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UN RENOUVEAU DE LA PARTICIPATION ASSOCIATIVE ? L'engagement et le militantisme au sein du comité Attac Isère


par Eric Farges
Université Pierre Mendès France - IEP Grenoble -   2002
  

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1.3.1.2 Le refus d'une personnalisation du pouvoir

La notion de démocratie et la préférence pour un mode de fonctionnement collectif s'accompagnent également, pour les militants isérois, du refus d'une concentration et d'une personnalisation trop forte du pouvoir. Il s'agit là d'une représentation qui est commune à l'ensemble des enquêtés. Luc explique qu'en tant que président, il ne souhaite pas prendre de décisions à titre personnel. La fonction de président est, selon lui, « une façon de trop individualiser quelqu'un ». Il avait d'ailleurs accepté le poste vacant avec quelques réticences, « parce qu'il en fallait bien un, et que personne ne voulait ». Thomas avait choisi de ne pas se représenter car il préférait ne pas dépasser deux mandats. Cette idée est également présente dans le discours d'adhérents qui ne sont pas militants, tel Fabien par exemple. Sa principale crainte est que l'association soit le moyen pour certains « de se faire mousser ».

Luc : Je suis peut-être un peu utopiste mais ça se passe relativement bien et les décisions sont toujours prises collectivement, mais je n'ai pas envie que moi, en tant que Luc, de prendre des décisions. Je n'ai jamais pris de décisions très fondamentales à titre personnel. Je préfère engager le maximum de gens dans tout [...] Je n'ai jamais pris de décisions très fondamentales à titre personnel. Je préfère engager le maximum de gens dans tout. Le président je perçois pas ça comme quelque chose de très important, c'est une façon de trop individualiser quelqu'un.

Fabien : Ce qui m'agace souvent dans les mouvements associatifs, c'est lorsque ça devient un peu des affaires personnelles, lorsque ça devient le fonds de commerce de quelques personnes qui trouvent là un moyen de se faire mousser. Ca m'agace peu.

Les militants sont très critiques sur la façon dont les dirigeants contrôlent l'association. Ils considèrent que la gestion du pouvoir au sein de la direction nationale est trop exclusive. Julie considère que les dirigeants ont du mal à « conserver la tête froide » et elle les suspecte de vouloir « garder le pouvoir ». De plus, ils craignent que le « bagout » de Cassen ne permette de « manipuler l'Assemblée ». Luc explique que les adhérents qui étaient présents à la CNCL n'ont pas osé intervenir auprès de la direction. Les militants du comité isérois furent d'autant plus renforcés dans leur convictions, en apprenant qu'au niveau national certains remettaient en cause l' « autoritarisme » de Bernard Cassen157(*). Luc et Thomas évoquent même le fait que Cassen exercerait seul le pouvoir au sein du C.A. Thomas parle de « directoire national ».

Les militants isérois semblent très attachés aux problèmes de « démocratie interne ». Jacques Ion observe que ce souci peut être généralisé à l'ensemble des groupements contemporains. La remise en cause de la parole des dirigeants, la « langue de bois », participe de cette évolution. Désormais, la parole d'organisation est perçue comme étant un frein à la participation et à l'expression des adhérents. Ses qualités sont devenues ses défauts158(*). Toutefois, comme le note Jacques Ion, « ce qui est mis en cause c'est moins la parole d'un collectif d'adhérents que celle précisément d'un « appareil » qui confisquerait l'expression de l'ensemble des sociétaires »159(*). D'ailleurs, on a pu noter que les militants isérois étaient pareillement attachés à la remise en cause de la parole nationale qu'à l'expression collective des adhérents. La légitimité des représentants, l'élaboration commune des décisions semblent être les priorités du comité. Toutefois qu'en est-il véritablement au sein du comité ? Qu'elle place les militants accordent-ils à la « démocratie interne » dans leurs pratiques ?

Julie : Au niveau d'Attac, il y a déjà des phénomènes de pouvoir, de garder le pouvoir. On peut leur donner le droit de parole mais c'est difficile au niveau d'Attac de jouer son rôle de citoyen parce que je crois que c'est toujours difficile pour des gens qui sont à la tête de quelque chose de conserver la tête froide et de donner la place à chacun, c'est-à-dire que c'est difficile d'obtenir du national un certain nombre de choses [...] Je pense que c'est des gens qui ont des efforts à faire pour mettre en actes les belles idées de démocratie participative et donner aux citoyens la possibilité d'avoir du poids.

F.E : Et dans ces réunions [les CNCL] il s'y passe quoi ?

Thomas: Il n'y a pas grand-chose qui se passait. Parce que tout était ficelé et le bagout ou de M.Cassen et de Monsieur Tartakowski, même si je leur dois pas mal de respect parce que ce sont des gens compétents, mais là-dessus ils ont pêché.

Luc [il évoque le déroulement de la CNCL]: Et puis en plus [...] après il y a plein de gens qui sont venus me trouver et qui m'ont dit « On était d'accord avec toi » mais personne ne la dit ! Il y a un poids de la structure de tête sur les comités locaux qui fait que les gens n'osent pas. Et même des gens que j'estime. J'aurais pu intervenir en disant que c'était scandaleux mais je ne l'ai pas fait. Si on intervient dans un cadre très lourd, on finit par passer par des extrémistes qui veulent tout casser, c'est la réaction de pas mal de gens qui disent « on ne veut pas intervenir parce qu'il y a un poids de l'Assemblée qui fait qu'on ose pas ». Le soir précédent, on avait eu une réunion mais nous n'étions pas assez nombreux, on était pas assez organisé pour arriver à résister à cette espèce d'inertie collective. Une inertie collective qui est quand même bien entretenue par l'équipe dirigeante. Ils savent manipuler l'Assemblée. Parce que les gens n'osent pas intervenir, parce qu'ils ont peur de se faire rentrer dedans par François Cassen. C'est surtout Tartakoswki. Et c'est toujours très bien fait

Thomas : Les douze membres fondateurs ne viendront jamais aux réunions, parce que les membres fondateurs ne viennent presque jamais aux réunions et c'est Cassen tout seul, et Tartakowsky tout seul à Paris...

Lionel : La veille [de l'AG de Saint-Brieuc] 4 ou 5 comités dont l'Isère s'étaient réunis et un membre du bureau est venu voir pour se mettre d'accord. D'ailleurs ce même membre du bureau était venu pour L'Heure Bleue et avait dit en discutant que l'autoritarisme de François Cassen avait été remis en cause par certains dans l'association. J'étais très surpris de voir que les questions qui se posaient dans Attac Isère avaient un répondant équivalent à Paris.

* 157 Un débat a eu lieu lors du C.A du 18/03/2000, au cours duquel un membre actif a mis à l'ordre du jour les problèmes de « démocratie interne » au sein d'Attac. Le compte rendu du C.A note : « Elle [le membre actif] constate le sentiment qu'elle investit son temps à perte dans sa participation au C.A. Elle fonde ce sentiment sur son étonnement renouvelé de ne pas être mieux associée aux dernières actions (réunion des comités européens, celle des acteurs culturels, participation au congrès des partis politiques et espère - habitant le Vaucluse - être au moins sollicitée pour la préparation de l'action au Festival d'Avignon...). Elle pose la question du rôle des nouveaux élus au C.A avec le but d'optimiser l'organisation pour une mise en commun des idées et des savoir-faire et éviter qu'un petit nombre s'arroge du pouvoir ». Cf., Attac France, « Compte rendu du C.A du 18/03/2000 ».

* 158 Jacques Ion énumère les trois qualités qui étaient précédemment attribuées à la langue de bois : « D'abord, l'unicité : la langue de bois est une, et ne tolère aucun discours divergent; elle suppose un corps uni, dans une logique de combat où la moindre discordance pourrait donner prise à l'adversaire. Ensuite, l'opacité : ce qui est exprimé au collectif peut être le produit de discussions internes, mais rien de cette élaboration ne doit transparaître; en quelque sorte, la décision échappe à ces énonciateur individuels pour acquérir, à l'image de la loi, un statut quasi-intemporel [...] D'où sa troisième qualité : sinon la fixité, du moins la permanence relative. Autant de caractéristiques aujourd'hui décriées : déni des expressions individuelles, non-transparence, inadéquation avec le réel, tels sont les reproches les plus couramment formulés ». Ion (Jacques), La fin des militants, op.cit, p. 70.

* 159 Ibid., p. 70.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault