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UN RENOUVEAU DE LA PARTICIPATION ASSOCIATIVE ? L'engagement et le militantisme au sein du comité Attac Isère


par Eric Farges
Université Pierre Mendès France - IEP Grenoble -   2002
  

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Un nouvel âge de la participation associative ?

L'attribut qui qualifierait le plus adéquatement Attac serait celui de la nouveauté. Il rendrait compte aussi bien de l'originalité de la forme associative du mouvement que de la singularité de l'engagement des militants. Cet engagement semble d'ailleurs se situer à contre courant des modes de participation traditionnels et contemporains.

Dans quelle mesure peut-on parler d'un nouvel âge de la participation associative21(*)? En quoi ce renouveau est-il manifeste au sein du comité isérois ?

S'interroger sur Attac revient donc à examiner la nouveauté qui lui est attribuée, afin d'en distinguer la part du neuf et de l'ancien. Pour cela, il est nécessaire d'adopter une double démarche comparative dans laquelle le comité isérois servira de référent. Nous effectuerons une première comparaison entre le discours tenu par l'association et son effectivité au niveau local. D'autre part, il apparaît primordiale de confronter les caractéristiques de l'organisation nationale au comité isérois.

Un renouvellement des approches de l'engagement et de la participation politique ?

Les fondateurs d'Attac insistent sur le choix de la forme associative qui est jugée plus souple que les modes d'organisation traditionnelles. Martine Barthélémy a observé que l'essor de la participation associative s'explique, en partie, par l'adéquation des valeurs véhiculées par la forme associative avec les attentes formulées par les individus. La généralisation du concept de « citoyenneté associative » rendrait compte de ce dynamisme22(*). Selon Jacques Ion, tandis que les organisations traditionnelles se fondaient sur l'anonymat de l'individu et lui ôtaient toute autonomie, l'individualité spécifique du militant serait désormais prise en compte23(*).

Attac est, selon nous, indissociable de la forme associative. Sa rapide progression s'expliquerait par une défection des structures partisanes et syndicales au cours des années 80 et 90 et par le rejet des pratiques d'appareil. Les militants attribueraient à l'organisation d'Attac un ensemble de vertus associatives telles que la liberté. L'engagement au sein d'Attac doit être entendu avant tout comme un engagement associatif.

D'autre part, il semblerait que les revendications soutenues par l'association soient dotées d'une dimension internationale (taxe Tobin, annulation de la dette, etc.). Ces thèmes répondraient selon Bernard Cassen à une attente de la « société civile »24(*). Mais Attac représenterait également un renouveau de l' « utopie » dont témoignent certains slogans (« un autre monde est possible », « il s'agit de se réapproprier l'avenir de notre monde »). Attac constituerait par conséquent un renouveau de l'engagement en faveur des grandes causes.

À l'inverse de ce type d'engagement, Nonna Mayer évoque l'essor d'un militantisme du quotidien dans lequel les militants « attendent de leur engagement une approche concrète des problèmes, proche des réalités et des préoccupations quotidiennes »25(*). Selon elle, l'engagement relèverait de la proximité que les gens ont avec la « cause » et les revendications pour lesquelles ils militent. Cette observation ne semble à priori pas s'appliquer à Attac. Doit-on pour autant en conclure qu'Attac témoignerait d'un engagement à contre courant ? Ce constat amène à poser la question des ressorts de l'engagement, c'est-à-dire des motivations qui ont amené chacun des individus à adhérer voir à militer au sein du comité isérois. D'autre part, Daniel Gaxie considère que l'engagement des militants n'est pas intelligible à partir des seuls mobiles idéologiques auxquels ils se référent. Selon lui, les militants bénéficieraient de certaines rétributions matérielles ou symboliques susceptibles de rendre compte de leur participation. Comment rendre compte de l'engagement des militants au sein d'Attac ? Peut-on le rattacher uniquement à la promotion de certaines valeurs (solidarité, l'équité) ? L'engagement au sein d'Attac répond-il à d'autres préoccupations ?

La compréhension de l'engagement au sein d'Attac, nous en faisons l'hypothèse, ne peut-être rendue possible qu'en s'attachant à démontrer les intérêts défendus par les militants. Il s'agit de voir en quoi la participation des militants ne se limiterait pas à un engagement intellectuel mais s'inscrirait dans un conflit d'intérêts où les enjeux sont également matériels. Dès lors, la proximité à laquelle se réfère Nonna Mayer est peut-être l'un des facteurs de l'engagement des militants. Il apparaît également nécessaire d'établir les bénéfices et les gratifications (matérielles et symboliques) que les militants retirent de leur participation.

Enfin, la constitution du mouvement relèverait d'une spontanéité imprévisible. Toutefois, la sociologie de la mobilisation des ressources a remis en cause la naturalité de l'organisation des groupements sociaux26(*). Les groupes n'apparaissent jamais comme des objets trouvés mais ils sont avant tout des construits sociaux. Il est donc nécessaire d'interroger les modalités d'émergence de l'association. L'éditorial du Monde diplomatique, le rassemblement des membres fondateurs, la progression des adhésions répondent peut-être à certaines stratégies mises en oeuvre par les fondateurs de l'association. Il s'agit de voir en quelle mesure Attac correspond à une entreprise de mobilisation.

Ce dernier problème suppose d'analyser les conditions dans lesquelles a eu lieu l'engagement des militants. La prétention d'Attac de renouveler la participation associative doit être jugée à l'aune des conflits sociaux des années quatre-vingt-dix, que nous désignerons par le terme de « nouveaux conflits sociaux ». D'autre part, Attac s'inscrit dans un mouvement plus large de résistance à la « mondialisation »27(*). C'est à l'intersection de ces deux processus qu'un réseau d'acteur s'est mis en place28(*). Nous désignerons, par simplicité, ce réseau par le terme de mouvement « anti-mondialisation » bien qu'il soit dénié par les acteurs à qui nous l'attribuons29(*). Nous postulons un lien entre l'inscription des individus au sein de réseaux de militance et leur participation à Attac. Comme le rappelle Martine Bathélémy « les individus ne sont pas désincarnés, c'est dans la constitution de relations et par l'identification à des statuts sociaux qu'ils accèdent à la vie associative 30(*)». Cette remarque justifie d'autant plus, une analyse du militantisme au sein d'Attac qui soit centrée sur un terrain de recherche spécifique. La place du local semble donc devoir être privilégiée dans la compréhension de l'engagement des militants.

* 21 Martine Barthélémy attribue un sens large à la participation associative qu'elle définit comme étant « un processus volontaire de mobilisation des individus dans un groupe constitué plus ou moins durable et intervenant dans la sphère publique ». Barthélémy (Martine), Associations : un nouvel âge de la participation ?, Paris, Presse FNSP, 2000, p. 13.

* 22 Barthélémy (Martine), op.cit, p.120.

* 23 Ion (Jacques), p. 50.

* 24 Bernard Cassen déclare que «l'idée du combat contre l'ennemi financier est un thème très fédérateur », entretien avec Bernard Cassen, in La gauche de la gauche, op cit., p. 96.

* 25 Nonna Mayer, Les mutations du militantisme, p. 87.

* 26 Neveu (Erik), Sociologie des mouvements sociaux, Paris, Ed La découverte, 2000, pp. 52-65.

* 27 Nous donnons une définition subjective de la mondialisation mais qui est en mesure de rendre compte des critiques qui lui sont faites : « Le terme de mondialisation désigne le processus généralisé de dérégulation et de libéralisation de l'économie planétaire, dont l'ambition est de soumettre tous les secteurs d'activité humaine à la loi du libre-échange et du profit. Les principaux acteurs non-gouvernementaux de ce mouvement, dont les bénéficiaires sont en nombre restreints, sont les multinationales, les institutions internationales telles l'OCDE, la Banque mondiale, le FMI, l'OMC, les cercles de réflexion comme le forum de Davos, etc. Les problématiques liées à la mondialisation sont apparues dans les domaines agroalimentaires (semences et productions OGM, accidents agro-industriels- vache folle, poulets à la dioxine, Coca-Cola suspect...), financier (spéculation, privatisation...), sociale (dumping social, délocalisations, dégradation des services publics, absence de contrôle démocratique...), environnementale (pillage de ressources) ». Pirot (Patrick), « Qu'est-ce que la mondialisation ? », Politis, n°566, 16/09/1999.

* 28 « Les réseaux sont des structures d'acteurs sociaux qui, pour des fins de mis en commun dans l'environnement interne, propagent la transmission de ressources en des structures fortement connexes » Lemieux (Vincent), Les réseaux d'acteurs sociaux. Paris, Presses Universitaires de France, 1999, p.11.

* 29 Cf., George (Susan), « Violences à Gênes : L'ordre libéral à ses basses oeuvres », Le Monde diplomatique, 08/2001, p.1.

* 30 Bartélémy (Martine), Les associations : un nouvel âge de la participation, op.cit, p.75.

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