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UN RENOUVEAU DE LA PARTICIPATION ASSOCIATIVE ? L'engagement et le militantisme au sein du comité Attac Isère


par Eric Farges
Université Pierre Mendès France - IEP Grenoble -   2002
  

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1 Les nouveaux conflits sociaux

Les conflits sociaux, qu'ils soient perçus comme le signe d'une crise de l'intégration sociale ou comme le vecteur du changement, désignent une réalité centrale de nos sociétés243(*). Ils représentent, avant tout, l'incapacité des mécanismes institutionnels à gérer les demandes, sociales, politiques ou culturelles exprimées par la société civile : il y a conflit quand une décision ne peut être prise selon les décisions traditionnelles.

Attac en tant que groupement de « citoyens » qui affirment « faire de la politique autrement » participent de façon directe à l'élaboration du conflit social. Ils témoignent d'un échec des mécanismes institutionnels à prendre en compte les attentes de la société civile. C'est pourquoi, il apparaît nécessaire d'envisager la participation à d'Attac en rapport avec la problématique des conflits sociaux. Cela permettra d'intégrer ce militantisme au sein d'ensembles plus larges (groupes anti-mondialistes) et en rendra la compréhension plus aisée.

La participation des Attacants aux conflits sociaux doit être analysée sous deux angles distincts. Tout d'abord, il apparaît nécessaire de mettre en relation le développement de l'association avec les nouvelles dynamiques protestataires qui sont apparues depuis le début des années quatre-vingt-dix; après quoi il sera possible de considérer les formes de mobilisations émergentes et auxquelles participe Attac.

1.1 Le réveil de la protestation collective

Le militantisme des Attacants participerait à un mouvement de contestation plus ample que certains assimilent à un « réveil de la protestation collective ». Celui-ci succéderait à une longue phase d'apathie politique et sociale qui aurait pris fin lors des conflits de décembre 1995. Mais quand est il réellement ? Quel rapport est il possible d'identifier entre la militance des Attacants et les « nouveaux conflits sociaux » ? Quelle fut la participation effective des militants à ces évènements ?

1.1.1 La nouvelle dynamique des mouvements sociaux

1.1.1.1 Déclin et renouveau des conflits sociaux

Depuis les années 1980, les conflits sociaux sont marqués par deux évolutions majeures244(*). Tout d'abord, on assiste à une régression des conflits sociaux. Cette baisse est visible notamment à partir de l'indicateur du nombre de jours de grèves « perdus »245(*). D'autre part, les conflits sociaux ont perdu leur forme de confrontation généralisée, qui se traduisaient par des actions nationales, et ils se sont recentrés au niveau local. Par exemple, les conflits du travail qui occupent une place centrale dans le conflit social246(*), se sont de plus en plus conduits et traités au niveau de l'entreprise depuis le début des années 1980.

Cette double évolution est liée, en partie, à la crise qui affecte le syndicalisme depuis 1986 notamment dans le secteur privé. Un des signes les plus visibles de cette crise est la chute du taux de syndicalisation à la fin des années 1980 : depuis 1988, moins de 10% des salariés sont syndiqués247(*). Une des explications souvent avancée considère cette évolution comme une remise en cause des formes du syndicalisme d'après guerre. Les syndicats avaient réussi sous la Ve République à s'imposer comme les partenaires de la croissance en facilitant un relatif partage des gains de productivité et l'acceptation d'un certain type de division technique du travail. Il s'agissait, selon Christophe Aguiton, d'un « syndicalisme d'entreprise, un syndicalisme intermédiaire quasi unique dans les grandes entreprises, entre salariés et patrons, un syndicalisme jouant un rôle important dans les mécanismes de régulation des sociétés du monde capitaliste développé après guerre »248(*). Ce système fut confronté, selon René Mouriaux, à la remise en cause du « compromis fordiste » suite aux modifications des conditions de production (internationalisation, mise en place de nouvelles technologies) et aux nouvelles relations au sein du marché du travail (retrait de l'Etat, rejet des ouvriers peu qualifiés).249(*) Cet affaiblissement est plus visible aux marges du syndicalisme puisqu'il s'agit de ceux qui se situent à la périphérie des bastions traditionnels : les petites entreprises, les immigrés, les jeunes, les femmes, les précaires et les chômeurs250(*). Un renouveau des formes du conflit d'entreprise a lieu à la fin des années 1980 en dehors des syndicats. Les coordinations par secteurs professionnels, où syndiqués et non syndiqués décident ensemble de mener des grèves, se multiplient251(*).

Alors que les syndicats étaient en crise et que les travailleurs étaient à la recherche de nouvelles formes de lutte, le renouveau des conflits sociaux a eu lieu par là où on ne l'attendait pas : le secteur associatif. Les associations qui avaient eu le vent en poupe durant les années 1980 comme par exemple SOS-Racisme ont connu une perte de vitesse et de nouveaux mouvements associatifs centrés sur la défense des « précaires » et des plus démunis ont émergé au début des années 1990252(*). Le DAL (Droit au Logement) inaugure ce renouveau associatif durant l'hiver 1994253(*). D'autres associations suivront telles que AC ! (Agir ensemble contre le chômage) fondée en octobre 1993 ou Droits Devant ! ! lancée en janvier 1995.

Le conflit social s'accentue en 1995 lors des mois de novembre et décembre durant lesquels une vague de grèves, essentiellement dans la fonction publique, touche la France. Ce mouvement de grèves qui est souvent présenté comme étant unifié regroupe plusieurs revendications distinctes qui se sont superposées. Il y a tout d'abord eu une grève des cheminots qui refusaient le contrat de plan Etat-SNCF prévu pour les cinq années à venir254(*). A cette revendication s'est grevé le refus du plan présenté par Alain Juppé, premier ministre à l'époque, qui proposer de restructurer les caisses de sécurité sociale. Il comportait deux volets : un premier qui prévoyait un allongement des retraites et un second qui visait à maîtriser les dépenses de santé255(*). De nouvelles revendications s'ajoutèrent durant les événements : les enseignants manifestèrent en demandant de nouveaux moyens à l'Education Nationale256(*), des actions eurent également lieu en faveur du droit des femmes257(*). Alors que le mouvement avait pour origine la fonction publique, il s'est progressivement élargi aux salariés du secteur privé, puis aux « exclus » comme les chômeurs ou les sans-papiers258(*). Des occupations d'usine et des manifestation nationales de grandes ampleur eurent lieu259(*). Le soutient de la population au mouvement de grève fut très important aussi bien dans le secteur privé que pour les « sans »260(*). Certains afin d'expliquer ce soutien aux manifestants parlèrent même à l'occasion de grève « par procuration ». Toutefois, beaucoup critiquèrent les grèves de 1995 en les accusant de défendre des intérêts catégoriels et de refléter un très fort corporatisme au sein du service public. D'ailleurs, l'essentiel des acquis de 1995 ont concerné le service public : le plan d'urgence et les Etats généraux de l'enseignement supérieur, le retrait des mesures sur les retraites des fonctionnaires. En revanche, l'essentiel du plan Juppé sur la réduction des dépenses de santé fut maintenu261(*).

Il semblerait que les événements de décembre 1995 aient enclenché une dynamique de la protestation sociale. En effet, suite à 1995, les conflits sociaux se multiplièrent. Ils ne concernèrent pas uniquement les conflits du travail mais aussi le droit des immigrés, des mal logés ou encore des chômeurs. Un mouvement des chômeurs et des travailleurs précaires de grande ampleur a eu lieu du 23 décembre 1997 au 7 mars 1998262(*). Les mouvements d'aide aux sans-papiers se mobilisèrent également suite à la loi Debré, du nom du ministre de l'intérieur, votée le 20 mars 1997. Pour alerter l'opinion un appel à la désobéissance civile a été lancé par un collectif de cinéastes le 12 février 1997 et une manifestation nationale a eu lieu le 22 févier 1997. On peut également à travers ces événements distinguer l'émergence d'une nouvelle « territorialisation » des conflits sociaux puisqu'ils s'étendirent à l'échelle européenne. En effet, 1997 fut l'année des premières mobilisations sociales européennes. Ce fut tout d'abord l'annonce par Renault de la fermeture de son usine de Villevorde, le 27 février 1997, qui provoqua une « eurogrève » le 7 mars. Il y eu une manifestation le 28 mai à l'appel de la Confédération européenne des syndicats. Ce fut également la marche européenne contre le chômage et la précarité qui s'acheva à Amsterdam, le 14 juin 1997, à l'occasion de la Conférence intergouvernementale pour la révision du traité de Maastricht.

* 243 Julien Freund définit le conflit comme « la mise en cause d'un rapport de forces ou d'une relation inégalitaire entre les acteurs sociaux, ou encore comme l'affrontement entre deux êtres ou groupes qui manifestent une intention hostile à propos d'un droit ». Freund (Julien), Sociologie du conflit, Paris, PUF, 1983, p. 240.

* 244 Cf. Didier Lapeyronnie, « Le renouveau des conflits sociaux », Sciences Humaines, Hors-série n°26, 09/10/1999, pp. 50-54.

* 245 Ibid, p. 52.

* 246 Ibid., p. 51.

* 247 Le taux de syndicalisation était en 1968 de 16%, en 1978 de 17,6% et en 1988 de 9,6%. Cf. Mouriaux (René) « Les syndicats sous la Ve République » in Chagnollaud (Dominique) dirigé par, La vie politique en France. Paris, Ed du Seuil, 1993, pp. 344-364.

* 248 Cf., Aguiton (Christophe), « Pistes pour un renouveau syndical des mouvements sociaux », 01/1997. In Aguiton (Christophe), Bensaïd (Daniel), Le retour de la question sociale, Ed Page Deux, Lausanne, 1997, p. 215.

* 249 René Mouriaux, op.cit., p. 357.

* 250 On peut noter que ce sont ces mêmes catégories de population qui vont constituer les principaux acteurs des conflits sociaux des années 1990.

* 251 On peut citer comme exemple de ce type de conflit, la coordination des infirmières qui eu lieue en 1998. Cf. Lapeyronnie (Didier), art.cit, p. 51.

* 252 Cf. Lopez (Veronique), « Les nouveaux contre-pouvoirs », in Politis, 9/11/2000, pp. 26-31.

* 253 Pour une présentation des associations qui sont membres fondateurs d'Attac, cf., «Les réseaux d'Attacants», annexe n°6, p. 14.

* 254 La grève des cheminots commença le 17 novembre et pris fin le 9 janvier. Cf. Béroud (Sophie), Mouriaux (René), Vakaloulis (Michel), Le mouvement social en France. Essai de sociologie politique, Ed La dispute, Paris, 1998, Chronologie, p. 207.

* 255 Cf., Wievorka (Michel), « Un nécessaire aggiornamento », in Nouveaux regards, n°12, Hiver 2000.

* 256 Le 7 décembre les syndicats participèrent à une journée d'action nationale et interprofessionnelle.

* 257 Des manifestations eurent lieu le 25 novembre à Paris, Bordeaux, Marseille et Toulon..

* 258 En décembre 1995, l'association Droits Devant ! ! lança l' « appel des sans » lors de l'occupation du centre Beaubourg à Paris.

* 259 La journée nationale d'action du 12 décembre réunît 985 000 personnes selon le ministère de l'intérieur et 2, 2 millions selon les syndicats et celle du 16 décembre rassembla entre 585 000 personnes selon le ministère de l'intérieur et deux millions selon les syndicats.

* 260 D'après un sondage, 57% des salariés du secteur public, 53% des salariés du secteur privé et 58% des chômeurs approuvaient les grèves de décembre 1995.

* 261 Cf., Duhancourt (Pierre), « Travaux pratiques », in Nouveaux regards, n°12, Hiver 2000, p. 7.

* 262 Ce mouvement s'est déroulé en trois étapes. Tout d'abord, la réclamation pat les chômeurs d'une prime de Noël, puis l'occupation des Assedic au sujet du montant de l'allocation chômage, et enfin une revendication au plein emploi adressée vers le patronat.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway