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UN RENOUVEAU DE LA PARTICIPATION ASSOCIATIVE ? L'engagement et le militantisme au sein du comité Attac Isère


par Eric Farges
Université Pierre Mendès France - IEP Grenoble -   2002
  

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1.3.1.2 Le rôle des intellectuels dans les conflits sociaux

Attac est né de la coopération de plusieurs mensuels et hebdomadaires d'actualité et de réflexion324(*). Cela n'a donc rien d'étonnant que les cercles d'intellectuels occupent une place importante dans l'association. L'association dispose ainsi de ses « savants », sur lesquels elle s'appuie pour mener des « contre-expertises ». Le comité Attac Isère s'est fondé également sur l'initiative du président du comité isérois de Raison d'Agir.

Le Conseil scientifique d'Attac est né de ces différents rassemblements de savants325(*). Son fonctionnement s'effectue sur le mode d'un réseau : un « noyau dur » permanent, structuré autour des organisations fondatrices, se réunit au moins une fois par mois, tandis qu'un ensemble de groupes se réunissent ponctuellement326(*). La participation au Conseil s'effectue sur trois modes distincts : certains membres ont une participation directe par le biais par d'un groupe de réflexion (« Contrôle des flux financiers et institutions financières internationales », « Retraites, épargne salariale et fonds de pensions », « L'environnement et le développement durable », « Les firmes transnationales », etc.), d'autres sont présents en tant que représentants d'une organisation avec laquelle une position commune est adoptée et défendue (c'est le cas, par exemple, des positions définies en coopération avec la CCC-OMC ou avec la Confédération paysanne), d'autres, enfin, sont chargés par un organisme autonome de préparer un document, pour le compte d'Attac, qui est soumis au Conseil scientifique et qui peut être repris ensemble, ou par un seul des organismes (par exemple, l'annulation de la dette des pays pauvres avec le C.ADTM) ».

En revanche, le comité isérois entretient peu de liens avec les groupes d'intellectuels qui font partie des membres fondateurs. Il n'existe, par exemple, à Grenoble aucun lien entre le groupe des Amis du Monde diplomatique et le comité Attac. Les responsables du groupe local de Raison d'Agir ont participé au lancement du comité, mais ils se sont progressivement retirés. Bernard Floris qui en est le représentant au C.A isérois est rarement présent aux réunions. De même, aucun enquêté n'a déjà adhéré à un cercle de réflexion. François explique qu'il souhaite, à travers son engagement, trouver un « cadre d'action » qui lui permette de se situer sur le « terrain de la lutte quotidienne ». Il considère que les cercles de réflexion s'apparentent à des « café[s] philosophique[s] » qui se situent, avant tout, sur le « terrain des idées ». C'est pourquoi, explique t-il, il a préféré militer à Attac plutôt que d'adhérer à Raison d'Agir ou encore à la fondation Copernic. François constate une coupure entre les intellectuels et les militants. Il considère, d'ailleurs, que la prise de position de Bourdieu va dans le bon sens mais, qu'en revanche, l'association qu'il a fondée (Raison d'Agir) ne poursuit pas la même démarche. Il regrette que ses membres « ne discutent pas avec le gréviste de la SNCF ou le salarié du plan de licenciement mais avec les cadres intellectuels des syndicats ou des associations ». Thomas, qui appartient à un milieu ouvrier, constate également cette coupure entre les intellectuels et les militants. Selon lui, les « trucs à la Bourdieu [...] sont bien mais [...] sont compréhensibles par 5 % des salariés ». Thomas considère que les intellectuels ont un rôle à jouer dans les mouvements sociaux. C'est pourquoi, il pensait, en participant à la création du comité Attac Isère, pouvoir faire le lien entre les deux.

François : C'est pas un engagement littéraire [...] Et donc quand je disais que c'était pas un engagement littéraire, je dis que s'il n'y avait pas eu matière derrière, des forces sociales derrière, des gens qui s'investissaient dans ce truc-là. Je n'y serais pas aller. Par exemple il existe une association des Amis du Monde diplomatique, je n'y vais pas. C'est un choix, un choix politique mais d'investissement [...] Ce que je cherche ce n'est pas un cadre de discussions simplement. C'est un cadre d'action. Voilà donc j'ai besoin de discussions pour agir et j'ai besoin d'action pour nourrir la discussion. Je ne me situe pas... Je comprends qu'il y ait des gens qui font ça. Je cherche pas un café philosophique ou un café politique. Ce n'est pas mon option [...] Oui et puis ils essaient de faire des liens avec le monde syndical, bien sûr. Mais c'est pas là. où on va agir. On va faire des rencontres. Mais sur le terrain de l'action sociale et politique c'est notre fonction. Ça n'est pas Attac. Oui ça n'est pas Attac. C'était une association « sur le terrain », sur le terrain de la lutte...quotidienne. C'est plus sur le terrain des idées. Il y a pleins de choses, comme le réseau de Bourdieu avec Raison d'Agir. C'est bien. Mais ça travaille un autre champ. Oui sociologiquement ça travaille un autre champ... C'est clair. Mais c'est utile [...] Il y a une fondation qui s'appelle fondation Copernic, je ne sais pas si tu connais. Ils sortent des publications... Je n'irai pas militer là dedans. J'ai des copains qui sont là-dedans, des gens de la Ligue qui militent [...] Je pense que ça [la coupure entre militants et intellectuels] va se résorber dans la pratique mais cette coupure est forte. C'est ce qu'a essayé de faire Bourdieu en 1995 en essayant de discuter à la gare de Lyon avec les grévistes de la SNCF et leur dire ce qu'il pensait du plan Juppé. C'est une démarche qui consiste à aller dans la rue et essayer d'établir un rapport avec les gens. C'est dommage que ce soit resté là. Avec Raison d'Agir, ce n'est plus le même lien, ils ne discutent pas avec le gréviste de la SNCF ou le salarié du plan de licenciement mais avec les cadres intellectuels des syndicats ou des associations. Je pense qu'il faut arriver à décloisonner. Pour décloisonner, il ne suffit pas d'être membre d'une association, il faut aussi comprendre qu'il y a des formes différentes. La production intellectuelle c'est un travail différent et ça se complètent.

Thomas : J'ai toujours en tête l'idée qu'il y a aujourd'hui des intellectuels qui sont engagés et qui ont leur mot à dire et qui ont une capacité à synthétiser, à fait ressortir l'essentiel de l'analyse économique et politique et qui peuvent transmettre de manière simple à des gens. Raison d'agir, je voyais que c'était un groupe d'intellectuels et je me disais, nous travailleurs et salariés, on va pas les laisser gamberger tous seuls et aboutir à des trucs à la Bourdieu qui sont bien mais qui sont compréhensibles par 5 % des salariés. J'ai lu des passages comme Souffrances en France. Et je me disais que ça serait bien que nous on apporte notre témoignage avec nos mots, pour que les intellos puissent nous exposer leurs concepts avec nos mots à nous, parce que s'ils continuent et ils ne seront pas compris. Moi j'ai contacté Raison d'Agir et je leur ai dit comment moi technicien dans une entreprise grenobloise, comment je perçois le monde qui nous entoure et comment je peux faire le relais par rapport aux gens qui sont autour de moi [...] Je pensais pouvoir servir de lien.

* 324 On peu noter que parmi les membres du C.A figurent Jean-Pierre Beauvais au titre de la revue Politis et Bernard Ginisty au titre de la revue Témoignage chrétien.

* 325 René Passet, le président du Conseil scientifique précise qu'il s'agit d'un regroupement « de personnes venues d'horizons divers. Certains sont keynésiens, d'autres marxistes, et d'autres encore nous on rejoint par le biais de l'économie du développement ou des problèmes mondiaux de l'environnement ». Faujas (Alain), « Les avatars de la taxe Tobin ou comment calmer la spéculation financière ? », Le Monde, Supplément Le Monde Economie, 1/09/1998, p. 6.

* 326 « Plus que d'un conseil - évoquant une structure fermée - c'est d'un réseau - structure ramifiée, ouverte, non hiérarchisée et susceptible de s'étendre en fonction des besoins - qu'il convient de parler. » Passet (Renet), « Un bilan à la fin 2000 »

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