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Le régime juridique des étrangers au Cameroun


par Martine AHANDA TANA
Chaire UNESCO des droits de la personne et de la démocratie de l'université d'Abomey-Calavi de Cotonou au Bénin - DEA droits de la personne et de la démocratie 2004
  

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A) Les difficultés rencontrées à l'entrée et à la sortie

Il est question d'étudier les violations dont l'Etat est responsable vis-à-vis des étrangers, bien que les nationaux aussi en souffrent ; nous mettrons également en exergue les conséquences juridiques et factuelles qui en résultent. Pour cela, l'appréhension des problèmes majeurs (1) et mineurs (2) que rencontrent ces immigrés au Cameroun s'avère nécessaire.

1) Les atteintes majeures

Le Cameroun viole constamment les dispositions de la loi de 1997 fixant les conditions de la libre circulation des personnes et ne respecte pas le contenu des conventions bilatérales qui exonèrent certains ressortissants de l'extérieur de l'obligation de présenter des visas d'entrée. En effet, il ressort de la fiche de dépouillement que 52,63 % des étrangers interrogés se plaignent de la corruption90(*) qui sévit à l'entrée sur le territoire national, par voies terrestre et maritime ; de même, 56,45 %, pour ce qui est de l'entrée par voie aérienne. Par ailleurs 62,50 % de non-nationaux se plaignent de la corruption ambiante pendant la sortie par voies terrestre et maritime et 66,66 % à la sortie par voie aérienne. En outre, 24,19 % d'immigrés se plaignent des lenteurs administratives des autorités chargées de signer et de délivrer les visas (qu'il s'agisse du personnel des missions diplomatiques et consulaires du Cameroun à l'étranger ou encore des autorités aéroportuaires). Ils estiment qu'en réalité, ces autorités usent expressément de ces lenteurs aux fins de les rançonner.

La situation est telle que les autorités administratives concernées exigent des expatriés le versement illicite de prestations financières additionnelles. Par ailleurs, les étrangers dispensés de la présentation du visa d'entrée y sont également contraints au risque de se voir refuser l'accès au territoire. Les agents du poste frontalier situé dans la zone de Amchidé sont cités, à titre illustratif, comme réputés auteurs de telles exactions. Dans d'autres pays pourtant, de telles pratiques n'existent plus. Par exemple, dans l'arrêt du 03 juillet 1980 Regina c/ S. Pieck, Affaire 157/79, la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) a estimé que, quand l'Etat est membre d'une communauté qui exige la dispense de visa, il doit s'y conformer91(*). Il ne faut d'ailleurs pas s'étonner de l'ampleur de la corruption, telle qu'elle découle de notre fiche de dépouillement. En effet, en 1999, le classement du Cameroun à l'indice de perception de la corruption par Transparency International en faisait le pays le plus corrompu au monde92(*) . De plus, dans l'enquête du baromètre mondial de la corruption, effectuée par cette ONG93(*), les sondages ont relevé que d'après l'opinion de 14 % de camerounais, la police est la deuxième structure la plus corrompue de l'Etat.

90 % d'étrangers pensent que l'Etat est l'auteur des exactions qui leur sont infligées et 10 % pointent du doigt la société camerounaise. A notre avis, la responsabilité devrait être exclusivement imputée à l'Etat. En effet, l'article 5 du projet de la Commission du Droit International (CDI) dispose : « est considéré comme un fait de l'Etat d'après le droit international, le comportement de tout organe de l'Etat ayant ce statut d'après le droit interne de cet Etat, pour autant que, en l'occurrence, il ait agi en cette qualité »94(*). En l'espèce, les autorités administratives internes qui violent les règles régissant l'immigration et l'émigration, sont des agents du pouvoir exécutif agissant en qualité d'organes de l'Etat. Aussi, leurs actes lui sont-ils imputables. Dans ce cas, le Cameroun est responsable de la violation du droit international des droits de l'homme applicable aux étrangers. En effet, d'après William SCHABAS95(*), le droit des droits de la personne vise à la fois l'individu et la collectivité ; ses sujets sont protégés non seulement dans leurs rapports avec les tiers, mais également dans leurs rapports avec l'Etat. Toujours selon l'auteur, il s'agit des effets « verticaux et horizontaux » des droits.

De ce fait, la situation de l'étranger régulier entrant et sortant est loin d'être enviable. Il subit, du reste, d'autres formes d'atteintes moins graves.

2) Les atteintes mineures

Il s'agit des pratiques qui portent entrave à la personnalité juridique de l'homme car elles violent son honneur et sa dignité protégés par les articles 16 du PIDCP et 5 de la Charte Africaine des droits de l'homme et des peuples. Allant dans le même sens, le préambule de la constitution camerounaise de 1996 affirme que chacun doit être traité avec humanité en toute circonstance.

Les réalités sont cependant contraires car il ressort de nos enquêtes relatives à l'entrée et à la sortie que, respectivement, 19,35 % et 33,33 % d'étrangers se plaignent de tracasseries multiples dans les aéroports internationaux de Nsimalen et de Douala. Il s'agit en l'occurrence du comportement arbitraire de la police aéroportuaire ainsi que de la discourtoisie du personnel des aéroports. Les enquêtes révèlent aussi que ce personnel n'assure aucune prise en charge des passagers immigrés qui sont abandonnés à eux-mêmes à l'arrivée. Ces problèmes constituent une atteinte non négligeable aux libertés de la personne humaine. L'étranger régulier a pourtant respecté les conditions d'entrée et de sortie au Cameroun ; mais l'Etat choisit plutôt de le marginaliser.

Les difficultés des expatriés prévalent également durant tout leur séjour.

* 90 La corruption est un comportement pénalement incriminé par lequel sont sollicités, agrées ou reçus des offres, promesses, dons ou présents à des fins d'accomplissement ou d'abstention d'un acte, d'obtention de faveurs ou d'avantages particuliers. La corruption est dite passive lorsqu'elle est le fait du corrompu ; elle est active lorsqu'elle est le fait du corrupteur. Lire à ce sujet GUINCHARD (S) et MONTAGNIER (G) (Dir.), Lexique des termes juridiques, 14e édition, Paris, Dalloz, 2003, p. 171.

* 91 ANDERSON (R), « Le maintien de l'ordre et le passage des frontières », IN ERGEC (R), SPREUTEL (J), DUPONT (L) et ANDERSON (R), Maintien de l'ordre et droits de l'homme, Bruxelles, Bruylant, 1987, pp. 259-294.

* 92 Pour plus de précisions, consulter http://www.globalcorruptionreport.org/download_fr.htm .

* 93 Disponible sur www.Transparency.org/survey/index.html/barometer .

* 94 DIPLA (Haritini), «  La responsabilité de l'Etat pour violations des droits de l'homme - problèmes d'imputation », IN Publications de la Fondation Marango Poulos pour les droits de l'homme, Série n°1, Paris, Pedone, 1994, p.17-32.

* 95 SCHABAS (William A.), Précis de droit international des droits de la personne, Québec, Yvon Blais Inc, 1997, p.1.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand