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Les Etats face aux Drogues


par Eric Farges
Université Pierre Mendès France - IEP Grenoble 2002
  

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1.3.2 L'approche comportementaliste ou la prépondérance de l'usage

1.3.2.1 Usage récréatif et usage nocif

En matière de consommation de drogues illicites, il n'existait naguère que l'abstinence et la toxicomanie170(*). La mise en évidence d'une pluralité de pratiques de consommation a ébranlé cette catégorie binaire. L'approche comportementaliste effectue une nouvelle translation de la substance vers l'usager en considérant non plus la seule nocivité pharmacologique de la drogue mais l'usage qui en est fait et le rapport que le consommateur entretient avec elle. A coté de la toxicomanie a été créé un concept intermédiaire permettant de traduire les problèmes somatiques/sociaux occasionnés par des usages trop forts (sans qu'il y ait dépendance). Il s'agit de l'idée « d'abus » pour le DSM et « d'utilisation nocive pour la santé » pour le CIM171(*). Cette catégorie n'inclut pas la tolérance, le sevrage ou le mode compulsif d'utilisation, mais seulement les conséquences néfastes de consommations répétées. Cet état caractérise particulièrement les consommateurs récents mais il existe un continuum de l'abus à la dépendance, notamment pour l'héroïne.

La catégorie de l'usage, qualifié le plus souvent d'occasionnel, récréatif ou simple, est progressivement apparue, bien qu'elle ne soit pas reconnue par les classifications internationales172(*). L'usage regroupe les formes de consommation qui n'entraînent pas de complications somatiques ou psychiques et qui ne relèvent pas d'une problématique psychologique. Il s'agit de consommations considérées comme contrôlées, et qui sont le plus souvent socialement régulées173(*). On considère qu'il correspond à chaque substance (licite ou illicite) des usages toxicomaniaques et d'autres non toxicomaniaques. Simone Piccone Stella retrace le raisonnement effectué permettant d'arriver à cette affirmation : les substances légales sont le plus souvent très bien acceptées pat les populations des pays occidentaux, en revanche on en réprime l'abus qui signifie bien souvent des dégâts à la santé ou encore une perte de crédibilité sociale de la personne. C'est ainsi que l'alcoolémie est perçue comme un fléau social demandant une réponse sanitaire adéquate. Piccone Stella effectue un raisonnement analogue pour les substances illégales en supposant qu'il existe un mode de consommer du cannabis ou de l'héroïne de façon non toxicomaniaque.

Les substances psychoactives sont porteuses d'une dangerosité intrinsèque. Toutefois, les risques d'une consommation de substance ne peuvent être analysés que dans les circonstances dans lesquelles a lieu cette consommation. C'est avant tout l'usage, ou plutôt le mésusage, qui constitue le principal facteur de risque174(*). Il est important d'introduire la notion de conduites, de pratiques ou encore d'usages à risques. Cette idée implique que des produits de consommation courante puissent présenter des risques, s'ils sont utilisés en dehors de certaines règles. C'est par exemple le cas des tranquillisants ou encore des solvants. Ce second exemple est encore plus significatif du mésusage d'une substance. Il indique que « le potentiel de dangerosité d'une substance psychoactive se révèle lorsque la pratique de sa consommation sort des systèmes de régulation qui en limitent une grande part des risques »175(*)176(*). Il existe par conséquent des systèmes de régulation des conduites de consommation qui prennent le plus souvent la forme d'un contrôle social informel. Les modes de consommations renvoient avant tout à des représentations culturelles qui ne sont pas immuables.

Les risques encourus dépendent de la relation qu'entretient l'usager avec la substance. On ne peut pas en déduire pour autant qu'il est urgent de légaliser une substance comme l'héroïne qui reste très dangereuse. On ne peut pas non plus souhaiter que l'alcool et/ou le tabac soient relégué dans les substances illicites. Mais il est important de réaliser que tandis qu'on distingue un buveur ou un fumeur modéré d'un buveur/fumeur excessif, aucunes modalités et styles de consommation ne sont distingués pour les substances illégales qui se retrouvent toutes confondues dans une seule et unique partie. Il est certain que les préjugés et les façons de pensé sont autant de limites au fait d'établir une comparaison entre drogues licites et illicites ou comme le résume Piccone Stella « nous refusons de croire que la substance alcool et la substance héroïne ont quelque chose en commun, une parenté, une affinité, étant, par exemple, également nocives, tant nous sommes habitués à penser que la première peut être usée avec modération ».

« Le point fondamental est qu'il n'existe pas de barrière entre les consommateurs de tabac, bière et alcools forts d'une part et les consommateurs de haschich ou d'héroïne, d'autre part. Il y a bien au contraire un continuum, une très longue et inégale ligne de goûts et d'habitudes, de peurs et de plaisirs, d'auto-contrôle et de consommation effrénée, de risques plus ou moins responsables, le long de laquelle les ressemblances et les différences sont examinées sans que aucun de nous soit extérieur au problème »177(*)

Il est possible dès lors de distinguer, comme le fait Pascal Courty, trois façons de se rapporter aux substances : l'absence d'usage, l'usage récréatif et occasionnel exposant au risque judiciaire et l'usage nocif correspondant à un abus de drogues178(*). L'idée d'un usage récréatif implique le fait que la consommation de drogues puisse résulter d'un acte libre et volontaire provenant d'un individu qui puisse concilier l'usage de substances avec un mode de vie normal. L'approche comportementaliste aboutit à l'idée d'un consommateur non marginalisé mais qui reste un sujet autonome.

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170 Morel A.(dir.), Prévenir les toxicomanies, op.cit., p.135.

* 171 Le DSM IV définit l'abus comme le « mode d'utilisation inadéquat d'une substance conduisant à une altération du fonctionnement ou à une souffrance cliniquement significative ». Le CIM 10 définit l'utilisation nocive pour la santé comme « le mode de consommation d'une substance psychoactive qui est préjudiciable à la santé. Les complications peuvent être physiques (par exemple hépatite consécutive à des injections) ou psychiques (par exemple épisodes dépressifs secondaires à une forte consommation d'alcool) ». Farges F., « Dépendance, abus, usage »in Angel P., Richard D., Valleur., Toxicomanies, op.cit, p.21.

* 172 Morel A.(dir.), Prévenir les toxicomanies, op.cit., pp.136-137

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173 L'usage simple, il est important de le noter, n'est cependant pas dénué de risques. Certaines circonstances de consommation peuvent entraîner des conséquences dramatiques. C'est le cas par exemple d'une prise d'ecstasy qui peut, dans un milieu confiné et en l'absence d'hydratation, favoriser des accidents hyperthermiques.

* 174 Morel A.(dir.), Prévenir les toxicomanies, op.cit., p.130

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175

* 176 Ibid., p.131

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177 Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit.

* 178 Courty P., Le travail avec les usagers des drogues, op.cit, p.10

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