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Langage & Politique en Catalogne : La définition d'une politique scolaire sur un marché linguistique compétitif


par Jean-Philippe SOL
Université Paris Dauphine - DEA 126 2001
  

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2 -Le poids de l'immigration dans la définition des enjeux linguistiques

a) L'immigration en Catalogne

La prise de conscience de la fragilité linguistique du catalan est corrélatif de l'émergence de différents phénomènes dont les effets cumulés vont peser sur le choix des élites catalanes en charge des intérêts de leurs communautés. Le premier est d'importance puisqu'il concerne l'immigration. Suite à l'expansion économique des années 1950-1960, ce sont plus de deux millions de migrants en provenance des régions les plus déshéritées d'espagne qui vont s'installer en Catalogne et principalement dans les environs de Barcelone113(*).

Depuis la révolution industrielle du dix-neuvième siècle, la riche et laborieuse Catalogne a toujours été une terre d'accueil pour la main d'oeuvre espagnole, mais cette fois-ci, le phènomène s'inscrit dans un contexte de réaction identitaire, soulevant l'inquiétude des nationalistes catalans sur la perénnité de leur langage.

Car ces migrants ne parlent que le castillan ou le dialecte de leur région et aucune infrastructure scolaire catalane n'est prévue pour les accueillir. Leur intégration linguistique constitue donc un défi pour les mouvements nationalistes catalans. En outre, leur implantation géographique lié à leur statut social n'a pas favorisé une intégration culturelle.

b) La démocratisation des moyens de communication en castillan

Un deuxième phénomène est relatif à la progressive démocratisation des médias de masse et des industries culturelles : la télévision comme la radio ou les journaux rencontrent un succés grandissant mais elles ne diffusent qu'en castillan. L'usage du catalan recule donc au profit du castillan selon un "processus de minorisation"114(*). L'importance accordé aujourd'hui aux technologies de l'information s'explique par l'apparition de ces dernières durant la période franquiste. Prise de conscience renforcée par les espaces de liberté dont le catalan a par ailleurs institutionnellement disposé. Dès 1964, des émissions télévisées comprenaient l'utilisation du catalan.

3 - La castillanisation et la catalanisation de la Catalogne : deux processus indissociables

Les conditions économiques et sociales (croissance, marché intégré et protégé, mobilité sociale, transferts géographiques de main d'oeuvre) étaient certes réunies pour intégrer la Catalogne dans un Etat-nation mais - et c'est là le point le plus important - la repression politique et culturelle va achever de cristalliser les revendications identitaires des nationalistes catalans, entraînant dans leur sillage alors une partie de la bourgeoisie catalane jusque là favorable (Los españolistas) ou indifférente au régime franquiste.

Outre les motivations d'ordre proprement idéologiques correspondant au désir de voir se constituer une Catalogne affranchie des contraintes franquistes, les dernières années du régime sont également le témoin d'un ralentissement économique obérant les possibilités de promotion sociale et les perspectives de développement économique.

La bourgeoisie catalane n'a pas toujours reconnue l'importance d'utiliser la langue vernaculaire dans un contexte public. Pour des raisons liées à la vitalité de leur activité commerciale et à la multiplicité de leurs contacts, politiques ou économiques, les élites catalanes ont toujours baigné dans un multilinguisme qui faisait partie de leur éducation. Ainsi que le démontre McDonogh115(*), le bilinguisme était de mise dans les bonnes familles au tournant du XIXe et du XXe siècle, un bilinguisme au sein duquel le castillan supplantait le catalan comme langue de prestige.

La concurrence entre les deux langues recoupait des processus de différenciation sociaux, processus qui culmineront avec la République de 1931 : "La langue était fortement identifiée avec le gouvernement de gauche de la seconde République et de la guerre civile"116(*).

Depuis la Renaixença, la situation linguistique de la Catalogne a donc été affecté par un double mouvement, paradoxal en apparence. Le castillan, langue des affaires (notamment avec l'Amérique du Sud) et de l'administration centrale, était fréquémment utilisé, voire mis socialement en évidence par la fraction conservatrice et anti-communiste de la bourgeoisie catalane et son utilisation sociale renforçée par l'apport des migrants des régions pauvres de l'Espagne. Mais la répression culturelle allait engendrer une mobilisation nationaliste réunissant la classe moyenne et les partis de gauche ainsi qu'une réaction intellectuelle dont les promoteurs devaient fournir le corpus théorique permettant de justifier la création politique d'un espace de communication catalan.

* 113 - STRUEBELL i TRUETA, M., "Language and Identity in Catalonia", International Journal of the Sociology of Language, 1984, Vol.47, pp.91-104. Andrée Bachoud est plus précise : "entre 1960 et 1975, le nombre d'habitants est passé d'environ 3,9 à 5,7 millions, à cause de l'arrivée massive de migrants des zones rurales du sud de l'Espagne, pour la plupart andalous". BACHOUD, A., "L'Espagne des autonomies", BURGI, N., Fractures de l'Etat-nation, Kimé, 1994, p.171. "En 1910, seulement 5,4% de la population de Catalogne étaient des imigrants. En 1970, 47,7% de la population provenait des régions économiquement défavorisées d'Andalousie, de Galice et d'Extremadure". LAITIN, D. & SOLE, C., "Catalan elites and language normalisation", International Journal of Sociology and International Policy, 1989, Vol.9, n°4, p.6.

* 114 - VALLVERDU, F., Ibid, p.114.

* 115 - McDONOGH, G.W., Good families of Barcelona, A social history of social power in the industrial era, Princeton University Press, Princeton, 1986, p.114 et suivantes.

* 116 - McDONOGH, G.W., Ibid, p.119.

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