, travailleurs sociaux, enseignants...). L'objectif étant de « dépasser les cloisonnements entre les services, de susciter des logiques de fonctionnement transversales, à tous les niveaux hiérarchiques ».

La constitution d'une culture transversale et commune aux corps professionnels intervenant en matière de toxicomanie permettrait de joindre les efforts des acteurs individuels et d'entreprendre un véritable travail en réseau. La formation d'une culture de la réduction des risques impose cependant de réaliser une clarification du concept de « réduction des risques » qui recouvre une pluralité de définition.

Les politiques de réduction des risques peuvent poursuivre deux objectifs : elle peut viser la reconnaissance que l'interruption du rapport aux substances relève de la seule décision du toxicomane, la désintoxication est alors considérée comme un objectif secondaire en comparaison avec la limitation des risques. La réduction des risques consiste dès lors à « mettre à la disposition des usagers de drogues tous les moyens disponibles (produits de substitution, seringues, etc.) pour réduire les accidents les plus graves (overdoses, infections par le VIH, suicides), préserver l'insertion sociale ou la rétablir et, pour la plupart, de sortir de la toxicomanie sans que l'avenir soit irrémédiablement compromis, sans faire de l'arrêt une condition préalable »648(*).

Simone Piccone Stella remarque que le parcours thérapeutique se trouve dans ce second cas inversé puisque désormais le toxicomane est accepté pour ce qu'il est, sans qu'on lui impose de changer de comportement649(*)649(*). Le toxicomane peut alors, après une longue réflexion personnelle et qui peut durer des années, choisir de lui-même d'entreprendre une cure thérapeutique. La stratégie de la réduction des risques vise la survie du toxicomane. L'aspect pragmatique de cette idée est sans cesse mis en évidence par les opérateurs du secteur de la toxicomanie « il est possible d'aider un toxicomane vivant, mais nous ne pouvons aider un toxicomane mort ».

La réduction des risques peut également avoir comme objectif la désintoxication du toxicomane en privilégiant, plutôt que la voie classique de l'abstinence (intégration sociale, réhabilitation par le travail) celle de l'intégration sociale, stabilisation sanitaire, réhabilitation par le travail jusqu'à l'abstinence, il s'agit alors de reconnaître la multiplicité des voies pouvant mener à la désintoxication tout en affirmant qu'elle reste la finalité thérapeutique première. Les politiques de réduction des risques sont alors une forme d'intervention qui ont pour objectif d'agir sur un plan que les stratégies classiques centrées sur l'abstinence ne réussissent pas à rejoindre. La méthadone est utilisée comme un soutien au sein d'un programme de réhabilitation et dont l'objectif principal et premier doit toujours resté la « récupération » du toxicomane650(*). La réduction des risques reste un principe second, limité à l'objectif d'abstinence.

« La limitation des risques est toutefois un concept dangereux puisque, pris en soi, il exclut toute obligation professionnelle, éthique et morale, à encourager, promouvoir et accompagner le changement d'un état de dépendance vers un état de réelle conscience et autonomie [...] Les politiques de réduction des risques peuvent avoir une signification seulement si elles ont une fonction de soutien et/ou renfort vérifiable à des processus de réhabilitation, aussi bien absolue que relative, ou bien si elles deviennent un élément fonctionnel d'un système complexe de stratégies et de services qui ont pour objectif l'amélioration de la condition de dépendance des sujets toxicomanes »651(*)

La réduction des risques est menacée dans ce second cas de prendre un aspect sécuritaire que souligne Umberto Nizzoli : «  Mais avec les années l'idéologie du mouvement pour la réduction des risques a radicalement changé. On est passé de la défense des intérêts individuels - réduire les risques pour le consommateur de drogue - à la défense de l'environnement social, en réduisant les dommages »652(*)652(*). La réduction des risques s'entend alors non plus comme la prévention des risques encourus par les toxicomanes mais avant tout comme la limitation des risques que le toxicomane fait encourir au corps social du fait de son comportement. Bot illustre cette dérive par l'exemple du « dilemme hollandais » qui confond l'approche de santé publique en terme de réduction des risques pour la collectivité et l'approche judiciaire qui vise à réduire les conditions d'insécurité liées à la toxicomanie653(*). Certains prohibitionnistes convaincus sont dès lors devenus les défenseurs de la réduction des risque en raison des opportunités de « contrôle social » qu'elle offre654(*).

Il apparaît nécessaire de se demander quel objectif attribuer à la politique de réduction des risques655(*) : celui d'aboutir à une consommation socialement et sanitairement inoffensive ou rejoindre un état définitif d'abstinence ? La réduction des risques est née comme un ensemble de mesures sanitaires et sociales pour répondre de façon pragmatique à l'épidémie de Sida. Elle est cependant devenue aujourd'hui une philosophie et un principe de l'action publique en matière de toxicomanie et n'est pas, par conséquent, un concept neutre. Les termes sont à l'inverse chargés de significations qui renvoient à des conceptions distinctes et inconciliables de la toxicomanie.

Il apparaît dès lors nécessaire d'établir le sens attribué au principe de la « réduction des risques ». Ce n'est qu'au terme d'un effort de clarification et de définition que la création d'une culture commune d'intervention pourra être établie. Il faut que celle-ci puisse dépasser les divergences qui opposent les catégories professionnelles entre elles. C'est pourquoi, cette tâche ne peut relever que du législateur qui, ensemble aux acteurs intervenant en matière de toxicomanie, a pour charge d'inscrire dans les termes de la loi, les objectifs et les moyens attribués à la réduction des risques656(*). Cette culture commune ne doit pas seulement être entendue au plan national mais pourrait être favorisée par des coopérations établies entre les pays européens657(*). Enfin, la réflexion peut également être portée au niveau international par le rôle de l'ONU et de ses agences (ONUSIDA par exemple). L'émergence d'une culture européenne de la réduction des risques permettrait de décloisonner les milieux professionnels du soin et la prévention de la toxicomanie qui se caractérisent par des modèles thérapeutiques spécifiques.

Partie 3 Soigner et prévenir la toxicomanie

1. Pluralité et renouveau des conceptions du soin et de la prévention de la toxicomanie

Le soin de la toxicomanie était auparavant fortement assimilé à l'éradication de la dépendance et se limitait par conséquent aux traitements de sevrage. Ce modèle fut rarement remis en cause jusqu'aux années quatre-vingt-dix, comme en témoignent la France et l'Italie, malgré le peu de résultats obtenus. Les précédentes conceptions réduisaient la toxicomanie à ses seules pathologies. Cette équivalence a impliqué trois conséquences négatives658(*)658(*). Tout d'abord, le rapport entre la structure thérapeutique et l'usager s'est transformé en un rapport de « clientélisation », c'est à dire l'introduction de critère de sélection au point de vue diagnostic qui conditionnaient ainsi l'efficacité de l'intervention. Les services choisissaient leurs propres clients en fonction de critères pathologiques laissant ainsi tout un ensemble de toxicomanes hors de porté du système sanitaire. De plus, la focalisation sur les aspects pathologiques a entraîné une sous estimation des facteurs relationnels et sociaux. Le troisième défaut est une spécialisation thérapeutique de la toxicomanie et une perte de vision d'ensemble du phénomène en isolant le seul aspect physiologique.

La réduction des risques a entraîné une rupture radicale dans la conception des soins de la toxicomanie659(*). Elle a permis un triple bouleversement : une prise en compte des consommateurs de drogue non-toxicomaniaques, une prise en charge globale des patients et une perspective de non-criminalisation et de normalisation des comportements660(*).

Tout d'abord, la préoccupation sanitaire et sociale, rendue nécessaire par l'épidémie de VIH/Sida, a permis de renverser l'ordre des étapes de la prise en charge. Il ne s'agit plus de « guérir » (to cure) la dépendance pour « soigner » (to care) l'état de santé du toxicomane mais au contraire d'améliorer les conditions de vie pour mener par la suite au dépassement de la dépendance. Les consommations de drogues sont devenues une priorité des interventions thérapeutiques qui ne peuvent se limiter aux seuls comportements de dépendance ou d'abus. La cible des interventions est davantage les comportements à risques que les comportements d'abus, c'est-à-dire toxicomaniaques.

D'où une seconde conséquence, au point de vue de la prise en charge de la toxicomanie : l'objectif des interventions est désormais le bien-être de la personne qui va au-delà du dépassement de la dépendance. Les traitements qui reposaient auparavant sur le seul principe des cas pathologiques ne considéraient pas les origines et les causes du processus de consommation et ne rendaient pas possible, outre la prestation clinique, une relation d'aide dans toute sa dimension sociale. On est passé d'une prise en charge sanitaire à une prise en charge globale de la toxicomanie.

Enfin, le renouveau du champ de la toxicomanie a permis de repenser les politiques en matière de toxicomanie en englobant la consommation de drogue et la toxicomanie comme un processus complexe et multidimensionnel. Les interventions fondées sur la réduction des risques se situent dans une perspective de normalisation de la consommation qui doit être recontextualisé socialement.

La prise en charge de la toxicomanie peut être définie selon le paradigme de la réduction des risques comme « une série de modalités, de stratégies et d'activités en mesure de rejoindre et d'approcher une cible particulière avec un comportement non discriminatoire, non normatif et dépourvue de jugement, dans le but de transmettre les informations et les messages relatifs à la prévention (du VIH, mais pas seulement), à l'éducation sanitaire et au soin de soin »661(*). Les pratiques thérapeutiques existantes et plus généralement les systèmes de prise en charge de la toxicomanie ont été profondément remis en cause. La réduction des risques a permis un bouleversement des modes d'intervention en matière de toxicomanie.

1.1 Les inégalités des systèmes de prise en charge de la toxicomanie

Le système de prise en charge de la toxicomanie a été profondément bouleversé au début des années quatre-vingt-dix par la forte épidémie de VIH/Sida. Les programmes thérapeutiques, largement guidés précédemment par le sevrage et la cure de désintoxication du toxicomane, se sont progressivement orientés vers de nouveaux outils tels que les traitements de substitution. La prise en charge de la toxicomanie ne répondait plus dès lors à la seule idée de « guérison » mais avant tout au principe de réduction des risques. Ce changement de paradigme a toutefois été très lent dans certains pays comme la France où de nombreux obstacles ont freiné sa mise en place. Ces résistances étaient liées à un refus des autorités politiques de prendre en considération l'épidémie de Sida parmi les toxicomanes, mais surtout, à la formation d'un consensus au sein du champ professionnel de la toxicomanie hostile à la réduction des risques. A l'inverse, certains pays tel que le Royaume-Uni ou les Pays-Bas ont bénéficié d'une longueur d'avance vis-à-vis du reste de l'Europe. La réduction des risques s'est implantée avec plus de facilité dans ces pays en raison d'un ensemble de considérations et de pratiques professionnelles favorables à la prise en compte du toxicomane. Le facteur qui différencie les pays dans la mise en place de la réduction des risques ne serait alors pas tant la réaction des autorités politiques à prendre en charge le problème que le champ professionnel plus ou moins favorable.

« Ni la loi, ni l'opposition politique n'expliquent à elles seules la capacité différente des pays à mettre en oeuvre une politique de réduction des risques sanitaires. Leur capacité inégale trouve son origine dans le système des acteurs, notamment au niveau de l'attitude des professionnels et de leur insertion institutionnelle »662(*).

Les politiques publiques en matière de soin et de prévention de la toxicomanie ne répondent pas seulement à une logique gouvernementale. Elles incluent une multiplicité de points de vue qui témoignent des intervenants en matière de toxicomanie. Jacques Chevallier souligne la pluralité des acteurs qui rentrent en jeu dans l'élaboration d'une politique publique qu'on ne peut résumer aux seules décisions de l'Etat. Il définit une politique publique comme une « grappe de décisions » qui « fait intervenir une multitude d'acteurs diversifiés, qui participent d'une manière ou d'une autre au processus décisionnel »663(*)663(*).

L'analyse des politiques publiques en matière de toxicomanie nécessite, dès lors, de prendre en compte cet ensemble d'acteurs. Celui-ci peut être, selon les cas, restreint et homogène, comme par exemple dans le cas français, ou à l'inverse très diversifié et fragmenté, comme par exemple dans le cas italien. Chaque système professionnel a développé et diffusé une conception spécifique du soin de la toxicomanie, une « culture thérapeutique ». Le terme de « soin » n'est en effet pas neutre mais il comporte une série de sous-entendus et de présupposés de nature idéologique.

1.1.1 Soigner la toxicomanie

1.1.1.1 Quel soin de la toxicomanie ?

La toxicomanie se soigne t-elle ? Pour parler de soin de la toxicomanie, il est nécessaire de savoir si la toxicomanie est une pathologie.664(*) La toxicomanie est généralement associée à la psychopathie qui est, paradoxalement, le fait de transposer un conflit intérieur vers l'extérieur de façon à faire souffrir autrui. Certains expliquent la toxicomanie, dans un sens opposé, comme une tentative d'auto-thérapie à des problèmes personnels665(*). D'autres y voient un état de régression et l'atteinte d'un plaisir primaire, d'autres encore un comportement déviant.

L'opinion commune associe souvent la guérison du toxicomane avec la désintoxication. On parle même de « nettoyage du sang » comme s'il s'agissait d'un acte cathartique destiné à purifier le drogué. La méthode la plus connue est celle du sevrage qui consiste à retirer au toxicomane l'objet de son malaise. Le sevrage fait violence au toxicomane en le renvoyant brutalement au manque et à sa finitude. La substitution, à l'inverse, donne plus de temps au toxicomane. On peut distinguer deux modèles de sevrage666(*). Le premier type est celui qu'effectue de nombreux toxicomanes de façon autonome, il s'agit du sevrage sec ou « cold turkey » qui fonctionne dans moins de 5% des cas. Le deuxième sevrage, traitement symptomatique, vise à calmer les douleurs et les anxiétés avec des antalgiques et des tranquillisants : neuroleptiques, benzodiazépines, la clonidine (molécule découverte dans les années 80 dans le traitement de l'hypertension artérielle).

Le sevrage peut être organisé de façon ambulatoire ou bien en milieu hospitalier en fonction de la situation personnelle et familiale du toxicomane. De nombreux opérateurs et toxicomanes considèrent que l'hôpital serait le lieu le plus adéquat666(*). Celui ci constitue un endroit protégé ouvert jour et nuit, il est équipé de façon à pouvoir opérer le suivi du toxicomane quelque soit la pathologie secondaire, il répond, en outre, à l'image d'une pathologie organique similaire aux autres pathologies, et il constitue un endroit permettant d'éloigner le toxicomane de son lieu de vie quotidien.

Le terme « sevrage » fut ainsi pendant longtemps le monopole du « toxicothérapeute » qui en imputait l'échec à la « perversion » du drogué. Ils avaient lieu le plus souvent dans un service hospitalier comme le service psychiatrique. Il s'agissait d'occuper le toxicomane par un ensemble d'activités, ergothérapie, gymnastique, ou par certaines substances comme les neuroleptiques, afin de lui faire oublier la pulsion qui l'attire vers la substance. Courty note en revanche que l'idée du sevrage hospitalier va être progressivement abandonné au profit d'un sevrage ambulatoire qui va mieux répondre aux attentes du toxicomane668(*).

« On vous apprenait et on vous apprend encore en vous enfermant à être libre. Bien sûr, on ne vous laisse pas seul. Il faut accepter le contrat [...] En fait, tout est mis en oeuvre pour que l'usager s'occupe l'esprit et plus prosaïquement ne pense plus. Or, ne plus penser quand vous êtes usager d'héroïne vous savez déjà ce que c'est [...] Au nom de la liberté retrouvée, la méthode totalitaire était couramment utilisée. A cette époque, on aurait été capable de faire creuser des trous aux usagers pour, avec la terre extraite, boucher d'autres trous [...] Pour les usagers de drogue qui n'ont connu pratiquement que des échecs dans leur vie, se confronter sans cesse à l'échec pouvait-il être un moyen thérapeutique ? En effet, les sevrages, les usagers de drogue connaissent. Chaque fois que le manque les prend, et ils en ont font l'expérience quotidienne, ils font l'expérience du nez qui coule, des bâillements, des frissons, des douleurs. Eux-mêmes, à bout de course, ont souvent envisagé cette thérapeutique en solitaire »669(*)669(*)

Fazzi et Scaglia regrettent que la désintoxication se réduise encore aujourd'hui fréquemment à un traitement médical669(*). Les auteurs évoquent la possibilité d'accompagner différemment la désintoxication des patients en ayant recours par exemple aux techniques d'hypnose, de relaxation ou de libre association. Celles ci sont pourtant rarement appliquées. Les figures professionnelles non médicales semblent le plus souvent privées du droit d'intervenir au sein dans le secteur de la toxicomanie comme si leur action n'était opportune qu'à partir du moment que le toxicomane a dépassé l'intoxication.

La désintoxication n'est toutefois pas toujours conçue comme le point d'arrivée de la thérapie du toxicomane, mais à l'inverse comme un point de départ. La législation part du même présupposé que l'arrêt de la consommation de substances marque l'entrée dans un programme thérapeutique et n'en constitue pas l'issue. Les services spécialisés, mais aussi les communautés thérapeutiques, présentent souvent au toxicomane la condition qu'il ait renoncé au symptôme fondamental de sa pathologie.

« Il existe donc un décalage de temps dans la conception de cet événement [la désintoxication] qui différencie les patients des thérapeutes. Les premiers ont tendance à concevoir la désintoxication comme le premier acte nécessaire mais aussi unique et suffisant pour réaliser une thérapie. Les seconds, à l'inverse, considèrent l'abstention de drogue comme un fait éventuellement conséquent à un parcours thérapeutique et la désintoxication comme un outil de travail afin de sevrer les symptômes »671(*)

Roberto Gatti souligne que le traitement sanitaire de la toxicomanie ne doit jamais se résumer au traitement de la seule intoxication672(*). Il s'agit malheureusement souvent du comportement de certains médecins ayant toujours évolués en milieu hospitalier. Le traitement pharmacologique ne doit être qu'un prétexte afin d'établir un rapport entre l'équipe médicale et le toxicomane et d'aboutir à une prise en charge globale de son état de santé. L'idée que la toxicomanie se « guérit » lorsqu'il y a désintoxication empêche de voir, comme le remarque Gatti, que la thérapie est un processus de changement personnel beaucoup plus important c'est à dire le fait de réussir à vivre sans une dépendance à une substance. La désintoxication est considérée non pas comme un point de départ, ce qui revient à demander au toxicomane d'être « guéri » avant même d'avoir reçu des soins, ni comme un point d'arrivée mais comme une étape intermédiaire de la thérapie.

« Il est en réalité très difficile qu'un toxicomane réussisse à « arrêter » avant que les conditions psychologiques et environnementales soient réunies de façon à favoriser et accompagner le changement. Toutefois, ces conditions sont souvent considérées comme étant déjà réunies (par le patient, par l'opérateur voire par les deux !) au moment où le toxicomane se présente au Service. L'histoire passée est généralement peu considérée et l'échec répété des précédentes tentatives de dépassement d'abus de substances est exclu »672(*)672(*)

L'ensemble des intervenants s'accordent à reconnaître certains principes qui doivent être respectés et guidés la thérapie : le volontariat, la gratuité et l'anonymat673(*). Le principe sur lequel repose l'ensemble de l'intervention thérapeutique est le volontariat, c'est à dire la démarche et l'initiative personnelle du toxicomane. Valleur et Jérôme considèrent à cet égard qu'il existe un ensemble d'obligations qui se dressent autour du toxicomane (famille, police, justice, etc.) qu'il est important de prendre en compte675(*). Il existe toutefois différentes façons d'entendre ce principe. Certains intervenants, comme par exemple les communautés thérapeutiques, considèrent que l'acceptation initiale du toxicomane doit reposer sur une démarche volontaire. En revanche, une fois le programme initié, celui ci doit se plier aux contraintes prévues (séances de psychothérapie individuelle ou de groupe, contrôle des urines) et la marge de flexibilité est très faible. En cas de refus d'effectuer une partie de la thérapie, le toxicomane est alors écarté du traitement. D'autres intervenants considèrent, en revanche, qu'un programme thérapeutique n'implique pas une participation continue mais offre la possibilité de s'adapter aux besoins et aux demandes du toxicomane.

« La question de la psychothérapie « obligatoire » est souvent abordée. Nous avons choisi délibérément de ne rien imposer à nos patients. Il n'y a pas de périodicité de rendez-vous avec le médecin, le psychiatre, le psychologue, l'infirmier, l'assistant social ou l'éducateur spécialisé pour des entretiens à visée exclusivement psychothérapeutique. C'est au moment jugé opportun que nous proposons au fil de l'accompagnement les différents services disponibles [...] En fonction des besoins ressentis, il [l'usager] peut faire appel à celui ou celle qui sera le mieux à même de donner une réponse à sa demande, ce qui apparaît alors plus authentique. Progressivement, autour de lui, se substituera au réseau de l'usage de drogues « imposé », un réseau de soignants « choisi » selon ses potentialités d'aide »676(*)676(*)

Dans le second cas, la relation de soin est alors transformée. La stricte hiérarchie des rôles qui séparait auparavant le patient et le thérapeute prend fin. Tandis que précédemment, le thérapeute était considéré comme celui qui détenait une formule unique à appliquer sur chaque toxicomane, il doit désormais se plier à un rôle d'écoute face au toxicomane qui devient un patient en tant que tel. De plus, ce dernier n'est plus perçu comme un être passif demandant à être sauvé de son « mal » mais il participe pleinement au processus thérapeutique.

« Peu importe s'il n'y a pas d'entretien psychothérapeutique structuré deux fois par mois. Il nous semble beaucoup plus intéressant que le patient vienne nous voir et nous dise : « J'ai besoin de parler à quelqu'un d'autre chose » [...] « Maintenant il me faut un psychothérapeute pour essayer de m'en sortir ». Cette démarche nous paraît particulièrement importante car elle permet de matérialiser le franchissement d'une nouvelle étape [...] Le respect de ces choix est la garantie de la réappropriation par le sujet de son existence »677(*)

On peut distinguer schématiquement deux grands types d'institutions spécialisées dans la prise en charge de la toxicomanie qui se fondent sur deux concepts opposés678(*)678(*) : le premier correspond à l'idée d'un traitement non standardisé et se présente par conséquent comme un lieu de prestations de services tandis que le second propose un programme thérapeutique unique et bien défini. La prise en charge du toxicomane va cependant rarement relever d'une seule et unique institution. La « sortie » de la dépendance s'apparente le plus souvent à un parcours durant lequel participe une pluralité d'acteurs. Ceux ci présentent parfois des logiques d'interventions diverses, voire antagonistes, ce qui pénalise d'autant plus la thérapie du toxicomane. La similitude, ou plutôt la concordance, des pratiques thérapeutiques peut, en revanche, constituer un atout stratégique grâce la constitution d'un réseau thérapeutique autour de l'usager de drogues.

1.1.1.2 Chaîne et réseau thérapeutique : prise en charge sectorielle et réseau de toxicomanie

La chaîne thérapeutique est l'ensemble des étapes du parcours que doit traverser le toxicomane durant la thérapie. Elle implique l'idée que le soin ne peut pas se limiter à la désintoxication, comme il a été établit précédemment. L'accueil est la première étape de la chaîne thérapeutique680(*). Son rôle est de fournir une première écoute mais aussi certaines réponses à des questions difficilement formulables. Il s'agit surtout d'accompagner le toxicomane vers une première aide, constituant ainsi un rôle d'intermédiaire avec le reste de la chaîne thérapeutique. L'accueil permet d'introduire un tiers institutionnel vers lequel le toxicomane ne se dirige pas d'emblée (souvent par volonté de ne pas être reconnu comme toxicomane). L'utilisation du « on » est alors importante pour traduire la présence institutionnelle, le rapport entre l'usager et la structure thérapeutique. L'accueil constitue ainsi une frontière entre la rue et la zone de soin.

Une fois un premier contact établi et la confiance gagnée du toxicomane, les premières démarches à entamer sont souvent d'ordre administratif, il s'agit de réajourner les documents du toxicomane qui bien souvent s'en est désintéressé depuis des années. Il s'agit avant tout d'un processus d'« accompagnement qui ne s'apparente en rien, selon Pascal Courty, à de l'assistanat mais qui se limite à une « éducation et une prise en compte des difficultés singulières de personnes qui ont toujours refusé ou n'ont jamais pu se confronter à la réalité administrative ».681(*)682(*)

Roberto Gatti insiste sur les différentes étapes du processus thérapeutique. Il s'agit tout d'abord, selon lui, d'éviter toute précipitation et d'établir un diagnostic du toxicomane. Ce dernier a pour but d'éviter toute «urgence » dans laquelle ont parfois lieu les interventions thérapeutiques, telles que les cures de désintoxication. A l'inverse, certains centres thérapeutiques refusent de prendre en charge tout toxicomane qui se trouve en immédiate situation de malaise afin de se prémunir contre les urgences médicales.

Il est important de souligner que certaines conditions rendent toutefois nécessaire un traitement d'urgence682(*) : un état de santé précaire c'est à dire caractérisé par de fortes pathologies, la présence de symptômes psychiatriques graves, les possibles répercussions de l'état de santé du toxicomane sur des personnes tiers. Les premiers entretiens ont donc pour but de repérer ces « indicateurs d'urgence » afin de juger de l'opportunité d'une thérapie.

« Les premiers entretiens, à l'intérieur d'un Service, devraient avoir un unique objectif fondamental, celui de comprendre et de permettre ainsi un processus diagnostique qui, sur la base d'hypothèses probables, permette de structurer une intervention appropriée »683(*)683(*)

L'étape successive, l'acceptation au sein du programme, est le fait d'une sélection des toxicomanes684(*). Elle caractérise surtout les communautés qui énumèrent des conditions et des règles précises devant être acceptées pour renter en traitement. Des règles similaires existent au sein des services spécialisés mais elles sont toutefois moins formelles et moins explicites.

La prise en charge d'un toxicomane s'effectue essentiellement en fonction de son état ou « seuil » de dépendance684(*). Afin d'intégrer un nouveau patient, une communauté ou un service se base sur deux modalités essentielles : « seuil bas » (bassa soglia) ou « seuil haut » (alta soglia). Le « seuil » correspond au niveau de critères requis au sein de la structure. Beaucoup de structures adoptaient, essentiellement auparavant, un « seuil haut » de critères à respecter. En revanche, le fait d'accepter n'importe qui, sans conditions et à n'importe quel moment, correspond à un fonctionnement de « seuil bas ». La détermination du « seuil », comme le remarque Simonetta Piccone Stella est fonction de l'objectif thérapeutique désiré. En effet, si le but d'une thérapie est de porter le toxicomane jusqu'à un état de drug free (c'est à dire de complète abstinence) alors l'objectif visé requiert un « seuil haut » de critères. Ce fut l'objectif le plus fréquemment rencontré jusqu'aux années quatre-vingt-dix. Depuis quelques années, des centres à « seuil bas » se sont multipliés afin de limiter les dommages individuels et sociaux de la toxicomanie.

En cas d'acceptation du toxicomane, trois types de thérapie peuvent être envisagés : la thérapie pharmacologique, psychothérapeutique et/ou socio-réhabilitative comme dans le cas par exemple des traitements résidentiels. Ces derniers doivent être considérés comme des instruments et rien n'interdit de les multiplier au sein d'un même programme thérapeutique. Il n`est pas rare par exemple qu'une communauté ait recours à l'usage de la méthadone et aux thérapies psychothérapeutiques. Gallimberti souligne d'ailleurs la nécessité de multiplier les outils de soin entre eux afin d'une part d'attirer plus de patients mais aussi d'adapter le traitement au patient685(*). Ce dernier point mérite d'être souligné, il est important d'envisager que la toxicomanie ne répond pas à une seule et même logique et qu'il existe par conséquent différentes voies de sortie possibles.

Le point de dispute entre les intervenants de la toxicomanie ne se situe pas tant à propos du choix des instruments thérapeutiques qu'au sujet de l'environnement dans lequel doit se dérouler la thérapie687(*). Le débat se partage entre deux positions. Les partisans des « communautés résidentielles » considèrent qu'un patient voulant sortir de son état de toxicomanie doit absolument quitter son milieu quotidien et doit s'implanter dans un nouveau cadre de vie. Cet éloignement de l'ensemble des relations, des habitudes et des connaissances qui ont un rapport plus ou moins éloigné à la drogue doit permettre d'interrompre ainsi le rapport qu'entretient le toxicomane avec les substances. A l'inverse, les défenseurs des « communautés ouvertes » estiment que le toxicomane ne doit pas rompre toutes les relations avec son milieu d'origine puisqu'une véritable réflexion sur soi même et sur son rapport aux substances ne peut être entreprise uniquement au sein du monde dans lequel il vit.

Un argument joue en faveur des « communautés ouvertes » : de nombreux toxicomanes qui acquièrent un équilibre dans l'atmosphère close de la communauté résidentielle s'adaptent difficilement à la liberté et à la responsabilité dont ils jouissent de nouveau en réintégrant leur environnement quotidien. Toutefois, il est vrai qu'une personne exposée aux influences d'un quartier dégradé, d'une famille en crise peut rencontrer plus de difficultés à élaborer un parcours individuel menant à l'autonomie. Simonetta Piccone Stella résume ce dilemme apparent à la formule suivante: « Celui qui reste enfermé se déshabitue de la société, celui qui reste dans la société se distrait et se perd »688(*).

Tidone a effectué, à partir de recherches américaines du NIDA et du DARP, une évaluation comparative des différentes méthodes thérapeutiques existantes (programmes de substitution par méthadone, communautés, psychothérapie sans soutien pharmacologique690(*)) en confrontant chacun des cas avec un groupe qui n'a pas réalisé de thérapie691(*). L'évaluation démontre qu'il n'existe pas de différences significatives entre les différents types de thérapie : quel que soit le traitement, un tiers des patients maintient un état sans substance dans une durée de un à huit an après la conclusion de la thérapie. Mais le second fait frappant c'est que groupe de référence qui n'a pas effectué de thérapie obtient le même pourcentage.

Un groupe de chercheurs italiens conclue, après avoir effectué une recherche similaire et après avoir obtenu des résultats identiques, que l'observation de Tidone ne signifie pas pour autant que la thérapie est indifférente mais simplement que claque traitement a sa validité et doit être adapté au sujet en fonction de son environnement692(*). Luigi Cancrini, un spécialiste de la toxicomanie en Italie, déclarait : « Si les parcours pour arriver à la drogue sont divers, divers parcours existent pour en sortir »693(*)693(*).

Les intervenants en toxicomanie ont désormais recours de façon fréquente au « contrat thérapeutique » dans lequel sont inscrits les principaux objectifs, déterminés conjointement par le thérapeute et le toxicomane. De plus, les moyens pour atteindre ces objectifs y sont rapportés. Ceux-ci deviennent, par ailleurs, les principes auxquels devra se plier le toxicomane durant le programme. Le contrat thérapeutique est parfois devenu, comme le notent Jérôme et Valleur, un moyen pour les institutions et les intervenants de se protéger plutôt que de respecter le patient694(*). Le contrat est un moyen de reconnaître la responsabilité du toxicomane sans pour autant le faire abdiquer de son libre arbitre à arrêter par exemple le traitement thérapeutique à n'importe quel instant.

Il apparaît que la logique à laquelle répondent les soins en matière de toxicomanie est spécifique. Le schéma linéaire idyllique et idéal de la thérapie classique (examen- diagnostic- prescription- thérapie- guérison), qui se trouve même remis en question en médecine générale, est impropre à rendre compte du travail des équipes soignantes opérant dans le secteur de la toxicomanie. En effet, le toxicomane est très souvent sorti du schéma classique du système de santé et ne bénéficie pas d'un accès aux soins qui soit comparable. Une prise de rendez-vous avec un spécialiste est une première étape qui peut par exemple prendre des mois. L'ordonnance peut de même être perdue ou rester inutilisée pendant des semaines. C'est pourquoi le parcours thérapeutique qu'effectue un toxicomane est ponctué de plusieurs ruptures695(*). Celles-ci ne traduisent cependant pas systématiquement un échec, du moment qu'elles participent d'un seul et même parcours. Le changement est un processus lent qui demande de respecter de nombreuses étapes696(*).

« Les exemples du logement et du suivi des maladies infectieuses [montrent] que les ruptures et les rechutes ne sont pas forcément synonymes de l'aggravation de l'état du patient mais plutôt de moments de changement qu'il faut savoir accompagner une fois de plus. L'existence d'un réseau de partenaires avec lesquels on peut travailler va se constituer autour de l'usager de façon bénéfique se substituant au réseau autrefois centré sur la drogue. C'est ce passage d'un réseau où le produit est roi à un réseau bénéfique où l'individu a sa place qui permet le changement progressif de la personne »697(*)

Simonetta Piccone Stella observe dans le même sens que l'opinion commune interprète généralement une rechute ou la fin prématurée d'une thérapie en terme d'échec, pensant que tout est à recommencer et que cela n'a servi à rien698(*). A l'inverse, les responsables de centres thérapeutiques ont une vision moins « totalisante » et plus pragmatique. Ils conçoivent une cure thérapeutique comme un parcours au cours duquel chaque centre peut représenter une étape individuelle sans être pour autant conclusif. L'idée de « chaîne thérapeutique » avancée par Luigi Cancrini sous-entend que les meilleurs centres de soins sont ceux qui ne prétendent pas fournir à eux seuls une réponse immédiate aux problèmes du toxicomane.

La place accordée à chaque acteur au sein du processus de thérapie individuel laisse entendre l'émergence d'un réseau de la toxicomanie. Celui-ci est entendu avant tout comme un processus d'homogénéisation des normes régissant chaque groupe professionnel autonome. Il s'agit de décentrer l'attention qui était précédemment orienté sur le fonctionnement interne de chaque service et de chaque institution vers le toxicomane lui-même en tant que destinataire du système de soin.

« Le réseau est la méthode de travail retenue comme la plus efficace et adéquate, évaluation qui naît de l'exigence d'un travail de norme intégré et multidisciplinaire ; évidemment, chaque discipline, chaque professionnel et chaque service doivent cesser l'autoréférentialité pour en obtenir le résultat attendu  [...] Par système de soin, on entend la mise en réseau de tous les acteurs qui ont un rôle dans la prise en charge des situations de souffrance et de maladie définie. Dans le cas des toxicomanies ou de la séropositivité cela concerne les services publics ou privés, le volontariat, les communes puisqu'elles s'occupent de logement, de soutien économique et d'insertion sociale (aspects importants dans les déterminants de la santé ou de la maladie), les Départements (Province) qui ont le devoir d'insertion dans le monde du travail et tous les autres organismes qui influencent la toxicomanie et l'état de vie des séropositifs »699(*)699(*)

Les conceptions du traitement de la toxicomanie sont multiples, elles ont donné lieu à l'apparition d'une pluralité de structures qui ont chacune des objectifs et des moyens distincts. La réduction des risques a toutefois opéré une remise en cause des cultures dominantes du soin qui étaient auparavant orientées uniquement vers le sevrage. Elle a ouvert la voie à de nouveaux instruments thérapeutiques tels que les traitements de substitution. Elle a déstabilisé les équilibres qui étaient auparavant en place dans la définition de la prise en charge de la toxicomanie. Les systèmes professionnels autonomes, comme dans le cas français, ont alors été contestés.

1.1.2 Un champ institutionnel français autonome

1.1.2.1 Les années 70 : la formation d'un champ spécialisé

La prise en charge de la toxicomanie en France a davantage relevé jusqu'à la fin des années soixante-dix du système répressif que du système sanitaire. La loi de 1970 introduit pourtant un volet sanitaire en prévoyant certaines mesures dans le soin de la toxicomanie700(*). Le secteur psychiatrique français va rester très réticent à incorporer les toxicomanes au sein de leurs services. Cette méfiance est également partagée par les toxicomanes qui refusent d'être considérés comme « fous ». Certains professionnels du milieu psychiatrique, tel que Claude Olievenstein assistant en psychiatrie à l'hôpital de Villejuif, s'engagent en faveur de la création d'un dispositif sanitaire adapté au problème de la toxicomanie. Toutefois l'idée d'une spécialisation du traitement de la toxicomanie se heurte aux défenseurs d'une psychiatrie polyvalente et à ceux qui refusent une médicalisation de la toxicomanie au motif qu'il n'y existerait pas de lien entre psychiatrie et toxicomanie701(*)701(*).

En ouvrant la première structure de soins spécialisés pour toxicomanes en juillet 1971, Marmottan en région parisienne, Claude Olievenstein contribue à amorcer la spécialisation du champ de la toxicomanie. « Il devient progressivement, en ce début des années soixante-dix, le médiateur à la charge duquel incombe, en partie, la construction du référentiel sectoriel de la politique publique de soins aux toxicomanes »702(*). Une circulaire adoptée en 1972 par Robert Boulin, ministre de la Santé, reconnaît l'importance des centres spécialisés sans qu'ils constituent toutefois une entrave au secteur de la psychiatrie703(*).

La seconde personnalité ayant influencé l'élaboration des politiques publiques en matière de toxicomanie fut Maria-Rosa Mamelet qui est nommée en 1972 à la tête de la sous-direction du ministère de la Santé et qui se voit chargée de l'élaboration des soins aux toxicomanes. Dans une circulaire elle déclare que « la toxicomanie n'est qu'un symptôme parmi tant d'autres d'un certain malaise de la jeunesse »704(*). Elle encourage par conséquent le lancement de nombreuses initiatives privées de type associatif afin de renforcer et compléter le dispositif de soin public. De nombreuses structures vont voir le jour au cours des années soixante-dix tels que l'association « L'Abbaye » de Claude Orsel, l'espace Murger (hôpital Ferdinand-Widal) et le centre Didro, le « village Albert-Schweitzer », le centre « Lumière et liberté » d'inspiration mystique orientale. Ces initiatives sont financées le plus souvent entièrement par les pouvoirs publics qui agissent, selon Henri Bergeron, dans une logique de médiatisation de l'action étatique afin de rassurer l'opinion publique.

Au lendemain de mai 1968, l'influence de l'antipsychiatrie prime chez les premiers intervenants en toxicomanie. Ceux-ci rejettent la psychiatrie traditionnelle au motif qu'elle exerce une fonction de contrôle social et de normalisation des comportements déviants. Les premiers intervenants en matière de toxicomanie s'instituent alors en défenseurs de cette population souffrante et stigmatisée par la société. Des techniques innovantes sont introduites, elles se basent sur l'accueil, le dialogue et visent à entretenir des relations presque intimes entre le toxicomane et son thérapeute : ces démarches vont dans le sens d'une « désinstitutionnalisation de l'institution »704(*)704(*). Une base idéologique commune lie les membres des premières équipes soignantes (médecins, psychiatres, éducateurs spécialisés, assistantes sociales, volontaires) dans lesquelles les relations hiérarchiques sont développées au minimum. Il ne s'agit pas tant d'une doctrine thérapeutique que d'espoirs idéologiques et politiques communs.

« Les précurseurs qui constituent leurs lieux d'accueil un peu partout en France avancent dans le plus complet pragmatisme pour ne pas dire le noir le plus total. C'est, plutôt, une certaine éthique de l'intervention et de la relation (qui puise sa source dans les références politiques de l'antipsychiatrie) qui constitue l'âme fondatrice d'un dispositif qui n'a pas encore conscience de cette unité de vue »706(*)

Ces organisations alternatives sont la réaction à une loi jugée trop répressive par une frange du milieu médical et social qui souhaite assurer au toxicomane l'anonymat et la gratuité des soins. Toutefois, ces structures étaient davantage des lieux orientés vers l'élaboration d'un lien social à travers la rencontre et l'écoute que vers de véritables programmes thérapeutiques. L'offre de soins reste ainsi limitée aux besoins de première nécessité (soins d'urgence, service d'aide juridique, soutien moral, etc.). L'intervention en terme de toxicomanie est encore ponctuelle et ne fait pas l'objet d'une élaboration conceptuelle qui rendrait possible la mise en place d'une pratique soignante spécifique. Les pratiques thérapeutiques en matière de toxicomanie sont encore à leurs balbutiements.

Toutefois, dés 1972 et 1973 les équipes thérapeutiques sont confrontées à une population toxicomane plus nombreuse et plus dégradée sous le poids de l'héroïne. Le sevrage se présente alors comme l'outil thérapeutique principal. Le système sanitaire va ériger la cure de désintoxication comme un « pilier thérapeutique ». Cependant peu de structures disposent d'une unité d'hospitalisation et la prise en charge ambulatoire du sevrage, de courte durée, va se révéler insuffisante.

L'idée d'isoler le toxicomane de son environnement quotidien, qui le ramène inexorablement vers la drogue, va alors donner naissance aux postcures qui sont créées entre 1973 et 1974707(*). Ces institutions sont dominées par un consensus sur le traitement de la toxicomanie qui va naître chez les professionnels du secteur sanitaire autour du refus du traitement de masse (« la méthadone à l'américaine ») et le refus de la normalisation de la contrainte symbolisée par les communautés thérapeutiques. Ces institutions sont sous l'influence des valeurs contre-sociétales de l'époque et prônent le retour à la nature afin de rompre avec la civilisation assimilée rapidement à un milieu toxique. Les toxicomanes sont hébergés dans ces centres pour une durée variable entre trois et six mois, après avoir effectué une cure de désintoxication. L'idéologie des communautés va se développer à travers des thérapies fondées sur l'occupation (travail agricole, artisanat, activités sportives) et la rupture du mode de vie quotidien.

Le libéralisme des premières années prend fin alors que les thérapeutes éprouvent le besoin de socialiser et de stabiliser le toxicomane. « L'outil thérapeutique emblème » est la mise en place d'un contrat moral entre l'équipe soignante et le toxicomane qui s'engage à respecter un ensemble de règles au sein de la structure (pas de drogues, pas d'alcool, pas de recours à la violence) »708(*). A partir de 1975, les méthodes thérapeutiques sont renouvelées de façon considérable par une « psychologisation » de l'approche clinique de la toxicomanie. La nécessité de distance entre le soignant et le toxicomane est affirmée comme un principe.

La méthadone est en revanche très rapidement écartée du dispositif thérapeutique pour deux raisons principales : d'une part elle équivaut à placer le toxicomane en état de dépendance légal, et d'autre part elle est assimilée à la médicalisation et au contrôle social de la toxicomanie : « La méthadone est assimilée à une pratique médicale au service du contrôle social, évacuant alors une réflexion critique des liens du sujet à l'ordre psychothérapeutique »708(*). Claude Olievenstein qui exerce une influence massive à cette époque rejette l'utilisation de la méthadone710(*). Toutefois, Robert Boulin accepte que soit expérimentée la méthadone à travers quatre centres hospitaliers. Les expérimentations ne connaissent toutefois pas de suite et l'utilisation de la méthadone reste une pratique marginale. En 1978, une cinquantaine de place est totalisée en France711(*)711(*).

En 1977, les principaux intervenants rejettent de façon unanime le modèle des communautés thérapeutiques d'Amérique du Nord. Le modèle américain est décrit comme un système coercitif qui repose sur des « techniques comportementalistes avilissantes » qui visent à « rectifier et normaliser les comportements de [...] brebis égarées » auxquelles les thérapeutes français opposent le libre arbitre et la dignité du patient712(*). La seule tentative d'expérimentation de « communauté thérapeutique » est rejetée en 1978 par Simone Veil, alors ministre de la Santé et de la Sécurité Sociale, sous la pression des intervenants en toxicomanie. Henri Bergeron y voit « l'emblème du triomphe d'une vision plus sanitaire que sociale de ce que doit être le dispositif spécialisé de soins »713(*). Le travail socio-éducatif est affirmé comme le complément de l'intervention psychologique qui est la condition nécessaire de l'efficacité des soins.

A la fin des années 70, les grandes lignes du système de prise en charge de la toxicomanie français semblent arrêtées, comme l'illustre le rapport Pelletier commandé par Valéry Giscard d'Estaing, alors Président de la République, en juin 1977. Il constitue la première évaluation des politiques publiques en matière de toxicomanie. Le rapport prend acte tout d'abord des modifications de la toxicomanie qui « n'apparaît plus comme une flambée subite et peut-être passagère, mais comme une donnée permanente avec laquelle il a fallu apprendre à vivre »714(*). Une première distinction est opérée entre les toxicomanes, généralement usagers de drogue dures par voie intraveineuse, et les consommateurs occasionnels qui forment la grande majorité des utilisateurs de substances illicites. Le critère de la distinction n'est donc plus le produit, contrairement à la loi de 1970, mais le comportement. Le rapport Pelletier contribue ainsi à identifier le public-cible des centres spécialisés. Enfin, le rapport reconnaît la psychothérapie comme étant la technique thérapeutique par excellence. La toxicomanie y est d'ailleurs définie comme une « « faille » dans l'organisation psychique »715(*)715(*). Le rapport Pelletier légitime le système français de prise en charge de la toxicomanie tel qu'il apparaît au début des années quatre-vingt et il constitue en cela « la matérialisation politique la plus achevée d'un certain référentiel concernant le soin de la toxicomanie (à l'époque) »716(*).

1.1.2.2 L'autonomisation du système autour de la référence de la psychanalyse

Les années quatre-vingt marquent la rationalisation des pratiques thérapeutiques en matière de toxicomanie. Les cliniciens tentent de théoriser un savoir acquis par l'expérience au contact de la population toxicomane. Tandis que Claude Olievenstein tente de démontrer qu'il existe une structure psychique spécifique au toxicomane et distincte des autres structures psychiques (névrose, psychose, perversion), un consensus s'établit au sein du corps médical autour de Bergeret, responsable du Centre national de documentation sur les toxicomanies (CNDT), qui réfute l'existence d'une structure psychique propre à la toxicomanie. La toxicomanie est entendue dès lors comme un symptôme d'une souffrance psychique remontant à l'enfance qui est l'objet de la thérapie. La psychothérapie individuelle qui avait été envisagée dans les années 1975 et 1976 se généralise au début des années quatre-vingt jusqu'à devenir le principal outil thérapeutique. Ainsi, l'on peut affirmer selon le mot d'une psychanalyste, Hugo Fréda, que « c'est le toxicomane qui fait la drogue » et non l'inverse. Cela revient à dire que « c'est dans l'intériorité du sujet que se trouvent les réponses au pourquoi une substance devient l'objet unique de satisfaction, le substitut à tous les manques originels »717(*). Le sujet est reconnu désormais comme pleinement responsable de son comportement. C'est ce qui explique en partie le fait que le dispositif thérapeutique mis en place soit très sélectif. La prise en charge des toxicomanes repose sur la « demande authentique du sujet » et vise uniquement à l'abstinence. En effet, tandis que les éducateurs de rue travaillaient auparavant à partir de la rencontre des toxicomanes, l'accès aux toxicomanes ne figure plus parmi les priorités des centres de soins spécialisés.

Le dispositif institutionnel de la toxicomanie, qui s'était auparavant fondé sur une mise en équivalence des identités professionnelles, va alors se spécifier sous l'émergence de la psychanalyse. La création de l'Association nationale des intervenants en toxicomanie (ANIT) en 1980 est révélatrice de l'émergence d'une identité professionnelle commune aux thérapeutes. De façon simultanée, les lieux de documentation et d'information vont se multiplier participant ainsi à la scientificité et à la crédibilisation des intervenants en toxicomanie. Les psychologues et les psychiatres jouent désormais le principal rôle thérapeutique au sein des centres spécialisés. Les éducateurs spécialisés et les assistantes sociales sont relégués à un travail de soutien ponctuel tandis que les psychothérapeutes établissent une thérapie sur le long terme. En 1991, 76% des structures spécialisées comptaient au moins un psychologue, 69% un éducateur spécialisé et 46% une assistante sociale718(*)718(*). Enfin, 63% des centres comportaient un médecin psychiatre contre seulement 22% pour un médecin généraliste.

On assiste parallèlement à une forte centralisation du dispositif de soin. La gestion et le financement du dispositif de soins en matière de toxicomanie avaient auparavant lieu au niveau local (Conseils généraux) ce qui entraînait de fortes disparités géographiques en termes de dotation des ressources. La loi de décentralisation de 1982 permit l'inauguration d'une véritable politique nationale de toxicomanie et d'une meilleure réparation des ressources. L'allocation des ressources fut désormais assurée par le ministère de la Santé par le biais des DDASS. La diminution du budget alloué aux centres spécialisés (250 millions de francs en 1984, dont 170 millions au secteur spécialisé, chiffre qui augmente à 435 millions en 1990719(*)) amène les institutions à être en compétition entre elles au sein d'un même département. Henri Bergeron écrit, à ce propose, que « cette centralisation a une conséquence remarquable ; sous son effet, la dynamique d'établissement et de gestion de l'ensemble institutionnel répond à une autre logique : on passe de l'inflation expérimentale départementalisée à la centralisation rationalisatrice économe »720(*)720(*).

La gestion du dispositif institutionnel est répartie entre la Direction Générale Sanitaire (DGS) et la Direction de l'action sociale (DDAS). Mais une concurrence a lieu entre les deux institutions et, dans un objectif de rationalisation, la DGS devient le principal acteur décisionnel notamment en matière de stratégie financière. Les relations s'effectuent alors de plus en plus directement entre les centres spécialisés et la DGS, où siègent des intervenants de la toxicomanie, sans avoir recours aux DDASS qui se trouvent « court-circuitées » du dispositif et deviennent des acteurs secondaires de la toxicomanie. La politique publique en matière de toxicomanie se trouve alors réduite à l'intervention d'une petite équipe de fonctionnaires siégeant à la DGS. Henri Bergeron parle d'un couple autonome DGS/intervenants en toxicomanie qui impose une autorité administrative et professionnelle.

Ce couple « a pu s'enfermer ensemble dans une définition restrictive de la réalité toxicomaniaque et de ce que devait être, en conséquence, la politique publique de soins aux toxicomanes : un paradigme aux origines composites (psychanalyse, idées soixante-huitardes et contre-asilaires) va s'installer comme socle théorique référentiel dont vont s'alimenter progressivement la plupart de ces acteurs pour développer une expertise - comprise au sens d'un ensemble de règles, normes, pratiques de travail et positions déontologiques- face aux problèmes posés par la toxicomanie »721(*)

On assiste à une homogénéisation des normes qui régissent le dispositif de la toxicomanie et « l'Etat est donc, dans cette dynamique qui l'unit aux structures spécialisées, l'agent d'une « normalisation » des projets »722(*). Les projets non conformes aux normes reconnues par le couple DGS/professionnels sont systématiquement refusés. C'est le cas par exemple d'un projet de Médecins du monde (MDM) qui fait, en 1988, une demande d'ouverture de centre de méthadone et qui se voit opposer un refus. Le fonctionnement du système de toxicomanie rend impossible toute innovation et encore moins l'intervention d'acteurs extérieurs au secteur, notamment des collectivités locales.

« Quand se construit un consensus entre ceux qui ont la charge technique de mettre en oeuvre cette politique et ceux qui la financent et l'évaluent, il y a de fortes chances que ces mêmes acteurs persévèrent, chaque jour davantage, dans la voie qu'ils se sont tracée [...] le système ainsi constitué devient progressivement autonome »723(*)723(*).

Un champ spécialisé autonome s'est progressivement formé en France en matière de toxicomanie. Ce processus initié à partir du début des années soixante-dix, s'est théorisé au tournant des années quatre-vingt autour de la psychanalyse qui est devenue le principe explicatif de la toxicomanie et la toile de fond du système de soin. Les années quatre-vingt ont marqué l'autonomisation et la rationalisation des pratiques et du dispositif de soin. La définition des politiques en matière de toxicomanie ont ainsi davantage reflété l'idéologie et les croyances du milieu professionnel que les préoccupations d'ordre sanitaire et social.

L'épidémie de VIH/Sida remet en cause, à la fin des années quatre-vingt, les positions prédominantes dans le secteur de la toxicomanie. Le système français oppose toutefois des résistances, par peur d'être déstabilisé. Les linéaments d'une véritable politique publique apparaît en matière de toxicomanie au cours des années quatre-vingt-dix. Une évaluation des politiques publiques en matière de toxicomanie se met en place dès 1992, alors qu'elle avait été presque inexistante jusqu'alors.

Le consensus sur lequel reposait la domination des professionnels est mis à mal avec l'introduction de la réduction des risques. Celle ci va à l'encontre des principaux dogmes qui réglait le soin des toxicomanes. Les conceptions françaises vont désormais être l'objet de virulents débats, à mesure que s'élargit la palette de l'offre thérapeutique, auparavant très restreinte. Le système italien se caractérise, à l'inverse du dispositif français, par une très forte hétérogénéité des conceptions et des structures thérapeutiques. Les politiques publiques italiennes aboutissent, en l'absence d'un consensus entre les acteurs, à déléguer la mise en place du soin aux structures locales et notamment au « privé-social ».

1.1.3 La recherche du consensus italien

1.1.3.1 Le Servizio Sanitario Nazionale (SSN) italien : conflictualité et absence de perspective

Le système de protection social italien, qui inclut le Service sanitaire national, s'est construit autour de trois fractures qui ont façonné l'Etat italien724(*) : une séparation entre Etat national et l'Eglise catholique, une coupure entre l'Etat central et les autorités locales marquée par une forte centralisation administrative (notamment lors du fascisme) qui a permis de développer des institutions d'assistance nationales spécifiques à chaque groupe social. Enfin une troisième coupure a eu lieu entre les Institutions étatiques et la société civile. Ces trois fractures historiques ont délimité un modèle d'Etat-providence (Welfare State) très centralisé. La Constitution italienne s'inspire profondément du modèle de d'Etat-providence britannique. Elle délimite une philosophie de l'Etat social et de la citoyenneté fondée sur le travail.

Les politiques publiques italiennes sont restées très centralisées jusqu'au début des années soixante, avec une faible articulation entre le niveau central et local. Les services sanitaires étaient en revanche très extérieurs à la sphère publique725(*). Au début des années soixante, le boom économique d'après guerre qui avaient permis une forte redistribution de la croissance toucha à sa fin. Une nouvelle programmation économique se mit en place afin d'orienter le développement vers des objectifs sociaux, en favorisant les biens collectifs. Il s'agissait de mettre la croissance au service des classes les plus économiquement et socialement défavorisées.

De fortes mobilisations sociales (syndicale, ouvrière, étudiante) ont eu lieu entre 1968-1969 puis 1972-1973. Elles ont conduit à la formulation de nombreuses revendications sur le plan social, exprimées en terme de droits (« aux études », « à la santé ») exprimées dans le cadre d'un modèle de prévention collectif des risques. Parallèlement, une plus forte décentralisation des politiques publiques était également réclamé726(*). Un vaste mouvement de décentralisation a eu lieu entre 1970 et 1979 notamment par le bais de la création des Régions, dotées de nombreuses compétences d'ordre sanitaire et sociale.

La réorganisation de l'ensemble du Servizio sanitario nazionale (SSN) eu lieu par la loi n.833 du 23 décembre 1978 qui présentait de vastes ambitions. La réforme sanitaire affirme l'accès de tous les citoyens aux Services sur la base de la citoyenneté, le financement des Services par le biais de la contribution sociale, la planification et la programmation du SSN726(*)727(*). Elle confirme également le rôle déterminant attribué aux Régions, supprime la gestion autonome des hôpitaux et leur intégration aux Unità sanitarie locali (USL), et défend la valorisation des services sanitaires extra-hospitaliers. La loi 833/1978 prévoyait également une répartition des tâches décisionnelles entre le niveau national (programmation et attribution des ressources et du personnel), régional (allocation des ressources aux USL et contrôle de la qualité) et local (gestion des services USL). L'USL se fonde sur une unité territoriale mineure censée représentée la « communauté de base » virtuelle des usagers.

Mais la réalisation de la loi 833/1978 fut un échec pour plusieurs raisons: l'insuffisance des instruments de programmation sanitaire, une difficulté à établir un découpage des USL homogène (celle du Val d'Aoste était régionale tandis que d'autres étaient mono communales), la politisation des administrateurs des USL du fait d'un fort lien avec les conseillers municipaux (dominés principalement par la Democrazia Cristiana, DC, du Partito Socialista Italiano, PSI, et du Partito Communista Italiano, PCI)728(*). La politique sanitaire italienne demeure durant les années quatre-vingt très fragmentée.

Le manque de planification du système italien fut accentué par l'impossibilité d'établir un plan de programmation des finances sanitaires depuis le début la fin des années soixante-dix, favorisant ainsi une logique d'urgence de l'intervention étatique, qui reste d'ailleurs davantage politique que sanitaire. L'article 53 de la loi de réforme sanitaire (loi n.833 de décembre 1978) confie au Piano Sanitario Nazionale (PSN) la direction du Servizio Sanitario Nazionale (SSN)729(*). Le Plan a pour mission de définir les « lignes générales de direction et les modalités du déroulement des activités institutionnelles du SSN, dans la reconnaissance de l'exigence de dépasser les conditions d'équipement socio-sanitaire qui existent dans le pays, notamment dans les régions méridionales ». Le PSN a deux buts : un premier de régulation (critères socio-sanitaires de qualité à respecter) et un second redistributif. Les acteurs institutionnels qui contribuent à l'élaboration du plan sont, outre le Minsitère della Sanità et au Servizio Centrale di Programmazione Sanitaria, le Consiglio Sanitario Nazionale (CSN), les Régions, le Gouvernement et notamment le Ministero del Tesoro, les Commissions Sanità du parlement, les deux chambres réunies en session plénière ainsi que l'Istituto Superiore della Sanità d'un point de vue scientifique.

De nombreuses propositions de plans ont été élaborées depuis 1979 mais aucune n'a été adoptée. Le premier PSN de 1979 (pour la période 1980-1982) est reporté en raison d'une crise gouvernementale. Le plan est approuvé par le gouvernement en octobre puis par le Sénat en novembre 1979. Les différents projets vont alors être systématiquement renvoyés en raison des multiples crises gouvernementales qui vont se succéder. Le second obstacle au Plan sanitaire sont les nombreuses critiques qui lui sont à chaque fois opposées. Les médecins refusent un surcroît de contrôle étatique tandis que certains condamnent la part prépondérante accordée aux instances privées et que d'autres regrettent le manque d'autonomie accordée aux régions et la trop forte centralisation du système sanitaire. Ces critiques (centralisation, place du privé) sont récurrentes et ont jusqu'à présent empêché une planification sanitaire pourtant nécessaire. Le système sanitaire national italien est resté incapable de mettre en place des politiques visant à apporter une véritable réponse aux problèmes sanitaires et sociaux. Cette immobilité des politiques sanitaires s`explique selon Elena Granaglia aussi bien par des facteurs internes à la loi n.833 que par une culture politique-et administrative spécifique.

« Fruit des plus grands et des plus emblématiques rêves de planification économiques, la loi n.833 se fonde sur l'idée d'une correspondance automatique entre les intérêts des divers acteurs et ceux généraux, dans une sous-évaluation totale des pré-requis organisationnels et institutionnels nécessaires afin de rejoindre les finalités du SSN. Dans le but d'établir une procédure de planification complexe, hautement représentative, et visant la recherche du consensus le plus grand. Une telle procédure, qui peut être adaptée à un monde idéal, harmonieux et unitaire, s'est démontrée assez inadéquat dans un monde réel comme celui du secteur sanitaire, peuplé d'intérêts divergents, souvent conflictuels, et doté de coûts de transaction élevés »731(*)

Les années 1987-1992 ont été marquées par la mise à l'agenda des interventions socio-sanitaires « d'urgence » notamment dans le secteur de l'immigration (loi 28 février 1990, n.39) et de la toxicomanie (loi 26 juin 1990, n.162). Ces réformes établissaient un important recours aux services privés dont les organisations à but non lucratif (Organizzazione non lucrativa di utilità sociale, ONLUS), ce qui modifia considérablement le paysage socio-sanitaire des années quatre-vingt-dix. Les agences engagées en faveur des « urgences sociales » (toxicomanie, Sida, alcoolisme) se sont multipliées. Elles se caractérisent par de petites structures souples spécialisées dans l'accueil, l`écoute et les premières interventions. Leur financement vient avant tout des organismes publics ou encore d'organisations ecclésiastiques732(*). Le SSN est passé de 1978 à 1993 d'un système territorial horizontal à une sorte d'Agence nationale, gérant d'importantes ressources, se démarquant des services dans sa logique gestionnaire et organisationnelle734(*). Le nouveau système se caractérise par un mouvement vers le haut en renforçant les prérogatives du ministère de la Santé et en réduisant l'autonomie des USL.

Le Servizio sanitario nazionale italien présente trois caractéristiques: une forte coupure entre les structures publiques et privées auxquelles l'Etat a largement recours pour les interventions sanitaires d'urgence (toxicomanie, immigration, prostitution, etc.), un manque de planification et de programmation à long terme qui empêche d'adopter une considération globale des problèmes sur le long terme et enfin l'impossibilité des pouvoirs publics d'établir un consensus parmi les acteurs impliqués dans les politiques sanitaires et sociales. C'est dans ce contexte que va se développer le dispositif de prise en charge de la toxicomanie.

1.1.3.2 Un dispositif de prise en charge de la toxicomanie diversifié mais fragmenté

La mise en place des politiques publiques en matière de toxicomanie relève du Comitato Nazionale di lotta alle tossicodipendenze qui est rattaché directement au président du Conseil qui en assure la présidence, le comité regroupe l'ensemble des ministres concernés par le problème de la toxicomanie734(*)734(*). La définition des politiques se réalise donc à un niveau très centralisé.

La prise en charge des toxicomanes par le Servizio Sanitario Nazionale italien est réglementé par le Test Unique de loi en matière de stupéfiants et substances psychotropes, prévention, soin et réhabilitation des différents états de toxicomanie (D.PR 309/90), né de la loi Jervolino-Vassali et partiellement modifié par la loi n.45 du 18 février 1999. La législation prévoit une augmentation des ressources financières accordées aux projets de lutte contre la drogue qui s'élève à prés de 150 milliards de lires/ 750 millions d'euro par an735(*). Il est établit que 25% de ce fond est attribué aux établissements publics afin de réaliser des projets expérimentaux qui sont coordonnés par le Département des Affaires Sociales tandis que les 75% restant sont attribués aux Régions pour financer des projets triennaux centrés sur la prévention, la récupération et la réinsertion sociale de personnes atteintes de problèmes de toxicomanie ou d'alcoolisme. On observe d'une part une forte décentralisation des projets (qui doivent toutefois répondre aux normes édictées au niveau national) et une rationalisation de la gestion des centres de toxicomanie. Il s'agit d'apporter des prestations et des services efficaces de façon à répondre aux objectifs.

La nouvelle législation italienne apporte un second changement considérable. Elle ne considère plus la toxicomanie comme un problème exclusivement pathologique mais de tutelle de la santé en général736(*). Le problème de la toxicomanie est replacé dans le contexte d'une crise du welfare c'est à dire du système de protection social et de l'ensemble des prestations destinées à enlever les causes du malaise et à construire les conditions normales du bien-être. Le bien-être exige un ensemble de relations sociales, un sentiment d'appartenance à une communauté, la reconnaissance d'une identité spécifique. Ces principes sont d'autant plus valables pour la réhabilitation des toxicomanes. Ainsi, sans une intégration sociale, de relations quotidiennes, la reconnaissance d'une identité socialement acceptée, une relation de responsabilisation, il est très difficile d'envisager un processus de prévention ou de traitement de la toxicomanie.

Le dispositif de soin de la toxicomanie est particulièrement développé en Italie. Il se caractérise avant tout par une grande diversité d'acteurs : communautés thérapeutiques privées, services publics spécialisés, etc. On dénombre en Italie en 1997 un total de 1.900 services pour 117 000 patients pour un potentiel évalué entre 150 000 et 200 000 toxicomanes737(*)737(*). Le niveau de prise en charge générale a cependant fortement évolué738(*). Au 31 mars 1993, on comptabilisait 560 Sert, 1195 structures privées dont 649 communautés (auxquelles on ajoute 318 centres de premier accueil, 228 centres de réinsertion)739(*). Comme le remarque, Simonetta Piccone Stella, l'ensemble des moyens mis à disposition pour lutter contre la toxicomanie est remarquable s'il est mis en comparaison avec le budget alloué à d'autres services sociaux tels que les handicapés mentaux ou les « sans domicile fixe ». En revanche la dotation territoriale des infrastructures compétentes en matière de toxicomanie est assez inégale. Alors que les services publics sont répartis de façon équilibrée au sein du territoire italien, les structures de réhabilitation, résidentielles ou d'accueil sont principalement concentrés dans le Nord740(*).

Simonetta Piccone Stella rend compte d'une telle diversité de services par le manque d'intervention des pouvoirs publics italiens qui sont demeurés pendant longtemps en retrait741(*). Les initiatives privées ont largement précédé les politiques sociales mises en place par l'Etat en faveur de la prévention de la toxicomanie. Ce champ social est resté vide pendant de nombreuses années de toutes initiatives publiques coordonnées ou encore du moindre financement. Le corps médical, et encore moins l'Etat, n'ont pas pris en considération la question de la toxicomanie. Alors que la consommation de substances a explosé durant les années soixante-dix, aucun service d'aide, aucune plan de prévention n'ont été mis en place. Le phénomène malgré sa visibilité (morts par overdoses, familles en détresse, banlieues très touchées) est resté sans conséquences. Les premiers toxicomanes furent alors pris en charge par des religieux et des volontaires catholiques en tant que « nouveaux pauvres ».

Les Sert, les Servizi d'assistenza ai tossicodipendenti, services publics spécialisés sont rattachés aux Unità sanitarie locale (USL) ou parfois à des services hospitaliers. Ils disposent d'une autonomie relativement grande et jouent le rôle de coordinateur local. La prise en charge effectuée au sein des Sert est en revanche très spécifique puisqu'elle correspond presque uniquement aux utilisateurs de drogues dures742(*). En 1997, 86,7% des personnes fréquentant les Sert étaient des consommateurs d'héroïne, contre 91,9% en 1990. D'où une trop grande orientation des services de prise en charge des toxicomanes qui s'avèrent inadaptés aux autres types de consommation.

Parallèlement aux structures publiques, on assiste au développement des structures privées, et notamment des communautés résidentielles thérapeutiques, qui ont pour ambition d'offrir l'opportunité d'un « véritable milieu de vie et une réinsertion sociale et professionnelle »743(*). Celles ci connaissent un essor considérable durant les années quatre-vingt744(*). Leur progression a été relancé au début des années quatre-vingt-dix par la loi Jervolino-Vassali qui leur accorde une large priorité745(*). La progression des communautés est ainsi quasi-ininterrompue. On en compte 361 à la fin des années quatre-vingt, dont les deux tiers étaient liées aux organisations catholiques, puis 649 au 31 mars 1993. Enfin, on dénombrait 822 communautés en 1997. Bien que la plupart soient privées et à but non lucratif, on dénombre 50 communautés résidentielles publiques. La dotation en terme de structures entre le secteur privé et public est relativement équilibrée. En revanche le nombre de toxicomanes pris en charge est inégal, au détriment des communautés thérapeutiques. En 1997, sur les 117 000 toxicomanes pris en charge au niveau national, 94.955 étaient sous traitement au sein des services publics, (soit 81,7%), tandis que 22.176 se trouvaient en communautés privées (19%)746(*).

Le niveau d'efficacité thérapeutique entre le système privé et public présente selon les enquêtes peu de différences puisque dans les deux cas un tiers des toxicomanes mènent leur traitement à terme. La coupure du dispositif italien de prise en charge de la toxicomanie se traduit en revanche par la différence des méthodes utilisées. Les centres privés refusent le plus souvent le recours à la méthadone, bien qu'elle soit autorisée par la loi de 1975, au profit d'une thérapie de type « environnementale »747(*). A l'inverse, les centres publics ont recours massivement à la méthadone mais s'en détournent vers le milieu des années 80 en faveur d'une approche psyho-sociale démédicalisée.

La composition des équipes thérapeutiques reflète de façon significative ces différences méthodologiques : tandis que le personnel des structures publiques est avant tout médical (médecins, épidémiologiste, toxicologistes, psychiatres, etc.), celui des communautés renvoie essentiellement au monde social (animateurs, éducateurs, assistants sociaux, etc.). Riccardo Gatti remarque toutefois que les psychiatres sont très peu nombreux au sein des services publics italiens de traitement de la toxicomanie748(*). Il explique cet état de fait par un désintérêt des spécialistes pour la toxicomanie mais surtout par l'idéologie de la « non-médicalisation » et de la « non-psychiatrisation » de la toxicomanie. La loi 162/90 a néanmoins provoqué un changement en introduisant la psychiatrie comme l'une des spécialités pour l'accès aux postes de dirigeants de Sert749(*).

Les communautés thérapeutiques résidentielles ne sont pas nées au sein d'un plan coordonné d'action publique mais au dehors de tout cadre normatif et financier institué par l'Etat. Il a découlé de cette origine, une séparation entre les organismes publics et les communautés thérapeutiques qui s'est manifestée dans une faible coopération et la naissance de cultures thérapeutiques et d'intervention distinctes750(*). Les différences idéologiques qui opposent les services publics et les structures privées posent en effet, comme le rappellent Umberto Nizzoli, un problème de coordination entre les deux pôles751(*). Les pouvoirs publics ont tenté d'y remédier par la loi Jervolino-Vassali en facilitant la collaboration entre les deux secteurs752(*). On peut noter, la solution originale adoptée par la Région de l'Emilie Romagne afin de résoudre ce problème. Elle a institué dans chaque Azienda sanitaria un Coordinamento tecnico territoriale  (Ctt) composé des responsables des Sert, des communautés conventionnées, des communes et des volontaires. Celui ci est présidé par le responsable du Dipartimento per le dipendenze pathologiche (Ddp).

L'analyse des politiques et des dispositifs en matière de soin et de prévention de la toxicomanie rend nécessaire la connaissance des milieux professionnels. Les outils thérapeutiques naissent au sein de conflits et de débats qui opposent les intervenants de la toxicomanie. Le système italien se caractérise par une forte opposition entre les intervenants publics et privés. Le système français, à l'inverse, reposait sur un consensus établi entre les professionnels qui a été mis en brèche par le principe de la réduction des risques. C'est dans ce cadre que vont se développer les instruments de prévention de la toxicomanie.

1.2 Prévenir les drogues ou prévenir les risques ?

La prévention, comme le rappelle Bellini Marco, c'est avant tout le fait d'« agir avant l'avènement d'un phénomène »753(*). Ce constat permet d'expliquer pourquoi la prévention en matière de toxicomanie a longtemps été assimilée au fait d'empêcher le développement des usages de substances. Il existe pourtant une pluralité de préventions. Roberto Gatti apporte une définition générale de la prévention comme « tout ce qui est fait pour contenir, contrôler, réduire la phénomène d'abus de substances »754(*). Il note également la pluralité des objectifs (une meilleure connaissance des effets nocifs des substances, le changement de mode de penser en rapport aux substances d'abus, la modification des comportements face à ces mêmes substances et enfin retarder le plus possible l'éventuel commencement d'un abus de substances) mais aussi des publics (les individus singuliers, les familles, les groupes sociaux semblables, l'environnement scolaire, la communautés sociale dans son sens le plus large) qui peuvent être attribués à la prévention.

1.2.1 Une prévention des usages de drogues

1.2.1.1 Une prévention à triple niveau

Il est possible de distinguer de manière générale trois types de prévention755(*) : la prévention primaire qui cherche à empêcher l'apparition du problème (l'accès à la drogue par exemple), la prévention secondaire s'occupe de ceux qui ont déjà un problème en essayant de le stabiliser (contrôler la consommation des personnes qui font déjà usage de substances par exemple) et la prévention tertiaire pose comme objectif de limiter la ré-émergence d'un problème résolu (éviter que ceux qui ont arrêté de consommer des substances recommencent par exemple).

La prévention primaire se situe au niveau des conditions d'émergence de la toxicomanie. Ce fut le type de prévention le plus appliqué jusqu'au début des années quatre-vingt-dix. Elle part de la condamnation de l'usage de drogues, indistinctement de la substance, qui est considéré comme un interdit sociétal. Il existe toutefois plusieurs catégories d'intervention en prévention primaire. Elles peuvent être classifiées selon six catégories756(*) : l'exhortation alarmiste qui consiste en une information destinée à créer une peur voire une panique face au problème afin d'en éloigner le public ; l'information déléguée consiste à transmettre un message d'ordre scientifique sur les risques encourus par l'usage de substances stupéfiantes par le biais du corps scientifique ; l'information par le biais des éducateurs consiste à transmettre un message plus large que le simple usage de substances par le biais de l'école ; l'information méthodologiquement renouvelée cherche à établir un nouveau rapport plus direct entre l'enseignant et l'étudiant ; la « drug education » ne vise pas à prévenir l'usage de substances mais les abus ; l'éducation sanitaire enfin s'entend comme une promotion globale de la santé, ce type de prévention s'apparente le plus à une formation plutôt qu'une information.

Tandis que l'exhortation alarmiste est essentiellement l'oeuvre des médias, l'information est l'objet d'une pluralité d'acteurs. L'école, plus ouverte et mieux perçue, est apparue dès la fin des années soixante-dix comme l'institution la plus à même de mettre en place la prévention primaire. La prévention peut alors se réduire à la transmission d'un ensemble d'information sur le mode individuel. Cependant, les projets qui ont lieu dans l'environnement scolaire s'adressent rarement aux seuls individus car ils cherchent le plus souvent à impliquer aussi bien l'institution scolaire, que les élèves ou les parents757(*). Les parents bénéficient d'une information complète sur les substances et sur le phénomène de la toxicomanie, on les invite également à rester en contact avec un centre et à ne pas hésiter à s'y adresser en cas de doutes. Le personnel de l'école est lui aussi informé.

Les projets de préventions primaire les plus efficaces sont d'ailleurs ceux qui ne reposent pas uniquement sur un seul acteur mais qui tentent d'établir un réseau de prévention autour de l'individu. On peut par exemple citer un projet de prévention italien baptisé Progetto Insieme Scuofam (scuola-famiglia) qui place au centre de la prévention primaire le rôle de la famille et de l'école en exerçant une triple action sur les familles, les élèves et le monde enseignant758(*).

Un second rôle de la prévention primaire fut accordé au dialogue. L'exemple français des points « écoute et prévention » semble particulièrement significatif à cet égard759(*). Un plan d'action gouvernemental de 1992 demande d'une part aux centres spécialisés d'arrêter leurs activités de prévention et d'autre part d'instaurer des lieux d'écoute et de prévention des toxicomanies. Une circulaire signée par Jacques Barrot élargit ces points de prévention aux jeunes et supprime la référence à la consommation de produits toxiques (14 juin 1996). Une seconde circulaire datée du 10 avril 1997 et signée par Jean Claude Gaudin inscrit cette initiative dans le cadre du plan gouvernemental de lutte contre les toxicomanies. Elle incite à la mise en place de Points-écoute dans le but de promouvoir la « prévention de la toxicomanie et de la marginalisation ». Cette initiative s'inscrit dans un cadre plus large qui accorde la priorité au dialogue comme un moyen de restaurer une relation sociale perturbée, notamment entre générations.

Un débat important est de déterminer le type de message contenu dans la prévention. Celui-ci doit il être spécifique, c'est à dire être centré sur la menace représentée par les drogues, ou au contraire, doit-on favoriser un contenu général sur le malaise social (dont la consommation de drogues ne serait qu'une manifestation) ? Marco Orsenigo remarque qu'en Italie les intervenants du secteur de la toxicomanie jugent très souvent comme étant plus utiles les plans de prévention indéterminés que les programmes déterminés. Ceux-ci estiment que « avertir une population à risque sur les dangers et sur les dommages possibles liés à l'usage de substance ne diminue pas (dans cette population) la conséquence des phénomènes d'abus. Ils ont tendance à privilégier les initiatives d'éducation à la santé qui insèrent le discours de la drogue à l'intérieur de programmes plus amples comme par exemple l'éducation sanitaire en général. Ils recherchent contemporainement des modalités d'intervention sur le malaise et la marginalité juvéniles qui permettent de prévenir la déviance (dont la drogue serait un symptôme) »760(*). Cette particularité du système de prévention est à mettre en lien direct avec la conception de la toxicomanie qui prédomine depuis la fin des années soixante-dix en Italie et qui considère que la toxicomanie n'est que l'expression d'un malaise social plus général.

Le fait d'inclure la toxicomanie dans une formation générale au bien être et à la santé comporte cependant le défaut de ne pas suffisamment soulever le problème de la spécificité de la drogue au risque de la laisser engloutir avec d'autres généralités transmises par les médias761(*). La prévention indéterminée présente le risque de ne pas impliquer les personnes et d'empêcher ainsi une véritable discussion critique et réflexion personnelle sur les drogues762(*).

Le meilleur choix reste peut-être de multiplier les angles d'approche comme c'est le cas dans l'exemple du projet des « Points-écoute » développés en France.763(*) Leur objectif est d'opérer une prévention qui soit à la fois spécifique (afin d'éviter les préventions trop généralistes sur la base d'un modèle de diffusion de masse) sans pour autant être trop ciblés sur les consommations abusives déjà prises en charge par le système spécialisé en toxicomanie. Il s'agit ainsi de faire coexister une prévention globale sur la problématique des adolescents (dont la consommation de produits psychoactifs est perçue comme une résultante), une prévention centrée sur la problématique des liens sociaux (approche communautaire en lien avec les familles, les écoles, les associations) et une prévention spécifique centrée sur les consommations de psychotropes (pour élargir ensuite à l'ensemble des pratiques à risques) et enfin en passant d'une prévention secondaire des toxicomanes à une prévention primaire globale.

La prévention primaire vise un changement général de comportement et par conséquent culturel. La drogue étant conçue comme un phénomène avant tout culturel, il constituerait selon certains le modèle le plus adapté à la prévention de la toxicomanie764(*). La prévention secondaire est, en revanche, constituée d'interventions rapides afin de remédier aux personnes exposées momentanément à un risque d'usage de substances. Elle ne semble pas viser un changement durable des conceptions. La principale difficulté est en revanche d'adapter un discours auquel les toxicomanes puissent se reconnaître comme par exemple le manuel de prévention de « Freak » Antoni765(*). La prévention secondaire demande une connaissance très précise non seulement du problème contre lequel il s'agit de lutter mais aussi des spécificités socioculturelles de l'environnement dans lequel à lieu l'action de prévention766(*).

Certains auteurs ont tenté d'élaborer des modèles de prévention permettant ainsi une meilleur efficience. Pascal Courty propose par exemple de créer un parallèle entre les niveaux d'usage (non-usage ; usage récréatif ; abus ; dépendance) et les niveaux de prévention codifiés par l'OMS767(*). Concernant le non-usage et l'usage récréatif, il s'agit d'effectuer une prévention « primaire » reposant sur l'information et la sensibilisation afin d'éviter l'initiation de l'usage ou d'empêcher le passage de l'usage récréatif à l'abus. L'usage nocif requiert une prévention « secondaire » afin de dépister les personnes concernées et de les accompagner. Il s'agit par exemple d'ouvrir des lieux d'accueil facilement accessibles aux toxicomanes où ils puissent obtenir une information suffisante. Le dernier niveau de prévention, « tertiaire », s'applique aux personnes présentant une dépendance aux substances. Il s'agit d'éviter, dans le cadre d'une prise en charge de substitution, une association avec d'autres toxiques ou encore, après acquisition de l'abstinence, d'éviter une rechute. Il est toutefois difficile comme le note Yves Gervais dans La prévention des toxicomanie chez les adolescents768(*), de dissocier ces trois niveaux d'intervention et la plupart des interventions sont considérés soit comme relevant d'un niveau primo-secondaire soit d'un niveau secondo-tertiaire.

Il est enfin nécessaire de distinguer deux niveaux d'intervention : un premier plus collectif (interventions en classes, lors de soirées, etc.) et un autre plus centré sur l'individu et plus proche de l'accompagnement. Selon Stimon, les activités de prévention ne doivent plus seulement être orientées en direction des individus singuliers mais des entières communautés et des réseaux d'individus, il s'agit de développer l'idée « d'activités à ample rayon de communautés »769(*). La prévention des comportements individuels n'est pas suffisante et requiert un changement des normes du groupe et une nouvelle dynamique sociale. Le concept d'« interventions de communauté à ample rayon » s'oppose à l'idée de services et d'activités qui reposent sur le rapport d'individu à individu770(*). Cette seconde méthodologie comporte en effet la limite de ne pouvoir atteindre une population que sur une base arithmétique. A l'inverse le concept de communauté (community approache) permet de diffuser les messages et les comportements de prévention de façon pyramidale à travers le biais de réseaux d'individus. C'est dans cette logique d'intervention communautaire que Wiebel a pu observer un premier réseau similaire à Chicago771(*). L'objectif des interventions étaient alors davantage le changement des normes et des croyances que d'intervenir sur les individus eux mêmes.

Le bus « Echange prévention », décrit précédemment, serait selon Pascal Courty un exemple d'outil qui concilie approche collective et individuelle772(*). Il permet en effet d'une part d'assurer une sensibilisation des groupes au cours de discussions où les avis peuvent se confronter à propos des substances mais aussi d'autres sujets : les maladies sexuellement transmissibles, la violence ou le respect de l'autre tout en permettant le dépistage précoce d'usages abusifs, voire de début de dépendance, et l'accompagnement d'adolescents en difficulté.

La définition des stratégies d'intervention peut également se situer à deux niveaux distincts : local et national. La prévention au niveau local répond au besoin d'être au plus proche des problèmes et d'y apporter des réponses adaptées773(*). Cette prévention par le local exige certaines conditions qui semblent difficiles à remplir et qui constituent par conséquent autant d'obstacles : elle nécessiterait l'idée d'un territoire « délimitable », non pas géographiquement mais culturellement, or la drogue est un phénomène qui dépasse amplement un cadre strict. Une prévention par le local nécessite une coopération entre les différentes institutions locales (centres sanitaires, communes, écoles, etc.). Elle requiert également que les administrations locales acceptent d'intervenir à long terme et non plus à court terme, c'est à dire dans une logique moins électorale mais plus productive en terme de prévention. Une politique de prévention par le local demande également de nombreux moyens de prévision dont ne disposent pas toujours les services sanitaires au niveau local. Enfin la durée de vie des administrations locales rend difficile la conception de projet à très long terme afin qu'ils soient suffisamment efficaces.

Les politiques de prévention nationales ou globales (au niveau européen par exemple) n'en restent pas moins indispensables. Elles permettent de définir des objectifs et des moyens de façon centralisée afin d'assurer l'homogénéité des actions. La prévention ne peut pas se limiter à une suite d'actions sporadiques mais doit être effectuée selon les principes de continuité et de cohérence. On peut rappeler que la réduction des risques a été introduite au niveau local (par exemple, le Merseyside au Royaume-Uni) mais a été inscrite dans des politiques nationales pour réellement bénéficier d'une efficacité et dépasser le stade expérimental. Il est donc préférable, comme le propose Gatti, de concevoir une articulation du local et du global. Il existe une dynamique entre les deux instances dans la définition et la mise en place des politiques publiques. Les pratiques réalisées de façon expérimentale (local) requièrent, pour intégrer les nouvelles politiques, une action des pouvoirs publics (national). Ceux-ci déterminent alors les priorités d'action (national) qui doivent être appliquées en tenant compte des spécificités de chaque (local).

« Certains experts du secteur soutiennent qu'il est impossible de prévoir à un « niveau centralisé » une réelle prévention des toxicomanies du fait que chaque territoire et chaque réalité locale devraient être en mesure d'individualiser des facteurs à risque spécifiques et intervenir de façon ciblée sur ceux-ci. Si ce discours est en partie vrai, il risque d'autre part d'être extrêmement « provincial » et démagogique en enfermant le problème de la toxicomanie dans d'improbables facteurs locaux sur un phénomène qui a une dimension internationale et transculturelle »774(*)

1.2.1.2 Les modèles de prévention : l'information, l'éducation et la promotion

Quatre modes de prévention se sont succédés dans les politiques publiques : l'information et l'éducation qui malgré leurs changements sont restés les basiques de la prévention, la promotion qui s'est affirmée peu à peu et la réduction des risques depuis peu775(*).

L'information a été, et continue parfois à être, le mode privilégié de prévention. Il peut être utilisé dans le cadre d'une prévention primaire. Il s'agit de mettre en garde les non-consommateurs des effets nocifs des substances sur les dangers encourus par l'usage de drogues illicites. Ce mode de prévention a toutefois été très fortement remis en cause ces dix dernières années notamment par les intervenants du secteur de la toxicomanie. Ceux-ci considèrent que l'information ne serait pas un type de prévention adéquat, d'une part car il n'a pas un rapport causal direct avec l'action, et d'autre parce que l'information peut avoir des effets contre-productifs comme par exemple en apportant à quelqu'un des informations qui lui étaient jusqu'alors inconnues776(*). Une recherche du département de Psychologie de l'Université de Cagliari (Italie) a mis en évidence que 89,7% des consommateurs de drogues connaissaient au moment de leur héroïnomanie les effets de cette drogue777(*). Il est dans ses conditions difficile d'imputer le comportement d'un toxicomane à son manque d'information sur les substances.

« L'information ne change pas nécessairement (et ni fréquemment) les orientations axiologiques, les motivations de l'action individuelle, les attentes, les observations des risques et des dangers, et lorsqu'il les change, la direction du changement est complètement imprévisible [...] C'est pour cela que l'information est toujours et nécessairement une stratégie inefficace de prévention, utilisable seulement lorsqu'il n'est pas possible de faire autrement, ou lorsqu'on note, dans des conditions de manques graves de connaissance, qu'il soit avantageux de la diffuser, malgré les risques d'effets contre-productifs »778(*)

L'éducation, second mode de prévention, est considérée dans nos sociétés comme un moyen idéal afin d'orienter les individus et d'en faire des personnes responsables, d'où l'idée qu'une bonne éducation serait un moyen adéquat pour prévenir l'usage de drogues. L'éducation ne détermine pas l'action individuelle mais elle peut entraîner des effets contre-productifs en raison de la pression supplémentaire quelle fait peser sur la personne : « L'éducation est plus exigeante, stressante, coercitive : par conséquence, il est plus probable qu'elle soit refusée ou utilisée de façon imprévue par les éducateurs [...] l'éducation en fait catalyse la déviance, puisqu'elle met en évidence sur le plan social l'intention d'indiquer une valeur contre une autre »779(*).

La promotion est un modèle de prévention qui fut introduit à la fin des années quatre-vingt et qui tend à se développer dès lors dans le secteur de la prévention primaire780(*). Le premier avantage de la promotion est de mettre en avant les capacités individuelles. C'est l'idée d'une amplification et d'un renforcement des capacités individuelles, entendu comme un développement cognitif, afin de prévenir l'usage de drogues. Cette version de la promotion est restée à l'état d'ébauche en Italie. En revanche un autre mode de promotion s'est développé, il s'agit de la promotion de la communication, c'est à dire le développement d'une communication plus adaptée à son public et qui positive et par conséquent utile. La promotion passe alors par l'information et l'éducation et s'expose aux mêmes problèmes cités auparavant. La troisième promotion possible est une promotion de la communication entendue non pas comme une éducation mais comme l'appui dans la construction de structures sociales autonomes.

Le modèle de la promotion « est fondée sur le présupposé que le changement d'un système (qu'il s'agisse d'un individu ou d'un système social) ne peut pas être causé ou créé de l'extérieur. Un système est autonome et ne peut pas être déterminé, guidé ou contrôlé : l'intervention peut seulement produire des « perturbations » dont le système construit la signification, en s'auto-évoluant ou en choisissant de ne pas changer »781(*). La prévention entendue comme promotion est alors un mode de développement de l'autonomie des individus. Elle n'a pas pour but de s'attaquer directement aux problèmes (comme les drogues). La promotion est un processus global qui s'oriente vers le problème général du malaise et qui constitue en cela une prévention indirecte de la toxicomanie. Toutes les interventions de promotion exercent un effet indirect de prévention par le fait de responsabiliser les personnes. En revanche, seules certaines interventions peuvent avoir des conséquences directes sur la prévention de l'usage de drogues, comme par exemple la promotion de groupes de jeunes782(*).

On peut citer comme exemple de politique de prévention fondée sur la promotion, le plan espagnol de lutte contre la drogue, Plan Nacional sobre Drogas (PNSD), approuvé le 17 décembre 1999783(*). Celui ci a été élaboré par une délégation gouvernementale sur la base d'un travail d'expertise approfondi afin de mieux connaître la situation de la consommation de drogue et d'identifier les facteurs de risque. Le PNSD espagnol repose avant tout sur la promotion de la prévention, entendue comme l'éducation de valeurs, de compétences et d'habilités sociales à travers l'instance de la famille et de l'école. L'école s'est ainsi vue attribuée un rôle spécifique par la création d'un cours intitulé « éducation à la santé », mis en place depuis 1990, qui a pour but d'informer et de limiter la consommation de substances illégales mais aussi légales comme l'alcool et le tabac. La famille a été impliquée également dans la prévention des drogues par plusieurs campagnes nationales fondées sur le thème de la communication en famille et ayant pour but de faciliter les rapports intergénérationnels.

Les stratégies de prévention développées en Espagne reposent plus sur la formation que sur l'information784(*). Cela se traduit par un travail effectué en compagnie d'éducateurs sur certaines capacités telles que la prise de décision, les capacités communicationnelles, l'autonomie, l'estime de soi, la responsabilité, les valeurs. Le PNSD prévoit également la création d'un large éventail de matériel éducatif et de prévention mis à la disposition des écoles. Le plan envisage des actions de prévention au sein des entreprises et des usines notamment en matière de drogues licites tel que le tabac et l'alcool. Enfin, autre nouveauté, le PNSD propose une formation et une information des médias afin d'obtenir un traitement plus objectif et adapté du sujet. Le plan de prévention espagnol ne se contente pas d'affirmer les points précédents comme des priorités d'action publique, il détaille également un certain nombre de buts concrets à atteindre dans une période déterminée785(*).

Les instruments de la prévention sont multiples. Les actions de prévention primaire tournées vers la réduction de la consommation de drogues restent cependant largement prioritaires en comparaison de la prévention secondaire, c'est-à-dire la limitation des risques encourus par les usagers de drogues. L'épidémie de VIH/Sida va souligner l'absence de prévention effectuée dans ce second secteur. La nouvelle stratégie adoptée progressivement par les Etats va permettre de réévaluer et de mettre à jour les outils de la prévention à l'aune des nouveaux objectifs. La réduction des risques va ainsi permettre d'inaugurer un nouveau mode de prévention.

1.2.2 Un renouvellement des politiques de prévention

1.2.2.1 De la prévention de la toxicomanie à la prévention des risques

Les politiques de prévention ont pris pour point de départ, comme le rappelle Emiliano Martin Gonzales, le constat d'un bouleversement du phénomène de la drogue, de sa conceptualisation et des politiques publiques adoptées au cours de ces dernières années786(*). Après la période des années quatre-vingt désignée comme « l'étape de l'héroïnomanie » les années quatre-vingt-dix sont consacrées comme le règne des « drogues récréatives » ou encore dites de synthèse. Les mécanismes de prévention et de lutte semblent inefficaces face à cette nouvelle vague de drogue. De même que les conséquences sanitaires et sociales dramatiques de l'héroïne ont imposé l'adoption de nouvelles mesures baptisées réduction des risques, les nouveaux phénomènes requièrent un changement de stratégie. Les politiques italiennes et françaises de prévention vont tenter de répondre à ce double défi.

Les dispositif français de prévention a connu de nombreuses évolutions en se réorientant en faveur de la réduction des risques. Les profondes modifications qu'ont connu les campagnes nationales de prévention françaises au cours des années quatre-vingt-dix traduisent cette évolution787(*). Les slogans utilisés au début des années quatre-vingt-dix donnait une image largement dévalorisée de la drogue : « Aidons les à trouver la force de dire non » (1990-1992), « La drogue c'est de la merde » (1996). Les slogans correspondent depuis la moitié des années quatre-vingt-dix à une prévention entendue comme une réduction des risques ainsi qu'en témoigne le slogan suivant: « la drogue parlons en avant qu'elle ne nous parle » (1996-1997) mais surtout « Savoir plus, risquer moins » (2000-2002).

En France, la MILDT (Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie) a fortement contribué à l'élaboration d'une nouvelle politique de prévention en reprenant les conclusions du rapport du professeur Parquet remis en 1997788(*). Le dernier ouvrage publié par la MILDT en matière de prévention est exemplaire de ce changement de paradigme. Elle part du constat de l'existence des drogues comme un fait de société donné. L'acte de prévention n'est plus destiné à la consommation de drogues mais à la prévention des pratiques à risques789(*). Le guide distingue l'usage simple790(*) et l'usage nocif791(*) qui se caractérise par un ensemble de risques sanitaires et sociaux. L'objet de la prévention est dorénavant d'éviter le passage de l'un à l'autre. Un second changement est introduit par ce bouleversement de conception. La prévention des usages à risques ne peut dés lors plus être limitée aux seules substances illicites. Il existe des usages nocifs des substances licites, tels que l'alcool ou les tranquillisants qu'il s'agit de prévenir792(*). Enfin, de nombreuses brochures ont été également publiées, avec le soutien financier de la MILDT, sur les risques d'infection encourus et les moyens de s'en prémunir793(*).

Le système italien en matière de toxicomanie était fondé au début des années soixante-dix sur le principe de la répression794(*). La loi 685 de 1975, apparaît toutefois innovante. Les Structures locales devinrent les principaux protagonistes en matière de prévention. Au modèle répressif est substitué celui de la pédagogie/éducation qui reposait fondamentalement sur l'information des risques encourus par l'usage de substances et adressé aux écoles, aux familles, aux prisons ou aux associations et sur la formation, tout particulièrement des jeunes. Il s'agissait donc d'une double démarche complémentaire d'éducation sanitaire et de transmission de valeurs qui entendait agir sur la formation de l'individu, afin d'écarter toute approche des jeunes vers la drogue. Cette prévention s'apparentait par conséquent au premier type de prévention.

La toxicomanie a alors été considérée non plus comme une déviance, ni comme une maladie, mais avant tout comme les conséquences d'une société au fonctionnement inadéquat. L'idée fut alors de proposer des nouveaux modes de vie drug free venant se substituer aux styles de vie marginaux précédents. Ce fut l'apparition de l'idée que l'objet de la prévention n'est plus simplement d'éviter la consommation de substances mais le disagio sociale, c'est à dire le malaise social, dont elle n'est qu'une des conséquences. L'école a dès lors retrouvé une place fondamentale dans la promotion d'une prévention globale. Une coordination entre les différentes instances de socialisation (école, famille, associations, groupes de jeunes) s'est alors mise en place. Ces politiques se sont traduites par la tenue de conférences d'information et de débats au sein des écoles, une éducation sanitaire à base d'animations, des programmes d'information dans les casernes et les usines, une meilleure orientation scolaire, la promotion du travail des jeunes.

Au modèle pédagogie/éducation, est venu s'ajouter, durant des années quatre-vingt, le concept de « promotion » qui témoigne le besoin de dépasser le concept traditionnel de prévention qui connotait négativement les utilisateurs potentiels795(*). Il s'agit désormais non plus d'éloigner les facteurs à risques du malaise mais de promouvoir et stimuler les ressources des plus jeunes. Deux modèles de prévention ont ainsi cohabité durant les années quatre-vingt : d'une part le modèle pédagogique/éducatif centré sur la lutte des pratiques à risques, et d'autre part le modèle promotionnel centré sur le soutien et le développement des ressources et des capacités des jeunes. Des Progetti Giovani sont mis en place dans les secteurs du temps libre et de la culture afin de développer le sens de la responsabilité et l'autonomie personnelle.

Les grandes campagnes d'information conduites avec un ton alarmiste, dissuasif ou autoritaire ont été remises en cause et le principal résultat de ces politiques fut le développement de nombreuses structures pour jeunes. Les interventions étaient caractérisées par des campagnes informatives visant à responsabiliser les jeunes plutôt que de les terroriser, des campagnes d'information/ promotion de la santé dans les écoles réalisées de façon moins directive, des actions éducatives de rue pour rejoindre les jeunes sur leurs lieux de vie et de temps libre, la création de Centres d'informations pour jeunes et de Centres de formation pour les parents, pour les enseignants et pour les opérateurs d'associations afin de développer un réseau de sensibilisation autour des jeunes, et enfin, la mise en place de programmes d'information et de prévention auprès des usines, casernes et des instituts pénitentiaires. Est apparue alors peu à peu l'idée d'une trop forte répression des substances ainsi que l'hypothèse qu'une possible libéralisation des substances (comme le cannabis voire l'héroïne) puisse permettre une moindre déviance et un meilleur contrôle.

La loi n. Jervolino-Vassali de 1990 institue un fonds monétaire pour la prévention en confiant à une commission nationale le devoir de sélectionner les projets pouvant bénéficier des financements. Toutefois, « en l'absence d'une vision claire de la signification de la prévention des toxicomanies, les fonds ont été utilisés au niveau local sans aucune forme réelle de contrôle et d'évaluation ».796(*) En comparaison avec les années précédentes, la culture de la promotion de la santé et du bien être, l'abandon du modèle pédagogique et la promotion d'un modèle relationnel et communicationnel, la distinction entre les interventions réalisées dans un milieu scolaire ou informel, ont été généralisé. Les interventions se caractérisèrent par le développement de campagnes informative centrées sur la promotion (« Fatti furbo, non farti male », « Sois rusé, ne te fais pas mal ») , la mise en place d'un numéro vert national informatif (Drogatel) à partir de 1993, des projets éducatifs diversifiés (école maternelle, élémentaire, primaire, secondaire, supérieur), la création de Centres d'Information et de Consultation au sein des écoles (Centri di Informazione e Consulenza, CIC), le renforcement des structures existantes de Centres pour Jeunes ou des Centres pour parents et enseignants et des programmes d'information et de prévention destinés aux usines, casernes et instituts pénitentiaires.

La seconde moitié des années quatre-vingt-dix fut marquée par un bouleversement des modes des prévention, avec notamment l'introduction massive de la prévention secondaire. Le facteur de ce changement fut avant tout la diffusion de la pandémie de Sida parmi les héroïnomanes et le changement des formes de consommation (drogues synthétiques) qui ont amené les pouvoirs publics à privilégier de nouveaux modes de prévention plus proches des populations à risque. L'introduction de la réduction des risques fut l'élément le plus notable de ces nouvelles politiques. Les nouveaux objectifs de la prévention sont devenus dès lors la réduction des cas d'infections de VIH, le contrôle des morts par overdose, l'approche et le soutien aux toxicomanes, en faveur non seulement de l'individu mais aussi de toute la communauté.

Deux nouveautés sont également apparues dans le champ de la prévention primaire : d'une part, le développement des lieux d'information plus informels et proches des jeunes, comme les discothèques liées aux substances synthétiques, et l'accent mis sur le travail en matière de communication. La rencontre de ces deux vecteurs s'est traduit par le succès des unità di strada et du travail de proximité. Mais on a surtout assisté à l'apparition d'une nouvelle représentation sociale de la consommation de substances qui n'est plus seulement rattachée à la marginalité, mais aussi de la « toxicomanie » qui était auparavant lié à l'héroïne. Ces notions deviennent progressivement synonyme de « divertissement » sous le poids des « nouvelles drogues »797(*). Celles-ci ne sont pas véritablement nouvelles mais elles sont associées à de nouveaux lieux et à de nouveaux modes de consommation. L'effet pervers de ce retournement fut la mise au banc de l'héroïne des priorités des politiques publiques de prévention. Les médias mais aussi les projets de financements des collectivités locales sont désormais centrés sur les drogues synthétiques.

La réduction des risques a bouleversé les objectifs attribués au rôle de la prévention. La priorité n'est plus tant la prévention des consommations de drogue que la prévention des pratiques à risques. Elle part du constat d'un usage de substances avéré et tente dès lors d'en limiter les dommages. Ce changement correspond cependant, selon Baraldi et Rossi, à un aveu d'impuissance : « Puisqu'on ne peut résoudre le problème, il est nécessaire de limiter les dommages causés par lui »798(*). La réduction des risques est présentée comme une position qui souhaite être dans un même temps réaliste, tolérante et « solidariste ». Pourtant on « ne peut plus parler de prévention d'abus de drogues : la prévention concerne désormais exclusivement les éventuels dommages dérivés de la consommation ». Les auteurs en déduisent deux risques majeurs: tout d'abord, « on peut observer le risque élevé de faire passer un message opposé à celui voulu », mais surtout, « la conséquence la plus importante de la réduction des risques est l'abolition de fait de la prévention [...] le concept de prévention secondaire masque le fait que parler de prévention n'a en réalité plus aucun sens »799(*).

Peut-on considérer que la réduction des risques est contradictoire avec la prévention ? Il est tout d'abord possible d'objecter que le développement de la prévention secondaire n'empêche pas un travail en amont sur la prévention primaire. Les deux types de prévention ne s'adressent pas au même public et il est préférable d'adopter des interventions spécifiques. Mais surtout la prévention des risques présente le mérite de reconnaître l'usage de drogues comme un fait sociétal inévitable (chaque individu est considéré comme un consommateur de drogues en puissance, non pas en fait). La normalisation de l'usage de substances permet dès lors de réintégrer le toxicomane dans le réseau de la prévention dont il devient un acteur à part entière.

1.2.2.2 Un nouvel acteur de la prévention : le toxicomane. Autocontrôle, peer education et counselling.

Le toxicomane était représenté auparavant comme un être doté de pulsions suicidaires qui ne se préoccupait pas de sa santé et il était de ce fait exclu de la définition des politiques publiques. Le discours adopté par les militants de la réduction des risques à la fin des années quatre-vingt considère l'usager de drogues comme une personne responsable, autonome et citoyenne. Ceux-ci tentent de mettre en évidence la capacité du toxicomane à adopter des stratégies rationnelles de préservation de soi et des mécanismes d'autocontrôle de sa consommation800(*).

Tom Decorte a établi que de nombreux consommateurs reconnaissent des règles de consommation par rapport à leur environnement, ils ont de même une théorie personnel de l'usage de drogue « toujours quand on se sent bien, jamais quand on se sent mal »)801(*). Les éléments d'autocontrôle dont disposent ces consommateurs ont pour origine ni la famille, ni l'école, ni les médias mais le groupe auquel appartiennent les consommateurs (appelé groupe des pairs). Howard Becker a mis en évidence le processus d'apprentissage (apprendre la technique appropriée par observation et imitation/apprendre à discerner les effets/apprendre à les apprécier) au terme duquel le consommateur est en mesure d'exercer un contrôle sur sa consommation. Le groupe des pairs, au lieu d'être perçu comme un élément corrupteur, peut ainsi être intégré dans le champ de la prévention802(*).

Un premier modèle de prévention est né à partir de ces observations : la peer education, ou éducation par les pairs803(*). Celle-ci obéit à une logique simple : l'impact des messages de prévention repose sur les conditions dans lesquelles ceux-ci sont perçus, et en particulier sur la capacité des individus ciblés à les assimiler progressivement dans un ensemble de comportements et de représentations qui se transforment. Si le message ou son contexte de formulation paraissent disjoints de ces éléments, ils perdent une grande partie de leur pertinence. La peer education s'est alors confrontée au modèle de prévention fondé sur la community approach, déjà évoqué auparavant. Celui-ci avait dans l'optique d'une prévention traditionnelle de prendre la communauté comme interlocuteur, plutôt que l'individu. Il s'agissait de diffuser au sein du groupe un message de prévention venant de l'extérieur.

Anna Loi et Franca Taranti soulignent le nouveau mode de prévention que permet le principe de la réduction des risques. L'objectif de chaque intervention est comme précédemment de constituer une culture de la prévention804(*). Toutefois, il s'agit non plus de prendre pour cible la communauté mais de la rendre acteur à part entière du processus de prévention :  « Dans cette logique les ressources et les destinataires des actions de prévention se confondent ». Le processus de prévention n'est plus uniquement entendu comme une diminution des pratiques à risques mais comme promotion et développement des ressources de cette communauté. Ces deux modes de prévention renvoient directement aux deux définitions qui avaient étaient données auparavant de la réduction des risques : une définition stricte qui se résume à un ensemble de considérations sanitaires et une seconde définition conçue comme le développement et l'amélioration des conditions d'existence du toxicomane. La communauté doit permettre à terme de favoriser l'idée d'un auto-contrôle et d'une responsabilisation individuelle des usagers de drogues.

« Si on réussit en revanche à déplacer l'attention d'un modèle de prévention qui vise la communauté à un projet qui voit la communauté comme un protagoniste [...] On passe ainsi d'une optique fondée sur le contrôle des facteurs à risque à une optique orientée vers le renforcement des facteurs de protection de la communauté. La communauté devient ainsi compétente dans l'utilisation de ses ressources afin de résoudre les problèmes de ses membres. Il faut donc promouvoir le concept que les comportements de désadaptation ne résident pas seulement dans l'individu mais ils peuvent représenter des modalités d'adaptation et que tous sont responsables, dans leur propre situation, de la santé et du bien être individuel et collectif. Il relève de la responsabilité commune d'activer les ressources, de proposer des solutions de façon continue, homogène et intégrée » 805(*)

Les politiques n'ont jusqu'à présent jamais reposées sur un mode de prévention similaire. A l'inverse, la représentation sociale du toxicomane a empêché le développement d'une culture de l'autocontrôle. La prohibition a contribué à stigmatiser la toxicomanie et à la maintenir dans un état de clandestinité. Le discours institutionnel relayé par les médias tend à écarter tout dialogue entre les consommateurs et les non-consommateurs ce qui rend ainsi impossible toute transmission du savoir accumulé par les consommateurs sur leurs propres expériences.

« Dans ces conditions, les consommateurs sont voués à méconnaître ou à manquer une partie du savoir sur les dangers de la drogue et sur les moyens de les éviter ou de les réduire. Ce qu'apprend une génération de consommateur, elle a du mal à le transmettre à la suivante. Quand la transmission sociale du savoir est ainsi entravée, les tragédies ont tendance à se répéter »806(*)

La réduction des risques a contribué à mettre en évidence le rôle pouvant être joué par les toxicomanes dans la prévention de leurs propres pratiques. L'exemple le plus fréquemment cité est celui de l'échange de seringues qui a permis de réduire de façon considérable le partage des seringues en raison d'une préoccupation des toxicomanes pour leur propre état de santé. Le CNS remarquait récemment que la mise en vente libre des seringues en pharmacie, en 1987, avait favorisé cette évolution807(*). Bien informés des possibilités de transmission par voie intraveineuse, les usagers se sont massivement tournés vers les officines pharmaceutiques. Aujourd'hui encore, la vente en officine demeure la première source d'approvisionnement, ce qui indique que l'utilisation d'un matériel d'injection « propre » est bien le fruit d'une démarche volontaire et non d'une simple réception du matériel dans services médico-sociaux et les associations disposant d'un programme.

La part des usagers faisant état d'un partage des seringues a du même coup fortement diminué. Les études menées par l'Institut de Recherche et épidémiologie de la pharmacodépendance (IREP) entre 1988 et 1996 témoignent d'une baisse des pratiques à risque. 52% des usagers rencontrés disaient en 1988 n'utiliser que des seringues personnelles qu'ils achetaient en pharmacie. Le taux de partage des seringues est passé de 48% en 1988 à 33% en 1991 et 13% en 1996808(*). Ces données remettent en cause l'image du toxicomane comme être irresponsable809(*). Les recherches en prévention ont abouti à un nouveau mode de prévention, appelé l'« intervention par entretien de motivation », fondée sur l'idée selon laquelle l'idée d'un contrôle personnel constituerait une prévention utile contre les états de dépendance810(*).

Les concept de responsabilisation et d'autocontrôle sont apparus face à l'épidémie de VIH/Sida. Il s'agissait de responsabiliser les toxicomanes séronégatifs afin d'éviter leur contamination mais aussi les toxicomanes séropositifs et sidéens afin d'éviter qu'ils ne puissent transmettre le virus dont ils étaient porteurs. C'est ainsi qu'est apparu le counselling, notamment à partir du modèle de l'entretien de motivation. Le counselling est un terme qui désigne « la pratique, permanente et systématique, de conseils auprès des individus avant et après le test de dépistage, au début de la maladie et tout au long de son évolution. Le counselling vise à renforcer la personne touchée par le VIH/Sida, pour qu'elle puisse faire face à l'épreuve, et l'amener à se comporter de façon à ne pas mettre en danger la santé d'autrui par un comportement à risque »811(*). A partir de 1985, lorsque des tests sérologiques ont été disponibles pour individualiser les anticorps VIH, le Center for Disease Control et l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) ont encouragé à effectuer un important travail de prévention par le biais du counselling qui est devenu un instrument tout aussi important que le test lui-même812(*). Le counselling consiste à « instaurer un dialogue et un rapport entre le patient et l'expert dans le but d'aider l`individu à prendre des décisions en ce qui concerne sa vie, dans le but de prévenir la transmission de l'infection à VIH et de fournir un soutien psychosocial à qui a été déjà contaminé »813(*).

Le counselling marque avant tout la reprise d'un dialogue que rend difficile la maladie. Celui-ci fournit l'opportunité de communiquer au toxicomane les principales informations scientifiques en matière de Sida de façon simplifiée. Le counselling est cependant beaucoup plus qu'un simple entretien comme le précise Serpelloni814(*). Le principal objectif est d'arriver à faire accepter au malade son infection. Il est établi par exemple que l'acceptation de sa propre infection s'accompagne fréquemment de la décision d'interrompre l'usage de substances. Le sens de la responsabilité et d'attention envers soi et autrui s'en trouvent accrus. L'objectif final est par conséquent l'amélioration du comportement dans un sens de responsabilisation.

L'échec des politiques de prévention s'explique en premier lieu par le fait que le débat général soit resté centré sur le problème des soins au détriment de la prévention815(*). Les soins bénéficient de résultats beaucoup plus immédiats et spectaculaires que les campagnes de prévention qui nécessitent de concevoir une stratégie à long, voire à très long terme. Les évaluations tombent parfois dans un piége similaire c'est à dire la prééminence des effets directs et observables sur les mutations plus imperceptibles et à plus long terme. Le problème de la drogue est souvent perçu comme une urgence sociale et est soulevé périodiquement par les médias. L`opinion publique requiert alors des réponses rapides qui empêchent d'établir à long terme une véritable politique en matière de prévention. Celle-ci se réduit alors à une myriade d'interventions réalisées au niveau local sans qu'elles fassent l'objet d'une coordination au niveau national. L'Italie dispose, comme le rappelle Orsenigo, d'une très faible culture de la prévention du fait d'un ensemble de choix politiques qui ont toujours privilégié l'intervention thérapeutique depuis les années cinquante816(*).

Les politiques de prévention ne se réduisent cependant pas à un ensemble d'interventions de prévention817(*). La politique « crée des décisions pour la collectivité », tandis que l'intervention « affronte les problèmes personnels des individus sur la base de ces décisions », il s'agit de « chaque opération qui cherche à protéger les individus de l'apparition des problèmes ». La prévention se constitue d'une politique et de sa réalisation sous la forme d'interventions directes. Seule l'analyse des interventions de prévention permet de mesurer l'effectivité de la prévention et d'affronter le problème de son efficacité. Le bénéfice d'une politique de prévention est de pouvoir établir une homogénéité des interventions sur le long terme. Cette continuité rend possible la formation d'une culture commune de la prévention. Riccardo Gatti note qu'en Italie, « au niveau de la prévention, les programmes mis en acte sont absolument insuffisants ou seulement sporadiques et occasionnels et ne sont pas liés à une stratégie »818(*).

La prise en compte de la nouvelle configuration de la toxicomanie (multiplication des risques, précarisation sociale, nouveaux usages, drogues de synthèse, etc.) a permis de révolutionner les conceptions existantes en matière de prévention des drogues. Celle-ci est progressivement passée d'une politique de réduction des usages de substances (prévention primaire) à une stratégie de réduction des risques (prévention secondaire), sans toutefois que la première ne disparaisse totalement. De nouveaux instruments de prévention, jusqu'alors inutilisés, ont fait leur apparition. C'est ainsi que les toxicomanes ont été reconnu comme des acteurs à part entière des opérations de prévention, soit par le bais de l'individu (et du counselling par exemple), soit à travers leur groupe d'appartenance (autosupport, community approaches). L'accès aux toxicomanes rencontra toutefois certaines limites. D'une part, en raison d'une faiblesse du dispositif de traitement de la toxicomanie qui était alors uniquement orienté vers le sevrage. Les services spécialisés présentaient, en outre, des conditions d'admission très strictes ce qui avait tendance à éloigner les toxicomanes des services spécialisés et à empêcher la stabilisation de leur comportement. D'autre part, le système de traitement de la toxicomanie demeurait essentiellement dominé par l'approche répressive des usages de drogues. Celle-ci contribuait à marginaliser les toxicomanes et était néfaste à une véritable préoccupation pour leur état de santé et leurs conditions de vie. Dès lors, une réforme du système de prise en charge des toxicomanes apparaissait incontournable.

1.3 Le renouveau de la prise en charge des toxicomanes

Le traitement de la toxicomanie se réduisait auparavant au sevrage qui était effectué le plus souvent sur la requête du toxicomane lui-même. L'épidémie de VIH/Sida a rendu nécessaire le développement de nouveaux instruments de soin. Les traitements de substitution sous méthadone se sont développés à partir des années quatre-vingt dans toute l'Europe. Leur mise en place s'est toutefois réalisé dans des contextes spécifiques. Ainsi, bien que les traitements de substitution soient reconnus de façon universelle, ils se présentent de façon très inégale. La culture professionnelle, la disposition des pouvoirs publics ont fortement influencé sur leur application qui varie d'un pays à l'autre.

1.3.1 Les traitements de substitution

1.3.1.1 Quelles substitutions ?

Les programmes de substitution sont reconnus comme étant des traitements très adaptés de la toxicomanie. Ils offrent au soignant une pluralité d'avantages thérapeutique. L'administration de médicaments antagonistes ou agonistes de l'héroïne constitue par exemple le principal moyen de stabilisation comportementale819(*). Les différents effets (sanitaires et sociaux) attendus de l'administration de méthadone sont : la réduction de la consommation d'héroïne, l'amélioration de l'état de santé du sujet, la réduction de la mortalité, la stabilisation des maladies sexuellement transmissibles, la réduction des comportements criminels liés à la drogue et l'amélioration générale de la position sociale du toxicomane. Il existe cependant plusieurs substances de substitution qu'il s'agit de distinguer820(*).

· Le chlorhydrate de buprénorphine est un morphinique utilisé dans de nombreux pays pour soulager la douleur. La France est l'un des seuls pays à l'utiliser dans le monde comme produit de substitution à grande échelle.

· Les sulfates de morphine sont des stupéfiants analgésiques opioïdes qui suivent la « règle des 28 jours ». Ils ont été prescrits depuis la fin des années 1980 en France (Le Moscontin® et le Skénan®) bien qu'ils n'aient jamais obtenu l'Autorisation de mise sur le marché (AMM) pour cette indication. Du fait de leur bonne acceptabilité par les patients et de leur volume de prescription, ils ont été autorisés, en concertation avec le médecin conseil des caisses primaires d'assurance maladie, en cas d'échec des autres médicaments de substitution ou pour certaines femmes enceintes .

· Les dérivés codéinés se présentent sous forme de comprimés, gouttes et sirops antitussifs. Ils furent longtemps utilisés en France (Néocodion®, Nétux®, Dicodin®) pour réduire « l'effet de manque ». Ces médicaments, sous ces formes et en auto-substitution sauvage, ne remplissaient pas les caractéristiques de sécurité et de biodisponibilité des molécules de substitution actuelles. Ils ont pourtant joué le rôle, selon une expression consacrée, de «soupape en vente libre ».

· Le naltrexone est un médicament apparu à la fin des années quatre-vingt821(*) (1988 en Italie) qui empêche de ressentir les effets d'une consommation d'héroïne en se liant aux récepteurs spécifiques aux opiacés jusqu'à un certain niveau de substance, une fois ce seuil franchi il existe alors une forte probabilité de mort. L'autocontrôle du patient est alors nécessaire. C'est pour cela que les utilisateurs de naltrexone sont souvent plus jeunes et disposent d'un emploi stable.

· Enfin, le chlorhydrate de méthadone est un agoniste morphinique pur, opioïde synthétique, bien absorbé par le système gastro-intestinal, avec une excellente biodisponibilité. Ses propriétés pharmacologiques en font un médicament de substitution efficace, puisqu'elles permettent une administration orale, une prise quotidienne unique sans syndrome de sevrage aux opiacés dans l'intervalle d'une dose d'un jour. La méthadone est rapidement devenue le produit de substitution le plus utilisé dans le monde.

De nombreux programmes de substitution se sont développés, notamment au sein des services spécialisés en matière de toxicomanie. L'admission au sein d'un traitement de substitution n'est bien sûr pas automatique. Elle comporte un certain nombre de critères plus ou moins stricts selon les législations adoptées. Certains systèmes, comme par exemple aux Etats-Unis, prévoient des critères d'urgence, offrant une admission immédiate au sein d'un programme de substitution : les femmes en ceinte, les femmes de toxicomanes actifs, les personnes positives à VIH et affectées d'autres pathologies médicales, les patients connus pour avoir déjà réalisé dans le passé un traitement avec succès et qui requièrent un nouveau traitement.

Les critères adoptés en Europe sont généralement similaires822(*). Ils reposent le plus souvent sur : l'état actuel de toxicomanie (un test clinique est à cet effet réalisé sur le toxicomane qui doit présenter des symptômes d'abstinence) qui doit avoir une durée minimale (au moins un an en Italie, sauf si le toxicomane a moins de 18 ans, il doit présenter un état de toxicomanie d'au moins deux ans) et un nombre de traitements ayant échoués (au moins deux en Italie). Les différents systèmes de critères nationaux peuvent être ramenées à la distinction entre programme à « bas seuil » et à « haut seuil ».

Le réseau EuroMethwork823(*) a réalisé une synthèse des données actuelles en matière de traitement par méthadone et a proposé, à destination des praticiens des différents pays européens, une définition des programmes à bas seuil et à haut seuil d'exigence824(*). Les programmes à bas seuil sont d'accès facile et orientés vers la réduction des risques, ont pour objectif principal de soulager les symptômes de manque et le désir compulsif et permettre d'améliorer la qualité de vie des patients, ils proposent enfin différentes options de traitement. Les programmes à haut seuil d'exigence ?sont plus difficile d'accès (critères d'admission sélectifs), sont orientés vers l'abstinence (y compris l'abstinence de méthadone), ils n'ont pas d'option de traitements flexibles, ?procèdent à des contrôles réguliers (d'urine), ils ?mènent une politique d'exclusion rigide (consommation d'opiacés illégaux interdite) et ?soumettent les patients à un accompagnement psychologique ou une psychothérapie obligatoire. Cette distinction, telle qu'elle vient d'être décrite, apparaît toutefois caricaturale à certains intervenants de la toxicomanie, qui estiment qu'il apparaît avant tout nécessaire de définir le programme thérapeutique en fonction des caractéristiques singulières du toxicomane.

« Cette schématisation nous paraît caricaturale et dangereuse. Elle témoigne peut-être de pratiques extrêmes, dans un sens ou dans l'autre et dans certains pays [...] il est souhaitable de mener des analyses méthodologiques concernant l'accessibilité des structures, la définition des objectifs médicaux sociaux et psychologiques, les résultats obtenus en terme de poursuite du traitement, d'analyses urinaires mais aussi de qualité de vie des patients. Ces études permettront de définir les types de programmes les mieux adaptés aux caractéristiques des diverses populations concernées. L'objectif général étant, non plus d'opposer un système «laxiste » à un système « coercitif », mais bien plus de créer une gamme de réponses sanitaires en harmonie avec le besoin individuel du patient »825(*)

La place de la méthadone dans la thérapie fait l'objet de nombreuses polémiques. Chacun lui attribue une place spécifique. De nombreux chercheurs ont ainsi insisté sur le rôle du service psychosocial qui constitue un facteur discriminant entre échec et réussite des programmes thérapeutiques826(*). A l'inverse, d'autres ont affirmé l'importance de l'administration en soi de méthadone, soit comme un nouveau type de rapport entre l'opérateur et le toxicomane827(*), soit comme la possibilité offerte au toxicomane de réduire sa consommation d'héroïne et d'entamer une cure thérapeutique plus complète.

Une position semble cependant opérer un consensus parmi les opérateurs : le refus d'assimiler la méthadone à l'ensemble de la thérapie. De nombreux auteurs s'accordent pour dire que la méthadone ne peut constituer qu'une partie de celle-ci, plus ou moins grande selon les points de vue828(*). Ce courant de pensé s'est fortement développé en réaction à l'usage qu'il est fait de la méthadone aux Etats-Unis. Roberto Gatti est partisan de cette conception « non-réductionniste » de la thérapie. Il refuse l'assimilation de la toxicomanie à la simple consommation de substances, parfois affirmée au détriment de l'aspect socio-psychologique, et soutient une thérapie « globale » c'est à dire fondée sur d'autres outils thérapeutiques que la substitution. Celle-ci est avant tout un moyen pour éviter les risques liés à l'injection d'héroïne et pour accorder un délais supplémentaire dans la thérapie.

« Substituer l'héroïne de la rue par la méthadone n'est pas, à mon avis, une thérapie de la toxicomanie [...] mais une substitution de la substance. Lorsque l'héroïnomane est traitée sous méthadone il reste un toxicomane. C'est pourquoi il ne me semble pas correct de comparer les traitements qui visent le drug-free avec ceux qui substituent la substance [...] Malgré cela le traitement substitutif, bien qu'il ne soit pas une vraie et réelle thérapie, doit conserver une dignité particulière non seulement parce qu'il permet de réduire les risques dus à la consommation de drogues de rues mais aussi parce qu'il donne la possibilité au clinicien d'avoir plus de temps pour diagnostiquer et intervenir  [...] Dans une désintoxication le détachement de la substance vient en très peu de temps mais la possibilité de rechute est imminente [...] Le traitement avec méthadone laisse plus de temps pour connaître le patient, pour proposer, évaluer, analyser, choisir, intervenir... à condition que ce temps soit utilisé et que l'on sache faire de la « clinique » de façon correcte »829(*)

La thérapie ajoute au traitement médical par substitution, un accompagnement psychosocial. Ce point est un sujet de controverse. Depuis les études de Ball et Ross, on connaît l'importance des facteurs liés à la qualité des programmes eux-mêmes sur l'évolution des prises de produits830(*). Pourtant, on ne dispose d'aucune définition précise de ce suivi et de ce soutient dans le cadre du traitement méthadone. Certains assimilent l'accompagnement psychosocial aux psychothérapies. Les psychothérapies ont d'ailleurs fait la preuve de leur efficacité sur l'évolution des patients traités avec la méthadone. Orsenigo rappelle que des études américaines mettent en valeur le peu de résultats attendus d'une psychothérapie sur un comportement toxicomaniaque alors qu'en revanche l'association d'une psychothérapie et d'un traitement de substitution présente de nombreux avantages thérapeutiques831(*). Toutefois, les psychothérapies ont une entité thérapeutique en soi et sont sujettes à controverses et contestations. Les activités psychosociales doivent être distinguées des psychothérapies : « L'accompagnement psychosocial n'est pas une psychothérapie. Les psychothérapies ne sont pas un accompagnement psychosocial »832(*) Les activités psychosociales sont un accompagnement de la thérapie. Il s'agit d'un ensemble d'activités et de services qui proposent rencontres informelles, suivis sociaux, psychothérapies individuelles, rencontres de groupe, rendez-vous individuels, démarches accompagnées sur l'extérieur, hébergements, accès à des facilités sanitaires (douche, lave linge) ou plus physiologiques (repas, temps de repos).

Une étude dirigée par McLellan a permis de vérifier les différentes combinaisons thérapeutiques possibles833(*). Parmi un ensemble de toxicomanes soumis à une thérapie de méthadone, un tiers furent uniquement sous substitution, un autre tiers recevait un service de conseil tandis qu'un autre tiers recevait outre la méthadone et le service de conseil, un support psychologique et un service d'aide social. Des tests de contrôle à la morphine se sont révélés positifs dans 70% des cas dans le premier groupe, 40% des cas dans le second groupe et 20% des cas dans le dernier groupe. Cette étude relève la faiblesse des traitements uniquement centrés sur l'administration de méthadone et met en avant l'efficacité des traitements complémentaires comme il fut administré au troisième groupe.

Il existe une pluralité de conceptions distinctes sur le rôle thérapeutique des traitements de substitution. Celles-ci s'apparentent le plus souvent à des positions idéologiques voire des croyances qui empêchent de prendre en compte la réalité du patient. A la rigidité des positions adoptées par les professionnelles, Roberto Gatti, oppose une « vraie clinique des toxicomanies » qui soit en mesure de prendre en considération les attentes et les spécificités de chaque patient et qui soit à même de proposer une solution adaptée. Le traitement de substitution ne peut être entendu que dans une conception globale de la thérapie. La réduction des risques ne peut pas, selon Gatti, se résumer à une « Substitution de la substance » mais doit signifier « Possibilité de choix de l'intervention qui a le plus de probabilité d'apporter une réponse aux problèmes du patient auquel nous avons affaire, en limitant de la meilleure façon possible les risques qu'il pourrait encourir de sa situation de toxicomane et/ou et de notre choix d'interventions peu appropriés ou proposées selon des modalités ou des temps inadéquats »834(*).

« Il advient que certains opérateurs et Services refusent la substance substitutive par principe comme si elle avait, en soi, le pouvoir magique de transformer une situation traitable en situation intraitable. D'autres font des catégories de patient, divisant ceux sur lesquels il est possible d'intervenir (désintoxiquer et travailler au niveau psychologique) et ceux sur lesquels on ne peut rien faire (qui sont mis en méthadone). D'autres encore pensent que la « réduction des risques » se résume à la « substitution de la substance » et construisent des Services autour de l'administration du méthadone qui devient l'unique intervention possible [...] Ces comportements sont [...] l'antithèse de ce que devrait être une vraie clinique des toxicomanies. Un comportement clinique présume outre une thérapie un diagnostic et un pronostic. Souvent le diagnostic et le pronostic demandent du temps pour être faits de façon globale mais ceci ne constitue pas un motif pour ne pas intervenir aussi avec des solutions partielles, temporaires et non résolutives lorsqu'il y en a la nécessité mais également l'opportunité, ou aussi lorsqu'il n'est pas possible d'entreprendre des parcours meilleurs. L'héroïnomane sous traitement de méthadone n'est pas en train de soigner sa toxicomanie mais il est possible, entre temps, de contrôler son état de santé général, d'intervenir sur les pathologies collatérales et surtout de comprendre ce qu'il a [...] Cela ne signifie surtout pas que n'importe quel sujet qui se présente à notre attention est apte à assumer une thérapie de substitution mais qu'un régime clinique correct doit être en mesure d'évaluer de façon opportune qui est capable de s'éloigner de l'héroïne dans de brefs délais et qui a besoin de substituer la substance pour une certaine période »835(*)

Le système italien de prise en charge de la toxicomanie a eu recours aux traitements de substitution dès 1975. Ceux ci ont fait l'objet, après avoir été marginalisés, d'une priorité des pouvoirs publics à partir de 1993. Les traitements de substitution sont définis par les directives sanitaires italiennes comme des programmes socio-réhabilitatifs dont l'objectif principal reste le dépassement de toute forme de dépendance aux substances, dont le médicament substitutif836(*). Le traitement doit s'accompagner d'un traitement psycho-thérapeutique en vue d'une réinsertion dans le monde du travail et dans la vie sociale. L'évaluation du traitement doit par conséquent être effectuée au regard de la consommation éventuelle d'opiacés mais aussi aux modifications générales du mode de vie837(*).

Les traitements de substitution sont le plus souvent prescris au sein des Sert, bien que chaque médecin puisse légalement prescrire de la méthadone pour une thérapie de huit jours838(*). Le toxicomane après avoir été informé doit donner son consentement au traitement de méthadone (consenso informato al trattamento con metadone). Celui-ci stipule entre autre que « l'objectif d'un traitement à base de méthadone est la totale réhabilitation du patient. L'abstinence à l'usage de toutes les drogues (méthadone incluse) est un objectif approprié [...] Pour certains patients, le traitement à la méthadone peut continuer pour des périodes relativement longues mais [...] la possibilité d'une conclusion du traitement sera considérée périodiquement »839(*). Des contrôles sont fréquemment effectués et en cas de test positif des urines diverses solutions sont alors envisageables840(*) : l'augmentation de la dose de méthadone, une intensification de la psychothérapie, l'évaluation et le traitement des aspects psychiatriques ou la suspension du traitement de substitution après plusieurs récidives.

De nombreux intervenants ont cependant critiqué le mode à partir duquel, les Sert prescrivaient la méthadone. Orsenigo accuse les Sert d'avoir distribué la méthadone de façon incorrecte (doses insuffisantes, traitements de faible durée) en raison d'un désaccord de fond avec les choix de la politique sanitaire. Gatti reproche aux services spécialisés italiens de privilégier l'approche sociale sur l'approche thérapeutique. L'usage de la méthadone répondrait davantage à une préoccupation socio-sécuritaire qu'à un réel souci pour les toxicomanes : « Il y a toujours ceux qui souhaitent utiliser la médecine afin d'exercer un contrôle social. Le Sert a une « mission » thérapeutico-réhabilitative. Son but n'est pas de méthadoniser à fort dosage le nombre maximal d'héroïnomanes pour réduire la micro-criminalité. »842(*).

Les traitements de substitution se sont mis en place au sein des dispositifs nationaux de prise en charge de la toxicomanie selon des modalités distinctes. En Italie, où le traitement des toxicomanes était fortement démédicalisé au profit d'une approche psychosociale, la méthadone fut imposée aux opérateurs du service public malgré leurs réticences. Ceci a impliqué des vices de prescription mais a surtout détourné l'usage de la méthadone en lui donnant une finalité sécuritaire plutôt que thérapeutique. Le système de soin français se caractérisait, encore plus que le système italien, par un refus des traitements de substitution. Ce refus était par ailleurs l'objet d'un très large consensus au sein des professionnels de la toxicomanie. La nécessité de réduire les risques sanitaires et de s'homogénéiser aux autres pays européens a imposé le principe de la substitution. Pourtant, là aussi, l'« exception française » persiste. La substitution va être mise en place en France selon des modalités très spécifiques.

1.3.1.2 La substitution à la française : Subutex® Versus Méthadone

Il existe de nombreuses substances pouvant servir à un traitement de substitution. Parmi toutes celles connues, quatre sont titulaires en France d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) dans l'indication de la substitution et deux se partagent l'essentiel des ventes842(*) : la méthadone (mars 1995) et la buprénorphine haut dosage (BHD, février 1996)842(*). Pourtant en 1998, alors que la méthadone est disponible depuis 1995 et le Subutex® depuis 1996, sur près de 65 000 toxicomanes en traitement de substitution, seulement 7 400 étaient en traitement sous méthadone contre 57 000 pour le Subutex®844(*). Comment rendre compte de cet écart ? Traduit-il une capacité thérapeutique inégale ? Pourquoi la France fait-elle figure d'exception avec le reste de l'Europe qui a massivement développé la méthadone ?

Découverte dans le début des années soixante-dix, la buprénorphine est une molécule de synthèse dérivée de la thébaïne, un des alcaloïdes de l'opium845(*). En tant qu'agoniste partiel des récepteurs, elle produit des effets antalgiques et une tolérance croisée avec les autres opiacés846(*). C'est pourquoi, à la fin des années soixante-dix, à un moment où, outre-atlantique, on commençait à s'interroger sur les risques et les limites d'une prescription massive de méthadone, la buprénorphine est apparue comme une alternative possible à quelques chercheurs qui ont initié des essais cliniques. Le Docteur Jasinski a été le tout premier à faire part d'un essai montrant que la buprénorphine possédait un potentiel thérapeutique réel pour les héroïnomanes, alors que son potentiel d'abus semblait réduit par rapport aux agonistes comme la méthadone847(*). Dans le numéro du 8 février 1980, la revue Science publie un article de l'équipe du département de psychiatrie de Harvard conduite par Nancy K. Mello et J.H. Mendelson dont le titre annonce des conclusions très enthousiastes848(*). Les auteurs affirment au terme de leur recherche :

« La buprénorphine est plus sûre que la méthadone sur deux points : elle n'induit pas de dépendance physique significative et le risque d'overdose est écarté du fait de ses propriétés antagonistes des opiacés. [...] nos résultats basés sur la mesure directe de l'usage d'héroïne chez des dépendants nous permettent de croire que la buprénorphine est un instrument pharmacothérapique sûr et de grande efficacité »

Faute d'approbation de la buprénorphine par la Food and Drug Administration dans une indication de substitution, les premières prescriptions « sur le terrain » ne vont pas se faire aux Etats-Unis mais en Australie et surtout en Europe où le premier article relatant ce type d'expérience sera publié en 1985 par un psychiatre belge, Marc Reisinger849(*). Quelques médecins commencèrent à prescrire des traitements de BHD. Il faut noter qu'il s'agissait alors de prescriptions « sauvages » : le médicament mis sur le marché (le Temgésic) n'avait d'autre indication que le traitement de la douleur et le laboratoire Reckitt & Colmann craignait beaucoup de voir sa molécule déconsidérée si elle devenait un produit « de toxicomane », sans parler de l'hostilité des milieux de spécialistes850(*). Au début des années quatre-vingt-dix, alors que la communauté médicale internationale est hésitante pour pousser au développement de la prescription de buprénorphine dans une visée substitutive des opiacés, c'est en France que la décision administrative et politique va être prise de lancer une présentation à haut dosage.

Un ensemble de médecins et pharmaciens ont commencé à s'organiser depuis le début des années quatre-vingt-dix au sein de réseaux de soins. Ces pratiques, démontrant la faisabilité et l'intérêt de ces traitements en médecine de ville, ont été à l'origine de la demande de l'État au laboratoire Shering-Plough. Les autorités publiques font alors pression sur le laboratoire pharmaceutique détenteur de la molécule en Europe afin qu'il produise une buprénorphine hautement dosée destinée aux toxicomanes. Cela donnera naissance au Subutex®, dont le cadre légal d'utilisation est conçu en 1995. La mise effective sur le marché du Subutex® a lieu en février 1996, quelques mois après qu'une circulaire ministérielle ait mis en place les cadres réglementaires de prescription et de dispensation de la méthadone et de la buprénorphine haut dosage (BHD)851(*). La naissance du Subutex® s'est réalisée dans un temps record.

Ce choix est la résultante de deux facteurs : d'une part la mise en cause des pouvoirs publics dans la politique menée contre le Sida et, d'autre part, la réticence générale des spécialistes en toxicomanie envers les pharmacothérapies de substitution851(*). Considéré comme plus sûr que la méthadone (il n'est d'ailleurs pas classé comme stupéfiant), le Subutex® va être mis à disposition de tous les médecins de façon très souple, alors que la méthadone sera réservée, tout au moins pour la phase initiale du traitement, aux centres spécialisés. Comment rendre compte de ce choix des pouvoirs publics français qui va à l'encontre de la direction adoptée par le reste des pays européens ? Il est nécessaire pour résoudre cette question, d'analyser les caractéristiques de chacune des deux substances.

La méthadone est un antalgique qui reproduit les effets des opiacés ; elle est présentée sous la forme d'un sirop non-injectable. L'usage prolongée de méthadone entraîne un état de dépendance avec l'apparition d'un syndrome de sevrage sévère et les tentatives de réduction doivent se faire de façon très progressive. La méthadone est particulièrement utilisée pour les femmes enceinte du fait qu'elle comporte une moindre toxicité foetale et périnatale par rapport à l'héroïne. La méthadone présente de nombreux avantages thérapeutiques853(*) : une dose suffisante empêche l'apparition d'un syndrome de manque et bloque l'effet de l'héroïne consommée parallèlement ; en prise régulière, l'effet euphorisant de la méthadone est quasi-inexistant et n'entraîne pas de modification de la conscience ou des capacités intellectuelles ; sa prise unique journalière compte tenu de sa demi-vie longue (de 24 à 36 heures en moyenne avec pourtant des variations individuelles importantes) est compatible avec une vie sociale et professionnelle normale. Elle est dépourvue enfin de phénomène de tolérance entraînant une augmentation des posologies au cours d'un traitement durable. Elle entraîne, néanmoins, une dépendance de même type que les autres opiacés. La prescription de méthadone est beaucoup plus stricte que celle de Subutex® (buprénorphine) puisqu'elle est réservée aux médecins exerçant en centre spécialisé de soins aux toxicomanes, pour une durée de 7 jours. Les médecins généralistes sont également réintroduits dans le dispositif spécialisé car ils peuvent suivre des toxicomanes sous méthadone après que ces derniers aient expérimenté le produit pendant quelques mois dans un centre spécialisé854(*).

Le Subutex®, à l'inverse, peut être prescrit par les généralistes en premier traitement pour une durée maximale de vingt-huit jours. La prescription doit se faire sur carnet à souches pour une durée maximale de 28 jours (alors que cette durée était alors de 7 jours pour la méthadone). La posologie recommandée est de 4 à 8 mg par jour (pour la méthadone, la recommandation est de ne pas dépasser 100 mg). La délivrance doit se faire par un pharmacien de ville de façon possiblement fractionnée. Les pouvoirs publics décident en 1999 de supprimer les carnets à souche afin de « banaliser » ces traitements. À l'inverse, devant l'accroissement des cas signalés de détournement du Subutex® et les accidents qui y sont liés, les mêmes pouvoirs publics décideront un peu plus tard, début 2000, de rendre la délivrance en pharmacie obligatoirement hebdomadaire, sauf mention express du médecin sur son ordonnance.

Les ventes de Subutex® en pharmacie depuis sa mise sur le marché ont connu « une croissance rapide et soutenue » ainsi que l'indique l'Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies (OFDT). Les estimations seraient de 33 750 personnes sous traitement un an après le début de sa commercialisation, 49 000 deux ans après et près de 60 000, moins de trois après, en décembre 1998855(*). Des estimations plus récentes, de Août 2000856(*), évaluent le nombre de traitements à 157 213. La méthadone va en revanche connaître une évolution beaucoup plus lente, comme on peut l'observer sur le schéma ci-dessous, et l'écart entre les deux traitements va s'accroître : on compte aujourd'hui huit traitements par buprénorphine haut dosage pour un traitement par méthadone857(*). Sur le plan économique, on peut mentionner l'enquête réalisée par la Caisse Nationale d'Assurance Maladie qui montre que, en 1999, le Subutex® se situait au 14ème rang des 200 produits les plus prescrits et remboursés en France858(*).

Document n°13 : Schéma des ventes des produits de substitution en pharmacie entre 1990 et 2001859(*)

Les retombées économiques des ventes furent énormes pour le laboratoire producteur. Avec un chiffre d'affaires généré par le seul Subutex®, d'un demi-milliard de Francs par an, le laboratoire Shering Plough est devenu un acteur économique puissant dont dépendent de plus en plus d'initiatives dans tous les domaines des toxicomanies (recherches, formations, revues, colloques, actions d'insertion, et même toutes les études évaluatives nationales sur le Subutex®, etc.). Cette concentration pose évidemment le problème du poids, dans la mise en oeuvre d'actions de santé publique en matière de consommation de substances psychoactives, d'intérêts commerciaux de sociétés qui proposent d'autres substances, de surcroît génératrices elles aussi de dépendance. Il est alors légitime de mettre en question les raisons du succès du Subutex® : efficacité thérapeutique ou phénomène économico-politique ? Une enquête, réalisée à la demande de Bernard Kouchner Ministre Délégué à la Santé, révèle les raisons du succès du Subutex®.860(*) Plus que les particularités pharmacologiques, c'est le cadre d'utilisation et l'image du médicament lui-même qui semble influencer fortement le choix des patients et des prescripteurs.

Les deux médicaments sont tout d'abord dotés d'une symbolique très différente861(*). Pour les patients comme pour un certain nombre de médecins, la méthadone est assimilée à une image de lourdeur institutionnelle, une symbolique de gravité. Ainsi, la méthadone parait avoir eu d'emblée, en France, l'image d'un médicament « de la dernière chance » pour les cas « les plus lourds », les plus « désespérés ». Au contraire, le Subutex® est plutôt perçu dans les milieux d'usagers et parmi les soignants comme le traitement de première intention, plus simple, plus souple, donc destiné a priori à des cas « moins graves ». Les raisons de cette croyance sont multiples et non exhaustives : la méthadone est un opiacé, une classe de médicament qui a longtemps subit des pratiques restrictives dans le traitement de la douleur, stigmates du débat franco-français du début des années 1990 sur les traitements de substitution, focalisés sur la méthadone ; en outre il existait en France une faible « culture méthadone », à l'inverse des Etats-Unis.

De plus, la méthadone est apparue, et est restée, aux yeux de la plupart des médecins généralistes un "médicament de spécialiste" et une marque de défiance à leur égard. Les propos d'un omnipraticien de la région parisienne illustrent bien ce sentiment : « la méthadone c'est pas pour les généralistes, c'est pour l'hôpital. Pourquoi voulez-vous que je prescrive un médicament que je ne dois pas connaître ? »862(*). La méthadone est associée aux centres spécialisés. Le Subutex® semble en revanche plus adapté au cadre du médecin généraliste863(*). Le mode d'emploi des deux produits semblent également être une donnée non négligeable de cette croyance. Le traitement par méthadone implique plusieurs prises journalières. Le Subutex® se présente en revanche dorénavant sous la forme d'un simple cachet, qu'il suffit de prendre une fois par jour864(*).

Enfin les deux substances ont bénéficié de moyens de promotion et de formation bien différents. La méthadone est un enfant de l'Assistance publique ou presque (Pharmacie centrale des Hôpitaux) adoptée successivement par les laboratoires Mayoli-Spindler puis Bouchara-Recordati. La BHD, elle, est diffusée par le très dynamique groupe pharmaceutique Schering-Plough. Les auteurs du rapport sur « L'accès à la méthadone en France » ajoutent alors : « Faut-il, dans ce cas, insister sur la différence des moyens, en hommes et en dollars ? Faut-il insister sur la différence de puissance de promotion et de marketing? ». Le traitement par BHD connaît une sponsorisation auprès des universitaires et des professionnels de la toxicomanie qui lui permet de bénéficier d'un large crédit865(*)865(*). Le combat entre le Subutex® et la méthadone semble alors très inégal, comme le décrivent les auteurs du rapport, non sans ironie :

« Dans le coin gauche, « Iron Méthadone », champion du monde des lourds, short américain vieux de 30 ans, chaussettes françaises toutes neuves, des centaines de milliers de victoire sur les rings professionnels du monde entier, quelques centaines de défaites avant la limite et par KO. Soigneurs : pharmacie centrale des hôpitaux, dit P.C.Hash pour les initiés, assisté de Jo Bouchara, également manager du petit Léo Codion, invaincu pendant 20 ans en hors catégories. Sponsor d'exception depuis 1971 : l'état français. Dans le coin droit, Subutex® dit «Subu l'accessible », tenue élégante sublinguale, plaquette poids plume, jeune espoir mondial faisant ses premiers pas exclusivement pour nous en France, nombreuses victoires chez les amateurs, en poids mouche, sous le nom de Temgésic®. Pas de défaite connue à ce jour (1996), entraîné par le Cher dit « le PLOUG » et une flopée de sparring-partners. Sponsorisé par la sécurité sociale. Déjà promis au top ten des remboursements de médicaments en France »866(*)

Le Subutex® n'est pourtant pas sans présenter d'inconvénients867(*). Il présente tout d'abord une contre-indication d'association qui n'a été mise à jour qu'un an après sa mise sur la marché. Les 6 premiers cas de décès sont publiés en 1997868(*). Leur étude a d'emblée mis en évidence les risques liés à la polyconsommation. La buprénorphine peut être mortelle en association de certains benzodiazépines (le Tranxène et le Rohypnol fréquemment utilisés des toxicomanes) et avec l'alcool869(*). Suite aux premiers cas d'overdose certains journaux ont publié des articles au ton alarmiste qui ont alerté l'opinion publique et une partie du milieu professionnel : « Alerte au Subutex®, médicament mortel,  produit de substitution, il a déjà faits 20 morts »870(*).

En outre, certains ont mentionné ou dénoncé les détournements d'usage de la buprénorphine. L'usage par la voie nasale, bien que remarqué de plus en plus fréquemment en clinique, est encore mal évalué. L'utilisation du Subutex® par des personnes non-héroïnomanes est constatée par différents auteurs, et semble être le fait de jeunes poly-consommateurs (médicaments, alcool, cannabis) rencontrés par les intervenants de rue ou lors de soirées. Le Subutex®, destiné à une absorption sublinguale, est également très fréquemment utilisé par voie parentérale. Il faut rappeler que la buprénorphine n'est accessible jusqu'en 1990 que sous forme injectable, puis sous une forme sublinguale hydrosoluble et facilement injectable, aussi nombre de cliniciens constatent à cette époque l'accroissement des cas de détournements et de toxicomanies graves par injection de ce produit.871(*) Les estimations de départ faisaient état d'un détournement par voie injectable de 12 à 20% environ. Ainsi, l'enquête « PES » avance une part de 44,6% d'injecteurs quotidiens du Subutex® ?parmi ses consommateurs, 78,7% admettant l'injecter « de temps en temps »872(*). Or il apparaît que le Subutex® ?cause une dégradation très rapide du réseau veineux lorsqu'il est injecté, du fait des additifs à la buprénorphine dans la forme disponible. Cet usage intraveineux semble favoriser les polyconsommations intraveineuses873(*)873(*). Enfin, on peut noter qu'il existe un marché noir du Subutex®, notamment en région parisienne, alimenté par les prescriptions multiples ou falsifiées, le troc de substances ou leur revente, le non-respect des posologies indiquées.

Ces dérives s'expliquent avant tout par un manque d'information à la disposition des professionnels sur cette substance lors de sa mise sur le marché. Il n'existe donc aucune étude approfondie, rigoureuse et exhaustive sur ces traitements ni sur leurs résultats tant en termes cliniques que de santé publique. Il est saisissant de voir que, dans la littérature scientifique internationale (anglophone), le nombre d'articles sur la BHD émanant d'auteurs français - les seuls à avoir une expérience clinique in situ de grande échelle - sont infiniment moins nombreux que ceux publiés par des équipes américaines ou anglo-saxonnes en situation expérimentale.

Il existe pourtant des études de suivi des traitements de la substitution, telles que les études SPESUB et SUBTARES, qui établissent l'efficacité du Subutex® ?: près de 69% des patients étaient toujours suivis pour le traitement, 53% par le même médecin un an après le début de leur traitement874(*). Il est cependant nécessaire de souligner que les quelques études menées au niveau national ont toutes été lancées et financées par le laboratoire qui commercialise le Subutex® (étude SPESUB, étude SUBTARES, étude APPROPOS, etc.). Alain Morel remarque d'ailleurs qu'il est difficile d'avoir accès à la méthodologie et aux résultats en dehors des présentations faites par la société Schering Plough dans ses actions marketing.

La situation française en matière de traitements de substitution est en définitive, comme l'a établi un rapport de l'INSERM, particulièrement originale et possède trois caractéristiques874(*) : une ouverture brutale de l'offre de substitution au milieu des années quatre-vingt-dix, une modalité dominante attribuée à la buprénorphine haut dosage plutôt qu'à la méthadone, un rôle majeur soudainement attribué aux médecins généralistes et pharmaciens. En six années, le système de prise en charge des usagers de drogues en France a montré sa capacité à soigner plus de 100 000 personnes avec des médicaments de substitution, soit environ 60 % de la population opio-dépendante estimée875(*)875(*). Cela est d'autant plus remarquable que la France ne disposait pas d'une culture de substitution876(*). Cette évolution a été possible grâce à la collaboration des professionnels de santé avec le système spécialisé, en particulier des médecins généralistes et des pharmaciens . Elle a donné des résultats spectaculaires sur les plans sanitaire, social et économique.

Il apparaît cependant que le choix d'une diffusion massive de la buprénorphine à haut dosage ne répond pas tant à un impératif thérapeutique qu'à un ensemble de facteurs externes qui ont avantagé cette substance par rapport à la méthadone. La propagation du Subutex® est en outre apparue dans un contexte d'urgence pour répondre aux manques du dispositif thérapeutique français en matière de toxicomanie. Les pouvoirs publics ont alors privilégié l'urgence au détriment des mesures de sécurité qui ne furent pas respectées. Le Subutex® ne limite qu'imparfaitement les comportements à risque en raison d'un ensemble d'usages qui mettent en péril la santé du consommateur (associations, usages par injection intraveineuse, etc.) .

Il est aujourd'hui nécessaire, comme le recommande le rapport sur « L'accès à la méthadone en France » de relancer la place de la méthadone au sein du système thérapeutique français. On peut noter à cet égard l'importance d'une circulaire adoptée en janvier 2002 par les pouvoirs publics877(*). Celle ci ouvre la possibilité à tout médecin exerçant en établissement de santé d'initialiser un traitement par la méthadone. Cette disposition, attendue depuis près de deux ans, créé une situation nouvelle et ouvre une deuxième « porte d'entrée » pour accéder à un traitement méthadone par l'intermédiaire des établissements de santé879(*)879(*). La seconde recommandation du groupe d'étude sur les traitements de substitution est la création d'un cadre légal pour d'autres traitements de substitution : sulfates de morphine, dérivés codéinés et opiacés injectables qui ont été trop rapidement écartés de l'arsenal thérapeutique.

Les programmes de substitution ont ouvert une brèche dans le dispositif de traitement des toxicomanes qui se limitait auparavant, d'un point de vue médical, au seul sevrage. Ils témoignent également d'une nouvelle considération de la toxicomanie qui émerge progressivement. La substitution a pendant longtemps été perçue comme le fait de « donner de la drogue aux drogués ». Ce changement est d'autant plus considérable que la substitution n'est pas toujours orientée vers le sevrage, elle peut avoir pour seul objectif de stabiliser le comportement de l'usager de drogues. Aujourd'hui, certains évoquent même la possibilité d'entreprendre des programmes de substitution à vie. La réduction des risques opère un passage d'une logique de répression à une logique de soin. L'introduction, mais surtout le renouveau, des mesures alternatives symbolisent en partie ce passage.

1.3.2 Les mesures alternatives : entre soin et répression

La prise en charge de la toxicomanie a souvent alterné entre la volonté de réprimer les usages de substance (principe répressif) et la nécessité, souvent sécuritaire puis sanitaire, de prendre en charge les toxicomanes (principe médical). La répression et le soin de la toxicomanie sont pourtant deux principes qui semblent inconciliables880(*). Certains pays, guidés par ce double principe, ont mis en place un système de mesures alternatives aux poursuites judiciaires. Celles-ci permettent l'annulation du recours en justice à condition que le toxicomane soit intégré au sein d'un programme thérapeutique. En Europe, rien ne permet d'affirmer que les mesures alternatives sanitaires gagnent du terrain par rapport aux sanctions pénales ou administratives. On observe à l'inverse dans certains pays considérés comme « libéraux » sur le plan pénal (Espagne, Pays-Bas) un durcissement des sanctions pour usage simple alors que l'arsenal juridique intègre les mesures alternatives. Cette tendance apparaît paradoxale alors que les politiques nationales s'orientent de plus en plus vers une approche sanitaire globale, multidimensionnelle et intégrée des usagers de drogues.

La France et l'Italie ont néanmoins accordé très tôt une grande importance au principe des mesures alternatives (au moins en apparence). Ce système a pris le nom en Italie d'affidamento et il constitue depuis 1975 une des principales mesures du dispositif italien de prise en charge des toxicomanes. Il s'opère essentiellement au bénéfice des communautés. Le système français, connu sous le nom « d'injection thérapeutique », resta en revanche l'objet de multiples contradictions et son application présente encore aujourd'hui de nombreux défauts.

1.3.2.1 L'affidamento à l'italienne : une délégation des pouvoirs publics en faveur du secteur privé

Jusqu'aux années soixante-dix, la solution italienne au problème de la drogue était de type répressive-ségrégative881(*). La prison était conçue comme une réponse indifférenciée aux usagers de drogues et aux trafiquants, tandis que les toxicomanes faisaient l'objet de mesures d'internement en hôpitaux psychiatriques. Les premières mesures de peines alternatives à la détention carcérale sont introduites par la loi de réforme pénitentiaire L.354 de 1975. Cette mesure était d'autant plus innovante en 1975, date à laquelle la majorité des pays européens adoptaient des politiques strictement répressives. Il s'agit comme le note Bruno Bertelli d'une première révolution culturelle qui a lieu au sein du milieu carcéral : « Au niveau du système pénitentiaire [...] la loi 354 de 1975 marque la fin de l'unidimensionalité et de l'uniformité de la réponse pénitentiaire. La prison n'est désormais plus conçue comme un conteneur indifférencié de toutes les diverses fautes criminelles, mais comme une forme, parmi tant d'autres, du système sanctionnaire pénal [...] La dichotomie entre le dedans et l'extérieur (prison ou mesures de clémence de type suspensif) est dépassée par la reconnaissance d'institutions et de parcours alternatifs à forte valeur thérapeutique »882(*).

Même si le principe a été établit, l'application reste encore faible en raison d'un manque de directives. La cadre d'application de la loi n'apparaît qu'en 1984, d'abord pour les incarcérations préventives puis pour les peines allant jusqu'à deux ans et demi (1985) puis jusqu'à trois ans (loi 663 de 1986 connue comme loi Gozzini). C'est surtout le texte unique de 1990 (D.P.R. 9 octobre 1990, n.309 T.U) qui donne une importance cruciale au processus de mesures alternatives. Le législateur décrit alors le toxicomane comme un malade devant être soigné et poussé par tous les moyens (même coercitifs) afin d'entreprendre un programme thérapeutique883(*). Les institutions publiques (prisons, tribunaux, services sociaux) ont la possibilité d'envoyer le toxicomane in affidamento, c'est à dire en mise en tutelle, à un service social comme mesure alternative à la réclusion (art.94). Ce régime est applicable pour les peines inférieures à quatre ans et ne peut être utilisé que deux fois pour une même personne. Le toxicomane s'engage à entreprendre et à mener à terme un programme thérapeutique. Cette attribution temporaire aux services sociaux s'accompagne de la suspension provisoire de 5 ans (art.90) de l'exécution de la peine (d'une durée maximale de quatre ans). Celle-ci est classée en cas de réussite du programme thérapeutique entrepris. L'étendue de ces mesures est bien sûr décidée en considération de la gravité des faits imputés au toxicomane. Bruno Bertelli affirme qu'il s'agit d'une « mesure juridique de type clémentiel à travers laquelle apparaît de manière évidente la soumission du principe pénal face à l'objectif thérapeutique »884(*).

Le recours aux mesures alternatives a été massif à partir de 1990. Le nombre de toxicomanes bénéficiant de telles mesures est passé de 2 386 en 1992 (soit 41,9% de l'ensemble des mesures prononcées) à 4 541 en 1994 (soit 38,4%) puis à 5 985 en 1997 (34,2%), ce chiffre est redescendu à 3 746 en 1999 (25,1)885(*). Le nombre de mesures alternatives en faveur des toxicomanes a augmenté rapidement dans la première moitié des années quatre-vingt-dix mais a chuté brusquement en 1997. En revanche, la part des toxicomanes a diminué de façon progressive, ce qui témoigne d `une part que les mesures alternatives constituent un phénomène général au système judiciaire italien, et d'autre part que les toxicomanes ne sont pas les principaux bénéficiaires de ces mesures.

Document 13 : Toxicomanes et alcoolodépendants en mesures alternatives de détention

Source : Ministero della Giutizia- Dipartimento Amministrazione penitenziaria. Extrait de Bertelli Bruno, « Le politiche penintenziarie », in Tossicodipendenze e politiche sociali in Italia, op.cit., p.152.

La procédure d'affidamento a permis de déléguer un nombre considérable de toxicomanes aux structures de soin leur permettant d'éviter ainsi la prison, facteur de précarisation accrue comme il a été établi auparavant. Plusieurs questions méritent cependant d'être soulevées. Simonetta Piccone Stella remarque par exemple que le toxicomane et la structure thérapeutique se voient tous deux amputés du choix de la décision886(*). L'affidamento prive, selon elle, les toxicomanes de la liberté de se soigner. On peut s'interroger dès lors sur les conséquences du programme thérapeutique entrepris. Aucune étude n'a été réalisée jusqu'à présent pour évaluer les conséquences des mesures alternatives qui restent néanmoins un des principes clef de la prise en charge des toxicomanes en Italie887(*).

Les mesures alternatives à l'incarcération ont pour finalité première d'empêcher une trop forte criminalisation à l'égard des usagers de drogues et de favoriser ainsi leur prise en charge par le système sanitaire. Il a été établi auparavant en quoi le processus répressif est contradictoire avec l'approche sanitaire. On peut pourtant remarquer que face à la multiplication des mesures italiennes de peines alternatives, le nombre de toxicomanes incarcérés est demeuré considérablement élevé. Le flux d'entrée de toxicomanes en prison reste stable depuis 1991 avoisinant 30 000 personnes par an, soit un tiers des entrées totales888(*). Bruno Bertelli note que parmi ceux-ci la part des immigrés a augmenté de façon drastique. Celle-ci est passée de 14% en 1991 à 31,5% en 1998. Il est par conséquent légitime de s'interroger sur les objectifs poursuivis par le système d'affidamento : contrôle social thérapeutique ou décriminalisation de la toxicomanie ? Monika Steffen remarque d'ailleurs que le système de peines alternatives bénéficie essentiellement aux communautés thérapeutiques. Il s'agit pour l'Etat italien de déléguer ainsi une partie de sa fonction de contrôle social aux acteurs de la société civile. Les communautés thérapeutiques et les centres d'accueil privés obtiennent d'ailleurs à ce titre une partie de leur financement du ministère de la Justice et des Sert.

Le système des peines alternatives a été utilisé en Italie comme une des principales réponses face à l'augmentation du nombre de toxicomanes qui a eu lieu à la fin des années quatre-vingt et face aux risques sanitaires encourus. L'affidamento a permis d'ouvrir un nouveau mode de prise en charge. Il s'agit avant tout d'un intermédiaire entre la prison et le dispositif de soin, entre la prohibition et la réduction des risques. Monika Steffen y voit l'élaboration d'une politique d'intégration dont « l'élément stratégique réside dans la construction d'un champ intermédiaire qui n'est ni punitif, ni un simple accès individuel et volontaire aux traitements, mais une modalité d'intervention systématique entre répression et soin »889(*). La validité de cette politique est cependant questionnée d'une part au regard de ses objectifs puisque un tiers des personnes incarcérées sont encore toxicomanes, et d'autre part, en vue du manque de certitudes sur l'efficacité thérapeutique de l'affidamento. L'injection thérapeutique française va répondre à une logique similaire au dispositif italien : il s'agit d'apporter une réponse thérapeutico-répressive au problème de la toxicomanie. Elle sera l'objet d'une utilisation massive au cours des années quatre-vingt-dix à la suite de quoi elle est progressivement remise en question.

1.3.2.2 L'injection thérapeutique française en question

L'idée générale d'une surveillance médicale forcée n'est pas nouvelle en droit français puisque la loi du 30 juin 1838 avait institué le placement psychiatrique890(*) et la loi de 1954 avait mis en place la surveillance sanitaire des alcooliques dangereux pour autrui891(*). Dans tous ces cas, le soin peut être imposé contre la volonté du sujet ou en dehors de la manifestation de sa volonté. L'« injonction thérapeutique » fut affirmée au sein de la loi du 31 décembre 1970. L'expression ne figure cependant pas dans les termes de le loi. L'article L. 628-1 dispose que le procureur de la République pourra enjoindre aux personnes ayant fait un usage illicite de stupéfiants de subir une cure de désintoxication ou de se placer sous « surveillance médicale ». L'expression n'apparaît en elle-même que dans une circulaire du Garde des Sceaux du 17 septembre 1984.

Les conditions du vote de la loi de 1970 ont été analysées dans l'ouvrage de J. Bernat de Celis « Drogues : Consommation interdite. La genèse de la loi de 1970 sur les stupéfiants »892(*): le ministère de la Justice est favorable à la répression de l'usage, les pratiques montrent que les usagers sont de fait déjà déférés à la justice sous les qualifications de détention de stupéfiants, le ministère de la Santé demande une surveillance sanitaire obligatoire. Dans l'esprit de ce dernier la surveillance était conçue comme visant tous les usagers. Or, le texte adopté finalement, en laissant l'obligation de soins à l'appréciation du magistrat, ne poursuivra pas cet objectif de santé publique et de fait un faible nombre d'usagers seront signalés à l'autorité sanitaire. « L'idée générale qui a présidé à l'élaboration de ces différents textes est que le toxicomane doit avant tout être considéré comme un malade et l'usager de substances vénéneuses qui n'est pas encore un drogué, comme un vrai sujet en péril, auquel il faut apporter une protection appropriée »893(*).

La loi de 1970 distingue trois moments du processus pénal où une obligation de soins pourra être imposée à l'usager de stupéfiants, de sorte qu'à chaque stade de la procédure pénale correspond un double traitement judiciaire et sanitaire de l'usager de drogues. Tout d'abord, en amont de la procédure, le Procureur de la république peut choisir de suspendre les poursuites si l'usager accepte de subir « une cure de désintoxication ou de se placer sous surveillance médicale » sous la tutelle de la Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales (DDASS)894(*)894(*). Il s'agit ici de l'injonction thérapeutique.

En cours de procédure judiciaire, le juge d'instruction ou le juge pour enfants peut assortir le contrôle judiciaire d'une obligation de soins894(*). Dans ce cas, les poursuites pénales sont engagées et le fait que l'usager se soit soumis à cette obligation ne pourra avoir que des conséquences sur le degré de la peine, par exemple en la réduisant voire en le dispensant de peine. Dans tous les cas, une inscription au casier judiciaire existera.

Enfin, ?lors du prononcé du jugement, la peine peut également être accompagnée d'une obligation de soins895(*), soit parce que l'usager l'a refusée auparavant, soit au contraire pour la prolonger si elle a démarré au titre de l'article précédent. Dans chaque cas, le choix de la mesure reste à la discrétion du magistrat tandis que l'intéressé peut refuser cette alternative, soit à la poursuite, soit à la détention, soit à l'emprisonnement. Depuis l'entrée en vigueur du nouveau code pénal, la juridiction peut également prononcer un ajournement de la décision avec une obligation particulière896(*). Le Juge de l'Application des Peines peut également ordonner des mesures particulières, dont une obligation de soins, lors d'une libération conditionnelle (art.729 s., CPP).

La loi française de 1970 tente de concilier l'orientation politique sécuritaire avec la volonté d'exercer un contrôle sanitaire sur les toxicomanes897(*). L'injonction thérapeutique est significative du compromis entre les enjeux sanitaires et l'aspect répressif de la loi. Elle présuppose une coopération des autorités judiciaires et sanitaire (DDASS) à qui il incombe de déterminer si l'état de la personne nécessite une cure de désintoxication, une simple surveillance par un médecin ou un suivi dans un centre spécialisé. C'est également l'autorité sanitaire qui effectue le contrôle du traitement.

Mais la position du corps professionnel médical, qui considère que seul un patient venu de sa propre volonté peut suivre un traitement médical ou psychothérapeutique, condamne à l'échec le principe de l'injonction thérapeutique, pierre angulaire de la réglementation des toxicomanies de 1970. Les psychiatres refusent de devenir le bras droit de la justice899(*). Le rapport Pelletier établit que les médecins « ne souhaitent pas se faire, de près ou de loin, les auxiliaires d'un appareil judiciaire qu'ils jugent inadapté au traitement de la toxicomanie »900(*).

On peut distinguer deux phases pour suivre les décisions d'injonction thérapeutiques901(*). La première phase d'application indique un faible recours de 1971 à 1983, qui permettait au début de la période de prendre en charge 352 patients, contre 2 893 en fin de période. Cet effectif est resté assez faible dans les années quatre-vingt ; les financements ont été perçus comme insuffisants pour augmenter l'offre de cures.

Document n° 14 : Cures ordonnées par le parquet 1971-1983

Années

1971

1972

1973

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

Effectifs

352

532

598

732

815

847

1318

952

1187

1388

2075

3229

2893

Sources : 1971-1978 : circulaire 69F389 du 15 février 1980 et rapport Pelletier (1978) ;1979-1981 : Gortais J., Perez-Diaz C. (1983) ; 1982 et 1983 : cadres du parquet.

L'injonction thérapeutique est ainsi très peu utilisée entre 1970 et 1986. Le système est en proie à de nombreuses contradictions politiques. Jusqu'à 1985, les circulaires invitent les juges à ne pas privilégier l'injonction thérapeutique, c'est seulement à la fin des années 80 que les autorités publiques incitent à sa mise en application. Deux questions ramènent sur le devant de la scène la question de l'alternative sanitaire en matière d'usage de stupéfiants : le Sida et les hépatites qui affectent la population toxicomane, et la question de l'exclusion sociale et de l'accès aux soins des plus démunis. Un argument va jouer dès lors en faveur de l'IT, repris dans toutes les circulaires postérieures : l'injonction thérapeutique représente la possibilité d'une première mise en relation du toxicomane avec un service sanitaire et par conséquent un moyen d'accès aux soins. Une évaluation a été réalisée en 1991 et a montré que, en moyenne sur les 61 départements ayant répondu à la question, pour 59 % des personnes ayant bénéficié d'une mesure d'injonction, celle-ci a été l'occasion d'un premier recours aux soins902(*)902(*).

Les pouvoirs publics incitent dès la fin des années quatre-vingt les autorités sanitaires et judiciaires à collaborer en faveur de l'injection thérapeutique. Deux circulaires du ministère de la justice de 1987 rappellent ainsi tout à la fois les grandes directives de la mise en oeuvre de la loi et la nécessaire coopération entre les différents services903(*). L'injonction thérapeutique connaît un essor à partir de 1987 par le biais de la circulaire du 12 mai 1987 qui apporte, pour la première fois, une définition précise du candidat à l'injonction thérapeutique : « L'usager d'habitude présentant des signes d'intoxication ou reconnaissant se livrer régulièrement à la consommation de stupéfiants »904(*).

L'injonction thérapeutique est réaffirmée au cours des années quatre-vingt-dix par le plan gouvernemental de lutte contre la drogue du 21 septembre 1993 ou encore par une circulaire adressée en 1995 aux préfets et aux procureurs de la République qui préconise l'usage de l'injonction thérapeutique pour les usagers d'héroïne ou de cocaïne et les gros consommateurs de cannabis en cas de consommation mixte avec d'autres produits (médicaments, alcools, etc.). Le recours à l'injection thérapeutique se développe ainsi beaucoup plus conséquemment905(*)905(*) : de 4 935 en 1992, le nombre d'injonctions thérapeutiques est passé à plus de 8 000 mesures à la fin de la décennie. L'augmentation est donc significative, même si l'effectif des individus ayant bénéficié de cette mesure stagne depuis 1996. De plus, les usagers de cannabis représentaient, en 1997, 60% des injonctions contre 36% pour les usagers d'héroïne906(*).

Document n° 15 : mesures d'injonctions thérapeutiques prononcées par les juridictions

Année

1992

1993

1994

1995

1997

Effectif

4935

6149

7678

8630

8052

Source : ministère de la Justice, Annuaire statistique.

Pourtant de nombreuses voix continuent de s'élever en faveur d'un changement législatif. Certains considèrent que le choix entre poursuite de l'usage et injonction thérapeutique reste ambigu : « la formule génère la confusion des genres et le malaise de chacun : le prévenu toxicomane n'est pas un prévenu comme les autres, le magistrat devient un prescripteur médical et le médecin l'exécutant d'une sentence »907(*).

En outre, de fortes disparités régionales persistent bien que masquées par les statistiques globales908(*). En 1994, sur 175 tribunaux de grande instance, 38 % n'ont prononcé aucune mesure, 23 % en ont prononcé de 1 à 10, 29 % de 11 à 99 et 10 % plus de 100. La concentration des mesures dans quelques juridictions est donc très forte et s'accentue : les tribunaux ayant prononcé plus de 100 injonctions chacun totalisent 74 % des mesures en 1994 contre 69 % en 1993. On trouve ainsi, par ordre décroissant : Bobigny 1.110 injonctions thérapeutiques (14,7 % du total national), Paris 640 (8,5 %), Créteil 520 (6,9 %), Meaux 427 (5,6 %). Les trois quarts des IT prononcées sur le territoire national en 1994 ont été décidées dans 18 juridictions seulement. En 1994, 38% des tribunaux de grande instance (TGI) n'avaient prononcé aucune mesure de ce type.

Finalement, la déperdition des usagers est telle que l'ampleur des moyens dégagés (12 millions de francs en 1997) pour la mise en oeuvre de l'injonction thérapeutique pourrait sembler disproportionnée au regard de son effectivité909(*). Derrière le chiffre global de 70% d'usagers sous le coup d'une mesure d'IT entrant en contact avec le système de soins, une évaluation menée en 1994 auprès de 25 TGI montre des résultats beaucoup plus modestes. En 1994, moins d'un tiers des usagers interpellés ont bénéficié d'une décision d'injonction thérapeutique et dont un quart seulement ont entamé un traitement910(*). Ce ne sont en fait que 5,5% des usagers de drogues injecteurs interpellés qui ont été pris en charge par les soignants et suivis par les DDASS911(*). Cela ne préjuge en rien des résultats de ces prises en charge, ni même ne garantit qu'elles ont été menées à terme.

Enfin, l'augmentation parcourue au cours des années quatre-vingt-dix a été en grande partie motivée par l'application, en dépit des instructions données par voie de circulaire, de mesures d'injonction thérapeutique à des usagers de cannabis (ce qui tendrait à l'assimiler à une mesure de contrôle de la délinquance en milieu ouvert). En 1997, 36% seulement des injonctions thérapeutiques prononcées concernaient des usagers d'héroïne. En outre, l'élévation quantitative suit la tendance des interpellations, à un rythme toutefois plus soutenu. La relance de l'I.T demeure critiquée et le choix d'une dépénalisation de l'usage est préféré par beaucoup.

L'irruption du paradigme de la réduction des risques a amené les pouvoirs publics français à réévaluer et à modifier en conséquence leur dispositif de soin de la toxicomanie. Celui-ci n'était en effet pas en mesure de répondre aux nouveaux objectifs qui s'imposaient d'eux-mêmes : réduire les risques de transmission des maladies infectieuses parmi les toxicomanes intraveineux. Il s'agissait d'une part de revoir l'outil thérapeutique qui avait régné jusque là, le sevrage, et de le substituer par un nouveau procédé permettant d'obtenir une stabilisation comportementale des usagers de drogue (reconnue comme un des meilleurs facteurs de prévention). Il était nécessaire, d'autre part, de modifier le régime de la prise en charge qui demeurait trop répressif et était néfaste à la réduction des risques. C'est dans ce cadre que les pouvoirs publics français et italiens accordèrent une large priorité à l'application des mesures alternatives, telle que l'injection thérapeutique française. Ces mécanismes de prise en charge du toxicomane font cependant l'objet de nombreuses limites.

Il est apparu que le principal obstacle aussi bien en matière de prévention que de prise en charge de la toxicomanie n'est pas le manque d'instruments mais leur application. La méthadone est très significative de cette difficulté. Il existe peut-être autant de manières de mettre en place un programme de substitution qu'il y a de centres thérapeutiques prescripteurs. L'efficacité de ce traitement n'est d'ailleurs pas liée qu'à la seule substance mais elle dépend d'une pluralité de facteurs (accompagnement psychosocial, opportunités sociales et en matière de travail, etc.). Le rôle d'arbitre des pouvoirs publics apparaît une fois de plus crucial. Dans un secteur dominé par la pluralité des acteurs, notamment en Italie, il est décisif qu'un seul et même principe puisse régir l'ensemble des interventions. Certains, cependant, refusent cette homogénéisation au nom d'une plus grande diversité de l'offre thérapeutique. Il existe ainsi une multitude d'acteurs intervenant dans le secteur de la toxicomanie qui offrent des solutions singulières.

2. Les réseaux thérapeutiques

Les réseaux thérapeutiques sont fortement diversifiés, bien que de façon très inégale entre la France et l'Italie. Le réseau français se caractérise par trois modes de prise en charge : d'une part les centres spécialisés qui regroupent encore l'essentiel des toxicomanes sous traitement, et d'autre part le milieu hospitalier et le réseau de médecine de ville qui demeurent très marginalisés, malgré une récente progression. Une culture commune en matière de toxicomanie est progressivement apparue au sein du secteur spécialisé et a permis de garantir une forte homogénéité des pratiques thérapeutiques. Celle-ci fut cependant remise en cause au cours des années quatre-vingt-dix ce qui a provoqué de nombreuses modifications du système de soin français.

Le réseau thérapeutique italien est en revanche nettement plus fragmenté. Il se caractérise par une coupure entre le secteur privé et le secteur public qui se traduit par une forte inégalité en terme de capacités de prise en charge ainsi que par un ensemble de pratiques et d'idéologies, en matière de soin de la toxicomanie, radicalement diverses. Le secteur public a fait l'objet d'un désinvestissement massif de la part des pouvoirs publics, au cours des années quatre-vingt, au profit du « privé social ». Cette répartition fut cependant en partie remise en cause au cours des années quatre-vingt-dix. Mais surtout, le paradigme de la réduction des risques a provoqué un bouleversement du système de soin italien en homogénéisant les pratiques thérapeutiques des différents acteurs. Les années quatre-vingt-dix ont ainsi été qualifiées comme le « désenchantement » des communautés thérapeutiques qui ont été fortement remises en question.

2.1 Entre ville et société : les communautés thérapeutiques

2.1.1 Dispositif thérapeutique ou groupuscules idéologiques ?

Les communautés ont pour point de départ l'idée que le groupe constitue une référence indispensable dans le processus thérapeutique de l'individu. Il existe néanmoins une pluralité de communautés qui se caractérisent par des objectifs et des dispositifs distincts. Il est possible de distinguer trois types de communauté thérapeutique912(*) : les communautés résidentielles, les communautés semi-résidentielles ou diurnes et les centres d'accueil ou « communautés ouvertes ». Les premières correspondent à l'archétype de la communauté dans laquelle les patients partagent leur quotidien nuit et jour ; les communautés semi-résidentielles sont plus restreintes puisque le temps quotidien partagé varie de 10 à 12 heures par jour, soit la quasi-totalité de la journée « active », après quoi les patients rentrent dormir chez eux. Enfin, « les communautés ouvertes » ne sont appelées communautés que improprement en comparaison avec les premières. Elles n'hébergent pas de patients mais leur permettent d'entrer et de sortir, proposant des rendez-vous. Toutefois, elles offrent également des traitement à long terme qui s'étalent sur 3 ans. On recense 279 centres d'accueil en Italie (public et privé confondues) et ils sont le plus généralement gratuits. Les communautés thérapeutiques présentent une grande diversité de formes. Elles partent cependant toutes d'un même ensemble de principes qui ont été formalisés durant la seconde moitié du 20ème siècle.

2.1.1.1 Un modèle thérapeutique socio-comportementaliste

Les premières expériences de communauté thérapeutique remonte à l'après Seconde guerre mondiale913(*). Le terme de communauté thérapeutique est utilisé en 1946 au sujet de l'hôpital psychiatrique de Northfield et en 1950 pour le service de Maxwells Jones. Les principaux éléments de définition en sont les suivants : «le rôle fondamental accordé à la responsabilisation dans la gestion de la structure, à la communication et à la démocratisation des rapports, à une réelle atmosphère et vie de communauté, interchangeabilité de rôles, la confrontation quotidienne, l'apprentissage de nouvelles formes de rapport avec autrui »914(*).

Synanon fut la première structure résidentielle de soin et de réinsertion pour toxicomanes créée aux Etats-Unis ; elle a eu une influence majeure sur le mouvement des communautés thérapeutiques. Synanon a été fondée en 1958 en Californie par Chuck Dederich, un ancien entrepreneur membre des Alcooliques Anonymes. Le modèle des Alcooliques Anonymes s'est développé en 1935 et se fonde sur le renforcement réciproque et l'entraide (self-help), la conscience de ne pouvoir guérir seul, la présence d'« anciens » parmi les opérateurs. Dederich modifia les réunions qui se tenaient chez lui, en des séances qu'il nomma "Game", consistant en un travail sur l'émotionnel par des confrontations verbales des membres entre eux. Suivi par plusieurs membres, Dederich se sépara des Alcooliques Anonymes et fonda une communauté qu'il voulait en rupture avec la société. Leur objectif était de créer une société idéale et donc de vivre le plus possible en autarcie. Synanon fut une expérience sociale marquante : pas de propriété privée, pas d'argent, travail de 7 jours, suivi de 7 jours de temps libre, "game" dès qu'un conflit se présentait. Se réinsérer dans la société était considéré comme une trahison. D'autres influences que celles des Alcooliques Anonymes sous-tendent la démarche de cette communauté comme celle de la contre-société (hostilité au pouvoir médical et psychiatrique et aux institutions traditionnelles), le béhaviorisme et l'approche de C. Rogers. L'expérience, à l'époque était révolutionnaire du fait même qu'elle était organisée et dirigée par d'anciens toxicomanes sans le recours aux spécialistes.

Dans les années 60, cette institution se développa considérablement mais dégénéra par la suite en secte hostile au monde extérieur : son leader C. Dederich en vint à pratiquer des mariages forcés, à imposer des stérilisations, et les fugitifs étaient rattrapés. La seconde communauté, Daytop, a été créée en 1963 à New York par D. Deitch, un ex-toxicomane de Synanon. Elle propose des séjours s'étalant de 18 mois à 2 ans. Une de ses particularités est de n'admettre que des gens très motivés et d'insister sur la réinsertion sociale (les communautés thérapeutiques italiennes s'en sont largement inspirées). D'autres communautés ont suivi à la fin des années soixante, Phoenix House, ouverte en 1967 à New York, Satori, communauté résidentielle californienne créée en 1970 par un psychiatre, V. Zarcone. Portage, installée au Québec fut créée par un ancien de Daytop, J. J. Devlin. En 1991, plus de 350 communautés existaient aux Etats-Unis avec presque toutes les variétés de communautés conçues spécialement pour les groupes ethniques, les enfants délinquants, les adolescents, les criminels, les chômeurs, les personnes atteintes du VIH/Sida, les mères toxicomanes915(*).

La génération actuelle de communautés thérapeutiques en Europe prend ses racines dans deux modèles différents, l'un en Europe (théorisé par M. Jones) dites communautés thérapeutiques démocratiques et l'autre aux Etats-Unis avec les communautés thérapeutiques du type Synanon et Daytop dites hiérarchiques ou programmatiques916(*). Maxwell Jones a été, dans l'Angleterre des années 40 et 50, à l'origine de communautés thérapeutiques organisées à l'intérieur des institutions psychiatriques comme solutions alternatives à l'hospitalisation pour les malades mentaux. Il s'agissait d'ouvrir des espaces démocratiques dans le milieu fermé et hiérarchisé de l'hôpital psychiatrique.

Ainsi deux types de communautés se juxtaposent917(*) : le modèle américain et européen. Les deux modèles, malgré leurs points communs essentiels (l'apprentissage de l'autonomie par le self help et la vie de groupe), ont des caractéristiques qui différent. Le premier est constitué d'une structure hiérarchique basée sur un système autoritaire et fondée sur une règle principale : la reconnaissance de son échec personnel et de sa responsabilité dont il se décharge en faveur de la communauté. La source de l'autorité est représentée par l'ancien toxicomane tandis qu'un contrôle social s'effectue par l'ensemble des patients. Il existe au sein des communautés américaines des aspects de discipline quasi-pénitentiaire (port de la salopette pour tous, cheveux rasés, systèmes de punitions et privilèges). Dans le modèle européen, appelé aussi modèle démocratique, l'encadrement est uniquement professionnel mais il laisse les patients être les protagonistes de la gestion de la thérapie et de la communauté elle-même, le système de contrôle se réalise sous la forme d'une démocratie décisionnelle à travers une forte communication entre le personnel et les patients.

Les communautés apparurent en Europe à partir du début des années soixante-dix. Ian Christie fonda Alpha House en 1970 à Portsmouth en Angleterre suivie quelques mois plus tard par G. Edwards qui fonda Phoenix House à Londres. Emiliehoeve fut fondée en 1972 à La Hague aux Pays-Bas et Coolmine près de Dublin, en Irlande. Au départ, le personnel encadrant n'était constitué que de professionnels. Après plusieurs mois de fonctionnement, ou plutôt de dysfonctionnement, ces communautés thérapeutiques abandonnèrent le modèle démocratique pour adopter le modèle hiérarchique. Les C.T. se multiplièrent en Europe de l'ouest dans les années 70. Avec l'aide de Emiliehoeve, furent créées les communautés de De Kiem à La Hague, à Essenlaan et à Rotterdam puis De Sleutel en Belgique. Des communautés s'implantèrent en Suède et en Suisse (à Berne). A partir des années 80 des communautés thérapeutiques furent fondées dans tous les pays, excepté la France et le Danemark qui pour des raisons éthiques s'opposèrent à cette modalité thérapeutique.

Le mouvement des communautés thérapeutiques représente initialement un réseau de structures dont le modèle de prise en charge repose sur une dé-médicalisation918(*) et une dé-psychiatrisation919(*). La conception sous-jacente à l'activité des communautés thérapeutiques repose sur une inspiration éducative et vise à modifier les comportements. Les C.T. considèrent les toxicomanes comme des patients présentant des troubles de la socialisation et donc nécessitant un traitement social. Les communautés thérapeutiques présentent ainsi des éléments thérapeutiques communs. La place centrale accordée au groupe est une caractéristique de leur fonctionnement920(*). La communauté ne signifie pas systématiquement la négation de l'individu mais la primauté du collectif sur le singulier. En communauté, les représentations collectives prévalent sur les représentations individuelles.

« La communauté sert justement à cela : à faire comprendre, par le biais de la thérapie environnementale, que personne n'est en mesure d'affronter seul ses propres phantasmes et que la dimension du groupe est indispensable pour trouver, dans et à travers le groupe, les vraies coordonnées de sa ligne biographique, une ligne qui est unique, in-répétable, incomparable, non relative [...] La thérapie environnementale qui se déroule dans la communauté constitue en ceci : dans la compréhension qu'il est possible de vivre sans confrontation, comparaison et compétition et que l'on peut vivre sans narcissisme, dans une dimension empathique qui réconcilie affect et raison » 921(*)

Il est cependant difficile de remplir le temps d'un toxicomane, comme le précise Piccone Stella, une fois qu'il est privé de sa substance922(*). C'est pourquoi, dans tous les centres de soins une activité de travail est proposée (et le plus souvent imposée). Les responsables de centres sont unanimes, comme le rappelle Stella Piccone, pour affirmer qu'il « ne peut pas ne pas y avoir une occupation manuelle ». Ces activités peuvent être fondées explicitement sur l'ergothérapie (dans l'artisanat, le travail de laboratoires, dans la coopération agricole ou commerciale) ou spécialisées dans les interventions psychothérapeutiques. La notion de groupe est toutefois le dénominateur commun à toutes ces activités.

L'aspect le plus délicat de la thérapie est néanmoins la discipline. La discipline est présente dans chaque communauté. Il s'agit en effet de réguler le comportement de personnes en difficulté qui se regroupent dans un lieu inconnu et parfois clos et qui se soumettent à une autorité supérieure923(*). Il existe cependant, entre une institution « humanitaire » et une institution « totale », un ensemble de différenciations et de nuances dans la mise en place et dans la pratique d'instruments qui peuvent varier de la persuasion à la rigueur ou encore à la prison.

Les communautés sont des structures le plus souvent totalement démédicalisées, où le recours à n'importe quel type de substance légale ou illégale est interdit. Il s'agit de soigner la toxicomanie sans le moindre recours à une substance extérieure. La C.T repose sur l'idée que l'usage de drogues est une conduite sociale particulière plus qu'une psychopathologie singulière et les règles de vie sont considérées comme étant thérapeutiques en elles-mêmes. Il s'agit par conséquent d'une approche « socio-comportementaliste »924(*).

« Dans la culture communautaire, le principe selon lequel le médicament (y compris le recours à un analgésique pour soulager un mal de dents) doit être absolument évité naît de la considération que le recours à un médicament représente la tentative, souvent symbolique, de trouver une solution externe et magique à ses propres souffrances [...] L'expérience de la douleur est considérée comme un moyen pour favoriser un processus de changement et renforcer l'estime de soi »925(*)

L'épidémie de VIH/Sida a cependant profondément modifié le comportement des opérateurs de communauté et a contraint à repenser les méthodes d'intervention là où les aspects sanitaires ne pouvaient plus être sous-évalués. Les conditions sanitaires et les critères de qualité des communautés ont été réévalués et le médicament est devenu une figure de référence au sein de certaines communautés. De même, comme le rappelle Paolo Stocco, la perception culturelle et idéologique des opérateurs de communauté envers les produits de substitution comme la méthadone se sont profondément modifiées. « La méthadone n'est plus considérée comme un remède étant pire que le mal mais est plus perçue comme un instrument à disposition parmi tant d'autres »926(*).

Les communautés, comme le résument Guidicini et Pieretti au terme de leur étude sur la communauté italienne de San Patrignano, ont profondément modifié la perception du thérapeute927(*). Il n'est plus l'être omnipotent qui sauve le drogué mais redevient un homme faillible. La présence d'anciens toxicomanes parmi les opérateurs est très significative à cet égard puisqu'elle témoigne du fait que le toxicomane peut à son tour devenir thérapeute. Il y a ainsi une perte des rôles. On a assisté toutefois à une professionnalisation des intervenants des communautés thérapeutiques depuis le début des années quatre-vingt-dix, qui est allée de pair avec une médicalisation des interventions. Ce phénomène est particulièrement visible en Italie.

Les communautés se caractérisent, malgré leurs traits communs, par des méthodologies d'intervention diverses. Maria Stella Agnoli évoque à cet égard la notion de stratégie thérapeutique c'est à dire « d'une action orientée rationnellement vers un but, laquelle procède par le biais d'objectifs intermédiaires, en mettant à disposition des ressources et des instruments encadrés dans un processus »928(*). Cette stratégie, ajoute t-elle, ne peut être comprise qu'à la lumière de la « philosophie de la communauté qui implique une idée, une prospective interprétative, un « diagnostic » du phénomène de la toxicomanie, élément indispensable pour analyser la stratégie d'intervention adoptée en conséquence ».

Il est possible de distinguer trois méthodologies d'intervention des communautés résidentielles929(*). La stratégie de type spécialisé se caractérise par le recours à la psychothérapie de groupe et individualisée, la supervision des activités par une équipe spécialisée, le suivi de chaque patient par le biais d'une fiche thérapeutique. La stratégie communautaire de base se définit par un travail d'équipe au sein de la communauté et un plan thérapeutique précis ; ce modèle se caractérise également par la présence de nombreux éducateurs qui sont fréquemment d'anciens toxicomanes. Enfin, la stratégie éducative centrée sur le travail se traduit par des activités de travail et par une forte attention accordée à la réinsertion sociale des toxicomanes.

Deux types de critiques sont généralement formulées aux thérapies de type résidentiel930(*). Tout d'abord, on les accuse fréquemment de constituer des « forteresses imprenables », des groupes fermés sur eux-mêmes ou encore des défenseurs de secrets et de formules qui ne sont pas révélées au grand publique. La seconde critique repose sur la non-connaissance des résultats obtenus par les communautés. Très peu de chercheurs ont cherché à évaluer le résultat thérapeutique des structures résidentielles, c'est à dire les personnes qui ont réussi à achever un programme de soins et à réguler leur relation avec les substances. Cette difficulté est accrue du fait qu'on ignore également l'« après », c'est à dire quel type de vie quotidienne le patient a repris, ou encore ce que sont devenus ceux qui n'ont pas achevé un programme et qui l'ont interrompu en cours de route. Les communautés sont reconnues comme étant des lieux d'intégration de normes et de valeur. Pourtant il est possible de s'interroger, comme le fait Gianni Statera, si hors de la communauté ces normes seront toujours respectées par le toxicomane931(*). Il est en effet rare que les communautés accordent aux chercheurs d'avoir accès aux noms des personnes ayant fini le programme thérapeutique, ce qui rend une évaluation très difficile.

Une expérience d'évaluation a néanmoins été tentée en Italie par le Département de Sociologie de l'Université La Sapienza de Rome932(*). A partir des trois idéaux-types des stratégies mis en oeuvre au sein des communautés, décrites précédemment, trois exemples/modèles de communautés ont été étudiées933(*). La première se fonde sur une dynamique thérapeutique (communauté Ceis), tandis que la seconde a pour principe une dynamique relationnelle (Incontro) enfin le troisième modèle (San Patrignano) se base sur une logique éducative de resocialisation. L'efficacité des services ont fait l'objet d'une évaluation selon trois critères : la capacité à attirer des utilisateurs potentiels, la capacité à retenir les toxicomanes au sein du service tout au long de leur thérapie et enfin un critère de sortie du traitement en terme de réussite sociale. D'une façon plus générale l'efficacité a été définie comme le rapport entre les résultats obtenus et les objectifs fixés934(*).

Les auteurs ont remarqué que les toxicomanes se présentant aux portes d'une communauté comportent le plus souvent plusieurs expériences thérapeutiques qui ont échoué. Checcucci et Lampronti décrivent ce mécanisme comme celui de « la porta girevole », « la porte tournante »935(*). Ils soutiennent que « les toxicomanes, soit parce qu'ils sont contraints par leurs familles, soit parce qu'ils sont fatigués de vivre avec la drogue, pérégrinent d'une structure à l'autre, en partant généralement de celles connues comme étant les « plus faciles », en y entrant et en ressortant en continuation ».

L'idée d'une maturation de la vie de toxicomane semble être confortée par les résultats de l'enquête du département de Sociologie de La Sapienza qui révèlent que 59,5% des personnes interrogées au sein de la communauté de San Patrignano déclarent avoir entrepris un programme thérapeutique en raison de « l'impossibilité de continuer à vivre la vie de toxicomane ». En revanche, les personnes déclarant entreprendre un programme par « peur des conséquences physico-biologiques » sont seulement 9,1%. Ces chiffres témoignent bien de la difficulté de motiver un toxicomane à entreprendre un traitement par la seule menace des risques encourus936(*). Malgré l'ensemble de règles dont sont composées les communautés comme celle de San Patrignano, les toxicomanes pris en charge ne semblent pas présenter de nombreuses difficultés d'adaptation. Le plus fort taux d'interruption du programme concerne les plus jeunes toxicomanes ce qui conforte l'idée d'une maturation personnelle dans la motivation à entreprendre un programme thérapeutique.

Il existe en matière de communautés thérapeutiques une telle diversité de principes et de pratiques thérapeutiques, qu'il semble nécessaire de parler des communautés thérapeutiques au pluriel, malgré les traits communs qui les rassemblent. Leur développement s'effectua de manière très inégale entre les pays, le plus souvent en fonction des cultures thérapeutiques prédominantes.

2.1.1.2 Un essor inégal entre la France et l'Italie

Les communautés thérapeutiques ne se sont presque pas développées en France. Les intervenants de la toxicomanie étaient très réfractaires à l'approche béhavioriste, c'est à dire à l'idée d'une éducation (souvent coercitive) du comportement. Ainsi, comme le rappelle Farges et Patel, « les communautés thérapeutiques ont, en France, mauvaise presse. Elles évoquent les institutions coercitives américaines et leurs dérives sectaires ainsi que l'association Le Patriarche, si controversée »937(*).

Le Patriarche est la plus importante communauté implantée en France, elle fut considérée par beaucoup d'intervenants comme un anti-modèle de soin en matière de toxicomanie. L'association du Patriarche, dont le premier centre, La Boère, en Haute-Garonne, a ouvert en 1971, s'est considérablement développée en marge des instances officielles, et a implanté ses différentes structures dans de nombreux pays. En Europe, notamment en Espagne (72 centres), au Portugal (17 centres), en Italie, mais aussi en Amérique : Nicaragua (12 centres), Mexique, U.S.A. et Canada938(*). Avec 67 centres permettant d'accueillir 2 500 pensionnaires Le Patriarche constitue la plus grande institution d'accueil de toxicomanes du territoire français (en comparaison le nombre de places spécialisées, en post cure, agréées par l'Etat français était de 1057 en 1995)939(*). L'association s'efforce de vivre sur un mode autarcique, en auto-gestion. Le Patriarche promeut une prise en charge fondée exclusivement sur d'anciens toxicomanes. Dans ses fondements, ce modèle intègre l'ex-toxicomane comme le seul personnel d'encadrement, tant en ce qui concerne le sevrage que l'organisation de la vie quotidienne du groupe. Le Patriarche est dominé par la figure de son fondateur et actuel dirigeant, Lucien J Engelmajer. Véritable leader charismatique de la communauté, il est vénéré par les membres. Il est par ailleurs un opposant farouche aux programmes méthadone, à la légalisation des drogues et aux échanges de seringues.

Il est demandé lors de l'entrée en communauté une séparation physique et affective radicale du toxicomane avec ses attaches antérieures pendant plusieurs semaines. Le protocole est alors expliqué au sujet. On lui demande de signer un contrat qui lie son admission à la durée du traitement (plusieurs semaines). Le sujet n'a plus de possibilités de quitter le centre où il est affecté en cours de sevrage, et il y est maintenu, si besoin est, par la force. La cure consiste à découvrir un nouveau rythme de vie et à se couler dans un système de normes imposées et contrôlées par la communauté. L'un des sujets sur lequel l'action du Patriarche est la plus controversée est la question de la réinsertion de ses membres. En effet, à long terme, l'objectif n'est pas la réinsertion sociale dans la société, mais l'intégration à l'intérieur même de l'association. Un sujet peut passer sa vie au Patriarche s'il le désire. Aucun objectif ultime n'est fixé à la cure, et aucune date limite de séjour dans les centres. Il existe même une certaine pression morale de la part de la communauté : tout départ est considéré comme un lâchage.

Le développement du Patriarche est considéré comme une illustration de ce à quoi peut conduire l'exception au droit commun. L'association a bénéficié jusqu'en 1996 de subventions de l'État et d'une absence totale de contrôle, malgré de graves dérives connues depuis longtemps. Le Patriarche a été caractérisé comme secte par le rapport de la commission d'enquête parlementaire sur le phénomène des sectes (rapport Guyard publié en 1995). Un mandat international a été lancé en 1998 contre son ancien « guide », accusé de détournements de fonds et de viol sur mineures. Il est toujours en fuite. R. Castel, dans une étude réalisée pour le compte du ministère des Affaires Sociales sur les « sorties de la toxicomanie », critiquait le laxisme des pouvoirs publics face aux abus du Patriarche.

« Tout se passe comme si, sans qu'on le reconnaisse explicitement, l'existence du Patriarche permettait de résoudre à un moindre coût - social, politique et économique - les problèmes d'un certain nombre de laissés-pour-compte dont la prise en charge par le système médical classique exigerait des ressources considérables : toxicomanes graves, malades du Sida, fins de droits, étrangers, etc. »940(*)

La France a développé une modalité de prise en charge particulière très proche des communautés thérapeutiques. Il s'agit des structures de post-cure, appelés aussi centres thérapeutiques résidentiels. Ce dispositif est apparu au cours des années soixante, alors même que la toxicomanie était considérée comme l'expression d'un malaise général. Ces centres reposaient sur une idéologie très novatrice qui visait à mettre fin au rapport thérapeutique entre le toxicomane et le soignant. Ces lieux furent cependant remis en cause au cours des années soixante-dix sous le poids d'une spécialisation croissante du dispositif de traitement de la toxicomanie. Les centres de post-cure ont alors subsisté comme une étape secondaire de la chaîne thérapeutique.

Les centres de post-cure interviennent dans un second temps après la première phase de sevrage941(*). Ils ont pour finalité d'apporter un soutien social, psychologique et médical afin que l'usager de drogues puisse retrouver son autonomie. Les toxicomanes volontaires sont hébergés et nourris pour une durée variable entre 3 mois et un an. Ils se fondent sur une thérapie de rupture (changement radical du mode de vie) et d'occupation (travail, loisirs) et une thérapie de communauté. Il n'existe pas de programme thérapeutique mais il s'agit de couper le toxicomane de son environnement quotidien afin de lui permettre de renouer avec d'autres valeurs (échange, solidarité). Ces centres sont dépourvus d'une hiérarchie entre thérapeutes et « accueillis » et tous se soumettent aux règles de vie communes. Les centres de post-cure constituent une adaptation française de la CT. Ils demeurent cependant assez marginaux d'une part en raison de la place qu'ils occupent au sein de la chaîne thérapeutique, et d'autre part du fait de leur faible présence puisqu'ils sont aujourd'hui au nombre de 46 pour 569 places.

Les communautés thérapeutiques n'ont jamais connu en France un véritable essor. Le Patriarche a constitué un contre-modèle de communauté et à pendant longtemps confirmé la méfiance des intervenants de la toxicomanie942(*). Certaines personnalités telles que Olievenstein et G. Nahas regrettent cependant leur absence en France943(*). Le rapport Henrion publié en mars 1995 recommande « qu'une place plus grande soit faite à cette modalité thérapeutique dans le dispositif de soins aux toxicomanes ». Enfin, une circulaire du ministère de la Santé (11 janvier 1995) encourage la création de centres de soins avec hébergement collectif axés sur la prise en charge par le groupe et la recherche d'autonomie sociale.

Les communautés thérapeutiques ont en revanche bénéficié en Italie d'une très forte promotion. Elles représentent encore aujourd'hui la seconde famille thérapeutique dans la prise en charge de la toxicomanie. Pour comprendre les raisons de cet essor, il est nécessaire, comme le rappelle Paolo Stocco de replacer la naissance des communautés italiennes dans leur cadre historique944(*). Les premières expériences réalisées aux Etats-Unis au cours des années quarante ont marqué le passage d'une prise en charge médicale et psychiatrique à la sphère sociale. Avec l'élargissement du phénomène de la toxicomanie à l'ensemble de la société au cours des années soixante-dix, l'opinion publique fut soudain confrontée au problème de la toxicomanie alors que les problèmes liés à l'usage de drogue devenaient considérables. Le système socio-sanitaire italien paru désorganisé face à l'explosion de la toxicomanie. Les professionnels italiens furent alors confrontés à « un manque de préparation du à une insuffisance de références théoriques et cliniques pour la prévention et le traitement des toxicomanies, tout comme à un sentiment diffus d'inéluctabilité et d'irrésolvabilité exprimé par les opérateurs socio-sanitaires eux-mêmes ». C'est dans ce contexte que se développèrent les communautés thérapeutiques.

« En quelques années deux grandes lignes d'intervention apparurent en Italie : d'une part les services publics, qui peu à peu se constituaient dans l'ensemble du pays à partir de figures professionnelles diverses mais suivant la configuration médicale classique de l'ambulatoire ; de l'autre les structures résidentielles gérées par des volontaires, des coopératives sociales et des associations à but non lucratif se développèrent énormément »945(*)

Les communautés apparurent comme une solution possible face à l'incapacité des pouvoirs publics à résoudre le problème de la toxicomanie. Cette solution fut d'ailleurs largement soutenue par les autorités religieuses, hostiles à tout médicalisation de la prise en charge des toxicomanes. En 1976, le Centro Italiano di Solidarietà (C.E.I.S), organisme religieux dépendant du Vatican visita Emilihoeve, puis Daytop à New-York946(*). Le CEIS est à l'origine de l'ampleur considérable qu'ont prise les C.T. en Italie. Celles-ci reposent sur un modèle largement imprégné d'une dimension religieuse, tant par la prise en compte d'une demande spirituelle dans la cure, que par les personnels d'encadrement qui sont souvent des membres du clergé (prêtres, religieuses) ou des fidèles formés par la communauté religieuse (composée essentiellement de parents d'ex-usagers assurant des fonctions d'encadrement à titre bénévole, ainsi que d'anciens toxicomanes convertis).

Les structures italiennes reposent sur le modèle du self-help et l'encadrement par d'anciens toxicomanes comme dans le modèle américain. Elles s'en distinguent néanmoins par l'importante implication de la structure familiale et de l'église. Les communautés italiennes doivent par exemple leur développement au soutien du Vatican qui a cédé des propriétés de ses diocèses pour leur installation et qui, de plus, a largement contribué à leur financement. Le modèle italien s'est implanté dans plusieurs continents comme l'Amérique du Sud (Argentine, Colombie, Equateur, Bolivie) et dans le Sud-Est Asiatique. Les communautés différent néanmoins les unes des autres par leur statut (public ou privé), par les idéologies présidant à leur création (religieuse ou non) ou encore par leur fonctionnement (plus ou moins bénévole).

Les communautés ont connu une très forte augmentation durant les années quatre-vingt, qui s'est prolongée au début des années quatre-vingt-dix. Les structures privées résidentielles et semi-résidentielles avaient augmenté de 119,3% entre 1984 et 1988. On en compte 361 à la fin des années quatre-vingt, dont les deux tiers étaient liées aux organisations catholiques947(*). On dénombrait en 1993, 649 communautés, et 822 en 1997. La communauté thérapeutique est le second outil de prise en charge des toxicomanes, comprenant 20 000 lits sur tout le territoire italien. La population de toxicomanes pris en charge par les CT a connu une forte augmentation au cours des années quatre-vingt, parallèlement au retrait des structures publiques. Le nombre de patient a quadruplé (+400%) de 1985 à 1993, en passant de 4 476 à 17 148948(*). Les communautés thérapeutiques ont cependant été remises en cause au cours des années quatre-vingt-dix, simultanément à la reconnaissance du rôle joué par les Sert. Le nombre de toxicomanes sous traitement a ainsi stagné : il était de 24 561 en 1991 (soit 37,6% de l'ensemble des prises en charge), de 22 339 en 1994 (soit 23,3%) et de 22 176 (soit 19%)949(*).

La plus importante communauté italienne reste celle de San Patrignano qui symbolise l'idéal type de la communauté résidentielle socio-réhabilitative950(*). La communauté naît le 31 octobre 1979 par la constitution d'une coopérative de la part de personnes qui n'avaient jamais eu de rapports avec la drogue. Elle fut liée au leader charismatique de Vincenzo Muccioli951(*). La communauté de San Patrignano s'apparente désormais à une ville, voire une micro-société. Elle s'étend sur une superficie de 220 hectares sur laquelle se trouvent de nombreux édifices destinés aussi bien à l'habitation qu'au travail. On y trouve des espaces consacrés aux loisirs, aux concerts, au théâtre et aux projections de films ainsi qu'un espace de repas (pouvant accueillir 1 000 personnes). Le programme de chaque journée s'effectue de manière régulière avec les activités de travail le matin qui s'achèvent entre 12h00 et 13h00. Les activités reprennent durant l'après midi de 15h00 à 18h00, suivi du souper. La communauté héberge plus de 2 000 personnes (2 100 en 1995). Elle comprend 57 espaces de travail divisés entre les bureaux dédiés aux activités administratives et commerciales, l'élevage de chevaux, de bovins, d'ovins et de caprins, la viticulture, le textile ou encore la jardinerie, la menuiserie, la boulangerie, les électriciens, les étudiants, la rédaction du périodique « San Patrignano », etc.

Le programme thérapeutique mis en place à San Patrignano s'appuie sur une « philosophie » (entendue comme un ensemble de représentations axiologiques) de la place de l'homme et du rôle de la société dont est à l'origine Vincenzo Muccioli952(*). La toxicomanie est perçue comme un malaise vécu par l'homme953(*). La société est un élément corrupteur tourné vers la satisfaction illimitée des plaisirs. L'homme qui est un être avant tout moral, perd dans cette environnement néfaste sa « dignité » et les repères moraux qui guidaient sa vie auparavant. Muccioli condamne « une société fondée sur la jouissance des droits, où les individus ne possèdent pas le sens du devoir, une société qui se corrompt, où chacun pense seulement à soi même et poursuit le mirage d'une impossible satisfaction. Dans une telle société certains utiliseraient la drogue pour diminuer leurs peurs et exalter la jouissance, d'autres utiliseront des systèmes différents, mais tous sont affectés du même mal »954(*). La cause du mal-être vécu par les toxicomanes est résumée par « l'absence d'une culture de la responsabilité, le manque d'une habitude à considérer ses propres devoirs comme plus urgents et plus précieux que ses propres droits et [par] l'ignorance de la nécessité de défendre sa propre dignité. Et sans la dignité l'homme se vide de son bien le plus précieux. Il reste seul avec son propre ego et sa propre fierté et il se corrompt »955(*)

De cette « philosophie » de vie générale, Muccioli en déduit une thérapie pour sortir de la toxicomanie. Il s'agit de recréer les éléments d'une société morale (la communauté) qui faisaient auparavant défaut au toxicomane. Les règles respectées à San Patrignano sont celles de la communauté et celles de la religion chrétienne. Il s'agit donc d'une approche comportementaliste qui vise à modifier à long terme l'être du toxicomane par une modification de son environnement extérieur.

« Dans une communauté comme la nôtre, il est nécessaire de recréer ces éléments de base [famille, école, etc.], sur lesquels réédifier l'homme et avec lesquels l'accompagner dans son parcours. C'est pourquoi la drogue ne doit pas être vue comme l'unique problème à résoudre [...] C'est pour cela que nous considérons la communauté comme une salle d'entraînement dans laquelle nous nous aidons tous en échange selon les principes de notre Constitution et les principes chrétiens »956(*)

La thérapie part du présupposé que le caractère de chaque homme peut être consolidé par l'acquisition d'un ensemble de valeurs. Cette acquisition s'effectue au terme d'un parcours de formation portant à la responsabilisation de l'individu.

« Chaque homme naît avec un caractère potentiellement plus ou moins fort, mais ce caractère ne peut se consolider positivement qu'à travers un parcours de formation centré sur les responsabilités individuelles et sociales. Au cours de ce processus de formation les valeurs qui constituent, en chacun, un point de référence pour ne pas se perdre face aux difficultés de la vie, doivent être acquises afin d'accomplir une analyse de soi même, de chaque action, afin de réaliser les projets qu'il s'est attribués, avec raison et équilibre intérieur »957(*).

Guidicini Paolo et Pieretti Giovanni ont réalisé une étude très détaillée sur le fonctionnement et les principes de San Patrignano. Ils concluent dans leur ouvrage « San Patrignano, tra Communità e Società » (« San Patrignano, entre communauté et société »), que San Patrignano exerce non seulement un « effet communauté » alternatif mais surtout un « effet de société » qui vise à apporter de nouvelles valeurs au toxicomane. La communauté transmet à ses hôtes un schéma de références958(*), c'est à dire un ensemble de valeurs, qui oriente la vie de la communauté et de chacun de ses membres. La CT offre au toxicomane une représentation sociale qui lui faisait défaut. Celle-ci est entendue comme « un ensemble de valeurs, de connaissances, de pratiques ayant une double fonction : orienter les sujets dans l'environnement dans lequel ils doivent vivre et former un tissu de communication commun à tous les membres de la communauté »959(*). La communauté de San Patrignano se fonde sur un ensemble de principes moraux dualistes (bien/mal) qui serviront au toxicomane pour orienter dorénavant sa vie.

« Une telle représentation sociale est constituée avant tout d'une vision positivement orientée de la réalité, de la croyance dans le respect d'autrui, de la conviction que, en dernière instance, l'honnêteté « paye », tandis que la déloyauté ne l'est jamais, et enfin la prise de responsabilité comme « principe premier » de la vie. La valeur centrale profonde, mais jamais explicitée, sur laquelle se construit cette représentation sociale est justement le respect de la vie en soi » 960(*)

L'entrée en communauté se précède d'une longue attente afin de faire réaliser au toxicomane sa position de demandeur d'aide et de tester ainsi sa motivation. San Patrignano impose, à l'image de nombreuses communautés, comme condition d'intégration dans la communauté le fait de reconnaître son propre échec personnel et sa propre responsabilité961(*). La thérapie repose sur le travail qui est considéré comme « un instrument par lequel l'individu se garantit une identité et un statut à travers la contribution qu'il donne à la société, indépendamment de ce qu'il fait »962(*). Les « événements » autour desquels a lieu le parcours thérapeutique sont les nombreux rites religieux (Noël, baptêmes, eucharistie) célébrés par le prêtre de la communauté ou les événements liés aux saison (récolte des vendanges, du foin). Le sport occupe également une place centrale dans la vie de la communauté de San Patrignano puisque des tournois sont fréquemment organisés.

La première phase de la thérapie est caractérisée par la prise en charge du toxicomane par un ancien du groupe après quoi le toxicomane prend lui-même en charge une personne. Tandis que la première phase vise à faire assimiler au nouvel arrivant les règles qui gèrent le lieu (le sapere essere, savoir être) il s'agit ensuite pour le toxicomane d'acquérir un ensemble de compétences qui pourront lui permettre d'assurer sa réinsertion sociale (le sapere fare, savoir faire)963(*). Cette seconde phase ouvre également la possibilité de recevoir des contacts extérieurs tandis que la première phase ne laisse place qu'aux contacts épistolaires. Enfin la troisième phase se caractérise par le retour progressif du patient dans son environnement d'origine.

Le parcours thérapeutique repose aussi bien sur la logique de solidarité et d'aide réciproque (dimension sociale du sens de communauté) que sur les valeurs (voire l'idéologie) qui y sont diffusées (dimension culturelle du sens de communauté). L'évaluation de la thérapie est effectuée par les opérateurs selon une opinion personnelle et sans aucun recours à des outils de vérification (contrôle des urines, etc.). Cela pose évidemment le problème d'une éventuelle réintégration sociale et d'une confrontation avec le milieu d'origine du toxicomane.

« Les procédures et les instruments d'évaluation de l'hôte ne sont que très peu développés. L'évaluation se fonde sur des éléments fortement subjectifs et justifiés à partir de la conviction que la cohabitation communautaire permettrait, à ce moment, d'observer l'hôte et son niveau de maturité [...] il est néanmoins certain que la possibilité d'évaluer correctement l'efficacité d'un processus de formation doit passer à travers la rencontre/affrontement avec la réalité extérieure, très distincte du climat solidaire et non compétitif qui caractérise la Communauté »964(*).

La communauté se caractérise par un faible degré d'articulation hiérarchique du système décisionnel965(*). Il n'existe ainsi pas de figures intermédiaires entre Muccioli et les toxicomanes. San Patrignano renverrait, en tant que configuration organisationnelle, au modèle « missionnaire » décrit par Mintzberg966(*) qui se caractérise par une standardisation des normes, un endoctrinement et une idéologie. Ce type de structure se caractérise par le regroupement d'individus autour d'un leader charismatique dont le but «n'est pas tant d'imposer des règles rigides que la défense et le renforcement de l'idéologie commune»967(*).

San Patrignano représente un exemple de communauté qui est d'une part représentatif des principes qui sont communs aux CT, mais qui est aussi spécifique d'un certain modèle de communauté. Le refus des traitements de substitution, une non-professionalisation des équipes thérapeutiques sont autant de règles qui caractérisaient auparavant les communautés. L'urgence sanitaire et la réduction des risques ont cependant incité certaines CT à adopter de nouveaux principes. C'est le cas de villa Maraini à Rome.

2.1.2 La mise en place de la réduction des risques au sein des communautés thérapeutiques : l'exemple de villa Maraini

2.1.2.1 Une « philosophie » d'intervention comme point de départ

Villa Maraini est aujourd'hui une Fondation située à Rome qui regroupe un important nombre de structures d'aide aux toxicomanes. Elle était cependant à l'origine une communauté thérapeutique fondée par Massimo Barra, volontaire de la Croix Rouge depuis l'âge de treize ans, et ancien médecin auprès de structures publiques de la ville de Rome968(*). Il créa Villa Maraini le 1er septembre 1976 qui fut transformée en Fondation en 1988. Le fonctionnement de Villa Maraini est intimement lié à son fondateur. C'est dans un esprit particulier qu'a été créée la communauté thérapeutique et que celle-ci s'est développée. Il s'agit de donner les principales lignes de la « philosophie » de la toxicomanie telle qu'elle est conçue par Massimo Barra, et de façon plus génale par les opérateurs de Villa Maraini, et qui conditionne considérablement les interventions de soin et de prévention qui sont mis en place par la Fondation.

La philosophie de Villa Maraini part d'un constat simple : la drogue est parmi nous. Elle est liée à l'histoire et à l'évolution de l'homme969(*). Massimo Barra y voit l'expression d'une faute originelle semblable au pêché d'Adam et Eve. La drogue est considérée davantage comme un problème individuel que social970(*). L'homme est à la recherche, à travers l'usage de substances et notamment d'héroïne, d'un plaisir illimité. C'est pourquoi, la drogue est impondérable qu'il s'agit de contrôler de la meilleure façon possible.

La toxicomanie est décrite par Massimo Barra comme le rapport qu'entretient l'usager avec la substance. Il ne s'agit pas d'assimiler, comme il a été établit auparavant, la toxicomanie avec le seul usage de substances mais de souligner, comme dans le cas du modèle trivarié, le rapport entre le toxicomane, la substance et la société. Une définition spécifique de la toxicomanie en est déduit : «  Le toxicomane n'est pas celui qui se drogue mais celui qui dans une phase de son existence est incapable de survivre sans drogue »971(*). La relation entre le toxicomane et la substance est décrite comme un « rapport amoureux ». Celui-ci n'est pas immuable mais évolue en fonction du temps. Massimo Barra distingue ainsi trois phases distinctes : l'amour fou ou la lune de miel, l'amour-haine ou la phase ambivalente et la haine franche ou la phase de détachement. Durant la première phase le toxicomane est « possédé » d'un sentiment d'omnipotence. Son rapport au monde est alors transformé et il voit la substance comme un objet presque magique, comme la solution à ses problèmes. Dans une seconde phase, le plaisir laisse place à l'ennui, à la routine, à la fatigue et la relation entre la substance entre le toxicomane et la drogue est un rapport d'amour-haine à travers lequel le toxicomane commence à ressentir les effets négatifs (sociaux, psychiques, physiologiques) de sa consommation dont il reste néanmoins dépendant. Enfin dans un troisième temps, le plaisir disparaît et cède la place à la douleur.

Massimo Barra déduit de cette conception de la toxicomanie une idée de la thérapie. Celle-ci ne peut pas se résumer à une intervention de courte durée tel que le sevrage972(*). La désintoxication ne conduit pas à la guérison, même si elle peut en constituer une étape parmi tant d'autres. La thérapie est entendue comme un « chemin » durant lequel il s'agit d'accompagner le toxicomane dans son rapport à la substance. Il n'est pas envisageable de proposer un véritable programme thérapeutique à une personne qui se situe dans la première phase, celle de « l'amour exclusif », car celle-ci n'est pas en mesure d'effectuer un tel choix. La seule stratégie possible constitue alors dans l'attente de conditions plus favorables. Il ne s'agit toutefois pas d'abandonner le toxicomane à sa consommation mais de tout faire pour réduire les risques dérivant de sa consommation. Il s'agit alors, selon la formule de Massimo Barra, d'« éviter l'irréparable »973(*). Massimo Barra rejette avec vigueur le présupposé, déjà évoquée, que le toxicomane doive « toucher le fonds » pour pouvoir guérir de sa dépendance. L'écoulement du temps n'est dès lors pas conçu comme ce qui rapproche le toxicomane de la drogue mais au contraire comme ce qui l'en éloigne progressivement, il s'agit du « meilleur allié du thérapeute ». La thérapie est un processus. C'est pourquoi il est impensable de « guérir » le toxicomane de façon immédiate. Il s'agit en revanche d'apporter au toxicomane des « alternatives » qui lui permettront progressivement de sortir de l'état de dépendance.

« La thérapie ne doit pas avoir la prétention d'apporter la résolution de la toxicomanie ni la conviction d'obtenir tout de façon immédiate, reproduisant ainsi les effets de la substance qui semble accorder tout et tout de suite [...] Par thérapie, on entend au contraire un processus beaucoup plus complexe pour atteindre un dépassement définitif de la dépendance, un long parcours fait de hauts et de bas, un ensemble de stratégies qui peuvent utilement être mises en acte. La thérapie est un long chemin que le toxicomane doit parcourir ensemble à qui peu l'aider, soi qu'il s'agisse d'un centre, d'un thérapeute, un proche , un ami, tous ceux qui sont engagés d'une façon ou d'une autre dans l'entreprise de l'aider à sortir de son rapport pervers avec la substance »974(*)

La thérapie présente trois objectifs principaux975(*). Le premier objectif est la survie du toxicomane. La seconde priorité est l'amélioration des qualités de vie du toxicomane. Il s'agit enfin d'apporter de nouvelles alternatives de vie face à la drogue qui permettent un investissement et une projection dans l`avenir. Il existe comme il a été établi auparavant de nombreux outils de thérapie de la toxicomanie. Ceux-ci peuvent être usés de façon conjointe. Le premier type de traitement est médical. Massimo Barra qualifie la toxicomanie de « maladie » parce que les toxicomanes sont mal aux points de vue psychique, physique et social »976(*). Le traitement de la toxicomanie, comme pour toutes les maladies, passe de façon quasi-nécessaire par l'administration de médicaments. Ceux-ci peuvent être aussi bien aspécifiques, c'est-à-dire qui ne sont pas apparus pour le soin de la toxicomanie, ou spécifiques telle que la méthadone977(*). Massimo Barra décrit la méthadone comme une « drogue à usage thérapeutique ». C'est un médicament qui constitue « l'unique possibilité réaliste de changer le mode de vie d'un toxicomane d'un jour à l'autre [...] La qualité de vie d'un toxicomane dépressive, avilie, détériorée peut changer radicalement en un seul jour, rendant le sujet capable de survivre et de réaliser ses activités quotidiennes sans être contraint à satisfaire le besoin qui l'a conditionné pendant les jours, les mois et les années précédentes »978(*). L'utilisation de la méthadone a pour objectif dans cette optique la stabilisation du comportement. Il s'agit de permettre au toxicomane d'adopter un mode de vie « normal » dans l'attente d'entreprendre un traitement de désintoxication.

Le second mode d'intervention principal est la thérapie collective. La thérapie ne peut pas âtre entendue pour Massimo Barra comme un processus uniquement individuel. Le troisième mode d'intervention utilisé est la psychothérapie qui peut-être entendue soit comme un suivi individuel soit au niveau du groupe. Il existe une pluralité d'instruments dans le soin de la toxicomanie auxquels il est possible de recourir. La règle principale à laquelle doit obéir la thérapie est l'adaptation. Du fait que chaque toxicomane se différencie d'un autre mais aussi de lui-même en fonction des étapes de sa toxicomanie, il est nécessaire d'adopter une approche personnalisée de la thérapie. Un toxicomane peut avoir besoin de méthadone tandis que pour un autre la thérapie collective sera plus utile. On peut souligner enfin un point important de la thérapie telle qu'elle est envisagée à Villa Maraini. Il s'agit du rôle thérapeutique important accordé à l'ex-toxicomane. Celui-ci bénéficie d'une légitimité égale à celle du psychologue au sein du traitement de la toxicomanie979(*).

La « philosophie » de Massimo Barra et de Villa Maraini en matière de toxicomanie peut-être résumée en 5 points :

1) Il n'existe pas une méthode qui, toute seule, soit capable de "guérir" un toxicomane.

2) Chaque toxicomane est divers d'un autre et demande une attention particulière, spécifique et non standardisée.

3) Chaque toxicomane est différent de soi-même en fonction du temps qui s'écoule et qui s'accompagne de modifications profondes du rapport avec la substance.

4) Il faut privilégier l'intervention à réseau, c'est à dire la création de toute une série d'occasions thérapeutiques diversifiées.

5) Il faut éviter de concentrer tous les efforts seulement en faveur des sujets bien disposés et motivés à interrompre leur rapport avec la drogue et agir thérapeutiquement même en faveur des cas apparemment sans solution, de ceux qui ont envie de continuer à être toxicomanes, étant l'intérêt de rejoindre en tout cas le plus grand nombre possible d'usagers de drogues.

La Fondation a développé une « philosophie » de la toxicomanie et de sa prise en charge. Celle-ci repose beaucoup autour de la personne de Massimo Barra qui constitue non seulement le fondateur de Villa Maraini mais aussi un leader dont l'autorité charismatique, au sens wébérien du terme, constitue le principal ressort. Villa Marini présente un certain nombre de caractéristiques décrites auparavant dans le modèle des communautés. Elle se distingue toutefois beaucoup de ces premières, telle que San Patrignano, à travers sa philosophie d'action. La communauté thérapeutique ne peut pas être perçue comme un modèle homogène de prise en charge de la toxicomanie. L'« esprit de Villa Marini » traduit un véritable souci de prendre soin du toxicomane. Celui-ci est cependant toujours conditionné à l'objectif de faire cesser la consommation de substances. C'est à partir de cette conception qu'un ensemble d'interventions vont être mises en place autour du toxicomane.

2.1.2.2 Un réseau de services intégrés centrés autour du toxicomane

Villa Maraini a été initialement fondée comme une communauté thérapeutique. De nouvelles structures sont cependant rapidement apparues pour répondre aux nouveaux besoins jusqu'à constituer un véritable réseau ou chaîne thérapeutique qui propose une pluralité d'interventions980(*). Celles-ci interviennent selon trois niveaux : un seuil d'exigences bas, un seuil moyen et un seuil élevé. Parmi les structures répondant aux critères de seuil bas, on peut citer le centre nocturne qui accueille les personnes les plus marginalisées tels que les sans-logis ou encore les toxicomanes immigrés non-régularisés (qui représentent 18% des accueillis). Le centre nocturne tente d'apporter une réponse d'urgence d'ordre sanitaire et social et psychologique, notamment par le biais du counselling, et de réorienter les toxicomanes vers des structures de prise en charge.

La principale structure à « bas seuil » est toutefois l'unità di strada, dont il était question dans les premières lignes de cette recherche. La première unité de proximité a été mise en place auprès de la gare de Termini le 25 mars 1992. Il s'agissait alors de répondre d'une part au constat que de nombreux toxicomanes ne sont pas pris en charge par le système sanitaire et « sont abandonnés à eux-mêmes et courent de graves risquent », et d'autre part à l'épidémie de VIH/Sida qui décimait alors les toxicomanes de Rome en apportant les besoins nécessaires à la survie. Les objectifs de l'unità di strada sont de quatre ordres : réduire le nombre de morts par overdose, approcher et aider les toxicomanes qui n'ont aucun contact avec les structures de prise en charge, diminuer le risque de transmission des maladies infectieuses, orienter les toxicomanes qui en font la demande vers des programmes thérapeutiques. La présence du camper est assurée de façon quotidienne de 18h30 à minuit. Une seconde équipe est venue s'ajouter à Tor Bella Monaca, une banlieue proche de Rome qui comporte une forte précarisation sociale et un taux très élevé de toxicomanes par voie intraveineuse. Au terme de dix ans d'activité, le bilan de l'unité de proximité de Villa Maraini est très positif comme en témoigne une étude981(*). Le total du nombre d'interventions s'élève à 408 942. On peut citer quelques chiffres qui témoignent des efforts de prévention : 147 352 préservatifs, 380 787 seringues, 186 293 fioles d'eau distillée, 6 240 doses de Narcan distribués. Mais l'activité de l'unité de proximité ne se limite pas à cela, c'est ainsi que 128 764 opérations d'information sur le VIH/Sida et 16 802 interventions de counselling ont été réalisées. Enfin, 1453 personnes ont été dirigées vers des Sert. L'activité de proximité de Villa Maraini s'intègre pleinement au sein d'une politique de réduction des risques. Cette activité a connu cependant dès son lancement de fortes oppositions municipales ou encore de la part des habitants locaux.

Villa Maraini s'est également dotée pour répondre à l'épidémie de VIH/Sida d'une unité de soin et de prévention polyvalente. Celle-ci remplit plusieurs missions : informations, counselling, activités sanitaires ambulatoires, consultations téléphoniques, analyses sérologiques et projets de prévention. Des activités d'entraide entre pairs ont également été initiées. Un centre de premier accueil a été ouvert dès 1992. il ne présente aucune condition d'accès. Il s'agit là aussi d'opérer des missions de prévention, de conseil, de soins ponctuels et d'orientation aux toxicomanes. Les activités prodiguées par le centre sont adaptées en fonction des demandes de chaque toxicomane. La multiplication des structures à bas seuil ne doit pas être perçue comme un manque d'organisation des services mais comme la volonté d'offrir une multiplicité d'opportunités autour du toxicomane.

Les activités de Villa Maraini ne se réduisent aux structures à bas seuil qui ne représentent qu'une première phase dans la chaîne thérapeutique. C'est ainsi qu'un service d'orientation permet un suivi plus particularisé des toxicomanes982(*). Il s'agit d'un centre qui occupe la fonction de communauté intermédiaire. Les toxicomanes pris en charge par Villa Maraini suivent un parcours thérapeutique divisé en trois étapes : après un premier contact avec le centre d'accueil et une première stabilisation comportementale, obtenue le plus souvent sous méthadone, il s'agit d'effectuer un séjour en centre d'orientation. Certaines interventions d'ordre psychothérapeutique y sont effectuées, notamment à travers le groupe. Au terme de cette étape, certains toxicomanes sont alors habilités à intégrer la communauté thérapeutique qui constitue la troisième étape du programme. On peut d'ailleurs remarqué que la structure initiale est devenue la phase finale de la thérapie.

La communauté thérapeutique de Villa Maraini est apparue en 1976. Elle est de type semi-résidentielle, c'est-à-dire que les toxicomanes y passent la journée (de 9h du matin à 18h00) à la suite de quoi ils rentrent dormir chez eux. La communauté repose sur un ensemble de mécanismes complexes dont il est possible de donner les grandes lignes983(*). La première fonction de la CT est d' « occuper » la journée du toxicomane en ne limitant pas le traitement à une série d'interventions sporadiques. La journée repose ainsi sur un ensemble de « temps » qui sont consacrés aux travaux (de rénovation, de nettoyage, de jardinerie, de bricolage, etc.). Ceux ci participent pleinement à la thérapie puisqu'il s'agit de responsabiliser le toxicomane par son action. Les autres activités sont d'ordre ludique, sportive et enfin thérapeutique. Ces dernières sont de nature psychologiques, elles comprennent d'une part des entretiens réguliers avec des psychologues et d'autre part un important travail de groupe. La prise en charge du toxicomane est « globale » puisqu'il s'agit également d'entretenir un rapport avec sa famille à qui il s'agit de reconnaître un réel rôle au sein de la thérapie. Enfin, un troisième aspect est celui de la prise en charge sociale et de la réinsertion du toxicomane qui est préparée notamment par l'acquisition de nouvelles compétences professionnelles. La CT répond, contrairement aux précédentes structures, à un ensemble de règles strictes auxquelles le toxicomane ne peut déroger sous peine d'exclusion.

Le programme thérapeutique du toxicomane est conçu à Villa Maraini comme un parcours marqué par de nombreuses étapes. La durée du parcours n'est jamais fixée par avance mais change d'un toxicomane à un autre, le temps moyen étant de deux-troix ans. Ce parcours ne doit pas en outre être perçu comme une ligne homogène mais il se constitue de nombreuses ruptures, d'échecs et de succès qui amènent peu à peu le toxicomane à sortir de la dépendance. Parmi les activité de Villa Maraini, on peut citer l'existence de groupes de discussion qui ont lieu au sein des prisons de Rome depuis 1979984(*). Il s'agit d'apporter aux toxicomanes incarcérés une première écoute et de prévenir les comportements à risque. Une assistance d'ordre administrative est également fournie.

Villa Maraini a développé également un ensemble de programmes de prévention. On peut par exemple citer le « telefono in aiuto » qui fut créé en 1986. Il s'agissait initialement d'un groupe de 15 volontaires composé de psychologues, de médecins et d'anciens toxicomanes. L'objectif est de permettre la mise en relation des différentes structures intervenant dans le domaine de la toxicomanie (hôpitaux, services publics, communautés, etc.). Il s'agit avant tout d'orienter les personnes vers les centres les plus accessibles et de diffuser l'information nécessaire. Une brochure préventive a également été conçue, la « Toxicard » qui a été mise en place en mars 1999 pour répondre aux overdoses croissantes dans la capitale italienne985(*). Il s'agit d'un dépliant qui apporte toutes les informations sur la réaction à adopter en cas d'overdose (premiers gestes à adopter, utilisation du Narcan, numéros de secours). Plus de 10.000 Toxicard ont été imprimées et distribuées. Les activités de la Fondation sont particulièrement orientées vers la population héroïnomane de Rome. Villa Maraini a néanmoins tenté de s'adapter aux évolutions de consommations en ouvrant par exemple une unité d'alcoologie depuis juin 1997 pour répondre notamment aux problèmes de polyconsommation.. On peut noter une carence d'activités dans le domaine des drogues synthétiques et des nouveaux modes de consommation en raison d'une spécialisation en matière de toxicomanie « classique ».

La Fondation Villa Maraini a connu une histoire mouvementée depuis sa création. Elle a bénéficié du soutient de la Croix Rouge Italienne (CRI)986(*). Le fonctionnement de la structure a notamment été possible grâce au soutien financier de la CRI. Villa Maraini bénéficie en outre de subventions étatiques ou municipales. Elle a cependant du affronter de nombreuses oppositions politiques. Une particularité de Villa Maraini est sa déclaration d'indépendance politique et son refus de se rallier à la droite comme à la gauche Italienne. Cette prise de position correspond a l'un des sept principes fondamentaux du Mouvement International de la Croix-Rouge. Les intervenants de la Fondation ont d'ailleurs déclenché plusieurs mouvement de protestation face aux retards de paiements987(*). Les financements d'abord promis dans un premier temps ont souvent été refusés à la Fondation, comme c'était le cas pour le projet du « Telefono in Aiuto »988(*). L'Usl à laquelle est rattachée Villa Maraini a par ailleurs refusé à plusieurs reprises d'accorder son soutien à la Fondation989(*). La structure a fréquemment été menacée de fermeture et sa situation demeure précaire malgré ses vingt-cinq années d'activité990(*).

Ces difficultés s'expliquent en partie par le rôle « politique » qu'occupe Villa Maraini dans le champ de la toxicomanie romaine. Même si Massimo Barra refuse de prendre position pour un parti, celui-ci a effectué à de nombreuses reprises des critiques ou des « appels » au sein de la sphère publique locale ou nationale. Villa Maraini a par exemple plaidé à de nombreuses reprises en faveur de l'intervention et de l'administration de méthadone au sein des prisons italiennes en critiquant sévèrement la position des pouvoirs publics991(*). Massimo Barra a également pris position contre la loi Jervolino-Vassali en critiquant la place donnée aux communautés thérapeutiques dans la prise en charge des toxicomanes au détriment du service public992(*). Massimo Barra a d'ailleurs bénéficié d'une position politique qui lui a permis de développer ses principes sur l'ensemble de la ville de Rome. Il fut nommé en avril 1991 Assesseur aux politiques de Solidarité auprès de la municipalité. Massimo Barra a ainsi critiqué le manque de ressources attribuées par la commune aux malades du Sida993(*). Constatant que la méthadone n'était pas disponible dans la plupart des pharmacies de Rome et 5 villes de la province du Lazio, Massimo Barra a critiqué le boycottage de la méthadone opéré par les pharmaciens994(*). A la suite de cet appel, il a établi un accord avec 200 pharmacies qui s'engagèrent à mettre à disposition la méthadone et à fournir des conseils sanitaires à tous les toxicomanes qui en font la demande995(*). Il s'agissait de transformer à réintégrer les pharmacies dans le réseau de prise en charge de la toxicomanie. Enfin, Massimo Barra a constitué un plan de réforme des services publics italiens compétents en matière de toxicomanie, les Serts, situés à Rome dans le sens d'une prise en charge plus homogène996(*).

Les exemples de San Patrignano et de Villa Marini sont significatifs de la diversité des communautés thérapeutiques. Tandis que la première demeure centrée sur un modèle classique de « soin de la toxicomanie », la seconde a progressivement développé un ensemble de services fondés sur le besoin de « prendre soin » du toxicomane sans pour autant abandonner les activités thérapeutiques initiales. Les services de Villa Maraini traduisent la constitution d'un réseau de services intégrés au sein d'un réseau qui visent à former une chaîne ou « filet » thérapeutique autour du toxicomane. Le soin n'est d'ailleurs plus perçu comme un processus homogène mais comme une opération qui s'adapte aux spécificités de l'individu pris en charge. C'est en cela que Villa Maraini est très représentative du passage à la réduction des risques au sein des communautés thérapeutiques.

Les communautés thérapeutiques ont bénéficié en Italie d'un fort développement. Elles constituent souvent une alternative reconnue des services spécialisés publics, les Sert, comme c'est le cas à Rome. Les communautés ont ainsi toujours bénéficié d'une bonne réputation auprès de l'opinion publique. Elles ont souvent fait de l'ombre au système sanitaire public qui a toujours été assez mal considéré. Un sondage effectué en 1996 auprès de la population italienne (enquête sur un échantillon de 5.108 personnes) est très significatif de la préférence qui existe en faveur des communautés thérapeutiques997(*). En cas de problème de toxicomanie, 75,1% des sondés déclarent qu'ils se tourneraient de préférence vers les communautés contre 16% pour les services publiques (hôpitaux, Sert). De plus, 62,1% des sondés estimaient que le meilleur mode pour aider un toxicomane était de l'accueillir dans une communauté. En France, en revanche, les services de soin spécialisés bénéficient d'un très fort dynamisme. C'est dans ces contextes que se développèrent les services de soin spécialisés pour toxicomanes.

2.2 Le dispositif de soin spécialisé

La constitution d'un dispositif de prise en charge de la toxicomanie spécialisé est un trait commun à la plupart des pays européens. Ce phénomène correspond à la reconnaissance au cours des années soixante-dix d'un problème spécifique ne pouvant plus être traité au sein du système sanitaire de droit commun. Le processus d'autonomisation et de spécialisation du champ de la toxicomanie a d'ailleurs été mis en évidence pour le cas français. Les services de soin spécialisé répondent à certains principes similaires. Ils se sont développés cependant de façons très distinctes, notamment au point de vue de leurs objectifs, en fonction des cultures thérapeutiques propres à chaque pays.

2.2.1 La diversité des services de soin spécialisé

2.2.1.1 Nature et fonction des services spécialisés

Les services spécialisés en soin de la toxicomanie se caractérisent avant tout par la présence d'une équipe thérapeutique fortement organisée. L'équipe thérapeutique est constituée d'une pluralité de membres auxquels est confié un ensemble de tâches à accomplir : le médecin, l'assistant social, l'éducateur, l'assistant sanitaire et l'infirmière professionnelle998(*).

n Le médecin est chargé de l'éducation sanitaire, du bilan de santé, des thérapies pharmacologiques de substitution et de désintoxication et des contacts avec les médecins de famille et les service hospitaliers. Il est de façon générale impliqué dans le soin du patient mais aussi dans le rapport humain qui est établi avec celui-ci. Enfin, et surtout, le médecin est le seul responsable dans la certification de l'état de toxicomanie du patient.

n L'assistant social effectue les visites à domicile, le recueil de données personnelles sur le milieu social du toxicomane ; il maintient les relations avec les communautés thérapeutiques et les toxicomanes en prison. L'assistant social est chargé en outre de proposer des offres de travail et toutes les possibilités d'amélioration des conditions d'existence des patients pris en charge, afin notamment de faciliter leur réinsertion sociale.

n L'éducateur gère les activités de groupe avec les patients, l'accompagnement hospitalier, les activités sportives et culturelles. Il est également compétent en matière d'innovation et d'expérimentation de nouvelles activités pouvant faciliter la thérapie.

n L'assistant sanitaire est responsable de l'aide en ce qui concerne les pathologies liées à la toxicomanie, assiste le médecin au cours des désintoxications ambulatoires et à domicile, effectue des entretiens d'éducation sanitaire. L'assistant sanitaire est compétent en matière de protection de la santé, notamment en matière de maladies secondaires.

n L'infirmière professionnelle assiste le médecin dans ses compétences, participe aux activités d'assistance domiciliaire, de désintoxication et d'éducation sanitaire. L'infirmière a un rôle relationnel et de médiation au cours des activités thérapeutiques, elle est l'occasion d'effectuer un lien entre les différentes activités du service.  

L'équipe thérapeutique est composée d'une pluralité d'acteurs. Elle se présente toutefois au toxicomane comme un seul et même interlocuteur. C'est pourquoi, le facteur d'efficience de d'une intervention reste la cohérence de l'équipe thérapeutique. Chaque groupe professionnel se caractérise par un savoir mais également par un ensemble de valeurs spécifiques. Ces valeurs orientent les choix thérapeutiques de l'équipe dans le soin de la toxicomanie. La psychologisation du soin de la toxicomanie en France, par exemple, a rendu difficile l'usage des traitements de substitution. Nizzoli décrit l'équipe thérapeutique comme une « machine orientée psychothérapeutiquement » qui nécessite un projet unitaire partagé par tous les membres de l'équipe. Cette condition est parfois, selon Orsenigo, difficilement réalisable au sein des services spécialisés, notamment les Sert en Italie999(*). Tandis que la diversité des professions représentées au sein des services spécialisés constitue un avantage précieux de leur travail, elle rend difficile l'élaboration d'une considération commune de l'intervention thérapeutique. Celle-ci est pourtant la condition nécessaire à un soin efficace.

Outre les fonctions thérapeutiques et celles d'ordre purement interne, d'autres services doivent être accomplis au sein même d'une structure thérapeutique1000(*). Un travail de relations publiques est indispensable à plusieurs titres. Tout d'abord parce qu'un centre de thérapie des toxicomanies est en relation directe avec les habitants de la commune/quartier où il se situe, tout particulièrement les Sert italiens qui correspondent à une zone géographique délimitée. Ainsi une mauvaise image du centre peut avoir des retombées négatives sur le fonctionnement de celui-ci, comme par exemple le fait d'avoir moins de patients intéressés par les services offerts. C'est pourquoi il est nécessaire de développer des contacts aussi bien auprès des associations locales qu'auprès des médias. De plus les relations institutionnelles sont de première importance. Les centres ont des relations quotidiennes avec les municipalités, la Région, la magistrature, la Préfecture, mais aussi les écoles ou les prisons. Ces liens entretenus avec les autorités publiques présupposent non seulement une connaissance de leur fonctionnement mais aussi un rapport individualisé par le biais d'un ou plusieurs opérateurs servant de référents institutionnels.

Enfin les interventions de prévention constituent fréquemment l'une des activités potentielles des services spécialisés. Celles-ci sont en pratique très souvent négligées des professionnels de la toxicomanie qui ont des formations plus centrées sur la thérapie. Le soin de la toxicomanie est perçu comme une priorité de l'intervention. Ce manque d'implication des spécialistes a empêché pendant longtemps de développer une culture de la prévention. C'est le cas par exemple de la France où la distribution de seringues a été considérée initialement comme contraire à la mission de soin des centres spécialisés, ce qui a retardé sa mise en application.

« Nous estimons que les centres de soins spécialisés pour toxicomanes ne doivent pas se cantonner à la prise en charge des seules personnes dépendantes. Ils doivent également être un lieu d'information, d'accueil et d'orientation des adolescents et des familles confrontés aux usages naissants et parfois à risque de substances psychoactives »1001(*)

En Italie, Roberto Gatti remarque que cette activité de prévention se heurte à plusieurs obstacles1002(*). Les Sert ne sont tout d'abord pas contraints par la loi de s'occuper de prévention. Mais surtout, ils ne présentent pas les caractéristiques suffisantes pour opérer dans le champ de la prévention. Les Sert comportent un ensemble de points faibles qui rendent difficilement réalisable une activité de prévention : ils ne sont pas dotés de fonds suffisants afin de réaliser des programmes de communication publique, le personnel est tout juste assez important pour mener à bien les programmes thérapeutiques, la formation des opérateurs est plus orientée vers la thérapie que la prévention.

Les services spécialisés ne sont par conséquent pas suffisamment adaptés et consolidés afin de réaliser une véritable action de prévention. En revanche, Roberto Gatti observe qu'ils peuvent participer à la prévention de façon indirecte : le bon fonctionnement d'un service et son image peuvent avoir des retombées positives au niveau de la prévention. Il est nécessaire pour cela de faire connaître l'activité du service à la population locale à travers des assemblées publiques, et le rôle des élus ou des média locaux. La prévention requiert également de s'efforcer à connaître la réalité locale de l'école, d'entretenir des relations avec les associations et groupes de volontaires locaux, d'organiser des expériences de découverte et d'information des activités du centre à de petits groupes spécifiques (parents, cercles culturels, élèves d'une classe), ce type d'expérience pouvant être répété et développé à une plus grande échelle comme par le biais de séminaire de formation. Il existe une pluralité de moyens à la disposition des services spécialisés pouvant contribuer utilement au travail de prévention. Les activités de prévention et de soin de la toxicomanie ne peuvent ainsi pas être séparées.

Les services spécialisés possèdent en matière de toxicomanie une pluralité de fonctions plus ou moins grandes selon les dispositifs nationaux. Les services spécialisés français ont bénéficié d'un monopole en matière de soin de la toxicomanie. L'ancien dispositif de prise en charge hospitalier a cédé la place aux centres spécialisés pour toxicomanes qui ont été créés suite à la loi du 30 décembre 19701003(*). Le législateur a, de fait, instauré un système d'exception qui a contribué à entretenir l'idée que seuls des spécialistes et des structures hors du droit commun pouvaient aider les « drogués »1004(*). Ce dispositif se caractérisait par une forte prévalence de l'approche psychothérapeutique et par une très faible médicalisation. La méthadone resta inutilisée jusqu'à la moitié des années quatre-vingt -dix. Les Centres de Soins Spécialisés de la Toxicomanie vont cependant marquer une tentative d'inverser cette tendance.

2.2.1.2 Les Centres de Soins Spécialisés de la Toxicomanie : un effort de médicalisation de la prise en charge

Les Centres de Soins Spécialisés de la Toxicomanie (CSST) ont été créés pour répondre aux pressions exercées par certains professionnels en faveur d'une médicalisation du soin de la toxicomanie. C'est ainsi que Pascal Courty a fondé un Centre de Soins Spécialisés pour Toxicomanes géré par l' Association nationale d'aide aux toxicomanes (ANAT), association créée en 1979 à l'initiative de médecins hospitaliers de Clermont Ferrand s'occupant de toxicomanie1005(*). Le Centre est constitué de personnels hospitaliers impliqués dans la prise en charge des usagers de drogue et de bénévoles. L'ANAT a par ailleurs passé une convention en 1994 avec les pouvoirs publics qui constituent le principal financeur conformément au décret du 29 juin 19921006(*). L'originalité de la structure vient du fait que le médecin responsable du centre, Pascal Courty, est également médecin hospitalier « ce qui permet de favoriser le lien entre le pôle de référence hospitalier et le pôle de référence associatif ». Les liens entre les deux structures sont d'autant plus forts que deux médecins prescripteurs de l'unité Méthadone du CHU de Clermont-Ferrand sont salariés du centre de soins.

Trois règles sont à respecter à l'intérieur du centre : pas d'alcool, pas de produits addictifs, pas de violence. La priorité est accordée à l'accueil des toxicomanes : « Le premier travail d'un soignant c'est l'accueil. L'accueil, c'est ouvrir la porte quand on sonne ». Les objectifs affichés restent la convivialité et la non-hiérarchie: « La règle [...] c'est que l'usager est reçu par celui qui ouvre la porte, quelle que soit sa fonction dans l'équipe (médecin, éducateur ou assistante sociale) ». Enfin, les intervenants du Centre privilégient au rendez-vous médical une rencontre plus informelle reposant sur une certaine convivialité qui permet de développer entre l'équipe thérapeutique et le toxicomane un rapport plus confiant.

Les CSST français remplissent une pluralité d'objectifs, ceux ci étaient néanmoins auparavant davantage d'ordre rééducatif que médical. Le décret du 29 juin 1992, qui leur a donné une existence administrative, attribuait à ces structures pour mission d'assurer « la prise en charge médico-psychologique » et/ou « une prise en charge sociale et éducative »1007(*). Les prestations assurées par les centres de soins en ambulatoire sont très diverses : ils proposent des consultations, des suivis psychologiques, des accompagnements socio-éducatifs, ils prennent en charge les sevrages ambulatoires et ils ont développé ces dernières années des possibilités de traitements de substitution.

Ces attributions traduisent bien l'état de la question de la toxicomanie il y a dix ans : la prise en charge globale comprenant la dimension médicale n'était pas réellement définie, et le conventionnement était tout à fait possible pour une structure qui ne faisait que de l'accompagnement socio-éducatif. Les missions des centres spécialisés, missions définies avant le début du développement des traitements de substitution, restaient par conséquent ambiguës et elles ne permettaient pas de fixer clairement leurs responsabilités et leurs obligations en la matière. Le fait que des structures aient été conventionnées en tant que centres de soins alors qu'elles étaient nombreuses à être dépourvues de tout soin médical traduit bien cette ambiguïté.

La multiplication des CSST ne signifie dès lors pas une multiplication des centres de prescription de la méthadone. Ainsi sur 198 CSST existant1008(*), 143 prescrivent et dispensent de la méthadone, soit 72 %. Cela signifie également que 20 % des départements n'ont aucun lieu de primo-prescription, 8 départements n'ont aucun CSST ambulatoire1009(*) et 11 départements ont des CSST non prescripteurs1010(*). Les demandes de traitement dans les CSST ont concerné environ 30 000 personnes en 1999.

Les CSST sont à présent ouverts en grande majorité à la prise en charge de patients sous traitements de substitution1011(*). Mais leur place effective au sein des réseaux est variable : parfois déterminante, parfois très marginale. Enfin, on doit noter que la procédure d'accréditation des CSST a été modifiée par la nouvelle loi médico-sociale du 2/01/2002. Ceux ci sont dorénavant considérés comme des centres d'accompagnement, de soin et de prévention en addictologie. La prévention est désormais rentrée de plein droit dans leur champ d'intervention.

Les services de soin spécialisés répondent, comme il a été établi, à une pluralité d'objectifs, qui sont fonction des orientations adoptées par les dispositifs de prise en charge de la toxicomanie. Le système français a accordé pendant longtemps la priorité à une approche démédicalisée qui reposait fortement sur la psychothérapie. La réduction des risques a cependant permis de renouveler le dispositif en imposant les traitements de substitution comme un instrument de soin nécessaire. Le système de soin spécialisé italien va connaître une évolution similaire. Le manque d'investissement des pouvoirs publics va cependant engendrer de nombreuses inégalités.

2.2.2 Les Services spécialisés italiens, les Sert : une abscence de culture thérapeutique homogène 

2.2.2.1 Un système de soin spécialisé trop inégal

Les premiers centres de soins nés sous initiative étatique furent créés en 19781012(*). Ils se développent progressivement jusqu'à former un réseau national en 1984. Le système des Sert était toutefois, comme le rappelle Piccone Stella, nettement désorganisé et sous-équipé. Le législateur italien a procédé à un renouveau du système de traitement de la toxicomanie au début des années quatre-vingt-dix. Les Sert, institués officiellement par la loi 162 de 1990 représentent le principal système mis en place par l'Etat afin de prévenir et traiter la toxicomanie. Il s'agit de services de toxicomanie dépendant directement du ministère de la Santé. Ils sont par conséquents publics et gratuits. Le réseau est réparti sur le territoire de façon relativement homogène. On dénombrait en fin 1997, 552 Serts en activité1013(*). Ils sont presque les seuls établissements à distribuer la méthadone comme substitut à l'héroïne. En effet, bien que la loi autorise également les médecins privés à prescrire la méthadone, ils n'y ont que très rarement recours. Le nombre de toxicomanes en traitement auprès des Sert est resté faible jusqu'au début des années quatre-vingt-dix, période à laquelle il connu une forte augmentation au détriment des communautés thérapeutiques. Le nombre de toxicomanes pris en charge au sein des structures publiques est ainsi passé de 20 747 en 1984 (soit 82% de l'ensemble national, chiffre qui est descendu à 50% à la fin des années quatre-vingt) à 73 866 en 1991 (soit 66,7%), 95 674 en 1994 (soit 76,6%) pour atteindre 116 131 patients en 1997 (soit 81,7%)1014(*).

Les Sert disposent par rapport à l'ensemble du système sanitaire italien d'une très forte autonomie ce qui n'est pas sans poser des problèmes d'homogénéisation des procédures1015(*). Riccardo Gatti regrette par exemple que les règles du service public ne soient pas égales pour toutes les unités de service1016(*). Chaque Sert a ses principes et les applique au moment de l'acceptation et durant les premiers entretiens. Ces règles sont présentées au toxicomane comme la « procédure » de prise en charge. Cette diversification reflète les différences de potentialité ou de configuration des centres. Après acceptation au sein d'un Sert, il est alors possible de proposer au toxicomane un choix entre trois options : un simple traitement médical de désaccoutumance et une vérification de l'état de santé, un traitement médical accompagné d'un soutien psychologique ou social, ou enfin une consultation plus approfondie d'un médecin, d'un psychologue et d'un assistant social. Cette approche présente l'avantage de responsabiliser le toxicomane et de développer une relation moins hostile et plus basée sur la confiance. La composition des équipes est également inégale en fonction des Serts. Elles sont ainsi diversement composées de psychologues, d'éducateurs, d'assistants sociaux et de médecins qui sont généralement plus nombreux et qui sont souvent en charge de la direction du Sert. Riccardo Gatti recommande que l'évaluation du toxicomane se fasse par une équipe multiple composée par exemple d'un médecin, d'un psychologue et d'un assistant social1017(*).

Gatti critique, en outre, le manque de formation des opérateurs travaillant sur le thème de la toxicomanie1018(*). Quand bien même ceux-ci ont reçu une formation théorique suffisante, ils présentent un réel manque d'expérience qui les amène à utiliser un schéma de travail du type « expérimentation, erreur, correction de l'erreur » qui peut avoir des conséquences dramatiques sur les toxicomanes. De plus, de nombreux opérateurs des Sert travaillent dans le domaine de la toxicomanie non par choix mais par contrainte professionnelle. Enfin, la dernière carence des intervenants des centres spécialisés italiens reste l'incapacité à travailler en équipe. Ainsi, même un bon opérateur individuel peut être un mauvais thérapeute s'il n'agit pas de concert avec ses collègues ce qui requiert de fortes capacités de communication et de mise en relation1019(*). Cette incapacité est en relation étroite avec l'absence d'une culture professionnelle et d'intervention qui soit commune aux opérateurs publics de la toxicomanie. Les services spécialisés italiens présentent ainsi de fortes disparités selon les équipes spécialisées qui y opèrent. La capacité des Sert à prendre en charge de façon personnalisée les toxicomanes est très variable suivant la répartition géographique. Riccardo Gatti regrette que l'attribution des toxicomanes était effectuée pendant longtemps selon un découpage géographique et qu'il n'était possible de s'adresser qu'à son Sert de référence. L'idée d'un libre choix du centre thérapeutique a été pendant longtemps repoussée.

« Un Sert peut donner la même impression qu'une entreprise privée : il peut être un lieu vaste, ouvert, accueillant : une structure qui propose des objectifs à atteindre, contrôle le rendement de ses propres opérateurs, s'enrichit de collaborations extérieures (en travaillant avec les familles, en s'occupant de la réinsertion des patients, en suivant les cas les plus difficiles) et conduire ainsi d'excellentes recherches. Ou alors un Sert peut également adopter une conduite bureaucratique, travaillant dans un esprit paternaliste et d'assistanat [...] on ne peut nier que les Sert du premier type se rencontre plus fréquemment dans le Nord, et dans le Centre, plutôt que dans le Sud »1020(*)

Les Sert n'on pas réussi à obtenir une reconnaissance suffisante au niveau national et leur dotation budgétaire reste faible1021(*). Enfin, le système italien n'est pas doté d'une stratégie à long terme qui empêche un véritable changement de mentalité. Les services spécialisés italiens ont cependant fait l'objet d'une forte priorité au cours des années quatre-vingt dix de la part des pouvoirs publics. Ceux-ci, encouragés par un certains nombre d'acteurs professionnels ou associatifs, ont réintroduit les programmes de substitution par méthadone qui avaient été introduits dès 1975 mais qui avaient été progressivement écartés du dispositif de prise en charge des toxicomanes en faveur d'une approche « psychosociale ». Les contraintes liées à l'épidémie de VIH/Sida vont réactualiser l'utilisation de la méthadone. Celle-ci va toutefois faire l'objet d'un débat entre les partisans d'une approche strictement médicale et ceux qui soutiennent l'idée d'une prise en charge globale.

2.2.2.2 « Méthadonisation » ou prise en charge globale ? La logique thérapeutique face aux exigences sécuritaires

Les Sert sont assimilés en Italie à l'utilisation de la méthadone. Ils en sont en effet les quasi-seuls prescripteurs. Cette conception est pourtant loin de faire l'unanimité. Les représentants des communautés thérapeutiques critiquent le recours à la méthadone comme une solution de facilité et appellent à la fermeture des « bar metadonici » (littéralement les « bars méthadoniques). Ce préjugé repose, selon Simonetta Piccone Stella, sur la méconnaissance de ce médicament. Mais elle traduit avant tout la peur de voir la méthadone constituer « un échappatoire, une excuse pour limiter l'offre thérapeutique à un seul geste- l'administration d'un médicament une fois par jour, au compte goutte- renonçant à toute l'attention, au temps et aux soins que les demandes des patients portent avec eux »1022(*). Cette critique se fonde en partie sur l'exemple réel de certains Serts qui privilégient les traitements de substitution au détriment de l'accompagnement psycho-social du toxicomane, à l'image des programmes thérapeutiques américains. Les usagers eux-même constatent cette carence du dispositif italien de soin de la toxicomanie.

« La méthadone est un formidable médicament mais les services devraient avoir un objectif plus ambitieux : nous aider à rester dans la société. Une fois sorti de prison, je ne suis pas arrivé à trouvé un emploi. Peu de temps après tu commences à ne plus croire en toi et la solitude est totale. Tu cherches à rester loin de la rue, mais tu ne sais pas commet passer le temps. C'est pour cela que nous demandons un lieu pour nous rencontrer et un laboratoire pouvant élaborer des projets de formation/emploi »1023(*) Piero, un ancien toxicomane

Riccardo Gatti regrette que la méthadone soit perçue comme un traitement en soi de la toxicomanie. La substitution ne représente qu'un moyen de désintoxiquer l'usager de drogues, un processus qui n'est qu'une étape parmi tant d'autres dans le processus thérapeutique.

« L'utilisation de méthadone sur un toxicomane par héroïne n'est pas en soi une thérapie de la toxicomanie mais la substitution d'une substance consommée dans une préparation et une situation peu sûre avec une autre substance et une autre situation (le contrôle sanitaire) qui comportent de moindres risques pour la personne »1024(*)

En outre, l'approche adoptée par le secteur public se focalise sur les sujets démontrant des signes pathologiques issus de leur toxicomanie. Le soin de la toxicomanie est avant tout destiné aux consommateurs les plus flagrants au détriment des simples usagers. De même, les consommateurs de substances « dures » telle que l'héroïne, sont privilégiés au détriment des consommateurs de substances « légères »1025(*). Riccardo Gatti regrette la trop forte orientation du dispositif public vers les héroïnomanes au détriment des autres formes de toxicomanie1026(*). Les services italiens ne proposent aujourd'hui presque que des programmes de substitution. Or, les personnes qui ont besoin de méthadone sont souvent héroïnomanes depuis de nombreuses années. Une personne qui n'est pas un héroïnomane chronique peut se sentir éloignée d'un Sert qui s'occupe principalement de personnes avec des problèmes divers des siens. Le fait que la majorité des usagers des services socio-sanitaires présentent des problèmes liés à l'usage d'héroïne (89,5% du total ) atteste que les services de prise en charge des toxicomanes sont avant tout destinés aux héroïnomanes, la substance la plus pathologique1027(*) au détriment des autres substances (cocaïne, THC, LSD, amphétamines, ecstasy, benzodiazépines, alcool). On peut affirmer, comme Roberto Gatti, à l'encontre de cet état de fait : « Un Sert s'occupe de toxicomanies et pas uniquement de toxicomanie pas héroïne »1028(*)

« Quand un Service [...] utilise des médicaments de substitution, il exerce une sélection des utilisateurs. Les personnes qui ont besoin de méthadone sont, souvent, des héroïnomanes depuis de nombreuses années. Une personne qui n'est pas un héroïnomane chronique peut se sentir éloigné d'un Sert qui s'occupe, principalement, de personnes avec des problèmes divers des siens. Si on accorde un espace aux traitements de substitution il faut également donner un espace à ceux qui souhaitent atteindre un état « libre de drogues » (drug-free) »1029(*)

Cette forte spécialisation du système de soin italien se traduit par une forte inadéquation des services proposés face à la situation actuelle. On peut remarquer par exemple que la population fréquentant les Set vieillit considérablement tandis que les populations d'usagers de drogues sont de plus en plus jeunes1030(*). Les phénomènes des drogues synthétiques, de même que les polyconsommations, restent hors de portée des intervenants spécialisés en toxicomanie1031(*). Cette incapacité s'explique en partie par les stratégies appliquées par les Regioni, qui consistent à opérer une division professionnelle entre les centres de traitement de l'alcoolémie, de toxicomane et les patients affectés de troubles mentaux. Cette séparation empêche de traiter adéquatement les sujets qui abusent simultanément d'alcool, de psychotropes et de stupéfiants.

« Les opérateurs de la toxicomanie ont le bagage technique pour s'occuper des nouveaux abus de drogue mais ils travaillent dans un système structurel, normatif et culturel construit pour des types de problématiques différentes. Ils risquent de rester prisonniers dans un système où ils sont habituer à contenir et à contrôler une situation (l'héroïnomanie) désormais stéréotypiquement définie comme une souffrance dans laquelle le patient accepte (et est poussé à accepter) le rôle de malade, pour se soustraire à celui de criminel. Il s'agit d'un jeu où les parties en questions utilisent les termes de purification (se nettoyer le sang), de rédemption (la sortie du tunnel), de croissance (parcours de croissance, un chemin d'espérance) et de réhabilitation qui ne sont pas ceux des nouveaux toxicomanes »1032(*)

Cette priorité accordée essentiellement aux consommations toxicomaniaques, c'est-à-dire les plus pathologiques, témoigne de la nature du système de soin de la toxicomanie qui constitue plus une politique de traitement des symptômes que de promotion du bien être social1033(*). Fazzi note une forte ambiguïté des Serts qui se trouvent engagés dans une démarche ambiguë située entre une exigence de soin et une logique de contrôle social. D'où la distinction entre un modèle de politique publique orienté sur les symptômes qui a pour but de garantir l'ordre social et un second ciblé sur la promotion sociale qui vise l'intégration et l'émancipation des individus1034(*).

« Il y a toujours ceux qui souhaitent utiliser la médecine afin d'exercer un contrôle social. Le Sert a une « mission » thérapeutico-réhabilitative. Son but n'est pas de méthadoniser à fort dosage le nombre maximal d'héroïnomanes pour réduire la micro-criminalité »1035(*)

« Si nous continuons à vouloir utiliser le système d'intervention sur les toxicomanies comme un instrument de contrôle et d'assistance sociale nous ne serons plus en mesure de faire front aux nouveaux phénomènes émergents qui sont en train de concerner des personnes qui ne sont pas marginalisées et qui ne souhaitent pas être contenues et contrôlées en échange de la reconnaissance d'un statut de « personnes à délivrer et à sauver » (qu'elle ne reconnaissent pas) »1036(*)

Les changements actuels rendent par conséquent nécessaire une réorganisation des services spécialisés italiens en faveur d'une prise en compte des nouvelles consommations et des nouveaux consommateurs. Il s'agit également de favoriser une véritable professionnalisation des services par le biais notamment de l'établissement d'une culture thérapeutique commune qui ne peut se réduire aux seuls traitements de substitution. Gatti affirme d'ailleurs que le rôle de concurrence du secteur privé amène nécessairement à une restructuration des services spécialisés italiens : « Les opérateurs publics de la toxicomanie devront eux aussi se confronter à un « marché » de la santé toujours plus préparé et agressif dans lequel il y aura toujours moins de place pour l'approximation »1037(*).

Le système spécialisé s'est imposé aussi bien en France, qu'en Italie comme un acteur essentiel du traitement des toxicomanes. Il a fortement contribué à l'utilisation des traitements de substitution. Ceux-ci ont parfois été mis en place au détriment d'une prise en charge globale du patient. Les carences du système spécialisé s'expliquent en partie par l'absence d'une culture commune favorable à la considération des usagers de drogues. La priorité accordée aux formes les plus marginales et pathologiques de la toxicomanie (souvent réduite à l'héroïnomanie) est à mettre en lien avec la logique sécuritaire qui a présidé à l'organisation des services spécialisés. Il s'agissait davantage d'exercer un contrôle social et d'assurer une diminution des risques sociaux encourus par la population que de prendre véritablement en charge les usagers de drogues.

La prise en charge de la toxicomanie s'est pendant longtemps résumé soit au seul système de soin spécialisé dans le cas français, soit à un système mixte dispositif spécialisé/communautés thérapeutiques en Italie. Il existe pourtant une pluralité d'autres acteurs impliqués directement dans le champ de la toxicomanie. Ceux-ci vont cependant être marginalisés en raison de logiques professionnelles monopolistiques. Le nouveau contexte des années quatre-vingt-dix et le nouveau paradigme régissant la prise en charge de la toxicomanie (la réduction des risques) vont alors remettre en question la situation préalablement établie. Le système de soin spécialisé va dès lors être contesté par les acteurs du dispositif sanitaire de droit commun, qui vont progressivement s'imposer.

2.3 Les acteurs marginalisés du champ de la toxicomanie

2.3.1 L'émergence du dispositif de droit commun

Les systèmes législatifs italien et français prévoient un ensemble de dispositions spécifiques concernant l'obligation de soins aux « toxicomanes ». Elle établissant un statut d'exception de la prise en charge médicale. Le système socio-sanitaire de droit commun (les établissements hospitaliers, les établissements pénitentiaires et la médecine de ville) fut pendant longtemps écarté du dispositif de soin de la toxicomanie1038(*). Aujourd'hui, la situation a grandement changé, et ce dispositif participe de plus en plus à la prise en charge des addictions, notamment pour ce qui concerne les héroïnomanies. L'épidémie de Sida et le développement des traitements de substitution sont les principaux moteurs de ce changement.

2.3.1.1 Les carences du système hospitalier et pénitentiaire

L'hôpital est apparu très tôt comme le lieu idéal du soin de la toxicomanie. En effet, la cure de sevrage permettant la désintoxication peut prendre place au sein du milieu hospitalier qui présente de nombreux avantages. Toutefois la relation entre le toxicomane et la structure hospitalière est une relation de rejet réciproque1039(*). Les toxicomanes sont très réfractaires à une institution qui est souvent trop rigide pour leur fournir une écoute suffisante. De même, les toxicomanes ont un comportement trop déviant et réfractaires aux normes et sont trop peu disposés à entamer une relation thérapeutique suivie. Ces blocages se traduisent par une faible place de la structure hospitalière dans la prise en charge des toxicomanies.

Le dispositif de soin français est très significatif de cette sous-médicalisation du traitement des toxicomanes. Les médecins hospitaliers se sont désengagés face à la toxicomanie estimant que cela ne relevait pas de leur compétence mais d'institutions spécialisées Ceci aussi bien dans le système de médecine générale que pour la psychiatrie. La présence d'un toxicomane en service hospitalier s'accompagne le plus souvent soit d'une absence de considération, soit d'un sevrage sec forcé, soit d'un traitement de substitution de courte durée. Dans les trois cas, le traitement du toxicomane ne s'apparente pas à une prise en charge globale du patient à long terme. Les toxicomanes sont souvent contraints à abandonner le programme thérapeutique face à la rigidité du contrat de soin.

Il apparaît ainsi très difficile d'entreprendre un programme thérapeutique de longue durée au sein d'un service hospitalier1040(*). Une solution envisagée afin de ne pas concentrer tous les toxicomanes dans un même service, que ce soit somatique ou psychiatrique, fut de créer des « équipes de coordination et d'intervention auprès des malades usagers de drogue » (ECIMUD) composées d'un médecin, d'un psychologue, d'un assistant social et d'un infirmier et qui se déplacent d'un patient à un autre dans le suivi de programmes de substitution par exemple. Ces équipes de liaison en toxicomanie ont été conçues à la suite de la circulaire du 3/04/96, qui destinait une enveloppe de 47 MF pour les nouveaux projets hospitaliers1041(*). Fin 1999, il en existait 69 sur le territoire national. En 2000, une enveloppe supplémentaire de 38 MF a été mise à disposition pour la création ou le renforcement de ces équipes de liaison intra-hospitalières.

La création de réseaux « Ville-Hôpital-Toxicomanie » date également de 1996. Il s'agit de structures en charge d'assurer le liaison et la continuité des soins entre les différents acteurs de la prise en charge : services psychiatriques, services hospitaliers somatiques, médecins généralistes, pharmaciens, centres spécialisés en toxicomanie et services sociaux. Ces réseaux instaurent des stratégies destinées à substituer aux logiques d'intervention parallèles et parfois contradictoires, une logique de partenariat. Leur nombre est aujourd'hui de 67, répartis sur l'ensemble du territoire national. Désormais, une collaboration efficace s'est instaurée entre les centres de soins spécialisés et les services hospitaliers qui permette des prises en charge plus cohérentes et complètes1042(*).

Les pouvoirs publics semblent privilégier depuis peu le rôle de l'hôpital dans la prise en charge de la toxicomanie1043(*). Le milieu hospitalier présente en effet de nombreux avantages qui ne doivent pas être sous-estimés. L'hôpital ne doit pas être considéré comme un lieu clos mais doit participer à l'élaboration d'un réseau de soin de la toxicomanie. Ce réseau de prise en charge passe de façon nécessaire par l'institution pénitentiaire1044(*). On a pu remarquer l'importance de la part des toxicomanes parmi les personnes incarcérées, notamment en Italie où elle atteint1/3 de l'ensemble des détenus1045(*). Les dispositifs sanitaires et carcéraux italiens et français ont ignoré jusqu'à la fin des années quatre-vingt le soin des toxicomanes. Le problème était résolu par le biais des peines alternatives telle que l'affidamento ou l'injection thérapeutique qui permettait de déléguer la prise en charge de certains toxicomanes au système de soin spécialisé (cas français) ou aux communautés thérapeutiques (cas italien). Les risques sanitaires ont imposé un recours massif à ces mesures au cours des années quatre-vingt-dix. En 1997, 5 985 toxicomanes italiens bénéficiaient d'une mesure alternative tandis qu'à la même date 8 052 toxicomanes français étaient sous le régime de l'injection thérapeutique1046(*). Le besoin d'une prise en charge sanitaire au sein des prison est cependant apparu comme nécessaire.

La prise en charge des conduites addictives des personnes détenues a longtemps reposé dans le milieu carcéral français sur l'équipe de secteur psychiatrique qui intervient dans l'établissement pénitentiaire (les Services Médico-psychologiques Régionaux ou SMPR)1047(*). A ce service est venue s'ajouter une unité hospitalière implantée dans l'établissement et dépendant de l'hôpital le plus proche : les Unités de consultations et de soins ambulatoires (UCSA). La France s'est toutefois dotée d'un système spécifique dès la fin des années quatre-vingt1048(*). Des « antennes-toxicomanies », devenus « centres de soins spécialisés en toxicomanie » en 1992, ont été mis en place en 1987. Celles-ci sont rattachées aux SMPR et prennent en charge les personnes toxicomanes dans chaque établissement. Elles sont actuellement au nombre de 16. Les antennes toxicomanies comportent de nombreux instruments thérapeutiques à leur disposition. La prise en charge varie considérablement d'une prison ou d'un service à un autre. Celle-ci va de l'accompagnement individuel aux groupes de parole à la relaxation. L'accès aux traitements de substitution s'est développé depuis quelques années de manière considérable. Enfin, des « unités pour sortants » ont été mises en place pour favoriser la réinsertion sociale des toxicomanes. Les auteurs du rapport ministériel sur « L'accès à la méthadone en France » s'inquiètent cependant des pratiques thérapeutiques observées au sein des prisons françaises qui ne répondent pas toujours aux normes professionnelles.

« On constate que, dans de nombreuses maisons d'arrêt et dans de nombreuses maisons de détention, de trop nombreux médecins demeurent hostiles à toute méthode de traitement de la dépendance autre que le sevrage, pour des raisons fondées sur un parti-pris idéologique, plutôt que sur l'observation clinique et scientifique. C'est ainsi que, selon le lieu d'hébergement carcéral, d'une prison à l'autre ou d'un bâtiment à l'autre au sein de la même prison, les traitements appliqués sont très divers. Souvent encore, on voit imposer un sevrage de la méthadone ou de la B.H.D., médicaments ramenés par certains médecins au rang de d'une drogue identique à l'héroïne. Niant tout intérêt thérapeutique aux médicaments de substitution, on sèvre de tout opiacé des personnes dépendantes des opiacés, et on fait encore dramatiquement appel à des doses historiques de benzodiazépines, en détournant ainsi ces médicaments hors des indications retenues dans leurs AMM »1049(*)

Le dispositif de traitement des usagers de drogues incarcérés a considérablement évolué au cours des dernières années. Il demeure cependant trop centré sur le monde de la prison et requiert une majeure ouverture en faveur des autres acteurs du système de santé. C'est dans ce sens que le Conseil national du sida recommandait au législateur dans son rapport remis en juin 2001 que soit mis en place « une disposition visant à permettre le recours à un praticien extérieur, notamment pour la prise en charge au moyen de médicaments de substitution, pour tout usager incarcéré à qui des soins seraient refusés ou confronté à la rupture des traitements qu'il suit »1050(*).

Le législateur italien a fait le choix de requalifier le personnel de l'administration pénitentiaire en 1990 (loi 162/90, art.36)1051(*) afin de mieux répondre aux exigences de prévention et de soin. Une prise en charge globale a été mise en place. Elle repose, d'une part, sur l'intervention des Sert en milieu carcéral qui demeure toutefois assez faible, comme il a été établi auparavant, en raison d'un ensemble de réticences aussi bien de l'institution carcérale que des opérateurs du service public. Le législateur a, d'autre part, prévu la création « d'institution à garde atténuée pour le traitement des toxicomanes » et de services de toxicomanies au sein de certaines prisons1052(*). Ce processus répond à une logique de « circuits différenciés » afin de reconnaître les besoins spécifiques de la population toxicomane. La réalisation de ces structures est cependant très insuffisante1053(*). Les interventions demeurent fortement marquées d'une dimension répressive et « paralysante ».

Les systèmes carcéraux français et italiens ont développé un double circuit de prise en charge. Ils reposent, d'une part, sur l'intervention d'acteurs extérieurs au domaine carcéral qui effectuent un suivi des toxicomanes selon le modèle du réseau de santé. Leur présence reste cependant faible pour des raisons culturelles. Les prisons ont mis en place, d'autre part, des structures de soin internes qui effectuent une prise en charge médicale (traitements de substitution) des toxicomanes incarcérés. Une question apparaît dès lors : quelle valeur thérapeutique peut-on attribuer à l`institution carcérale ? Celle-ci part d'un principe contraire à la logique de soin. La prison c'est avant tout le lieu d'expiation de la faute1054(*). Le principal obstacle au rôle thérapeutique de la prison est d'ordre culturel. Comme le rappelle Massimo Barra : « L'esprit d'un service est donné par ceux qui le gèrent. Il ne suffit pas de mettre en place des intervenants conventionnés pour modifier une culture et une routine qui a de façon traditionnelle d'autres priorités »1055(*). La prison n'est pas en soi une institution thérapeutique. En revanche, elle a un rôle important, comme l'affirme Bruno Bertelli, dans l'établissement d'un réseau et d'une chaîne thérapeutique. Encore faut-il pour cela que la prison ouvre ses portes à d'autres intervenants mais, surtout, à une véritable culture de la réduction des risques.

« Elle [la prison] peut, en revanche, devenir le lieu dans lequel, conjointement au condamné, est développé un projet et vient préparé un parcours thérapeutique et, de façon plus générale, sont jetées les bases, ou tout du moins les stimulants et les opportunités, pour entreprendre un parcours de réhabilitation sociale. Il est par conséquent nécessaire d'investir ce lieu, soi par le renforcement des professions, soi par le renforcement des contenus, soi encore dans l'implication de nouvelles ressources (internes, externes, de service, relationnelles, financières, etc.) [...] Il est impensable qu'il soit suffisant de contenir les pathologies par des actions de contrôle social ou de réduire le « risque social » produit du délit par des actions d'endiguement et de gardé temporaire »1056(*).

2.3.1.2 Le dispositif de médecine de ville

Les système de médecine de ville a pendant longtemps été exclu du soin de la toxicomanie. La « pathologie toxicomaniaque » a conduit à la constitution d'un ensemble de structures spécialisées aussi bien en France, qu'en Italie. Les médecins généralistes ont été exclus de la prise en charge de la toxicomanie à l'inverse du système anglais qui prévoyait une libre prescription d'héroïne puis de méthadone par les médecins de famille. Le système italien a pourtant ouvert la possibilité d'un traitement de substitution par méthadone suivi par les médecins généralistes. Celui-ci fut toutefois très peu utilisé et la majeure partie des traitements de substitution ont lieu au sein des services spécialisés. Le système français prévoyait une première substitution par Subutex pour les généralistes, tandis que la méthadone est longtemps restée l'exclusivité des centres spécialisés et du milieu hospitalier. Là aussi les médecins généralistes eurent très faiblement recours aux traitements de substitution qu'ils réservaient aux professionnels de la toxicomanie.

Les médecins généralistes, aussi bien en France, qu'en Italie, paraissent faiblement mobilisés en matière de toxicomanie. Les études françaises (Cf. EVAL1999-20011057(*)) situent généralement la part de médecins prenant en charge des toxicomanes entre 15 et 30%, mais seulement 2 à 5% ont recours aux traitements de substitution1058(*). Le mouvement semble présenter des difficultés à s'étendre au-delà d'une minorité de militants et de convaincus. La propension des médecins à travailler en réseau semble également très limitée. Au total, 15% seulement des patients interrogés disent avoir reçu la proposition par un médecin d'une aide apportée par un autre intervenant. Le pharmacien se trouve en revanche plus engagé au sein du dispositif de prise en charge. En 1998, l'enquête IMR a confirmé le haut niveau d'implication des pharmaciens d'officine puisque près de 60% déclaraient délivrer des traitements de substitution. Le niveau d'implication général reste cependant très inégal1059(*). D'après le bilan (décembre 2001) des comités de suivi de l'exercice 1999, 14% des médecins sont impliqués, de 2 à 46% selon les départements, 30% des pharmaciens avec des écarts de 2 à 100%.

La place des médecins généralistes dans la prise en charge des toxicomanes est pourtant décisive. La diffusion actuelle de la toxicomanie appelle des réponses de proximité1060(*). La moitié des usagers de drogue ne prennent pas contact ou trop tardivement avec le dispositif spécialisé. Les généralistes, par leurs permanences, stabilité et disponibilité, leur diffusion géographique, les possibilités administratives de remboursement de soins, leur caractère non spécialisé, leur connaissance du milieu familial et leurs réseaux de partenaires (pharmaciens, spécialistes, hôpitaux...), ont une base structurelle pouvant compléter utilement le dispositif spécialisé.

Surmontant ces réticences et ces difficultés un petit nombre de généralistes a développé puis formalisé une pratique coordonnée au sein de la profession et auprès du dispositif spécialisé en prenant une structure de réseau ; ils ont ainsi renforcé mais également ouvert de nouvelles possibilités de prises en charge1061(*). Ces travaux communs ont mieux permis d'aborder les sevrages ambulatoires. En effet, ils ont par exemple montré récemment que beaucoup de situations sont tout à fait compatibles avec un sevrage au domicile. En ce domaine, d'autres voies sont explorées actuellement. Par exemple, la vente des seringues ou du Néocodion° à un toxicomane devrait être l'occasion d'une orientation ou d'une articulation entre le pharmacien et le médecin de proximité. Comment dès lors rendre compte des réticences témoignées par le réseau de médecine de ville ?

Une forte contrainte restreignant l'accueil des usagers tient à la violence fréquente développée au cours de la prise en charge, et à la complexité de leurs relations avec les praticiens1062(*). La relation entre médecin et usager de drogue, même sans conflit, s'engage en outre bien souvent sur une série de quiproquos relatifs aux motivations du patient, induits notamment par les difficultés sanitaires et sociales auxquelles ces derniers sont soumis. La nature même des soins à apporter est sujette à une réévaluation constante et à des négociations. Enfin, certains praticiens, pour des raisons morales, éthiques ou par anticipation d'un mauvais suivi des prescriptions de la part des usagers de drogue en général, refusent tout simplement les prises en charge ou se bornent à répondre à une demande de substitution sans envisager l'ensemble des problèmes somatiques rencontrés (en particulier liés au VIH). Les rares médecins prescripteurs rencontrent également de nombreux obstacles posées par la législation qui constitue un obstacle à leur libre exercice.

Un exemple récent est particulièrement significatif. Il s'agit de la mise en cause d'un médecin prescripteur de médicaments de substitution dans le cadre d'une affaire d'infraction à la législation sur les stupéfiants fondée sur ses pratiques médicales1063(*). Médecin généraliste, cette femme, très engagée dans les soins aux usagers de drogues et dans la prise en charge du VIH, a été mise en examen pour « facilitation d'usage de stupéfiants » au motif d'une prescription jugée abusive de Subutex, dont le principe actif (la buprénorphine) ne figure pas au tableau des stupéfiants. Placée sous contrôle judiciaire par le tribunal de Nemours, elle a été temporairement interdite de toute pratique de prise en charge impliquant des médicaments de substitution ou autres produits psychoactifs (tranquillisants, somnifères, antidépresseurs). Les dossiers médicaux de ses patients ont été saisis. Si les poursuites et l'interdiction partielle d'exercer ont depuis été annulées, ces derniers sont restés pour un temps injustifié dans les mains de la justice compromettant ainsi les principes d'anonymat et de secret professionnel1064(*).

Une telle initiative n'est pas isolée ; plus récemment, un médecin parisien prescripteur de Subutex a lui aussi été mis en examen par un juge d'instruction pour « incitation à l'usage de stupéfiants et mise en danger de la vie d'autrui » et sa pratique professionnelle a été soumise au même type de contrôle judiciaire. Touchant ici les médecins prescripteurs, ces difficultés sont également rencontrées par certains pharmaciens, puisqu'ils remplissent une fonction de «gardiens des toxiques », et se trouvent pris entre les usagers, les médecins et la loi, au coeur d'injonctions parfois paradoxales. Des procédures judiciaires à leur encontre, pour des faits de délivrance de médicaments de substitution, sont également régulièrement entamées.

Le problème réside enfin selon Pascal Coutry dans le manque de formation des médecins généralistes qui sont habilités à prescrire des traitements de substitution et notamment le Subutex « sans avoir reçu au préalable une formation ou sans être inscrit dans une pratique de réseau »1065(*). Les médecins ne perçoivent souvent pas le rôle dont ils sont porteurs et attribuent la prescription de traitements de substitution aux spécialistes de la toxicomanie.

« Le peu d'intérêt porté aux soins du toxicomane par l'université fait que beaucoup de praticiens n'ont aucune connaissance de la prise en charge des usagers de drogue. C'est certainement une des raisons principales du détournement de ce produit. Mal connu des prescripteurs, mal prescrit, non accompagné par un suivi socio-éducatif, le Subutex devient l'objet de détournement et de mésusage »1066(*)

De nombreux rapports mettent en avant l'importance du réseau de médecine de ville dans la prise en charge des toxicomanes, notamment par le biais des traitements de substitution1067(*). Le médecin généraliste est en mesure d'une part de préciser la situation du patient au regard de sa toxicomanie (type de produit, ancienneté de la consommation, niveau d'addiction) et d'évaluer d'autre part son état de santé, notamment les problèmes infectieux1068(*). Le pharmacien assure également une place dans la constitution de ce que Pascal Courty appelle un « réseau de substitution »1069(*). La prise en charge du toxicomane ne peut être conçue que dans le cadre d'une collaboration entre le médecin généraliste, le pharmacien et le secteur spécialisé. Gagnon affirme ainsi que « la qualité du triangle relationnel patient-médecin-pharmacien » constitue une condition à la bonne prise en charge du patient »1070(*)1070(*) .

« Pour notre part, nous indiquons toujours sur l'ordonnance le nom du pharmacien de référence qui assurera la distribution du produit [de substitution]. Ce pharmacien est toujours désigné par le patient. Cela permet de former autour de l'usager un véritable réseau que nous pourrions appeler un réseau de substitution, car il se substitue effectivement au réseau de dealers et d'autres usagers antérieurement constitué ». Il ajoute que « outre le dialogue entre l'usager et son, prescripteur, il est capital qu'il y est des liens fréquent entre le médecin et le pharmacien qui s'occupe du même patient » 1071(*).

On peut remarquer que de nombreux progrès ont été réalisés dans cette direction récemment. La circulaire du 30 janvier 20021072(*) a ouvert la possibilité à tout médecin exerçant en établissement de santé d'engager un traitement par la méthadone. Cette disposition, attendue depuis près de deux ans, créé une situation nouvelle et ouvre une deuxième « porte d'entrée » pour accéder à un traitement de méthadone par l'intermédiaire des établissements de santé. Cette décision laisse présager une amélioration du réseau de prise en charge. Le Conseil national du Sida prend acte dans son rapport de juin 2001 des améliorations réalisées en la matière. Il établit également la nécessité de mettre fin au régime d'exception de la prise en charge de la toxicomanie, et notamment de l'injonction thérapeutique. Il s'agit de réinscrire la toxicomanie dans le système de santé de droit commun et de réaffirmer le rôle joué par le dispositif de médecine de ville.

« Aujourd'hui, la situation a grandement changé, et nombreuses sont les personnes qui s'adressent à la médecine de ville ou à la médecine hospitalière pour le traitement de leur addiction. Le développement des traitements de substitution est un des principaux moteurs de ce changement. Cette évolution est incontestablement favorable à l'amélioration des soins des usagers de substances psychoactives, ne serait-ce que par la pluralité des aides et par la diminution des attitudes discriminatoires qu'elle rend possible. Pour continuer dans ce sens, il apparaît nécessaire de décloisonner encore les divers secteurs et dispositifs concernés. Cette évolution passe par l'actualisation des modes d'organisation et de réglementation en vigueur. Elle nécessite la révision de la législation d'exception que constitue la loi de 1970 »1073(*)

« Cette initiative doit conduire à la refonte des livres 3 (« alcoolisme ») et 4 (« toxicomanie ») de la troisième partie du Code de la santé publique (« Lutte contre les maladies et les dépendances »). L'organisation légale de la prise en charge sanitaire a vocation à être énoncée dans les mêmes termes pour l'ensemble des dépendances aux drogues, quelle que soit leur statut légal, dans la mesure où il s'agit ici clairement de problèmes de santé similaires. Il n'appartient pas à l'autorité judiciaire d'intervenir sur l'aspect médical de la prise en charge de la dépendance considérée d'un individu »1074(*)

Le réseau de santé de droit commun a pendant été longtemps marginalisé de la prise en charge des toxicomanes, aussi bien en raison des réticences présentées par les praticiens que par une orientation favorable à la constitution d'un système spécialisé. La multiplication des risques sanitaires encourus par les toxicomanes a cependant rendu nécessaire un rééquilibrage au profit du système hospitalier et du dispositif de médecine de ville. A la logique de concurrence entre acteurs s'est substituée, notamment en France mais de façon bien moindre en Italie, une logique de partenariat. Il s'agit désormais d'établir un réseau afin de faciliter une prise en charge globale du patient. Le milieu carcéral reste toutefois une exception dans le système de prise en charge des toxicomanes en raison d'un ensemble de réticences d'ordre idéologiques et culturelles.

Le dispositif de soin de la toxicomanie est progressivement passé d'un système clos, dans lequel seuls les acteurs les plus spécialisés étaient légitimes, à un réseau ouvert dans lequel interviennent une pluralité d'acteurs divers dans une logique de partenariat. Les critères de légitimité d'intervention dans le champ de la toxicomanie ont été réévalués à l'aune de la nouvelle configuration. Des ressources et des modes d'expertise innovants ont été développé afin de mieux répondre aux urgences sanitaires et sociales vis-à-vis desquelles le dispositif spécialisé demeurait impuissant. C'est par ce biais que de nouveaux protagonistes, auparavant inexistants ou presque, ont progressivement émergé au cours des années quatre-vingt-dix.

2.3.2 L'émergence de nouveaux protagonistes

2.3.2.1 La reconnaissance du rôle de la famille

Le concept de famille, comme le rappelle Sylvie Angel, s'est pendant très longtemps réduit en matière de toxicomanie au couple parental1075(*). La mère était assimilée de façon réductionniste à l'image de la castratrice, tandis que le père était perçu comme un être passif et détaché de la famille. Ces conclusions s'appuyaient sur un ensemble de points communs aux familles des toxicomanes (absence de la figure du père, forte possessivité de la mère), qui ne sont pas par ailleurs dénués de véracité1076(*). L'attitude des intervenants était alors durant les années soixante-dix celle de la stigmatisation de la famille. L'idée de travailler avec la famille était « quelque chose qui avait une fonction normative, socialement péjorative »1077(*). Deux types de courant de pensée refusent de considérer la famille comme une ressource potentielle dans la prévention et la thérapie du toxicomane. D'une part le modèle permissif qui considère l'usage de substances comme étant un choix individuel et qui établit que seul l'usager lui-même peut mettre fin à sa consommation. La famille n'a dès lors pas de rôle à jouer dans ce choix1078(*). D'autre part les politiques répressives refusent également un rôle à la famille.

L'image de la famille s'est progressivement transformée au cours des années quatre-vingt par l'étude du schéma familial et du rôle de la famille joué dans la toxicomanie1079(*). Des études ont mis en évidence l'importance des troubles d'ordre familiaux dans les conduites déviantes. Donati évoque à ce propos la présence de « difficultés relationnelles qui provoquent un vide lors de la construction de l'adolescent1080(*). Khanzian envisage alors l'usage de substances stupéfiantes comme une « automédication » pour compenser les mécanismes de défense du soi1081(*). Dans un autre registre, les modèles parentaux de comportement influencent les consommations de substances psychoactives en déterminant l'acquisition des habitus1082(*)1082(*). Le rapport à l'alcool (principalement pour le père) ou aux médicaments psychotropes (essentiellement chez la mère) semblent avoir une valeur prédictive sur la consommation de substances psychoactives chez l'adolescent. Les opinions des parents, plus ou moins laxistes ou restrictifs, semblent également participer aux facteurs prédictifs. Il est toutefois nécessaire de rappeler qu'il s'agit là de phénomènes complexes qui ne s'apparentent pas à des causes unilatérales mais plutôt à des facteurs à risque1083(*).

Ces analyses ont toutefois permis de réévaluer la place de la famille dans les processus de prévention et de soin de la toxicomanie. La conception qui analyse l'état de toxicomanie comme un conflit non résolu permet en effet de comprendre que le dépassement de la dépendance ne peut pas se limiter à un état d'abstinence. Le rôle accordé à la famille en matière de toxicomanie est triple1084(*) : tout d'abord en terme de prévention de l'usage de substance (prévention primaire), puis dans la thérapie elle-même c'est-à-dire le dépassement de l'état de dépendance, et enfin dans la réinsertion sociale. La famille exerce une fonction essentielle dans la prévention primaire. De nombreux projets prennent dorénavant en compte ce protagoniste indispensable. Il existe toutefois différentes façons d'impliquer la famille1085(*). La prévention peut se réduire à la transmission d'un message plus ou moins alarmiste qui vise à renforcer le rôle coercitif joué par la famille. Les parents sont d'ailleurs très perméables à ce type d'information car ils y trouvent la légitimation de leurs propres peurs. Ces messages de prévention sont très fréquents aux Etats-Unis. Leur objectif est avant tout de sensibiliser les familles aux problèmes de l'adolescence afin d'améliorer le contrôle parental exercé sur les adolescents. Cette idée d'un contrôle social comme prévention de la toxicomanie est très forte aux Etats-Unis1086(*).

Une autre démarche, plus constructive, est celle de réintroduire les parents dans les démarches de prévention. La médiation est l'une de ces nouvelles formes de prévention qui vise à retisser du lien social au sein de la famille et qui implique la légitimation de nouvelles figures professionnelles. Les actions menées depuis une dizaine d'années en Europe en terme de prévention participent, selon Faugeron et Kokoreff, à l'élaboration de nouveaux référentiels, comme la famille1087(*)1087(*). Il s'agit, comme le résume Maria Pia Lai Guaita, d'établir un rapport non plus d'opposition mais de référence par la modification de la relation fils/parent1088(*). On peut remarquer que la brochure éditée récemment en France par la MILDT reconnaît l'importance d'établir d'un dialogue entre les jeunes et la famille1089(*).

La prévention implique également une meilleure information des parents afin d'aller à l'encontre des propos alarmistes. Une enquête qualitative réalisée au Canada sur la perception des parents à l'égard des usages de drogues révélait que ceux-ci ont le sentiment d'être mal informés sur les drogues1090(*). Il existe un large fossé entre la perception des parents et celles des enfants. Il s'agit de renforcer les capacités individuelles des parents afin de mieux affronter les problématiques liées aux substances. Ceux-ci ne savent souvent pas quelle réaction adopter face aux problèmes de substances1091(*). Il existe dans les dispositifs de prévention de la toxicomanie un manque de structures adaptées à de tels cas. Les parents n'osent pas en effet se tourner vers les structures de soin spécialisées qui sont orientées vers les consommations de drogues dures. C'est le cas par exemple du système italien où les Serts présentent une trop forte spécialisation vers ce type de drogue.

Le second niveau d'implication de la famille, tout aussi essentiel, est la thérapie du toxicomane. Ce rôle fut développé dès les années quatre-vingt en France à travers les « thérapies familiales » 1092(*) qui se sont imposées comme un instrument important de la chaîne thérapeutique. La famille peut occuper une pluralité de rôle dans le traitement, l'important est que ce rôle soit accepté et reconnu au sein de l'équipe thérapeutique.

« En réalité les familles peuvent aussi entrer dans le système de soin [...] Les familles entrent souvent parmi les facteurs qui ont favorisé ou au moins n'ont pas fait obstacle à l'installation de la pathologie [...] Toutefois, si l'on arrive à transformer la famille d'adversaire à patient et de patient à aide, les effets du traitement en seront favorisés. La famille peut être aidée et formée à comprendre quels sont les déterminants et les facteurs à risque pour les affronter et reconnaître les facteurs protecteurs [...] On peut ainsi prévoir différentes formes d'implication, comme la participation aux cycles de traitement ou des moments spécifiques de formation et la participation à des groupes d'entraide. La coopération entre les familles qui vivent des conditions similaires de souffrance et de malaise et entre les services peut donner vie à des ressources significatives  »1093(*)1093(*)

La famille était entendue jusque là comme la famille d'appartenance du toxicomane. Certains intervenants ont mis en place une modalité thérapeutique, plus spécifique à la France, fondée sur la famille au sens générique. Il s'agit de la famille d'accueil. Une famille se propose ainsi d'héberger un toxicomane afin de le faire bénéficier de l'harmonie d'une vie familiale et de le conduire vers la réinsertion. Ces familles sont en lien continu avec des centres de soins ambulatoires. Cette méthode représente environs 150 places en France1094(*).

Les parents ont également retrouvé un nouveau sens dans le secteur de la toxicomanie à travers les groupes d'entraide (auto-aiuto)1095(*). Il s'agit de groupes constitués de parents de toxicomanes qui visent à s'échanger des informations, expériences permettant ainsi d'adopter une pluralité d'approches et de points de vue sur les problèmes auxquels ils sont confrontés quotidiennement en temps que parent de toxicomane. Les groupes de parents promeuvent fréquemment des programmes de prévention adressés aux familles. Ce type de groupes existent toutefois très peu en Italie comme le note Riccardo Gatti1096(*). L'association «Genitori ed Amici «Insieme contro la Droga»» (Parents et amis «Ensemble contre la drogue») témoigne de ce nouveau rôle de la famille1097(*)1097(*). Cette association a été créée en 1987 auprès de la fondation Villa Maraini. Son motif premier était celui de se poser en groupe de pression auprès de l'administration communale de la ville de Rome face au refus de la municipalité de prendre en compte les difficultés financières de la Fondation. L'association a été également l'occasion pour les parents de confronter leurs expériences « personnelles » de la toxicomanie.

La famille constitue un acteur qui a pendant longtemps été marginalisé. Cela s'explique aussi bien par les réticences de la famille elle-même à reconnaître son implication que celles des intervenants de la toxicomanie à accepter qu'un acteur extérieur puisse contribuer au travail de prévention et de thérapie qui leur incombe. Les ressources familiales sont cependant cruciales et ne peuvent pas être négligées que ce soit en terme de prévention ou de soin de la toxicomanie. La famille a longtemps été écartée du dispositif avant tout parce qu'elle était considérée comme fautive du comportement toxicomaniaque. Les toxicomanes, considérés soi comme les principaux responsables de leur toxicomanie, soi à l'inverse comme totalement irresponsables, sont restés les objets du système de soin sans qu'on leur accorde un droit d'entrée dans le champ clos de la toxicomanie.

2.3.2.2 Les toxicomanes comme acteurs du champ de la toxicomanie : la naissance des groupes d'autosupport

Les groupes d'autosupport constituent un phénomène significatif de l'intervention des toxicomanes1098(*). Ces groupes ont en commun un type de compétence légitimée non par un diplôme mais par une expérience vécue. L'intervention des toxicomanes au sein du champ de la toxicomanie s'effectue désormais de façon distincte, il s'agit avant tout de militants qui prétendent occuper un rôle spécifique au nom de leur compétence personnelle. Les groupes d'autosupport ont connu un important développement en France au début des années quatre-vingt-dix. L`épidémie de VIH/Sida a donné naissance à plusieurs associations face à l'inefficacité des pouvoirs publics1099(*). Les groupes d'autosupport ont bénéficié dès lors d'une forte reconnaissance des autorités publiques1100(*)1100(*). Les groupes de toxicomanes d'autosupport sont en revanche très peu diffusés en Italie1101(*). Deux types de groupe d'auto-support sont apparus en France, l'un est semblable au modèle anglo-saxon de « self-help » (groupes d'entraide), représenté par les Narcotiques Anonymes, et l'autre correspond au modèle hollandais (Rotterdam Junkie Bond) de « l'interest group » (groupe d'intérêt), représenté par l'association Auto-Support des Usagers de Drogue (ASUD)1102(*).

Les groupes d'entraide existent pour de nombreuses pathologies1103(*) (épilepsie, diabète, alcoolisme, etc.) et présentent un double objectif : un échange d'information sur le sujet et une amélioration des capacités individuelles à vivre le problème grâce au partage d'expériences extérieures. Les groupes de pairs sont pourtant peu développés dans le secteur de la toxicomanie aux opiacés, ils correspondent surtout au tabagisme ou à l'alcoolisme. Ce processus rentre dans le cadre d'une prévention tertiaire, c'est à dire dans le but de prévenir la rechute d'anciens consommateurs de substances1104(*). Ce modèle calqué sur le mouvement des Alcooliques Anonymes, présente de fortes parentés avec les communautés thérapeutiques1105(*) : traitement prenant le comportement pathologique comme objet, soutien par le groupe des pairs. Mais alors que les communautés thérapeutiques s'appuient sur les ressources de l'espace clos et de la rupture avec la vie ordinaire, c'est dans la cité que les Narcotiques Anonymes déploient leur réseau d'autosupport.

Les Narcotic Anonimous ont été fondés en 1953 à Los Angeles en Californie1106(*). L'idée se fonde sur l'expérience des Alcoolistes Anonymes effectuée à New York durant les années trente. Quelques toxicomanes ayant trouvé de l'aide chez les Alcooliques Anonymes décidèrent d'adapter ce programme à leurs besoins spécifiques. Pendant plusieurs années, l'association s'est développée lentement, touchant les autres grandes villes américaines, puis l'Australie dans les années 1970. Elle a pris son plein essor à partir des années 1980, plusieurs milliers de groupe fonctionnant aujourd'hui dans le monde (Brésil, Colombie, Allemagne, Inde, Irlande, Japon, Nouvelle-Zélande, Angleterre...). En France, la première réunion des Narcotiques Anonymes s'est tenue à Paris en 1984. L'association s'est développée au cours des années quatre-vingt à Paris mais aussi à Nice, Lille ou encore Marseille. Actuellement, en 1996 chaque semaine, quarante et une réunions se déroulent dans la région parisienne, dont quatre en langue anglaise Elles sont fréquentées selon les estimations par 500 à 600 personnes.

Les Narcotiques Anonymes considèrent la toxicomanie comme une maladie de la dépendance1107(*)1107(*). La dépendance est envisagée comme une maladie physique (incapacité de s'arrêter après avoir commencé), mentale (désir insurmontable de consommer, même si cela détruit l'existence) et spirituelle (égocentrisme ou impression de pouvoir s'arrêter en dépit de l'évidence du contraire). C'est une maladie incurable (comme le diabète), sa progression peut être arrêtée, le rétablissement est possible, mais non la guérison. Une personne ayant été toxicomane ne peut pas établir un rapport équilibré avec la substance. L'unique solution serait alors d'intégrer l'identité de « malade chronique » et ne plus avoir de rapports avec la substance. C'est, par exemple, ce que l'on peut voir chez les anciens alcooliques. Les Narcotiques Anonymes encouragent donc ses membres à observer une abstinence complète de toute drogue, alcool inclus. La thérapie consiste également à retrouver une nouvelle conception de soi-même mais aussi un nouveau rapport à autrui1108(*). Le but est de promouvoir certaines valeurs fondamentales telles que l'honnêteté, l'ouverture d'esprit et la bonne volonté.

Les membres de NA refusent l'utilisation de toute substance dont les programmes de substitution. La notion d'expertise technique est peu présente au sein de NA, il ne s'agit pas de participer à la définition et l'orientation des politiques publiques en matière de toxicomanie. Les compétences apportées par NA relève de l'ordre thérapeutique : « La valeur thérapeutique de l'aide apportée par un dépendant à un autre est sans égale. Un dépendant est la personne la mieux placée pour comprendre et aider un autre »1109(*)1109(*). Le groupe fonctionne à partir du principe d'identification, il s'agit de voir dans l'autre usager un modèle1110(*). Les groupes d'autosupport fondent et légitiment également leur compétence sur une expérience de vie. Il s'agit de faire reconnaître la légitimité des usagers de drogue à intervenir dans leur propre sphère. Ces groupes de toxicomanes autogérés sont d'ailleurs souvent apparus, comme c'est le cas en Italie, à partir d'une critique des intervenants de la toxicomanie.

« L'autosupport peut être définie comme une volonté des patients de mettre l'accent sur leur expérience et leur autonomie pour se soigner, s'aider ou défendre leurs droits. L'autosupport part du principe que les besoins des patients ne sont pas suffisamment, ou mal, pris en compte par les institutions et les professionnels : le soutien entre pairs leur apparaît comme une manière de pallier ces déficiences »1111(*)

Dans la lignée de NA, l'association Auto Support des Usagers de Drogue (ASUD) s'est constituée en France en 1992, par la publication d'un Manifeste dans lequel est dressé un constat catastrophique de la situation sanitaire et sociale des usagers de drogue en France1111(*). ASUD se distingue néanmoins radicalement de NA du fait qu'elle ne souhaite pas simplement avoir un rôle thérapeutique mais aussi politique en affirmant les droits des toxicomanes. L'éditorial du premier numéro de ASUD journal affirmait : « Des usagers de drogue qui s'organisent pour prendre, ou pour reprendre, la parole...pour témoigner, pour se faire l'écho de nos premiers pas d'usagers citoyens responsables à part entière...Nos priorités : d'une part la prévention des risques sanitaires qui nous menacent (à commencer par le Sida) et d'autre part le respect des droits de l'homme. Que ce journal soit comme un pavé blanc dans la mare des préjugés et des indifférences... »1113(*).

D'où une première distinction entre les deux associations : tandis que NA vise à endiguer les conduites d'usage de drogues, ASUD a pour objectif de prévenir les comportements à risques. Les revendications d'ASUD portent aussi sur l'extérieur c'est à dire envers la société elle-même (suppression de l'injonction thérapeutique, accès facilité aux seringues, mise en place de programmes de méthadone, etc). ASUD Journal, conçu pour et par des toxicomanes, sert de support au développement de l'association. L'intérêt de la participation des toxicomanes aux actions de réduction des risques se fonde sur l'hypothèse suivante : « Pour que l'information soit entendue, comprise, et surtout produise un changement de comportement, elle doit pouvoir s'intégrer aux comportements habituels d'un groupe social donné. Autrement dit, un groupe social ne peut s'approprier un nouveau comportement si un changement n'apprait pas justifié par les normes et les valeurs du groupe. Ces normes et ces valeurs sont difficilement maîtrisables de l'extérieur »1114(*)1114(*).

La principale revendication (au delà de la mise en place des programmes de substitution) d'ASUD est le partage de l'expertise afin qu'elle ne soit plus réservée aux professionnels de la toxicomanie. Il s'agit de faire reconnaître la légitimité des usagers de drogue à intervenir dans leur propre sphère. Cette reconnaissance a été facilitée du fait de l'existence préalable de groupe d'autosupport dans le champ du Sida qui ont promu la figure du « patient réformateur »1115(*). L'association publie diverses brochures informatives (souvent en collaboration avec les pouvoirs publics) qui font passer un message de prévention « accessible » dans le but de faire profiter aux usagers de drogue de l'expérience accumulée par la communauté. ASUD a mis également à la disposition des intervenants en toxicomanie un ensemble d'usagers de drogue aptes à collaborer à des dispositifs de réduction des risques (bus d'échange de seringues, boutiques, etc.). Ils jouent alors un rôle de médiateur entre les usagers et les institutions aussi bien dans la prévention que dans le soin de la toxicomanie1116(*).

Les deux modèles de ASUD et NA présentent de nombreuses distinctions. ASUD se présente avant tout comme un groupe de pression qui cherche à faire reconnaître son expertise auprès des autorités publiques afin d'exercer un droit de parole dans la définition des politiques de la toxicomanie. Pour le groupe NA, en revanche, il ne s'agit pas de mener une lutte sociale mais d'affronter la substance elle même. NA n'exerce aucune action directe au sein de l'espace publique, il s'agit avant tout d'un groupe de parole1117(*). Pourtant les deux cas traduisent un même phénomène : la reconnaissance et l'affirmation du toxicomane comme acteur. Les groupes d'auto-support constituent le moyen de réintégrer le toxicomane non seulement au sein du dispositif sanitaire (comme par le biais des Narcotiques Anonymes) mais également au coeur de la définition des politiques publiques (comme par exemple avec ASUD). Le toxicomane est passé du rôle de « malade/ délinquant/ victime » à celui de protagoniste.

Conclusion

L

e principe de la réduction des risques a été reconnu et affirmé au cours des années quatre-vingt-dix par l'ensemble des politiques européennes en matière de toxicomanie. Ce phénomène a permis de réduire de façon drastique les risques liés à l'infection de VIH/Sida et d'éviter de ce fait une catastrophe sanitaire. Son application a cependant donné lieu a des situations profondément hétérogènes. C'est ainsi que certains pays ont bénéficié d'une longueur d'avance (Royaume-Uni, Pays-Bas), d'autres ont réussi à mettre en place une réduction des risques de façon tardive mais avec succès (Suisse, Allemagne) tandis que d'autres pays enfin, comme la France et l'Italie, ont fait preuve de nombreuses résistances au changement de politique dont le bilan reste très contrasté. Les raisons de cette transition difficile méritent d'être résumées.

Les études comparatives posent de façon systématique la question de l'ordre des facteurs explicatifs entre le général et le particulier. Dans leur ouvrage visant les succès et les échecs des politiques publiques, M.Bovens, P.'t Hart et G. Peters ont tenté d'isoler et de hiérarchiser ces facteurs1118(*). Ils en concluent au rôle déterminant des facteurs institutionnels, en premier lieu ceux liés aux traditions et à l'organisation des secteurs. Ils isolent en outre deux principes discriminatoires au niveau du contexte national et politique : d'une part, le style consensuel ou conflictuel adopté dans la conception et la conduite des politiques ; d'autre part, le type de rapports établis entre les intervenants gouvernementaux et ceux de la société civile. Monika Steffen déduit à partir de ces facteurs un principe : « Lorsqu'il s'agit de traiter un problème nouveau, encore mal défini et en évolution rapide, la chance de courir à l'échec est d'autant plus grande que l'empreinte du passé est forte et que les réseaux sont fermés »1119(*). Ces principes fournissent des clefs d'analyse utiles à la compréhension des cas français et italien.

L'exception française s'explique à la fois par la tradition culturelle et par une résistance au changement des différentes catégories d'acteurs1120(*). Le système français de prise en charge de la toxicomanie s'est progressivement constitué au cours des années soixante-dix autour d'une culture thérapeutique spécifique et homogène : dans le cadre d'un objectif d'abstinence, lui-même lié à un modèle de santé curative, les professionnels de la toxicomanie retenaient la psychothérapie comme seul outil thérapeutique valable et rejetaient de ce fait une médicalisation du traitement. Le dispositif de la toxicomanie est devenu progressivement autonome au cours des années quatre-vingt au détriment des pouvoirs publics qui sont demeurés pendant longtemps des dispensateurs de crédits n'osant pas remettre en cause le consensus établi par les spécialistes.

L'épidémie de VIH/Sida a fortement contribué à déstabiliser l'équilibre précédemment établi en remettant en cause les finalités du système. Ce processus n'a cependant pas été immédiat. L'amalgame Sida/toxicomanie a été pendant longtemps refusé aussi bien par les professionnels de la toxicomanie que par la classe dirigeante française. La lutte contre la toxicomanie et la lutte contre le Sida étaient considérées comme deux politiques distinctes, ce qui a retardé la prise en charge du problème. Le principal vecteur de transformation fut la contestation qui eu lieu de la part des intervenants extérieurs au dispositif spécialisé, et notamment des médecins généralistes libéraux et des praticiens du domaine hospitalier. Dès lors une première brèche était créée au sein du champ hermétique de la toxicomanie. Ce n'est toutefois que suite à l'affaire du sang contaminé que les pouvoirs publics mirent en place une politique de réduction des risques de façon soudaine. Les programmes de substitution se multiplièrent et ceux qui auparavant critiquaient avec vigueur le principe de la réduction des risques en devinrent les plus valeureux défenseurs.

La transition italienne à la réduction des risques fut tout aussi difficile qu'en France bien que moins spectaculaire. La politique italienne est marquée par de nombreuses ruptures et une absence de continuité sur le long terme. Celle-ci s'explique par le caractère fortement consensuel des politiques publiques italiennes et par l'impossibilité des pouvoirs publics à réaliser un accord entre les parties1121(*). C'est ainsi que les traitements de substitution développés dès la fin des années soixante-dix ont fait l'objet d'un retrait en réponse à l'émergence d'une nouvelle conception de la toxicomanie comme malaise social. Un consensus s'est alors formé au cours des années quatre-vingt entre les acteurs du privé social, et notamment les communautés thérapeutiques qui reposent sur une approche comportementaliste, et les services spécialisés qui furent délaissés par les pouvoirs publics. La législation sur les stupéfiants, auparavant progressiste, fut l'objet d'un retournement prohibitionniste en 1990 sous le poids des intérêts électoraux. Le soutien aux communautés fut réinscrit comme une priorité de l'action publique tandis que la réduction des risques commençait à être timidement reconnue. C'est surtout après le référendum de 1993 et les conférences nationales de Palerme (1993) mais surtout de Naples (1997) que la réduction des risques devint un enjeu de santé publique.

Le passage à la réduction des risques a permis d'obtenir en Europe de larges retombées sanitaires. La menace de l'épidémie de VIH/Sida fut contenue : la prévalence de l'infection à VIH chez les consommateurs de drogues par voie intraveineuse est restée faible en Allemagne (3,8% entre 1996 et 19991122(*)) et au Royaume-Uni (1%, 1996-1999), elle a fortement diminué en Italie (16,2 entre 1996 et 1999 contre 30,8% en 19901123(*)) et en France (environ 16,4 entre 1996 et 1999 contre plus de 30% en 1990). La part des toxicomanes dans les cas de Sida déclarés a également chuté de façon générale depuis 1995. Ces résultats doivent cependant être modérés par l'existence de pratiques à risques qui limitent les effets des interventions de prévention. Certains lieux demeurent globalement réfractaires à la prévention des risques, telles que les prisons françaises et italiennes où l'échange de seringues n'a pas encore lieu de façon systématique et où les traitements de substitution restent marginaux.

La prévention des risques connaît également de fortes inégalités d'application territoriales. Bien qu'elle soit apparue initialement grâce à l'initiative de quelques acteurs associatifs ou de santé locaux, notamment au Royaume-Uni, en Allemagne et aux Pays-Bas, la politique de réduction des risques requiert une action centralisée des pouvoirs publics afin de garantir son application sur l'ensemble du territoire. Les pouvoirs publics italiens restent cependant très hésitants et la trop forte décentralisation, voire délégation, aux structures publiques et privées empêche l'homogénéisation des pratiques. L'efficacité de la réduction des risques dépend de la capacité des différents acteurs à intervenir de façon concertée. C'est pourquoi son application passe par l'élaboration d'une culture de la réduction des risques. Celle-ci n'est apparue que très partiellement au Royaume-Uni ou en Allemagne et fait encore plus fortement défaut à la France ou l'Italie.

La réduction des risques ne se limite pas à un ensemble de dispositions sanitaires. Certains pays comme la Suisse ou encore les Pays-Bas ont cherché à apporter aux toxicomanes une amélioration de leurs conditions de vie, notamment par le biais d'une série de mesures sociales. Celles-ci avaient pour objectif de permettre à terme une stabilisation comportementale des usagers de drogues. La France et l'Italie ont en revanche adopté une vision plus restrictive de la réduction des risques qui se limite à l'aspect sanitaire. Il existe pourtant une seconde définition qui se caractérise par une prise en charge globale du toxicomane. La réduction des risques n'est pas, comme le rappelle Grazia Zuffa, une stratégie univoque1124(*). Elle peut se réduire à une série d'intervention d'urgence visant à contenir les risques infectieux, ou bien au contraire, elle peut s'apparenter à une nouvelle forme de politique sociale : « A partir de cette approche [la réduction des risques] a pris la défense des droits des toxicomanes. Seul l'exercice des droits rattachés à la citoyenneté peut protéger de l'exclusion sociale ». Le nouveau principe des politiques publiques de toxicomanie doit conduire à une mise en réseau des acteurs notamment des secteurs sanitaires (spécialisés et de droit commun) et sociaux dont le toxicomane serait le centre1125(*).

La politique de réduction des risques a remis en cause les relations de pouvoir qui s'étaient établies entre le système de prise en charge spécialisé et le toxicomane. Celui-ci était auparavant considéré comme l'objet des interventions, de prévention ou de soin, dont il restait fondamentalement extérieur. Les spécialistes justifiaient la soumission du toxicomane aussi bien sur la base de considérations scientifiques (détenteurs d'un savoir) que de principes moraux (l'échec et la faute personnel). Le passage à la réduction des risques a constitué une révolution copernicienne en matière de toxicomanie en plaçant le consommateur de drogues au centre de l'attention. Les usagers, mais aussi le groupe et la communauté, sont porteurs de pratiques qui constituent un message participant au processus de prévention. Le toxicomane est perçu comme le détenteur d'une praxis, un savoir-faire, qui participe aux interventions de prévention. L'usager de drogues devient un acteur à part entière du champ de la toxicomanie. Des associations d'auto-support ont par exemple pris place au cours des années quatre-vingt-dix en Europe, comme il a été établi pour le cas français, au domaine autrefois réservé aux seuls spécialistes, notamment en matière d'entraide et de groupes de revendications politiques. La réduction des risques rend la parole sociale aux toxicomanes1126(*).

La réduction des risques comporte, outre l'aspect sanitaire et la dimension sociale, une forte symbolique culturelle. Les précédents modèles de prise en charge des toxicomanes étaient focalisés sur les modes de consommation qui génèrent un état pathologique. Les consommateurs de substances n'étant pas l'objet d'états pathologiques ne bénéficiaient pas d'une prise en charge par les services sanitaires1127(*). La toxicomanie était au centre du dispositif sanitaire au détriment des usagers de substances (non-toxicomaniaques). Cette approche empêchait la mise en évidence des processus sociaux qui sont à l'origine de l'état de toxicomanie. La réduction des risques a contribué à inverser l'ordre des priorités : l'abstinence n'est plus perçue comme un objectif fondamental mais la prévention des risques (sanitaires et sociaux) liés à l'usage devient fondamentale. Le rejet social (déviance) et la pénalisation des drogues sont décrits comme des causes de fragilisation des usagers qui facilitent le passage à la toxicomanie. La répression des comportements laisse désormais place à l'idée d'un auto-contrôle. On assiste à l'émergence de nouvelles problématiques, catégories et pratiques qui participent à la remise en cause de l'idéal normatif d'une société sans drogues1128(*). L'usage de substances est dès lors en voie de normalisation.

Il est important au terme de cette réflexion d'apporter une réponse à la problématique envisagée initialement : quel lien existe-il entre la signification de la réduction des risques et son application ? La réduction des risques est un principe qui passe non seulement par une prise en charge globale, sanitaire et sociale, des usagers de substances, mais aussi par un renouveau conceptuel des cadres socioculturels de la compréhension des drogues, la réduction des risques est un nouveau paradigme de l'interprétation des drogues. Les politiques strictement sanitaires (France, Italie) ou encore celles qui refusent l'idée d'une « normalisation » (Royaume-Uni, Allemagne) des comportements demeurent prisonnières du paradigme prohibitionniste, elles se situent entre deux âges de la toxicomanie : celui de la réduction de la demande et celui de la réduction des risques.

Il est important d'évoquer la notion d'« apprentissage » qu'introduit Monika Steffen au sujet des politiques en matière de Sida. Il s'agit des évolutions structurelles qui ont été rendu possible par la gestion du problème. La transition au principe de la réduction des risques a permis de façon générale en Europe deux évolutions majeures. Cette évolution a tout d'abord eu lieu à travers un processus spécifique qui a favorisé l'émergence d'un nouveau concept : une culture de la santé publique. Fassin remarque que l'argument de la santé publique est très récurrent dans la défense de la réduction des risques. Il s'agit de légitimer cette politique en faisant exister le problème comme une question de santé publique. Ce processus a lieu non seulement sous l'action des pouvoirs publics mais aussi grâce à l'intervention des acteurs locaux1129(*). Un discours de la santé publique semble émerger : « Ce qui est remarquable [...] c'est la manière dont les problèmes sociaux trouvent, non leur solution, mais leur expression, la plus autorisée dans le langage de la santé publique »1130(*).

On peut remarquer avec Monika Steffen que ce phénomène est général aux politiques en matière de Sida1131(*). Cette culture de la santé publique est cependant nettement plus visible en France, pour qui le degré d'apprentissage a été le plus élevé, qu'en Italie. Cette différence s'explique par le mode de transition. La France a connu, à travers le passage à la réduction de risques mais de façon plus générale par le biais de la politique sanitaire en matière de Sida, une rupture soudaine qui a remis en cause l'ensemble des relations de pouvoir et des conceptions établies jusque là. Le niveau d'apprentissage a été très élevé : « Aux réformes visant le dispositif de santé publique s'ajoutent les changements favorisant la coodination gouvernementale et un style désormais plus consensuel dans la conduite des politiques de santé publique. La profondeur du changement français répond à un véritable rattrapage historique sous la pression d'une crise »1132(*). L'Italie a en revanche effectué une transition « plus douce », ceci s'explique par la non remise en cause de la politique prohibitionniste qui a d'ailleurs tenté d'établir une continuation entre la loi Jervolino-Vassali de 1990 et la politique de réduction des risques, deux modèles qui restent pourtant inconciliables. Les autorités publiques n'ont pas fait, en outre, l'objet d'une contestation sociale très forte.

Le second enseignement né du passage à la réduction des risques est la formation d'une culture de l'évaluation. Le principal obstacle à la réduction des risques a été, notamment en France, le manque d'évaluation des pratiques thérapeutiques qui ont permis de maintenir en l'état les rapports de force établis. La réduction des risques inaugure au contraire l'ère de l'évaluation. Celle-ci doit être entendue d'une part comme une évaluation des structures et des pratiques thérapeutiques, comme il a été fait par exemple pour la méthadone et le Subutex. Il s'agit d'autre part d'évaluer les statégies de prevention1133(*). L'évaluation ne doit pas seulement être une phase d'un programme mais doit devenir un processus continu mis en place quotidiennement par les opérateurs de toxicomanie. C'est pour cela, comme le rappelle Nizzoli, qu'« il est nécessaire de diffuser une culture de l'évaluation parmi les intervenants »1134(*). Là aussi, l'inégalité d'apprentissage entre la France et l'Italie est flagrante. L'utilisation de la méthadone qui a lieu au sein des Sert italiens ne donne lieu à aucune évaluation. En revanche, le rapport remis à Bernard Kouchner sur la méthadone1135(*) ou encore celui établi récemment par le Conseil national du sida1136(*), cité à de nombreuses reprises, illustrent la capacité française à mettre en place un processus d'évaluation. Reste à savoir de quel suivi politique bénéficiera cet effort d'évaluation ?

La reconnaissance du principe de la réduction des risques est quasi-unanime en Europe. cela ne doit cependant pas faire croire que le prohibitionnisme a cessé d'être. Alors même qu'on assiste à une transformation des politiques nationales en matière de toxicomanie, les normes internationales, notamment celles de l'ONU, restent ciblées vers une répression et une criminalisation des usages de stupéfiants1137(*). Les Etats européens, comme le rappelle Grazia Zuffa, sont d'ailleurs tous signataires des conventions internationales qui restent les principales garantes des mesures répressives. L'assemblée générale des Nations-Unies déclarait dans une session spéciale consacrée à la drogue en juin 1998 :  « A drug free world, we can do it » ou « Un monde sans drogues est possible »1138(*). Les programmes de réduction des risques ne doivent par conséquent pas masquer que la priorité de chaque pays demeure la répression. Le dernier plan anglais de lutte contre la toxicomanie allouait par exemple 75% des ressources en faveur de la répression et de la justice pénale. La Suisse lui attribue quant à elle 50% des crédits.

Certains évoquent, comme c'est le cas notamment de Grazia Zuffa, une perspective « répressive » de la réduction des risques1139(*). Celle-ci serait conçue comme un moyen de prolonger le contrôle social, exercé auparavant par la loi, par le moyen d'instruments médicaux. Les nouveaux enjeux de santé publique justifieraient l'exercice d'un pouvoir normalisateur1140(*). Il s'agirait d'une médicalisation du contrôle social qui traduirait, selon l'analyse initiée par Foucault, l'émergence d'un biopouvoir ou d'une bio-politique1141(*). Cette réponse peut sembler exagérée, elle a toutefois le mérite de souligner les écarts d'interprétation dont fait l'objet la réduction des risques. La réduction des risques part de considérations pratiques, auxquelles elle tente d'apporter une réponse réaliste. Elle marque le passage d'une politique de lutte contre les drogues à une politique de contrôle.

« Les politiques de l'Occident sont prises dans un curieux mouvement de balancier. Les politiciens tour à tour s'inquiètent et se rassurent, glissent de la répression à la compréhension, passent de la brutalité au laxisme. Il est temps, désormais, d'arrêter un pendule qui fait osciller les drogues entre la maladie et le crime. Il faut se résigner : il n'est pas de solution finale, ni douce, ni violente. Après la grande épidémie des années soixante, on sait qu'il s'illusionne celui qui s'acharne à rayer les vertigineux poisons de notre vie. Il ne faut jamais que traiter, de façon précaire, un problème appelé à renaître sans cesse, sous des visages nouveaux. Exiger « un monde sans drogue », pour reprendre un slogan qui eut son heure de gloire, c'est proférer une aberration. Le dragon renaîtra toujours de ses cendres. Plutôt que d'espérer l'anéantir, mieux vaut le dresser »1142(*).

Index des abréviations et des sigles

AMM : Autorisation de mise sur le marché

ANAT : Association nationale d'aide aux toxicomanes

ANIT : Association nationale des intervenants en toxicomanie

APA : Association américaine de psychiatrie

ASI : Addiction severity index

ASUD : Association auto-support et prévention du VIH parmi les usagers de drogue

BHD : Buprénophine à haut dosage

CAL 70 : Collectif pour l'abrogation de la loi de 70

CCNE : Comité consultatif national d'éthique

CFES : Comité français d'éducation à la santé

C.E.I.S : Centro italiano di solidarietà

CIRC : Collectif d'informations et de recherches cannabiques

CNDT : Centre national de documentation sur les toxicomanies

CNS : Conseil national du sida

CSN : Consiglio sanitario nazionale

CSST : Centre de soins spécialisés pour toxicomanes

CT : Communautés thérapeutiques

CTT: Coordinamento tecnico territoriale 

DDASS : Direction départementale des affaires sanitaires et sociales

DDP : Dipartimento per le dipendenze pathologiche .

DGLDT : Délégation générale à la lutte contre la drogue

DGS : Direction générale de la santé

EMCCDA: European monitoring centre for drug addiction

ILS : Infractions à la législation sur les stupéfiants

INSERM : Institut national de la santé et de la recherche médicale

INVS : Institut national de veille sanitaire (ex RNSP)

IREP: Institut de recherche en épidémiologie de la pharmacodépendance

MDM : Médecins du monde

MILDT : Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie

MLC : Mouvement de la légalisation contrôlé

NA : Narcotiques anonymes

OCRTIS :Office central de répression du trafic illicite de stupéfiants

OEDT : Observatoire européen des drogues et des toxicomanies

OFDT : Observatoire français des drogues et des toxicomanies

ONLUS : Organizzazione non lucrativa di utilità sociale

ONUSIDA : Programme commun des Nations-Unies pour la lutte contre le sida

l'OMS : Organisation mondiale pour la santé

PNSD : Plan nacional sobre drogas

PSN : Piano sanitario nazionale

REITOX : Réseau européen d'information sur les drogues et les toxicomanies

SERT : Servizi d'assistenza ai tossicodipendenti

SESI :Service de statistiques, des études et des systèmes d'information, ministère de la Santé

SSN : Servizio sanitario nazionale

TGI : tribunaux de grande instance

TIV : Toxicomanes intraveineux

USL : Unità sanitaria locale

VIH : Virus de l'immunodéficience

Bibliographie

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Table des matières

Introduction 6

PARTIE 1: DROGUES, TOXICOMANIE ET ACTION DES POUVOIRS PUBLICS

1 Les paradigmes de compréhension de la toxicomanie: de la drogue au consommateur 16

1.1 La naissance de la toxicomanie 15

1.1.1 Le développement historique des drogues 15

1.1.1.1 Des premières civilisations à l'Europe moderne 15

1.1.1.2 De l'hédonisme à la toxicomanie 20

1.1.2 La construction sociale de la toxicomanie 24

1.1.2.1 Une évolution socio-historique 24

1.1.2.2 Les paradigmes explicatifs en matière d'usage de drogues 27

1.2 Pharmacologie et épidémiologie des substances 30

1.1.2 La connaissance des substances : drogues, usages et toxicomanies 31

1.1.2.1 Une classification des substances selon le critère de la dangerosité 31

1.1.2.2 Les usages et mésusages des substances: de la toxicomanie à la dépendance 34

1.2.2 Epidémiologie des substances et des consommateurs 36

1.2.2.1 Les substances et leur usage 38

1.2.2 Sociologie des toxicomanes : les « profils à risque » 45

1.3 De la substance à l'acteur 52

1.3.1 Le législateur face aux drogues : entre jugements normatifs et considérations pragmatiques 52

1.3.1.1 Le clivage légal/illégal 52

1.3.1.2 Drogues douces/dures : une distinction empirique 55

1.3.2 L'approche comportementaliste ou la prépondérance de l'usage 57

1.3.2.1 Usage récréatif et usage nocif 57

1.3.2.2 Le consommateur intégré : mythe ou réalité ? 60

2 Les Etats face à la toxicomanie 64

2.1 Une réponse uniforme : l'alliance répression/soin 64

2.1.1 De la répression à la coopération entre Etats 64

2.1.1.1 Un droit international répressif 64

2.1.1.2 Les politiques européennes en matière de drogues : entre répression et coopération 68

2.1.2 L'homogénéité des politiques publiques nationales 70

2.1.2.1 De la prohibition à la criminalisation 70

2.1.2.2 Soigner en réprimant : la représentation du « malade-délinquant » 77

2.2 La mise en place du modèle « soin/répression » dans des contextes spécifiques : la France et l'Italie 80

2.3.1 Un modèle répressif français uniforme 80

2.3.1.1 La prépondérance d'une logique répressive 81

2.3.1.2 La loi du 31 décembre 1970  ou l'aboutissement du modèle répressif 84

2.3.2 L'inconstance des politiques italiennes en matière de toxicomanie 87

2.3.2.1 Une législation progressiste motivée par une exigence de contrôle social 88

2.3.2.2 Le retournement prohibitionniste de 1990 : la loi « Jervolino-Vassali » 90

PARTIE 2: LES POLITIQUES PUBLIQUES A L'EPREUVE DE LA REDUCTION DES RISQUES

1 Un nouveau modèle d'action publique 99

1.1 L'émergence d'un nouveau paradigme 100

1.1.1 L'ébranlement du modèle prohibitionniste 100

1.1.1.1 Répondre à une urgence sanitaire: la pandémie de Sida 100

1.1.1.2 Du Public Health à la réduction des risques 103

1.1.2 Un paradigme de nature sanitaire ou socioculturelle ? 105

1.1.2.1 Prévenir les risques sanitaires et sociaux 105

1.1.2.2 Une « normalisation » de la consommation de drogues ? 110

1.2 L'Europe face au Sida 116

1.2.1 Le couple anglo-allemand : le succès de la réduction des risques 117

1.1.2.1 L'Allemagne : les Länder face à la résistance des pouvoirs publics 117

1.1.2.2 Le British System ou la culture du Public Health 120

1.2.2 Les modèles culturels du nouveau paradigme 124

1.2.2.1 La culture hollandaise de la réduction des risques 124

1.2.2.2 L'expérience helvétique des « 4 piliers » 128

1.3 France-Italie : les résistances à la réduction des risques 131

1.3. 1 La réduction des risques en France 132

1.3.1.1 Le champ professionnel autonome de la toxicomanie 132

1.3.1.2 La reconnaissance de la réduction des risques 136

1.3.2 La conciliation italienne entre répression et prévention 142

1.3.2.1 La « rupture en continuité » des politiques sanitaires italiennes 143

1.3.2.1 Un bilan en demi-teinte 145

2 La mise en place de la réduction des risques : dispositif, résultats et limites 151

2.1 Les instruments de la réduction des risques 151

2.1.1 De la prévention des risques sanitaires à la prévention de la toxicomanie 151

2.1.1.1 Les Programmes d'Echange de Seringues en France 151

2.1.1.2 Une culture de l'outreach work : vers une prévention globale de la toxicomanie 156

2.1.2 Substituer l'héroïne : vers un usage thérapeutique des drogues 164

2.1.2.1 Un principe reconnu universellement mais inégalement appliqué 164

2.1.2.2 La bataille française du méthadone 168

2.2 Un bilan sanitaire primordial : éviter la catastrophe 176

2.2.1 Le bilan sanitaire dans l'application du principe de réduction des risques : résultats, limites et nouveaux risques 177

2.2.1.1 Eviter la catastrophe : un bilan positif mais inégal 177

2.2.1.2 La persistance de pratiques à risques 189

2.2.2 Quelle réduction des risques en milieu carcéral ? 193

2.2.2.1 Les prisons italiennes face à au VIH/Sida : une politique de réduction des risques en trompe-l'oeil 196

2.2.2.2 Les prisons françaises: une prise en charge des séropositifs sans véritable réduction des risques 202

2.3 Les conséquences sociales et culturelles 206

2.3.1 Vers une normalisation de l'usage de drogues ? 206

2.3.1.1 Quand l'héroïne soigne 206

2.3.1.1 Une légalisation... à usage thérapeutique 209

2.3.2 Une révolution culturelle en matière de toxicomanie ? 213

2.3.2.1 Accepter l'intolérable : la dépénalisation de l'usage de drogue 213

2.3.2.2 Vers une culture de la réduction des risques 220

PARTIE 3: SOIGNER ET PREVENIR LA TOXICOMANIE

1 Pluralité et renouveau des conceptions du soin et de la prévention de la toxicomanie 226

1.1 Les inégalités des systèmes de prise en charge de la toxicomanie 228

1.1.1 Soigner la toxicomanie 229

1.1.1.1 Quel soin de la toxicomanie ? 229

1.1.1.2 Chaîne et réseau thérapeutique : prise en charge sectorielle et réseau de toxicomanie 234

1.1.2 Un champ institutionnel français autonome 240

1.1.2.1 Les années 70 : la formation d'un champ spécialisé 240

1.1.2.2 L'autonomisation du système autour de la référence de la psychanalyse 245

1.1.3 La recherche du consensus italien 249

1.1.3.1 Le Servizio Sanitario Nazionale (SSN) italien : conflictualité et absence de perspective 249

1.1.3.2 Un dispositif de prise en charge de la toxicomanie diversifié mais fragmenté 252

1.2 Prévenir les drogues ou prévenir les risques ? 258

1.2.1 Une prévention des usages de drogues 259

1.2.1.1 Une prévention à triple niveau 259

1.2.1.2 Les modèles de prévention : l'information, l'éducation et la promotion 265

1.2.2 Un renouvellement des politiques de prévention 269

1.2.2.1 De la prévention de la toxicomanie à la prévention des risques 269

1.2.2.2 Un nouvel acteur de la prévention : le toxicomane. Autocontrôle, peer education et counselling. 274

1.3 Le renouveau de la prise en charge des toxicomanes 280

1.3.1 Les traitements de substitution 280

1.3.1.1 Quelles substitutions ? 280

1.3.1.2 La substitution à la française : Subutex® Versus Méthadone 288

1.3.2 Les mesures alternatives : entre soin et répression 299

1.3.2.1 L'affidamento à l'italienne : une délégation des pouvoirs publics en faveur du secteur privé 300

1.3.2.2 L'injection thérapeutique française en question 304

2. Les réseaux thérapeutiques 311

2.1 Entre ville et société : les communautés thérapeutiques 311

2.1.1 Dispositif thérapeutique ou groupuscules idéologiques ? 311

2.1.1.1 Un modèle thérapeutique socio-comportementaliste 312

2.1.1.2 Un essor inégal entre la France et l'Italie 319

2.1.2 La mise en place de la réduction des risques au sein des communautés thérapeutiques : l'exemple de villa Maraini 328

2.1.2.1 Une « philosophie » d'intervention comme point de départ 328

2.1.2.2 Un réseau de services intégrés centrés autour du toxicomane 333

2.2 Le dispositif de soin spécialisé 338

2.2.1 La diversité des services de soin spécialisés 339

2.2.1.1 Nature et fonction des services spécialisés 339

2.2.1.2 Les Centres de Soins Spécialisés de la Toxicomanie : un effort de médicalisation de la prise en charge 342

2.2.2 Les Services spécialisés italiens, les Sert : une abscence de culture thérapeutique homogène 344

2.2.2.1 Un système de soin spécialisé trop inégal 344

2.2.2.2 « Méthadonisation » ou prise en charge globale ? La logique thérapeutique face aux exigences sécuritaires 347

2.3 Les acteurs marginalisés du champ de la toxicomanie 351

2.3.1 L'émergence du dispositif de droit commun 351

2.3.1.1 Les carences du système hospitalier et pénitentiaire 351

2.3.1.2 Le dispositif de médecine de ville 356

2.3.2.1 La reconnaissance du rôle de la famille 362

2.3.2.2 Les toxicomanes comme acteurs du champ de la toxicomanie : la naissance des groupes d'autosupport 366

Conclusion 372

Index des abréviations et des sigles 381

Bibliographie 383

Résumé : Les politiques publiques en matière de toxicomanie ont connu un profond bouleversement au cours des années quatre-vingt-dix marqué par le passage au modèle de la réduction des risques. Celui-ci est un paradigme d'ordre sanitaire, social et culturel qui traduit une « normalisation » de l'usage de drogues dans nos sociétés. Les politiques italiennes et françaises ont en revanche adopté une définition très restrictive de la réduction des risques. Ils se situent entre deux modèles de politique ce qui est à mettre en lien avec les limites qu'ont connu leur application.

Mots clefs : Toxicomanie, drogues, politiques publiques, réduction des risques

* 1 Piccone Stella Simonetta, Droghe e tossicodipendenza, Il Mulino, Bologne, 1999, p.7

* 2 La définition juridique de drogue telle qu'elle a été formulée au niveau international au sein de l'Organisation des Nations Unies est double. Un premier groupe de substances correspond aux stupéfiants qui sont soumis à la Convention unique de 1961 et qui sont hiérarchisés en quatre groupe selon leur dangerosité et leur intérêt médical tandis qu'un second ensemble de drogue est constitué par les psychotropes médicamenteux, soumis à la Convention de Vienne de 1971. Dussausaye Eve, Politiques publiques de soins en matière de toxicomanie. Une spécificité française, Grenoble, IEP de Grenoble, Mémoire sous la direction de Martine Kaluszynski et Jean-Charles Froment, p.6.

* 3 Campedelli Massimo, Tossicodipendenza : punire un'allusione ?, op.cit, p.63.

* 4 Denis Richard, Jean-Louis Sénon, Dictionnaire des drogues, des toxicomanies et des dépendances, Paris, Larousse, Coll. « Les référents », 1999, p.161.

* 5 A. Bulow, « Kontrolliter Heroingenuss. Eine bishker kaum bekannte Konsumvariante«, in Kriminolosche Journal, XXI, n.2, 1989, p.20.

* 6 Zuffa G., I drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, op.cit., p.19.

* 7 Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit.,p.167

* 8 Une recherche a tenté de comparer les coûts des politiques publiques de trois pays (France, Etats-Unis et Pays-Bas) qui sont assez distinct : le coût public serait de 73 milliard de francs aux Etats-Unis (soit 1,3% du budget de l'Etat), 1,7 milliard aux Pays-Bas (0,32%) et 4,5 milliard en France (0,3%). ARMI (Association de recherche sur les marchés informels), Kopp P., Palle C., Vers l'analyse du coût des drogues illégales, Paris, OFDT, 1998, 80p.

* 9 Pierre Kopp, L'économie de la drogue, Paris, La Découverte, 1997.

* 10 Faugeron Claude, Kokoreff Michel, « Il n'y a pas de société sans drogues » : Un processus de normalisation ?, in Faugeron C., Kokoreff M., Société avec drogues. Enjeux et limites, Editions Erès, Ramonville Saint-Agne, 2002, pp.7-31.

* 11 Steffen Monika, Les Etats face au Sida en Europe, Presses Universitaires de Grenoble, Grenoble, 2001, p.30.

* 12 Steffen Monika, Les Etats face au Sida en Europe, Presses Universitaires de Grenoble, Grenoble, 2001, p.93.

* 13 Conseil national du sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre législatif, Rapport, avis et recommandations du Conseil national du sida, adoptés lors de la séance plénière du 21 juin 2001, responsable de la commission :Alain Molla, 163p.

* 14 Steffen Monika, Les Etats face au Sida en Europe, op.cit., p.94.

* 15 Ibid., p.32.

* 16 Cas de Sida déclarés, adultes, au 31 décembre 1999. Source : Centre européen pour la surveillance épidémiologique du Sida, Paris.

* 17 Ce travail de recherche est rédigé comme conclusion d'un stage d'un an réalisé au sein d'une communauté thérapeutique italienne, Villa Maraini, dont il sera question par la suite.

* 18 Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p.7.

* 19 Ehrenberg A., « Dépassement permanent », in Ehrenberg A., Mignon P., Drogues, politique et société, Paris, Ed. Descartes-Le Monde Editions, 1992.

* 20 Christian Bachmann et Anne Coppel, La drogue dans le monde, hier et aujourd'hui, Paris, Albin Michel, coll. « Points actuels », 666.p

* 21 Yann Bision, « l'évolution du contrôle de l'usage de stupéfiants »,in Usage de stupéfiants. Politiques européennes, Maria-Luisa Cesoni (dir.), Genève, Georg éditeur, 1996, pp.19-36.

* 22 Morel, Alain. (dir)., Prévenir les toxicomanies, Paris : Dunod, 2000, Thérapie ; 2000, p.319.

* 23 Morel, Alain. (dir)., ibid., p.9

* 24 Richard D., Pirot S., Senon J.L., « Les principales drogues » in Toxicomanies, Paris, Masson, 2000, pp.79-132.

* 25 Kane critique dès 1880 l'usage incontrôlé de morphine: « Il n'y a pas de procédé en médecine, pas de méthode qui soulage plus rapidement et plus durablement la douleur, pas de programme thérapeutique qui ait été utilisé avec si peu de précautions, pas de découverte thérapeutique qui ait causé à l'humanité de dommages plus durables que l'injection de morphine ». Kane H., The hypodromic Injection of Morphia, New York, C.L. Birmingham, 1880. Cf. Morel, Alain. (dir)., Prévenir les toxicomanies, op.cit.

* 26 Yann Bisiou, « l'évolution du contrôle de l'usage de stupéfiants », op.cit., p.22.

* 27 Richard D., Senon J-L., Dictionnaire des drogues, des toxicomanies et des dépendances, Paris, Larousse, 1999, p.96.

* 28 Bouchardat A., Nouveau Formulaire Magistral,1849, in Bachmann C., Coppel A., op.cit., p.40.

* 29 Expression de Blum R.H., Society and drugs, Jossey Bass Publishers, San Francisco, Washington, Londres, 1974, cité in Bachmann C., Coppel A., op.cit., p.28.

* 30 Un médecin de l'époque écrit alors : « Dans nos observations, nous avons trouvé des détails qui montrent combien est grande, en certains cas, la négligence de certains confrères. De recherches consciencieuses faites à ce sujet, il est résulté la conviction que les cas de morphinisme médical sont bien plus fréquents que les autres [...] Sur 55 morphinomanes de tous degrés, 37 ont eu pour origine de leur maladie, l'origine thérapeutique. Nos conclusions ont même été plus précises : sur ces 37 cas, l'origine thérapeutique a été 34 fois médicale, c'est-à-dire que la morphine a été ordonnée par le médecin 34 fois, et que son emploi a été absolmuent négligé et confié au malade lui-même, ce qui est une grande faute [...] Donc dans plus de trois-cinquièmes des cas, on doit incriminer l'action du médecin » Pichon G., Le Morphinisme, Paris, Douin, 1889.

* 31 Richard D., Pirot S., Senon J.L., « Les principales drogues », art.cit., p.92.

* 32 Angel P, Angel S., Valleur M., « Contexte, Drogues et Société », art.cit., p.12.

* 33 Thomas de Quincey, Les confessions d'un mangeur d'opium anglais, Paris, Gallimard, 1990 (1 ère édition 1822).

* 34 Angel P., Richard D., Valleur., « Contexte, Drogues et Société », in Toxicomanies, Paris, Masson, 2000, pp.9-55.

* 35 Charras Igor., « L'Etat et les « stupéfiants » : archéologie d'une politique publique répressive », Les cahiers de la sécurité intérieure, n°32, 2ème trimestre 1998, p.8.

* 36 Morel A.(dir.), Prévenir les toxicomanies, op.cit., p.10

* 37 Guimabail H., Les morphinomanes, Paris, Baillière et fils en 1891

* 38 Morel A.(dir.), Prévenir les toxicomanies, op.cit., p.15

* 39 Maier H.W., La cocaïne, Paris, Payot, 1928.

* 40 Coppel A., «Epidémies de drogues et lutte contre la toxicomanie. Approche historique», in. Guffens Jean-Marie, Toxicomanie, Hépatites, Sida, Synthélabo, coll. « Les empêcheurs de tourner en rond », 1994, pp.39-46.

* 41 Cancrini L. Quei temerari sulle macchine volanti. Studio sulle terapie dei tossicomani, NIS, Rome, 1982.

* 42 Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit, p.23.

* 43 Cf., Angel P., Richard D., Valleur M, « Contexte, Drogues et Société », in Angel P., Richard D.,Valleur.M, Toxicomanies, op.cit, p.12.

* 44 Courty Pascal, Le travail avec les usagers des drogues. Pour une approche humaine des soins, Ed. ASH, Paris 2001, 138.p.

* 45 Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit, p.25.

* 46 Cf., Angel P., Richard D., Valleur M, « Contexte, Drogues et Société », in Angel P., Richard D.,Valleur.M, Toxicomanies, op.cit, p.13.

* 47 Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p.26.

* 48 Courty P., Le travail avec les usagers des drogues, op.cit.,.22.

* 49 Ravenna M., Psicologia delle tossicodipendenze, Il Mulino, Bologna, 1997.

* 50 Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit, p.25.

* 51 « Mais la présence ininterrompue de la drogue dans l'histoire sert [...] à comprendre un autre aspect : la régularité et la fréquence avec laquelle le besoin humain de dépasser ses états de consciences, de multiplier ses capacités sensorielles, ou d'enlever la douleur et d'atteindre un état de catharsis, se manifeste en cherchant des solutions dans des directions diverses ». Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit, p. 11.

* 52 Angel P., Richard D., Valleur M, « Contexte, Drogues et Société », in Angel P., Richard D.,Valleur.M, Toxicomanies, op.cit, p.8.

* 53 « L'économie, la production, le marché, la société de masse ont radicalement transformé l'échelle des consommations et des comportements sociaux ». Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit.

* 54 Ehrenberg A., L'individu incertain, Paris, Calman-Lévy, 1995, pp.10-16 ; Ehrenberg A., « Dépassement permanent », in Ehrenberg A., Mignon P., Drogues, politique et société, Paris, Ed. Descartes-Le Monde Editions, 1992.

* 55 Marco Orsenigo, Tra clinica e controllo sociale. Il lavoro psicologico nei servizi per tossicodipendenti, FrancoAngeli, 1996, Milan, p.8

* 56 Cf., Szasz T., Il mito della droga, Feltrinelli, Milano, 1977.

* 57 Marco Orsenigo, op.cit., pp.82-93.

* 58 Viel L., « La toxicomanie », la presse médicale, Paris, 1900, cité par Vigallero G., « Entre peurs et excès, l'alcoolisme et la toxicomanie en France au XIXème siècle », op.cit.,p.292.

* 59 Cette classification repose en partie sur le travail de Louise Nadeau. Cf., Louise Nadeau, « La crise paradigmatique dans le champ de l'alcoolisme », in Brisson P., L'usage des drogues et de la toxicomanie, Montréal, Morin, 1988.

* 60 Morel B., Traité des dégénérescences physiques, intellectuelles et morales de l'espèce humaine, Paris, Baillière, 1857.

* 61 Angel P., Richard D., Valleur M, « Contexte, Drogues et Société », in Angel P., Richard D.,Valleur.M, Toxicomanies, op.cit, p.14.

* 62 Un médecin écrit alors : « Les morphinomanes ont une hérédité morbide, souvent chargée. Ils appartiennent presque tous à la grande famille névropathique. Fils de morphinomanes, d'alcooliques, enfants d'aliénés, de névrosés, hérédosyphilitiques, produits d'unions consanguines, ils seront des dégénérés, des demi-fous ou des hystériques ». Lefevre R., Contribution à l'étude des morphinomanies, thèse pour le doctorat en médecine, Paris, 1905.

* 63 Cf., Guimbail H., Les morphinomanes, Paris, Baillière et fils en 1891

* 64 Morel A.(dir.), Prévenir les toxicomanies, op.cit., p.13.

* 65 Angel P., Richard D., Valleur., « Contexte, Drogues et Société », in Angel P., Richard D., Valleur., Toxicomanies, op.cit, p.13

* 66 Les Narcotiques Anonymes feront l'objet d'une réflexion spécifique par la suite.

* 67 Angel P., Richard D., Valleur., « Contexte, Drogues et Société », in Angel P., Richard D., Valleur., Toxicomanies, op.cit, p.15.

* 68 Campedelli Massimo, Tossicodipendenza : punire un'allusione ?, Angeli, Milan, 1994, pp.35-37

* 69 Becker H.S., Outsiders: Studies in the Sociology of Deviance, New York, MacMilan, 1963.

* 70 Angel P., Richard D., Valleur., « Contexte, Drogues et Société », in Angel P., Richard D., Valleur., Toxicomanies, op.cit, p.15

* 71 Campedelli Massimo, Tossicodipendenza : punire un'allusione ?, op.cit, p.31

* 72 Marco Orsenigo, Tra clinica e controllo sociale. Il lavoro psicologico nei servizi per tossicodipendenti, op.cit.

* 73 Les résultats d'une enquête d'opinion récente - EROPP 99, menée au sein de l'Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies - donnent la mesure des peurs liées aux représentations de la consommation de drogues (licites et illicites) et des jugements relatifs aux usagers, en particulier d'héroïne : 74% des personnes interrogées ont exprimé leur accord avec l'affirmation selon laquelle les usagers d'héroïne sont « dangereux pour leur entourage », 64% avec l'idée qu'ils « cherchent à entraîner les jeunes ». Cf., Conseil national du Sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre législatif, Rapport, avis et recommandations du Conseil national du Sida, adoptés lors de la séance plénière du 21 juin 2001, responsable de la commission :Alain Molla, 163p.

* 74 Cf. S. Canali, « Marijuana negli USA : quando i pregiudizi condizionano la ricerca » , in Medicina delle tossicodipendenze.

* 75 Cf. T. Bandini, A. Fancia, M. Ragazzi, «Considerazioni criminologiche sugli aspetti terapeutici e sanzionatori previsti dalla nuova normativa italiana in tema di stupefacenti», in Rassegna italiana di criminologia, III, n.2-3, 1992

* 76 Angel P., Richard D., Valleur., « Contexte, Drogues et Société », in Angel P., Richard D., Valleur., Toxicomanies, op.cit, p.10

* 77 A l'intérieur du cerveau, les informations circulent sous forme d'activité électrique, appelée influx nerveux. Pour passer d'un neurone à l'autre, l'influx nerveux se transforme en messages chimiques qui prennent la forme d'une substance sécrétée par le neurone, le neuromédiateur. Les différents neuromédiateurs, dont les principaux sont la dopamine et la sérotonine, se lient à des récepteurs spécifiques. Les neuromédiateurs traversent l'espace situé entre deux neurones, la synapse, en assurant ainsi la continuité de l'influx nerveux. C'est sur ces processus qu'agissent les substances psychoactives. Trois modes d'action sur les neurotransmetteurs existent selon les substances. Dans le premier modèle, les substances psychoactives imitent les neuromédiateurs naturels et se substitue à eux dans les récepteurs spécifiques. La morphine, par exemple, s'installe dans les récepteurs à endorphine, et la nicotine dans les récepteurs à acétylcholine. D'autres substances augmentent la sécrétion d'un neuromédiateur naturel, empêchent ainsi sa « recapture » et augmentent sa présence au niveau de la synapse : la cocaïne, par exemple, augmente la sécrétion de dopamine dans la synapse, et l'ecstasy, celle de la sérotonine et de la dopamine. Enfin d'autres substances psychoactives bloquent un neuromédiateur naturel : l'alcool, par exemple, bloque les récepteurs nommés NMDA. Tous ces processus contribuent à activer les « systèmes de récompense », appelés aussi « système hédonique » dont la fonction est de favoriser les fonctions vitales. Il s'agit de processus qui ont lieu dans le cerveau (système limbique) dont le rôle est de récompenser les fonctions vitales (nutrition, reproduction, etc.) par une sensation agréable ou de plaisir. Les substances psychoactives sollicitent anormalement ce circuit naturel et engendrent à terme la possibilité de son déséquilibre permanent. Cf. CFES/MILDT, Drogues. Savoir plus. Risquer moins. Drogues et dépendances, le livre d'information, Vanves, CFES, nouvelle édition avril 2000, pp.18-24 ; Richard D., Pirot S., Senon J.-L., « Les drogues et leur mode d'action», in Angel P., Richard D., Valleur. M, Toxicomanies, op.cit, pp. 57-77.

* 78 Polmonari A. in Ministero della salute, Medicina delle tossicodipendenze. Cité dans Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit, p.49.

* 79 Conseil national du sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre législatif, op.cit., p.10.

* 80 Morel A.(dir.), Prévenir les toxicomanies, op.cit., pp.117-119.

* 81 Cf., Froment (Blandine), « L'esprit des lois, L'esprit des drogues - la dépendance hors la loi ? », Paris, Autrement - Mutations, n° 106, avril 1989.

* 82 Morel A.(dir.), Prévenir les toxicomanies, op.cit., p.116.

* 83 Farges F., « Dépendance, abus, usage »in Angel P., Richard D., Valleur., Toxicomanies, op.cit, pp.16-22.

* 84 Idem, p17.

* 85 Idem, p17.

* 86 Idem, p17.

* 87 Marco Orsenigo définit le craving comme « un état d'âme caractérisé par un intense désir de la substance ou du comportement objet de la dépendance, distincte du phénomène de l'abstinence, qui désigne à l'inverse les symptômes produits par l'accoutumance aux substances comme l'alcool ou les opiacés. Le craving apparaît indépendamment du type de substance et exprime la contrainte de la conscience produite par la dépendance psychologique et par la dynamique toxicomaniaque ». Marco Orsenigo, Tra clinica e controllo sociale. Il lavoro psicologico nei servizi per tossicodipendenti, op.cit., p.154

* 88 Le DSM IV définit la dépendance à une substance comme « le mode d'utilisation inadapté d'une substance conduisant à une altération du fonctionnement ou à une souffrance cliniquement significative ». Le DSM IV présente sept critères dont trois au moins doivent être réunis, le CIM 10 apporte six critères de définition du syndrome de dépendance. Farges F., « Dépendance, abus, usage », in Angel P., Richard D., Valleur. M, Toxicomanies, op.cit, pp.18-19.

* 89 Faugeron Claude, Kokoreff Michel, « Il n'y a pas de société sans drogues » : Un processus de normalisation ?, in Faugeron C., Kokoreff M., Société avec drogues. Enjeux et limites, op.cit, pp.7-31

*

90 L'épidémiologie est un mode de raisonnement statistique et probabiliste au niveau des populations (ou de groupes de sujets) introduit en médecine depuis fort longtemps pour l'étude des maladies transmissibles. L'étude des comportements entraîne des adaptations de la méthode et s'apparente à l'épidémiologie clinique, peu développée en France, contrairement à d'autres pays, tel que le Canada où par exemple Jenick a contribué à établir les bases scientifiques de cette approche nécessitant une coopération multidisciplinaire. Facy F., « Outils de mesure spécifiques pour l'approche des toxicomanes », in Angel P., Richard D., Valleur. M, Toxicomanies, op.cit., p.2

* 9

91 Anne Copel écrit : « Le refus de la dramatisation est également constitutif de la position des professionnels du soin dans le débat public sur la drogue [...] Dénoncer la gravité de l'épidémie, c'est alimenter la peur et la demande de contrôle social ». Anne Copel, « Les intervenants en toxicomanie, le Sida et la réduction des risques », art.cit., p.86

* .92 Henri Bergeron, L'Etat et la toxicomanie. Histoire d'une singularité française, op.cit., p.205

* .

93 Outre la nécessité nationale, la mise en place de l'OFDT est sans nul doute fortement corrélée à la création de l'Observatoire européen qui s'appuie dans chaque pays sur un organisme relais

* .

94 Nizzoli Umberto, «Assistere persone con Aids, tossicodipendenti e no», La cura delle persone con Aids. Interventi e contesti culturali , Nizzoli Umberto, Oberto Bosi (dir.), Eric kson, Trento, 2001, pp.13-48.

* k95 Senon J.-L., « Les principales drogues », in Angel P., Richard D., Valleur. M, Toxicomanies, op.cit, p.80

* .96 L'alcool représente le psychotrope le plus répandu en France avec 44 millions de consommateurs occasionnels et 3 millions de consommateurs à problème. « Savoir plus, risquer moins », op.cit., p.80.

* 97 Morel A.(dir.), Prévenir les toxicomanies, op.cit., p.124

* .

98 Roques (Pr. Bernard), Problèmes posés par la dangerosité des « drogues ». Rapport du Professeur Bernard Roques au Secrétaire d'Etat à la Santé, 1998. 197p.

* 99 Cf. CFES/MILDT, Drogues. Savoir plus. Risquer moins., op.cit., p.71

* . Valleur M. ; « Eléments épidémiologiques », in Angel P., Richard D., Valleur. M, Toxicomanies, op.cit, pp.22-28.100 OFDT, Drogues et toxicomanies. Indicateurs et tendances, Paris, 1999

* .

101

* .102 Valleur M. ; « Eléments épidémiologiques », in Angel P., Richard D., Valleur. M, Toxicomanies, op.cit, p.26. 103 Morel A.(dir.), Prévenir les toxicomanies, op.cit., p.142

* .

104 Ibid., p.125

* .

105 CFES/MILDT, Drogues. Savoir plus, risquer moins., op.cit., p.34

* .

106 Roques (Pr. Bernard), Problèmes posés par la dangerosité des « drogues ». Rapport du Professeur Bernard Roques au Secrétaire d'Etat à la Santé, op.cit.

* 107 CFES/MILDT, Drogues. Savoir plus. Risquer moins., p.125

* .

108 Ibid., p.34

* .

109 Un agoniste est une molécule qui mime l'action du neurotransmetteur vis-à-vis de son récepteur. Un agoniste se caractérise par son affinité, c'est-à-dire la force avec laquelle il se lie au récepteur. Richard D., Pirot S., Senon J.-L., « Les drogues et leur mode d'action», in Angel P., Richard D., Valleur. M, Toxicomanies, op.cit, p.66

* .

110 Richard D., Pirot S., Senon J.-L., « Les principales drogues », in Angel P., Richard D., Valleur. M, Toxicomanies, op.cit, p.92

* .

111 Morel A.(dir.), Prévenir les toxicomanies, op.cit

* ., p.124. 112 L'overdose advient lorsqu'un usager d'héroïne utilise une dose trop forte par rapport à celle que son organisme a l'habitude de supporter. Ces accidents interviennent le plus souvent soit lorsque l'usager utilise la même dose qu'un autre, à laquelle il n'est pas habitué, soit lorsqu'il utilise sans le savoir un produit insuffisamment dilué ou coupé avec d'autres substances qui augmentent les risques, soit enfin lorsqu'il associe sa consommation avec d'autres substances. Les risques de surdose interviennent notamment après un arrêt prolongé de la consommation, alors que l'organisme n'est plus accoutumé au dosage habituel. CFES/MILDT, Drogues. Savoir plus. Risquer moins., op.ci

* t., p.143.

113 CFES/MILDT, Drogues. Savoir plus. Risquer moins., op.cit., p.62

* .114 Richard D., Pirot S., Senon J.-L., « Les principales drogues », in Angel P., Richard D., Valleur. M, Toxicomanies, op.c

* it.

115 CFES/MILDT, Drogues. Savoir plus. Risquer moins., op.cit., p.143.

* 116 Richard D., Pirot S., Senon J.-L., « Les principales drogues », in Angel P., Richard D., Valleur. M, Toxicomanies, op.cit, p.110

* .

117 Une seconde particularité des drogues de synthèse drogues consiste dans le fait qu'elles sont produites, contrairement aux drogues d'origine naturelle cultivées dans l'hémisphère Sud, au Nord, notamment en Europe (Pays-Bas, Espagne, Tchéquie, Pologne). Elles relèvent le plus souvent d'un mode de fabrication très artisanal

* .

118 Pascal Courty rappelle en outre que l'injection constitue l'un des tabous de notre société, elle est fréquemment présentée comme une agression de notre corps. Cet interdit constituera d'ailleurs l'un des obstacles à la mise en vente libre et à la distribution des seringues aux toxicomanes. Courty P, Le travail avec les usagers des drogues, op.cit., p.55.

* 119 Morel A.(dir.), Prévenir les toxicomanies, op.cit

* . , p.133.

120

* 121 Gilman M., « Discours inaugural de la First International Conference on Safer Dancing », Manchester, mars 1995, in Saunders N., E comme Ecstasy, MDMA, raves et cultures techno, Paris, Ed. du Lézard, pp.218-221

* .

122 « Tandis qu'une injection d'héroïne peut tuer une personne en quelques secondes sur un banc des jardins publics ou dans les toilettes dans bars, l'ensemble des circonstances qui peuvent induire la mort par ecstasy est beaucoup plus complexe 

* ». Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit.

123 Tellier S., Palle C., Les usagers de drogue suivis dans le système médico-social en novembre 1997, DREES, Etudes et Résultats

* .

124 La consommation de substances doit également être lié à l'offre qui est proposée sur le marché et qui influe sur la variation du cours des prix. On observe de façon générale une baisse des prix des drogues illicites notamment des drogues de synthèse (le LSD est passé de 100 FF en 1988 à 50 FF en 1998) mais aussi de la cocaïne (le gramme de cocaïne est passé de 1000 FF en 1988 à 500 FF en 1998). Le gramme d'héroïne est passé de 1000FF à près de 400 FF. Selon enquêtes CIRED/ OFDT, 1993-1995-1998, cité dans Colombié Thierry, Lalam Nacer, « L'évolution des filières d'ecstasy en France au cours des années 1990. De l'approvisionnement direct à l'intervention des milieux criminels dans le marché », in . Colombié T., Lalam N., Sciray M, Drogues et techno. Les trafiquants de rave, Par

* is, Stock, 2000, p.208.

125

* 126 Des études mettent par exemple en évidence que 50% des toxicomanes présenteraient un abus ou une dépendance à l'alcool. Morel A.(dir.), Prévenir les toxicomanies, op.cit., p.144

* .

* 127 Courty P, Le travail avec les usagers des drogues, op.cit., p.44.

* y

128

*

129 Morel A.(dir.), Prévenir les toxicomanies, op.cit., p.146

* .

130

* 131 Valleur M., « Eléments épidémiologiques », in Angel P., Richard D., Valleur. M, Toxicomanies, op.cit, p.2

* 3

132

* idem., p.24.

133

* 134 Facy F., « Outils de mesure spécifiques pour l'approche des toxicomanes », in Angel P., Richard D., Valleur. M, Toxicomanies, op.cit., p.30

* .

135 Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit.,pp.31-32.

* 136 Le travail de proximité sera approfondi par la suite.

* 137 Roger Lewis, « Attività ad ampio raggio : ricerca attiva e prevenzione dell'Hiv tra i consumatori di droghe iniettive»,La cura delle persone con Aids. Interventi e contesti culturali, Nizzoli Umberto, Oberto Bosi (dir.), Erickson, Trento, 2001, pp.95-103

* .

138 Valleur M. ; « Eléments épidémiologiques », in Angel P., Richard D., Valleur. M, Toxicomanies, op.cit, p.26

* .

139 Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit, p.35.

* 140 Valleur M. ; « Eléments épidémiologiques », in Angel P., Richard D., Valleur. M, Toxicomanies, op.cit, p.26.

* 141 Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit.,p.36.

* 142 Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit

* ., p.57; Valleur M. ; « Eléments épidémiologiques », art.cit.

143 Ces chiffres sont extraits de l'enquête SESI 1995, cités in Facy F., « Outils de mesure spécifiques pour l'approche des toxicomanes », in Angel P., Richard D., Valleur. M, Toxicomanies, op.cit., p.31

* .

144 Les personnes rencontrées sont le plus souvent des toxicomanes de plus longue date, plus motivés à mettre fin à leur toxicomanie. Les personnes rencontrées au sein des centres sociaux, plus proches des milieux de vie et des consommations toxicomaniaques, reflètent en revanche de façon plus exacte la configuration des toxicomanes.

* 145 Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit

* , p.32.

146

* 147 Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.c

* it. 148 Cf. D. Antoine et D. Viguier, « La prise en charge des toxicomanes dans les structures sanitaires et sociales en novembre 1994 », documents statistiques

* du SESI, n°258, juillet 1996, 81p.

149 Ministère de l'Intérieur- OCTRIS, Usage et trafic de stupéfiants en France, les statistiques de l'année 1995, Paris, OCTRIS, 1996, 105

* p

150 Facy F., « Outils de mesure spécifiques pour l'approche des toxicomanes », in Angel P., Richard D., Valleur. M, Toxicomanies, op.cit., p.32.

* 151 Id

* em., p.35.

152

* 153 Alain Morel définit les facteurs de vulnérabilité comme «l'ensemble des déterminants propres à l'individu qui favorisent les dommages liés à l'usage d'une ou plusieurs substances psychoactives ». Morel A.(dir.), Prévenir les toxicomanies, op.cit., p.152.

* 154 Jansen Mary, « Ricerca preventiva : lezioni apprese e indicazioni future », in Lai Guaita Maria Pia (dir.), La prevenzione delle tossicodipendenze, op.cit, p.163 ; Morel A.(dir.), Prévenir les toxicomanies, op.cit., pp.152-169.

* 155 Facy F., « Outils de mesure spécifiques pour l'approche des toxicomanes », in Angel P., Richard D., Valleur. M, Toxicomanies, op.cit., p.39.

* 156 Jansen Mary, « Ricerca preventiva : lezioni apprese e indicazioni future », in Lai Guaita Maria Pia (dir.), La prevenzione delle tossicodipendenze, op.cit.

* 157 Il s'agit dans ce second cas de l'émergence d'une notion de « Santé publique » entendue comme les conditions de vie et de maladie auxquelles est exposé l'ensemble du corps social. L'épidémie de Sida a par ailleurs fortement contribué à intégrer les préoccupations de santé publique dans la prise en charge de la toxicomanie.

Albert Ogien qui définit la notion de santé publique comme une modalité d'intervention (publique) dans le domaine de la santé souligne ce passage du caractère privé au caractère d'intérêt général d'un problème sanitaire. « Autrement dit, le phénomène crucial dans la définition d'un problème de santé publique est l'opération au terme de laquelle une préoccupation à caractère sanitaire est élevée au rang de question d'intérêt général et provoque l'intervention des pouvoirs publics » Ce passage constitue le fondement mais également la limite intrinsèque des politiques publiques sanitaires. Ainsi, « la première limite des politiques de santé publique est l'existence d'une limite entre liberté individuelle et défense du bien collectif. Cette limite se trouve à l'intersection de deux conceptions concurrentes de la santé : une première conception individuelle qui considère la santé comme un bien privé, et une seconde conception collective de la santé ». Ogien Albert, « Qu'est ce qu'un problème de santé publique ? », in Faugeron C., Kokoreff M., Société avec drogues. Enjeux et limites, op.cit, pp.225-244

* i

158

* 159 Piccone Stella relate la trace de quelques interventions policières assez fortes en Italie durant les années quatre-vingt, suivies de nombreuses arrestations, durant lesquelles la substance la plus rencontrée était le haschich mais où aucune distinction n'étant opérée parmi les drogues. Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p.25.

* 160 Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p.1

* 3

161 Ibid., p.17

* .

162 Morel A.(dir.), Prévenir les toxicomanies, op.cit., pp.106-107

* 163 Les dangers de l'abus du tabac par le docteur Delobel en 1900 et Les dangers du tabac par le docteur Petit en 1903.

* 164 Ibid., pp.108-109.

* 165 Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit., pp.98-99.

* 166 Près de 98% des consommateurs d'héroïne selon une étude citée par Simonetta Piccone Stella. Cet antécédent de consommation explique par ailleurs les fortes réticences des professionnels de la toxicomanie à légaliser le cannabis. Cf. Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p.100.

* 167 Zuffa G., I drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, p.40

* .

168 Cf., Roques (Pr. Bernard), Problèmes posés par la dangerosité des « drogues ». Rapport du Professeur Bernard Roques au Secrétaire d'Etat à la Santé, op.cit. Simon Théo, Drogues. Contre la criminalisation de l'usage ?, Paris, Editions du Monde Libertaire, 2002, p.134

* .

169 Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p 47

* .

170 Morel A.(dir.), Prévenir les toxicomanies, op.cit., p.135.

* 171 Le DSM IV définit l'abus comme le « mode d'utilisation inadéquat d'une substance conduisant à une altération du fonctionnement ou à une souffrance cliniquement significative ». Le CIM 10 définit l'utilisation nocive pour la santé comme « le mode de consommation d'une substance psychoactive qui est préjudiciable à la santé. Les complications peuvent être physiques (par exemple hépatite consécutive à des injections) ou psychiques (par exemple épisodes dépressifs secondaires à une forte consommation d'alcool) ». Farges F., « Dépendance, abus, usage »in Angel P., Richard D., Valleur., Toxicomanies, op.cit, p.21.

* 172 Morel A.(dir.), Prévenir les toxicomanies, op.cit., pp.136-137

* .

173 L'usage simple, il est important de le noter, n'est cependant pas dénué de risques. Certaines circonstances de consommation peuvent entraîner des conséquences dramatiques. C'est le cas par exemple d'une prise d'ecstasy qui peut, dans un milieu confiné et en l'absence d'hydratation, favoriser des accidents hyperthermiques.

* 174 Morel A.(dir.), Prévenir les toxicomanies, op.cit., p.130

* .

175

* 176 Ibid., p.131

* .

177 Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit.

* 178 Courty P., Le travail avec les usagers des drogues, op.cit, p.10

* 8.

179

* 180 Castel R., Les sorties de la toxicomanie. Types, trajectoires, tonalités, GRASS, MIRE, Paris, 1998, 303 p

* .

181 Le manque de recherche dans le premier secteur s'explique aussi bien par les difficultés méthodologiques posées dans l'analyse de personnes qui, du fait de leur dotation en capital, arrivent à gérer leur consommation et qui sont donc par-là même « intégrés » au corps social, que par une tradition de recherche qui remonte à la fin des années soixante et qui a privilégié l'étude des marginalités populaires. Cf. Kokoreff Michel, « Il n'y a pas de société sans drogues » :Un processus de normalisation ?, in Faugeron C., Kokoreff M., Société avec drogues. Enjeux et limites, op.cit, p.2

* 4

182 «  Les consommations de drogue apparaissent de plus en plus comme une nébuleuse fonctionnelle qui se distribue entre les deux pôles du confort ou du bien-être psychologique et de la stimulation des performances individuelles sur le modèle du dopage en sport, c'est à dire l'usage de substances permettant de mieux résister psychologiquement et physiquement à des contraintes sociales lourdes » Alain Ehrenberg, Penser la drogue, penser les drogues, Descartes, 1992, p.69.

* 183 Decorte T., « Mécanismes d'autorégulation chez les consommateurs de drogues illégales », in Faugeron C., Kokoreff M., Société avec drogues. Enjeux et limites, op.cit, pp.35-62.

* 184 Idem, p.3

* 6.

185 Idem.

* 186 Idem, p.49

* 187 Caiata Maria, « Le consommateur intégré : entre adaptation à la réalité et production de la réalité », in Faugeron C., Kokoreff M., Société avec drogues. Enjeux et limites, op.cit, pp.63-77.

* 188 Cf., Ogien A., Sociologie de la déviance, Paris, Armand Colin, 1995

* . Castel R., Les sorties de la toxicomanie. Types, trajectoires, tonalités, op.cit.

189 On peut noter que cette catégorie d'usage ne figure pas dans les classifications internationales du fait qu'elle n'est pas considérée comme pathologique mais aussi parce que son utilisation est très critiquée au sujet du cannabis et plus encore de l'héroïn

* e.

190 Caiata Maria, « Le consommateur intégré : entre adaptation à la réalité et production de la réalité », in Faugeron C., Kokoreff M., Société avec drogues. Enjeux et limites, op.cit, p7

* 3.

191

* 192 Le terme de « ressortissants » des politiques publiques désigne communément les individus, les groupes socioprofessionnels et les institutions à qui les politiques sont destinées ». Warin P. « Les « ressortissants » dans les analyses des politiques publiques », Revue française de science politique, vol.49, n°1, février, p.103-121, 1999.

* 193 Dussausaye E., Politiques publiques de soins en matière de toxicomanie, op.cit., p.24

* .

194 «Prohibition est le terme générique qui caractérise une politique du « tout interdit », depuis la production de substances jusqu'à son usage (à l'exception, pour certaines, de l'usage médical). Elle touche actuellement une catégorie de substances définies par convention internationale : les « stupéfiants » ». Morel A.(dir.), Prévenir les toxicomanies, op.cit., p.76.

* 195 Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p.92 ; Rouault T., « Politiques internationales», in Angel P., Richard D., Valleur., Toxicomanies, op.cit, p.50-55

* .

196 Cf. Butel P., L'opium, histoire d'une fascination, Paris, Perrin, 1995.

* 197 Conseil national du Sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre législatif, op.cit

* .

198

* 199 Cf., Conseil national du Sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre législatif, op.cit.

* 200 Rouault T., « Trafic de stupéfiants : perspectives géopolitiques et économiques », in Angel P., Richard D., Valleur., Toxicomanies, op.cit, pp. in Angel P., Richard D., Valleur., Toxicomanies, op.cit, p.4

* 3

201 Rouault T., « Politiques internationales», art.cit., p.53 ; Conseil national du Sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre législatif, op.cit..

* 202 Rouault T., « Politiques internationales», art.cit., p.54.

* 203 Nizzoli Umberto, «Assistere persone con Aids, tossicodipendenti e no», La cura delle persone con Aids. Interventi e contesti culturali , Nizzoli Umberto, Oberto Bosi (dir.), Erickson, Trento, 2001, pp.13-48.

* 204 On peut remarquer que la mise en place de l'OEDT constitue une formidable opportunité afin d'encourager l'homogénéisation des études épidémiologiques au niveau européen et de favoriser ainsi le développement des études comparatives.

* 205 « La criminalisation recouvre deux sens. D'une part l'attribution du statut de crime à certains actes. Cela, en France, conduit leurs auteurs devant une cour d'assises où sont jugés devant un jury populaire les infraction les plus graves aux yeux de la société [...] D'autre part, dans sa seconde acception, le terme de criminalisation s'applique au processus qui fait entrer une population ou un individu dans le milieu de la délinquance, en l'occurrence ici dans celui du trafic clandestin et des délits dits « annexes » à l'usage ». Morel A.(dir.), Prévenir les toxicomanies, op.cit., p.74.

* 206 Les présentes observations sont valides pour de nombreux pays européens. Nous choisissons toutefois de prendre l'exemple du cas français du fait qu'il soit très significatif du phénomène de criminalisation de la toxicomanie mais aussi en raison d'une meilleure connaissance des spécificités françaises.

*

207 OFDT, Drogues et toxicomanies : indicateurs et tendances, op.cit., p.22.

* 208 Rouault T., « Cadre législatif : la loi de 1970 et l'injonction thérapeutique », in Angel P., Richard D., Valleur., Toxicomanies, op.c

* it, p.40-44

* 209 Pour plus de plus amples informations sur les infractions à la législation sur les stupéfiants : Conseil national du Sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre législatif, op.cit., 163p. Augé-Caumon M-J., Bloch-Lainé J-F., Lowenstein W., Morel A., L'accès à la méthadone en France. Bilan et recommandations, Rapport réalisé à la demande de Bernard Kouchner Ministre Délégué à la Santé, 87p. Faugeron Claude, Kokoreff Michel, « Il n'y a pas de société sans drogues » : Un processus de normalisation ?, op.cit, p.9. Pour les données du ministère de l'Intérieur on peut se reporter à Usage et trafic de stupéfiants : statistiques 1998, OCTRIS, ministère de l'Intérieur, 1999 ;Usage et trafic de stupéfiants. Statistiques 1999, OCTRIS, ministère de l'Intérieur, 2000

* .

210 Il existe trois voies d'entrée dans les services de police ou de gendarmerie, correspondant à l'organisation des services et à l'origine de traitements différenciés des usagers. La très grande majorité des délits d'usage ou d'usage-revente résulte d'opérations de routine (le « ramassage »), dévolues à un personnel relativement peu qualifié. La seconde voie est celle du flagrant délit, réalisé plus fréquemment par un personnel qualifié : brigades anti-criminalité ou de répression du trafic illicite de stupéfiants. La troisième est celle de l'affaire de trafic. L'usager est alors appréhendé au terme d'une procédure plus large, souvent initiée par la police judiciaire. Il doit pouvoir servir de témoin, durant l'examen des faits en procès, pour réunir des éléments de preuve.

* 211 Les statistiques criminelles révèlent toutefois que l'usage de cocaïne semble supplanter celui de l'héroïne au niveau national. Cela traduit peut-être un tassement de la consommation d'héroïne dont rendrait compte également la forte diminution des ILS concernant le trafic d'héroïne. C'est le point de vue défendu par le rapport de l'OCTRIS de l'année 2000, qui insiste sur la désaffection dont l'héroïne fait globalement l'objet au profit de nouvelle formes de consommations et surtout, sous l'effet du développement de la substitution aux opiacés depuis 1996.

* 212 Pour de plus amples détails sur les dipositifs législatifs nationaux européens en matière de délits mineurs liés aux drogues on peut se reporter au schéma suivant extrait de OFDT, Drogues et toxicomanies : indicateurs et tendances, op.cit, p.14.

* 213 L'expérience suisse de la prescription d'héroïne fera par la suite l'objet d'une réflexion spécifique.

* 214 Livio Pepino, « riduzzione dela danno e caso italiano », in O'Hare P, Newacombe R., Matthews A., Buning E. C, Drucker E., La riduzione del danno, Gruppo Abele, Turin, 1994 ; Livio Pepino, «I sentieri interrotti della riforma», in Fuoriluogo, nuova seria, anno 2, n.6, juin, 2000.

* 215 Le rapport de la commission Henrion de 1994 souligne la contradiction entre répression et soin de la toxicomanie. Il en déduit la nécessité de ne pas renter dans une application stricte de la législation en matière de stupéfiants, ainsi il « est difficile d'entrer en relation avec le toxicomane si on ne ferme pas les yeux sur l'infraction pénale que constitue l'usage, du moins à proximité des structures d'accueil ». Simon Téo explique que la prohibition constitue un frein à la politique de soin du fait que le soin est avant tout relationnel. Simon Théo, Drogues. Contre la criminalisation de l'usage ?, op.cit., p.97.

*

* 216 Cf., Conseil national du Sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre législatif, op.cit., 163p

* .

217 Zuffa G., I drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, Sellerio Editore, Palermo, 2000, p. 5

* 6.

* .

218 Les programmes de substitution feront par la suite l'objet d'une réflexion spécifique.

* 219 Rouault T., « Cadre législatif : la loi de 1970 et l'injonction thérapeutique », in Angel P., Richard D., Valleur., Toxicomanies, op.cit, pp. in Angel P., Richard D., Valleur., Toxicomanies, op.cit, p.40-44

* .

* 220 Zuffa Grazia, I drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, op.cit., pp.50-51.

* 221 Ces indicateurs doivent être maniés avec prudence, ils ne constituent que des lignes directrices qui ont plus ou moins orientées les politiques publiques sur les drogues. L'approche comparative adoptée ne permet pas systématiquement la prise en compte des spécificités nationales. Les configurations singulières feront cependant l'objet d'une réflexion par la suite.

* 222 Erickson P.G., Riley D.M., Cheung Y.W, O'Hare P. «The search for harm reduction» in Harm Reduction: a new direction for drug policies and programs, 1997, pp.3-1

* 1

223 Nous entendons par pays européens les pays de l'Union européenne ainsi que la Suisse et la Norvège

* .

* 224 Steffen M., Les Etats face au Sida en Europe, op.cit., p.10

* 1

225 Ibid., p.101

* .

* 226 Alain Ehrenberg, L'individu incertain, op.ci

* t

227 Dussausaye E., Politiques publiques de soins en matière de toxicomanie, op.cit., p.20

* .

228 Jean Dugarin, Patrice, Nominé, « La marche des idées », art.cit., p.11

* .

229 François -Xavier Colle, « Historique des institutions spécialisées en toxicomanie en France », in Usage de stupéfiants. Politiques européennes,

* Maria-Luisa Cesoni (dir.), op.cit., p.42.

* 230 Markos Zafiropulos, Patrice Pinell, « Drogues, déclassements et stratégies de disqualification », Actes de la recherche en sciences sociales, n°42, avril 1982, pp.71-73

* .

231 On peut noter que cette « monopolisation » de l'usage légitime de substances psychoactives est similaire à la tentative opérée par les médecins anglais afin de délégitimer tout usage non thérapeutique des drogues

* . Celui ci sera explicité par la suite.

232 Anne Coppel, « Peut on soigner les toxicomanes ? Les enseignements de l'histoire », in Toxicomanies, Hépatites, SIDA, Jean-Marie Gruffens (dir.), pp.43-47

* .

233 Jean De Munck, « La consommation de drogues dans le conflit des normes », in Communications, n°62, 1996, p.31

* .

* 234 Simmat-Durand Laurence, Rouault Thomas, Injonction thérapeutique et autres obligations de soins, 28p et Dussausaye E., Politiques publiques de soins en matière de toxicomanie, op.cit., p.32

* .

235 Cf., Conseil national du Sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre législatif, op.cit

* .

* 236 Simmat-Durand Laurence, Rouault Thomas, Injonction thérapeutique et autres obligations de soins, op.cit.

* .

237 Loi n°70.1320 du 31 décembre 1970, JO du 2 janvier 1971

* .

238 La commission Henrion de 1995 a qualifié cette loi de « pièce maîtresse dans l'effort d'endiguement dans [...] la dissolution des moeurs et [du] danger social »

* .

* Henrion Roger, Rapport de la Commission de réflexion sur la drogue et la toxicomanie, Paris, ministère des Affaires sociales, de la Santé et de la Ville, La Documentation française, 1995, 156p.

239 L'élément déclencheur du sursaut législatif serait selon Henri Bergeron le « drame de Bandol » : une adolescente est trouvée morte par overdose au cours de l'été 1969. Le fait divers se transforme en tragédie nationale sous l'influence des médias et un sentiment de panique s'empare aussi bien de l'opinion publique que de la classe politique. Cf, Henri Bergeron, L'Etat et la toxicomanie. Histoire d'une singularité française, op.cit., p.2

* 4

240 Ainsi, à cette même époque une série de lois vient renforcer l'arsenal législatif répressif. On peut citer la  loi du 4 juillet 1970, dite loi « anticasseurs », qui permet de faire condamner les organisateurs de rassemblements interdits ayant donné lieu à des actes de violence, la loi sur les libertés individuelles du 17 juillet 1970 qui renforce le principe de la garde à vue et de la détention préventive et qui permet aux juges de soumettre un prévenu au contrôle judiciaire pour une durée de 4 mois, ou encore la loi de juin 1971 qui restreint la loi de 1901 sur le droit d'association. Cf., Dussausaye E., Politiques publiques de soins en matière de toxicomanie, op.cit., p.36

* .

241 Art. 222-35 du Nouveau Code Péna

* l

242 On peut noter que certaines associations telle que CIRC (Collectif d'Informations et de Recherches Cannabiques) ont fait l'objet de plusieurs condamnations à ce titre. L'association CAL 70 (Collectif pour l'Abrogation de la Loi de 70), en outre, a été constituée pour abroger l'article L. 630 et constitue plus généralement une critique de toute la loi de 1970. Simon Théo, Drogues. Contre la criminalisation de l'usage ?, op.cit., p.120

* .

* 243 Art.355 du Code de la Santé publiqu

* e

244 L'injonction thérapeutique a constitué l'un des éléments clef de la politique française en matière de toxicomanie. Elle fera par la suite l'objet d'une réflexion particulière.

*

245 Bisiou Yann, « Le cadre légal français », in La demande sociale de drogues, Albert Ogien, Patrick Mignon, op.cit., p.183

* .

246 Eve Dussausaye insiste sur l'importance de la définition du problème en matière de politiques publiques : « Une part importante de la dynamique des politiques publiques se joue au moment de la définition du problème qui nécessite une intervention des autorités publiques. Définir le problème, c'est déjà en cerner les contours, en saisir les enjeux et, par la même, peser sur les réponses qui y seront apportées » Dussausaye E., Politiques publiques de soins en matière de toxicomanie, op.cit., p.4

* 1

247 Dussausaye E., Politiques publiques de soins en matière de toxicomanie, op.cit., p.4

* 2.

* 248 Dente Bruno, « Le politiche pubbliche in Italia. Introduzione », in Dente Bruno, Le politiche pubbliche in Italia, Bologna, Il Mulino, 1990, pp.3-49.

* 249 Granaglia Elena, « La politica sanitaria », in Dente Bruno, Le politiche pubbliche in Italia, Bologna, Il Mulino, 1990, pp.367-381.

* 250 Rei Dario, Servizi Sociali e politiche pubbliche, Nuova Italia Scientifica, 1994, p.187.

* 251 Dente Bruno, « Le politiche pubbliche in Italia. Introduzione », art.cit.

* 252 Zuffa G., I drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, op.cit.,p.10

* 0.

253 Il est nécessaire de rappeler que le système politique italien d'après-guerre a été fortement bipolarisé entre le Partito communista italiano (PCI) et une coalition centriste regroupée autour de la Democrazia Cristiana (DC). Celle-ci s'est maintenue au pouvoir de façon quasi-ininterrompue jusqu'au début des années quatre-vingt-dix.

* 254 Marco Orsenigo, Tra clinica e controllo sociale. Il lavoro psicologico nei servizi per tossicodipendenti, op.cit., p.15

* 8.

* 255 S. Scannagatta, A. Noventa, Droga e controllo sociale. Aspetti sociologici e documentazione legislativa, Liviana Università, Padova, 1986, p.66

* .

256 Orsenigo Marco, Tra clinica e controllo sociale. Il lavoro psicologico nei servizi per tossicodipendenti, op.cit., p.47.

* 257 Zuffa G., I drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, op.c

* it., p.68.

258 Baraldi C., Rossi.E, « Les politiques de prévention », art.cit., p.8

* 5.

* 259 Steffen M., Les Etats face au Sida en Europe, op.cit., p.122

* .

260 Campedelli Massimo, Tossicodipendenza : punire un'allusione ?, op.cit, p.87-88

* 261 Zuffa G., I drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, op.cit., p.90

* .

* 262 On peut noter à cet égard les similitudes entre la loi italienne Jervolino-Vassali et la loi française sur les stupéfiants du 31 décembre 1970.

* 263 Grazia Zuffa soutient que l'échec de la loi 685 serait imputable aux carences du système socio-sanitaire et non pas à une défaillance du dispositif législatif. Zuffa G., ibid.

* 264 Condorelli, Casoli, 123/III, p.11. Cité in Zuffa G., I drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, op.cit, p.92

* .

* 265 Ibid.

* .

266La question des communautés thérapeutiques, notamment en Italie, sera par la suite l'objet d'une réflexion spécifique.

* 267 Condorelli, Casoli., ibid., p.38. Cité in Zuffa G., I drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, op.cit, p.93

* .

268 Il faut prendre garde à bien distinguer la pratique à risque - le partage de seringues entre les usagers lors de la consommation - de l'action visant à la limiter - l'échange de seringues usagées contre des seringues stériles

* .

269 Simone Piccone Stella remarque que le référendum de 1993 sur la loi 162 de 1990 a annulé la norme qui prévoyait de punir pénalement le simple usage personnel de substances définies comme illicites, les rapprochant de ce point de vue de celles qui sont licites. La loi repose sur le fait que les individus sont considérés comme responsables de leurs actes, toutefois cet accroissement de liberté ne s'accompagne pas pour autant d'un complément d'information, comme c'est le cas pour la nicotine, par exemple. Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit.,p.7

* 0.

* .

270 Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit.,p. 96.

* 271 A titre indicatif, le nombre d'usagers réguliers des « drogues dures » est estimé à 280 000 en France, entre 120 et 260 000 en Allemagne, 180 000 en Grande-Bretagne et jusqu'à 350 000 en Italie. Steffen M., Les Etats face au Sida en Europe, op.cit., p.97

* .

272 O'Hare P., «Note sul concetto di riduzione del danno», in La riduzione del danno, op.cit., p.

* 1

273 L'expression de réduction des risques est apparue dans les régions les plus sensibles aux problèmes de toxicomanie. Elle fut utilisée pour la première fois à la fin des années quatre-vingt à Liverpool et dans la province du Merseyside, en Angleterre par des responsables de centres de soins. La région du Merseyside accueillait alors, de même que la région d'Edimbourg en Ecosse, une forte proportion de toxicomanes

* .

274 Steffen M., Les Etats face au Sida en Europe, op.cit., p.110O

* 275 Sylvie Wievorka, «La réduction des risques», Toxibase, n°3, 3ème trimestre 1996, p.

* 1

276 Cette dernière remarque peut laisser entendre une approche de la réduction des risque italienne d'origine « sociale », dans le sens de la préservation du corps social, que véritablement sanitaire, c'est-à-dire en raison d'une véritable préoccupation de l'état de santé des toxicomanes. Cette observation sera confirmée par la suite.

* 277 Le premier cas de Sida, inconnu comme tel alors, fut indiqué aux Etats-Unis dans le numéro du 5 juin 1981 du Morbidity and Mortality Weekly Report (MMWR). A la même date, un premier cas européen fut identifié dans un hôpital parisien. La maladie fut définie en 1983 comme le Syndrome d'une immunodéficience acquise, le Sida, causé par le Virus de l'immunodéficience humaine (VIH). Cf., Steffen M., Les Etats face au Sida en Europe, op.cit., p.7.

* 278 Steffen M., Les Etats face au Sida en Europe, op.cit., p.97

* .

279 Nizzoli Umberto, «Assistere persone con Aids, tossicodipendenti e no», La cura delle persone con Aids. Interventi e contesti culturali , op.cit., pp.1

* 4

280 Steffen M., ibid

* .

281 Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p.105

* .

* 282 Pour une analyse détaillée des processus nationaux de mise à l'agenda de l'épidèmie de VIH/Sida on peut se reporter avec profit à l'ouvrage suivant : Steffen Monika, Les Etats face au Sida en Europe, op.cit., pp.36-57.

* 283 Agnoletto V., La società dell'Aids, op.cit, p.17

* 9

284 Ce rapport affirme : «Nous n'avons aucune hésitation à conclure que la diffusion du VIH constitue pour la santé individuelle et collective un danger supérieur à celui de l'abus de drogue. Par conséquent, les services qui utilisent tous les moyens disponibles pour combattre les comportements qui comportent des risques d'infection à VIH devront être privilégiés ». Cité in Agnoletto V., La società dell'Aids, ibid

* .

* 285 Steffen M., Les Etats face au Sida en Europe, op.cit., p.102

* .

* 286 Drucker E., «Harm reduction : A Public Health Strategy», in Current Issues in Public Health, 1, 1995, p.64.

*

287 Zuffa G., I drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, op.cit., p. 5

* 0

288 Cf., O'Hare P., «Note sul concetto di riduzione del danno», in La riduzione del danno, op.cit ; Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p.105

* .

* 289 Michel Setbon, Pouvoirs contre le Sida. De la transfusion sanguine au dépistage : décisions et pratiques en France, Grande-Bretagne et Suède, Paris, Seuil, coll. « Sociologie », 1993, p.27

* .

290 Bertrand Lebeau, in Dictionnaire des drogues, des toxicomanies et des dépendances, Denis Richard, Jean-Louis Senon, op.cit., p.352

* .

291 Steffen M., Les Etats face au Sida en Europe, op.cit., p.103

* .

* 292 France Lert, « La mise en oeuvre des nouvelles modalités de prise en charge et de prévention dans le contexte d'une stratégie de réduction des risques », in Les drogues en France. Politiques, marchés, usages, Claude Faugeron, Genève, Georg éditeur, 1999, pp.234-248

* .

293 Courty P., Le travail avec les usagers des drogues, op.cit., p.62

* .

294 Cette conception implique une autre définition de la réduction des risques qui pourrait être résumée ainsi « Si un usager de drogues ne peut ou ne veut pas renoncer à l'usage de drogue, on doit l'aider à réduire les risques qu'il cause à lui-même et aux autres ». E.Buning, G Van Brussel, « The effects of harm reduction in Amsterdam », Europ.Addict.Res., n°1, 1995, pp.92-98, cité in Nathalie Frydman, Hélène Martineau, La drogue : où en sommes-nous ? Bilan des connaissances en France en matières de drogue et de toxicomanie, Paris, IHESI, coll. « La sécurité aujourd'hui », La documentation française, 1998, p.19.

* 0

* 295 Zuffa G., I drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, op.cit., p.40

* .

296 C'est par exemple l'acception qu'adopte Grazia Zuffa lorsqu'elle définit la réduction des risques comme étant « la politique sanitaire et sociale qui privilégie comme but la réduction des effets négatifs de la consommation de drogues ». Zuffa G., I drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, op.cit., p.39

* .

297 Cf. Fazzi L., « Les politiques de réduction des risques » , art.cit, p.23

* 5.

* 298 Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p.104

* .

299 Bellini Marco L., «Valutazione e qualità degli interventi di prevenzione delle tossicodipendenze: un esperienza con le Unità di strada», in Lai Guaita Maria Pia (dir.), La prevenzione delle tossicodipendenze, op.cit, p.5

* 8

300 Thamm, « Drogenpolitik darf kein Tabuthema sein », in U. Adams (hg.), Drogenpolitik, Lambertus, Freiburg, 1989

* .

301 Glatt propose par exemple trois paradigmes d'explication de la toxicomanie qui doivent être pris en compte lors de la thérapie : l'hôte, selon lequel les caractéristiques personnels du toxicomane sont pertinentes dans une thérapie ; l'agent qui met en avant les caractéristiques pharmacologiques des substances consommées et l'environnement (micro et macro) dans lequel évolue le toxicomane. Cf., Glatt M.M, I fenomeni della dipendenza. Guida alla conoscenza e al trattamento, Feltrinelli, Milano, 1979

* .

* 302 Le fait que la réduction des risques doive être conditionnée ou non à une thérapie constitue l'un des thèmes de divergence et de désaccords de la réduction des risques. Ce point sera traité par la suite dans les limites de la réduction des risques

* .

303 « De telles stratégies [de réduction des risques] n'excluent bien sûr pas le passage à des programmes thérapeutiques et/ou de réhabilitation véritables, mais ils cherchent au moins à en constituer une propédeutique, ils affrontent les problèmes avec un ordre de priorité correct : des risques plus graves et immédiats (VIH, hépatites et pathologies corrélées) à celles qui sont plus difficiles et longues à affronter (l'abandon de la dépendance), sans les confondre, dans l'obstiné et tenace tentative d'être présent au moment ou s'effectuent des choix importants, pour ne jamais dire « il n'y a plus d'espoir » ; conscient du fait que seul celui qui reste en vie peut sortir de l'héroïne » Agnoletto V., La società dell'Aids, op.cit, pp.180-181

*

304 Leopoldo Grosso, «Postfazione», in O'Hare P, Newacombe R., Matthews A., Buning E. C, Drucker E., La riduzione del danno, Gruppo Abele, Turin, 1994

* .

* 305 Fazzi L.,« Les politiques de réduction des risques » , art.cit, p.11

* 3

306 Souligné par l'auteur. Steffen M., Les Etats face au Sida en Europe, op.cit., p.94

* .

307 Grazia Zuffa résume ainsi cette opposition de principe entre modèle prohibitionniste et politique de réduction des risques : « Dans la première philosophie [tolérance zéro] l'approche morale est centrale [...] l'intervention se concentrant uniquement sur la suppression du rapport entre le sujet et la substance. A l'inverse, dans la philosophie de la réduction des risques l'approche sociale est prédominante : le comportement de consommation de drogues, qui n'est bien sûr pas souhaitable, peut être contrôlé, aussi bien individuellement que socialement, en cherchant d'en réduire les risques » Zuffa G., I drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, op.cit.,p.48.

*  

* 308 Zuffa G., I drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, op.cit., p.42

* .

309 Grazia Zuffa affirme : « Il est en revanche plus réaliste d'appliquer aux drogues illégales les mêmes principes de limitation des risques que l'on applique aux drogues douces : en cherchant de distinguer l'usage de l'abus (comme cela est fait pour l'alcool dans nos sociétés) entre drogues à hauts et à bas risques, entre les modalités d'usage plus risquées et d'autres moins dangereuses » Idem.,p.47

* .

310 Idem.,p.43

* .

* 311 C'est dans cette idée de culture que se trouvent les racines de l'idée de légalisation des substances douces. Cohen P., « Shifting the main purposes of drug control : from suppression to regulation of use. Reduction of risks as the new focus for drug policy », in The International Journal of Drug Policy, 10, 1999, p .3.

* s

312 Wolfgang Schneider, « Quo Vadis Dogenhilfe ? », in Neue Praxis, 2, 1998.

*

313 Fazzi L.,« Les politiques de réduction des risques », art.cit, p.127

* .

* 314 « Si on considère la liberté comme une valeur fondamentale pour l'individu, il est donc nécessaire d'abandonner la rhétorique de la drogue comme étant un choix et oeuvrer à l'inverse de façon à réduire et/ou enlever les conditions de la dépendance en s'attachant à utiliser dans ce but la pluralité d'instruments et de méthodologies qui peuvent aller dans ce sens ». Fazzi L., ibid., p.130

* .

315 Fazzi L., Scaglia A., Tossicodipendenze e politiche sociali in Italia, p.24

* .

316Idem.,p.1

* 6.

* 317 Nadelman E., « Progressive Legalizers, Progressive Prohibitionists and the Reduction of Drug related Harm », in Heather N., Wodack A., Nadelman E, O'Hare P., Psychoactive Drugs and Harm Reduction: From Faith to Science, Whurr Publishers, London, 1993. Drucker E., Forward to Harm reduction: a new direction for drug policies and programs, Erickson P.G., Riley.D.M., Cheung Y.W., University of Toronto Press, Toronto, 1997.

*

318 L'exemple de la Suisse, qui sera développé par la suite, est encore plus significatif. Ce pays a mis en place une importante politique de réduction des risques sans pour autant exclure le principe de la répression des drogues, notamment du trafic. La Suisse n'a pas libéralisé les drogues mais elle a en revanche dépénalisé l'usage simple de drogues.

* 319 Drucker E., op.cit., p.9

* .

320 Nadelamnn E., «Progressive Legalizers, Progressive Prohibitionists and the Reduction of Drug related Harm», in Psychoactive Drugs and Harm Reduction: From Faith to Science, op.cit.

* 321 Zuffa G., I drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, op.cit.,p.19

* .

322 Nadelman, E., «Commonsense Drug Policy» in Foreign Affairs, Vol.77, n.1, Janvier/février, 1998, p.112.

* 323 Zuffa G., I drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, op.cit., p.89.

*

* 324 Fazzi L., Scaglia A., Tossicodipendenze e politiche sociali in Italia, op.cit., p.15.

* 325 OFDT, Drogues et toxicomanies. Indicateurs et tendances, Paris, OFDT, 1997

* .

* 326 Steffen M., Les Etats face au Sida en Europe, op.cit., p.101.

* 327 Cette analyse repose sur l'ouvrage de Monika Steffen, Les Etats face au Sida en Europe, op.cit., pp.111-119

* .

328 Steffen M., ibid., p.113.

* 329 Après la conférence de l'Aja de 1912, la communauté internationale établit que la production et le commerce d'opium et de coca doivent être mis sous le contrôle des gouvernements. Le prohibitionnisme commence alors à se développer et c'est dans cet esprit que le Royaume Uni adopte en 1920 le Dangerous Drug Act qui interdit la prescription de drogues. Cette orientation politique est alors plus guidée par la situation des équilibres internationaux d'après-guerre (les Etats Unis sont en pleine expansion) que par la gravité de la situation épidémiologique. Cette interdiction prendra fin en 1926.

* n

330 Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, p.114

* .

331 Zuffa G., I drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, op.cit.

* 332 On peut noter que le paradigme de la réduction des risques repose en partie sur un raisonnement similaire. Le rapport sanitaire est conçu comme une occasion afin d'entamer un rapport social pouvant déboucher à terme sur un programme thérapeutique.

* 333 Berridge V., «Harm Minimisation and Public Health: an Historical Perspective», in Heather N., Wodack A., Nadelmann E., O'Hare P., Psychoactive Drugs and Harm Reduction: From Faith to Science, Whurr Publishers, Londres, 1993

* .

334 Le rapport Rolleston, du nom du président dirigeant la commission constituée en 1926 et à l'origine d'un rapport gouvernemental sur les dépendances, établit que « lorsque ont été réalisé tous les efforts possibles [...] pour conduire le patient en une condition d'affranchissement de la dépendance de la drogue, et quand ces tentatives se sont révélées infructueuses, la prescription d'une dose minimale nécessaire de substance peut être justifiée dans certains cas afin que le patient soit maintenu dans une condition lui permettant de conduire une vie utile ». La politique du Public Health anglaise correspondait à une idéologie utilitariste et avait donc une justification avant tout économique, c'est l'utilité sociale de chaque individu qui justifiait son traitement. Zuffa G., I drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, op.cit., p. 5

* 2

335 Ibid., p.53.

* 336 Zuffa G., I drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, op.cit.,p.55

* .

337 Steffen M., Les Etats face au Sida en Europe, op.cit.,p.112.

* 338 Anni Mino, « Evolution de la politique de soins en matière de toxicomanies : la réduction des risques », op.c

* it, p.133.

339Une étude menée par Robertson en 1986 établit que dans la ville d'Edimbourg, alors que les seringues ne sont pas en vente libre, le taux de séroprévalence du Sida est de l'ordre de 45 à 55%. Dans la ville de Glasgow où, à l'inverse, les seringues sont vendues en pharmacie, ce taux de prévalence descend à moins de 10%.

J. R. Roberston, A. B. V. Bucknall, « Epidemic of AIDS Related Virus (HTV/LIII/LAV) Infection among Intravenous Drug Abusers », British Journal of Addiction, n°192, 1986, p.527, in Anne Copel, « Les intervenants en toxicomanie, le Sida et la réduction des risques en France », art.cit., p.7

* 6.

340 Zuffa G., I drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, op.cit.,p.43.

* 341 Le Controlled Drug Penality Act britannique de 1985 se concentre sur la lutte contre la criminalité liée à la drogue tout en laissant les modalités de prise en charge et les traitements médicaux à l'appréciation des professionnels de la santé

* .

342 Steffen M., Les Etats face au Sida en Europe, p 11

* 0

343 Steffen M., Les Etats face au Sida en Europe, op.cit., p.10

* 6

344 Monika Steffen décrit le processus qui a conduit à l'adoption gouvernementale de la réduction des risques: «L'adoption de la politique de réduction des risques sanitaires résulte d'un processus de mobilisation ascendante, allant de la base vers le sommet. L'adoption au sommet se fait sous la pression conjointe des responsables de la santé publique, des commissions parlementaires et des associations de bénévoles ». Steffen M., Les Etats face au Sida en Europe, op.cit., p.11

* 1

345 Zuffa G., I drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, op.cit.,p.55

* .

* 346 Ibid., p.63.

* 347 Zuffa G., I drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, op.cit.,p.64

* .

348 Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, p.110

* .

* 349 Zuffa G., I drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, op.cit.,p.65.

* 350 Cependant, les coffee shops n'étaient pas exemptes de contradiction comme le note lors d'un entretien un brigadier hollandais : « Le problème est l'approvisionnement des gérants [des coffee shops] sur le marché clandestin. Le propriétaire du magasin peut détenir le cannabis dans le local, mais si nous l'attrapons alors qu'il achète ou revend les fameux 500 grammes dans le coffe shop, il est paradoxalement dans une situation illégale » avant d'ajouter « la légalisation est nécessaire si nous voulons que les coffee shops n'aient plus aucun rapport avec les trafiquants et pour éviter que les gérants réinvestissent leurs profits dans le marché noir ». L'approvisionnement légal des coffee shop a été résolu par une motion du parlement hollandais adressée au gouvernement en juin 2000.

* 351 Zuffa G., I drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, op.cit.,p.60.

* 352 Ce centre propose aussi d'autres services tels que des douches ou des laveries automatiques, une assistance nocturne en période de grand froid (les températures peuvent atteindre moins 20° en hiver) et une unité mobile de proximité. Cf., Zuffa G., I drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, op.cit.,p.64

* .

* 353 Zuffa G., I drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, op.cit.,p.73.

* 354 Il est nécessaire de préciser que l'expérience du parc de Zurich ne fut pas à l'origine de la municipalité. Le regroupement de toxicomanes était à l'origine spontané. Ce n'est que dans un second temps que la ville de Zurich a organisé un ensemble de prestations sanitaires et sociales aux usagers de drogue qui fréquentaient le parc

* .

* 355 L'expérience suisse fut perçue en Italie, comme le rappelle Grazia Zuffa, comme une forme de contrôle social pouvant créer un ghetto de marginalité. Il s'agirait, selon elle, à l'inverse d'« une première reconnaissance des droits de citoyenneté pour les consommateurs : un lieu de la ville a au moins été rendu à ces personnes » Zuffa G., I drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, op.cit., p.75

* .

356 Grazia Zuffa remarque que l'exemple de Zurich témoigne des limites de la politique de la réduction des risques : elle ne peut être appliqué qu'à une plus grande échelle, qui soit au minimum nationale.Idem., p.74

* .

357 Les quatre piliers de la politique helvétique sont les suivants : prévention, thérapie, réduction des risques, répression. Idem., p.75

* .

* 358 Ibid., p.78.

* 359 Zuffa G., I drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, op.cit., p.86

* .

360 Cette décision a été entérinée après un second référendum, le 13 juin 1999, qui portait sur la prescription médicale d'héroïne et qui a été marquée par une victoire du « Oui » avec 54,5%. Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, p.115. L'expérimentation suisse de l'héroïne sera, par ailleurs

* , analysée ultérieurement.

* 361 Il est difficile de caractériser avec précision la date à laquelle la France applique le modèle de la réduction des risques. La date, arbitraire, de 1995 marque l'élargissement des programmes de substitution et la remise en cause du paradigme de l'abstinence. D'autres mesures fondées sur le principe de la réduction des risques avaient toutefois précédé cette mesure

* .

362 Bergeron H, l'Etat et la toxicomanie. Histoire d'une singularité française, op.cit., p.

* 9.

* .

363 Bergeron (H.), L'Etat et la toxicomanie, histoire d'une singularité française, Paris, Presses Universitaires de France, 1999, 370 p.

* 364 B. Jobert, « Les politiques sociales et sanitaires », in Madeleine Grawitz et Jean Lecas (dir.), Traité de science politique, tome 4, Paris, PUF, 1985, p.324

* .365 Coppel A., « Les intervenants en toxicomanie, le sida et la réduction des risques en France », Communications, 1996, (62), p.8

* 7

366 Un rapport établi par la Cour des Comptes en 1998 établi qu'en raison « d'une instabilité chronique résultat de remaniements successifs, de rattachements fluctuants et de la succession rapide de ses responsables », l'instance ministérielle « n'est pas parvenue à dépasser un rôle de distributeur de crédits non affectés et à animer une véritable politique interministérielle sur des thèmes tels que la prévention, la communication, la formation ou la recherche ». Cour des Comptes, Le dispositif de lutte contre la toxicomanie. Rapport public particulier, Paris, Les éditions du Journal Officiel, 1998, p.43

* .

367 Henri Bergeron, L'Etat et la toxicomanie. Histoire d'une singularité française, op.cit., p.8

* 1

368 Pelletier Monique, Rapport de la mission d'étude sur l'ensemble des problèmes de la drogue, Paris, La Documentation française, 1978, 284p

* .

369 Trautmann Catherine, Lutte contre la toxicomanie et le trafic de stupéfiants : rapport au Premier ministre, Paris, La Documentation française, collection des rapports officiels, 1990, 266p

* .

370 Henri Bergeron, L'Etat et la toxicomanie. Histoire d'une singularité française, op.cit., p.19

* 8

371 Francis Curtet, Libération, 30 novembre 1992

* .

372 « Aucune différence majeure n'a, par ailleurs, pu être décelée entre les trois grandes modalités thérapeutiques que sont les traitements ambulatoires, les programmes de maintenance à la méthadone et les communautés thérapeutiques. Il n'existe donc pas d'argument d'efficacité pour privilégier ou écarter l'un ou l'autre de ces types de traitement ». Lert et Fombonne, La toxicomanie, vers une évaluation de ses traitements, La Documentation française, Paris, coll. « Analyses et prospectives », 1989, 144p

* .

373 Henri Bergeron, L'Etat et la toxicomanie. Histoire d'une singularité française, op.cit., p.23

* 2.

374 Alain Morel, Le Nouvel Observateur, dossier « Drogue et Sida », 26 novembre -2 décembre 199

* 2.

375 Décret n°92-590 du 29 juin 1992 relatif aux centres spécialisés de soins aux toxicomanes. Ministère de la Santé et de l'Action humanitaire, Ministère de la Justice, Ministère du Budget, Journal officiel du 2 juillet 199

* 2.

* .

376 Courty P., Le travail avec les usagers des drogues, op.cit., p.9.

* 377 Cette thèse peut être illustrée par l'extrait d'un entretien conduit en 1996 par Monika Steffen lors de sa recherche auprès d'un médecin hospitalier soignant des toxicomanes sidéens : « Les thérapeutes privilégient le travail sur la problématique personnelle du toxicomane, sur son passé affectif et psychologique. Leur objectif est le sevrage par une restructuration de la personnalité. La prévention d'une maladie physique leur est étrangère » Steffen M., Les Etats face au Sida en Europe, op..cit., p.13

* 3

378 Idem, p.133

* .

379 Dussausaye E., Politiques publiques de soins en matière de toxicomanie, op.cit., p.89

* .

* 380 Circulaire DGS/750/2D du 5 août 1986 relative aux dépenses de dépistage et du traitement du Sida chez les toxicomanes

* .

381 « La lutte contre le Sida ne passe pas par une révision de la lutte contre la toxicomanie (...) La lutte contre le Sida chez les toxicomanes ne passe pas non plus par la mise en place de structures spécifiques pour toxicomanes sidéens (...) Le dispositif de soins pour toxicomanes doit pouvoir s'adapter dans sa logique propre que le Sida vient perturber mais non invalider ». Catherine Trautmann, Lutte contre la toxicomanie et le trafic de stupéfiants : rapport au Premier ministre, op.cit., pp.173-174

* .

382 Dussausaye E., Politiques publiques de soins en matière de toxicomanie, op.cit., p.9

* 0

383 Anne Coppel, « Les intervenants en toxicomanie, le sida et la réduction des risques en France », art.cit, p.78

* .

384 Le taux de contamination des toxicomanes détenus était de 70% à Nice en 1984, 61% à Fresnes en 1985, 54% à Bordeaux en 1985-1986. Anne Coppel, « Les intervenants en toxicomanie, le sida et la réduction des risques en France », art.cit, p.80

* .

385 Pour plus de précisions sur le traitement journalistique du rapport entre Sida et toxicomanie, Cf. Dussausaye E., Politiques publiques de soins en matière de toxicomanie, op.cit., p.8

* 8.

* 386 J-M Faucher, « Campagne nationale de lutte contre la toxicomanie. A chacun son fléau », Le journal du Sida, n°24, janvier 1991, cité par Anne Coppel, « Les intervenants en toxicomanie, le Sida et la réduction des risques en France », art.cit, p.81

* .

387 Sidney Hercule, Nouvelles orientations en matière de lutte contre la toxicomanie : 1993-1995, op.cit., p.70

* .

388 Wievorka Sylvie, «La réduction des risques», op.cit., p.6

* .

389 Montagnier Luc, Le Sida et la Société française : rapport au premier ministre, Paris, La Documentation française, collection des rapports officiels, 1994, 324p

* .

390 Henri Bergeron, L'Etat et la toxicomanie. Histoire d'une singularité française, op.cit., p.259

* .

391 Coppel A., « Les intervenants en toxicomanie, le sida et la réduction des risques en France », op.cit., p.79

* .

* 392 François-Rodolphe Ingold, « Les toxicomanes ont-ils une santé ? Brève histoire des traitements en France », op.cit, p.323

* .

393 Cf le rapport de l'ANIT de mai 1993 qui proposait une dépénalisation de l'usage des drogues illicites. ANIT, Pour un plan d'urgence et une politique cohérente, mai 1993

* .

394 Cour des Comptes, Le dispositif de lutte contre la toxicomanie, Rapport public particulier, op.cit., p.36

* .

395 Plan de lutte contre la drogue de la DGLDT du 23 septembre 1993, cité in Henri Bergeron, L'Etat et la toxicomanie. Histoire d'une singularité française, op.cit., p.294

* .

396 Henrion Roger, Rapport de la Commission de réflexion sur la drogue et la toxicomanie, Paris, Ministère des Affaires sociales, de la Santé et de la Ville, La Documentation française, 1995, 156p

* .

* 397 Roger Henrion, Rapport de la Commission de réflexion sur la drogue et la toxicomanie, op.cit, p.34

* .

398 Toutefois, la mise à disposition de préservatifs n'apparut pas alors nécessaire et ne se fera qu'en 1993. Faugeron Claude, Kokoreff Michel, « Il n'y a pas de société sans drogues » :Un processus de normalisation ?, in Faugeron C., Kokoreff M., Société avec drogues. Enjeux et limites, op.cit, pp.7-3

* 1

399 Coppel A., « Les intervenants en toxicomanie, le sida et la réduction des risques en France », op.cit., p.99

* .

400 Circulaire DGS/311/sida du 5 mai 1992

* .

401 Dans le précédent plan de la DLGT, le budget alloué aux « boutiques » ne représentait que 5 millions de francs sur les 50 millions alloués aux lieux d'hébergement des toxicomanes

* .

402 Décret n°95-255 du 7 mars 1995 modifiant le décret 72-200 du 13 mars 1972 réglementant le commerce et l'importation des seringues et des aiguilles destinées aux injections parentérales, en vue de lutter contre l'extension de la toxicomanie, ministère des Affaires sociales, de la Santé et de la Ville, ministère de l'intérieur et de l'Aménagement du territoire, ministère du Budget, Journal officiel du 9 mars 1995. Cité in Courty P., Le travail avec les usagers des drogues, op.cit.,p.6

* 0.

* 403 Faugeron Claude, Kokoreff Michel, « Il n'y a pas de société sans drogues » : Un processus de normalisation ?, in Faugeron C., Kokoreff M., Société avec drogues. Enjeux et limites, op.cit, pp.7-31

* .

404 La longue et difficile acceptation des traitements de substitution par les professionnels de la toxicomanie français sera l'objet d'une analyse ultérieure.

*

405 B. Chritoforov, « Le colloque de Saint-Tropez, Toxicomanies -Hépatites- Sida, le « Tournant », in Toxicomanie, Hépatite, Sida, Jean-Marie Guffens (dir.), op.cit., p.36

* .

406 Dussausaye E., Politiques publiques de soins en matière de toxicomanie, op.ci

* t., p.119

* e407 Dussausaye E., Politiques publiques de soins en matière de toxicomanie, op.cit., p.108.

408 Entretien extrait de Dussausaye E., ibidem., p.108

* .

409 Le sujet de la dépénalisation de l'usage des drogues sera traité ultérieurement dans une le cadre d'une approche comparative.

*

410 L'autonomisation du champ institutionnel français en matière de toxicomanie sera par la suite l'objet d'une analyse plus détaillée.

*

411 De nombreux ministères sont impliqués dans la lutte contre les toxicomanies et le soin des personnes dépendantes : ministère de l`Emploi et de la Solidarité, ministère de l'Intérieur, ministère de la Justice, ministère de l'Education nationale, ministère de la Recherche, ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, minist

* ère de la Jeunesse et des Sports.

412 Steffen M., Les Etats face au Sida en Europe, op.cit., p.132

* . 413 Steffen M., Les Etats face au Sida en Europe, op.cit., p.132.

414 On peut citer parmi les organismes les plus importants : l'Observatoire Français des Drogues et Toxicomanies (OFDT), l'Agence Française de Sécurité Sanitaire et des Produits de Santé (AFSSAPS), l'Institut National de Veille Sanitaire (INVS ex RNSP), le Comité Français d'Education à la Santé (CFES), Les Centres d'Évaluation et d'Information sur la Pharmacodépendance (CEIP), le Haut Comité de la Santé Publique (HCSP), le Comité consultatif national d'éthique (CCNE), le Conseil National du sida (CNS),l'Agence Nationale de Recherche sur le sida (ANRS), l'Office Central de Répression du Trafic et d'Infraction à la législation sur les Stupéfiants (OCRTIS)

* .

415 Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit.,p.10

* 7.

* .

416 Zuffa G., I drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, op.cit.,p.8

* 9

417 Atti della I Conferenza nazionale sulla droga , Palermo, 06/1993, Presidenza del Consiglio dei Ministri, p.21

* .

* 418 Zuffa G., I drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, op.cit.,p.10

* 7

419 En 1990, un réseau de villes européennes a été crée qui ont souscrit la « résolution de Francfort » où le principe de la réduction des risques est affirmé comme étant un nouvel objectif

* .

420 Zuffa G., I drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, op.cit.,p.10

* 6

421 Atti della I Conferenza nazionale sulla droga , Palermo, 06/1993, Presidenza del Consiglio dei Ministri, p.78

* 7.

* 422 Zuffa G., I drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, op.cit.,p.108

* .

423 Steffen M., Les Etats face au Sida en Europe, op.cit.,p.12

* 6.

* 424 Zuffa G., I drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, op.cit., p.110

* .

425 « Contro le droghe, cura la vita ! », Seconda conferenza nazionale sui problemi connessi con la diffusione delle sostanze stupefacenti e psicotrope e sull'alcooldipendenza », Documenti elaborati dai gruppi di lavoro ; Napoli, 13-14-15 marzo 1997, Presidenza del Consiglio dei Ministri,p.2

* 5

426 « Contro le droghe, cura la vita ! », ibid., p.18

* 3.

* 427 Grosso Leopoldo, « Riduzione del danno e liberazione dalla droga : un'alleanza possibile », art.cit., p.26

* 8

428 Zuffa G., I drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, op.cit.,p.11

* 7

429Idem.,pp.120-121

* .

* 430 Steffen M., Les Etats face au Sida en Europe, op.cit.,p.12

* 6.

431 « Droghe: parte la conferenza pronta la "controconferenza», La Repubblica, 27 novembre 2000.

* 432 Carlo Chianura, «Veronesi: "Fallito il proibizionismo"», La Repubblica, 28 novembre 2000.

* 433 « Droga,  Berlusconi a Muccioli "Bisogna cambiare"», La Repubblica, 27 octobre 2001.

* 434 San Patrignano et une communauté traditionnelle très emblématique des communautés italiennes. Elle sera analysée par la suite.

* 435 Jenner Meletti, «Droga, la svolta di Fini, parola d'ordine: reprimere», La Repubblica, 27 ottobre 2001.

* 436 Grosso Leopoldo, « Riduzione del danno e liberazione dalla droga : un'alleanza possibile », in La riduzione del danno, op.cit., p.272

* .

437 Carlaminhi R. (dir.), « Le nuove frontiere della riduzione del danno. Intervista a Leopoldo Grosso », in Animazione sociale, A.XXX, NR.140, février 2000, p.3 et suiv.

*

* 438 Galli M et Rezza G, « L'Aids in Italia », Le scienze, n°231, septembre 199

* 8.

* 439 Agnoletto V., La società dell'Aids, op.cit, pp.181-18

* 2.

* 440 Nathalie Frydman, Hélène Martineau, La drogue : où en sommes-nous ? Bilan des connaissances en France en matières de drogue et de toxicomanie, op.cit.,30

* 1

441 Caballero Francis, Bisiou Yann, Droit de la drogue, Paris, Dalloz, 2 ème édition 2000, p.595

* .

442 Pascal Courty rend compte d ce décret, et plus généralement des réticences du monde médical à mettre en place l'échange de seringues, par la considération de l'injection elle-même. La seringue est, selon lui, un objet qui mérite une réflexion à part entière dans l'histoire de la toxicomanie. Le problème de l'injection a longtemps constitué en médecine un tabou. Ce n'est qu'à partir de la réduction des risques qu'elle fut envisagée comme acceptable dans certaines circonstances. « Ce n'est qu'à partir du moment où l'on a mis en place des programmes d'échange/récupération de seringues que celui-ci [le thème de l'injection] est apparu. Cependant, il ne s'agissait pas d'évoquer l`injection comme une modalité de prendre un produit mais plutôt d'en faire un outil de la réduction des risques ». Courty P., Le travail avec les usagers des drogues, op.cit., p.57.

* 443 Libération, 3-4 août 1985 et Le Quotidien du médecin, 8-9 septembre 1985, Bergeron Henri, p.7

* 9

444 Laurence Folléa, « La chronologie du décret de 1987 sur la mise en vente libre des seringues est précisée », Le Monde, 25 février

* .

* 445 Le docteur Dugarin écrit « Penser qu'une simple législation sur les seringues va changer les risques encourus par les toxicomanes est un délire de la part du monde médical et journalistique », Docteur Dugarin, Libération, 22 Août 1985

* .

446 Décret du ministère de la santé n°87-328 du 13 mai 1987

* .

447 Michèle Barzach déclara d'ailleurs : « Ce que le dossier Sida-toxicomanie aura révélé, ce sont les dysfonctionnements de l'Etat, la lenteur de prise de décision, la lourdeur du temps administratif » Michèle Barzach, Vérité et tabous, Paris, Seuil, 1994, 212p., cité in Sidney Hercule, Nouvelles orientations en matière de lutte contre la toxicomanie : 1993-1995, op.cit., p.93

* .

448 Coppel A., « Les intervenants en toxicomanie, le sida et la réduction des risques en France », op.cit., p.99

* .

449 Décret n°88-894 du 24 août 1988 relatif à la prolongation de la suspension pour un an du décret de 1972 sur les seringues

* .

450 Décret n°89-560 du 11 août 1989 qui établit durablement la mise en vente des seringues libres

* .

451 Roger Henrion, « Révision de la loi : entre passion et raison », op.cit., p.28

* .

452 Costat, Gliola, Valleron, « Prévalence de l'infection au VIH en France avant l'introduction du traitement précoce : estimation par rétrocalcul » in Revue épidémiologique et santé publique, n°41, 1993, p.437, chiffres repris in Droits de la drogue, Francis Caballero, Yann Bisiou, op.cit., p.593

* .

* 453 Messieurs Chirac, Fabius, respectivement Premiers ministres et Messieurs Pasqua, Seguin, Balladur et Hervé, ministres, et Madame Dufoix, ministre de la Santé. Cf. « SIDA : quatre toxicomanes infectés par le virus du Sida ont porté plainte contre sept ministres », Le Monde, 5 avril 1995 ; Libération, 4 avril 1995

* .

454 Commission des requêtes de la Cour de justice de la République, classement sans suite du 28 septembre 1995

* .

455 Commission européenne des Droits de l'Homme, 2ème Chambre, décision du 4 mars 1998, Itard contre France, requête n°31102/96

* .

456 Circulaire DGS/311/Sida du 5 mai 1992 qui présente les résultats estimés positifs de trois projets pilotes d'échange de seringues et de prévention de VIH mis e place entre 1989-1990. Rapport remis à la Divion Sida en septembre 1991 par Françoise Facy, chercheur à l'INSERM.

*

457 Extrait d'un entretien r

* éalisé et cité par Dussausaye E., Politiques publiques de soins en matière de toxicomanie, op.cit., pp.94-95.

* 458 Coppel A., « Drogue : réduire les risques », Libération, 9 mars 1993.

459 Décret n°95

* -255 du 7 mars 1995, JO du 9 mars 1995, p.3685.

460 Sylvie Wievor

* ka, « La réduction des risques », art.cit, p.7.

461 Cf. Wiebel et E. Senay, « Changer les comportements à haut risque chez les usagers de drogue par voie intraveineuse dans les rues de Chicago », Rétrovirus, n°4, 1991, pp.35-37, cité in Sylvie Wievor

* ka, « La réduction des risques », art.cit, p.9.

462 Lettre aux associations menant des programmes de prévention du Sida et des hépatites auprès d

* es usagers de drogue, 11 juin 1996, DS2-449/96.

* 463 Les données présentées ici sont extraites du

* rapport suivant : MILDT, Plan triennal de lutte contre la drogue et de prévention des dépendances 1999 - 2000 - 2001, op.cit., p. 85.

464 Le terme employé en Italie pour designer l'outreach work est celui de « unità di strada » (littéralement « unité de rue ») qui nous semble plus restrictif que la définition française. Le travail de proximité peut se dérouler dans la rue, au sein des institutions (prisons, hôpitaux, écoles) ou encore, bien que moins fréquemment au domicile des personnes comme Danemark ou en Grande-Bretagne. L'élément commun des différents types de travail de proximité est le milieu dans lequel il s'effectue 

* : dans l'environnement « naturel » des usagers.

465 L'analyse qui suit de la notion de travail de proximité a été construite à partir de l'analyse des ouvrages et des articles suivants auxquels il est possible de se conférer pour de plus amples informations : Mougin Chantal, « Le travail de proximité auprès des usagers de drogues en Europe. Concepts, pratiques et terminologie », in Faugeron C., Kokoreff M., Société avec drogues. Enjeux et limites, op.cit, pp.129-146 ; Faugeron Claude, Kokoreff Michel, « Il n'y a pas de société sans drogues » : Un processus de normalisation ?, in Faugeron C., Kokoreff M., Société avec drogues. Enjeux et limites, op.cit, p.28 ; Roger Lewis, « Attività ad ampio raggio : ricerca attiva e prevenzione dell'Hiv tra i consumatori di droghe iniettive»,La cura delle persone con Aids. Interventi e contesti culturali, Nizzoli Umberto, Oberto Bosi (dir.), Erickson, Trento, 2001, pp.95-103; Montanari Linda, «Valutazione e prevenzione dell'Aids in Europa: alcune piste di riflessione», La cura delle persone con Aids. Interventi e contesti culturali , Nizzoli Umberto, Oberto Bosi (dir.), op.cit, pp.105-115 ; Salarais Maristella, « Riduzione del danno : unità educativa di strada », La cura delle persone con Aids. Interventi e contesti culturali, Nizzoli Umberto, Oberto Bosi (dir.), op.cit, pp.301-310 ; Bellini Marco L., «Valutazione e qualità degli interventi di prevenzione delle tossicodipendenze: un esperienza con le Unità di strada», in Lai Guaita Maria Pia (dir.), La pre

* venzione delle tossicodipendenze, op.cit, p.57.

466 Hartnoll R.L., et al., A survey of Hiv outreach intervention in the United Kingdom, London, B

* irkbeck College, Drug Indicators Project, 1990.

467 Wiebel J., « Positive effects on Hiv seroconversion of street outreach interventions with IDUs in Chicago 1988-1992 », Ameri

* can Journal of Public Health, n.24, pp.315-332.

468 Il est nécessaire de constater que le travail de proximité est une activité davantage destinée à atteindre les consommateurs de drogues classiques (héroïne et cocaïne) que les consommateurs de drogues de synthèse. Le manque de projet dans ce second secteur est probablement lié au contexte dans lequel a été développé le travail de proxi

* mité : répondre à l'urgence sanitaire du sida.

* 469 Maristella Salarais qui a participé à la constitution du projet «unità di strada» de l'Usl de Rimini né en 1994 en résume la philosophie : «La position de ceux qui soutiennent que le toxicomane doive «toucher le fonds» pour pouvoir remonter nous semble cynique et même parfois perverse. Si cela est vrai pour certains, toucher le fonds signifie pour d'autres mourir d'overdoses, s'infecter au virus VIH ou adopter des conditions de vie quasi dishumaines » et elle ajoute « La période de la vie marquée par un état de toxicomanie représente un moment de l'existence dans lequel il est possible d'intervenir, fournissant les instruments qui peuvent favoriser un pas en avant vers une qualité de vie plus satisfaisante, le meilleur bien être possible en ce moment, en partant de certaines conditions hygiénico-sanitaires » Salarais Maristella, « Riduzione del danno

*  nsumatori di droghe iniettive», in La cura delle persone con Aids. Interventi e contesti culturali , op.cit., p.96.

470 Emccda, Outreach

* Work Drug Users in Europe, «Insight», 2, 1990.

471 Montanari Linda, «Valutazione e prevenzione dell'Aids in Europa: al

* cune piste di riflessione», in La cura delle persone con Aids. Interventi e contesti culturali., pp.112-113.

* 472 Pour un exemple concret de travail de proximité auprès des jeunes on peu se reporter au document, présenté par la suite, « Le Bus  Echange Prévention » qui décrit un projet de prévention dév

* eloppé par le CSTT de Clermont-Ferrand.

473 Les activités d'auto-support seront décrites plus amplement par la suite.

* 474 Conseil national du sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre lé

* g islatif, op.cit.

* 475 Les données présentées ici sont extr

* aites du rapport suivant : MILDT, Plan triennal de lutte contre la drogue et de prévention des dépendances 1999 - 2000 - 2001 , op.cit., p. 85.

476 « Toutes les activités d'animation ne sont jamais une fin en elles-mêmes mais elles ont une fonction de support à l'action éducative, créatrice de liens interpersonnels. Les activités sont donc à voir comme étant une occasion efficace pour se rencontrer et créer des liens entre personnes qui, ayant le même problème, tentent de rétablir soit des intérêts non liés à la drogue, soit des types de relations qui ont été compromises par l'usage de la drogue. Il s'agit donc d'activités qui tentent de reconfigurer ou de redonner sens à des intérêts qui étaient auparavant vifs mais que la toxicomanie a mis de coté ». Salarais Maristella, « Riduzione del dann

* o: unità educativa di strada », art.cit, p.306

* 477 Salarais Maristella, « Riduzione del dan

* no : unità educativa di strada », op.cit, p.307

478 C'est nous qui soulignons. Mougin Chantal, « Le travail de proximité auprès des usagers de drogues en Europe. Concepts,

* pratiques et terminologie », in Faugeron C., Kokoreff M., Société avec drogues. Enjeux et limites, op.cit, p.132.

479 Courty P., Le travail a

* vec les usagers des drogues, op.cit., pp.71-77.

* 480 « Il apparaît que le couple aire d'accueil précaire-structures de réduction des risques est un modèle qui reste opérant. Il faut cependant être vigilant et ne pas contribuer à augmenter les phénomènes d'errance estivale et l'initiation à la prise de toxiques. Pour ce faire, le maintien de conditions d'accueil frustres doit être assuré. Les dernières expériences tendraient vers un confort qui pourrait pe

* rvertir la fonction première de ces accueils ».

481 Marco Bellini note toutefois que face à la multiplication des actions, il apparaît nécessaire de soumettre le travail de proximité à des normes de qualité objectives comme celles du système UNI EN ISO 9004 (gestion de la qualité et élément d'un système de qualité). Cet engagement en faveur de la qualité des services de prévention se concrétise par l'engagement du responsable du service dont dépend l'unité de proximité. Celui devrait ainsi remettre un document appelé « politique de la qualité » dans lequel il indique les objectifs à atteindre et les moyens mis en oeuvre dans ce sens. Dans ce document les principes généraux d'intervention devraient être mentionnés : équité, accessibilité, ajustement des ressources humaines et matérielles, compétence, efficacité, etc. Les objectifs poursuivis par l'unité de route doivent figurer de manière compréhensible. Cf., Bellini Marco L., «Valutazione e qualità degli interventi di prevenzione delle tossicodipendenze: un esperienza con le Unità di strada», in Lai Guaita Maria Pia (dir.), La pr

* evenzione delle tossicodipendenze, op.cit, p.57

482

* 483 Fazzi L., Scaglia A., «Introduzione», in Tossicodipendenze

* e politiche sociali in Italia, op.cit., p.15.

484 Touzeau Didie

* r, Bouchez Jacques, La Méthadone, op.cit., 12p.

485 Le développement de la méthadone est fortement associé à une diminution des risques de transmission VIH ou d'hépatites. Il a été établit que la prévalence des infections par le VIH parmi les patients recevant de la méthadone est généralement inversement proportionnelle à la durée du traitement. Alors que 50% environ des toxicomanes qui injectent sont actuellement séropositifs à New York, parmi ceux qui ont débuté leur traitement depuis 1978, les prévalences sont quasi-nulles. Touzeau Didie

* r, Bouchez Jacques, La Méthadone, op.cit., 12p.

486 Dans des villes où la méthadone est facilement accessible comme à Amsterdam ou à Genève, jusqu'à 70% des sujets dépendants de l'héroïne peuvent être admis dans des programmes de traitement. Des pays comme la Finlande ou la Grèce ont moins de 5% de patients dépendants bénéficiant de traitements méthadone. Touzeau Didie

* r, Bouchez Jacques, La Méthadone, op.cit., 12p.

487 Henri Bergeron, L'Etat et la toxicoma

* nie. Histoire d'une singularité française,op.cit., p.8.

* 488 Zecchini Laurent, « Drogués en Europe : aider ou sévir. Des policiers pragmatiques en Grande-Bretagne », Le Monde, 6 janvier 1994.

*

489 Richard D., Pirot S., Senon J.L., « Les principales drogues », art.cit., pp.97-98 ; Touzeau Didier, Bouchez Jacques, La Méthadone, op.cit.

* 490 D'où, en 1967, l'hypothèse que la toxicomanie bouleverse profondément le métabolisme créant ce besoin «physiologique » d'opiacés, rendant difficile (pour ne pas dire impossible) l'objectif d'abstinence à court terme. L'héroïnomane, en « déficience » métabolique avait, dans cette hypothèse, besoin de ses opiacés, comme un diabétique insulino-dépendant de son insuline. Depuis, cette façon d'appréhender les rechutes et de proposer une nouvelle approche thérapeutique est

* devenue un modèle repris dans le monde entier.

* 491 Le système américain de traitement de la toxicomanie disposait déjà d'une première expérience en terme de substitution. Les pouvoirs publics américains avaient en effet mis en place au début du 20e siècle un système de traitement de la toxicomanie fondée sur la prescription d'opiacés avec l'ouverture des narcotic clinics. Il avait toutefois été vivement critiqué

* durant le prohibitionnisme et s'était achevé en 1925.

492 Cf., Ball J.C., Ross A., The effectiveness of Methadone Maintenance Treatment, Springer, New York, 1991.

* 493 Gatti R.C., Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servi

* zio pubblico, op.cit.

494 Ministero della Sanità, « Linee guida per il trattamento della dipendenza da oppiacei con farmaci sostitutivi », Circolare 30.9.1994, n.20, Gazzetta ufficiale de

* lla Rep. italiana, 14.10.1994, serie gen., n.4.

* 495 Orsenigo Marco, Tra clinica e controllo sociale. Il lavoro psicologico nei servizi per tossicodipendenti, op.cit.

* 496 L'analyse qui suit du cas français a été construite à partir des ouvrages suivants auxquels on peut se rapporter pour de plus amples informations. Augé-Caumon M-J., Bloch-Lainé J-F., Lowenstein W., Morel A., L'accès à la méthadone en France. Bilan et recommandations, Rapport réalisé à la demande de Bernard Kouchner Ministre Délégué à la Santé, 87p ; Courty P., Le travail avec les usagers des drogues, op.cit., p.37. ; Touzeau Didier, Bouchez Jacques, La Méthadone, 12p ; Gatti R.C., Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servizi

* o pubblico, Franco Angeli, Milan, 1996, p.49.

497 Jusqu'en 1992, le nombre de personnes en bénéficiant resta très marginal (50 personnes). De plus il était impossible de prescrire des doses supérieures à 60 mg, qui constitue la dose minimale définie par Ball et Ross. Un certain nombre de critères d'inclusion étaient définis de façon restrictive: le patient devait avoir plus de 18 ans, avoir effectué deux sevrages sans succès en service hospitalier et avo

* ir plus de cinq années d'utilisation d'héroïne.

498 Outre le statut très péjoratif de « stupéfiant » auquel ont été soumis tous les morphiniques et la diabolisation de leur usage médical, d'autres raisons sont à l'origine de cette opposition : en particulier, la très faible médicalisation des structures spécialisées dans la « lutte contre les toxicomanies », leur peu d'intérêt pour la dimension organique et biologiq

* ue, et pour le développement des neurosciences.

499 La codéine a une action analgésique de courte durée (trois heures) et est utilisée par les héroïnomanes afin de réduire les effets d'un syndrome de sevrage.

*

* 500 Ramon Neira, « Pour un changement de cap des politiques socio-sanitaires de prévention et de traitement. Poin

* t de vue d'un clinicien », op.cit., pp.441-442.

501 Circulaire DGS-DAS/405/2D-FE2 du 15 mai 1990

* 502 D. Coester, M.A. Laborde et M.Thévenin, Analyse d'une décision : l'extension des programmes de traitement des toxicomanes par la méthadone, Mémoire IEP Paris, sous la responsabi

* lité de Madame Legendre, IEP Paris, 1994, p.21.

503 En 1993 Simone Veil évoque la « difficulté à trouver des équipes médicales pour encadrer ces programmes » Laurence Folléa, « La délivrance de méthadone à des toxicomanes devrait être développée dans de structu

* res spécialisées », Le Monde, 13 novembre 1993.

504 Michel Setbon, L'injonction thérapeutique : évaluation du dispositif légal de prise en charge de

* s usagers de drogue interpell

* és, Paris, éditions du CNRS, Groupe d'analyse des politiques publiques, 1998, p.9.

505 Le Monde, 11 novembre 1993

506 Une « véritable politique de santé publique » est ainsi définie par « un accès sans obstacle aux seringues stériles et aux préservatifs » mais aussi par l'introduction de la méthadone qui devient un outil de prise en charge mais « ni plus ni moins que d'autres outils comme l'hébergement thérapeutique, le sevrage avec accompagnement social [...] La substitution n'est pas une solution miracle [...] mais un des moyens de recours aux soins que l'on ne saurait rejeter. La réduction des risques ne doit pas conduire à la réduction des soins ». Alain Morel, « Avancer. Les intervenants en toxicomanie, la substitution et le déba

* t public », Intervention, n°43, 1994, pp.34-37.

507 ANIT, Rapport moral. Assemblée générale du 26 mai, Stratsbourg, 1994, p.4, cité in Henri Bergeron, L'Etat et la toxicomanie. Histoi

* re d'une singularité française, op.cit., p.292.

508 Alain

* E509 Alain Ehrenberg, L'individu incertain, op.cit, p.111.

510 Jaques Chirac déclara à l'occasion que « la généralisation des expériences de substitution de la méthadone aux drogues paraît être la porte ouverte à la libéralisation de la consommation de drogue » Jacques Chirac, Le Nouvel Observateur, « dossier

* Drogue et Sida », 26 novembre-2 décembre 1992.

511 En janvier 1993, les partisans de la réduction des risques organise un colloque intitulé « Tri-ville ». A cette occasion de nombreux spécialistes internationaux de la toxicomanie viennent rendre compte des programmes de méthadone développés à l'étranger. Les succès thérapeutiques de la méthadone, l'amélioration de conditions d'existence des individus, la diminution de la délinquance sont présentés comme autant de résultats liés à l'usage de la méthadone. Un autre colloque est

* organisé sur l'initiative de MDM en mars 1993.

512 Alain Morel, président de l'ANIT, déclara que « l'exemple de New York prouve que la méthadone n'est pas une solution radicale. Dans une ville où de 30 000 à 80 000 personnes utilisent ce produit chaque année, on trouve une séroprévalence de 60% dans les populations traitées, soit deux fois plus que chez nous ». V. de Vezins, « Le veto des homm

* es de terrain », Le Figaro, 19-20 février 1994.513 On distingue généralement les programmes de substitution à bas seuil, qui comportent peu de conditions d'admission, et les programmes à haut seuil, qui nécessitent de nombreux réquisits. Ce point sera par ailleurs développée par la suite.

* 514 Jean-Paul Séguéla déclara : « La distribution aux seuls héroïnomanes lourds, sur prescription médicale, d'héroïne ou de méthadone, produits toxicogènes classées comme stupéfiants par les conventions internationales, serait un encouragement à la toxicomanie, contraire à l'éthique des médecins. Cette prescription, rappelons le, cautionne l'usage de produits sans aucune valeur thérapeutique. Elle est dommageable pour la santé. Il n'est pas tolérable que les médecins deviennent « des dealers en blouse blanche » et participent à l'entretien de la toxicomanie. Ne serait-ce pas là une sorte d'euthanasie ? [...] Le combat contre la drogue est pour nos citoyens la grande priorité, avant le chômage, le risque nucléaire, l'éclatement de la famille et le Sida » Jean-Paul Séguéla, in Laurence Folléa, « Drogués en Europe : aider e

* t sévir. La France », Le Monde, 4 janvier 1994.

515 « Ce projet d'ouverture de cinquante places de méthadone sur Paris introduit une rupture radicale par rapport à l'esprit du protocole en place. En effet, ce projet ne se situe plus dans un objectif thérapeutique par rapport aux problèmes de la dépendance mais vise de manière quasi-exclusive la prévention du VIH et l'accès aux soins des toxicomanes vivants avec le VIH ». Compte rendu de la réunion de la Commission méthadone du 18 mai 1993 concernant le projet de MDM, cité in Henri Bergeron, L'Etat et la toxicomanie. Histoi

* re d'une singularité française, op.cit., p.286.

516 La Circulaire de la DGS précise que « ces programmes sont mis en place pour participer à la réduction des risques et pour favoriser l'adoption par les toxicomanes de comportement de prévention. L'objectif des programmes de substitution est généralement de viser une meilleure insertion sociale, une régulation, voire une interruption à terme de prise de tout opiacé ». Circulaire DGS/45/ Division Sida-SP 3 du 17 juin 1993 relative au renforcement des actions de l'Etat d

* ans le domaine de lutte contre l'infection VIH.

517 Cette circulaire réaffirme l'importance de la réduction des risques mais ajoute que les programmes de méthadone doivent viser « une interruption à terme de toute prise d'opiacé

* s ». Circulaire DGS/72/SP 3 du 9 novembre 1993.518 La DDASS lance alors un appel d'offre en direction des centres de soins spécialisés pour augmenter le nombre de traitement de méthadone [Circulaire DGS/DH n°14 du 7 mars 1994 relative au cadre d'utilisation de la Méthadone dans la prise en charge des toxicomanes, ministère des Affaires sociales, de la Santé et de la Ville, non parue] Toutefois comme le rappelle Pascal Courty l'autorisation officielle était plus facile que la mise en place effective en raison des réticences des équipes hospitalières qui restaient orientées uniquement vers le sevrage des usagers. « Il fut impossible de trouver à l'intérieur des services du centre hospitalier un(e) infirmier(e) qui désirait travailler dans cette perspective. Personne à l'époque ne voulait être complice de la défonce supposée des usagers. Comme on disait alors, on ne veut pas « donner de la drogue aux drogués » ». Courty P., Le trava

* il avec les usagers des drogues, op.cit., p.3

* 9.

519 Circulaire DGS/04/SP 3 du 11 janvier

* 1995.

520 Circulaire DGS/SP3/95 n°29 du 31/03/95

521 Pascal Courty souligne cependant le problème de l'inégalité d'accès aux soins puisque prés de 80 structures sur 2

* 20 refusent encore de prescrire la méthadone.

522 Francis Caballero, Ya

* nn Bisou, Le droit de la drogue, op.cit, p.109.

523 Robert Castel, « Une préoccupation en inflammation », Informations sociales, 1993, n°26, p.87-96, d'après Henri Bergeron, L'Etat et la toxicomanie. Histoi

* re d'une singul

* arité française, op.cit., p.247.

* 524 Ibid, p.248.

525 «Tour à tour, la méthadone est devenue drogue légale ou médicament miracle, son prescripteur un dealer en blouse blanche. Elle servait à une normalisation et un contrôle social ou permettait une stabilisation pour réorienter son existence. Elle bousculait les pratiques professionnelles des juges, des magistrats habitués à voir des toxicomanes en manque ou des intervenants sanitaires qui exigeaient un sevrage avant toute prise en charge. Elle s'inscrivait dans une politique sanitaire et sociale, prenant en compte des risques infectieux et sociaux». Touzeau Didi

* er, Bouchez Jacques, La Méthadone, op.cit.,12p.

526 S. Arsever, A. Mino, J'accuse les mensonges qui tuent les drogués, Paris, Calman-Lévy, 1996, cité par Henri Bergeron, L'Etat et la toxicomanie., op.cit.

* '

* 527 Les statistiques citées ici sont extraites de Global Hiv/Aids et STD surveillance. Report on the global Hiv/Aids epidemic, Unaids, Genève, avril 2001. Cité in Steffen M., Les Etats face au Sida en Europe, op.cit.,p.19.

* 528 Les statistiques internationales entendent par « Europe de l'Ouest » les pays de l'Union européenne, ainsi que la Suisse, la Norvège, l'Islande, mais aussi Malte, Israël, Albanie, Macédoine, Slovénie, et Yougoslavie. Nous excluons de notre analyse ces derniers pays.

* 529 Pour une analyse détaillée des politiques publiques européennes développées face à l'épidémie de VIH/Sida, on peut de reporter avec profit à l'ouvrage suivant : Steffen M., Les Etats face au Sida en Europe, op.cit.

* 530 La recherche de l'OEDT sur l'évolution du nombre décès liés à la drogue en UE rend compte d'une diminution générale notamment en France, en Finlande, au Luxembourg et en Belgique. On observe en revanche une augmentation en Irlande, en Grèce et en Autriche. OFDT, Drogues et toxicomanies : indicateurs et tendances, op.cit., p.21. Cf. Document n°4.

* 531 La quasi-totalité des chiffres cités içi sont repoduits dans les documents situés en fin de chapitre qui seront fréquemment cités.

* 532 OFDT, Drogues et toxicomanies : indicateurs et tendances, op.cit.

* 533 Conseil national du Sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre législatif, op.cit.

* 534 Source : Centre européen pour la surveillance épidémiologique du Sida, Paris. Cité in Steffen, M., Les Etats face au Sida en Europe, op.cit.,p.19.

* 535 Source : documents n°5 et n°6.

* 536 Selon le Centro operativo Aids de l'Istituto Superiore della sanità, les cas de sida sont répertoriés à 46 534 le 30/06/2000 dont 45 846 adultes. Avanzi Maurizio, Bontà Flavio, « Il counselling per l'Hiv nei sert », La cura delle persone con Aids. Interventi e contesti culturali , Nizzoli Umberto, Oberto Bosi (dir.), op.cit, p.174.

* 537 Document n°7 et n°8 et n°9.

* 538 Nizzoli Umberto, «Assistere persone con Aids, tossicodipendenti e no», La cura delle persone con Aids. Interventi e contesti culturali , Nizzoli Umberto, Oberto Bosi (dir.), Erickson, Trento, 2001, pp.14.

* 539 Une enquête épidémiologique locale effectuée de 1985 à 1992 auprès de la Division des Maladies infectieuses de l'hôpital Santa Maria delle Croci (Ravenne, Italie), a confirmé cette diminution de la présence des toxicomanes parmi les patients positifs au VIH au détriment de la population hétérosexuelle. Ainsi la part des toxicomanes est passée de 90,9% (01/1985-12/1986) à 83,40 (01/1987-12/1988) puis à 70,40% (01/1989-12/1990) pour enfin atteindre la taux de 46,60% (01/1991-31/12/1992). La présence des hétérosexuels parmi les personnes positives au VIH est restée stable de 1985 à 1990 en passant de 2,2% (01/1985-12/1986) à 5,40% (01/1987-12/1988) pour ensuite atteindre 13,6 % (01/1989-12/1990) après quoi elle a connu une forte augmentation au début des années quatre-vingt-dix en atteignant le taux de 33,90% (01/1991-31/12/1992). Cf., Ranieri S., Bassi P., «Considerazioni epidemiologiche e profilattiche sull'infezione da HIV», in Serra Carlo, Macchia Patrizia (dir.), Chi ha paura di uscirne?, Editions Kappa, Roma, 1995, pp.66-68.

* 540 Les comparaisons entre les voies de transmission du sida et de prévalence de l'infection à VIH chez les toxicomanes restent limitées du fait que le virus de l'immunodéficience (VIH) précède dans le temps les symptômes de la maladie de plusieurs années (jusqu'à 10 ou 12 ans).

* 541 Conseil national du sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre législatif, op.cit., p.18.

* 542 Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit

* 543 Istituto superiore sanità, Centro operativo AIDS, « Aggiornamento dei casi di Aids conclamato notificati in Italia al 31 marzo 1994 », in Bolletino, XVII, n.1, 1994.

* 544 Conseil national du sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre législatif, op.cit.

* 545 On peut par ailleurs noter que le mode de transmission le plus important dans ces deux pays reste l'homosexualité.

* 546 Ces évolutions sont matérialisées dans le graphique situé dans les documents n°7 et n°8.

* 547 Steffen, M., Les Etats face au Sida en Europe, op.cit.,p.222.

* 548 Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit

* 549 Conseil national du sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre législatif, op.cit., p.19.

* 550 OEDT, Statistical Tables for 2000 Annual Report. Cité in Montanari Linda, «Valutazione e prevenzione dell'Aids in Europa: alcune piste di riflessione», art.cit, p.111.

* 551 Le CNS élabore un ensemble de remarques dans on évaluation de 2001 sur le problème « VIH et VIC ».Tout d'abord, la part des personnes présentant une sérologie positive au VHC au sein des personnes infectées par le VIH à la suite d'usage de drogues par voie intraveineuse au second trimestre 1999 était de 73,5%. Or, la co-infection par le VIH et par une hépatite a des répercussions importantes sur le plan de la prise en charge : difficulté accrue de l'observance thérapeutique, lourdeur des traitements, accroissement des difficultés psychologiques, complexité du suivi, etc. Pour les personnes concernées, elle rend les perspectives de survie aléatoires : les traitements peuvent entrer en contradiction, le pronostic est incertain et susceptible d'évoluer rapidement, l'accès aux greffes de foie reste à ce jour impossible en cas de détérioration grave des fonctions organiques, et les effets secondaires des traitements peuvent être potentialisés par l'association des molécules. Conseil national du sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre législatif, op.cit., p.19.

* 552 Conseil national du sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre législatif, op.cit., p.20.

* 553 Conseil national du sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre législati

* f, op.cit..

554 Chiffres de l'Observatoire européen des drogues et des

*

555 Montanari L., Bassi R., Bosi R., «Indagine sui comportamenti sessuali e tossicomanici dei tossicodipendenti dai Sert e dalle comunità terapeutiche dell'Emilia Romagna», La cura delle persone con Aids. Interventi e contesti culturali , Nizzoli U

* mberto, Oberto Bosi (dir.), op.cit, pp.289-300.

556 Conseil national du sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique. Propositions po

* ur une reformulation du cadre législatif, op.cit.

557 Ingold François-Rodolphe (sous la direction de), Etude multicentrique sur les attitudes et les comportements des toxicomanes face au risque de contamination par le VIH et les virus de l'hépatite, Institut de Recherche en Epidémiologie de la Pharmacodépendance,

19

* 96.

* 558 Lert F., Candiller C., Imbert E., Belforte B., « Pratiques de protection des usagers de drogues et exposition au risque de transmission du VIH », Bulletin épidémiologique hebdomadaire, n°50, 11 décembre 1995.

559 Bouhnik, Rey, Escaffre, Gastaut, Cassu

* to, Gallais, Moreau, Obadia et MANIF 2000, 1999

560 Augé-Caumon M-J., Bloch-Lainé J-F., Lowenstein W., Morel A., L'accès à la méthadone en Franc

* e. Bilan et recommandations, op.cit.

* 561 Avanzi Maurizio, Bontà Flavio, « Il counselling per l'Hiv nei Sert », La cura delle persone con Aids. Interventi e contesti culturali , Nizzoli U

* mberto, Oberto Bosi (dir.), op.cit, pp.173-190.

562 Carminati Paolo, « Avvio all'assistenza sanitaria per Hiv/Aids di tossicodipendenti emarginati e senza fissa dimora », La cura delle persone con Aids. Interventi e contesti culturali , Nizzoli U

* m

* b

* e

* rto, Oberto Bosi (dir.), op.cit, pp.329-350.563 Ibid.

564 Conseil national du sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre législatif, op.cit., p.23

565 Friedman S.R. et autres, « Aids and self-organization among intravenous drug users », The internationa

* l journal of the Addictions, n.22, 1987, p.183.

566 Conseil national du sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre législatif, op.ci

* t.e567 Agnoletto Vittorio, « Aids, tossicodipendenza e carcere », in Serra Carlo, Macchia Patrizia (dir.), Chi ha paura di uscirne?, op.cit.

* 568 Pour des études sur les risques d'infection à VIH en prison dans le monde on peut consulter : Emmanuelli Julien, Usage de drogues, sexualité transmission des virus VIH, hépatites B et C et réduction des risques en prison à travers le monde : état des lieux et mise en perspective. Revue de littérature, Paris, RNSP, 1997 [document dactylographié] ; Rotily (Michel), Weilandt (Caren), « Risk behaviour and HIV infection in European prisons », AIDS in Europe. New challenges for the social

* sciences, London, Routlege, 2000, pp. 149-164.

569 Les chiffres cités ici sont catalogués dans un tableau reproduits en fin de section

* 570 Agnoletto Vittorio, « Aids, tossicodipendenza e carcere », in Serra Carlo, Macchia Patrizia (dir.), Chi ha paura di

* uscirne?, Editions Kappa, Roma, 1995, pp.45-55

571 Le calcul du nombre de toxicomanes incarcérés n'est pas une opération facile. On peut prendre pour point de départ les détenus incarcérés pour un délit lié à la loi sur les stupéfiants. Ceux-ci représentaient 36,2% du système carcéral italien en 1998. Parmi ceux-ci 21,9% n'étaient cependant pas toxicomanes mais incarcérés pour un délit lié à la revente ou au trafic. En outre, 50% des toxicomanes en prison sont incarcérés pour un délit non lié à la loi sur les stupéfiants. Chiffres de Ministero Giustizia, Dipartimento Amministrazione Penitenziaria. Cité dans Bertelli Bruno, « Le politiche penitenziarie », in Tossicodipendenze e politiche sociali in Italia, Luca Fazzi, Antonio Scaglia, FrancoAngeli, Milan, 2001, p.161.

* 572 Bertelli Bruno, « Le politiche penitenziarie », art.cit., p.151.

* 573 Ancienne appellation des services de prise

* en charge spécialisée en milieu pénitentiaire.

574 L'incarcération est une expérience connue pour la plupart des toxicomanes vivant en prison, 45% ayant déjà été détenus avant l'âge de 20 ans. Sur le plan socio-démographique, il s'agit d'hommes pour les 9/10èmes, âgés en moyenne de 28 ans; 17% sont bénéficiaires du RMI, 40% ne sont peu ou pas qualifiés, la grande majorité n'a pas d'activité professionnelle, 25% sont de nationalité étrangère. Il s'agit donc là d'une population qui est massivement fragilisée et cumule les handicaps sociaux et judiciaires. Cf., Facy (Françoise), Chevry (Pascale), Verron (Michèle), « Toxicomanes incarcérés vus dans les antennes-toxicomanies », Psychotropes, vol. 3, n° 4, décembre 1997, pp. 49-63 ; Bouhnik (Patricia), Jacob (Elisabeth), Maillard (Isabelle), Touzé (Sylviane),L'amplification des risques chez les usagers de drogues précarisés. Prison - polyconsommations - substitution. Les années « cachet

* », rapport DGS/DAP, RESSCOM, juin 1999. 155 p.

575 L'analyse du cas italien a été construite à partir des articles et des ouvrages suivants, auxquels il est possible de se reporter pour de plus amples informations. Cf., Agnoletto Vittorio, « Aids, tossicodipendenza e carcere », in Serra Carlo, Macchia Patrizia (dir.), Chi ha paura di uscirne?, Editions Kappa, Roma, 1995, pp.45-55; Culla Luigi, «L'istituzione penitenziaria e il problema dei tossicodipendenti detenuti», in Serra Carlo, Macchia Patrizia (dir.), Chi ha paura di uscirne?, Editions Kappa, Roma, 1995, pp.29-34 ; Orsenigo Marco, Tra clinica e controllo sociale. Il lavoro psicologico nei servizi per tossicodipendenti, FrancoAngeli, 1996, Milan, p.158 ; Spella Fernanda, « Fattori di rischi per i tossicodipendenti nelle carceri italiane », La cura delle persone con Aids. Interventi e contesti culturali , Nizzoli Umberto, Oberto Bosi (dir.), op.cit, pp.213-227; Campedelli Massimo, Tossicodipendenza : punire un'allusione ?, op.cit, p.82. Cocco Nicola, «Contributo ad un interpretazione economicistica del proibizionismo», in Serra Carlo, Macchia Patrizia (dir.), Chi ha paura di uscirne?, Editions Kappa, Roma, 1995, pp.75-106 ; Ciolli Edvige, « I reparti « a custodia attenuata » per detenuti tossicodipendenti nel vigente ordinamento, in Serra Carlo, Macchia Patrizia (dir.), Chi ha paura di us

* cirne?, Editions Kappa, Roma, 1995, pp.125-129.

576 Campedelli Massimo, Tossicod

* ipendenza : punire u

* n'allusione ?, op.cit, p.82

577 Art.96 DPR 309/90

578 G.C Zappa, « I problemi della magistratura di sorveglianza sul fronte del controllo penale dalla tossicodipendenza », in BION. Bollettino informativo dell'osservatorio nazionale, Mi

* nistero di grazia e giustizia, n.1, 1993, p.62.

579 Agnoletto Vittorio, « Aids, tossicodipendenza e carcere », in Serra Carlo, Macchia Patrizia (dir.), Chi ha paura di

* uscirne?, Editions Kappa, Roma, 1995, pp.45-55.

580 « Conferenza Nazio

* nale Palermo », Presidenza del Consiglio, p.48.

581 Lesmo Chiara, «Interventi di formazione e informazione in carcere», in Serra Carlo, Macchia Patrizia (dir.), Chi ha paura di us

* cirne?, Editions Kappa, Roma, 1995, pp.119-121.

582 Les données sur le nombre de cas de séropositifs et cas de Sida déclarés sont extraits des ouvrages suivants : Agnoletto Vittorio, « Aids, tossicodipendenza e carcere », in Serra Carlo, Macchia Patrizia (dir.), Chi ha paura di uscirne?, Editions Kappa, Roma, 1995, p.50 ; Spella Fernanda, « Fattori di rischi per i tossicodipendenti nelle carceri italiane », La cura delle persone con Aids. Interventi e contesti culturali , Nizz

* oli Umberto, Oberto Bosi (dir.), op.cit, pp.213-227

583 Bertelli Bruno, « Le politiche penitenziarie », in Tossicodipendenze e politiche sociali in Italia, op.cit., p.152.

* 584 La question des mesures alternatives sera traitée de façon plus spécifique par la suite. Il s'agit ici d'en donner une idée en perspective de réduction des risques.

* 585 Bertelli Bruno, « Le politiche penitenziarie », art.cit., p.155.

* 586 Steffen, M., Les Etats face au Sida en Europe, op.cit.,p.127.

* 587 Agnoletto Vittorio, « Aids, tossicodipendenza e carcere », art.cit.

* 588 Réseau européen sur la prévention du VIH/Sida et de l'hépatite en prison, Rapport annuel de la Commission européenne, mai 1998. Les chiffres de cette enquête sont extraits de OFDT, Drogues et toxicomanies :indicateurs et tendances, op.cit., p.22.

* 589 Bertelli Bruno, « Le politiche penitenziarie », art.cit., p.155.

* 590 Chiffre extrait de Montanari Linda, «Valutazione e prevenzione dell'Aids in Europa: alcune piste di riflessione», op.cit., p.109.

* 591 OFDT, Drogues et toxicomanies : indicateurs et tendances, op.cit., p.22.

* 592 Les données présentées de 1990 à 1993 sont extraites de «Hiv e sindrome correlate in ambito penitenziario», Bion- Bolletino Informativo dell'Osservatorio sul fenomeno della tossicodipendenza, août 1993, n°2, p.46. Les autres données sont extraites de Spella Fernanda, « Fattori di rischi per i tossicodipendenti nelle carceri italiane », La cura delle persone con Aids. Interventi e contesti culturali ; Bertelli Bruno, « Le politiche penintenziarie », art.cit. ; Nizzoli

* Umberto, «Assistere persone con Aids, tossicodipendenti e no», art.cit.

593 Steffen, M., Les Etats face au Sida en Europe, op.cit., p.127.

* 594 On peut se référer en particulier aux rapports suivants : Conseil national du sida, Ethique, sida et société. Rapport d'activité du conseil national du Sida 1989-1994, Paris, La Documentation française, 1996. 491p ; Les traitements à l'épreuve de l'interpellation. Le suivi des traitements en garde à vue, en rétention et en détention, 18 novembre 1998 ; Conseil national du sida, Ethique, Sida et société. Rapport d'activité du conseil national du sida 1997-1998, Paris, La Documentation française, 2000, 200 p. On peut enfin citer le rapport 2001 sur lequel fut établi l'analyse du milieu carcéral français : Conseil national du sida, Les ri

* sques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique., op.cit.

595 Conseil national du sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique., op.cit.

* 596 Conseil national du sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique. Propositions pour une re

* formulation du cadre législatif, op.cit., p.47.

597 Circulaire n°96/239/DGS/DH du 3 avril 1996 relative aux orientations dans le domaine de la prise en charge des toxicomanes.

* 598 Le Subutex est un produit de substitution, de même que la méthadone, particulièrement utilisé en France. Celui-ci sera traité par la suite.

* 599 Circulaire DGS/DH/DAP du 5 décembre 1996 relative à la lutte contre l'infection par le VIH en milieu pénitentiaire.

* l600 Chaque établissement pénitentiaire est jumelé avec un établissement de santé de proximité responsable de la prise en charge en milieu fermé, de l'accueil en milieu hospitalier, de l'organisation du suivi médical après incarcération, et de la coordination des actions de prévention. Pour répondre à ces missions, il est créé une structures de soins, l'Unité de Consultations et de Soins Ambulatoires (UCSA), placée sous l'autorité d'un praticien hospitalier. La nomination et l'affe

* ctation du personnel repose sur le volontariat.

601 Cf., Tortay (Isabelle), Morfini (Hélène), Enquête sur les traitements de subs

* titution en milieu pénitentiaire, novembre 1999, DGS/DHOS, 2000.

602 ORS-PACA (Observatoire Régional de Santé Provence - Alpes - Côte-d'Azur.), Prévalence des pratiques à risques en milieu carcéral : une étude pilote à la maison d'arrêt des B

* aumettes, Marseille, ANRS-CEE, juin 1997, 153 p

* 603 Il y a d'une part, comme l'explique Spella Fernanda, les détenus les plus marginaux tels que les immigrés qui ne peuvent jouir de mesures alternatives et qui sont contenus grâce à l'administration de puissantes doses de médicaments tandis que les toxicomanes les plus adaptés aux règles du milieu carcéral bénéficient de programmes thérapeutiques spécifiques comme par exemple au sein d'instituts plus souples. Spella Fernanda, « Fattori di rischi per i tossicodipendenti

* nelle carceri italiane », art.cit, pp.213-227.

* 604 Spella Fernanda, « Fattori di rischi per i tossicodipendenti nelle carceri italiane », art.cit.

*

* 605 Cette analyse de l'expérimentation suisse de l'héroïne a été construite notamment à partir des ouvrages suivants auxquels on peut se reporter. Zuffa G., I drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, op.cit., pp.78-86 ; Piccon

* e Stella S., Droghe e tossicodipendenza, p.115.

606 La Suisse a également mis en place la dernière expérience d' « administration contrôlée d'héroïne », commencée en 1994, afin de soigner certains patients atteints de dépendance chronique forte aux opiacées.

Comme le remarque Piccone Stella, l'appartenance de la Suisse aux Conventions internationales sur la drogue a rendu la mise en place de cette expérimentation plus difficile. En effet, la Suisse étant signataire de la convention de Vienne de 1988, il a été nécessaire de se conformer à l'interdiction des substances psychoactives. Par conséquent, la Suisse a eu besoin de recourir à une autorisation spéciale de l'Onu afin d'importer les quantités nécessaires. Piccon

* e Stella S., Droghe e tossicodipendenza, p.115.

607 Sur les 353 personnes qui au cours des trois années ont abandonné le programme, 57% ont recommencé une nouvelle thérapie et 83 personnes ont choisi l'abstinence. Parmi les cas d'abandon on peut toutefois noter l'importance du nombre de malades du Sida qui ont

* arrêté le programme après leur hospitalisation.

* 608 Killias M., Aebi M., Ribeaud D., Rabasa J., « Rapport final sur les effets de prescription de stupéfiants sur la délinquance des toxicomanes », Institut de police scientifique et de crimi

* nologie, Université de Lausanne, décembre 1999.

609 Le nombre de personnes effectuant du commerce illégal (revente de drogues principalement) n'est en revanche passé que de 97 à 87%. Cf., UchlengenA., Gutzwiller F., Dobler-Mikola A., Programme for a Medical Prescription of Narcotics: Final Reports of the Research Representatives. Summary of the Synthesis Report, Zürich, University of Zürich, 1997. Cité in Fazzi L.,« Les p

* olitiques de réduction des risques » , art.cit.

610 Cette décision a été entérinée après un second référendum , le 13 Juin 1999, qui portait sur la prescription médicale d'héroïne et qui a été marquée par une victoire du « Oui » avec 54,5%. Piccon

* e Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, p.119

* 611 Simonetta Piccone Stella affirme que « tandis qu'on ne peut conseiller d'offrir un verre de vin à un alcoolique qui pourrait tomber dans une grave crise, il est en revanche possible d'administrer une dose d'héroïne, contrôlée, à un héroïnomane, sans pour autant produire quelque dégât à son corps, ni non plus, provoquer une overdose ». Picco

* ne Stella S., Droghe e tossicodipendenza, p.119

612 Cf., Piazzi G., Tossicodipendenze e contraddizioni moral

* i, in « Sociologia Urbana e Rurale », 30, 1989.

* 613 Fazzi L.,« Les politiqu

* es de réduction des risques » , art.cit, p.123

614 Quammou Lewis M., Tscan F., Tüller N., Seiler A., «Folgehandlung zum mit Methadon: läst sich der Eintritt in eine Folgebehandlung zum Zeitpunkinder der Erstbehand

* lung voraussagen?«, in Abhängigkeiten, 2, 1996.

615 Camera dei Deputai , Servizio Studi, Dossier n.204/1, p 218, cité in Zuffa G., I drogati e gli alt

* ri. Le politiche di riduzione del danno, p.123.

616 « Eroina di Stato è scontro aperto», La Repubblica, 25 décembre 2000.

* 617 La solution de l'héroïne est clairement rejetée comme l'écrit Grazia Zuffa, «non pas parce qu'elle ne peut atteindre l'objectif rendre plus «normale» la vie du toxicomane mais justement parce que cette normalisation est considérée comme inacceptable ». Zuffa G., I drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, op.cit.,pp.122-123

* .S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit.,p.123.

618 Zuffa G., I drogati e gli altri. Le

* politiche di riduzione del danno, op.cit., p.83

* 619 Organisation Mondiale de la Santé, Report of the External Panel on the Evaluation of the Swiss Scientific Studies of Medi

* cally Prescribed Narcotics to Drug Addicts, 1999, p.11.

620 Conseil national du sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique. Propositions pour une ref

* ormulation du cadre législatif, op.cit., p.102.

* 621 Fazzi L.,« Les politiqu

* es de réduction des risques » , art.cit, p.119.

622 Lew E., « Door schade en schade ». De geschiedenis van drughupverlerming als sociaal beleid in Amst

* erdam, in Tijdschrift vor Crominoogie, 2, 1984.

* 623 Fazzi L.,« Les politiqu

* es de réduction des risques » , art.cit, p.120.

624 Fazzi L.,« Les politiqu

* es de réduction des risques » , art.cit, p.121.

625 Mol R., Otter E., «Amsterdam und Rotterdam: Drug-policy, Drug-related Nuisance and Social Spaces for Drug Users», in Mol R., Otter E., Van Der Meer A., Drugs and Aids in the Netherlands - The

* interest of Drug Users, Amsterdam, MDHG, 1992.

* 626 Zuffa G., I drogati e gli altri. Le polit

* iche di riduzione del danno, op.cit., pp.28-31.

* 627 Serfaty A., « Répression des drogues et prévention du Sida dans l'union européenne », in Agora, n°31, 1994, pp.81-94, cité in « La réd

* uction des risques », Sylvie Wievorka, art.cit.

628 Roger Henrion, préface de l'ouvrage de Lowenstein, Gourarier, Lebeau, Héfez, La méthadone et les traitements de substitution, Doin, 1995, p.11.

*

629 Hercule S., Nouvelles orientations en matière de luttte contre la toxicomanie : 1993-1995, Paris, L.G.D.J, coll. « travaux et recherches Panthèon-Assas Paris II. Droit. Economie. Sciences sociales », 1997, 198p.

* 630 Cf., Hulsman, de Celis, Peines perdues, Le centurion, Paris, 1982 ; Hulsman, Van Ransbeek, « Evaluation critique de la politique des drogu

* és », Déviance et société, Genève, 1983, p.271.

* 631 Conseil national du sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique. Propositions pour

* une reformulation du cadre législatif, op.cit.

632 Leroy, L'Europe des douze face à la demande de stupéfiants. Etude comparative des législations et des pratiques judiciaires, Etudes CEE, 1991 ; Maria-Luisa Cesoni (dir.), Usage de stupéfiants politiques européennes, op.cit. ; Sandro Cattacin, Modèle de politiques en matière de drogue : une comparai

* son de six réalités européennes, op.cit., 255p.

633 Une loi d`initiative populaire a déjà fait l'objet de deux dépôts, successivement en 1995 et 1996, par un groupe de parlementaires afin de légaliser les drogues considérées comme « douces ». En revanche, comme le note Stella Piccone, les opérateurs et les travailleurs sociaux des centres thérapeutiques contre la toxicomanie, aussi bien ceux publiques que privés, sont généralement opposés à la légalisation du cannabis ou du haschich. Elle explique cette prise de position par le fait qu'il s'agit de personnes étant en contact avec des toxicomanes qui sont passés du cannabis à l'héroïne. D'autres mettent en garde, comme c'est le cas de Leopoldo Grosso du Gruppo Abele, qu'il existe « un usage dur des drogues douces ». Il se réfère là aux comptes rendus cliniques qui soulignent l'existence d'un usage passif et solitaire du cannabis. Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit.,p.102.

*

* 634 Charvet D., « La fonction du cadre légal », Les actes du colloque de la Sorbonne. Première rencontre in

* terministérielle, Paris, MILDT, 2000, pp.78-81.

635 Catherine Trautmann, Lutte contre la toxicomanie et le trafic de stupéfiant

* s : rapport au Premier ministre, op.cit, p.252.

636 Laurence Folléa, « La dépénalisation de l'usage de drogues divise la

* Commission Henrion », Le Monde, 4 février 1995.

637 Laurence Folléa, « Simone Veil écarte une dépénalisation de l'u

* sage des drogues », Le Monde, 5-6 février 1995.

638 Jean-Yves Nau, Le Monde, « Un rapport officiel rapproche la dangerosité de

* l'alcool à celle de l'héroïne », 17 juin 1998.

* 639 « Dans la perspective prioritaire d'une politique de prévention, le Conseil national du sida [...] considère que si la lutte contre la provocation à l'usage se justifie pleinement à la fois pour des raisons de politique de santé et de sécurité publiques, les dispositions actuelles relatives à la présentation de l'usage de drogues « sous un jour favorable » ne sont pas opportunes, parce qu'elles sont de nature à entraver les efforts en matière de prévention de l'accroissement des risques auprès des jeunes consommateurs. Il souhaite donc qu'elles soient retirées du cadre législatif ». Proposition n°9 au législateur. Conseil national du sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre législatif, op.cit., p.

* 93. Cf., Proposition n°9 au législateur, p.130.

640 Proposition n°2. Conseil national du sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique. Propositions pour une ref

* ormulation du cadre législatif, op.cit., p.129.

641 Conseil national du sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique. Propositions pour une ref

* ormulation du cadre législatif, op.cit., p.105.

642 Conseil national du sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique. Propositions pour une re

* formulation du cadre législatif, op.cit., p.95.

* 643 Marco Orsenigo, Tra clinica e controllo sociale. Il lavoro psicologico nei servizi per tossicod

* ipendenti, Fran

* coAngeli, 1996, Milan, pp.56-57.

644 Ibid., p.57.

645 P. Castrogiovanni, I. Maremmani, P. Sarteschi, «Atteggiamento psicoterapico e rapporto con il tossicodipendente in trattamento», in Bollettino delle f

* armacodipendenze e alcolismo, X, n.1-2-3, 1987.

646 Fazzi L.,« Les politiqu

* es de réduction des risques » , art.cit, p.132.

* 647 Conseil national du sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique. Propositions pour une re

* formulation du cadre législatif, op.cit., p.95.

648 France Lert, « La stratégie de réduction des risques », Syanopsis, paris, n°10, novembre 1993, p.2 in Nouvelles orientations en matière de lutte contre la toxico

* manie : 1993-1995, Sydney Hercule, op.cit, p.75

* 649 Piccone Stella

* S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p.102.

650 Fazzi L.,« Les politiq

* ues de réduction des risques » , art.cit, p.131

651 Fazzi L.,« Les politiq

* ues de réduction des risques » , art.cit, p.134

* 652 Nizzoli Umberto, «Assistere persone con Aids, tossicodipendenti e no», La cura delle persone con Aids. Interventi e contesti culturali , Nizzoli Umberto, Oberto

* Bosi (dir.), Erickson, Trento, 2001, pp.13-48.

653 Bot M., «Il dilemma olandese», in

* Personalità- dipendenze, vol. 4, n. 2, pp.5-10.

654 « La réduction des risques, conclut Nizzoli, semble être devenue le cheval de bataille de ceux qui poussent vers une augmentation du contrôle sociale afin de rendre les villes plus sûres. Une orientation semble s'affirmer, jusqu'à présent, en Italie ». Nizzoli Umberto, «Assistere persone co

* n Aids, tossicodipendenti e no», art.cit., p.32

655 Fazzi L.,« Les politiq

* ues de réduction des risques » , art.cit, p.12.

656 Cette démarche fait l'oeuvre d'une recommandation du Conseil national du sida au législateur. Celui ci a remarqué une contradiction entre la loi régissant la toxicomanie (et notamment la loi du 31 décembre 1970) qui reste orientée vers une politique répressive de la toxicomanie et les circulaires les plus récentes qui privilégient l'approche de la réduction des risques. Hors, en vertu du principe de hiérarchie des normes, tout individu dépositaire de l'autorité publique, qu'il s'agisse d'un magistrat, d'un policier ou d'un gendarme, fonde sa pratique sur la loi, plutôt que sur les règlements ou instructions administratives. Rien ne garantit donc que les services concernés par chacune des circulaires soient tous à même d'en prendre la mesure et d'agir en conséquence. En conséquence, « le Conseil national du sida souhaite-t-il que cette volonté de réduction des risques soit clairement l'objet d'une priorité inscrite dans la loi. Cela non seulement parce que les textes ont vocation à garantir l'engagement public dans la durée, mais aussi pour soumettre l'ensemble de l'action publique à un principe d'opportunité explicite et répété si nécessaire ». Conseil national du sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique. Propositions pour une reformulati

* on du cadre législatif, op.cit., p.52 et p.95.

657 Une expérience semble intéressante au regard de la constitution d'une culture commune de la réduction des risques. Il s'agit de l'ONG professionnelle Erit, qui constitue la fédération européenne des associations des opérateurs de toxicomanie. Plusieurs conférences internationales ont eu lieu à Lièges (1993), Paris (1996) et Bologne (1998). Cette dernière s'est conclue par la publication d'un document intitulé « l'Appel de Bologne » dans lequel est fréquemment cité la réduction des risques. Le texte fait, en outre, référence à « possibilité de prescrire de l'héroïne injectable seulement dans certains cas particuliers ». Nizzoli rappelle que cette proposition fut un point d'accords trouvés entre les partisans de la prescription d'héroïne, majoritairement des opérateurs du nord Europe et laïques, et entre ses opposants, généralement catholiques et du sud de l'Europe. Nizzoli Umberto, «Assistere persone con Aids, tossicodipendenti e no», art.cit.

* o

* 658 Fazzi L., Scaglia A., Fazzi L., Scaglia A., «Introduzione», in Tossicodipendenze e politiche sociali in Italia, op.cit., pp.25-26.

* 659 Pour ces différents points Cf. Fazzi L., Scaglia A., Tossicodipendenze e politiche sociali in Italia, op.cit.,pp.26-28.

* 660 Il faut noter que ces transformations sont avant tout d'ordre conceptuel, c'est-à-dire qu'elles dérivent du paradigme de la réduction des risques tel qu'il a été décrit précédemment. On entend par là qu'elles ne sont pas toutes observables dans chacun des exemples. Il s'agit d'ailleurs de juger de l'efficacité des réseaux actuels de prise en charge de la toxicomanie selon ces trois critères.

* 661 Agnoletto V., La società dell'Aids, op.cit, pp.180-181.

* 662 Steffen M., Les

* Etats face au Sida en Europe, op.cit., p.139.

* 663 Jacques Chevallier, Science administrative, Paris, PUF, co

* ll. « Thémis Science Politique », 1994, p.453.

664 Gatti R.C., Lavorare con i tossicodipendenti. Manu

* ale per gli operatori del servizio pubblico, Franco Angeli, Milan, 1996, p.30.

665 On peut évoquer à ce propos les débats qui ont agité le champ de la toxicomanie, comme par exemple en France, entre ceux qui soutiennent qu'il existe une structure psychopathologique propre à la toxicomanie et ceux qui considèrent que les pathologies psychiatriques ne sont que secondaires et contingentes. En France, au cours des années quatre-vingt, tandis que Claude Olievenstein tentait de démontrer qu'il existe une structure psychique spécifique au toxicomane et distincte des autres structures psychiques (névrose, psychose, perversion), un consensus s'est établit au sein du corps médical autour de Bergeret, responsable du Centre national de documentation sur les toxicomanies (CNDT), qui refusait l'existence d'une structure psychique propre à la toxicomanie. La toxicomanie a été entendue dès lors comme un symptôme d'une souffrance psychique remontant à l'enfance qui est l'objet de la thérapie. Dussausaye Eve., Politiques publiques de soins en matière de toxicomanie. Une spécificité français

* e

* , op.cit., p.64. 666 Courty P., Le travail avec les usagers de drogues, op.cit., p.30.667 Gatti R.C., Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del serviz

* io pubblico, op.cit., p.38. 668 « Les nouvelles façons de consommer les produits vont changer peu à peu les attitudes vis-à-vis du sevrage. L'échec quasi certain des sevrages hospitaliers va nous amener à proposer des sevrages en ambulatoire [...] Petit à petit, cette prise en charge rapprochée va mettre l'accent sur la nécessité d'une continuité du soin à travers des prescriptions plus adaptées. La nécessité de la substitution va se faire sentir et modifier nos pra

* tiques ». Courty P., Le travail avec les usagers de drogues, op.cit., p.29.

* iques ». Courty P., Le travail avec les usagers de drogues, op.cit

* ., p.29.

669 Courty P., Le travail avec les usagers de drogues, op.cit., p.30.

670 Fazzi L., Scaglia A., Tossicodipendenze

* e politiche sociali in Italia, op.cit., p.42.

671 Gatti R.C., Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servizio pu

* bblico, op.cit, pp.

* 34-35.

* 672 Gatti R., ibid.

* , p.37.

673 Courty P., Le travail avec les usagers de drogues, op.cit., p.22.

674 En France, Robert Boulin, ministre de la Santé, exigea en 1970 que le triptyque, anonymat, confidentialité et gratuité des soins soit inscrit au sein de la loi du 31 décembre 1970 afin d'inciter le toxicomane à s'engager dans une cure de désintoxication. Deux circulaire, en 1971 et en 1974, réaffirmeront l'importance du secret médical et l'anonymat des toxicomanes pris en charge par le dispositif sanitaire. Circulaire DGS/1555/MS1 du 28 septembre 1971 et Circulaire DGS/597/MS1 du 20 mars 1974 citées par Henri Bergeron, L'Etat et la toxicomanie. Histoi

* re d'une singularité française, op.cit., p.28.

675 Jérôme E., Valleur M., « Sevrage » in Angel P., Richard D

* . , Valleur.M, Toxicomanies, op.cit, pp.183-190.

* 676 Courty P., Le travail avec les usagers de drogues, op.cit.,pp.1

* 83-190.

677 Courty P., Le travail avec les usagers de drogues, op.ci

* t.

* 678 Courty P., Le travail avec les usagers de drogues, op.cit p.89

679 Jerome E., Valleur M., « Sevrage » in Angel P., Ric

* hard D., Valleur., Toxicomanies, op.cit, p.185

680 Jérôme E., « Accueil et consultation », in Angel P., Richard D., Valleur., Toxicomanies,

* op.cit, pp.17. 681Co

* u

* rty P., Le travail avec les usagers de drogues, op.cit., p.18.

682 Gatti R.C., Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli o

* p

* 683 Gatti R., Operatori del servizio pubb

* lico, op.ci

* t ., p.23.

684 Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p.83.

* 685 Idem., p.22.

686 Idem., p

* .23

687 Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p.84.

* 688 L. Gallimberti, op.cit, p.76.

689 Piccone Stella

* S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p.84.

690 Les méthodes fondées sur l'analyse psychologique « classique », que peuvent s'offrir des clients plus aisés, n'offre pas de meilleurs résultats. Simonetta Piccone Stella explique cela par l'absence de synergie collective. De plus la psycho-analyse contraint le patient à affronter de nombreuses crises de sa personnalité auxquelles il n'est pas toujours prêt à faire face. Piccone

* Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit.

691 L. Tidone, « Valutazione quantitativa e qualitativa nella terapia della tossicodipendenza », in Marginalità e società, n.5, 1988. Cité in Marco Orsenigo, Tra clinica e controllo sociale. Il lavoro psicologico nei

* servizi per tossicodipendenti, op.cit., p.84.

692 P. Tombini, P. Fugazzola, L. Tidone, «Follow-up da 2 a 8 anni dei trattamenti per le tossicodipendenze in un servizio pubblico italiano», in Rassegna italiana delle tossicodipendenze, X, n.7, 1993; cité in Marco Orsenigo, Tra clinica e controllo sociale. Il lavoro psicologico nei

* servizi per tossicodipendenti, op.cit., p.85.

* 693 Cité in Piccone Stel

* la S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit.

694 Jerome E., Valleur M., « Sevrage » in in Angel P., Ric

* hard D., Valleur., Toxicomanies, op.cit, p.185

695 Les travailleurs sociaux des centres de soins ont pu remarquer que les toxicomanes changeaient de façon fréquente de structure, en passant de l'une à l'autre. Cette mobilité s'explique soit en raison d'un changement de rapport aux substances, soit une modification des conditions de vie. Piccone

* Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit

696 Pascal Courty cite, outre le parcours thérapeutique, la question du logement à laquelle se trouvent confrontés de nombreux toxicomanes. Une personne ayant vécu des années dans la rue ne peut pas subitement emménager dans un appartement. Il est ainsi nécessaire de renouer un contact avec le lieu d'habitation temporaire du toxicomane (squats, rue, etc.) afin de l'insérer dans un centre d'hébergement d'urgence puis dans un foyer collectif doté de chambres individuelles. Ainsi l'accession à un logement individuel, symbole de l'autonomie, représente un objectif à long terme pouvant être atteint après des années de soutien socio-éducatif. Bien sûr chaque usager a un temps qui lui est propre et le nombre d'étapes n'est jamais déterminé par avance. Courty P., Le travai

* l avec les usagers des drogues, op.cit., p.82.

697 Courty P., Le travai

* l avec les usagers des drogues, op.cit., p.79.

698 Piccone

* Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit.

* 699 Nizzoli Umberto, «Assistere persone con Aids, tossicodipendenti e no», in La cura delle persone con Aids. In

* terventi e contesti culturali , op.cit., p29.

700 Art.355 du Code de la Santé publique.

* c

*

701 Claude Olievenstein, Il n'y a pas de drogués heureux, Paris, Rob

* ert-Laffont, coll. « Vécu », 1977, pp.233-234.

702 Henri Bergeron, L'Etat et la toxicomanie. Histoi

* re d'une singularité française, op.cit, p.39.

703 Circulaire DGS/591/MS1 du 29 mars 1972 citée par Henri Bergeron, L'Etat et la toxicomanie. Histo

* ire d'une singularité française, op.cit, p

* . 39.

* 704 Circulaire DGS/591/MS1 du 29 mars 1972.

705 Michel Damade, « Sur quoi fonder l'élaboration d'une pratique », in La demande sociale de drogues,

* Albert Ogien, Patrick Mignon, op.cit., p.138.

706 Henri Bergeron, L'Etat et la toxicomanie. Histoi

* re d'une singularité française, op.cit, p.50.

707

* H

* enri Bergeron, ibid., p.57.

708 Henri Bergeron, ibid., p.62.

709 François-Xavier Colle,  Historique des institutions spécialis

* ées en toxicomanies en France , op.cit., p.49.

710 Claude Olievenstein, I

* l n'y a pas de drogués heureux, op.cit., p.72.

* 711 Henri Bergeron, L'Etat et la toxicomanie. Histo

* ire d'une singularité française, op.cit, p.70.

712 Michel Damade, « Quelques point d'histoire concernant les postes-cures », in Interventions, n°27, décembre 1990, cité par Anne Coppel, « Les intervenants en toxicomanie, le sida et la rédu

* ction des risques en France », art.cit., p.89.

713 Henri Bergeron, L'Etat et la toxicomanie. Hist

* oire d'une singularité française, op.cit, p.87

714 Monique Pelletier, Rapport de la mission d'étude sur l'ensemble

* des problèmes liés à la drogue, op.cit., p.75.

* 715 Ibid., p.25.

* i

716 Henri Bergeron, L'Etat et la toxicomanie. Histoi

* re d'une singularité française, op.cit, p.93.

717 Alain Morel, Le système de soins français et la p

* harmacothérapies. Histoire et actualité, op.cit., p.43.

* 718 Institut français de démoscopie, cité par Henri Bergeron, L'Etat et la toxicomanie. Histoir

* e d'une singularité française, op.cit, p.143.

719 Circulaire DGS/106/2D du 22 février 1984. Denis Richard, Jean Louis Sénon, Dictionnaire des drogues, des tox

* icomanies, et des dépendances, op.cit., p.239.

* 720 Henri Bergeron, L'Etat et la toxicomanie. Hist

* oire d'une singularité française, op.cit,.170.

721 Henri Bergeron, « Politiques publiques et croyances collectives. Analyse socio-historique de la politique française de soins aux toxicomanes de 1970 à 1995 », Déviance e

* t société, vol.23, n°2, juin 1999, pp.131-147.

722 Henri Bergeron, L'Etat et la toxicomanie. Histoire d'une singularité française, op.ci137.

*

* 723 Henri Bergeron,

* ibid., p.232

724 Rei Dario, Servizi S

* ociali e politiche pubbliche, op.cit., p.84-85

725 Rei Dario,

*

* ibid., p.89

726

* 727 Rei Dario, ibid.

* , p.90-91

728 Rei Dario, ibi

* d p.110-111

729 Rei Dario, ibid., p.112

730 Granaglia Elena, « La politica sanitari

* a », art.cit., pp.367-381.

731 Granaglia Elena,

* ., p.96-97

732 Rei Dario, ibid., p.100

733 R

* ei Dario, ibid.

* , p.378

* 734 Steffen M., Les

* Etats face au Sida en Europe, op.cit., p.120.

735 Fazzi L., Scaglia A., « Les politiques de r

* éorganisation des services », Tossicodipendenze e politiche sociali in Italia, Luca Fazzi, Antonio Scaglia, op.cit., p.206.

736 Ce changement est soutenu par de nombreux acteurs associatifs, en revanche le personnel habitué à penser la toxicomanie comme une pathologie est beaucoup moins disposé à évoluer. C'est pourquoi le législateur a proposé aux opérateurs une stabilisation de leur carrière professionnelle qui n'étaient auparavant que très peu valorisées et promues, en contrepartie d'un nouveau mode de penser et d'agir face à la toxicomanie. La stabilisation des postes, les incitations économiques et la possibilité de carrière auraient des effets de retour significatifs en terme de disponibilité de la part des opérateurs à accepter la responsabilité de penser et à agir de façon multidimensionnelle sur le thème de la protection de la santé dans le champ de la toxicomanie. Fazzi L., Scaglia A., « Les politiques de ré

* organisation des services », art.cit., p.213

* 737 L'évaluation du nombre effectif de toxicomanes, et pas uniquement ceux connus des services de soin, donne lieu à de très larges approximations en raison du statut d'illégalité des consommateurs. Monika Steffen donne par exemple un chiffre d'héroïnomanes potentiel en Italie de 350 000. Steffen M., Les Etats face au Sida en Europe, op.cit., p.97.

* 738 Le nombre de toxicomanes pris en charge a fortement augmenté depuis les années quatre-vingt : ils étaient 25 223 en 1984, 73.866 en 1991, 95 674 en 1994 et 116 131 en 1997. Cette croissance exponentielle traduit aussi bien les efforts de prise en charge effectués par les pouvoirs publics, que l'inflations de la toxicomanie elle-même. Osservatorio permanente sul fenomeno droga, 1993, cité in Agnoli Maria Stella, « Il programma delle ricerche sull'efficacia delle strategie di communità », art.cit., p.14.

* 739 Agnoli Maria Stella, « Il programma delle ricerche sull'efficacia delle strategie di communità », Sociologia e ricerca sociale, Anno XV, n°45, 1994, p.13

* 740 Ce déséquilibre en dotation d'infrastructures thérapeutiques se répercute par ailleurs sur la répartition du nombre de toxicomanes pris en charge. Le Nord de l'Italie est largement sur-représentée avec les régions de la Lombardie (14,5% des toxicomanes en traitement), l'Emilie Romagne (10,7%) et le Piémont (10,3%) qui totalisent à elles seules 35,5% des toxicomanes sous traitement. En revanche la région du Sud la plus concernée regroupe seulement 7,6% des toxicomanes. Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p.38.

* 741 Piccone Stell

* a S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p.85

742 Fazzi L., Scaglia A., « Les politiques de r

* éorganisation des services », art.cit., p.205.

743 Steffen M., Les

* Etats face au Sida en Europe, op.cit., p.123.

744 En 1988, selon une étude de l'Osservatorio permanente sul fenomeno droga pour le compte du Ministero dell'interno, les structures publiques obtenaient une représentation similaire (58%) aux structures privées (42%). L'évolution est toutefois notable puisque tandis que les structures publiques avaient augmenté de 24% depuis 1984, les structures privées résidentielles et semi-résidentielles avaient augmenté de 119,3% mais plus encore les structures privées non-résidentielles (282,8%). Agnoli Maria Stella, « Il programma delle ricerche sull'efficacia delle strategie di communità », Sociologia e ricerca sociale, Anno XV, n°45, 1994, p.13

* 745 A partir de 1990, des plans de financements publics furent entrepris au bénéfice des communautés privées par le biais du système sanitaire national. Cette politique de «délégation » fut appliquée alors que les services thérapeutiques publics ne faisaient pas l'objet d'une aussi grande générosité de la part de l'Etat. Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p.89.

* 746 Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p.33.

* 747 Les communautés reposent sur une thérapie sociale ou comportementale qui prend place dans un cadre spécifique. Elles proposent ainsi un hébergement, le plus souvent gratuit mais parfois payant. Le programme thérapeutique peut varier entre 18 mois et trois ans. Toutefois certaines communautés proposent également des thérapies de un an voire de six mois. L'étude du fonctionnement des communautés sera traité par la suite.

* 748 Gatti R.C., Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli op

* eratori del servizio pubblico, op.cit., p.118.

749 On peut souligner que la remarque de Gatti n'est peut-être que partiellement exacte du fait de sa forte subjectivité. Riccardo Gatti soutient en effet l'intégration des psychiatres dans le traitement de la toxicomanie, mais surtout il exerce lui-même cette fonction. Cela n'ôte toutefois pas toute validité à son raisonnement. « Les « drogues » sont des substances psychoactives et induisent à cet effet des syndromes mentaux organiques ou des altérations de l'état mental [...] Dans ce travail de connaissance de la personne [le diagnostic] il est important de comprendre si l'altération de l'état mental observable est en relation avec l'effet pharmacologique des substances consommées ou s'il existe d'autres pathologies psychiatriques (indépendantes des substances consommées) qui interviennent sur le sujet et qui doivent être traitées. De plus il faut diagnostiquer si l'altération de l'état mental que l'on observe peut être du à des pathologies organiques secondaires à la toxicomanie [...] Evidemment la thérapie de la toxicomanie n'est pas seulement médicale [...] le médecin peut seulement soigner l'effet organique des substances d'abus ou les pathologies concomitantes et diminuer les syndromes de l'abstinence mais, si ce travail n`est pas réalisé correctement, réussir à intervenir sur un toxicomane devient très difficile. Le diagnostic et l'observation psychiatrique du toxicomane sont indispensables et doivent toujours être réalisées. L'intervention des autres médecins spécialistes est en revanche liée à la situation clinique de chaque sujet singulier et doit être éventuellement adressé au médecin généraliste ». Gatti R.C., Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli operato

* ri del servizio pubblico, op.cit., pp.119-120.

750 Agnoli Maria Stella, « Il programma delle ricerche sull'efficacia delle strategie di communità », art.cit, p.11.

* 751 Nizzoli Umberto, «Assistere persone con Aids, tossicodipendenti e no», La cura delle persone con Aids. In

* terventi e contesti culturali , op.cit., p.45.

752 La loi 162 de 1990 établit une convention afin de réguler les rapports entre services publics et privées et établit la nécessité pour les structures privées de communiquer « les résultats obtenus dans les activités de prévention et de récupération » (art.117). Agnoli Maria Stella, « Il programma delle ricerche sull'efficacia delle strategie di communità », art.cit, p.17

* 753 Bellini Marco L., «Valutazione e qualità degli interventi di prevenzione delle tossicodipendenze: un esperienza con le Unità di strada», in Lai Guaita Maria Pia (dir.), La prevenzione delle tossicodipendenze, op.cit, p.55

* 754 Gatti R.C., Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servizio pubblico, op.cit., p.105.

* 755 Baraldi C., Rossi.E, « Le politiche di prevenzione  », in Tossicodipendenze e politiche sociali in Italia, Luca Fazzi, Antonio Scaglia, FrancoAngeli, Milan, 2001, p.84

* 756 Campedelli Massimo, Tossicodipendenza : punire un'allusione ?, op.cit, pp.73-76

* 757 Gatti R.C., Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servizio pubblico, op.cit., p.109.

* 758 Lai Guaita Maria Pia, «Prevenzione delle tossicodipendenze: un impegno per ciascuno di noi», in Lai Guaita Maria Pia (dir.), La prevenzione delle tossicodipendenze, op.cit, p.46-47

* 759 Mougin Chantal, « Le travail de proximité auprès des usagers de drogues en Europe. Concepts, pratiques et terminologie », in Faugeron C., Kokoreff M., Société avec drogues. Enjeux et limites, op.cit, pp.149-150.

* 760 Marco Orsenigo, Tra clinica e controllo sociale. Il lavoro psicologico nei servizi per tossicodipendenti, op.cit., p.116.

* 761 Marco Orsenigo, bid., p.117

* 762 Comme le note Pier Giorgio Testa la prévention primaire présente le désavantage d'être de nature aspécifique c'est à dire de ne pas prendre pour cible un individu mais un groupe social, plus ou moins large. L'approche aspécifique peut présenter le défaut d'élargir encore plus l'acte de prévention qui risque de perdre son public d'origine. « Dans ces deux cas [préventions secondaire et tertiaire] l'activité de prévention est dirigée vers un interlocuteur immédiat : les personnes qui font abus de substance. La prévention primaire est en revanche différente du fait qu'il n'existe pas un interlocuteur direct, une personne qui demande aide et qui souhaite bénéficier de soins ; l'interlocuteur est alors un groupe social entier, représenté par des catégories non homogènes dont les « jeunes », les familles, les écoles et autre » Pier Giorgio Testa, « Prevenzione e repressione », in Lai Guaita Maria Pia (dir.), La prevenzione delle tossicodipendenze, op.cit, p. 181.

* 763 Mougin Chantal, « Le travail de proximité auprès des usagers de drogues en Europe. Concepts, pratiques et terminologie », art.cit, pp.155-160.

* 764 «Dans l'environnement de la toxicomanie, l'intervention idéale serait celle de type primaire afin de modifier le terrain qui a permis jusqu'à aujourd'hui le développement du phénomène et de la culture de la drogue avec ses modèles et ses comportements ». Lai Guaita Maria Pia, «Prevenzione delle tossicodipendenze: un impegno per ciascuno di noi», in Lai Guaita Maria Pia (dir.), La prevenzione delle tossicodipendenze, op.cit, p.37

* 765 R. Freak Antoni, Per sopravvivere alla tossicodipendenza, Feltrinelli, Milano, 1994.

* 766 Marco Orsenigo remarque par exemple que les programmes de prévention développés par les Sert sont le plus souvent incapables de répondre aux attentes des jeunes qui se tournent vers des ambiances de contre-culture juvéniles (centres sociaux et associations spontanées). Ces groupes constituent selon l'auteur « les plus fortes alternatives au recrutement de toxicomanes de la part de la criminalité et de fait la forme de prévention des toxicomanies actuellement la plus efficace » et il ajoute « les centres sociaux sont en revanche perçus socialement de façon significative comme des réceptacles de revendeurs ou au moins d'extrémistes à éradiquer à n'importe quel prix» Marco Orsenigo, Tra clinica e controllo sociale. Il lavoro psicologico nei servizi per tossicodipendenti, op.cit., p.122

* 767 Courty P., Le travail avec les usagers des drogues, op.cit., pp.110-111.

* 768 Gervais Yves, La prévention des toxicomanies chez les adolescents, Paris, L'Harmattan, collection « Pratiques sociales », 1994,

* 769 Stimson V., Eaton G, Rhodes T., Power R., «Potential development of community oriented Hiv outreach among drug injectors in the UK», Addiction, n°89, 1994, pp.1601-1611.

* 770 Roger Lewis, « Attività ad ampio raggio : ricerca attiva e prevenzione dell'Hiv tra i consumatori di droghe iniettive », La cura delle persone con Aids. Interventi e contesti culturali, Nizzoli Umberto, Oberto Bosi (dir.), Erickson, Trento, 2001, pp.95-103.

* 771 Wiebel W., «Combining ethnographic and epidemiologic methods in targeted Aids interventions: The Chicago Model». In Battjes R., Pickens.R (dir.), Needle sharing among intravenous drug abusers, Washington, NIAD, 1988.

* 772 Courty P., Le travail avec les usagers des drogues, op.cit., p.116.

* 773 Gatti R.C., Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servizio pubblico, op.cit., p.114

* 774 Gatti R.C., Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servizio pubblico, op.cit., p.113

* 775 Baraldi C., Rossi.E, « Le politiche di prevenzione », art.cit., p.89.

* 776 « La connaissance des effets, par le biais de conférences et de films a, selon une expérience clinique fameuse, plutôt qu'arrêter, offert dans de nombreux cas une incitation vers une expérience attirante puisque déjà connue du groupe des camarades fréquentés ». Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit.

* 777 Lai Guaita Maria Pia, «Prevenzione delle tossicodipendenze: un impegno per ciascuno di noi», in Lai Guaita Maria Pia (dir.), La prevenzione delle tossicodipendenze, op.cit, p.37

* 778 Baraldi C., Rossi.E, « Les politiques de prévention », art.cit., p.104

* 779 Idem., p.105

* 780 Baraldi C., Rossi.E, « Les politiques de prévention », art.cit., p.107

* 781 Ibid., p.108

* 782 Ibid., p.109

* 783 Martin Gonzales Emiliano, « La Strategia nazionale sulle droghe : Spagna 2000-2008 », in Lai Guaita Maria Pia (dir.), La prevenzione delle tossicodipendenze, op.cit, p.91

* 784 Sonia Moncada, « La prevenzione della tossicodipendenza nella Strategia nazionale sulle droghe 2000-2008 », in Lai Guaita Maria Pia (dir.), La prevenzione delle tossicodipendenze, op.cit, p.111

* 785 La Stratégie 2000-2008 établit certains objectifs à rejoindre de façon explicite : une formation des élèves à 80% dont 50% en formation continue, que 40% des programmes communautaires soient destinés aux parents en 2003 et que 50% des communautés de plus de 20.000 aient adopté un Plan local de prévention notamment tourné vers les familles.

* 786 Martin Gonzales Emiliano, « La Strategia nazionale sulle droghe : Spagna 2000-2008 », in Lai Guaita Maria Pia (dir.), La prevenzione delle tossicodipendenze, op.cit, p.89.

* 787 Courty P., Le travail avec les usagers des drogues, op.cit., p.110.

* 788 Parquet Pr. Philipe-Jean., Pour une politique de prévention en matière de comportements de consommation de substances psychoactives, Vanves, CFES, 1997. 107p.

* 789« Il n'y a pas de société sans drogue, il n'y en a jamais eu. Il n'y a pas non plus de solution miracle, ni en France, ni dans aucun pays. En revanche, il existe des réponses efficaces, afin d'éviter les consommations dangereuses et de réduire tels risques lorsqu'il y a usage » Mission Interministérielle de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie (MILDT), Savoir plus pour risquer moins, op.cit, p.9

* 790 « L'usage est une consommation de substances psychoactives qui n'entraîne ni complications pour la santé, ni troubles du comportement ayant des conséquences nocives sur les autres » Il est ajouté à cela que « l'usage n'entraîne pas d'escalade dans la grande majorité des cas ». Mission Interministérielle de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie (MILDT), Savoir plus pour risquer moins, op.cit, p.12

* 791 « L'usage nocif ou usage à problème est une consommation susceptible de provoquer des dommages physiques, affectifs, psychologiques ou sociaux pour le consommateur et pour son environnement proche ou lointain ». Idem., p.12.

* 792 Le guide de prévention de la MILDT ne traite pas uniquement des drogues illicites mais également des substances licites tel que l'alcool ou encore des médicaments psychoactifs (tranquillisants ou anxiolytiques, somnifères, neuroleptiques, antidépresseurs). Mission Interministérielle de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie (MILDT), Savoir plus pour risquer moins, op.cit.

* 793 L'association ASUD a par exemple publié un Petit Manuel du shoot à risque réduit financé par le ministère de la Santé. L'association Techno Plus propose aux consommateurs d'ecstasy dans le même état d'esprit un dépliant 10 conseils d'usage indiquant les principales précaution à respecter en cas d'usage. Simon Théo, Drogues. Contre la criminalisation de l'usage ?, op.cit.

* 794 Baraldi C., Rossi.E, « Les politiques de prévention », art.cit., p.86.

* 795 Baraldi C., Rossi.E, « Les politiques de prévention », art.cit., p.90.

* 796 Idem., p.92.

* 797 Baraldi C., Rossi.E, « Les politiques de prévention », art.cit., p.97.

* 798 Baraldi C., Rossi.E, « Les politiques de prévention », art.cit., p.105.

* 799 Idem., p.106.

* 800 Certains éléments traités ici ont déjà fait l'objet d'une réflexion auparavant, ils sont repris dans ce chapitre sous du point de vue de la prévention.

* 801 Decorte T., « Mécanismes d'autorégulation chez les consommateurs de drogues illégales », in Faugeron C., Kokoreff M., Société avec drogues. Enjeux et limites, op.cit, p.49

* 802 Ibid, p.39

* 803 Conseil national du sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre législatif, op.cit., p.84

* 804 « La finalité sous-tendant à n'importe quel projet et à ses objectifs devrait concerner nécessairement un changement dans la culture sociale et sanitaire des communautés, les destinataires des interventions sont les groupes, mais le but final est que chaque groupe auquel on s'adresse puisse développer le processus de prévention à l'intérieur de la communauté d'appartenance » Loi Anna, Taranti Franca, « Le prevenzione : dai servizi alla communità »,in Lai Guaita Maria Pia (dir.), La prevenzione delle tossicodipendenze, op.cit, p.176.

* 805 Loi Anna, Taranti Franca, « Le prevenzione : dai servizi alla communità », art.cit., p.173.

* 806 Decorte T., « Mécanismes d'autorégulation chez les consommateurs de drogues illégales », in Faugeron C., Kokoreff M., Société avec drogues. Enjeux et limites, op.cit, p.61

* 807 Conseil national du sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre législatif, op.cit., p.22.

* 808 Institut de Recherche et épidémiologie de la pharmacodépendance, Les effets de la libéralisation de la vente des seringues. Rapport d'évaluation, Paris, DGS, 1988. et IREP, Etude multicentrique sur les attitudes et les comportements des toxicomanes face au risque de contamination par le VIH et les virus de l'hépatite, 1996.

* 809 Ce changement de statut est d'ailleurs manifeste à travers la modification de terminologie puisqu'on parle désormais plus d'« usager de drogue » ou encore de « client » » voire d' « accueilli ». Jauffret-Routside Marie, « Les groupes d'autosupport d'usagers de drogue. Mis en oeuvre de nouvelles formes d'expertise », in Faugeron C., Kokoreff M., Société avec drogues. Enjeux et limites, op.cit, p.167

* 810 Miller, W.R, Motivational Interviewing. New York, London, Guilford Press,1991. Haynes P., Ayliffe G., «Locus of control of behavior: is high externally associated with substance misuse«, 86 British Journal of Addiction 9,1991, pp.1111-1117.

* 811 Steffen M., Les Etats face au Sida en Europe, op.cit., p.31.

* 812 Center for Disease Control, «Public health guidelines for counseling and antibody testing to prevent Hiv infection and Aids», Morbidity and Mortality Weekly Report, n.36, 1987, pp.509-515 et MMWR «Recommendations and Reports», Morbidity and Mortality Weekly Report, n.42, 1993, pp.RR-2. World Health Organization, «Guidelines for Counseling about Hiv infection and disease», Who Aids Series, n.8, 1990, World Health Organization, Genève.

* 813 Avanzi Maurizio, Bontà Flavio, « Il counselling per l'Hiv nei sert », La cura delle persone con Aids. Interventi e contesti culturali , Nizzoli Umberto, Oberto Bosi (dir.), op.cit, p.175.

* 814 Le counselling « est un processus interactif entre deux personnes dans l'environnement duquel se produit un échange d'informations, mais aussi d'émotions, afin de tenter d'arriver ensemble à des solutions qui arrivent à satisfaire les besoins réels du sujets consultant » Serpelloni G., Galvan U., Morgante S., Zenari .R,  « Il counseling pre-test nell'infezione da Hiv », in Serpelloni G., Morgante S. (dir.), Hiv/Aids, counseling e screening, Vérone, Leonard Edizioni Scientifiche, p.175

* 815 Baraldi C., Rossi.E, « Les politiques de prévention », art.cit., p.102.

* 816 Marco Orsenigo, Tra clinica e controllo sociale. Il lavoro psicologico nei servizi per tossicodipendenti, op.cit., p.120

* 817 Baraldi C., Rossi.E, « Les politiques de prévention », art.cit., p.83.

* 818 Gatti R.C., Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servizio pubblico, op.cit., p.111

* 819 Mason P., The Guidelines for Structured Methadone Maintenance Progra

* ms, The Center for Research on Drugs and Health Behavior, London, 1995.

820 Touzeau, Jacques Bouchez, La Méthadone, op.cit.,12p ; Alain Morel, Traitements de substitution à la buprénorphine : l'expérience française, op.cit.

* 821 L. Gallimberti « Criteri di valutazione del modello multimodale di trattamento : l'esperienza di Padova »

* , in Bolletino, XVII, n.2, 1994, cité in p.65.

822 Gatti R.C., Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli o

* peratori del servizio pubblico, op.cit., p.53.

823 Verster A. Buning E., Lignes directrices pour le trait

* ement à la méthadone, Juin 2000, EuroMethwork.

824 La description des programmes « bas seuil » et « haut seuil » a déjà été l'objet d'une réflexion, elle est cependant reprise ici de façon plus spécifique pour les programmes de substitution. On verra par la suite que cette distinction est nécessaire pour comprendre les différents programmes, notamment entre la méthadone et la Buprénophine à haut dosage (BHD).

* 825 Augé-Caumon M-J., Bloch-Lainé J-F., Lowenstein W., Morel A., L'accès à la méthadone en France. Bilan et recommandations, Rapport réalisé à la demande de Bern

* ard Kouchner Ministre Délégué à la Santé, 87p.

826 Ball J.C, Ross A., The effectiveness of Methadone Ma

* intenance Treatment, Springer, New-York, 1991.

827 Cooper J., «20 Jhare Methadon-Behandlung in USA- Um Bericht des National Institute on Drug Abuse«, in Minister für Arbeit, Gesundheit und Soziales des Landes NW, (hg.), Medikamentengestützte Rehabilitation bei Drogenabhängige

* n, Möglichkeiten und Grenze, Düsseldorf, 1987.

828 Comme le rappelle Pascal Courty « le suivi socio-éducatif doit également faire partie de la prise en charge au risque de perdre de vue rapidement le patient ou de le voir verser dans le mésusage de cette molécule. Rappelons le, encore une fois, le produit n'est rien sans le nouvel environnement qui doit se créer autour de l'usager ». Courty P., Le travail avec les usagers des drogues, op.cit., p.44.

* 829 Gatti R.C., Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servizio pubblico, op.cit.

* p

830 Ball J.C, Ross A., The effectiveness of Methadone Maintenance Treatment, Springer, New-York, 1991.

* 831 Gatti R.C., Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servizio pubblico.,

* op.cit., p.51.

832 Marco Orsenigo, Tra clinica e controllo sociale. Il lavoro psicologico nei servizi per tossicodipendenti, op.cit.,

* r p.59.

833 McLellan T.A., Arndt I.O., Metzger D.S., Woody G.E., P'Brien C.P., The effects of Psychosocial Service in Su

* bstance Abuse Treatment, in «JAMA», 269, 1993.

834 Gatti R.C., Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli o

* peratori del servizio pubblico, op.cit., p.52.

835 Ibid., p.52.

* 836 Ministero della Sanità, « Linee guida per il trattamento della dipendenza da oppiacei con farmaci sostitutivi », Circolare 30.9.1994, n.20, Gazzetta ufficiale del

* la Rep. italiana, 14.10.1994, serie gen., n.4.

837 Marco Orsenigo, Tra clinica e controllo sociale. Il lavoro psicologico ne

* i servizi per tossicodipendenti, op.cit., p.63

838 Riccardo Gatti explique ce choix par la volonté de responsabiliser le toxicomane en l'impliquant comme un acteur à part entière dans son traitement. Gatti R.C., Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli o

* peratori del servizio pubblico, op.cit., p.66.

839 Gatti R.C., Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli o

* peratori del servizio pubblico, op.cit., p.55.

840 Marco Orsenigo, Tra clinica e controllo sociale. Il lavoro psicologico nei servizi per tossicodipendenti, op.cit., p.48.

841 En outre de la méthadone et du Subutex, deux autres produits disposent d'une AMM: le Skénan et le Moscontin.

e

* ,

*

* p.48.

842 Idem., p.46

843 Circulaire n° 4 du 11 janvier 1994 et annexe à la circulaire n° 14 du 7 mars 1994, annexe à la circulaire n° 29 du 31 mars 1995.

*

844 Farges F., Hautefeuille M., M., « Les traitements de substitution», in Angel P., Richard D., Valleur., Toxicomanies, op.cit, pp.217-220.

* 845 Alain Morel, Traitements de substitution à l

* a buprénorphine : l'expérience française, op.cit. p.2.

846 Le phénomène de tolérance croisé signifie qu'un héroïnomane auquel l'on administre des doses de substitution suffisantes ne peut plus ressentir les effets euphorisants de l'héroïne pour un certain nombre d'heures (durée appelée la demi-durée de vie). Cette propriété est commune aussi bien à la méthadone qu'au Subutex ce qui justifient leur usage thérapeutique. Farges F., Hautefeuille M., M., « Les traitements de substitution», art.cit.

* 847 Jasinski D.R. & Al., « Human pharmacology and abuse potential of the analgesic buprenorphine », Archiv

* es of General Psychiatry, 1978, 35; pp.501-516.

848 Cf., Nancy Mello, « La buprénorphine supprime l'usage d'héroïne chez les héroïnodépendants », Revue Science, vol.207, 8 février 1980, cité in Catherine Pequart, « Traitements de substitution par la buprénorphine : évaluations, risques et résultats », in Traitements de substitut

* ion. Histoire, étude, pratique, op.cit., p.80.

849 Reisinger M., « Buprenorphine as a new treatment for heroin dependence

* », Drug Alcohol Dependence, 1985, 16, 257-262.

850 Reisinger M., « Quinze ans de traite

* ment à la buprénorphine », THS La Revue, 1999.

* 851 Circulaire DGS/SP3/95 n°29 du 31 mars 1995.

852 Coppel A., « Les intervenants en toxicomanie, le Sida et la réduction des risques en France », art.cit.,1996.

Morel A., « Histoire et changements des intervenants en toxicomanies en France face aux pharmacothérapies », Lyon méditerranée médic

* al, Médecine du Sud-Est, 1998, n.34, pp.21-24.

853 Touze

* au, Jacques Bouchez, La Méthadone, op.cit.,12p.

854 Cette disposition a fait l'objet récemment d'une nouvelle circulaire qui sera abordée par la suite.

* 855 OFDT, « Usages de drogues et dispositifs publics -indicateurs

* et tendances », Tendances, n°2 septembre 1999.

856 Augé-Caumon M-J., Bloch-Lainé J-F., Lowenstein W., Morel A., L'accès à la méthadone en France. Bilan et recommandations, Rapport réalisé à la demande de Bern

* ard Kouchner Ministre Délégué à la Santé, p.5.

857 Augé-Caumon M-J., Bloch-Lainé J-F., Lowenstein W., Morel A., L'accès à la méthadone en France. Bilan et reco

* mmandations, op.cit., 87p.

858 MEDICAM, « les médicaments remboursés par le Régime Général d'Assurance Maladie en 1999 », septemb

* re 2000, Caisse Nationale d'Assurance Maladie.

859 Le schèma suivant est extrait de Augé-Caumon M-J., Bloch-Lainé J-F., Lowenstein W., Morel A., L'accès à la méthadone en France. Bilan et recommandations, op.cit., p.43.

* 860 Augé-Caumon M-J., Bloch-Lainé J-F., Lowenstein W., Morel A., L'accès à la méthadone en France. Bilan et recommandations,

* a op.cit., 87p.

861 Farges F., Hautefeuille M., M., « Les traitements de substitution», art.cit.

* 862 Augé-Caumon M-J., Bloch-Lainé J-F., Lowenstein W., Morel A., L'accès à la méthadone en France. Bilan et recommandations,

* aop.cit, 87p.

863 La croyance est elle même liée à la présentation des deux médicaments. La méthadone accumule les handicaps de présentation et de maniabilité : elle est proposée sous une forme de sirop, le sirop est dans des petits flacons en verre (initialement gravé), l'encombrement est maximum tant pour les pharmacies, que pour les centres et pour les patients : les flacons en verre sont dans des boîtes en cartons eux-mêmes rangés selon le dosage dans des cartons différents.

* 864 Pascal Courty note que ce mode de présentation du Subutex peut paradoxalement constituer un obstacle à la thérapie. Pour des patients qui s'injectent quatre à huit fois par jour de l'héroïne, il est extrêmement difficile de faire comprendre qu'un seul comprimé va vous calmer [...] En effet, les patients prennent souvent leurs comprimés en plusieurs prises [...] Cette façon d'agir les maintient dans un état de demi-manque qui n'est pas favorable à leur guérison car ce manque revient les hanter ». Pascal Courty remarque en revanche que du fait qu'il n'implique qu'une prise par jour, le Subutex est plus souple que la méthadone et s'adapt

* e mieux avec un travail régulier. Courty P., Le travail avec les usagers des drogues, op.cit., pp.48-49.

* 865 « Les organisations d'enseignements post-universitaires locaux, les organisations de réunions régionales pour des médecins généralistes, les pharmaciens d'officine et autres professionnels de santé, les congrès nationaux et internationaux, la création de plaquettes d'information, de guidelines ou lignes directrices du traitement par BHD, le développement d'études nationales initiées et (bien) organisées par le groupe pharmaceutique, le soutien à certaines revues sur les addictions ou sur les pathologies associées aux usages et abus de drogues (hépatites par exemple, pathologies pour lesquelles le groupe pharmaceutique a un des deux traitements antiviraux les plus prescrits) sont des exemples, parmi d'autres, qui peuvent expliquer le "déséquilib

* re", le retard d'un traitement sur un autre ». Augé-Caumon M-J., Bloch-Lainé J-F., Lowenstein W., Morel A., L'accès à la méthadone en France. Bilan et recommandations, op.cit.

866 Augé-Caumon M-J., Bloch-Lainé J-F., Lowenstein W., Morel A., L'accès à la méthadone en France. Bilan et recommandations, op.cit.

* a

867 Il faut ajouter qu'aux inconvénients cités ici de nombreuses questions restent en suspens sur les conséquences d'un traitement par Subutex qu'il est difficile d'évaluer en raison de l'absence de recherche sérieuse sur le sujet. Le Conseil national du sida remarque que tandis que les recherches menées en France et à l'étranger ont démontré, en 1998 et 1999, qu'une part importante des traitements antirétroviraux ont une interaction, in vitro, avec la méthadone, « la situation paraît beaucoup plus imprécise en ce qui concerne le Subutex. Par ailleurs, le laboratoire commercialisant ce traitement n'a pas, semble-t-il, mené les études appropriées ni diffusé de résultats complets sur le sujet ». Conseil national du sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre législatif, op.cit., p.61.

* 868 Reynaud M. & al., « Utilisation détournée d'une association buprénorphine-benzodiazépine : six d

* écès », La Presse médicale, 1997, n.28, pp.1237-1238.

869 A. Traqui, « intoxications aiguës par traitement substitutif à base de buprénorphine haut dosage, 29 observations- 20 cas mortels », in La Presse médicale, n°27, pp.557-561, étude citée par Catherine Pequart, « Traitements de substitution par la buprénorphine : évalu

* ations, risques et résultats », op.cit., p.86.

870 France Soir, « Alerte au Subutex® , médicament mortel », 28 avril 1998, cité in Anne Copppel, « La réduction des risques en France à l

* a recherche d'un consensus », op.cit., p.270. 

871 Hautefeuille M., « Le Temgésic : nouveau produit, viei

* lle illusion », Interventions, 1991, pp.27-29.

872 France Lert, « Que penser du Subutex® ? », in Villehôpital,

* le bulletin des réseaux, n°18.

* 873 L'utilisation intraveineuse de la buprénorphine semble s'accompagner d'une persistance de consommation d'autres drogues intraveineuses. Ainsi dans une enquête menée sur les patients du Centre de soins spécialisées pour toxicomanes de Clermont Ferrand, 41% des patients traités sous Subutex poursuivaient des consommations par injection (opiacés, BZD, cocaïne, etc.). Courty P., Le travail avec les usagers des drogues, op.cit., p.52.

* 874 Lert F. & al., Evaluer la mise à disposition du Subutex® pour la prise en charge des usagers de drogues. Synthèse rapide de la littérature et des données disponibles et propositions pour un programme de recherche, R

* apport réalisé sous l'égide de l'INSERM, 1998.

* 875 Augé-Caumon M-J., Bloch-Lainé J-F., Lowenstein W., Morel A., L'accès à la méthadone en France. Bilan et recommandations, op.cit.

* r

876 Ce constat doit par ailleurs être relativisé par les fortes inégalités territoriales qui subsistent. En effet, si la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur bénéficie d'un taux de distribution de la méthadone pour 10 000 habitants 2,4 fois plus élevé que la moyenne nationale, et l'Ile-de-France 1,8 fois plus élevé, certaines régions paraissent totalement oubliées. Les Pays de Loire, la Picardie, le Centre, le Limousin sont encore particulièrement défavorisés. Emmanuelli (Julien), Contribution à l'évaluation de la politique de réduction des risques SIAMOIS. Description, analyse et mise en perspective des données de ventes officinales de seringues et de produits de substitution en France de 1996 à 1999. Tome 2 : « Approche détaillée à l'usage des acteurs de terrain», pp. 18 et suivantes.

* 877 Lert F. & al., Evaluer la mise à disposition du Subutex® pour la prise en charge des usagers de drogues, op.cit., p.23

878 C

* irculaire DGS/DHOS 2002/57 du 30 janvier 2002.

* 879 Les auteurs du rapport sur « L'accès à la méthadone en France »  insistaient sur l'importance de nouvelles voies d'accès au méthadone. Il s'agit, selon eux, de mettre en place un accès garanti à la méthadone dans tous les départements, avec le choix pour le patient entre trois portes d'entrée : un « réseau ville » (primo-prescription, dispensation et suivi en ville), un « réseau établissement de santé » ou un « réseau centre spécialisé» (prescription, dispensation et suivi en centre spécialisé). Ces réseaux offriraient une accessibilité, une diversité et une souplesse propices à des passages de l'un à l'autre selon des modalités adaptées aux besoins du patient. Cf., Augé-Caumon M-J., Bloch-Lainé J-F., Lowenstein W., Morel A., op.cit.

* m

880 On a d'ailleurs souligné auparavant les effets pervers induit par cette double orientation.

* 881 Bertelli Bruno, « Le politiche penintenziarie », in Tossicodipendenze e politiche sociali in Italia, op.cit., p.143.

* 882 Ibid., p.144.

* 883 Ibid., p.142.

* 884 Ibid., p.142.

* 885 Cf. Tableau situé ci-dessous.

* 886 Piccone Stella, Droghe e tossicodipendenza, op.cit.

* 887 Bertelli Bruno, « Le politiche penintenziarie », in Tossicodipendenze e politiche sociali in Italia, op.cit.,p.157.

* 888 Ministero Giustizia. Dipartimento Amministrazione Penitenziaria. Cité in Bertelli Bruno, « Le politiche penintenziarie », art.cit., p.151.

* 889 Steffen M., Les Etats face au Sida en Europe, op.cit, p.121.

* 890 Loi du 30 juin 1838 sur les aliénés, réformée par la loi n° 90-527 du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs cond

* itions d'hospitalisation (JO du 30 juin 1990).

891 Loi n° 54-439 du 15 avril 1954 sur le tra

* itement des alcooliques dangereux pour autrui.

892 Bernat De Celis J., Drogues : Consommation interdite. La genèse de la loi de 1970 sur les

* stupéfiants, Paris, l'Harmattan, 1996, 252 p.

893 Circulaire DGS/1555/MS1 du 28 septembre 1971, cité in Henri Bergeron, L'Etat et la toxicomanie. Histoi

* re d'une singularité française, op.cit., p.27.

* 7

894 Art. L628-1 du Code de la Santé publiqu

* e.

895 . Art.L682-2 du Code de la Santé publi

* que

896 Art. L682-3 du Code de la Santé p

* ublique

897 Art. 132-60 à 66, Nouveau Code Pénal

898 « La loi du 31 décembre 1970 cherche à établir, en ce qui concerne l'usage de stupéfiants, un compromis entre pénalisation et traitement, en associant l'injonction thérapeutique et une sanction pénale » Bisiou Yan, « Le cadre légal français », in La demande sociale de

* drogues, Albert Ogien, Patrick Mignon, op.cit., p.183.

899 L'injonction thérapeutique fut très critiquée des psychiatres qui l'acceptèrent comme la « moins mauvaise réponse » aux peurs collectives que suscitait la drogue. Anne Coppel, « De la Clinique à la santé publique : traitement et réduction des risques », in La demande sociale de drogues,

* 900 Monique Pelletier, Rapport de la mission d'étude sur l'ensemble des problèmes de la drogue,

* aop.cit., p.109.

901 Conseil national du sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique. Propositions pour une ref

* ormulation du cadre législatif, op.cit., p.55.

* 902 Evalu

* ation de l'INSERM, U.302, citée dans Dussausaye Eve, Politiques publiques de soins en matière de toxicomanie. Une spécificité française, op.cit., p.47

903 Circulaire CAB 87-02 du 12 mai 1987: coopération entre les autorités judiciaires et les autorités sanitaires et sociales pour l'application de la loi n° 70-1320 du 31 décembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et à la répression du trafic et

* de l'usage illicite de substances vénéneuses.

904 Michel Setbon, Pouvoirs contre sida. De la transfusion sanguine au dépistage : décisions et pratiques en France, Grande-Bretagne et Suède, op.cit., p.32.

* a

* 905 Conseil national du Sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre législatif,

* op.cit., p.55.

906 DGLDT/CRIM/DGS n°20 C du 28 avril 1995.

* t

907 J. Chenu, « Résultats décevants pour l'injonction thérapeutique

* », Interdépendances n° 27, 06-07, 1997, p.37.

908 Conseil national du sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre législatif, op.cit., p.56.

* 909 Conseil national du sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique. Propositions pour une ref

* ormulation du cadre législatif, op.cit., p.56.

910 Steffen M., Les

* Etats face au Sida en Europe, op.cit., p.130.

911 Setbon Michel, Calan Jeannine de, CNRS/GAPP, L'injonction thérapeutique. Evaluation du dispositif légal de prise en charge sanitaire des usagers de drogues interpellés, op.cit.

* o912 Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p.86.

* 913 Agnoli Maria Stella, « Il programma delle ricerche sull'efficacia delle strategie di communità », art.cit., pp.13-51.

* 914 Farges F., Patel. P., Les communautés thérapeutiques pour toxicomanes, op.cit., 22p.

* 915 O'brien W., « Les communautés thérapeutiques », in Dolentium Hominum, Eglise et santé dans le monde, Actes 6ème Conf. Int. Vatican, 21-23 nov 1991, Drogue et alcoolisme contre la vie, 1992, n.19, pp.321-326. Gatti R.C., Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servizio pubblico, op.cit, p.88

* 916 Jones M., « Pourquoi deux types de communautés thérapeutiques? », Psychotropes, 1986, 3, 1, pp. 9-12.

* 917 Agnoli Maria Stella, « Il programma delle ricerche sull'efficacia delle strategie di communità », art.cit, p.23-24

* 918 Les communautés, comme l'affirme Paolo Stocco, directeur de la communauté Villa Renata (Lido di Venezia) « se sont développées principalement comme des modèles alternatifs d'intervention [...] en comparaison avec les canons classiques de l'intervention sanitaire correspondant au secteur médical et à l'organisation hospitalière et ambulatoire, où le sujet est qualifié comme «patient» et la relation médecin-patient fortement asymétrique» au contraire, «la fonction originaire des communautés est dotée d'une forte valeur solidariste en organisant des modalités d'approche à travers une auto/mutuelle aide ». Stocco Paolo « La persona tossicodipendente e sieropositiva in comunità terapeutica », La cura delle persone con Aids. Interventi e contesti culturali , Nizzoli Umberto, Oberto Bosi (dir.), op.cit, p.230.

* 919 Farges F., Patel. P., Les communautés thérapeutiques pour toxicomanes, op.cit., 22p.

* 920 « La primauté du faire en rapport avec les autres façons de comprendre le «temps de la vie» que les hôtes passent en communauté. Communauté qui n'est donc pas perçue comme un refuge temporaire, suspension des contraintes sociales, convalescence, mais plutôt comme activité concrète, dans laquelle ce qui est émerge est un faire ensemble. En communauté ce qui est apprit, dont les règles de comportement, est apprit en faisant, en vivant ensemble, en partageant la vie quotidienne » Guidicini Paolo, Pieretti Giovanni, San Patrignano. Terapia ambientale ed effetto città, op.cit, p.37

* 921 Guidicini Paolo, Pieretti Giovanni, San Patrignano. Terapia ambientale ed effetto città, op.cit, p.695

* 922 Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p.82.

* 923 Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p.88.

* 924 Farges F., « Chaîne thérapeutique », in Angel P., Richard D., Valleur., Toxicomanies, op.cit, pp.175-178.

* 925 Stocco Paolo « La persona tossicodipendente e sieropositiva in comunità terapeutica », La cura delle persone con Aids. Interventi e contesti culturali , Nizzoli Umberto, Oberto Bosi (dir.), op.cit, p.232.

* 926 Stocco Paolo., ibid., p.234.

* 927 Guidicini Paolo, Pieretti Giovanni, San Patrignano. Terapia ambientale ed effetto città, op.cit, p.580

* 928 Agnoli Maria Stella, « Il programma delle ricerche sull'efficacia delle strategie di communità », art.cit, p.20.

* 929 Agnoli Maria Stella, ibid., p.19

* 930 Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p.81.

* 931 Statera Gianni, «Introduzione. L'efficacia del trattamento di comunità come problema di indagine», Sociologia e ricerca sociale, Anno XV, n°45, 1994, pp.6

* 932 Fasanella Antonio, « Esperienza di comunità ed efficacia in trattamento del processo riabilitativo », Sociologia e ricerca sociale, Anno XV, n°45, 1994, pp.158-198.

* 933 Agnoli Maria Stella, « Il programma delle ricerche sull'efficacia delle strategie di communità », p.20.

* 934 Ibid., p.21.

* 935 Checcucci et Lampronti, Quaderno di Stella popolare, 1991-1992, 6-7, p.12, cité dans Fasanella Antonio, « Esperienza di communità ed efficacia in trattamento del processo riabilitativo », art.cit., p.160

* 936 Fasanella Antonio, « Esperienza di communità ed efficacia in trattamento del processo riabilitativo », art.cit., p.174.

* 937 Farges F., Patel. P., Les communautés thérapeutiques pour toxicomanes, op.cit., 22p.

* 938 Castel R.(dir.), Les sorties de la toxicomanie. Types, trajectoires, tonalités, GRASS, MIRE, Paris, 303 p.

* 939 Farges F., Patel. P., Les communautés thérapeutiques pour toxicomanes, op.cit.

* 940 Castel R.(dir.), Les sorties de la toxicomanie. Types, trajectoires, tonalités, op.cit.

* 941 Farges F., « Chaîne thérapeutique », in Angel P., Richard D., Valleur., Toxicomanies, op.cit, pp.175-178

* 942 Les résistances des professionnels de la toxicomanie à l'introduction des communautés thérapeutiques en France s'expliquent également par les principes même de la CT. Celle-ci repose en effet, comme il a été établi, sur une déprofessionnalisation du personnel. Chaque toxicomane est considéré comme un potentiel thérapeute. Les professionnels sont dès lors délégitimés de leur monopole thérapeutique.

* 943 Farges F., Patel. P., Les communautés thérapeutiques pour toxicomanes, op.cit.

* 944 Stocco Paolo « La persona tossicodipendente e sieropositiva in comunità terapeutica », La cura delle persone con Aids. Interventi e contesti culturali , Nizzoli Umberto, Oberto Bosi (dir.), op.cit, p.231

* 945 Ibid., p.232

* 946 Farges F., Patel. P., Les communautés thérapeutiques pour toxicomanes, op.cit.

* 947 Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p.80.

* 948 Osservatorio permanente sul fenomeno droga, 1993, cité in Agnoli Maria Stella, « Il programma delle ricerche sull'efficacia delle strategie di communità », art.cit., p.14.

* 949 Ces chiffres sont tous datés du 31 décembre de chaque année. Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p.33.

* 950 Parmi les études de San Patrignano on peut citer celle de Paolo Guidicini et Giovanni Pieretti qui reste la plus connue, mais surtout la recherche effectuée par le Département de Sociologie de Bologne. Cf., Guidicini Paolo, Pieretti Giovanni, San Patrignano. Terapia ambientale ed effetto città. Studi sui percorsi di vita degli ospiti della comunità, FrancoAngeli, Milano, 1996, p.790. Bruni Carmelo, «Struttura socio organizzativa, «filosofia» e strategia d'intervento della comunità San Patrignano», in «Strategie di comunità per tossicodipendenti, il caso di San Patrignano», Sociologia e ricerca sociale, Anno XV, n°45, 1994, pp.52-95.

* 951 Bruni Carmelo, «Struttura socio organizzativa, «filosofia» e strategia d'intervento della comunità San Patrignano», art.cit., p.53.

* 952 Vincenzo Muccioli a «théorisé» sa conception de l'existence, du monde et de la communauté thérapeutique dans l'ouvrage suivant : Muccioli, Vincenzo, La mia battaglia contro la droga, l'emarginazione e l'egoismo.

* 953 Bruni Carmelo, «Struttura socio organizzativa, «filosofia» e strategia d'intervento della comunità San Patrignano», art.cit, p.53.

* 954 Ibid., p.27.

* 955 Muccioli, Vincenzo, La mia battaglia contro la droga, l'emarginazione e l'egoismo, op.cit, p.27, cité in Bruni Carmelo, ibid., art.cit, p.65.

* 956 Muccioli, Vincenzo, ibid., pp.106-107, cité in Bruni Carmelo, ibid., p.67.

* 957 Muccioli, Vincenzo, ibid., pp.104-105, cité in Bruni Carmelo, ibid., p.66.

* 958 Un schéma de références, c'est « un ensemble de notions et de valeurs qui servent initialement à s'orienter dans la vie communautaire, jour après jour, et qui participe profondément de la personnalité de chaque sujet ». Bruni Carmelo, «Struttura socio organizzativa, «filosofia» e strategia d'intervento della comunità San Patrignano», art.cit, p.53.

* 959 Ibid.

* 960 Guidicini Paolo, Pieretti Giovanni, San Patrignano. Terapia ambientale ed effetto città, op.cit, p.39

* 961 Fasanella Antonio, « Esperienza di communità ed efficacia in trattamento del processo riabilitativo », in «Strategie di comunità per tossicodipendenti, il caso di San Patrignano», Sociologia e ricerca sociale, Anno XV, n°45, 1994, p.174

* 962 Bruni Carmelo, «Struttura socio organizzativa, «filosofia» e strategia d'intervento della comunità San Patrignano», art.cit, p.71.

* 963 Bruni Carmelo, ibid., p.80.

* 964 Bruni Carmelo, «Struttura socio organizzativa, «filosofia» e strategia d'intervento della comunità San Patrignano», art.cit, p.91.

* 965 San Patrignano présente la particularité, comme le précisent Guidicini et Pieretti, de ne pas posséder un programme thérapeutique établit à l'avance, ni une hiérarchie stricte. « Un tel manque apparaît, au premier regard, en contradiction totale avec le climat d'efficience et de précision présente dans la Communauté, surtout en face de situations et d'expériences d'autres communautés, italiennes et étrangères, dans lesquelles il existe des programmes thérapeutiques écrits extrêmement détaillés (parfois presque militaires) qui prévoient des phases, des temps, des situations et, surtout, qui décrivent des étapes thérapeutiques comme des pré-requis pour le passages à des niveaux successifs de l'expérience communautaire ». Guidicini Paolo, Pieretti Giovanni, San Patrignano. Terapia ambientale ed effetto città, op.cit, p.26

* 966 Mintzberg, La progettazione dell'organizzazione aziendale, 1983, p.431,

* 967 Mintzberg, Management : mito e realtà, 1989, p.289, cité in Bruni Carmelo, «Struttura socio organizzativa, «filosofia» e strategia d'intervento della comunità San Patrignano», art.cit, p.93.

* 968 On peut donner à titre indicatif quelques éléments biographiques à propos de Massimo Barra. Né à Rome en 1947, il est entré dès l'âge de 13 ans dans le groupe des Pionniers de la Croix Rouge Italienne dont il devient le Président national en 1976. Il sera élu à partir de 1979 Inspecteur National des Volontaires de la Croix Rouge Italienne, charge à laquelle il sera réélu jusqu'en janvier 2001. Il occupa également la charge de Président du Comité Consultatif de la Jeunesse de la Fédération Internationale de la Croix Rouge entre 1972 et 1979. Il accomplit des étude de médecine et exerça sa profession auprès du Centre des Maladies Sociales (C.M.S) de Rome dans le service de toxicomanie. Il fonda la communauté Villa Maraini le 1er septembre 1976. Il créa enfin la Fondation Villa Maraini en 1988 dont il est encore aujourd'hui le directeur. Massimo Barra a été le responsable de nombreux cours de formation et de sensibilisation à la toxicomanie aussi bien au sein de la Croix Rouge qu'après d'universités et d'écoles spécialisées. Massimo Barra a également exercé d'importantes responsabilités au sein de groupes d'études et de recherches des politiques sanitaires sur la toxicomanie pour le compte du gouvernement italien (Comités interministériels Antidrogue de 1978 al 1985, Rapport auprès du Ministère de la Santé sur les communautés thérapeutiques en Italie en 1982) ou auprès de la commune de Rome.

* 969 Barra, Massimo, Lelli Vittorio, Droghe e drogati, Ed. Ianua, Rome, 1990, p. 16. p.165.

* 970 Cette conception rentre en contradiction avec la compréhension de la toxicomanie qui s'est développée en Italie durant les années quatre-vingt et qui y voit avant tout l'expression d'un malaise social.

* 971 Barra Massimo, « Pragmatica dell'intervento terapeutico », in Bellizzi A. (dir)., Lezioni dai corsi di Sensibilizzazione, Villa Maraini, Roma, juin 2001, p.27. 81p. Cette idée renvoie par ailleurs de façon directe à l'idée de «ligne de vie» déjà évoquée précédemment par Robert Castel et Albert Ogien.

* 972 Ibid, p.27.

* 973 Ibid., p.28.

* 974 Définition de la thérapie sur le site Internet de Villa Maraini : www. villamaraini.it.

* 975 Barra Massimo, « Pragmatica dell'intervento terapeutico », art.cit., p.29.

* 976 Ibid., p.29.

* 977 Ibid., p.30.

* 978 Barra Massimo, Droga dalla A alla Z, I quaderni del pronto soccorso, Mc Graw-Hill, Milano, 1997, 56p.

* 979 C'est dans ce sens que Massimo Barra déclarait lors d'une conférence : « L'ex-toxicomane devenu opérateur social est un élément constant de plusieurs services anti-drogue dont on ne peut faire à moins, soit pour l'attitude protectrice et paternelle que plusieurs anciens toxicomanes, parvenus à la phase finale de leur dépendance, assument à l'égard des plus jeunes, soit pour le témoignage personnel de réussite et de victoire dans un combat. pour dépasser définitivement la dépendance, qui parfois peut paraître improbable sinon impossible. L'ancien toxicomane démontre que "vouloir c'est pouvoir" et cela est pour lui un bon système de se rendre utile à la Société, souvent l'unique pour mettre à profit l'expérience négative de son passé de drogué [...] Un ex-toxicomane thérapeute dans un centre anti-drogue ou dans une communauté thérapeutique est un symbole, un personnage important et de soutien tandis que dans n'importe quel autre milieu il risque d'être un nombre ou un travailleur anonyme Pour lui il est aussi important de continuer à fréquenter, même avec un autre rôle, un milieu thérapeutique, surtout si de celui-ci ou d'une de ses figures significatives il est resté d'une façon ou de l'autre dépendant en tant qu'un des moyens qui lui a permis de dépasser l'autre, plus néfaste dépendance, celle de la drogue ». Massimo Barra, Tolleranza Dei Terapeuti E Tossicodipendenti, II Encontro das Taipas Lisboa, février, 1989.

* 980 Fondazione Villa Maraini, I nostri servizi, brochure d'information , 13p.

* 981 Villa Maraini, «Ne abbiamo fatto di strada... Unità di strada», compte rendu d'activité, août 2001.

* 982 Fondazione Villa Maraini, I nostri servizi, brochure d'information , p.10.

* 983 Barca Vincenzo (dir)., «La comunità terapeutica semiresidenziale», Quaderni della Fondazione Villa Maraini, juillet 1998, 31p.

* 984 Fondazione Villa Maraini, I nostri servizi, brochure d'information , p.11.

* 985 « Toxicard Salvavita », Corriere della Sera, 26 mars 1999.

* 986 La Fondation Villa Maraini est considérée comme une structure de la Croix Rouge Italienne bien qu'elle dispose d'un personnel essentiellement composé de professionnels (psychologues, éducateurs, ex-toxicomanes).

* 987 «Sciopera Villa Maraini , Il Manifesto, 25 juillet 1993.

* 988 »I finanziamenti dirottati» , Roma Circoscrizione XVI" marzo1992

* 989 «La Fondazione potrebbe perdere medici e psicologi», Momento Sera, del 2 marzo 1995,
Problemi in vista per Villa Maraini Lo a deciso la Usl Rm D; « La Usl "contro" Villa Maraini », L'Unità, del 2 marzo 1995.

* 990 «Il centro antidroga funziona ma è a corto finanziamenti», Il Giornale, 9 février 2001.

* 991 « Cure vietate per i tossicodipendenti detenuti nelle carceri romane. La denuncia della Fondazione Villa Maraini», Il Giornale D'Italia, 7 décembre 1985.

* 992 Massimo Barra, "RES - Risposte Esperienze Servizi" Agenzia di informazione sociale», Anno IV - n.12 del 15 ottobre 1994.

* 993 «Sussidi ai malati di Aids», Momento Sera, 18 novembre 1993.

* 994 «Farmacie. Boicottata la vendita del metadone», L'Unità, 8 octobre 1993.

* 995 « Farmacie contro la droga », L'Opinione, 13 aprile 1994.

* 996 «Parla l'assessore Barra :"Le Usl smettano di fingere di non sapere"», Il Tempo, 27 août 1993.

* 997 Osservatorio sulle tossicodipendenze, I Quaderni di Datamedia, octobre 1996, Milan.

* 998 Marco Orsenigo, Tra clinica e controllo sociale. Il lavoro psicologico nei servizi per tossicodipendenti, op.cit., pp.81-82.

* 999 Marco Orsenigo, Tra clinica e controllo sociale. Il lavoro psicologico nei servizi per tossicodipendenti, op.cit., p.80.

* 1000 Gatti R.C., Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servizio pubblico, op.cit., p.93.

* 1001 Courty P., Le travail avec les usagers des drogues, op.cit., p.117.

* 1002 Gatti R.C., Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servizio pubblico, op.cit., pp.112-113.

* 1003 Les centres spécialisés naissent d'une circulaire de 1972, signée par Robert Boulin, minsitre de la Santé. Circulaire DGS/591/MS1 du 29 mars 1972 relative à l'organisation sanitaire de la toxicomanie. Bergeron H., L'Etat et la toxicomanie, histoire d'une singularité française, op.cit., p.39.

* 1004 Augé-Caumon M-J., Bloch-Lainé J-F., Lowenstein W., Morel A., L'accès à la méthadone en France. Bilan et recommandations, op.cit., 87p.

* 1005 Courty P., Le travail avec les usagers des drogues, op.cit., pp.13-14.

* 1006 Décret n°92-590 du 29 juin 1992 relatif aux centres spécialisés de soins aux toxicomanes. Ministère de la Santé et de l'Action humanitaire, Ministère de la Justice, Ministère du Budget, Journal officiel du 2 juillet 1992.

* 1007 Augé-Caumon M-J., Bloch-Lainé J-F., Lowenstein W., Morel A., L'accès à la méthadone en France. Bilan et recommandations, Rapport réalisé à la demande de Bernard Kouchner Ministre Délégué à la Santé, 87p.

* 1008 Selon la MILDT, on recensait en 1999, cent quatre-vingt-dix centres ambulatoires et cinquante-six permanences d'accueil. MILDT, 1999, op.cit., p. 77.

* 1009 Ariège, Cantal, Creuse, Gers, Haute Loire, Haute Marne, Nièvre, Hautes Pyrénées.

* 1010 Aisne, Hautes Alpes, Cher, Corrèze, Côtes d'Armor, Indre, Jura, Loir et Cher, Manche, Orne, Territoire de Belfort.

* 1011 Lacoste M., « Enquête nationale ANIT, Centres spécialisés de soins avec hébergements et substitution : résultats », Interventions, 1999, 68 ; pp.38-45.

* 1012 Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p.

* 1013 Marco Orsenigo, Tra clinica e controllo sociale. Il lavoro psicologico nei servizi per tossicodipendenti, op.cit., p.158

* 1014 Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p.33.

* 1015 Cf. G. Abbatecola, « La lettura della tossicodipendenza e i sui problemi », in Marginalità e società, n.21, 1993.

* 1016 Gatti R.C., Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servizio pubblico, op.cit., p.25.

* 1017 Ibid., p.26.

* 1018 Ibid., p.12.

* 1019 Ibid., p.14.

* 1020 Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p.90.

* 1021 Gatti R.C., Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servizio pubblico, op.cit., p.175

* 1022 Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p.89.

* 1023 Zuffa G., I drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, op.cit., p.35.

* 1024 Gatti R.C., Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servizio pubblico, op.cit.

* 1025 Fazzi L., Scaglia A., Tossicodipendenze e politiche sociali in Italia, op.cit., p.12.

* 1026 Gatti R.C., Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servizio pubblico, o

* p.cit.

1027 En 1994, les consommateurs d'héroïne représentaient 90% des patients suivis par les Sert en Italie. Ce chiffre est resté presque inchangé en 2000. Ministère de la Santé, A. De Rose, N. Magliocchetti, « Relazione sulle attività dei servizi pubblici per le tossicodipendenze nell'anno 1994 », in Bolletino delle farmacodipendenze e dell'alcolismo, XVIII, n.3, 1995.

* 1028 Gatti R.C., Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servizio pubblico, op.cit., p.46.

* 1029 Ibid., p.175.

* 1030 Piccone Stella remarque que l'âge moyen des consommateurs d'héroïne augmente de façon générale en Europe tandis que les plus jeunes ont recours à d'autres types de drogues (amphétamines, ecstasy, LSD, etc.). L'âge des personnes pris en charge par les services de toxicomanie augmente ainsi de façon importante. Entre1991 et 1997, tandis que la classe des 20-24 ans est passée de 28,60 à 17,9% de l'ensemble des patients, la classe des 35-39 ans a augmenté de 6,55 à 13,4%. Piccone Stella Simonetta, Droghe e tossicodipendenza, op.cit, p.37.

* 1031 Ibid., p.108

* 1032 Ibid., p.109.

* 1033 Fazzi L., Scaglia A., Tossicodipendenze e politiche sociali in Italia, op.cit., p.12.

* 1034 Idem., p.12.

* 1035 Gatti R.C., Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servizio pubblico, op.cit., p.46.

* 1036 Ibid., p.169.

* 1037 Ibid., p.10.

* 1038 Augé-Caumon M-J., Bloch-Lainé J-F., Lowenstein W., Morel A., L'accès à la méthadone en France. Bilan et recommandations, op.cit., 87p.

* 1039 Farges F., Hautefeuille M., M., « Le toxicomane à l'hôpital » in Angel P., Richard D., Valleur., Toxicomanies, op.cit, pp.191-194

* 1040 Ibid, p.192

* 1041 ibid., pp.191-194

* 1042 Augé-Caumon M-J., Bloch-Lainé J-F., Lowenstein W., Morel A., L'accès à la méthadone en France. Bilan et recommandations, Rapport réalisé à la demande de Bernard Kouchner Ministre Délégué à la Santé, 87p.

* 1043 A ce propos, la circulaire DHOS/02 - DGS/SDB 2000/460 du 8 septembre 2000 relative à l'organisation des soins hospitaliers pour les personnes ayant des pratiques addictives prévoit un effort budgétaire de 38 millions de francs.

* 1044 Le milieu carcéral a déjà fait auparavant l'objet d'une réflexion notamment du point de vue de l'existence de pratiques à risques. Il s'agit en revanche de questionner ici le rôle thérapeutique de la prison.

* 1045 Bertelli Bruno, « Le politiche penintenziarie », in Tossicodipendenze e politiche sociali in Italia, op.cit., p.135.

* 1046 Bertelli Bruno, « Le politiche penintenziarie », ibid., p.152 ; Conseil national du Sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre législatif, op.cit.

* 1047 Conseil national du Sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre législatif, op.cit.

* 1048 Angel P., «Toxicomanes incarcérés», in Toxicomanies, op.cit., pp.262-264.

* 1049 Augé-Caumon M-J., Bloch-Lainé J-F., Lowenstein W., Morel A., L'accès à la méthadone en France. Bilan et recommandations, Rapport réalisé à la demande de Bernard Kouchner Ministre Délégué à la Santé, 87p.

* 1050 Conseil national du Sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre législatif, op.cit., p.93.

* 1051 Bertelli Bruno, « Le politiche penitenziarie », ibid., p.155.

* 1052 Ibid., p.156.

* 1053 Leone B., Migliore A., La comunità dentro il carcere, Angeli, Milano, 1999.

* 1054 Bertelli Bruno, « Le politiche penitenziarie », ibid., p.162.

* 1055 Barra M., «Il tossicodipendente, il carcere e le sue alternative», in Bion, DAP, 163, 1997;

* 1056 Bertelli Bruno, « Le politiche penintenziarie », ibid., p.163.

* 1057 Clauzet, Coqus, Binder, « Médecins Généralistes et Toxicomanies, qu'en attendre? », op.cit.,12p

* 1058 Seyer D. & al., « Traitement de substitution par buprénorphine haut-dosage : les recommandations sont-elles suivies ? », Thérapie, 1998, 53 ; 349- 354.

* 1059 Clauzet, Coqus, Binder, « Médecins Généralistes et Toxicomanies, qu'en attendre? », op.cit , 12p

* 1060 Conseil national du sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre législatif, op.cit., p.66.

* 1061 L'homme J.P., « Consultation du toxicomane en ville : le rôle du médecin généraliste », in Angel P., Richard D.,Valleur., Toxicomanies, Paris, Masson, 2000, pp.221-223.

* 1062 Lalande (Aude), Grelet (Stany), Pratiques de la substitution en ville. Suivi de patients usagers de drogues en médecine générale, approche qualitative, EPID 92 - ARES 92, 1999. 129 p.

Jauffret (Marie), « Les médecins généralistes et la prise en charge des usagers de drogues », SWAPS, n° 11, février-mars 1999, pp. 7-8.

* 1063 Murat (Guillaume), « L'affaire Labarre », Interdépendances, n° 35, octobre-décembre.1999, pp. 6-10.

* 1064 Prieur (Cécile), « Le traitement des héroïnomanes mis en cause par une décision de justice », Le Monde,

* mardi 27 juillet 1999, p. 8.

1065 Courty

* P., Le travail avec les usagers de drogues, op.cit., p.53

1066 Court

* y P., Le travail avec les usagers de drogues, op.cit., p.50

1067 « Le Conseil national du sida constate la persistance de résistances à l'accueil de l'usager de drogues par un nombre important de médecins généralistes, ce qui conduit à restreindre localement l'éventail de solutions thérapeutiques offertes aux usagers pour minimiser les risques induits par leur consommation ou pour y mettre fin » Conseil national du sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre législatif, op.cit., p.69

* 1068 L'homme J.P., « Consultation du toxicomane en ville : le rôle du médecin généraliste »

* , ar.cit.

1069 C

* ourty P., Le travail avec les usagers de drogues, op.cit.,

* 1070 Gagnon A. et al., « Substitution des opiacés : place et rôle des réseaux. Analyse d'une enquête auprès des médecins généralistes », Rev. Prat. Médecins Général

* istes,2000, 509, pp.1627-1635

1071 C

* ourty P., Le travail avec les usagers de drogues, op.cit.,

1072 circulaire DGS/DHOS 2002/57 du 30 janvier 2002

* 1073 Augé-Caumon M-J., Bloch-Lainé J-F., Lowenstein W., Morel A., L'accès à la méthadone en France. Bilan et recommandations, op.cit.

* s

1074 Conseil national du sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre législatif, op.cit., p.105.

* 1075 Angel S., Angel P., «Famille, fratrie et toxicomanie de l'adolescent«, in Toxicomanies, Angel P., Richar

* d D., Valleur M., pp.157-165.

1076 Scaglia A., « Le politiche famigliari », in Tossicodipendenza e politiche sociali

* in Italia, op.cit., pp.65-82.

1077 Angel S., « L'approche familiale des toxicomanes au centre Montceau », in Familles et toxicomanies, rapport de

* recherches FIRST/OFDT, 1997.

1078 Bühringer G., Drogenabhä

* ngig, Herder, Freiburg, 1992.

1079 Scaglia A., « Le politiche famigliari », in Tossicodipendenze e politiche sociali in Italia, Luca Fazzi, Antonio Scaglia, FrancoAngeli, Milan, 2001, pp.65-82

* 1080 Donati P., «Denormalizzazione della famiglia e tossicodipendenza», in Guidicini P., Pieretti G.,

* Droga, Angeli, Milano, 1990.

1081 Khantzian E., J., The Self-Medication Hypothesis of Addictive Disorders: Focus on Heroin and Cocaine Dependence, in «American Journa

* l of Psychiatry», 142, 1985.

* 1082 Morel A.(dir.), Prévenir les toxico

* manies, op.cit.

1083 Scaglia A., « Le politiche famigliari », in Tossicodipendenza e politiche soc

* iali in Italia, op.cit., p.74

1084 Ibid., p.77.

* 1085 Morel A.(dir.), Prévenir les

* toxicomanies, op.cit., p.239.

1086 Gatti R.C., Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servizio pubblico, Franco Ang

* eli, Milan, 1996, pp.107-108.

* 1087 Faugeron Claude, Kokoreff Michel, « Il n'y a pas de société sans drogues » :Un processus de normalisation ?, in Faugeron C., Kokoreff M., Société avec drogues. Enj

* eux et limites, op.cit, p.27.

1088 Lai Guaita Maria Pia, «Prevenzione delle tossicodipendenze: un impegno per ciascuno di noi», in Lai Guaita Maria Pia (dir.), La prevenzione delle to

* ssicodipendenze, op.cit, p.42

1089 « Nous voulons également qu'il [guide de prévention « Savoir plus, risquer moins »] aide à ouvrir un dialogue utile entre les jeunes et toutes les personnes qui les entourent, plus particulièrement les parents. En effet, rien ne sert de conseiller aux parents de parler des drogues avec leurs enfants s'ils ne disposent pas d'arguments et d'éléments de connaissances nécessaires. C'est à partir de cette connaissance qu'ils pourront être mieux à l'écoute de leurs enfants, prendre conscience de leur vulnérabilité et de la gravité éventuelle des risques qu'ils prennent. Ils seront ainsi mieux à même de jouer leur rôle éducatif sans nécessairement avoir besoin de recourir à un spécialiste » Mission Interministérielle de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie (MILDT), Savoir plus pou

* r risquer moins, op.cit, p.8

1090 Cité in Minz., May., Action contre les dogues: Drogue, pas besoin!, 35e congrès international sur l'alcool et les toxicomanies

* , 5 aout 1988, Oslo, Norvège.

1091 Scaglia A., « Le politiche famigliari », in Tossicodipendenza e politiche soc

* iali in Italia, op.cit., p.77

1092 Angel S., Angel P., «Famille, fratrie et toxicomanie de l'adolescent«, in

* Toxicomanies, op.cit., p.157.

* 1093 Nizzoli Umberto, «Assistere persone con Aids, tossicodipendenti e no», La cura delle persone con Aids. Interventi e contes

* ti culturali , op.cit., p.30.

1094 Farges F., « Chaîne thérapeutique », in Angel P., Richard D., Valleur., Tox

* icomanies, op.cit, pp.175-178

1095 Scaglia A., « Le politiche famigliari », in Tossicodipendenza e politiche soci

* ali in Italia, op.cit., p.80.

1096 Gatti R.C., Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servizio pubblico, Franco Ang

* eli, Milan, 1996, pp.107-108.

* 1097 Angeleri Marco e Dischetti Tiziano, «La famiglia... «in aiuto» L'esperienza dell'Associazione Genitori ed Amici «In

* sieme contro la Droga», document non imprimé disponible sur le site internet de Villa Maraini p.39.

1098 Faugeron Claude, Kokoreff Michel, « Il n'y a pas de société sans drogues » : Un processus de normalisation ?, in Faugeron C., Kokoreff M., Société avec drogues. Enj

* eux et limites, op.cit, p.29.

1099 On peut par exemple citer la naissance du collectif « Limiter la casse » en 1993, réuni autour d'acteurs issus de la lutte contre le sida, de médecins généralistes, quelques patriciens hospitaliers et des professionnels de terrain, et enfin des usagers de drogue et leurs proches. A. Coppel, E. Lamen, « Naissance d'un collectif d'association, Limiter la casse »,

* Agora, n°27-28, automne 1993.

* 1100 On peut citer par exemple la reconnaissance du rôle des groupes d'auto-support par le Conseil national du sida dans son rapport au législateur publié en juin 2001 : « Propices à garantir ces évolutions, les « groupes d'auto-support » doivent être considérés comme des structures indispensables à la diffusion des messages de réduction des risques ». Conseil national du sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique. Propositions pour une reformulation du ca

* dre législatif, op.cit.,p.22.

1101 Gatti R.C., Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servizio pubblico

* , op.cit., p.175

1102 Jauffret-Routside Marie, « Les groupes d'autosupport d'usagers de drogue. Mise en oeuvre de nouvelles formes d'expertise », in Faugeron C., Kokoreff M., Société avec drogues. Enjeux et

* limites, op.cit, pp.165-181.

1103 Marco Orsenigo, Tra clinica e controllo sociale. Il lavoro psicologico nei servizi per toss

* icodipendenti, op.cit., p.20.

1104 Gatti R.C., Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servizio pubblico

* , op.cit., p.108.

1105 Farges F., Patel.,

* Les communautés thérapeutiques pour toxicomanes, op.cit., 22p.

1106 Farges F., Pat

* el., op.cit., 22p.

* 1107 Farges F., Patel., op.cit.,

* t 22p.

1108 Simon Théo, Drogues. Contre la criminalisation de l'usage ?,

* op.cit.

* 1109 Narcotiques Anonymes, Van Nuys

* , World Service Office, 1989.

1110 Jauffret-Routside Marie, « Les groupes d'autosupport d'usagers de drogue. Mis en oeuvre de nouvelles formes d'expertise », in Faugeron C., Kokoreff M., Société avec drogues. Enj

* eux et limites, op.cit, p.

* 177

1111 Jauffret-Routside Marie, ibid., p.166

1112 M. Bardoulat, « Les usagers de drogues font de la prévention », Interdépendances, n°23, 1996, pp.23-33, cité in Farges Florent, « Approche communautaire des

* toxicomanes », op.cit, p.69.

1113 Simon Théo, Drogues. Contre la criminalisation de l'usage ?, op.cit., p.117

*

* 1114 Anne Coppel, « Stratégies collectives et prévention de l'infection par le VIH chez les toxicomanes », in Sida, toxicomanie : une lecture documentaire, CRIP

* S, Toxibase, 1993, pp.95-105.

1115 Defert D., « Le malade réformateur », SIDA 89, Spécial Montréal, juin, supplément au n°5, 1989, pp.14-17. Cité dans Jauffret-Routside Marie, « Les groupes d'autosupport d'usagers de drogue. Mis en oeuvre de nouvelles formes d'expertise », in Faugeron C., Kokoreff M., Société avec drogues. Enj

* eux et limites, op.cit, p.173

1116 On peut noter les limites apportées par le Conseil national du sida au rôle de prévention joué par les groupes d'auto-support : « Le Conseil national du sida considère à ce propos que la participation d'usagers et ex-usagers de drogues aux actions de prévention en direction d'un jeune public doit être envisagée avec une extrême prudence : leur statut au sein des équipes d'intervenants et la référence à leurs parcours personnels posent de nombreuses questions d'ordre éthique. En outre, l'impact de leur présence sur les représentations des jeunes est excessivement difficile à évaluer. En revanche, leur expérience peut s'avérer utile à la définition du contenu des outils de prévention (en particulier pour ce qui regarde la prévention secondaire), au suivi et à l'évaluation des programmes dans un cadre plus large ». Conseil national du sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique. Propositions pour une reformulation du c

* adre législatif, op.cit., p.90.

1117 Jauffret-Routside Marie, « Les groupes d'autosupport d'usagers de drogue. Mis en oeuvre de nouvelles formes d'expertise », in Faugeron C., Kokoreff M., op.cit.

* e

1118 Bovens M., `T Hart P., Peters G., (dir.), Success and Failure in Public Governance: A comparative analysis, London, Edward Elgar, 2001. Cité dans Steffen M., Les Etats face au Sida, op.cit., p.206.

* 1119 Ibid.,p.206.

* 1120 Dussausaye Eve, Politiques publiques de soins en matière de toxicomanie. Une spécificité française, op.cit., p.119.

* 1121 Dente Bruno, « Le politiche pubbliche in Italia. Introduzione », in Dente Bruno, Le politiche pubbliche in Italia, Bologna, op.cit., p.5.

* 1122 Source: EODT, cité dans Montanari L.,  «Valutazione e prevenzione dell'Aids in Europa: alcune piste di riflessione», art.cit., p.111.

* 1123 Piccone Stella, Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p.75.

* 1124 Zuffa G., I drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, op.cit., p.133.

* 1125 « Il est nécessaire de mettre en place un système d'intervention qui dépasse l'optique de la spécialisation. Il s'agit ainsi de développer un système qui promeut non seulement l'intervention clinique mais surtout la prévention et qui soit en mesure de travailler en concomitance avec les familles, les associations, les mouvements de citoyenneté active, les groupements de volontaires. De plus, il est nécessaire d'élargir l`intervention à de nouveaux horizons en reliant l'intervention à d'autres champs d'action (politiques du travail, du territoire, sociales). Il ne s'agit pas de substituer aux réseaux de professionnels ceux de la société civile mais de valoriser les réseaux sociaux afin de protéger les individus. Subsidiarité et solidarité, mais aussi subsidiarité et prestations spécialisées sont, par conséquent, étroitement liées. Il s'agit donc de réécrire en profondeur la philosophie qui anime les politiques en matière de drogues qui doivent redevenir des politiques sociales au sens plein du terme en dépassant l'actuel configuration des politiques de contrôle des situations pathologiques ». Fazzi L., Scaglia A., «Introduzione», in Tossicodipendenze e politiche sociali in Italia, op.cit., p.31

* 1126 Steffen M., Les Etats face au Sida, op.cit.

* 1127 « Centrer les politiques d'intervention sur les seules toxicomanies pathologiques, signifie par conséquence privilégier une approche relative au problème et non pas proactive, parce qu'agir en réaction au malaise signifie décliner chaque responsabilité en raison d'une compréhension des causes et des dynamiques du phénomène, c'est à dire des facteurs et des processus qui expliquent les raisons de la consommation, qui sont beaucoup plus complexes et hétérogènes qu'une approche qui permet de mettre en évidence les cas précis ». Fazzi L., Scaglia A., «Introduzione», in Tossicodipendenze e politiche sociali in Italia, op.cit., p11.

* 1128 Faugeron Claude, Kokoreff Michel, « Il n'y a pas de société sans drogues » : Un processus de normalisation ?, in Faugeron C., Kokoreff M., Société avec drogues. Enjeux et limites, op.cit., p.7.

* 1129 « C'est précisément dans l'observation fine des scènes locales que l'on peut constater combien l'action de certains professionnels, de certaines associations, de certains élus représente un véritable travail d'invention de la santé publique ». Fassin D., (dir.), Les figures urbaines de la santé publique. Enquête sur les expériences locales, Paris, La découverte, 1998, p.16.

* 1130 Ibid., p.38.

* 1131 Monika Steffen conclue dans son ouvrage à l'élaboration d'une politique européenne de santé publqiue. Elle écrit par ailleurs : « Les stratégies de réduction des risques dans le domaine de la toxicomanie constituent une autre illustration du caractère désormais prioritaire conféré aux préoccupations de santé publique ». Steffen M., Les Etats face au Sida, op.cit.,p.236.

* 1132 Steffen M., Les Etats face au Sida, op.cit., p.215.

* 1133 Morel A., Prévenir les toxicomanies, op.cit., p.234 et suiv.

* 1134 Nizzoli Umberto, «Assistere persone con Aids, tossicodipendenti e no», La cura delle persone con Aids. Interventi e contesti culturali , op.cit., p.41.

* 1135 Augé-Caumon M-J., Bloch-Lainé J-F., Lowenstein W., Morel A., L'accès à la méthadone en France. Bilan et recommandations, Rapport réalisé à la demande de Bernard Kouchner Ministre Délégué à la Santé, 87p.

* 1136 Conseil national du Sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre législatif, Rapport, avis et recommandations du Conseil national du Sida, adoptés lors de la séance plénière du 21 juin 2001, responsable de la commission :Alain Molla, 163p.

* 1137 Zuffa G., I drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, op.cit.,p.133.

* 1138 Miriam Mafai «Onu, vertice sulla droga si chiude tra le polemiche «, La Repubblica, 11juin 1998.

* 1139 « Le déplacement sémantique du terme de sécurité de l'environnement social à celui de l'ordre public interroge directement la réduction des risques. Come l'on a vu, les risques à limiter sont ceux qui regardent chaque citoyen et pas uniquement les consommateurs. Mais la sécurité collective est consentie à travers l'inclusion des consommateurs : il s'agit en cela d'une politique sécuritaire qui repose sur un contôle social en faveur de la communauté collective [...] Dans ce cadre, le risque que la réduction des risques soit « pliée » et limitée par le paradigme traditionnel du prohibitionnisme est grand, contribuant ainsi à en limiter la portée sociale ». Ibid., p.135.

* 1140 C'est la question posée par les auteurs. Faugeron Claude, Kokoreff Michel, « Il n'y a pas de société sans drogues » : Un processus de normalisation ?, in Faugeron C., Kokoreff M., Société avec drogues. Enjeux et limites, op.cit., p.31.

* 1141 Fassin, D., « Politique des corps et gouvernement des villes », in Fassin D (dir.), Les figures urbaines de la santé publique. Enquête sur les expériences locales, op.cit., p.38.

* 1142 Bachmann C., Coppel A., La drogue dans le monde, hier et aujourd'hui, op.cit., p.608.






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