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Naissance médiatique de l'intellectuel musulman en France (1989-2005)

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par Tristan WALECKX
Université Montpellier 3 - Master Histoire 2005
  

Disponible en mode multipage

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Université Paul Valéry - Montpellier III

Master 1 Sciences de l'Homme, des Territoires et de la Société

Mention Histoire moderne et contemporaine

Spécialité Sociétés et religions du XVIe au XXIe siècle

La naissance de l'intellectuel musulman dans les médias français (1989-2005)

Mémoire présenté par Tristan WALECKX

Sous la direction de M. Michel FOURCADE

2004-2005

Remerciements

Je tiens à remercier M. Michel FOURCADE pour sa disponibilité sans faille, pour ses conseils avisés et pour son sens critique aigu.

Je remercie également M. Dominique AVON qui, en pleine épopée libanaise, a pris le temps de répondre à mes sollicitations.

Je rends hommage à l'aide de M. Amine BESSAOUD, (que je n'aurais jamais rencontré sans l'action indirecte de fanatiques d'une certaine conception peu recommandable de l'islam) avec qui les échanges sur mon sujet furent aussi passionnants qu'enrichissants.


Quant à M. Robert LAZENNEC, sa vision d'expert de la laïcité ainsi que sa documentation d'une diversité exemplaire me furent d'une aide précieuse.

Enfin, nul besoin de rappeler à mes amis et ma famille que je leur sais gré de leur patience, de leurs conseils, et de leurs quelques retouches orthographiques.

« Comment des penseurs vivant en contexte islamique, solidaires de la trajectoire historique de pays, demeurés longtemps en dehors des travaux préparatoires à cette raison universalisable, peuvent se situer dans la même perspective de connaissance critique, tout en respectant le rythme lent, les obstacles épistémologiques nombreux qui maintiennent la pensée islamique dans des combats à la fois désuets et sans portée cognitive généralisable? C'est ainsi que pour ma part, j'envisage la tâche de l'intellectuel qui pratique sans concession l'analyse critique, sans pour autant rompre les solidarités historiques imposées par ses origines, ses attaches familiales, villageoises, culturelles, émotionnelles... Notez que je n'ai pas dit immédiatement, comme on pouvait s'y attendre, l'intellectuel musulman. Ce qualificatif rattache aujourd'hui à des solidarités trop idéologisées pour qu'un intellectuel critique, engagé pour la raison universalisable, s'en réclame sans incohérence, ni errance. »

Mohamed Arkoun1(*)

Introduction

Nous proposons d'étudier la figure de l'intellectuel musulman en France durant la période allant de 1989 à nos jours. Cet intervalle de temps paraît pertinent pour plusieurs raisons. L'année 1989 est en effet une date-clé dans l'histoire récente de l'islam. C'est au mois de février de cette année-là qu'une fatwa est lancée par l'ayatollah Khomeiny à l'encontre de l'écrivain Salman Rushdie, accusé de blasphème pour son livre Les Versets Sataniques2(*). A la rentrée scolaire suivante, trois jeunes filles voilées sont expulsées de leur lycée de Creil. Succédant à « l'affaire Rushdie », cette « affaire du foulard » propulse l'islam sur le champ médiatique. Dès 1990, le ministre des cultes Pierre Joxe lance la consultation des musulmans par les pouvoirs publics en instaurant le CORIF (Conseil d'Orientation et de Réflexion sur l'Islam en France). Ces événements sont autant d'occasions de réactions publiques, de prises de positions, de mises en perspective de l'objet « islam » par des intervenants extérieurs mais aussi intérieurs à celui-ci.

A l'avènement des années 1990, se crée donc une conjoncture extrêmement favorable à la naissance - certes complexe - d'une nouvelle posture intellectuelle, comme le note déjà à l'époque Mohamed Arkoun, souvent considéré comme le vétéran de ces intellectuels musulmans, à propos des conséquences de l'affaire Rushdie :

« Pour moi, c'est plus que l'affaire Dreyfus, car c'est la conscience mondiale qui est interpellée. La tempête actuelle montre que l'Occident n'est pas du tout préparé à entendre la voix de l'islam comme elle s'exprime. Je m'explique : réagir seulement en invoquant Voltaire, Rousseau, les droits de l'homme, la liberté de l'artiste et de l'écrivain, c'est se référer à des thèmes connus et à des conquêtes de l'esprit précieuses pour tous les hommes, mais vous ne pouvez pas demander à toutes les cultures de suivre la trajectoire tracée depuis deux siècles par la France et l'Europe 3(*). »

Si l'on admet que le terme « intellectuel » a été utilisé sous sa forme substantivée pour la première fois au moment de l'affaire Dreyfus4(*), c'est bien à cette occasion que des penseurs se sont manifestés en tant que groupe social, cosignant le texte J'accuse de Zola. De la même façon, depuis quinze ans, la récente visibilité et la nouvelle conjoncture entourant l'islam ont permis à une certaine intelligentsia musulmane d'émerger au moins médiatiquement en France. En effet, l'affaire Rushdie en 1989, la guerre du Golfe de 1991 ou encore le problème du foulard représentent autant d'événements appelant à la nécessaire coordination des musulmans de France : la volonté d'adopter des positions concertées se manifeste dès lors parmi les principaux acteurs du champ islamique.

Ainsi que le suggère la réflexion de Mohamed Arkoun en avant-propos, nous nous demanderons donc le long de notre étude comment l'intellectuel musulman crée sa singularité pour exister en tant que tel. Les intellectuels qui nous intéressent ici sont ceux qui se définissent publiquement comme musulmans. Il serait en effet absurde de procéder à une définition ethnique de la religion et d'insérer dans notre étude des personnalités qui sont simplement de culture musulmane ou bien musulmanes dans leur vie privée, bien que la distinction soit parfois floue, certains individus affichant publiquement ou non leur foi selon les circonstances.

Nos recherches se basent essentiellement sur la presse et l'image que celle-ci renvoie du paysage islamique français. La plupart de la presse écrite généraliste française ayant traité de l'islam durant ces quinze dernières années a été consultée. Bien entendu, nous devons admettre les limites d'une recherche se fondant sur des sources au prisme parfois déformant. Mais force est de reconnaître que la « médiacratie » est entrain de supplanter l' « intellocratie »5(*), et que, a fortiori, les relais médiatiques de telle personnalité sont un bon moyen de juger son impact en tant qu'intellectuel. De la même façon, il ne saurait être question ici de tirer des conséquences trop larges d'une étude fondée sur des supports limités. La presse étudiée a certes servi de source qu'il faut remettre en question, mais il ne s'agit pas d'une étude de la presse en tant que telle. Pour cela, une analyse plus approfondie serait nécessaire6(*). Nous nous intéresserons donc aux médias non pas comme sujet unique mais comme un moyen de connaissance d'une partie du monde intellectuel islamique.

Si nous nous sommes appliqués à définir les termes du sujet, il est encore indispensable de préciser un certain nombre de concepts se référant à l'islam qui seront employés. En effet, le grand public étant peu familier avec le sujet, la plupart de ces notions sont bien souvent déformées, notamment dans les médias, qui constituent de surcroît notre principale source. Beaucoup de termes y sont utilisés indifféremment comme synonymes pour décrire de manière binaire une réalité qui ne l'est pas. Ainsi, est souvent opposé le musulman « réformiste, moderne, républicain, apaisé » au musulman « traditionaliste, fondamentaliste, intégriste, obscurantiste, islamiste ». Certes, il est impossible de définir rapidement en introduction ces notions floues et fluctuantes, d'autant qu'une des pertinences de notre travail dans sa globalité est de pouvoir exprimer les subtilités qui se cachent derrière.

Mais si les significations précises de ces termes seront mises en lumière au cours de notre propos, il convient tout de même ici de fixer un cadre en évacuant quelques idées reçues. Les médias véhiculant en majorité une vision manichéenne de l'islam, il est indispensable de marquer les différences entre tous les mots désignant le « bon islam » d'une part et le « mauvais islam » d'autre part.

Par exemple, il faut éviter la confusion qui est faite bien souvent dans la presse entre réformateur et moderniste. Un réformateur musulman, par définition, a pour but de réformer l'interprétation du texte coranique. Or même le salafisme7(*), littéralement « imitation des anciens », est une théorie visant à réformer la lecture du Coran. Un des intérêts de notre devoir sera donc de montrer comment les médias ont transformé cette définition du réformateur pour lui substituer celle de moderniste.

De l'autre côté, les termes employés indifféremment pour désigner « l'islam tel que nous le rejetons » ont, de la même façon, des significations bien distinctes et il est intellectuellement inacceptable de les confondre. En effet, pour prendre un exemple courant, l'islamisme, qui désigne une théorie prônant la subordination de la vie politique et sociale aux principes de l'islam, n'a rien à voir avec le traditionalisme ou le fondamentalisme, qui ne sont pas des idéologies politiques. Un des intérêts de notre travail sera donc de clarifier ce brouillage sémantique dû à une simplification excessive de la réalité de l'islam par la presse.

Des précautions s'imposent également concernant l'emploi en opposition des concepts d'islam et d'Occident. Cette idée de confrontation, popularisée par un désormais célèbre livre de Samuel Huntington8(*), pose un problème de fond puisqu'elle met face à face une religion et un espace géographique et culturel. Bien sûr, la confusion vient du fait que le mot « islam » recouvre en réalité deux notions : celle de religion islamique et celle de civilisation islamique9(*). Nous tâcherons donc d'être explicite afin de dissocier la « culture islam » et la « religion islam ».

Au cours de nos lectures, une hypothèse a émergé : cette période de 1989 à nos jours ne marquerait-elle pas la naissance de l'intellectuel musulman en France ? En effet, comme le souligne le sociologue Vincent Geisser, il est bien possible que l'objet « islam » se soit « francisé » et « intellectualisé10(*) ». Quelques indices nous permettent de le croire. Il nous est également apparu que cette naissance serait multiforme : quatre catégories d'intellectuels musulmans émergeraient sur la scène médiatique française depuis 1989. Elles correspondraient à quatre nouveaux domaines de légitimation. Ces catégories ne seraient donc pas des champs sociologiques bornés, mais elles traduiraient quatre moyens d' « adoubement » intellectuel bien distincts. Les frontières entre ces champs étant mouvantes, un même acteur de la scène musulmane serait susceptible d'intervenir dans plusieurs de ces catégories. Nous posons ainsi les quatre grands domaines suivants :

L'intellectuel avant-gardiste musulman : c'est un intellectuel avant-gardiste avant d'être un intellectuel musulman. Son statut d'intellectuel a été acquis indépendamment d'une islamité pourtant bien affirmée.

L'intellectuel réformateur de l'islam : c'est un intellectuel au rôle de théologien qui se propose de réformer la lecture du Coran. Cette figure en France, bien qu'héritant partiellement d'une longue tradition réformiste, est bel est bien neuve et singulière.

L'intellectuel représentant de l'islam de France : c'est un intellectuel organique, officiel. Son apparition est nouvelle également puisqu'elle est liée à l'émergence toute récente d'un islam de France.

Le leader socio-politique musulman : c'est un intellectuel engagé dans les combats sociaux et politiques, qui met en avant son appartenance à la oumma pour expliquer ses choix. L'émergence de cette figure est étroitement liée au tournant islamique des débats autour de l'intégration.

C'est selon cette typologie que nous allons articuler notre travail, en tentant, pour chaque catégorie, de cerner précisément les caractéristiques des individus qui s'y rattachent et l'image qu'en renvoient les médias. Ce sera l'occasion de démontrer les rapports complexes et les interactions multiformes qui se produisent entre l'opinion publique française au sens large et l'élite musulmane naissante.

I. L'intellectuel d'avant-garde musulman

La première figure de l'intellectuel musulman qui peut être distinguée est celle de l'intellectuel avant-gardiste. Sur les quatre catégories que nous avons définies, celle-ci est sans doute la plus ancienne. Nous retrouvons dans ce champ des personnalités ayant acquis une légitimité intellectuelle de manière diverse - en général par le truchement d'une activité artistique ou politique - mais dont l'attachement à l'islam n'a pas été le tremplin vers la notoriété. Leur foi affichée est juste une de leurs identités. Nous pouvons séparer parmi eux les Français convertis et les intellectuels originaires du monde musulman. Regroupés sous la même catégorie, ces deux peuvent paraître opposés. En effet, les premiers sont allés de l'avant-gardisme vers l'islam, les seconds, au contraire, de l'islam vers l'avant-gardisme. Mais ils se rejoignent car pour chacun, leur avant-gardisme prime sur leur islamité. C'est ce qui les distingue des trois autres figures que nous étudierons par la suite.

A) L'intellectuel français converti à l'islam

Paradoxalement, l'intellectuel français converti à l'islam, bien que souvent présenté de façon exotique, voire marginale, est sûrement la figure la plus ancienne de l'intellectuel musulman palpable dans les médias. Il est fréquemment exposé comme l'unique chaînon possible entre la communauté musulmane et la société française. Néanmoins, la représentation est partielle car ces convertis ont acquis le statut d'intellectuel indépendamment de leur appartenance à l'islam. Voilà sans doute pourquoi ces intellectuels musulmans tendent à voir leur rôle médiatique se restreindre au profit de ce que l'on pourrait qualifier par contraste des « musulmans intellectuels ».

1) Des intellectuels avant d'être des convertis.

Les intellectuels musulmans convertis ont obtenu la posture d'intellectuel indépendamment de leurs croyances, leur « adoubement » étant généralement antérieur à leur changement de foi. Plusieurs traits font de ces convertis à l'islam des intellectuels avant-gardistes : ils le sont notamment par leur sphère d'activité, mais aussi par le caractère mystique de leur conversion ainsi que par leur attrait pour le soufisme, branche spirituelle de la religion musulmane.

Sociologiquement d'abord, c'est parmi les catégories sociales élevées qu'ont été essentiellement ancrées les conversions à l'islam jusqu'au début des années 1990. Parmi ces grandes figures de convertis, beaucoup ont un domaine d'activités qui fait d'eux des personnalités avant-gardistes. Nous y trouvons par exemple le chorégraphe Maurice Béjart (né en 1927) ou beaucoup d'universitaires « orientalistes » tels Eva de Vitray (1909-1999), Roger Garaudy (né en 1913), Michel Chodkiewicz (né en 1929) et Eric Geoffroy. Quant à Vincent Monteil (1913-2005), avant de devenir le « dernier des grands orientalistes11(*) », il est décrit par la presse comme un « Lawrence d'Arabie français12(*) ». Il est vrai que Mansour Monteil, par son nom de conversion, ancien officier des affaires indigènes, voue une grande admiration pour le colonel britannique, lui consacrant notamment une biographie13(*). Mais à la différence de son héros, il se convertit à l'islam en 1977 à Nouakchott (Mauritanie), rendant un peu plus cohérent son attachement avec les populations indigènes et ses divers engagements auprès d'elles.

Si ces convertis appartiennent socialement à des sphères intellectuelles élevées, leurs conversions paraissent d'autant plus avant-gardistes que la justification spirituelle du choix d'entrer dans la oumma prime généralement. Maurice Béjart récuse d'ailleurs le terme de « conversion », lui préférant celui d' « initiation 14(*)». Notons aussi qu'il y a chez ces convertis une sorte d'attirance pour la continuité de la révélation prophétique. Le philosophe Roger Garaudy, devenu Roger Raja Garaudy en 1982, présente son choix comme un énième changement de foi après être passé par le catholicisme et le communisme. De la même façon, Michel Chodkiewicz explique sa conversion comme l'« aboutissement d'une recherche personnelle commencée dès l'adolescence (...) parce que le catholicisme ne [lui] apportait pas de réponses satisfaisantes15(*) ». Eric Younès Geoffroy, aujourd'hui professeur d'islamologie à Strasbourg, a longuement fréquenté des temples tibétains avant de faire sa profession de foi. L'islam étant chronologiquement le dernier grand monothéisme, il n'est pas étonnant de trouver parmi ses fidèles de nombreuses personnes se trouvant à la fin d'une longue quête spirituelle. La conversion à l'islam n'est donc pas forcément le fruit d'une déception vis-à-vis de la religion ou de la culture religieuse d'origine, mais plutôt celle de la recherche d'une révélation qui soit complète et totale. Eva de Vitray explique d'ailleurs ainsi son changement de foi opéré en 1950 :

« De toute façon, l'islam oblige à reconnaître toutes les communautés spirituelles, tous les prophètes antérieurs. L'islam est le dénominateur commun à toutes les religions. On ne se convertit pas à l'islam. On embrasse une religion qui contient toutes les autres 16(*). »

Remarquons aussi qu'un certain nombre des intellectuels convertis sont des chercheurs dont l'objet d'études est le monde musulman ou l'islam. Nous pouvons donc suggérer qu'une certaine attirance pour l'objet étudié a opéré chez ces érudits. Cet attrait a pu être politique ou mystique. Roger Garaudy et Jean-Loup Herbert (1941-2005) par exemple, ont eux été séduits par le militantisme pro-arabe et le tiers-mondisme avant de se convertir. D'autres en revanche ont eu une approche plus métaphysique et esthétique de l'islam. C'est le cas notamment parmi les spécialistes du soufisme qui, dans la lignée d'intellectuels orientalistes tel René Guenon (1886-1951) converti en 1912, ont embrassé l'islam après l'étude de textes spirituels et philosophiques musulmans. Michel Chodkiewicz, expliquant qu'« il y a eu combinaison de l'intérêt intellectuel pour la richesse de la tradition islamique avec la rencontre de gens exceptionnels17(*) », a consacré un ouvrage à Ibn Arabi, grand penseur soufi de l'Andalousie du XIIIe siècle18(*). Le même mécanisme a opéré chez Eva de Vitray, à qui des rencontres ont « fait connaître Ibn Arabi, Rumi et d'autres grands penseurs de l'islam du Moyen Age 19(*)». Elle est d'ailleurs l'auteure d'une quarantaine d'ouvrages sur cette branche mystique de l'islam et sur le maître spirituel de la confrérie des derviches tourneurs Rumi (XIIIe siècle) 20(*).

Le modèle du converti à la religion islamique à la fin des années 1980 est donc celui d'une personnalité de catégorie sociale élevée et au questionnement spirituel et métaphysique complexe. C'est ce qui fait de lui un intellectuel avant-gardiste. Nous pouvons tout de même nous demander si, sous les motifs spirituels affichés, d'autres intérêts destinés à relancer une image peuvent exister. Rocher Cherqaoui, auteur d'un livre sur les convertis à l'islam en terre occidentale, explique que « si la conversion s'avère payante dans ce milieu [intellectuel], c'est qu'obéissant aux lois des médias, il accorde quelque prix aux déplacements et revirements idéologiques et spirituels propres à redorer une image de marque21(*) ».

Enfin, nous pouvons suggérer un dernier argument confortant l'idée d'avant-gardisme de ces changements de foi. Ces conversions sont en effet précoces et paraissent en décalage avec une opinion encore bien frileuse à l'égard d'une religion source de tous les fantasmes. Il peut être ressenti dans la presse comme antinomique de se présenter à la fois comme intellectuel et comme converti à l'islam. Ainsi, réagissant à la défense de Khomeini par Vincent Monteil, Vincent Roux écrit dans Le Monde :

« Un tel contresens n'est pas digne de l'intellectuel éminent que fut Monteil. C'est le propre des fanatiques de tout poil de se substituer arbitrairement à la justice de Dieu. Vincent Monteil ne l'admettait sans doute pas, mais Vincent Mansour... hélas ! 22(*) »

Que le changement de foi soit motivé par des facteurs spirituels, politiques ou purement matériels, tout concorde en tout cas pour faire de ces convertis des intellectuels avant-gardistes et en décalage sur leur temps. Mais, force est de constater que leur rôle médiatique en tant qu'intellectuel musulman est partiel et tend même à se restreindre.

2) Un rôle médiatique assez restreint et en essoufflement 

Etant, au début de notre période, presque les seules figures importantes d'intellectuels musulmans dans les médias, ces convertis avant-gardistes ont forcément un rôle de représentants de la communauté musulmane, mais ce rôle reste très limité.

Leur intervention dans la presse permet néanmoins de présenter un point de vue original sur l'actualité. Les convertis séduits entre autres par le tiers-mondisme se sont parfois fait remarquer par quelques débordements dans leurs analyses. Si Jean-Loup Abdelhalim Herbert soutient dans un premier temps la révolution iranienne23(*), Roger Garaudy est condamné en 1998 pour contestation de crimes contre l'humanité à cause de son livre Les mythes fondateurs de la politique israélienne. De la même façon, Vincent Monteil, fasciné par le personnage de l'imam Khomeiny, se distingue de la plupart des autres convertis en défendant ce dernier quand il lance une fatwa condamnant Salman Rushdie :

« Le Monde consacre à `l'affaire Rushdie' une place qui se justifierait si la parole était donnée, de façon équitable, aux arguments de ceux - dont je suis - qui pensent que la liberté d'expression ne permet pas de défendre et de répandre un livre dont les blasphèmes troublent l'ordre public et incitent à la haine et à la discrimination raciale et religieuse24(*). »

Cette intransigeance de certains néophytes se retrouve également dans les débats sur la République et l'islam. Youssouf Leclerc, ancien président de la Fédération nationale des musulmans de France (FNMF), créée initialement pour donner une visibilité aux Français convertis, dénonce en 1990 « les modérés qui déforment l'islam, en invoquant l'islam25(*) ». Cette figure du converti intransigeant a maintenant été remplacée par celle de Thomas Milcent, très médiatisé sous le pseudonyme de « Docteur Abdallah », devenu le symbole de la lutte contre la loi interdisant le port de signes religieux à l'école.

Mais ces partisans d'un islam dur constituent une minorité des intellectuels français séduits par l'islam. Comme nous l'avons vu précédemment, beaucoup sont attirés par les valeurs mystiques de cette religion. Ils sont donc en général présentés comme les partisans d'un islam apaisé. Michel Chodkiewicz, surnommé « converti contre les intégristes », dont la femme « n'est pas voilée », explique que c'est la « vocation même » de l'islam d'être « ouvert 26(*)». Au moment de l'affaire Rushdie, alors qu'il est PDG des éditions du Seuil, il apporte publiquement, et à plusieurs reprises, son soutien à Christian Bourgeois, éditeur des Versets Sataniques. Avec Eric Geoffroy, Michel Chodkiewicz est même sollicité pour représenter les courants soufis dans la mise en place de l'islam de France afin de contrebalancer le poids des fédérations jugées trop rétrogrades dans la consultation.

Michel Renard, avec sa revue Islam de France, est également un ardent promoteur d'un assouplissement du message coranique pour l'adapter à la modernité occidentale : « Le temps est venu de choisir entre l'islam religion, enraciné dans une séculaire sagesse musulmane, et l'islam politique apparu au début du XXe siècle27(*). » Opposant « islam politique et islam religion », Michel Renard estime que « l'islam de France ne peut s'exonérer d'une nécessaire clarification théologique28(*) ». Si les intellectuels convertis à l'islam appellent donc majoritairement à un aggiornamento, ils ne peuvent que l'accompagner car ils ne sont pas présentés comme légitimes pour réaliser eux-mêmes une réforme qui doit se faire de l'intérieur, leur statut de converti les refoulant dans une posture éternellement extérieure en partie à la tradition islamique29(*). A l'heure où la pression médiatique exige de l'islam une réforme concrète, ils ne sont donc plus des interlocuteurs indispensables.

De ce fait, les intellectuels convertis sont le plus souvent l'objet d'enquêtes sur leur choix qui intrigue, comme l'indiquent la plupart des titres des dossiers qui leur sont consacrés : « voyages parmi les convertis30(*) », « les secrets des convertis31(*) ». Ainsi, le livre d'entretiens de Eva de Vitray-Meyerovitch, démarre comme suit :

« Avant même d'avoir eu le temps de réfléchir, la première question qui s'est levée en nous, Eva de Vitray-Meyerovitch, est la suivante : comment une jeune femme née dans l'aristocratie française et élevée chez les religieuses a-t-elle pu se faire musulmane ? Que s'est-il passé et pourquoi32(*) ? »

Les convertis sont donc davantage sollicités pour expliquer leur choix que pour exprimer une opinion de musulman. Mais ce rôle déjà restreint en tant qu'intellectuel musulman se tasse encore un peu plus du fait que les changements de foi, qui se pratiquaient autrefois majoritairement dans l'élite, tendent à se populariser dans les franges les plus basses de la société. Pour Xavier Ternisien, auteur d'une étude sur le panorama de l'islam en France, nous sommes passés des « convertis intellectuels » aux « convertis de proximité33(*) ». Bien sûr, la constatation est à relativiser, les chiffres donnés par les médias en la matière étant pour le moins problématiques. En effet, dès 1986, Le Nouvel Observateur nous indique le chiffre de « deux cent mille Français convertis à l'islam34(*) ». En 1999, Le Monde en annonce « cinquante mille35(*) ». Il est donc manifestement complexe de dénombrer les convertis. Mais ce supposé essoufflement des conversions à l'islam, notamment parmi l'élite française, est peut-être une autre explication, sociologique cette fois, de l'effacement médiatique de l'intellectuel avant-gardiste converti, laissant peu à peu la place à l'intellectuel musulman d'origine musulmane.

L'intellectuel converti à l'islam a toujours eu un rôle médiatique partiel en tant qu'intellectuel musulman de par sa légitimité acquise avant tout par son avant-gardisme. Cependant son influence ne cesse de se réduire comme une peau de chagrin pour des raisons qui sont aussi bien médiatiques - l'attente de la presse et de la société française à l'égard de l'islam changeant - que sociologiques - les convertis, moins nombreux, se retrouvant dans les franges les plus basses de la sociétés tandis que, nous le verrons, une élite issue du monde musulman prend au contraire forme.

B) L'intellectuel avant-gardiste du monde musulman

Si la posture de l'intellectuel converti est assez ancienne et tend à décliner, nous émettons maintenant l'hypothèse qu'il y a bien eu ces dernières années naissance de la figure de l'intellectuel avant-gardiste du monde musulman. L'affaire Rushdie marque un véritable tournant dans l'image en Occident qui est faite de l'intellectuel musulman.

1) Construction de cette figure médiatique au tournant des années 1990

Jusqu'à la fin des années 1980, le portrait de la vie intellectuelle en terre musulmane dressé par les médias occidentaux est globalement caricatural. Afin d'être « adoubé » intellectuel du monde musulman, il faut forcément être, sinon en avance, du moins en décalage par rapport aux autorités conservatrices. C'est donc en général politiquement que certaines figures accèdent au statut d'intellectuel pour nos médias occidentaux. Ces provocateurs sont en général communistes, donc athées, ou bien islamistes. Etre islamiste et intellectuel étant incompatible pour la majorité des penseurs occidentaux, seules ont été élevé au rang d'intellectuel des personnalités dont la grille de pensée est peu éloignée de nos traditions intellectuelles. Ce furent donc pour beaucoup des intellectuels rationalistes, comme les auteurs marxistes algériens Kateb Yacine (1929-1989) ou Mohamed Dib (1920-2003) par exemple. Les médias présentent des artistes, notamment des écrivains, le plus souvent arabes, mais presque jamais musulmans. Pour définir l'intellectuel du monde arabo-musulman, les identités de libre-penseur et de provocateur sont alors présentées comme indispensables et liées. Plus généralement, la presse française véhicule l'idée que le monde musulman est scindé entre un peuple fanatique et croyant, et une élite éclairée et non croyante : il n'est possible d'être intellectuel dans le monde musulman que si l'on est athée36(*).

La condamnation à mort de Salman Rushdie le 14 février 1989 par l'ayatollah Khomeiny constitue un tournant certain. Si cette fatwa a pour but, selon Gilles Kepel, de « casser les intellectuels assimilés37(*) », elle a permis de médiatiser toute une génération d'intellectuels musulmans se revendiquant comme tels. Un manifeste clamant « Au nom de l'islam (...), nous sommes tous des Salman Rushdie », est immédiatement signé par des penseurs musulmans exilés en France, comme l'Algérien Mohamed Harbi, mais aussi l'Iranien Nasser Pakdaman, le Syrien Haytham Manna, le Turc Shunsuddin Guzel, l'Egyptien Lotfallah Soliman38(*). De la même façon, des personnalités musulmanes militent spontanément au sein du Comité français de défense de Salman Rushdie.

Certes, la plupart des images qui restent de cette affaire Rushdie sont celles de musulmans manifestant en bloc contre l'auteur blasphématoire. Mais la réalité n'a pas été si simple, comme le souligne Emilie René, auteure d'une étude sur l'affaire :

« Un des effets importants de l'affaire Rushdie a donc bien été, contrairement à ce que suppose l'argument culturaliste, de rendre particulièrement visibles les profondes différences de points de vue qui existent, non pas tant entre les cultures occidentale et musulmane qu'au sein de cette dernière39(*). »

Si avant 1989, souligne le poète libanais Abbas Baydoun, « les intellectuels [avaient] abandonné aux seuls religieux le soin de traiter tout ce qui concerne la religion et l'histoire de l'islam40(*) », l'affaire Rushdie constitue une opportunité unique pour ces-derniers de réinvestir le champ islamique, érigeant pour la première fois une barrière à l'intervention sans limites des oulémas41(*), notamment dans le domaine artistique. Les prises de positions concernant Les Versets Sataniques ont donc été l'occasion pour un certain nombre de penseurs représentant souvent un islam modéré et réprimé de faire entendre leur voix discordante et de former une ébauche de nouveau type d'intelligentsia musulmane. En 1993, « cent intellectuels arabes et musulmans pour la liberté d'expression » signent ensemble le livre Pour Rushdie, qui illustre bien une volonté de la part de personnalités, dont certaines se revendiquent croyantes, de sortir de l'ombre et de condamner la censure religieuse :

« Ainsi, se soustrayant au silence, à l'indifférence et à la division, s'est constitué un groupe - on serait tenté de dire une communauté possible - faisant sienne, par-delà toute réserve, la défense des libertés de création et d'expression, le refus de la condamnation à mort et de l'obscurantisme, et un salut à Salman Rushdie42(*). »

Cette émergence de l'intellectuel à la fois anti-islamiste et musulman est aidée lorsque Salman Rushdie revendique son islamité. Au début de l'affaire, ce dernier, né à Bombay en 1947 dans une famille musulmane, affiche son athéisme : « Je ne croix en aucun dieu (...) Pour dire les choses plus simplement : je ne suis pas musulman 43(*). » Quelques mois plus tard, il explique dans le Times sa conversion : « J'ai trouvé ma propre voie dans une compréhension intellectuelle de la religion, et la religion a toujours été pour moi l'Islam 44(*). » Ce choix est difficilement compris car il brise le schéma binaire (peuple croyant / élite athée) décrit ci-dessus. Beaucoup de soutiens à Rushdie se déclarent surpris, voire méfiants à l'égard de cette décision qui prouverait que « les terroristes religieux ont apparemment gagné la partie45(*) ». « Il a embrassé la religion fanatique de ceux qui se croient en droit de tuer un romancier en raison de ce qu'il écrit », explique alors Arnold Wesker, membre du comité de soutien de l'écrivain46(*).

Au risque de paraître paradoxale, l'affaire Rushdie marque donc la cassure d'un système binaire (peuple fanatique / élite athée) et le remplace par un schéma triangulaire (peuple fanatique / élite athée ou « modérément » musulmane). Ce nouveau tableau, à peine moins rigide que le précédent, consacre la naissance d'une nouvelle figure médiatique d'intellectuel musulman avant-gardiste. Dès lors, il paraît possible d'être à la fois provocateur et musulman, d'être persécuté par les islamistes malgré sa foi. Comment cette image s'est-elle développée ces quinze dernières années ?

2) Evolution de cette figure de l'intellectuel musulman modéré

Bien qu'incomplète, il y a donc émergence de l'intellectuel avant-gardiste du monde musulman et musulman avec l'affaire Rushdie. Celle-ci a un écho tellement retentissant que des écrivains, comme le prix Nobel 1988 Naguib Mahfouz (né en 1911), dont le livre Les Fils de la Médina47(*) avait été mis à l'Index avant Les Versets Sataniques, acquièrent une visibilité nouvelle. La plupart de ces intellectuels avant-gardistes, de confession musulmane, modérés et combattant l'extrémisme, illustrent régulièrement les dossiers de journaux traitant de la censure religieuse dans le monde musulman.

D'autres « affaires Rushdie », au retentissement médiatique certes plus limité mais ayant leur importance, surviennent régulièrement au cours des années 1990. En 1992, les oulémas d'al-Azhar condamnent Farag Foda pour sa pensée jugée trop laïque. Il est assassiné quelques jours après. De la même façon, une vague d'attentats débutant par la mort du journaliste Tahar Djaout s'abat sur les intellectuels algériens à partir de 1993. Naguib Mahfouz lui-même est poignardé en 1994 mais survit à ses blessures. Il y a donc une image prolongée de l'intellectuel musulman modéré persécuté dans son pays pour ses idées jugées progressistes d'un point de vue occidental.

Et comme ces intellectuels « ne sont pas prophètes en leur pays où l'on a plutôt peur de ceux qui `pensent'48(*) », beaucoup de personnalités musulmanes opprimées dans leur pays d'origine se sont exilées en France. Nous pouvons citer parmi eux notamment les « nouveaux intellectuels algériens » : Mohamed Sifaoui, journaliste à Marianne, Latifa Ben Mansour, romancière, Hassan Zerrouky, journaliste à L'Humanité ou encore Slimane Zeghidour, désormais chroniqueur sur TV5. Ils apparaissant maintenant comme des témoins privilégiés de l'islamisme, l'ayant combattu malgré leur islamité. Dans le domaine, Mohamed Sifaoui s'est montré l'analyste le plus prolifique, publiant notamment La France malade de l'islamisme49(*), Lettre aux islamistes de France et de Navarre50(*), Mes frères assassins51(*), et Sur les traces de Ben Laden52(*). Mais les autres intellectuels algériens devenus spécialistes ès intégristes ne sont pas en reste : si Slimane Zeghidour, plus connu sous le pseudonyme de dessinateur Saladin, fait figure d'islamologue dans Le voile et la bannière53(*), Hassan Zerrouky livre aussi son enquête sur La nébuleuse islamiste54(*). Quant à Latifa Ben Mansour, elle est désormais davantage essayiste que romancière, ayant livré elle-aussi un panel d'études sur les dangers de l'extrémisme religieux, comme Les mensonges des intégristes55(*) et Frères musulmans, frères féroces56(*). Pour retenir l'exemple de cette dernière, un portrait, paru dans Le Monde, illustre un changement de considération de la part d'une certaine presse française : il est possible d'être intellectuel arabe et musulman :

« De sa culture familiale, de la lutte émancipatrice de son peuple et de cette libération qu'apporte en principe l'accès à la connaissance, Latifa Ben Mansour a conservé la foi musulmane et le goût de la liberté - qui ne sont pas incompatibles - ainsi que sa fierté d'Algérienne57(*)

Si nous pouvons parler de naissance de l'intellectuel du monde musulman avant-gardiste, c'est donc parce qu'il y a une certaine cohérence dans ce groupe social, notamment autour du combat contre l'intégrisme religieux. Par exemple, l'année dernière, c'est bien à l'appel d'un comité d'intellectuels musulmans mené par l'écrivain mauritanien Beddy Ould Ebnou qu'avait été organisée, à Paris, une manifestation de soutien aux otages français enlevés en Irak. Encore une fois, c'est l'adhésion à une manifestation collective qui est la meilleure preuve de l'existence de ce groupe sociologique.

Il y a donc, depuis 1989, un certain tournant dans la façon de présenter les intellectuels agitateurs du monde arabe, qui tendent à supplanter les Français convertis dans le rôle d'intellectuels avant-gardistes musulmans. Néanmoins, tous ces intellectuels, bien que musulmans affirmés, n'ont pas acquis la notoriété par l'affirmation de leur islamité. Slimane Zeghidour, affirme qu' « il faut réagir, s'indigner, en fonction de critères universels et non pas au nom de solidarités nationales, ethniques ou religieuses58(*) ». D'ailleurs, Latifa Ben Mansour pointe bien du doigt le paradoxe entre ce désir de ne pas se laisser enfermer dans une identité islamique et le refus de laisser la catégorisation de musulmans aux seuls extrémistes :

« L'islam bien vécu est serein, paisible, nullement agressif, solidaire, partageur. Comme le dit l'adage, les gens heureux n'ont pas d'histoire. Cet islam-là, vous ne le verrez jamais dans la revendication hystérique et stérile; il est dans le travail, la réflexion et provoque le respect. Malheureusement, on ne voit pas ces gens sur les plateaux de télévision, on ne les entend pas à la radio. D'ailleurs, ces personnes n'aiment pas être désignées par leur religion, mais par l'ensemble des paramètres qui les constituent et qui font d'elles des êtres humains59(*). »

La qualification de musulman est donc plus une invention médiatique que le résultat d'un but affiché de la part des intéressés :

« En effet, je me suis rendu compte depuis quelques années que je ne parlais plus en mon nom propre de citoyenne responsable de mes actes et de mes prises de position qui peuvent certes déranger, mais qui n'engagent que moi, je me suis aperçue aussi que je ne suis pas considérée comme sujet de mon énonciation mais comme faisant partie d'une communauté, non pas algérienne, (..), mais MUSULMANE60(*). »

La naissance de l'intellectuel musulman avant-gardiste issu du monde arabe est également difficile en raison de la perpétuation de l'image traditionnelle du combattant de l'islamisme qui est forcément athée. L'affaire Rushdie a en effet dans ce domaine montré ses limites, comme le prouvent les scepticismes exprimés à l'égard de sa foi affichée. Le cas de Talisma Nasreen est également éloquent. Souvent présentée comme « une nouvelle Rushdie », elle se dit ouvertement « très, très athée » : « Je n'ai jamais déclaré que je regrettais mes propos, comme Salman Rushdie61(*). » Plus récemment encore, l'exemple de Chattord Djavann, romancière iranienne non musulmane, auteure d'un pamphlet contre le voile, nous montre que le cas Rushdie n'a pas été totalement signifiant. Alors que celui-ci vit caché depuis plus de quinze ans, elle déclare en 2004 :

« Il faudrait que les libres-penseurs d'origine musulmane osent prendre la parole pour désacraliser l'islam et le Coran. Les dignitaires islamiques seraient ainsi progressivement obligés d'admettre que des individus de culture musulmane peuvent être agnostiques ou athées, que les intellectuels d'origine musulmane sont libres de critiquer l'islam et le Coran ou de s'en affranchir sans encourir les accusations de blasphème ou de sacrilège62(*). »

A partir de 1989 donc, les médias français commencent à présenter des avant-gardistes du monde musulman comme musulmans. Mais c'est une image réduite. La foi de ces intellectuels est plus une affaire privée qu'une réelle identité. Souvent réfugiés politiques, porteurs d'un islam réprimé, ils tendent à disparaître au profit de leaders issus du contexte européen.

A côté de ce type d'intellectuels, une autre catégorie émerge, celle des réformateurs de l'islam. Bien qu'héritant d'une longue tradition réformiste, ces nouveaux intellectuels bénéficient d'une conjoncture qui leur permet de se manifester réellement sur la scène « médiatico-intellectuelle » française.

II. L'intellectuel réformateur de l'islam

Comme nous venons de l'étudier, la coordination d'un certain nombre d'événements au tournant des années 1990 est l'occasion d'adopter une posture intellectuelle nouvelle. Des penseurs commencent en France à avoir l'opportunité de s'exprimer et de réagir en tant que musulmans. Ils doivent ainsi montrer leur singularité par rapport à l'intellectuel « occidental », historiquement bercé par les droits de l'homme, tout en marquant leur compatibilité avec une grille de pensée réputée dialectiquement opposée à la leur. Cette adéquation à démontrer entre les traditions islamique et jacobine passe donc par un devoir de pédagogie, d'explication du texte, voire d'exégèse : voilà comment est née une nouvelle catégorie de « médiacrates » musulmans : les réformateurs de l'islam. La plupart de ces intellectuels ne sont pas des théologiens au sens strict du terme, mais ils se sont assignés un rôle d'herméneutique du texte coranique afin de l'adapter au contexte actuel. Qu'il s'agisse de la question du foulard islamique, de l'affaire Rushdie ou du terrorisme islamiste, tous les prétextes sont bons pour lancer ce que beaucoup nomment un aggiornamento de l'islam. A l'égard de la République et des principes nés de l'histoire occidentale, singularité et compatibilité de l'islam forment donc un couple dialectique qu'essaient de satisfaire les réformateurs musulmans.

A) Un nouveau champ intellectuel ?

Ce nouveau type d'intellectuel musulman fait irruption dans les médias avec la visibilité nouvelle de questions de politique intérieure (affaire du voile) et extérieure (terrorisme, guerre du Golfe, affaire Rushdie) liées à l'islam. Mais il est légitime de se demander si l'intellectuel réformateur de l'islam est une nouvelle figure d'intellectuel musulman. En effet, il existe une tradition réformiste en islam. Par exemple, dès le VIIIe siècle, le courant mutazilite affirme la théorie du Coran créé, opposée à celle du Coran incréé, permettant ainsi de souligner l'historicité de la révélation. Mais cette école de pensée est vite rejetée et elle est interdite définitivement dès 1017. De plus, se pose le problème de définition de ce qu'est une réforme. Pour illustration, ibn Abd al-Wahhab (1703-1792), père du wahhabisme, version très rigoriste de l'islam, se voulait lui-même un grand réformateur dans la mesure où il proposait de nouvelles grilles de lecture et d'interprétation, donc des tentatives de réforme de l'islam. Comme nous l'avons suggéré en introduction, la presse a donc eu tendance à faire des notions de réformisme et de modernisme des synonymes qu'elles ne sont pourtant pas.

En réalité, les nouveaux intellectuels réformateurs se présentent en partie comme héritiers du mouvement réformiste de la Nahda, qui va de la fin du XIXe au début du XXe siècles. Ce mouvement de réforme, qui tente de concilier islam et rationalité, a été initié par plusieurs figures comme l'Indien Sayyed Ahmad Khan (1817-1898), le Persan Jamal al-Din al-Afghani (1839-1897) et surtout l'Egyptien Mohamed Abduh (1848-1905). L'héritage de ce dernier a ensuite fait l'objet d'une controverse entre le Syrien Rachid Rida (1865-1935) et l'Egyptien Ali Abderraziq (1888-1966). D'une matrice réformiste commune, vont naître deux branches très distinctes d'interprétation de ce que doit être l'adaptation de l'islam à la modernité : le réformisme islamiste d'une part et le réformisme critique d'autre part. Si, dès 1925, Ali Abderraziq va très loin dans le réformisme critique, en dénonçant l'illégitimité du système du califat et en déclarant la séparation des pouvoirs temporel et religieux dans son oeuvre L'islam et les Fondements du pouvoir63(*), les travaux de Rachid Rida inspireront Hassan al-Banna (1906-1949), fondateur en 1928 des Frères musulmans, matrice de l'islamisme, c'est-à-dire de l'islam politique.

En réalité, certains clivages actuels s'expliquent par ce conflit d'interprétations historiographiques et doctrinales entourant l'héritage de ce réformisme précoce. Pour les réformistes critiques, Rachid Rida a, selon les mots de Rachid Benzine, « dévié » la pensée de Mohamed Abduh en la faisant passer d'un « réformisme progressiste à un réformisme traditionaliste64(*) ». De la même façon, Mohamed Arkoun distingue deux périodes dans l'islam moderne : tout d'abord, la Nahda65(*), c'est-à-dire l'éveil des lumières islamiques, puis la Thawra66(*), l'époque de décadence et de la déviance islamiste. En revanche, Tariq Ramadan, qui se revendique également réformateur moderniste, prétend de son côté que Hassan al-Banna, en l'occurrence son grand-père, est l'héritier naturel des idées développées par Jamal al-din al-Afghani, Mohamed Abduh, et Rachid Rida67(*). Pour lui, c'est bien Ali Abderraziq qui aurait produit une pensée tronquée par « la pression coloniale68(*) ».

Quoi qu'il en soit, il est intéressant de noter que l'opposition forte, entre les deux principales écoles de réformateurs prétendant à une place sur la scène intellectuelle française contemporaine, a une explication historique lointaine. Néanmoins, nous le verrons par la suite, la presse a clairement tranché pour le soutien à la branche critique du réformisme musulman.

Pour être accepté dans le club très prisé des « réformateurs de l'islam » dans le paysage médiatique français, il est donc nécessaire de se réclamer d'anciennes figures réformistes, mais pas de toutes. Ainsi, Tariq Ramadan explique :

« On aimerait que je renie mon grand-père, Hassan Al-Banna, ou que `j'avoue' ma totale adhésion à sa pensée. Soit je suis `un intellectuel éclairé', soit `un obscurantiste', sous-entendu comme mon grand-père. Equation simple, mais surtout simpliste : non, je ne renie pas ma filiation avec un homme qui a résisté aux colonisations anglaise et sioniste, qui a fondé 2 000 écoles, 500 centres sociaux, autant de coopératives de développement, et qui n'a jamais, toutes les études sérieuses le prouvent, commandité d'attentats terroristes69(*). »

La filiation historique a donc son importance chez les nouveaux intellectuels réformateurs de l'islam. Mais ils ne se veulent pas simplement héritiers d'un courant de pensée, ils prétendent également dépasser cet héritage. Il existe donc chez eux une certaine volonté de se démarquer, comme le suggère au niveau lexical le titre arrogé de « nouveaux penseurs de l'islam » par Rachid Benzine70(*) :

« Le projet dans lequel je m'inscris n'est pas un projet de réforme de l'islam ni d'adapter l'islam à la modernité. Il s'agit de penser l'islam avec les outils cognitifs d'aujourd'hui et faire advenir une modernité qui soit endogène aux sociétés dites musulmanes71(*). »

Si cette néo-catégorie d'intellectuels émergents entend dépasser le strict cadre de la réforme de leurs aïeux, elle s'en différencie aussi par le fait que les réformateurs de la Nahda étaient essentiellement soufis et qu' ils cherchaient à se modeler sur la modernité occidentale. De leur côté, les nouveaux penseurs contemporains prétendent se servir des outils de la modernité en essayant de ne pas forcément copier l'Occident. De plus, la nouvelle visibilité qui leur est offerte fait incontestablement qu'il s'agit d'un champ intellectuel bien neuf puisque l'on attend désormais d'eux des « résultats ». En effet, même si ce n'est pas toujours explicite, les médias ont contribué à inventer la catégorie des « nouveaux penseurs de l'islam » pour instrumentaliser cette réforme, pour résoudre des problèmes matériels contemporains. Cette réforme théologique attendue n'est pas une fin en soi mais elle a pour but d'adapter l'islam à son contexte nouveau, notamment dans ses points d'accroches avec la civilisation occidentale.

B) Portrait de ces nouveaux intellectuels réformateurs

Notre sujet concernant l'image renvoyée par la presse, il s'agit de traiter dans cette partie les figures qui, parmi celles qui prétendent à une place de réformateur, ont accédé à ce statut dans le « paysage médiatico-intellectuel français ». Ce sont donc essentiellement des réformateurs rationalistes et libéraux, héritiers en grande partie du réformisme critique, regroupés autour du concept de « nouveau penseur » forgé par Rachid Benzine. Cette nouvelle classe d'intellectuels, improvisés rénovateurs du texte coranique par une conjoncture les y encourageant, ont une double culture : islamique et occidentale. L'apparente hétérogénéité des parcours masque-t-elle une réelle uniformité de la nouvelle interprétation du Coran proposée ?

1) Des parcours divers ?

A première vue, ces néo-réformateurs de l'islam, dont la liste ici ne se prétend pas exhaustive, ont peu de choses en commun. Chronologiquement, nous pouvons remarquer que Mohamed Talbi  (1921) et Mohamed Arkoun (1928) sont en quelque sorte les précurseurs, les aînés des nouveaux penseurs. Les autres sont nés dans les décennies 1940 et 1950 : Fatima Mernissi (1940), Abdelmajid Charfi (1942), Nasr Abou-Zeid (1943), Youssef Seddik (1943), Abdul Karim Soroush (1945), Abdou Filali-Ansary (1946), Abdelwahab Meddeb (1946), Malek Chebel (1953), et Farid Esack (1957). Fédérateur du groupe, Rachid Benzine (1971) en est le benjamin. Certaines autres figures, comme le pakistanais Fazlur Rahman (1919-1988), sont décédées mais tendent à être présentées de façon rétroactive comme des figures posthumes de ce nouveau réformisme musulman.

Géographiquement, ces intellectuels apparaissent comme des réformateurs « de l'intérieur » de l'islam par leur naissance. La quasi-totalité viennent de pays musulmans anciennement colonisés. Les pays maghrébins sont largement représentés, et l' « école de Tunis de l'exégèse » est à la pointe du mouvement (Mohamed Talbi, Abdelmajid Charfi, Mohamed Charfi, Youssef Seddik, Abdelwahab Meddeb, Fethi Benslama,) : « La Tunisie est aujourd'hui une des terres d'islam où se font entendre le plus de voix qui en appellent à une nouvelle approche du phénomène religieux72(*). »

Mais l'Algérie a également produit ses penseurs (Mohamed Arkoun, Malek Chebel), tout comme le Maroc (Abdou Filali-Ansary, Fatima Mernissi, Rachid Benzine) ou l'Egypte (Nasr Hamid Abou-Zeid).  Les autres viennent de sphères géographiques différentes mais ont pour point commun d'avoir vécu leur enfance au sein d'une communauté de culture religieuse islamique, comme Abdul Karim Soroush (Iran) ou Farid Esack (minorité  indo-pakistanaise d'Afrique du Sud).

D'autres figures fournissent un travail intellectuel important pour une réforme libérale de l'islam et ont un profil correspondant peu ou prou à celui des nouveaux penseurs. Mais leur visibilité dans la presse, notamment en raison de la barrière de la langue, est totalement insignifiante en France et ils ne peuvent donc être assimilés à cette nouvelle caste d'intellectuels médiatiques73(*).

S'ils se ressemblent donc peu par leurs origines, ces réformateurs présentent une analogie certaine dans leur parcours intellectuel. Beaucoup de ces personnages quittent leur pays natal pour aller étudier en Occident. Nasr Abou-Zeid part étudier aux Etats-Unis à Philadelphie, tandis que d'autres comme Fazlur Rahman et Abdoul Karim Soroush se retrouvent en Angleterre.

Mais la France est également un gros foyer de formation de ces nouveaux penseurs. Selon Mohamed Mestiri, président du bureau français de l'IIIT (Institut International de la Pensée Islamique), « l'UNESCO classe la France en deuxième position, après les Etats-Unis, dans la capacité d'accueillir l'exil du savoir musulman74(*) ». Voilà pourquoi Jamel-Eddine Bencheikh va même jusqu'à affirmer que « l'islam moderne naîtra en France », puisque « dans ce pays, il est parfaitement possible de se choisir des formes de vie sociale, économique et politique qui ne contreviennent pas fondamentalement à l'inspiration de la prédication prophétique75(*) ». Ainsi, les grandes figures de cette nouvelle caste d'intellectuels musulmans, comme Mohamed Arkoun, Mohamed Talbi, Fethi Benslama, Malek Chebel, ou encore Abdelwahab Meddeb, ont suivi des études dans l'Hexagone. Sans renier leur foi, tous ces penseurs, qui ont été au contact de la méthodologie universitaire occidentale, décident alors que la connaissance des sciences humaines doit guider leur réforme de l'islam.

Si, pour ces réformateurs, l'aggionarmento de l'islam viendra peut-être en France, il leur est en revanche inconcevable qu'il vienne de chercheur français. Pour Mohamed Arkoun, le chercheur occidental voit forcément sa pensée biaisée par sa subjectivité, qu'elle soit positive ou négative :

« Je connais plus d'un islamologue, `ami de l'islam et des Arabes', qui préfère se faire le chantre des idéologies officielles, de la `grandeur' de l'islam, plutôt que de contribuer au nécessaire combat de modernisation de la pensée islamique. Il y a aussi ceux qui dénigrent systématiquement l'islam et contraignent les intellectuels musulmans critiques à durcir leur propre combat contre le modèle hégémonique de l'Occident76(*). »

L'intellectuel français, fût-il converti, s'il peut aider à diffuser la réforme, ne peut être lui-même un réformateur de l'islam. C'est le cas de Michel Renard, avec sa Revue Islam de France, qui n'est pas considéré comme tel. En effet, ce n'est pas seulement à l'islam mais au monde musulman dans son ensemble que l'on demande de se réformer. Or, comme l'explique Malek Chebel, « il n'y a de critique valable que si elle est, par essence, une autocritique77(*). »

Si le portrait type du réformateur de l'islam est donc une personnalité issue du monde musulman dont une partie de la formation intellectuelle s'est déroulée en Occident, il faut également rajouter une autre caractéristique : le réformateur médiatique a forcément été à un moment de sa vie confronté à des oulémas conservateurs. Fazlur Rahman et Abdoul Karim Soroush ont, sous la menace, dû quitter respectivement le Pakistan et l'Iran pour rejoindre définitivement les Etats-Unis, alors que Nasr Abou-Zeid est déclaré apostat par l'université Al-Azhar en 1995 pour son livre Critique du discours religieux78(*), et il est dès lors contraint de s'exiler aux Pays-Bas. Au Maroc, Fatima Mernissi s'est vu interdire de publier son essai moderniste, Le Harem politique79(*). Quant à l'historien tunisien Abdelmajid Charfi, il est censuré dès qu'il traite de manière critique des rapports entre science et islam80(*).

Le groupe de réformateurs de l'islam qui se constitue a également ceci de remarquable qu'il rassemble des intellectuels qui s'assignent un rôle d'exégèse sans être théologien au sens organique du terme. « Je précise que je suis historien et pas un faqîh81(*). Je ne fais pas de déclaration au nom de l'islam car je n'ai pas mandat pour le faire ni pour affirmer voilà ce qu'il dit sur telle ou telle question », explique ainsi Mohamed Talbi82(*). En revanche, s'ils n'ont pas tous reçu une formation en théologie, ils ont bel et bien la prétention de faire évoluer l'interprétation du texte coranique en expliquant son contexte. Le Coran qui a, pour ces intellectuels croyants, une dimension à la fois « historique » et « transcendantale83(*) », peut ainsi être analysé avec les outils critiques de la modernité occidentale tout en ne négligeant pas l'aspect sacral du message.

Ces intellectuels ont donc une même idée de la réforme. Elle doit être selon eux réalisée à la fois à l'intérieur de l'islam - faite par des gens de culture et de religion musulmane - et à l'extérieur de celui-ci - par l'utilisation des outils de la modernité occidentale.

2) Une réforme uniforme ?

Il est, comme nous l'avons vu, possible de déceler une certaine ressemblance des parcours de ces intellectuels dont le point commun fondamental est le statut d'intellectuel mi-islamique, mi-occidental : « Ces nouveaux penseurs se distinguent d'autres intellectuels par le fait qu'ils ont acquis une bonne connaissance du patrimoine islamique et qu'ils la confrontent aux données des sciences humaines - histoire, sociologie, anthropologie, linguistique, sémiotique, herméneutique... », explique Rachid Benzine84(*).

Cela se retrouve dans le type d'ijtihad85(*) qui est prôné, même si, bien sûr, leurs idées et convictions ne sont pas identiques. La pensée de ces réformistes se veut une pensée musulmane agrémentée des outils de connaissance développés en Occident. Ainsi Mohamed Talbi, par exemple, prend bien soin de souligner qu'il est « à la fois, historien et musulman86(*) », confrontant ainsi deux termes supposés antinomiques. Ce n'est rien d'autre que veut faire comprendre Rachid Benzine lorsqu'il explique que, pour les nouveaux penseurs de l'islam, « croire en la pertinence éternelle du texte coranique ne veut pas dire pour autant croire en un texte intemporel87(*) ». C'est un message divin transmis dans un contexte culturel humain.

Ainsi, bien que, comme l'affirme Nasr Hamid Abou-Zeid, « le Coran [soit] un texte linguistique, un texte historique et un produit culturel88(*) », les nouveaux penseurs se refusent à remettre en cause le dogme du ijaz89(*) : le Coran est imitable en tant que texte arabe, mais il ne l'est pas en tant que fruit d'une révélation divine renfermant un savoir divin. Sa supériorité réside donc dans son contenu plutôt que dans son style.

La subtilité réside donc dans la cohérence dans le fait de considérer le message du Coran comme un produit à la fois culturel et de nature divine. Puisque la nature transcendantale de l'émetteur n'est pas remise en cause, c'est bien le récepteur du message qui est analysée scientifiquement à travers l'étude du contexte de la Révélation. Les nouveaux penseurs soulèvent donc la problématique du rapport entre la foi islamique et la raison en essayant de concilier les deux. C'est cette délicate nuance qui donne son « air de famille » à tous les nouveaux penseurs de l'islam. Elle peut être synthétisée par cette pensée de Mohamed Talbi :

« Les rénovateurs dont je suis, ne rejettent pas l'apport des sciences humaines comme l'histoire, la sociologie ou l'anthropologie. Mais s'ils sont attachés au meilleur du monde moderne, la liberté, la justice, la tolérance, ils adhèrent en même temps à l'intégralité du message du Coran qu'ils lisent en adéquation avec notre temps. En revanche, pour les islamologues et ces intellectuels que j'appelle `désislamisés', le Coran est une création humaine, un texte culturel totalement désacralisé dont ils réduisent l'approche aux seules sciences humaines. Leur pensée est respectable, mais ce n'est pas une pensée croyante90(*). »

La balance est délicate donc entre la volonté de se démarquer de la pensée occidentale et le besoin d'emprunter certains de ses outils scientifiques : « Il faudrait que les musulmans cessent de confondre les contentieux politiques avec l'Occident et les avancées de la connaissance redevables essentiellement à ce même Occident », explique Mohamed Arkoun91(*). Il est vrai que la grille de pensée adoptée par les nouveaux penseurs, malgré une prudence affichée, paraît très rationaliste, au risque de friser parfois la caricature du positivisme. En distinguant ce qui peut être analysé scientifiquement, les nouveaux penseurs font rentrer l'islam dans un schéma interprétatif occidental. Par exemple, alors que Fethi Benslama effectue une étude psychanalytique du Coran92(*), l'anthropologue Malek Chebel analyse la place de l'individu - concept au centre de la philosophie humaniste européenne - dans la religion musulmane93(*). Une des vingt-sept propositions de son Manifeste pour islam des Lumières consiste même à « affirmer la supériorité de la raison sur toute autre forme de pensée et de croyance94(*) ». Cette volonté d'analyser le Coran avec les outils issus en grande partie de l'histoire occidentale se retrouve chez tous les autres nouveaux penseurs, comme le philosophe Youssef Seddik, qui étydue l'influence hellénistique sur le texte coranique95(*), ou encore Abdelmajid Charfi, qui a beaucoup réfléchi sur l'historicité du message divin96(*).

La vision très rationaliste de ces réformateurs, malgré quelques points de divergence, est donc plutôt homogène. Il est légitime qu'elle puisse être contestée par des réformes se voulant plus endogènes à l'islam et moins influencées par des grilles de pensées proches de celles présentes en Occident. Si Rachid Benzine tente d'évacuer une confusion sémantique en présentant une caste nouvelle non pas de « réformateurs », mais de « penseurs » de l'islam, force est de constater que cette nuance de vocabulaire n'est pas retenue par la presse française. Seuls sont présentés comme réformateurs potentiels de l'histoire ceux qui, nous l'avons vu, prônent une vision positiviste de l'islam. L'opinion publique française, dont les médias français sont à la fois le reflet et le moteur, a la particularité d'attendre de l'islam une évolution similaire à celle qui a pu se produire dans sa propre histoire en terre chrétienne. Les références à des événements historiques marquants sont fréquentes. « L'islam n'a pas encore connu 178997(*) », nous dit-on. Calquant donc le futur idéal de l'islam sur le passé du christianisme, les réformateurs, représentants de « l'islam des lumières98(*) » , sont attendus de façon messianique comme des « Galilée99(*) » des « Erasme100(*) », des « Luther101(*) », des « Descartes102(*) », ou des « Spinoza103(*) » de l'islam. Oui, l'islam doit faire son « Vatican II104(*) » !

Or, ce n'est qu'une partie des réformateurs musulmans qui rentre dans ce moule préconçu. C'est pourquoi ce sont presque toujours les mêmes acteurs qui illustrent les dossiers d'intellectuels prétendant moderniser l'interprétation de l'islam. A partir notamment du livre de Rachid Benzine, Les nouveaux penseurs de l'islam, la globalité du discours médiatique a uniquement accepté une caste de « bons réformateurs » : «Les nouveaux penseurs de l'islam » dans Le Nouvel Observateur105(*), « Les rénovateurs de l'islam » dans Le Monde des religions106(*), les « nouveaux penseurs et vieux censeurs » dans Le Figaro Magazine107(*). Les intellectuels qui en font partie défendent une réforme, nous l'avons vu, très conciliante avec les principes universels développés en Occident. Dans le défi de l'adaptation de l'islam à la modernité occidentale, ils privilégient, selon les données que nous avons précédemment fournies , le critère de compatibilité à celui de singularité. Pour eux, la réforme doit tendre vers un universalisme par rattrapage de certaines idées modernistes occidentales.

C) Rôle de ces intellectuels dans les médias

1) Une caste prestigieuse mais fermée

Les réformateurs acceptés comme tels prêchent donc une réforme peu hétérogène, envisageant un aggiornamento de l'islam tel que le christianisme l'a connu. Mais d'autres intellectuels rejettent cette volonté de vouloir calquer de près ou de loin sur la civilisation islamique ce qu'il s'est passé dans l'ère chrétienne. C'est le cas de Tariq Ramadan, qui est partisan d'un islam « intégraliste », c'est-à-dire qu'il puise ses principes éthiques et moraux dans la religion plutôt que dans d'autres principes universels jugés illégitimes car supposés « occidentaux ». Pensant que c'est la raison islamique qui doit pallier les imperfections de la modernité née dans le monde extra-musulman, il ne cesse de dénoncer la vision « simpliste et toujours occidentalo-centrée108(*) » que l'on peut déceler chez les nouveaux penseurs :

« Pour être entendus, les musulmans occidentaux devront être armés de solides connaissances islamiques, faire preuve d'une rigueur et d'un courage prouvant à leur coreligionnaires qu'ils parlent bien de l'intérieur, qu'ils ne sont pas les promoteurs d'un `nouvel islam' vidé de sa substance qui voudrait, au nom de `l'universalité de nos valeurs', imposer un modèle unique de sociétés109(*) ».

Cependant ce genre de réforme n'est pas recevable en tant que telle par la majorité des médias français. En plus d'être doctrinairement proche des idées des Frères Musulmans, cette idée de réislamisation paraît non seulement mettre en péril notre modèle français de laïcité en ce qu'elle promeut une vision englobante de la religion, mais elle conteste un certain universalisme occidental finalement rarement remis en cause. Ce type de réformateurs n'est d'ailleurs pas désigné comme tel par les journaux en général.

L'exemple de Tariq Ramadan est extrêmement intéressant car ce même personnage est passé du statut du « bon réformateur » à celui d'interlocuteur indésirable. Ayant tout d'abord l'image d'un musulman avant-gardiste dans ses idées sur l'islam, il est l'objet de commentaires élogieux. Lorsqu'en 1995, il est interdit de séjour en France, Le Nouvel Observateur s'indigne du traitement réservé à cet « intellectuel brillant110(*) ».

N'ayant sûrement pas la même conception de la notion de modernisme que ce dernier, la presse a vite rejeté sa réforme comme n'en n'étant pas une. Le problème de Tariq Ramadan, c'est qu'il est, du point de vue médiatique, un « mauvais réformateur » déguisé en « bon réformateur » : «[Tariq Ramadan] n'a pas la gueule de l'emploi. Un islamiste qui porte des gilets de minets, parle avec l'accent suisse et joue avec un art consommé de sa séduction de ténébreux oriental », décrit Christophe Ayad dans Libération111(*). Voici venu le temps donc pour les médias de découvrir « le vrai visage de Tariq Ramadan112(*) ». Celui qui était encore en 2001 un « théologien musulman `réformiste'113(*) » pour Le Nouvel Observateur devient plus tard un « prêcheur genévois114(*) » , un « pigeon voyageur islamiste115(*) », « un roturier helvétique, un simple chargé de cours d'islamologie à l'université de Fribourg116(*) » pour ce même journal.

Que l'on soit ou non d'accord avec la réforme de Tariq Ramadan est parfaitement compréhensible117(*). Qu'on le conteste en tant qu'intellectuel pour la simple raison qu'on ne partage pas ses idées est une autre histoire. En effet, dans la grande majorité des articles le concernant, ce n'est pas le contenu de la réforme qui est discuté mais bien la qualité d'intellectuel qui est déniée au petit-fils de Hassan al-Banna. En raison de ses prises de positions distinctes de celles des « nouveaux penseurs de l'islam », celui-ci devient un « intellectuel contesté118(*) », « `l'émir' des Frères musulmans francophones119(*) », voire une « crapule intellectuelle120(*) ». « En fait, M. Ramadan n'est pas un intellectuel, au mieux un prédicateur », explique Esther Benbassa121(*). De la même façon, Caroline Fourest, auteure d'un livre à charge contre Tariq Ramadan, s'étend sur sa difficulté à soutenir une thèse obtenue « sans honneurs ni félicitations » et dont le but était « de pouvoir se prévaloir d'une caution scientifique122(*) » : « On l'a souvent présenté comme professeur d'université. En réalité, (...) il n'était qu'un modeste professeur de collège de Saussure123(*) »

Se détournant de ses thèses, qui mériteraient discussions, la plupart des médias s'intéressent à sa présupposée tactique. On prête alors à « frère Tariq », « cet intellectuel rusé, champion toutes catégories du double langage, et qui va, de plateau en plateau de télévision, poser, main sur le coeur, au grand réformateur124(*) », une stratégie d'entrisme. Le vocabulaire conspirationniste employé dans les titres le concernant sont éloquents : « Le mystère Tariq Ramadan125(*) », « La théologie au service d'une stratégie politique126(*) », « Tariq Ramadan, sa famille, ses réseaux, son idéologie127(*) », « l'énigmatique128(*) ».

L'entrée de l'islam dans l'ère moderne proposée par Tariq Ramadan n'est donc même pas discutée car supposée dangereuse dans son fondement. Par souci de clarté, voire de simplicité, une certaine presse française a donc largement réduit l'enjeu des réformateurs de l'islam à un débat manichéen au lieu de questionner la pertinence d'une autre réforme de l'islam. Il n'est d'ailleurs pas étonnant de constater que d'autres intellectuels, de cette même mouvance, prônant une vision maximaliste, voire totalisante, de l'islam, restent totalement absents des médias généralistes. Penser la modernité autrement que les nouveaux penseurs de l'islam est médiatiquement rejeté. Ainsi, le travail de Mohamed Hamidullah (1908-2002), proche des Frères musulmans, auteur de plus de 2000 articles traduits dans une vingtaine de langues et d'une quarantaine de livres, est resté peu connu du grand public. Ses idées sont maintenant reprises par Mohamed Mestiri, à tavers l'IIIT, mais il est lui aussi un grand absent des médias.

Enfin, si la place de réformateur de l'islam est prestigieuse et convoitée, il faut brièvement noter à l'opposé que certains qui, par leur travail, pourraient en être membre de plein droit, rejettent cette étiquette. Ainsi, Adel Rifaat et Bahgat Elnadi, qui publient sous le pseudonyme de Mahmoud Hussein, rejettent ce label d' « intellectuels musulmans », que l' « on colle aujourd'hui à tout ce qui pense en arabe129(*) » .

La place de théologien moderniste n'est donc pas donnée à tout le monde : le prétendant doit obéir aux quelques critères étudiés ci-dessus. Ces « nouveaux penseurs » ont tous une même idée de la réforme, il s'agit de moderniser l'islam avec les moyens apportés par la modernité occidentale et non pas l'inverse. Sachant qu'ils sont nés pour répondre à certains défis lancés à l'islam dans ses points d'accroche contemporains, comment ceux-ci peuvent-ils apporter des solutions ?

2) Les réformateurs : la solution aux problèmes contemporains ?

« Pour tous ces intellectuels, il faut sortir de l'utilisation idéologique et pratique des textes - le texte comme prétexte », explique Rachid Benzine130(*). Pourtant, il faut rappeler que l'instrumentalisation de la religion est intrinsèquement une des raisons d'être des nouveaux penseurs de l'islam. Nous l'avons vu, si cette nouvelle caste d'intellectuels musulmans est apparue dans la presse française, c'est parce que la conjoncture fait que l'opinion publique attend de l'islam qu'il réponde à un certain nombre de questions nouvelles. Le rôle médiatique des intellectuels réformateurs est donc plus large que purement théologique. Il s'agit surtout pour eux de montrer comment cette herméneutique coranique peut aider à faire face à un certain nombre de défis contemporains. C'est d'ailleurs en soulignant ceci que Catherine Farhi, du Nouvel Observateur, livre sa définition du réformateur :

« Est véritablement réformateur celui qui tente de relire les textes fondateurs de l'islam, surtout le Coran, avec les yeux d'un homme du XXIè siècle et qui aborde les vrais problèmes posés à l'islam aujourd'hui, qui sont entre autres: l'ouverture au monde et l'acceptation d'autrui - donc la suppression du statut de dhimma, qui est celui des non-musulmans, juifs et chrétiens, en pays d'islam -; la liberté de conscience - donc la remise en cause de la peine de mort pour l'apostasie -; l'égalité des sexes - donc le refus de la répudiation et des droits moindres accordés à la femme en matière d'héritage.
Ce sont ceux qui s'attaquent à ces problèmes-là pour tenter de conjuguer islam et modernité que j'appellerais réformateurs131(*). »

C'est en conséquence de la peur d'une supposée confrontation entre civilisations musulmane et occidentale que l'on impose à l'islam de se réformer de l'intérieur, ceci afin qu'il se mette en adéquation avec un certain nombre de principes universalistes :

« On le savait depuis longtemps mais l'attentat de New York a servi de révélateur. Beaucoup de musulmans avaient peur de trahir leur religion ou simplement leur identité en critiquant publiquement les excès ou les crimes de leurs coreligionnaires, mais cette fois, trop c'est trop. Ils refusent de se reconnaître dans cette image de haine qu'incarne Ben Laden. Maintenant, il faut prendre parti. Contre le fanatisme, contre la violence et donc, si l'on veut aller au bout du raisonnement, contre une lecture déviante de l'islam. (...)  Aujourd'hui, des penseurs musulmans s'interrogent, appellent à une autocritique et ouvrent un débat longtemps gelé, celui de la coexistence entre l'islam et la modernité. C'est un tournant qu'il ne faut pas sous-estimer132(*)

Le discours de ces réformateurs très prisés des médias est en effet rassurant tant au niveau politique que géopolitique. Sur le plan intérieur, les nouveaux penseurs de l'islam développent une vision qui flatte son auditoire occidental. Même si la laïcité française est parfois jugée trop stricte, « voulant mouler les gens dans le jacobinisme133(*) », il y a un large consensus autour des grands problèmes entre islam et République : les réformateurs médiatiques sont par exemple contre le port du voile. Sur le plan extérieur, les nouveaux penseurs présentent un discours qui dépasse le « choc des civilisations ». Les pratiques jugées archaïques présentes dans le monde musulman (excision, lapidation...) sont condamnées avec vigueur, tout comme l'est l'islamisme. Ghaleb Bencheikh, ancien présentateur de l'émission « Islam » sur France 2, synthétise de façon un peu simpliste cette vision très libérale de l'islam, rejetant tout ce qui pourrait apparaître comme régressif aux yeux occidentaux comme n'étant pas islamique134(*).

Pour être efficace, encore faut-il que cette réforme critique soit diffusée. La prolifération ces dernières années de revues musulmanes est un signe évident du dynamisme de la pensée islamique contemporaine. Parmi celles-ci, nous pouvons citer Islam de France, créée en 1997 par Saïd Branine et Michel Renard, ainsi que La Médina, fondée un an plus tard par Hakim El-Ghissassi. Quant à la revue trimestrielle Prologues, elle est lancée par Abdou Filali-Ansary. Son objectif annoncé est la « rénovation dans la pensée arabo-islamique contemporaine, (...) pour que la pensée religieuse musulmane établisse un rapport intérieur vivant avec l'éthique moderne, celle de la démocratie et des droits de l'homme135(*) .»

Si la réforme doit, pour se diffuser, atteindre la communauté scientifique, elle n'est efficace que si elle touche les sociétés civiles. Voilà pourquoi Abdelmajid Charfi, par exemple, développe ses propos en arabe. Même si cela le rend moins visible au niveau médiatique en France, sa pensée a plus de chance d'être efficace en atteignant des lecteurs unilingues. Pour avoir un impact le plus large possible, d'autres médias sont également utilisés. Par exemple, dans Cultures d'islam, émission diffusée sur les ondes de France Culture, Abdelwahab Meddeb prône pour un véritable ijtihad.

La réforme proposée par ces nouveaux penseurs a donc pour objectif plus ou moins explicite de résoudre bon nombre de problèmes actuels. Mais peut-elle être réellement efficace sur les populations musulmanes malgré le fait qu'elle paraisse accessible uniquement à une minorité de croyants privilégiés par leur connaissance de la culture moderne occidentale ? En effet, certains chercheurs ne croient pas que la théologie critique aura un quelconque effet pour adapter l'islam à la modernité, à l'instar de ce qu'explique Olivier Roy :

« C'est une erreur de croire que la pratique change quand la doctrine a changé. C'est l'inverse qui se produit. C'est comme si l'on disait que sans le protestantisme, le catholicisme aurait été incapable de la moindre adaptation à la modernité. Appliquer à l'islam cette caricature de l'histoire interne au christianisme occidental n'a pas de sens. Les changements ne se feront pas sur des bases culturelles ou théologiques - cherchez le `bon musulman'... - qui ne correspondent pas à la demande religieuse aujourd'hui136(*). »

Est-ce l'évolution de la théologie qui induira un changement dans les sociétés où est-ce les mutations des sociétés qui entraîneront une nouvelle théologie ? Pour Jean-Louis Schlegel aussi, la réponse est claire :

« Plutôt que des principes intangibles de l'islam des théologiens (et des chercheurs occidentaux), il faudrait partir de cet islam vécu au quotidien, des compromis innombrables qu'il a déjà opérés et qu'il opère tous les jours avec les sociétés modernes où il vit, et où il ne vit pas si mal qu'on voudrait le faire croire137(*) ».

Bien que la réforme engagée soit le fruit d'une réflexion s'étalant sur plus grande durée historique, ces dernières années ont véritablement vu se constituer un tout nouveau groupe médiatico-intellectuel : celui du nouveau penseur de l'islam. Cette figure médiatique obéit à certains critères stricts et exclut donc les autres intellectuels, dont ceux, à l'instar de Tariq Ramadan, qui veulent rendre l'islam moderne en islamisant la modernité. Toujours en parallèle, le fait que la France favorise la constitution d' un islam gallican pendant cette période crée de la même façon un nouveau champ : celui l'intellectuel musulman organique.

III. L'intellectuel représentant de l'islam de France

Nous avons vu que les médias français pris dans leur globalité ont tendance à calquer l'image d'une évolution désirée de l'islam sur « notre » propre histoire occidentale. Ils ont été jusqu'à inventer un nouveau clan du parfait intellectuel réformateur musulman. Parallèlement à celui-ci, les années 1990 marquent la naissance d'une catégorie d'intellectuels organiques de la religion musulmane, là encore en établissant des ponts et des points de comparaison évidents avec l'histoire du christianisme ou du judaïsme en France. L'islam étant une religion sans Eglise, il faut créer un « islam gallican », ce à quoi s'attellent plusieurs « Napoléon de l'islam138(*) ». Néanmoins, à l'image de la difficile naissance d'un islam de France, l'accouchement de ces intellectuels musulmans officiels est bien complexe. Nous étudierons donc dans cette partie comment se constitue une nouvelle place de légitimation d'intellectuels musulmans organiques, avant de tirer un bilan précoce des forces de ce tout nouveau paysage islamique français. Enfin, le troisième point permettra de nous demander si le rôle de ces intellectuels est plus large que purement organique.

A) Une nouvelle place de légitimation intellectuelle

1) Bref historique de la mise en place de l'islam de France

Passer d'un islam en France à un islam de France n'est pas chose aisée. La communauté islamique prend conscience dans les années 1980 de la nécessité d'organiser le culte musulman dans l'Hexagone. Certaines difficultés apparaissent en effet pour le choix de la date du ramadan, le marché de la viande halal, le recrutement des imams, l'enseignement de l'arabe, ou encore la gestion des lieux de prières. Le processus déclenché par le ministre des cultes Pierre Joxe en 1989 lance réellement l'impulsion qui aboutit finalement à l'élection du Conseil Français du Culte Musulman (CFCM) en 2003. Mais le chemin n'a pas été sans cahots.

De novembre 1989 à mars 1990, quinze personnalités sont réunies à l'initiative de Pierre Joxe au sein du CORIF (Conseil de Réflexion sur l'Islam en France). Ce processus de consultation est stoppé par le retour de la droite au pouvoir en 1993. Charles Pasqua, arrivé place Beauvau, s'appuie à nouveau sur la Mosquée de Paris. Dalil Boubakeur, son recteur, devient alors l'interlocuteur privilégié des pouvoirs publics, tandis que le processus de création d'un l'islam de France représentatif est en sommeil pour quelques années. En novembre 1999, c'est Jean-Pierre Chevènement qui relance une très large consultation (7 fédérations, 5 grandes moquées et 6 personnalités). Ses efforts sont relayés par Daniel Vaillant et aboutissent à la première élection d'un Conseil Français du Culte Musulman (CFCM) sous l'ère Nicolas Sarkozy en avril 2003.

En quinze ans donc, un long chemin est parcouru dans l'instauration d'un islam de France. Et le processus reste inachevé : le CFCM peine à s'assurer une réelle légitimité, ses grands projets restant encore à l'état d'ébauches. Sur la forme, le CFCM subit crise sur crise et enregistre fréquemment la démission de ses membres les plus influents. Sur le fond, il n'arrive pas à s'imposer sur tous les sujets qui font partie de son champ d'attribution. Malgré cette naissance encore partielle, comment ce nouvel islam de France a-t-il créé une nouvelle posture de légitimation intellectuelle ?

2) Un marché complexe : la loi de l'offre et de la demande

Grâce au processus de mise en place d'un islam de France, celui qui devient interlocuteur privilégié de l'Etat gagne en crédibilité. L'enjeu est de devenir un intellectuel jouant le rôle de pont entre la République et la communauté musulmane. Avec la création du Conseil des sages musulmans le 6 novembre 1989, quinze musulmans ont, selon les mots de Michel Kubler dans La Croix, l'occasion d'ajouter une ligne à leur « carte de visite139(*) ». La place est donc convoitée, le marché est complexe : l'offre est précise, la demande multiple.

L'offre de l'Etat français présente trois exigences : la République réclame de ce futur émissaire de la communauté musulmane qu'il soit à la fois français, républicain et représentatif. La première exigence des ministres des cultes successifs est donc de « gallicaniser », de « franciser » l'islam. Chaque interlocuteur entretient en général des relations plus ou moins soutenues avec des pays du monde musulman, comme l'Algérie pour les proches de la Mosquée de Paris, le Maroc pour ceux de la FNMF (Fédération Nationale des Musulmans de France) ou l'Arabie Saoudite pour ceux de l'UOIF (Union des Organisation Islamiques de France). Pour effacer ces luttes d'influence étrangères, l'Etat va s'efforcer de choisir des représentants français. L'Institut Musulman de la Mosquée de Paris est le symbole de la lutte menée par la France, qui ne parvient à imposer un recteur français à sa tête qu'en 1992. A défaut de pouvoir couper totalement ses interlocuteurs des pressions de l'étranger, l'Etat français va donc s'efforcer d'annihiler les influences extérieures potentielles de ceux-ci en les combinant et donc en les neutralisant.

La deuxième revendication de l'Etat est que le futur représentant de l'islam de France montre patte blanche en matière républicaine. La « Déclaration d'intention relative aux droits et obligations des fidèles du culte musulman », que Jean-Pierre Chevènement impose à ses interlocuteurs comme préalable à toute négociation, en est l'illustre exemple. Seront donc favorisés, dans la mesure du possible, les interlocuteurs porteurs de l'islam le moins menaçant possible pour les grands principes de la République française.

Français et républicain donc, le candidat doit également être représentatif. Dès le départ du dialogue, Pierre Joxe fait part de son souci d'encourager les personnes qui ont une « expérience de terrain » : « L'essentiel, pour moi, est de pouvoir dialoguer avec des gens qui m'informeront par une expérience de première main sur l'islam concret, vécu quotidiennement en France par des centaines de milliers d'hommes et de femmes, français et étrangers140(*). » Pas question donc pour l'intellectuel musulman potentiel de représenter un islam trop éloigné de celui pratiqué à sa base.

Quant à la demande des leaders musulmans, elle est hétérogène mais s'adapte à l'offre de l'Etat. Il convient de distinguer trois types de « solliciteurs de légitimité ». Il y a tout d'abord les leaders de fédérations : la Mosquée de Paris (de Cheikh Abbas au Docteur Boubakeur), l'UOIF ( Abdallah Ben Mansour, Lhaj Thami Breze, Fouad Alaoui, ou encore Farid Abdelkrim), la FNMF ( Youssouf Leclerc,  Mohamed Bechari, Abdallah Boussouf), les autres leaders de fédérations étant plus en retrait (le Tabligh par exemple). Ce trio de fédérations constitue les partenaires les plus naturels pour les pouvoirs publics, un privilège qui a d'ailleurs été contesté par un « front de refus contre la bande des trois141(*) ». Les recteurs des grandes mosquées ont en effet aussi l'intention de se faire entendre (Kamel Katbane de la Grande Mosquée de Lyon, Khalil Merroun de la Grande Mosquée d'Evry, Amar Lasfar de la Grande Mosquée de Lille). Enfin, un troisième type d'acteur, l'intellectuel indépendant, c'est-à-dire n'appartenant officiellement ni aux fédérations, ni aux grandes mosquées, complète ce panel de candidats. Il s'agit entre autres des convertis Michel Chodkiewicz et Eric Geoffroy, du cheikh alawi Khaled Bentounès, de l'anthropologue Dounia Bouzar, ou encore du mufti de Marseille Soheib Bencheikh.

La mise en place de l'islam de France crée donc un nouveau champ pour l'intellectuel musulman : celui d'interface avec les pouvoirs publics. Des acteurs hétérogènes répondent diversement aux critères exigés par l'Etat. Quel est donc le portrait du paysage islamique français qui se dégage de ce jeu complexe ?

B) Le nouveau visage de l'intelligentsia musulmane organique

Un certain nombre d'acteurs émergent dans cette course au leadership cultuel. Nous avons ici choisi d'en distinguer cinq catégories. Les représentants de deux plus grandes fédérations (Mosquée de Paris et UOIF) sont analysés séparément, ceci en raison de leur importance. Quant à la FNMF, troisième fédération de taille, elle n'est pas traitée ici pour la bonne et simple raison que, malgré ses bons résultats aux deux élections du CFCM, elle est continuellement en pleine crise en son sommet. Ainsi, ses présidents successifs ne se sont jamais imposés comme des interlocuteurs médiatiques incontournables, à la différence de leurs collègues des deux autres fédérations. A côté de celles-ci, nous verrons que la création du CFCM a permis de mettre en lumière non seulement des intellectuels indépendants collaborant à la mise en place de l'islam de France, mais aussi des personnalités emblématiques de l'islam local. Enfin, d'autres personnages, les « anti-CFCM », ont également amplement profité de la création de celui-ci pour asseoir leur autorité intellectuelle.

1) Remise en cause de la prédominance du recteur de la Mosquée de Paris.

Depuis sa construction en 1922 dans le cinquième arrondissement de la capitale, la mosquée de Paris était, à travers son recteur, l'unique visage du culte musulman de France. De cette position historiquement hégémonique, elle hérite d'un entêtement constant à essayer de fédérer la communauté musulmane autour d'elle. C'est dans ce sens qu'elle crée le Conseil Supérieur des Affaires Islamiques de France (CSAIF) en 1981, la Coordination Nationale des Musulmans de France (CNMF) en 1993, et le Conseil Représentatif des Musulmans de France (CRMF) en 1994. Mais ces « prétentions à représenter l'ensemble de la communauté, à la hussarde, que toute le monde n'a pas appréciée142(*) », se sont révélées vaines, voire contre-productives. A défaut d'imposer une fédération de la communauté musulmane autour d'elle, la Mosquée de Paris a dû se résigner au principe du dialogue ouvert de l'Etat.  Par ses recteurs successifs (Cheikh Abbas jusqu'en 1989 ; puis Tedjini Haddam, remplacé depuis 1992 par Dalil Boubakeur), elle a dû accepter la perte de son hégémonie dans une consultation par définition ouverte et hétérogène. C'est pourquoi son dirigeant actuel voit dans le processus engagé une perte de l'influence historique de sa fédération : « Le rôle de la Mosquée de Paris n'est pas même évoqué. Or il faut partir du principe que la Grande Mosquée de Paris est la première en France, symboliquement et historiquement143(*) .»

En réalité, aux trois critères retenus par l'Etat français (islam républicain, français et représentatif), la Mosquée de Paris répond plus ou moins bien. La caractéristique faisant sa force est son parti pris pour un islam très libéral, en parfaite adéquation avec le modèle français de laïcité. Si Hamza Boubakeur (1912-1995), recteur jusqu'en 1982 et auteur d'une traduction du Coran qui a fait école, reste pour la presse « le héraut d'un islam moderne relevant les défis de la rationalité144(*) ». Son fils Dalil affiche quant à lui un discours sur mesure pour ne pas froisser les opinions du Français moyen. Ce proche de Jacques Chirac, qui ne remarque pas, « malgré les discours tenus, un racisme dans la population française145(*) » n'hésite pas à conforter une islamophobie146(*) ambiante dans la société française en dénonçant « l'entrisme de certaines organisations islamistes147(*) ». Tout cela fait de lui, à l'unisson des journaux généralistes français, un « bon musulman148(*) », représentant un « islam tranquille149(*) ».

Le deuxième critère, celui du caractère français, pose déjà plus de problèmes. La Mosquée de Paris est gérée depuis sa fondation par une association algérienne, la société des habous150(*) et des lieux saints de l'islam. Après l'indépendance de l'Algérie, Si Hamza Boubakeur fait transférer le siège de cette dernière en France. Mais en 1982, l'Algérie finit par gagner le bras de fer en parachutant un nouveau recteur non francophone, cheikh Abbas151(*). Ce n'est qu'en avril 1992 que la France gagne partiellement la partie en imposant un recteur français, Dalil Boubakeur : « Un médecin remplace un médecin, mais c'est un Français qui succède à un Algérien », s'enthousiasme Michel Kubler dans La Croix152(*). Mais, ne nous leurrons pas, la Mosquée de Paris reste grandement soumise aux intérêts de la communauté d'origine algérienne, qui représente environ la moitié de la population musulmane en France. Dalil Boubakeur a d'ailleurs le statut de diplomate et est donc salarié du gouvernement algérien.

Le recteur de la Mosquée de Paris, s'il est bel et bien avocat d'un islam apaisé, s'est donc plus ou moins mis en conformité avec l'exigence de la nationalité française. En revanche, il est un critère qu'il peine à remplir : celui de la représentativité. La vitrine historique de l'islam français est de façon récurrente accusée de représenter « l'islam d'en haut », complètement coupé de « l'islam d'en bas ». Franck Fregosi, sociologue, pointe du doigt « les clivages entre un islam parisien paré de toutes les vertus républicaines (libéral, moderne, français...) et un islam de base affublé de tous les vices (fondamentaliste, sectaire, radical...)153(*) ». Dalil Boubakeur s'est en effet distingué par ses maladresses, pour ne pas dire son mépris, à l'égard de la base musulmane. Pour Abderrahmane Dahmane, président du Conseil des démocrates musulmans, «cet homme est responsable de la plus cuisante défaite de l'islam moderne154(*) ». Sa condamnation de « l'islam des excités des banlieues155(*) » a en effet été très mal reçue sur le terrain, confortant l'image de « coquille vide156(*) » de la Mosquée de Paris, qui n'aurait aucune audience sur le terrain.

Un problème se pose alors : les trois critères exigés par l'Etat français sont-ils compatibles ? A regarder les choix de divers acteurs de l'islam de France, se dégage l'idée qu'il y a antinomie entre le choix de la modération et celui de la représentativité. Dès l'affaire Rushdie, s'est dessiné l'impératif de conjuguer la satisfaction de sa base tout en ne froissant pas l'Etat français : « l'attentisme prudent de Cheikh Abbas, recteur de la mosquée de Paris, s'enracine (...) dans le souci de maintenir un équilibre entre tendances et de perpétuer une position d'interlocuteur », explique alors Vincent Hugeux dans La Croix157(*). Certains observateurs estiment dès 1989 que c'est parce que la réaction du recteur de la mosquée de Paris au livre de Salman Rushdie a été trop molle que d'autres groupuscules radicaux, comme la Voix de l'Islam, ont été légitimés par leurs prises de position plus intransigeantes, mais également plus proches de celles de la base musulmane.

Quel bilan alors tirer du rôle de la Mosquée de Paris, et en particulier de son recteur, compte tenu de la composition de l'islam de France ? Nul ne peut contester que sa suprématie historique a été ébranlée. Car même si Dalil Boubakeur est, depuis 2003, président du CFCM, il a été non pas élu mais nommé à ce poste. De plus, la Mosquée de Paris est apparue comme la grande perdante des élections du CFCM, soulignant un peu plus le contraste entre sa notoriété auprès des cercles politiques et médiatiques et son impopularité à la base. Ce sont en effet les tenants d'un islam beaucoup plus affirmé qui apparaissent comme les vainqueurs de cette naissance d'un islam de France.

2) Une légitimation des barbus ?

S'il est de grands vainqueurs déclarés à la course au leadership cultuel français, ce sont bien les « barbus de l'UOIF », comme la presse s'est accoutumée à les nommer. Les caractéristiques des leaders de cette fédération, une nébuleuse créée en 1983 et qui regroupe quelque deux cents associations de taille variable, sont strictement opposées à celles de la Mosquée de Paris. La représentativité, lacune de la Mosquée de Paris, semble assurée aux partisans de cet islam plus radical.

Cela suffit-il à rendre cette fédération, s'inspirant des Frères musulmans égyptiens, légitime dans la représentation cultuelle ? En effet, quelle que soit la direction que prend la consultation de l'islam de France, l'idée se propage que « les barbus font leur chemin »158(*). Dès 1990, Abdallah Ben Mansour, président fondateur de l'UOIF, fait partie du CORIF de Pierre Joxe. Le dialogue entre l'Etat et cette organisation est donc antérieur au CFCM. L'idée très répandue selon laquelle elle aurait été « adoubée » par Nicolas Sarkozy est donc fausse159(*). Il n'en reste pas moins que le processus d'organisation de l'islam de France, basé sur des discussions les plus larges possibles, est accusé de manière répétitive de favoriser les islamistes. Mais si la consultation des partisans d'un islam politique - qui est, qu'on le veuille ou non, une lecture de l'islam - est légitime, il est en revanche étonnant que d'autres tendances de l'islamisme, comme l'AEIF (Association des Etudiants Islamiques de France) ne fassent pas contrepoids au sein la consultation, comme l'explique Xavier Ternisien : «   Présentement, le danger n'est pas d'avoir introduit l'UOIF dans la représentation de l'islam. Il est plutôt de ne pas lui avoir suscité une concurrence issue de la même mouvance160(*). »

Pourtant, l'UOIF a multiplié les efforts ces dernières années pour paraître comme une organisation des plus fréquentables. Fouad Alaoui, vice-président du CFCM, a par exemple tenté d'instaurer un dialogue avec la communauté juive161(*), signe non négligeable pour qui veut apparaître comme un interlocuteur musulman respectable : « l'UOIF sait qu'un dialogue public avec les juifs vaut brevet de respectabilité162(*). »

Autre exemple, en 2005, la 22e rencontre des musulmans de France du Bourget, cérémonie annuelle orchestrée par l'UOIF, est la première qui ne sépare pas hommes et femmes dans l'assistance163(*). Mais l'événement qui sert de scène idéale pour l'UOIF afin d'afficher son républicanisme est l'affaire des otages en 2004. Implorant les ravisseurs de libérer les deux journalistes français officiellement enlevés en riposte à la loi française dite « du foulard » du 15 mars 2004, l'UOIF a été contrainte de « choisir son camp » sous la pression médiatique et diplomatique, comme l'explique Jean Daniel dans Le Nouvel Observateur :

« Les Français musulmans ont gagné ici avec éclat leur brevet de républicanisme, c'est-à-dire, aussi, de laïcité. Ensuite, les institutions incarnées par le Conseil français du Culte musulman, qui ont été très discutées du fait du radicalisme de certains de leurs représentants, ces institutions légales ont désormais une légitimité164(*). »

Néanmoins l'enthousiasme médiatique est partiel et se retourne même parfois contre les représentants de l'UOIF. « Armistice tactique ou paix des braves ? », questionne Claude Askolovitch dans ce même journal165(*). La situation de l'UOIF est donc paradoxale puisque la fédération n'a jamais été autant décriée que depuis qu'elle s'efforce de se « normaliser ». C'est la fameuse crainte du « double jeu » : les leaders de l'UOIF faisaient moins peur en affichant leur intransigeance qu'en tentant d'esquisser un discours plus moderne. Ainsi, ces « pompiers incendiaires166(*) », aux « ambitions secrètes167(*) », ne sont rien d'autre que « des maîtres tacticiens168(*)». Simple coquille ou lapsus révélateur, les lettres UOIF sont d'ailleurs parfois faussement présentées comme étant les initiales de l' « Union des Organisations Islamistes de France169(*) ». La tentative de normalisation des leaders radicaux est donc perçue avec méfiance comme étant une stratégie d'entrisme :

« Les dirigeants de l'UOIF ont des objectifs clairs et une stratégie de conquête (...), l'UOIF a voulu faire de la France une base arrière : un lieu où des militants islamistes pouvaient trouver refuge et où l'on essaie de modifier le regard que porte l'opinion publique sur leurs pays d'origine170(*) ».

A l'instar de l'image de la duplicité de Tariq Ramadan qui est véhiculée, la presse appelle majoritairement à ne pas se fier aux apparences trompeuses des membres de l'UOIF :

« Chaleureux, volubile, arborant costume croisé et barbe taillée, titulaire d'un DEA de sciences politiques, Lhaj Thami Breze incarne bien la fédération qu'il préside et qui prétend promouvoir un islam `moderne', prêt à s'adapter à la société française, tout en se nourrissant de références théologiques fondamentalistes, puisées notamment à la source des Frères musulmans égyptiens, et de l'argent du Golfe171(*). »

La fédération, à travers ses quelques visages, comme Fouad Alaoui, Lhaj Thami Breze, Farid Abdelkrim, a donc réussi à se créer une place d'interlocuteur incontournable des pouvoirs publics. Néanmoins ses tentatives pour combler des lacunes en matière d'esprit républicain s'avèrent pour l'instant contre-productives. D'autant que cette orientation peut paraître dangereuse en interne. Dans une organisation qui a toujours privilégié un islam assez proche de l'islam d'en bas, cette standardisation du discours peut laisser sceptique. Comment la situation va-t-elle évoluer dans le futur ? Déjà se dessinent les prémisses d'une scission au sein de la fédération entre les « pragmatiques » (Fouad Alaoui, Lhaj Thami Breze) et les « orthodoxes » (Farid Abdelkrim), craignant que l'UOIF devienne, à l'instar de la Mosquée de Paris, une « coquille sans âme172(*) ».

3) L'émergence nouvelles personnalités indépendantes

Plusieurs individus ont été choisis pour représenter un avis indépendant sur l'islam de France dans la mise en place de celui-ci. Certains n'ont pas profité de ce rôle d'interface avec les pouvoirs publics pour acquérir une visibilité intellectuelle nouvelle. Par exemple, Michel Chodkiewicz se prévaut rarement de son statut de personnalité qualifiée au sein du CFCM. En revanche, la consultation a permis à certains individus d'émerger ou de rebondir sur la scène médiatique en tant que personnalités semi-autonomes. Elles ont ainsi une position tangente. Elles se veulent à la fois indépendantes, mais sont tout de même associées au processus de consultation. Parmi celles-ci, l'exemple le plus patent est celui de Soheib Bencheikh, fils de Cheikh Abbas, devenu le véritable « chouchou des médias173(*) ».

Soheib Bencheikh est né le 20 décembre 1961 à Djeddah en Arabie saoudite. Il est diplômé de l'université Al-Azhar du Caire et docteur en sciences religieuses de l'Ecole pratique des hautes études. Nommé mufti de Marseille en 1995 par Dalil Boubakeur, il défend un islam très moderne, plutôt éloigné de celui enseigné dans les mosquées. Déclarant lui-même s'inscrire dans le courant réformiste, engagé pour un retour au texte et sa relecture avec les attentes d'aujourd'hui, il a choisi un mode de légitimation distinct des intellectuels réformateurs étudiés précédemment, bien qu'il partage une conception de la religion très proche de ceux-ci :

« Toute tentative de réformer l'islam - et le droit musulman en particulier - passe donc par un travail de désacralisation, par une relecture des textes à la lumière de l'intelligence moderne, par la recherche d'une orientation, d'une courbe comme on dirait en mathématiques, pour permettre au musulman de bien vivre son islam aujourd'hui. Si cette désacralisation ne se fait pas, c'est la sécularisation ou la laïcisation qui s'ensuivront, dans les pires conditions. La sécularisation de la société dans l'Europe chrétienne n'a pas attendu le concile Vatican II. L'islam n'est pas différent à cet égard : ou il marche avec son siècle, ou il reste à la marge de la société moderne.»174(*)

Critiquant dans un premier temps « le principe et les modalités de la consultation sur l'organisation du culte musulman en France175(*) », Soheib Bencheikh choisit de rentrer dedans en trouvant le compromis du « soutien critique176(*) » à celle-ci. Comme toutes les personnalités indépendantes de la consultation, il fait figure de contrepoids contre les fédérations et grandes mosquées jugées trop radicales. Il n'hésite pas à condamner certains de ses collègues, en qualifiant l'UOIF « d'antichambre fondamentaliste de l'islamisme le plus radical177(*) ».

Officiellement indépendant, Soheib Bencheikh est pourtant très proche de la Mosquée de Paris. Il n'est donc pas étonnant que son profil soit semblable au portrait de Dalil Boubakeur évoqué plus haut. Ainsi, il fait figure de grand mufti, partisan « d'un islam de progrès, d'ouverture et de civilisation178(*) », « reconnu par l'Etat mais non pas l'ensemble de sa communauté »179(*) , et qui tente avec insistance de fédérer la communauté autour de lui. En plus de ces caractéristiques, Soheib Bencheikh a les prédispositions parfaites de la star médiatique. Il n'est d'ailleurs pour Marianne rien d'autre qu'un « tendron à la théologie rebelle », « bon cheikh, bon genre180(*) » !

L'irruption médiatique du grand mufti de Marseille est donc due à sa modernité tant dans le fond que dans la forme. Contrepoids parfait des traditionalistes, c'est incontestablement lui qui occupe la majorité du champ médiatique des personnalités qualifiées du CFCM. Il y a donc peu de place à côté de Soheib Bencheikh...à moins de se mettre en marge de la consultation ?

4) La légitimation en marge, voire contre la consultation 

La naissance du CFCM crée une place de légitimité intellectuelle. Mais la contestation de la consultation est également un champ abondamment utilisé et relativement porteur. Il a déjà été montré combien Soheib Bencheikh profite de sa posture à la fois interne et détachée du CFCM. Dans un hors-série de la revue Cités, Franck Fregosi décrit comment le champ des « anti-CFCM » est convoité181(*). Il y a non seulement ceux qui ont démissionné du conseil, mais aussi ceux qui se sont toujours présentés dans le combat contre celui-ci.

Le CFCM, malgré son jeune âge, a connu un grand nombre de démissions. Presque toutes ses composantes ont déjà usé du chantage à la démission. Les départs de deux femmes ont été particulièrement médiatiques : ceux de Betoule Fekkar-Lambiotte et de Dounia Bouzar. Si Bétoule Fekkar-Lambiotte jette l'éponge « pour défendre l'islam républicain », accusant Nicolas Sarkozy de privilégier « un islam parfaitement rétrograde182(*) », Dounia Bouzar explique quant à elle que le CFCM n'est préoccupé que par ses propres élections, occultant les débats de fond. L'anthropologue qui, pour Nicolas Sarkozy, « a le profil idéal pour faire aimer l'islam à tous les Français183(*) », a particulièrement gagné en légitimité en participant puis en quittant le CFCM.  Elle est en effet désormais acceptée comme une intellectuelle à part entière malgré une pensée a priori moins conciliante que celle de Soheib Bencheikh par exemple184(*). La légitimité de ces deux femmes démissionnaires est désormais double. Elles ont non seulement essayé de participer activement à la représentation du culte musulman, mais en en démissionnant, elles se placent dans une posture de supériorité à l'égard d'un Conseil qui ne les « mérite » pas.

Parallèlement, un certain nombre de responsables musulmans ont fait de la consultation sur l'islam de France leur cheval de bataille. Il s'agit principalement des représentants des fédérations de jeunes musulmans, comme l'Union des Jeunes Musulmans (UJM), le CJM (Collectif des Jeunes Musulmans) et EMF (Etudiants Musulmans de France). Ils reprochent en général la non-représentation de l'islam des jeunes beurs, c'est-à-dire des immigrés de la deuxième ou troisième génération, au sein du CFCM. Ainsi, Yamin Makri, porte-parole du CMF (Collectif des musulmans de France), estime qu'il se sent « trop français pour [s'] y reconnaître185(*) ». Ces quelques activistes ont en général choisi, au contraire des participants du CFCM, le créneau de la lutte au sein d'association de « jeunes musulmans », refusant ainsi de prendre part à une organisation institutionnalisée, par définition dépendante186(*). En revanche, un autre type d'acteur a amplement profité de la mise en place d'un islam de France en y participant. Il s'agit des représentants de l' « islam d'en bas ».

5) La nouvelle visibilité de l'islam local

Comme nous l'avons vu précédemment, la consultation a pour objectif de représenter l'islam concret. Elle constitue donc pour des représentants de l'islam local l'opportunité d'acquérir une légitimité médiatique. Grâce à l'organisation du culte musulman, l' « islam des caves », source de toutes les peurs, est en passe de disparaître. Par exemple, Mamadou Daffé, tout d'abord étiqueté « islamiste » par les Renseignements Généraux187(*) et « trop musulman pour être français188(*) » par la presse, devient peu à peu une de ces nouvelles stars médiatiques de l'islam local.

La naissance de leur image dans la presse permet ainsi de diffuser des conceptions de l'islam moins communes, ne pouvant être accusées de méconnaître les réalités de la base musulmane, tout en dépassant le clivage binaire entre un islam d'en haut modéré et un islam d'en bas radical. Tareq Oubrou, imam de Bordeaux, a ainsi pu faire connaître sa théorie originale du « fiqh de minorité », qui est une adaptation des musulmans à leur situation minoritaire en dar al-harb189(*). Même s'il apparaît comme conservateur sur bien des points, comme la morale privée ou la place des femmes, la dynamique de légitimation de l'islam local, créée par la naissance d'un islam de France représentatif, a contribué à rendre ses thèses, sinon recevables, du moins audibles. Cela crée une certaine émulation intellectuelle dans la théorisation de l'islam. Ainsi, Leila Babès, intellectuelle engagée pour un islam des Lumières, a accepté de confronter son point de vue avec ce dernier dans un livre d'entretiens190(*) :

« Je reste sans prise sur une communauté qui fonctionne comme une organisation de masse. Mais je veux créer des ponts avec elle, et c'est pourquoi je n'ai pas fait ce livre seule, mais avec un homme de religion reconnu afin de susciter le débat191(*). ».

Un dialogue, bien qu'inégal, est bel est bien né, comme le montre cette critique du livre de Marion Festraëts, parue dans L'Express :

« Tenante de la critique scientifique des textes et farouche militante de la liberté de penser, Leïla Babès pousse le religieux, homme d'ouverture issu d'une lignée traditionaliste, dans ses retranchements, le met face aux contradictions d'une spiritualité difficile à dissocier du contexte historique de sa révélation192(*). »

La consultation de l'islam de France par l'Etat français constitue donc une chance inouïe pour quelques personnalités réellement représentatives de l'islam vécu qui peuvent ainsi sortir de l'ombre. Si toutes sortes d'intellectuels ont donc émergé de la naissance d'un islam de France, comment utilisent-ils ce rôle d'intellectuel musulman organique ?

C) L'élargissement du rôle de ces intellectuels

La mission principale de ces intellectuels certifiés par l'Etat est tout d'abord celle qui leur est officiellement assignée, à savoir l'organisation du culte musulman. Par exemple, dès 1990, le CORIF décide pour la première fois collégialement d'une date de ramadan commune. Depuis sa mise en place, le CFCM travaille sur certains dossiers significatifs : tous les grands défis qui se posent aux musulmans aujourd'hui comme la formation des imams, le pèlerinage à La Mecque, le mois de Ramadan, la célébration des fêtes religieuses, la viande halal, le financement des lieux de culte ou encore l'aumônerie musulmane en prison sont évoqués. Le CFCM peut ainsi continuer une mise en place d'un islam de France restée incomplète.

Jouant sur la frontière floue entre culte et culture, les membres du Conseil se veulent plus qu'un simple consistoire. Ils rejettent l'idée d'un « CRIF musulman » à leurs côtés. Par exemple, le CFCM prend régulièrement position contre « l'islamophobie culturelle ». Ainsi, en 2003, réagissant aux propos de l'éditorialiste du Point Claude Imbert, le Conseil à peine installé publie un texte stipulant notamment :

« Le conseil français du culte musulman a été mis en place par la loi, dans le cadre du jeu républicain. Il ne pensait pas être si vite confronté à la revendication de l'islamophobie. Soucieux de remplir pleinement sa mission, le CFCM va demander à l'instar d'autres associations, à être habilitée pour agir en justice dans le cadre des procédures permettant de combattre les incitations à la haine ou à la discrimination religieuse. Car en démocratie, le dernier mot ne doit pas revenir aux provocateurs193(*). »

Les intellectuels musulmans organiques ont également été vite contraints à exprimer leurs points de vue sur des problèmes de société liés à l'islam, comme le foulard islamique. Ces avis ne sont d'ailleurs pas à l'unisson. Les voix divergent entre le président du CFCM, Dalil Boubakeur, estimant que le port du voile « n'est pas une règle fondamentale de notre religion194(*) » et Fouad Alaoui, qui affirme que c'est une « prescription195(*) ». Mais la plupart de ces représentants officiels du culte musulman, hormis ceux qui gardent une certaine indépendance malgré leur statut, comme Soheib Bencheikh par exemple, condamnent le principe d'une loi196(*). Même les plus modérés s'y opposent, à l'instar de Dalil Boubakeur, clamant qu'elle «pourrait être ressentie par [sa] communauté religieuse comme une suspicion197(*)». Malgré cette opposition majoritaire, il faut tout de même rappeler que l'avis du CFCM reste purement « consultatif ».

Si le CFCM est donc sollicité pour des problèmes intérieurs posés par l'islam, c'est surtout sur le plan international que les intellectuels organiques, grâce à leur symbolique place de représentant de la communauté musulmane française, se sont montrés le plus uni et le plus crédible. Ils sont censés, en cas de problèmes de terrorisme, dispenser quelque paroles d'apaisement. Un rôle primordial, estime Fouad Alaoui, qui juge au lendemain du 11 septembre que « les attentats ont montré combien il était important, d'un point de vue symbolique, qu'une instance représentative puisse se prononcer sur des événements importants198(*) ».

Les interlocuteurs consultés n'ont d'ailleurs pas attendu la mise en place définitive du CFCM pour se prononcer d'une seule voix. Au début de l'intervention américaine en Irak de 2003, la provisoire Commission d'organisation de la consultation sur l'islam (Comor) se met par exemple officiellement d'accord pour féliciter la position pacifiste de la diplomatie française et appelle les fidèles à « exprimer leur émotion dans le calme et la dignité199(*) ». Egalement, comme nous l'avons vu précédemment, la prise d'otages des deux journalistes français à Bagdad à la fin 2004 correspond à un autre grand test au niveau international du CFCM. Ce dernier envoie alors sur place une délégation composée de Fouad Alaoui (UOIF), d'Abdallah Zekri (Mosquée de Paris) et de Mohamed Bechari (FNMF) afin d'intercéder auprès des ravisseurs irakiens. Ce rôle géopolitique, bien qu'implicite, est bel et bien fondamental pour les membres de l'islam de France.

Forts de leur position de membres officiels de l'intelligentsia musulmane, ces interlocuteurs de l'Etat ont pu élargir leur rôle à de nombreux domaines de compétence. Avec la multiplication des événements médiatiques ayant un rapport direct ou non avec l'islam depuis 1989, les représentants de ce qui est entrain de devenir l'islam de France ont émergé comme des voix intellectuelles nouvelles. Quelques figures sont apparues comme étant incontournables dans tout dialogue concernant de près ou de loin la religion musulmane.

Néanmoins, leur position reste fragile. La constitution de l'islam de France est encore en chantier. Les luttes d'influences à l'intérieur du Conseil sont considérables et peuvent rapidement faire basculer la délicate balance de ce paysage islamique français. Le récent blocage par l'UOIF de la nomination de Moulay el-Hassan el-Alaoui Talibi au poste d'aumônier général musulman des prisons200(*), ainsi que la difficulté d'organiser des élections dans les temps et sans contestations, ne sont que des exemples parmi d'autres de la confusion et des combats fratricides qui règnent au sein de l'islam de France. Dounia Bouzar explique d'ailleurs sa démission comme la conséquence du fait que le CFCM « ne parle que d'élections [internes], au lieu d'analyser ce que veut dire être musulman dans une société laïque201(*).» Même si le Conseil n'en est qu'à ses débuts, tout cela n'est pas très bon pour l'image de marque de ces tout nouveaux intellectuels organiques.

De plus, contrairement à ce qui était attendu, le CFCM n'est pas l'interlocuteur unique dans certains sujets rentrant pourtant naturellement dans son champ d'attribution. Le dossier de la formation des imams est un exemple frappant : la réunion du comité d'experts autour de l'Institut International de la Pensée Islamique (IIIT) et Mohamed Mestiri peut apparaître comme une tentative par le ministère de l'intérieur, de contourner le CFCM 202(*). C'est donc la preuve que ce dernier, bien qu'instance officielle de l'islam par définition, n'a pas encore assis complètement son autorité.

Si les intellectuels musulmans organiques peinent à répondre à tous les défis contemporains de l'islam, le salut viendra-t-il de la société civile et d'un nouveau type d'intellectuel musulman : le leader socio-politique ?

IV. Le leader socio-politique musulman

La dernière catégorie d'intellectuels musulmans qui émerge sur la scène médiatique française est celle du leader musulman à la tête des luttes sociales et politiques. Là encore, la date de 1989 apparaît comme un tournant majeur, la première « affaire du voile » ayant créé une scission au sein des associations antiracistes et féministes. Depuis cette date, nous assistons à un clivage nouveau et à un certain recentrage des débats sociaux traditionnels, concernant notamment l'intégration, autour de la problématique religieuse. Nous étudierons dans un premier temps cette évolution constatée avant d'analyser comment celle-ci a permis là encore la création d'une catégorie d'intellectuels nouvelle, des intellectuels qui ont le point en commun avec les trois autres types mis en lumière précédemment de pouvoir être qualifiés d'intellectuels musulmans, mais qui s'en distinguent par leur processus de légitimation. Enfin, nous pourrons dans un troisième point observer qu'il s'effectue en parallèle, depuis une quinzaine d'années, une « islamisation » relative de la vie politique française, ces nouveaux hommes politiques ou hauts-fonctionnaires définis comme islamiques contribuant à la naissance médiatiquement visible d'une intelligentsia musulmane.

A) Le tournant islamique des luttes sociales

La constatation du tournant religieux des luttes sociales de la part des mouvements issus de l'immigration repose sur un certain nombre de présupposés largement relayés par les médias. D'après l'image abondamment répandue par la presse française, les mouvements laïques de Beurs ont échoué dans leur mission d'intégration dans les années 1980, notamment en raison de l'oubli de la problématique religieuse. Voilà pourquoi on assiste à une réislamisation des banlieues depuis 1990. Certes, cette vision n'est pas unanime et est parfois contestée203(*). Mais à défaut d'avoir le recul historique nécessaire pour juger de la réalité sociale d'une telle évolution, nous pouvons affirmer sans encombres que le tournant islamique des luttes sociales est bel et bien une réalité médiatique. De la même façon, il est incontestable que les principaux leaders associatifs des années 1980 sont amenés la décennie suivante à repenser leur engagement notamment autour de la problématique de l'islam.

L'événement détonateur qui lance la scission du mouvement beur est la première affaire du voile en 1989. Si les associations antiracistes laïques avaient plus ou moins évité la problématique religieuse à leurs débuts, elles sont dès lors obligées de s'y confronter. Au sein des associations de jeunes immigrés, se crée ne première ligne de fracture entre « pro-foulards » et « anti-foulards ». Harlem Désir, président de SOS-Racisme et figure emblématique de la marche des Beurs, est un des premiers à condamner l'exclusion des jeunes filles voilées. Avec l'emballement médiatique, la prise de position de l'association apparaît comme une remise en cause du modèle français d'intégration républicaine au profit d'une intégration communautaire de type anglo-saxon :

« Les responsables de l'association n'avaient pas prévu que le débat prendrait une telle ampleur et focaliserait les intérêts d'autant d'hommes politiques, de journalistes et d'intellectuels ni que la tonalité générale du débat dans la presse serait nettement contre le port du foulard et la position de SOS. Alors que les arguments de SOS indiquaient que le but à atteindre était l'intégration par l'école des `immigrés de deuxième génération' et relevaient donc d'un souci réaliste de l'éducation `laïque et républicaine' de l'ensemble des élèves, l'association est apparue comme défendant plus ou moins le `droit à la différence ' des immigrés204(*) ».

L'éternelle controverse entre « intégrationnistes » et « assimilationnistes » se recentre dès lors symboliquement autour d'un signe d'ordre religieux. Se dessinent ainsi les prémisses d'un débat binaire entre les partisans d'une attitude tolérante - laxiste diront certains - à l'égard de l'islam et les tenants d'une laïcité ferme.

Mais l'autre événement qui fait figure de donnée nouvelle et qui provoque de nouvelles divisions chez les figures charismatiques des associations de défense des immigrés est la guerre du Golfe. Là encore, SOS-Racisme va à contre-courant de l'opinion majoritaire en condamnant l'intervention armée en Irak. Cette prise de position améliore son image dans les banlieues mais l'éloigne beaucoup de ses anciens soutiens. Pierre-André Taguieff par exemple, qui avait longtemps été un grand appui de SOS-Racisme205(*), prend ses distances après la guerre et attaque alors « l'antiracisme différentialiste206(*) ».

Au début des années 1990, la bienveillance quasi unanime des de l'élite médiatique à l'égard des mouvements antiracistes est donc rompue. Et la véritable ligne de fracture, qui se cache bien souvent derrière la problématique du droit à la différence, se trouve clairement autour de l'attitude à adopter face à l'islam. Ce tournant religieux de la question de l'intégration est également évident chez les mouvements féministes. Contraintes de se prononcer sur le voile, certaines prêchent la fermeté, d'autres invoquent la liberté de choix. Emerge alors lentement une lignée de « néoféministes »207(*), prônant un féminisme musulman laïque désormais incarné par le mouvement NPNS (Ni Putes Ni Soumises), qui fait du voile son cheval de bataille et de l'islam le principal ennemi de l'égalité entre hommes et femmes. En 2003, le journal Le Monde publie une tribune sous le titre « `Laïcardes', puisque féministes208(*) ». Tout un symbole : les deux problématiques sont désormais liées.

L'exemple de Vénissieux, dans la périphérie lyonnaise, illustre parfaitement dans les médias toute cette évolution des banlieues dont les habitants glissent d'un combat antiraciste laïque à une stratégie d'intégration prenant en compte la religion. En 1983, c'est de son quartier des Minguettes que part la célèbre marche des Beurs. Deux décennies plus tard, cette cité ne fait parler d'elle que pour relater les dérives de l'imam salafiste Abdelkader Bouziane209(*). Si le public occidental voyait avec sympathie la marche des Beurs, la cité des Gaules est vite désignée comme « centre de gravité de la nébuleuse islamiste210(*) » au début des années 1990. Cet exemple local montre bien que, si le problème de l'intégration était considéré sous un angle social ou « ethnique » bienveillant dans les années 1980, la décennie suivante voit se former une lecture des problèmes sociaux à travers un prisme religieux beaucoup moins condescendant. Cette évolution est même palpable dans la façon dont l'Etat et les collectivités locales ont changé de stratégie face à la question de l'intégration :

« La manière dont les pouvoirs publics ont traité de l'intégration des immigrés, puis des beurs et maintenant des musulmans a également contribué à ériger cette identité en donnée dans le champ sociopolitique. Pour nommer la population issue notamment du Maghreb, on est ainsi passé de sa caractéristique sociale, `immigré', à sa caractéristique ethnique, `beur', et enfin à sa caractéristique religieuse, `musulman' (...) finalement les identités ainsi produites par le discours en viennent à être vécues par les individus désignés comme des évidences211(*) ».

Par un glissement sémantique, la presse caractérise désormais les jeunes en quête d'intégration par le qualificatif ethno-religieux d' «arabo-musulman », liant ainsi deux types d'identités pourtant bien distincts. Est-ce un reflet réel de l'évolution de la société ou une pure invention « sociologico-médiatique » ? Quoi qu'il en soit, comme le souligne Michel Wieviorka, « à force de supputer l'existence d'un communautarisme arabo-musulman, on risque bien de le créer et de l'encourager212(*) .»

Si le tournant religieux des luttes sociales est médiatiquement évident, quelle en est l'incidence sur le positionnement des leaders de ces mouvements ? Les réponses face aux données nouvelles ayant varié suivant les personnes, les associations de banlieues ont alors plus ou moins éclaté mais une figure nouvelle, celle de l'intellectuel musulman pourfendeur des injustices sociales naît en parallèle.

B) L'émergence de la figure du combattant musulman des injustices sociales

Principalement autour de la question du voile donc, la problématique de l'islam s'implante au centre des débats sur l'intégration. Le paysage des leaders des mouvements luttant pour l'intégration se voit dès lors considérablement modifié en fonction de cette donnée nouvelle. D'une part, apparaissent de nouvelles associations qui se définissent avant tout comme islamiques, arguant pouvoir réussir là où les anciens mouvements de revendications citoyennes ont échoué. D'autre part, ces dernières sont par ricochet obligées de se repositionner par rapport à la religion coranique. A partir de ces nouvelles données émergent de nouvelles figures d'intellectuel musulman : la référence à un islam, fût-il laïque, devient porteuse.

1) Une nouvelle figure : le leader de la réislamisation

Depuis le tournant des années 1990 et l'essoufflement avéré de la popularité des associations antiracistes traditionnelles, quelques associations religieuses tentent de s'engouffrer dans la brèche, s'appuyant sur l'idée qu'un certain nombre de jeunes musulmans présentent une volonté de se différencier de l'attitude de leurs parents en revendiquant plus fortement leur foi, ceci afin de renégocier leur insertion dans l'espace public français.  Des leaders de ces substituts à l'action sociale des années 1980 émergent alors pour former une figure médiatique inédite : l'intellectuel prédicateur.

Parmi ces activistes, il y en a un qui a véritablement surpassé tous les autres médiatiquement, il s'agit de Tariq Ramadan. Il est l'emblème du leader musulman qui a acquis une aura certaine grâce à son travail de réislamisation des jeunes immigrés ou fils d'immigrés dont l'insertion sociale a failli. « Le grand frère des Beurs paumés, le sous-traitant mystique de l'action sociale213(*) », se positionne clairement pour un nouveau type d'intégration, considérant que le modèle républicain à la française est un échec. Tariq Ramadan réclame sans complexe, à la différence des associations laïques plus ou moins déchirées sur le sujet, un droit à la différence et une intégration communautaire en rupture avec la tradition hexagonale :

« L'engouement dans les années 80 pour une intégration type SOS-Racisme ou pour la société dite pluriculturelle semble marquer le pas (...) Il se pourrait bien que le musulman le mieux `intégré' ne soit pas celui qui pratique le moins sa religion ou encore qui s'habille comme tout le monde et dont on ne mesure pas les tensions et les déchirements intérieurs. Bien au contraire, celui à qui on a donné les moyens de se construire une personnalité `de l'intérieur' sera mieux à même de s'adapter à son environnement spécifique214(*). »

L'activité associative en faveur des jeunes d'origine étrangère permet à Tariq Ramadan de tisser un réseau intellectuel certain. Dès 1992, il crée le mouvement des Musulmans et Musulmanes de Suisse. Il se rapproche au cours des années 1990 de la fédération musulmane de l'UOIF (Union des organisations islamiques de France), mais aussi et surtout d'associations de jeunes musulmans, comme l'UJM (Union des jeunes musulmans), très active dans la banlieue lyonnaise. Son travail de prêcheur sur le terrain, notamment dans cette région, lui permet de tisser des relations avec des personnalités d'autres confessions bénéficiant alors d'une visibilité médiatique non négligeable, comme le père Christian Delorme, le célèbre « curé des Minguettes ». Tariq Ramadan bénéficie également d'attaches dans les milieux laïques qui lui ont notamment permis de faire partie de la commission « Islam et laicité » au sein de la Ligue de l'enseignement de 1995 à 2000.

Nous pouvons émettre l'hypothèse que l'accusation de double discours à l'encontre de Tariq Ramadan s'explique en partie par le fait qu'il joue en réalité sur deux tableaux : celui, comme nous l'avons vu en partie II, du réformateur musulman, mais également sur celui du guide d'une intégration par la religion. C'est parce qu'il apparaît publiquement dans ces deux rôles différents que son discours paraît souvent adapté à son auditoire, comme le prouve ses liens ambigus avec le mouvement des Frères musulmans : «  Tariq Ramadan préfère faire oublier son grand-père quand il veut se faire passer notamment face aux journalistes, comme un intellectuel musulman. Mais quand il se retrouve devant les jeunes des banlieues, il veut convaincre qu'il est le digne héritier d'al Banna215(*) .»

Si Tariq Ramadan a bien deux discours, c'est parce qu'il s'appuie sur deux postures intellectuelles distinctes. Nous pouvons également supposer qu'un certain scepticisme de l'opinion publique à l'égard de la figure de l'intellectuel leader de la réislamisation, vient du fait qu'un tel accompagnement social musulman fait nécessairement penser à la stratégie des islamistes au Maghreb.

Mais cette méfiance compréhensible, démultipliée par un tapage médiatique hors du commun, a paradoxalement permis à Tariq Ramadan de se créer une place, certes contestée, mais incontournable dans le champ intellectuel français. Car les médias finalement ne cessent de lui reprocher une médiatisation dont ils sont à l'origine, et qu'ils multiplient tel un cercle vicieux. A la fois omniprésent et décrié par la presse traditionnelle, Tariq Ramadan trouve également son salut médiatique sur Internet, ce qui renforce d'ailleurs son image de champion des « musulmans d'en bas » défendant la base face aux élites médiatiques et musulmanes dont il fait pourtant partie. Le cyberjournal Oumma216(*) est son principal relais. C'est sur ce site, fondé en 1999, que Tariq Ramadan publie son très polémique article Critique des (nouveaux) intellectuels communautaires 217(*) en octobre 2003, après que les grands journaux français ont refusé de le publier dans leurs pages.

A côté de ce« frère Tariq » envahissant, Il ne reste donc logiquement que peu de place dans le champ de l'intellectuel musulman aidant les jeunes à s'intégrer par un plus grand respect de la tradition islamique. Hassan Hiquioussen, qui est au Nord ce que Tariq Ramadan représente à la région lyonnaise et qui aurait pu lui voler la vedette, est sûrement moins adroit que son homologue suisse et s'est définitivement mis hors du jeu « médiatico-intellectuel » par des propos ouvertement antisémites218(*). De plus, la plupart des prédicateurs travaillent au niveau local et n'ont pas vocation à devenir des icônes médiatiques fortes. Il n'en reste pas moins que certains commencent à comprendre que la figure encombrante de Tariq Ramadan leur fait peut-être de l'ombre. Voilà sans doute pourquoi l'emblématique association UJM a décidé de renvoyer Yamin Makri, accusé d'être trop proche de l'intellectuel suisse219(*)

Si l'islamisation des débats sur l'intégration a permis l'irruption médiatique d'acteurs musulmans inédits, certaines anciennes figures des mouvements sociaux traditionnels se sont reconverties en intellectuels musulmans de type également nouveau.

2) Des ex-Beurs devenus musulmans

Les anciens leaders des mouvements associatifs issus de l'immigration maghrébine effectuent, au cours de années 90, des choix différents face à la nouvelle problématique qui leur est proposée. Certains contestent le tournant islamique de leur combat en affirmant leur athéisme et leur refus de s'enfermer dans une identité musulmane. C'est par exemple le cas de Malek Boutih, l'ancien président de SOS Racisme, qui est même qualifié d' « islamophobe220(*) » par le sociologue Vincent Geisser.

D'autres font le chemin inverse. Il s'agit de la stratégie choisie entre autres par Mouloud Aounit, secrétaire général du MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples) depuis 1989, qui fait une priorité de la lutte contre l'islamophobie, « derrière laquelle se dissimule la haine des populations arabo-musulmanes221(*) ». Les dernières sorties publiques de ce dernier, pour défendre des filles voilées ou réclamer de la viande halal dans les cantines scolaires soulignent ce changement de préoccupations. Ce choix est globalement perçu avec scepticisme par la presse, qui juge que « le MRAP s'apparente désormais moins à la lutte antiraciste qu'au combat intégriste222(*) ». Il est vrai que l'appel à la pénalisation du blasphème par cette association est une donnée nouvelle puisque l'islamophobie n'est pas stricto sensu une forme de racisme mais bien la critique d'une religion. Et c'est derrière cette subtile distinction entre la phobie d'une religion et la phobie de la population qui s'y identifie (ou que l'on stigmatise par ce moyen) que se cache un profond clivage qui secoue les associations se battant pour l'intégration des jeunes immigrés.

Car la majorité des stars antiracistes des années 1980 ont bien choisi une option différente. Ni publiquement athées comme Malek Boutih, ni pourfendeurs de l'islamophobie comme Mouloud Aounit, beaucoup de personnalités mettent en avant le fait qu'elles sont musulmanes, mais ceci afin de mieux montrer que leur foi n'est pas incompatible avec une intégration républicaine. Ces musulmans laïques réalisent donc à la fois une acceptation de la nouvelle problématique religieuse - puisqu'ils se présentent désormais comme musulmans - et une négation de celle-ci - puisqu'ils se présentent comme républicain avant tout. Afin de réorienter leur combat, ces ex-Beurs convertis à la citoyenneté musulmane choisissent alors de fonder des mouvements de musulmans laïques.

L'année 2003 est particulièrement fructueuse dans le domaine. C'est le 26 mai de cette année-là que Tokia Saïfi, Rachid Kaci et Amo Ferhati créent le Conseil Français des Musulmans Laïques (CFML). Quinze jours plus tôt, l'entrepreneur Yazid Sabeg lance la Convention Laïque pour l'égalité des droits et la participation des musulmans de France (CLE). Quant à Aziz Sahiri, qui en a « assez que l'on parle tout le temps des islamistes, et jamais des musulmans citoyens223(*) », il devient en même temps président du tout nouveau Mouvement des musulmans laïques de France (MMLF). Au mois d'octobre 2003, c'est au tour du Conseil des démocrates musulmans de France (CDMF) de voir le jour sous la houlette d'un conseiller principal d'éducation, Abderrahmane Dahmane. Ce mouvement, bien qu'il ne s'autoproclame pas «laïque», s'insère également dans la mouvance républicaine.

Or ces musulmans laïques sont souvent des anciens du mouvement beur des années 1980 reconvertis. Nous avions évoqué précédemment le cas des banlieues lyonnaises. Là encore, la figure de Djida Tazdaït présidente à Lyon du mouvement JALB (Jeunes arabes de Lyon et sa banlieue), est révélatrice. Celle-ci était une véritable icône du mouvement beur des années 1980, participant notamment à une médiatique grève de la faim en 1986 pour protester contre les lois Pasqua. Mais le JALB finit par être totalement marginalisé dans le département du Rhône par la concurrence de son homologue islamique, l'Union des Jeunes Musulmans (UJM), qui voit le jour en 1987. Consciente de l'évolution, Djida Tazdaït s'est donc laissée convaincre de la nécessité d'agir en tant que citoyenne musulmane et milite désormais au sein du CFML. Son objectif premier n'est plus formulé comme la tentative d'intégrer les jeunes immigrés à la société française, mais de montrer que « la majorité des musulmans de ce pays ne pensent qu'à adapter leur mode de vie aux règles républicaines224(*) ». De la même façon, Rachid Kaci fut membre de France Plus, tandis que Tokia Saïfi et Amo Ferhati, anciens « marcheurs », étaient engagés au sein de l'association citoyenne « Espace Intégration » dans les années 1980.

Revendiquant un islam laïque, cette intelligentsia maghrébine, devenue publiquement musulmane plus par nécessité que par choix, multiplie les pétitions depuis quelques années, ce qui décuple sa visibilité. L' « Appel de mai 2003 », rédigé par le MMLF, est signé par des « intellectuels musulmans opposés à la légitimation du voile225(*) » . Le 16 février 2004 c'est au tour du « Manifeste des libertés », du syndicaliste Tewfik Allal, d'être paraphé par quelque six cents « femmes, hommes, de culture musulmane, croyants, agnostiques ou athées226(*) ». Ce manifeste, désormais constitué en association, cherche à devenir «un vrai lieu de réflexion autour de l'islam, perçu comme un ensemble géopolitique et culturel autant que religieux227(*)». Il essaie donc aussi de bâtir des ponts avec les réformateurs libéraux issus du monde arabo-musulman. Voilà pourquoi des rénovateurs de l'islam228(*), comme le psychanalyste Fethi Benslama ou l'anthropologue Malek Chebel, se retrouvent souvent parties prenantes de ces engagements de musulmans laïques.

Cette « beurgeoisie » laïque s'est en partie constituée afin de faire contrepoids à l'intelligentsia musulmane organique née de la consultation sur l'islam de France organisée par les pouvoirs publics Désirant créer l'équivalent d'un « CRIF musulman », les musulmans laïques pensent ainsi minimiser le poids du CFCM. Mais en donnant à toute personne « d'origine musulmane » une étiquette identitaire globalisante, n'y a-t-il pas du coup un risque d' « ethnicisation » de la religion, comme le note Vincent Geisser ?

« Quand le ministère de l'intérieur favorise l'émergence d'une instance représentative du culte comme le CFCM, il limite la communauté musulmane à sa plus petite expression : une communauté réduite aux croyants et pratiquants. Tandis que lorsqu'une association prétend représenter l'islam laïque, l'unité de base n'est plus le musulman pratiquant, c'est toute personne d'origine arabo-musulmane229(*) ».

Les critiques sont vives y compris au sein de la communauté musulmane dite modérée, comme le montre la réaction d'Amar Dib, sociologue et président national du « Club Convergences ».

« Ceux et celles qui, soudain, se présentent comme musulmans, alors qu'hier ils ne voulaient pas entendre parler de cette étiquette, voudraient-ils nous dire que l'islam est un danger pour la République et qu'eux seuls pourraient nous protéger du péril230(*) ? »

Bien que cherchant à lutter contre la prédominance des religions, les initiatives de ces intellectuels musulmans laïques contribuent à semer un peu plus la confusion en donnant un caractère englobant à une identité religieuse. A tel point que toutes personne « d'origine musulmane » qui critique le CFCM se voit coller l'étiquette de « musulman laïque ». De la sorte, même Malek Boutih, qui a pourtant affiché maintes fois son athéisme, est parfois assimilé à un « musulman laïque »231(*). Étrangement, par une confusion conceptuelle, ils contribuent en quelque sorte à créer un communautarisme qu'ils exècrent. Paradoxe qui fait même dire à Rachid Kaci, quelques mois après avoir créé le Mouvement des Musulmans Laïques de France, que l'« on fait tout pour marginaliser une partie de la population française, les Français d'origine maghrébine, en obligeant ceux-ci à se déterminer comme musulmans et non comme citoyens232(*) » !

Il n'en reste pas moins que l'existence de cette nouvelle caste de musulmans républicains paraît rassurante pour une opinion plutôt sceptique à l'égard de l'islam et qu'elle est grandement plébiscitée par beaucoup de journaux français. Hanane Harrath explique même comment celle-ci est une construction médiatique destinée à rassurer des craintes éphémères de la société française :

« L'appellation [musulmans laïques], selon eux, n'est plus une fin ni l'aboutissement d'une revendication identitaire sur une base religieuse, elle n'est que transitoire. Elle n'est opératoire que parce qu'elle permet d'assumer le regard de l'autre et ensuite de le dépasser : du statut du regardé qui subit, on passerait ainsi à celui de regardé qui assume pour parvenir au regardé qui dépasse 233(*) »

Si l'évolution des débats sur l'intégration a abouti à la reconversion de beaucoup de Beurs des années 1980 en musulmans laïques dans les années 1990, une évolution très semblable se constate dans les mouvements féministes. Il y a bien depuis 1989 et la première affaire du voile de nouvelles figures qui apparaissent, arguant combattre au nom d'un nouveau féminisme, le féminisme musulman.

3) Les « néoféministes » musulmanes

C'est également autour de la problématique religieuse que le mouvement féministe se scinde. Une figure de féministe musulmane apparaît pour mieux montrer que l'islam est compatible avec tous les engagements républicains, y compris le féminisme. Quelques personnalités, comme Nadia Amiri, chercheuse en sociologie à l'EHESS (Ecole des hautes études en sciences sociales) et ancienne dirigeante de l'association France Plus, désormais vice-présidente du Comité Laïcité République de Paris, défendent cette particularité du féminisme musulman républicain.

Mais les grandes gagnantes médiatiques du créneau sont incontestablement les responsables du mouvement NPNS (Ni Putes Ni Soumises). Surfant au début des années 2000 sur quelques scandales médiatiques concernant les banlieues comme le retour du problème du foulard et surtout celui des « tournantes »234(*), l'association organise, à l'instar de la marche des Beurs de 1983, une « marche des femmes pour l'égalité et contre les ghettos » de février à mars 2003. Elle tente de se démarquer du féminisme traditionnel. Sous le slogan « Mixité, Egalité, Laïcité », les leaders de NPNS organisent d'ailleurs leur propre manifestation lors de la Journée de la Femme 2005 afin d'éviter d'être confondues avec les féministes classiques, et surtout, « parce qu'il n'y a pas de combat plus urgent pour l'émancipation des femmes que celui de la lutte contre toutes les formes d'intégrisme et d'obscurantisme235(*) ».

En vingt ans, Fadela Amara est ainsi passée du statut de simple militante de SOS-Racisme au symbole par définition de la féministe musulmane en prenant la tête de NPNS. Celle qui se définit comme « musulmane pratiquante », mais pour qui le voile est « un outil d'oppression imposé par les sociétés patriarcales236(*) », voit une partie de ses efforts consacrés en obtenant le Prix du Livre Politique 2004237(*). Quant à l'autre figure de proue de NPNS, qui partage parfois avec tension le leadership du collectif238(*), il s'agit de Loubna Méliane, qui est également vice-présidente de SOS-Racisme. 

En face, quelques rares icônes, comme Saida Kada, responsable de l'association FFEME (Femmes françaises et musulmanes engagées), apparaissent pour tenter de prouver que l'on peut être une féministe voilée.  Car comme l'explique Dounia Bouzar, co-auteure avec elle de l'ouvrage L'une voilée, l'autre non239(*) :

« Les femmes de référence musulmane sont spécialement assignées à des places prédéfinies : on leur donne le choix entre le stéréotype de la musulmane soumise qui sera réduite à l'infériorité et le stéréotype de la femme `occidentale' moderne qui, pour acquérir sa liberté, son autonomie, devrait rompre avec toute référence religieuse240(*) .»

En effet, s'il est vrai que l'« on n'entend que les voix des musulmans les plus radicaux, pourtant moins nombreux que les modérés 241(*)», comme le soulignent deux journalistes de L'Express d'ailleurs sûrement en partie responsables, ces extrémistes se retrouvent dans les deux pôles d'un débat présenté comme binaire. Entre ces deux choix tranchés, se situent des positionnements tempérés, mais forcément moins médiatiques, comme celui de la porte-parole du collectif « Une école pour tous-tes », Hamida Ben Sadia, qui n'est pas voilée mais dont la vision du féminisme préconise que la femme soit libre de porter ou non le foulard, y compris dans les lieux publics. Mais cette dernière ne rentrant ni dans la case de la féministe voilée, ni dans celle de la féministe anti-voile, son discours est resté marginal dans la presse.

Pour la seule question du foulard, la problématique est complexe : être opposé à la loi ne signifie par exemple pas que l'on adhère au principe de la prescription. Mais la plupart des médias ont procédé à une simplification exceptionnelle de la controverse, prolongeant cet aspect manichéen du débat intra-musulmans dans tous les domaines soumis à discussions.

4) Des figures multiples pour un débat binaire

Parmi cette élite qui a émergé du monde associatif luttant pour l'intégration, un certain nombre de clivages médiatiques frisant la caricature sont nés et semblent se rigidifier. Nous trouvons d'un côté un pôle de musulmans intransigeants - intégristes pour certains - qui combattent l'islamophobie comme un racisme ordinaire. De l'autre, se côtoient pléthores de musulmans laïques - laïcistes pour leurs adversaires - qualifiés même de « musulmans islamophobes242(*) » par Vincent Geisser, sociologue clairement affiché en soutien de l'autre tendance. Les deux camps s'opposent systématiquement sur tous les débats contemporains ayant un lien direct ou non avec la problématique de l'islam.

La distorsion naît, nous l'avons vu, autour de la question du foulard islamique. Pour les musulmans laïques ayant signé  l'« Appel de mai », la condamnation du voile est claire :

« Le débat surréaliste actuel sur le foulard islamique, véritable étendard de l'islamisme politique, la mise en cause de la laïcité française, ne doivent pas faire perdre de vue qu'il s'agit là, pour la France et les Français, de refuser et de résister à l'implantation sur notre territoire d'une idéologie dangereuse, perverse et surtout mortelle pour la République243(*). »

Les leaders musulmans qui ont choisi le combat de la défense de la religion islamique, à l'instar de Mouloud Aounit, dénoncent quant à eux une législation qualifiée de liberticide : « Une loi interdisant les signes religieux, dans le contexte actuel d'islamophobie, apparaît comme une loi d'exception à l'égard de la seule religion musulmane 244(*).» Derrière le problème du voile, c'est bel et bien la question du relativisme culturel qui est facteur de clivage. Pour Vincent Geisser , « dans l'idée des islamophobes [les musulmans laïques], cette jeune fille [voilée] contredit l'universalisme, un désir de `porter de la lumière' (...). Ils considèrent que les français de culture ou de religion musulmanes sont encore porteurs d'une part d'infériorité dont il faut les aider à se délivrer245(*)». 

Ce camp assimile en quelque sorte l'universalisme républicain à du racisme alimentant la paranoïa sécuritaire et rejette une assimilation supposée colonialiste. Si le clivage est apparu avec le voile, il est sans cesse ravivé, notamment avec le problème du Proche-Orient. Ainsi, les « musulmans laïques » sont accusés, comme l'illustrent les propos de Mouloud Aounit, d'« ethniciser » le racisme, condamnant le fait que l'on fasse de l'antisémitisme « un virus arabo-musulman246(*) ». Fadela Amara, figure de prou du féminisme musulman laïque se fait régulièrement traiter « d'Arabe enjuivée247(*) ».

Nous pouvons noter également que, tel un cercle vicieux, le discours de chacun se radicalise avec le temps. L'exemple de Tariq Ramadan est patent. Celui-là même qui affirme en 2001 « que l'antisémitisme est inacceptable et indéfendable248(*) » signe un texte en 2003 qui reprend tous les vieux clichés antisémites249(*). De la même façon, s'il appelle en 2001 à « lutter contre le sentiment de victimisation qui colonise de nombreux esprits parmi les citoyens français musulmans et notamment parmi les plus marginalisés250(*) », il choisit quatre ans plus tard d'investir le champ des frustrations mémorielles en signant l' appel « Nous sommes les indigènes de la République ! » 251(*).

Cet appel est d'ailleurs sans surprise condamné par les musulmans laïques, qui le jugent « communautariste » et « victimisant » :

« Le travail de mémoire doit se faire, mais cela ne doit pas participer à la construction identitaire (...). Ceux qui veulent nous faire assumer la posture de l'indigène méconnaissent volontairement l'histoire. Ils instrumentalisent le passé pour mettre à bas la liberté et l'égalité, les valeurs de ce qu'ils osent appeler le `chauvinisme universaliste'. Qui ne voit qu'en appelant à ce soulèvement moral des `colonisés' ils préparent, pour les jeunes filles, le terreau d'une sorte de `statut personnel', pour reprendre l'expression de Leïla Sebbar ? Il se joue la légalisation du multiculturalisme. Et les digues qui nous en protègent se nomment mixité et laïcité252(*). »

Plus que jamais, les membres issus de la « beurgeoisie » semblent sommés de choisir un camp, quitte à accepter les dérives de celui-ci, ceci empêchant l'instauration d'un débat sain et pluriel. Dès 1989, Djida Tazdaït, emblème beur, déclarait : « depuis l'affaire Rushdie, on nous somme de nous positionner comme `bons' ou `mauvais' musulmans253(*). » Force est de constater que cette naissance binaire de l'intellectuel musulman engagé dans la vie de la cité n'a fait que s'accentuer au cours de cette dernière quinzaine d'années. L'élite maghrébine des années 1980 s'est ainsi scindée en deux de manière caricaturale, entre un camp national-républicain accusé d'islamophobie et un camp « différentialiste » présumé islamiste. Malgré la radicalisation des débats, quel que soit le créneau qui a été choisi, la référence islamique est en tout cas devenu presque un chemin obligé pour tout militant d'origine maghrébine dans les années 1990. Cette islamisation des leaders associatifs a-t-elle une répercussion dans la vie politique française ?

C) Musulmans en politique : caution religieuse ou égalité républicaine ?

En 2003, Nicolas Sarkozy remarque qu' « il y a 5 à 6 millions de musulmans en France, dont 2 millions sont susceptibles de voter254(*) ». Là encore, le ministre de l'Intérieur fait un amalgame en faisant de l'adjectif musulman une identité englobante, puisque tous les immigrés issus du monde musulman ne sont pas de foi musulmane255(*). Mais ceci est révélateur d'un véritable changement de perception et de traitement de la problématique de l'intégration, y compris au plus haut niveau de la République. Alors que l'on tenait il y a peu à s'attacher les faveurs d'un vote beur, c'est bien maintenant une communauté musulmane, voire arabo-musulmane, qui est politiquement courtisée. Depuis le tournant islamique de la question sociale de l'intégration, certains hommes politiques sont présumés musulmans, servant ainsi de caution. En effet, les figures que nous venons d'étudier ne sont pas simplement des leaders de terrain. Leur charisme étant politiquement intéressant, un certain nombre ont rejoint les rangs des partis. A côté de cela, quelques hauts-fonctionnaires récemment nommés ont été présentés comme musulmans. Nous interrogerons alors la légitimité de ce qualificatif.

1) L'instrumentalisation politique des leaders associatifs

L'instrumentalisation des leaders associatifs ne peut être qualifiée à proprement parler de « récupération politique » puisque la plupart de ces mouvements sont intrinsèquement de pures créations politiques (SOS Racisme a toujours été proche du Parti socialiste, tandis que France Plus a été créé par la droite pour servir de contrepoids). Mais les partis politiques profitent en tout cas de l'aura acquise par les leaders de ces mouvements. Dès 1989, alors que le tournant islamique des débats sur l'immigration commence à peine, de nombreux jeunes Français d'origine maghrébine s'engagent en politique lors des élections municipales : « pour la première fois, un nombre important d'entre eux (plus de six cents, semble-t-il) s'étaient présentés sur des listes électorales256(*)». Mais désormais, pour des raisons déjà évoquée, c'est davantage un vote musulman qu'un vote beur qui est sollicité. Ainsi, le FCCM (Forum des citoyens de culture musulmane), créé par Hakim El-Ghissassi, est l'illustration de la volonté de créer une sorte de lobby musulman257(*). Mais qu'en est-il des musulmans engagés à l'intérieur même de partis ?

Le mouvement beur des années 1980 ayant été essentiellement soutenu par la gauche, la plupart des figures politiques maghrébines de cette époque se trouvent de ce côté de l'échiquier politique. Il n'est donc pas étonnant de retrouver un certain nombre de musulmans laïques au sein du Parti socialiste la décennie suivante (Fadela Amara, Loubna Méliane). Mais comme le tournant islamique des luttes sociales se fonde sur un échec présumé de la politique d'intégration des années 1980, la tradition « gauche-beur » des années Mitterrand est en partie rompue chez certains de ces leaders associatifs reconvertis en musulmans laïques. Ainsi, la présence de Rachid Kaci, Abderrahmane Dahmane, Tokya Saïfi, ou encore Amo Ferhati, au sein de l'UMP témoigne d'une certaine « droitisation idéologique touchant certaines élites françaises d'origine maghrébine déçues par le `grand projet' multiculturel de la gauche socialiste258(*) ».

Si une partie de la « beurgeoisie » reconvertie musulmane s'est donc retrouvée dans les partis traditionnels de l'échiquier politique, nous pouvons également déceler qu'il existe bien à ses côtés une alliance « rouge-vert » de la part de certaines figures charismatiques musulmanes. C'est le cas de Tariq Ramadan, dont les relations avec les milieux altermondialistes démarrent assez tôt. Il avait lancé dès les années 1980 une association d'aide au tiers-monde, « Coopération coup de main ». Ce qui n'empêche pas les médias de présenter ses liens avec l'extrême gauche comme le fruit d'une tactique « islamo-gauchiste» nouvelle259(*). Ainsi, les journaux semblent s'étonner de la présence - logique au vu de son parcours - de Tariq Ramadan au Forum social européen en 2003 : «Entrisme ou alliance stratégique ?260(*) » , se demande alors Claude Askolovitch dans Le Nouvel Observateur. Hamida Ben Sadia affirme en tout cas que « ces associations musulmanes, c'est la JOC - Jeunesse ouvrière chrétienne - de demain ! La gauche devra compter avec elles261(*) ». 

Enfin, seul Mohamed Latrèche brise le tabou de la création d'un parti politique confessionnel, en fondant le Parti des Musulmans de France (PMF) en 1997, afin de « libérer les musulmans de l'influence du PS », qu'il qualifie de « parti sionisé262(*) ». Mais son discours est tellement outrancier qu'il reste très marginal. Même Tariq Ramadan fait figure de modéré à ses côtés. Et il tient clairement à se distinguer de cette mouvance avec qui il partage certains points d'accords, notamment sur le voile :

«On voit aujourd'hui des groupes radicaux et sectaires essayer de tirer profit du mécontentement des musulmans. Des associations ou partis musulmans qui n'ont pas hésité à s'associer à des mouvements d'extrême droite, à soutenir le tyran Saddam Hussein, à développer des thèses radicales, revendiquent une mainmise en capitalisant l'émotion blessée des musulmans. Ils en font une affaire strictement musulmane et se contentent d'alimenter le sentiment victimaire. Il ne peut s'agir de faire cause commune avec ce type d'opportunisme263(*)

De l'extrême gauche à l'extrême droite, l'échiquier politique dans son ensemble récupère implicitement au cours des années 1990 la caution de ces récentes figures de l'intelligentsia musulmane. Cette visibilité politique nouvelle de la part de figures charismatiques musulmanes contribue sans aucun doute à la naissance de l'intellectuel musulman. Mais qu'une partie des hommes politiques s'affichent ou se voient désignés comme musulmans est-il en accord avec les idéaux républicains que tous - ces politiques - prétendent défendre ?

2) La question des haut-fonctionnaires musulmans

Depuis les années 1990, on a pu remarquer qu'un certain nombre de haut-fonctionnaires désignés étaient originaires du Maghreb. On y trouve pour illustration le préfet Aïssa Dermouche, le recteur d'académie Ali Bencheneb, et même la ministre Tokya Saïfi. Mais avec la nouvelle problématique religieuse devenue incontournable dans tout traitement de la question de l'intégration, le débat sur la discrimination positive s'est lui aussi transformé en une discussion sur le communautarisme religieux.

Pour Ali Bencheneb, les choses sont claires. Interrogé par Le Monde, il explique : « Moi, je suis recteur ; oui, musulman, peut-être. Recteur musulman, certainement pas264(*) ». Il y aurait donc une séparation entre la fonction politique - publique - et la conviction religieuse d'ordre privé. Mais lorsque Nicolas Sarkozy annonce le 20 novembre 2003 sur France 2 la nomination d'un « préfet musulman », il fait voler en éclat ce fragile équilibre. Le ministre a alors vite été repris par une large majorité de la classe médiatique ainsi que par le chef de l'Etat, qui préfère parler de « préfet issu de l'immigration265(*) ».

Il y a deux raisons à une telle dérive qui, bien que vite étouffée, est appelée à ressurgir. D'une part, certaines personnes ont tendance à faire de l'islam une identité ethnique. Pour Nicolas Sarkozy en effet, « musulman n'est pas un critère religieux. Pour moi, le terme désigne toutes les personnes issues de l'immigration maghrébine, turque ou d'Afrique noire, même si elles sont athées. Car on est musulman comme on est juif : dans le regard de l'autre266(*). » D'autre part, il y a une tendance chez les élus locaux à déléguer les questions d'ordre public, autrefois remplies par des mouvements beurs laïques, à des associations musulmanes. En instrumentalisant la religion comme facteur de paix sociale, on la politise et on rend crédible une islamisation de la vie politique française.

Néanmoins, de droite comme de gauche, la plupart des intellectuels, responsables associatifs et élus, hormis quelques exceptions comme Yazid Sabeg267(*), jugent pour l'instant que la nomination d'un haut-fonctionnaire en fonction de sa religion est incompatible avec les valeurs républicaines d'égalité entre tous les citoyens. En l'état actuel des choses, Aïssa Dermouche est donc un « préfet » et non pas un « préfet musulman ». Cependant la question de la discrimination positive n'est pas définitivement tranchée. Et si une conception semblable à l'affirmative action à l'américaine triomphe en même tant que continue la tendance à définir le qualificatif de musulman comme une identité englobant religion, culture, et origine ethnique, il ne sera plus totalement saugrenu de parler de « hauts-fonctionnaires musulmans ».

Il y a donc bien eu ces dernières années la création d'une nouvelle posture de l'intellectuel musulman politiquement engagé. Même si cette évolution est condamnée et refusée par certains, d'autres s'engagent politiquement en affichant désormais leur islamité publiquement.

Conclusion

Après une étude dévoilée par Le Monde en 2001, Franck Fregosi, sociologue de l'islam à l'université Robert-Schuman de Strasbourg et chercheur au CNRS, tire les conclusions suivantes :

 « On pensait jusqu'ici que l'ascension sociale entraînait presque inévitablement un détachement de la religion. Or, ce que révèle ce sondage, c'est l'émergence progressive d'une future élite musulmane en France. A rebours d'un certain discours simplificateur, selon lequel les musulmans de France ne pourraient s'intégrer qu'en renonçant à leur foi, l'enquête montre qu'il est parfaitement possible d'être intégré à la société française et respectueux des prescriptions musulmanes268(*). »

Notre travail, qui a tenté de montré une quadruple naissance médiatique de l'intellectuel musulman depuis une quinzaine d'années, est peut-être une modeste illustration de cette analyse. Il faut certes souligner les limites d'une telle classification qui, non seulement est loin d'être étanche, mais traite de surcroît d'une période trop proche de nous pour pouvoir affirmer qu'elle restera pertinente dans la durée. De la même façon, la catégorisation en champs peut paraître brutale et conforte une vision probablement un peu machiavélique de l'élite musulmane. Bien qu'il existe un « marché médiatique de l'intellectuel musulman », il ne faut évidemment pas penser que tout est matière à calculs et surtout ne pas oublier que la plupart des intellectuels évoqués précédemment le sont, faisons leur ce crédit, par conviction.

C'est bien avec la médiatisation nouvelle dès 1989 de sujets concernant directement ou non l'islam que des journalistes entreprennent de rechercher un « avis musulman » sur des thèmes bien précis. Comme l'explique Thomas Deltombe à propos de l'affaire Rushdie, le monde médiatique n'est pas préparé à s'adresser à ce nouveau type d'intervenants : « Pressés de savoir ce qu'en pense la `communauté islamique' en France, les journalistes ne se préoccupent pas de savoir si une telle `communauté' existe réellement ni d'en étudier les éventuels contours269(*).» Par conséquent, c'est sur une réalité virtuelle et mouvante, tenant plus de la construction médiatique, que s'appuie depuis sa naissance l'intellectuel musulman qui se veut représentatif.

Toujours est-il que dès son origine, l'intellectuel musulman médiatique français a pour rôle de s'exprimer sur des sujets « musulmans », des problématiques impliquant plus ou moins directement l'islam. N'est-ce pas en contradiction avec la vocation universaliste de l'intellectuel ? S'il veut subsister, l'intellectuel musulman devra donc sortir de ce que Houari Bouïssa, historien des idées, nomme la « ghettoïsation de la pensée270(*) ». Il faudrait que cette figure intellectuelle éclaire la communauté scientifique dans des domaines autres que spécifiquement islamiques. Qu'aurait-on par exemple retenu du philosophe protestant Paul Ricoeur, récemment disparu, s'il s'était cantonné à ne traiter que des questions spécifiques au protestantisme ?

Mais il est peut-être temps de revenir à l'interrogation suscitée par la réflexion de Mohamed Arkoun en avant-propos. Si l'intellectuel musulman est entrain de naître en tant que tel dans les médias français depuis grosso modo l'affaire Rushdie, nous ne pouvons nier que cette naissance est partielle. En effet, cette catégorie d'intellectuel a pu apparaître parce qu'elle proposait une manière de pensée nouvelle, distincte, prête à concurrencer un relatif universalisme supposé supérieur car instauré par l'Occident. Ainsi, Mohamed Arkoun n'hésitait pas au début des années 1990 à soulever violemment la controverse :

« Il faudrait aussi qu'un débat sérieux s'instaure en Occident sur la légitimité d'une disqualification brutale de toute une culture, de toute une religion à partir de postulats à prétention philosophique qui n'ont pas subi, en Occident même, toutes les épreuves d'une validation intellectuelle, ou les tests d'une efficacité culturelle quand ils sont transférés à d'autres contextes historiques, religieux et psycho-sociaux271(*). »

Or que constate-t-on si l'on essaie de tirer le bilan des quatre catégories que nous avons différencié ici ? Tout d'abord, la première, celle de l'intellectuel avant-gardiste musulman, est par définition une figure partielle puisque les individus qui la composent n'affichent pas leur foi comme identité première, encore moins comme brevet de notoriété. Concernant la catégorie des intellectuels officiels, en sus des problèmes inhérents au statut d'intellectuel organique, par opposition à l'intellectuel critique, nous avons vu combien elle avait du mal à instaurer sa légitimité.

Les deux autres catégories mises en lumière ici, respectivement les réformateurs et les acteurs du monde social et politique, posent également un problème. Comme nous l'avons vu, les personnalités qui défendent un point de vue trop singulier par rapport au « bien-penser » occidental sont marginalisées et voient leur statut d'intellectuel souvent contesté. Pour gagner leurs galons d'intellectuel musulman, ces derniers sont sans cesse obligé de donner des gages de  républicanisme, de modération à l'égard de leur culture présentée comme dialectiquement opposée à celle de l'Occident, au détriment de la singularité, composante essentielle de leur existence.

L'intellectuel musulman serait-il donc mort-né ? Sans être prophète, cela paraît peu concevable. Au contraire, la vigueur et la visibilité nouvelle des débats au sein de la communauté musulmane dans la période allant de 1989 à aujourd'hui marque très certainement un tournant historique. Cela ne nous empêche pas de soulever les limites voire les contradictions de ce statut. Si l'intellectuel musulman doit se distinguer de l'intellectuel occidental pour exister, il ne doit pas non plus trop s'en différencier, au risque de se voir contester sa posture d'intellectuel. A l'inverse, à trop se rapprocher du « politiquement correct », la pensée intellectuelle musulmane peut vite être diluée dans le reste du monde intellectuel. La perpétuation dans l'avenir ou non de la figure de l'intellectuel musulman dépendra en réalité de la question essentielle suivante : la France est-elle prête à accepter le relativisme culturel, y compris dans le domaine intellectuel ?

Index de noms cités

Abdelkrim, Farid, 49, 57

Abderraziq, Ali, 27, 28

Abduh, Muhamad, 27, 28

Abou-Zeid, Nasr, 30, 31, 32, 33, 35

Al-Afghani, Jamal al-Din, 28

Alaoui, Fouad, 49, 55, 57, 64, 65

Al-Banna, Hassan, 27, 28, 29

Allal, Tewfik, 77, 78

Al-Wahhab, Ibn Abd, 27

Amara, Fadela, 32, 81, 83, 84, 86,

Amiri, Nadia, 77, 80

Aounit, Mouloud, 75, 76, 83, 100

Arkoun, Mohamed, 3, 4, 5, 28, 30, 31, 32, 33, 36, 37, 92, 93

Babès, Leila, 62, 77

Bechari, Mohamed, 49, 65

Béjart, Maurice, 11, 12

Ben Sadia, Hamida, 81, 87

Bencheikh, Ghaleb, 43, 44

Bencheikh, Jamel-Eddine, 32

Bencheikh, Soheib, 37, 50, 58, 59, 60, 64, 73, 77

Bencheneb, Ali, 88

Benslama, Fethi, 31, 32, 36, 77, 78

Ben Mansour, Abdallah , 9, 55

Ben Mansour, Latifa, 22, 23, 24

Bentounès, Khaled, 50

Benzine, Rachid, 28, 29, 30, 31, 34, 35, 37, 42

Boubakeur, Dalil, 47, 49, 52, 53, 58, 59, 64

Boubakeur, Si Hamza, 52

Boussouf, Abdallah, 49

Boutih, Malek, 75, 76, 79

Bouzar, Dounia, 50, 60, 65, 81

Bouziane, Abdelkader, 70

Breze, Lhaj Thami, 49, 57

Charfi, Abdelmajid, 31, 33, 36, 44

Charfi, Mohamed, 31

Chebel, Malek, 30, 31, 32, 33, 36, 77, 78

Chevènement, Jean-Pierre, 47, 49

Chodkiewicz, Michel, 11, 12, 13, 15, 50, 58

Daffé, Mamadou, 61

Dahmane, Abderrhamane, 53, 76, 86

Dermouche, Aïssa, 88, 89

Désir, Harlem, 68

Djaout, Tahar, 22

Djavann, Chahdortt, 24

Dib, Amar, 78

El-Ghissassi, Hakim, 44, 86

Esack, Farid, 30, 31

Fekkar-Lambiotte, Bétoule, 60, 77

Ferhati, Amo, 76, 77, 86

Filali-Ansary, Abdou, 30, 31, 44

Foda, Foda, 21

Garaudy, Roger, 11, 12, 13, 15

Geisser, Vincent, 8, 75, 78, 82, 83, 87

Geoffroy, Eric, 11, 12, 16, 50

Guenon, René, 13

Haddam, Tedjini, 51

Hamidullah, Mohamed, 41

Harbi, Mohamed19, 77

Herbert, Jean-Loup, 13, 14, 15

Hiquioussen, Hassan, 74

Hussein, Mahmoud, 42

Joxe, Pierre, 4, 47, 49, 55

Kaci, Rachid, 76, 77, 79, 86

Kada, Saïda, 60, 81

Katbane, Kamel, 50

Khomeiny, Ruhollah, 4, 15, 19

Lasfar, Amar, 50

Latrèche, Mohamed, 87

Leclerc, Youssouf,15, 49

Mahfouz, Naguib, 21, 22

Makri, Yamin, 61, 75

Meddeb, Abdelwahab, 30, 31, 32, 37, 44

Méliane, Loubna, 81, 86

Mernissi, Fatima, 30, 31, 33

Merroun, Khalil, 50

Mestiri, Mohamed, 32, 41, 66

Milcent, Thomas, 15

Monteil, Vincent, 11, 14, 15

Nasreen, Talisma, 24

Oubrou, Tareq, 62

Pasqua, Charles, 47, 52, 77

Rahman, Fazlur, 30, 32, 33

Ramadan, Tariq, 6, 28, 29, 38, 39, 40, 41, 45, 57, 60, 72, 73, 74, 83, 87, 88

Renard, Michel,16, 33, 44, 77

Rida, Rachid, 27, 28

Rushdie, Salman, 4, 5, 15, 18, 19, 20, 21, 24, 26, 27, 54, 84, 91, 92, 93,

Sabeg, Yazid, 76, 89

Sahiri, Aziz, 76, 77

Saïfi, Tokia, 76, 77, 86, 88

Sarkozy, Nicolas, 46, 47, 55, 59, 60, 85, 88, 89

Seddik, Youssef, 30, 31, 36

Sifaoui, Mohamed, 22, 77

Soroush, Abdoul Karim, 30, 31, 32, 33

Talbi, Mohamed, 30, 31, 32, 34, 35, 36, 43

Tazdaït, Djida, 77, 84

Vitray (de), Eva, 11, 12, 13, 16, 17

Zeghidour, Slimane, 22, 23

Zerrouky, Hassan, 22, 77

Table des matières

Remerciements 2

Introduction 4

I. L'intellectuel d'avant-garde musulman 10

A) L'intellectuel français converti à l'islam 10

1) Des intellectuels avant d'être des convertis. 11

2) Un rôle médiatique assez restreint et en essoufflement 14

B) L'intellectuel avant-gardiste du monde musulman 18

1) Construction de cette figure médiatique au tournant des années 1990 18

2) Evolution de cette figure de l'intellectuel musulman modéré 21

II. L'intellectuel réformateur de l'islam 26

A) Un nouveau champ intellectuel ? 26

B) Portrait de ces nouveaux intellectuels réformateurs 30

1) Des parcours divers ? 30

2) Une réforme uniforme ? 34

C) Rôle de ces intellectuels dans les médias 38

1) Une caste prestigieuse mais fermée 38

2) Les réformateurs : la solution aux problèmes contemporains ? 42

III. L'intellectuel représentant de l'islam de France 46

A) Une nouvelle place de légitimation intellectuelle 47

1) Bref historique de la mise en place de l'islam de France 47

2) Un marché complexe : la loi de l'offre et de la demande 48

B) Le nouveau visage de l'intelligentsia musulmane organique 50

1) Remise en cause de la prédominance du recteur de la Mosquée de Paris. 51

2) Une légitimation des barbus ? 54

3) L'émergence nouvelles personnalités indépendantes 58

4) La légitimation en marge, voire contre la consultation 60

5) La nouvelle visibilité de l'islam local 61

C) L'élargissement du rôle de ces intellectuels 63

IV. Le leader socio-politique musulman 67

A) Le tournant islamique des luttes sociales 67

B) L'émergence de la figure du combattant musulman des injustices sociales 71

1) Une nouvelle figure : le leader de la réislamisation 72

2) Des ex-Beurs devenus musulmans 75

3) Les « néoféministes » musulmanes 80

4) Des figures multiples pour un débat binaire 82

C) Musulmans en politique : caution religieuse ou égalité républicaine ? 85

1) L'instrumentalisation politique des leaders associatifs 86

2) La question des haut-fonctionnaires musulmans 88

Conclusion 91

Index de noms cités 95

Bibliographie 98

Bibliographie

I) SOURCES

A) Ouvrages significatifs d'intellectuels musulmans

- BENCHEIKH Ghaleb, Alors, c'est quoi l'islam ?, Presses de la Renaissance, Paris, 2001, 105 p.

- BENZINE Rachid, Les nouveaux penseurs de l'islam, Albin Michel, 2004, 289 p.

- CHEBEL, Manifeste pour un islam des Lumières, Hachette, 2004, 215 p.

- FILALI-ANSARY Abdou, Réformer l'islam, La Découverte, 2003, 284 p.

- MEDDEB Abdelwahab (entretien avec Philippe Petit), Face à l'islam , Textuel, Paris, 2004, 216 p.

- Pour Rushdie, La Découverte, 1993, 307 p.

- RAMADAN Tariq & GRESH Alain, L'islam en question, Actes Sud, 2002, 341 p.

- RAMADAN Tariq, Les musulmans d'Occident et l'avenir de l'islam, Sindbad, 2003, 383 p.

- TALBI Mohamed , Plaidoyer pour un islam moderne, Editions de l'aube, 2004 (1ère édition : 1998), 195 p.

B) Articles de presse concernant des intellectuels musulmans au sens large

1) Tribunes d'intellectuels musulmans

- AMARA Fadela, « Moi, fille d'immigrés, pour l'égalité et la laïcité », Libération, 2/3/2005.

- AOUNIT Mouloud, « Les dégâts de l'islamophobie », Le Figaro, 18/10/2003.

- AOUNIT Mouloud, « Les véritables défis de la laïcité », Marianne, 27/10/2003.

- AOUNIT Mouloud, « Le racisme, plaie collective », Libération, 21/5/2004.

- ARKOUN Mohamed, « Islam et Europe : mortelle amnésie », Le Monde, 14/12/2001.

- BEN MANSOUR Latifa, « Une fatwa contre les massacres en Algérie », Le Monde, 12/11/1990.

- BENCHEIKH Soheib, « La laïcité, toute la laïcité », Le Nouvel Observateur, 22/2/1996.

- BENCHEIKH Jamel-Eddine, « L'islam moderne naîtra en France », Le Nouvel Observateur, 22/2/1996.

- BOUZAR Dounia, « Il est plus facile d'essentialiser l'islam », Oumma, 16/12/2003.

- EL-GHISSASSI Hakim, « Les beurs ou l'apprentissage douloureux de la realpolitik », Le Monde, 20/2/2004.

- EL-GHISSASSI Hakim, « Oui à un islam occidentalisé », Libération, 7/9/2004.

- MAKRI Yamin, « Du sens et de la cohérence », Oumma, 27/5/2005.

- RAMADAN Tariq, « Islam de France : essayons ! », Le Monde, 21/8/2000.

- RAMADAN Tariq, « Etre musulman, être entendu », Le Monde, 6/11/2000.

- RAMADAN Tariq, « Condamner et résister ensemble », Le Monde, 30/10/2001.

- RAMADAN Tariq, « Existe-t-il un antisémitisme islamique ? », Le Monde, 23/12/2001.

- RAMADAN Tariq, « Le renouveau viendra d'Occident », Le Nouvel Observateur, 21/2/2002.

- RAMADAN Tariq, « Critique des (nouveaux) intellectuels communautaires », Oumma, 3/10/2003.

- RAMADAN Tariq, « Antisémitisme et communautarisme : des abcès à crever », Le Monde, 29/10/2003.

- RAMADAN Tariq, « Quel double discours ? Quel débat ? », Libération, 25/11/2003.

- RAMADAN Tariq, « Le piège du communautarisme », Libération, 13/1/2004.

- RAMADAN Tariq, « Pour une laïcité ouverte », Le Monde, 13/10/2004.

- RAMADAN Tariq, « Pour un moratoire sur l'application de la charia dans le monde musulman », Le Monde, 31/3/2005.

- RENARD Michel, « Islam politique ou islam religion », Libération, 2/10/2001.

- RUSHDIE Salman, « En toute bonne foi », Libération, 8/2/1990.

- RUSHDIE Salman, « Une victoire et une défaite », Libération, 11/2/1993.

- RUSHDIE Salman, « Le dernier otage », Le Nouvel Observateur, 16/10/2003.

2) Portraits d'intellectuels musulmans

- ABOU ZEID Nasr, portrait par Catherine Farhi, « Le martyr de la modernité », Le Nouvel Observateur, 4/7/2002.

- BEJART Maurice, portrait par Rosita Boisseau, « Maurice Béjart, 50 ans d'enfance », Le Monde, 27/11/2004.

- BENCHENEB Ali, portrait par Luc Bronner, « Un recteur comme les autres », Le Monde, 29/1/2004.

- BENCHEIKH Soheib, portrait par Daniel Licht, « Au nom d'Allah et de Marianne », Libération, 3/2/1998.

- BEN MANSOUR Latifa, « L'identité ressentie », Le Monde, 12/11/1990.

- BENTOUNES Khaled, portrait par Henri Tincq, « Khaled Bentounès, `pauvre en Dieu' du soufisme, Le Monde, 4/8/2001.

- BOUBAKEUR Dalil, portrait par Ali Laidi, « Boubakeur ou la déconfiture d'un modéré », Le Nouvel Observateur, 26/06/2003.

- BOUZAR Dounia, portrait par Claire Chartier, « Musulmane libre », L'Express, 17/1/2005.

- CHEBEL Malek, portrait par Robert Maggiori, Libération, 1/6/1995.

- DAFFE Mamadou, portrait par Claude Weill, « Trop musulman pour être français », Le Nouvel Observateur, 20/11/1997.

- GARAUDY, portrait par Philippe Videlier, « Zones d'ombre et coup monté », Le Monde diplomatique, juin 1996.

- LATRECHE Mohamed, portrait par Thomas Calinon & Catherine Coroller, «  Latrèche, l'infréquentable avocat du voile », Libération, 15/1/2004.

- LATRECHE Mohamed, portrait par Xavier Ternisien, « Latrèche, le trouble organisateur du défilé pour le voile », Le Monde,19/1/2004.

- MEDDEB Abdelwahab, portrait par Christian Jambet, « De quelle maladie l'islam est-il frappé ? », Marianne, 1/4/2002.

- MEDDEB Abdelwahab, portrait par Jean-Christophe Ploquin, « Abdelwahhab Meddeb au chevet d'un islam malade », La Croix, 10/9/2002.

- MONTEIL Vincent, portrait par Nicole Zand, « Lawrence et Monteil d'Arabie », Le Monde, 31/7/1987.

- MONTEIL Vincent, portrait par Sadek Sellam, « Vincent Mansour Monteil (1913-2005), le dernier des grands orientalistes français », Oumma, 14/3/2005.

- RAMADAN, portrait de Xavier Ternisien, « Tariq Ramadan l'énigmatique », Le Monde, 29/9/2000.

- RAMADAN, portrait de Martine Gozlan, « Le mystère Tariq Ramadan », Marianne, 9/9/2002.

- RAMADAN, portrait par Christophe Ayad, « La langue d'Aladin », Libération, 8/7/2003.

- RAMADAN Tariq, portrait par Claude Askolovitch, « L'encombrant M. Ramadan », Le Nouvel Observateur, 9/10/2003.

- RAMADAN, portrait par Xavier Ternisien, « Tariq Ramadan, sa famille, ses réseaux, son idéologie », Le Monde, 22/12/2003

- RAMADAN, portrait par Antoine Menusier, « La théologie au service d'une stratégie politique », Le Figaro Magazine, 31/1/2004

- RAMADAN, portrait par Serge Raffy, « Le vrai visage de Tariq Ramadan », Le Nouvel Observateur, 29/1/2004

- RAMADAN, portrait par Christophe Ayad et Olivier Bertrand, « Prédicateur tous terrains », Libération, 5/2/2004

- RUSHDIE Salman, portrait par Marie Guichoux, « Un homme invisible », Libération, 20/6/1991

- RUSHDIE Salman, portrait par Josyane Savigeau,, « Un écrivain banni de son oeuvre », Le Monde, 20/3/1993

- SEDDIK Youssef, portrait par Catherine Bédarida, « Youssef Seddik, le Coran à livre ouvert », Le Monde, 2/10/2002

3) Entretiens d'importance accordés par des intellectuels musulmans à la presse

-  ALAOUI Fouad, entretien avec Xavier Ternisien, Le Monde, 4/5/2002

- AMARA Fadela, entretien avec Claire Chartier, L'Express, 11/12/2003

- AMIRI Nadia, entretien avec Mina Kaci, L'Humanité, 6/2/2004

- ARKOUN Mohamed, entretien avec Catherine David, Le Nouvel Observateur, 7/2/1986

- ARKOUN Mohamed, entretien avec Henri Tincq, Le Monde, 15/3/1989

- ARKOUN Mohamed, entretien avec Henri Tincq, Le Monde, 5/5/1992

- ARKOUN Mohamed, entretien avec Jean-Christophe Ploquin et Michel Kubler, La Croix, 1/6/1993

- ARKOUN Mohamed, entretien avec Jean-Paul Chagnollaud, Bassma Kodmani-Darwish et Abderrahim Lamchichi, Confluences Méditerranée, automne 1994

- ARKOUN Mohamed, entretien avec Djénane Kareh-Tager, Actualités des religions, avril 2003

- BABES Leila, entretien avec Djénane Kareh-Tager, Actualité des religions, n° 3, mars 1999

- BABES Leila, entretien avec Isabelle De Gaulmyn, La Croix, 30/5/2002

- BABES, entretien avec Besma Lahouri & Eric Conan , L'Express, 18/9/2003.

- BENCHEIKH Soheib, entretien avec Bernard Gorce, La Croix, 30/1/1998

- BENCHEIKH Soheib, entretien avec Henri Tincq, Le Monde, 9/12/1999

- BENCHEIKH Soheib, entretien avec Henri Tincq, Le Monde, 20/11/2001

- BENTOUNES Khaled, entretien avec Henri Tincq, Le Monde, 4/8/2001

- BENZINE Rachid, entretien avec Martine de Sauto, La Croix, 13/2/2004

- BOUBAKEUR Dalil, entretien avec Michel Kubler, La Croix, 15/4/1992

- BOUBAKEUR Dalil, entretien avec Michel Kubler, La Croix, 18/8/1994

- CHARFI Mohamed, entretien avec Catherine Farhi, Le Nouvel Observateur, 4/7/2002

- CHODKIEWICZ Michel, entretien avec Claire Brière, Le Nouvel Observateur , 7/2/1986

- HADDAM Tedjini, entretien avec Henri Tincq, Le Monde, 24/10/1989

- MEDDEB Abdelwahab, entretien avec Nicolas Truong, Le Monde de l'éducation, janvier 2004

- NASREEN Talislam, entretien avec Jean-Michel Demetz, L'Express, 17/2/1994

- RAMADAN Tariq, entretien avec Bernard Gorce, La Croix, 18/11/1995

- TALBI Mohamed, entretien avec Serge Lafitte, Ecritures, 3e trimestre 2004

4) Articles concernant les intellectuels musulmans par groupe sociologique

. Intellectuels avant-gardistes

- BRIERE Claire, « Le secret des convertis », Le Nouvel Observateur, 7/2/1986

- TINCQ Henri, « L'affaire des Versets sataniques. Un mauvais coup pour l'islam en France », Le Monde, 23/2/1989

- TINCQ Henri, « Les musulmans de France et l'affaire Rushdie », Le Monde, 20/3/1989

- DE GAUDEMAR Antoine, « Salam Salman », Libération, 7/10/1993

- PERONCEL-HUGOZ Jean-Pierre, « Intellectuels en quête d'identité », Le Monde, 20/5/1994

- TINCQ Henri, « Voyage parmi les convertis à l'islam », Le Monde, 9/12/1999

- SALAUN Tnagui, « La pasionaria du féminisme égyptien », L'Express, 26/7/2001

. Intellectuels réformateurs

- KEPEL Gilles, « `Prologues' à une pensée arabe contemporaine », Le Monde, 16/1/1998

- TERNISIEN Xavier, « L'islam peut-il être critiqué comme n'importe quelle religion ? », Le Monde, 23/4/2001

- TERNISIEN Xavier, « Intégrisme, fondamentalisme et fanatisme : la guerre des mots », Le Monde, 08/10/2001

- ROSSIGNOL Lorraine, « Coran, ouvre-toi ! », Le Monde, 1/12/2001

- TERNISIEN Xavier, « Le Coran en question », Le Monde, 7/9/2001

- MAGGIORI Robert, « Freud en panne de Coran », Libération, 17/10/2002

- DE SAUTO Martine, « Les voies d'un islam moderne », La Croix, 20/2/2003

- KAREH-TAGER Djénane, « L'islam d'après 11 septembre », Actualités des religions, avril 2003

- TERNISIEN Xavier, « Au-delà de l'opposition entre intégristes et modérés », Le Monde, 1/7/2003

- Dossier « Les rénovateurs de l'islam », Le Monde des religions, septembre-octobre 2003

- TERNISIEN Xavier, « Quelle troisième voie entre islam officiel et islamisme ? », Le Monde, 14/11/2003

- MENUSIER Antoine, « Nouveaux penseurs et vieux censeurs », Le Figaro Magazine, 31/1/2004

- TINCQ Henri, « Une « Réforme » de l'islam est possible », Le Monde, 30/4/2004

. Intellectuels organiques

- ETIENNE Bruno, « Pour un islam français », L'Express, 12/5/1989

- BOURDARIAS Jean, « Islam en France : le temps de la concertation », Le Figaro, 25/3/1990

- MALAURIE Guillaume, « Islam français : les barbus font leur chemin », L'Evénement du Jeudi, 22/4/1993

- TINCQ Henri, Une communauté fragmentée qui a du mal à s'organiser, 13/10/1994

- KUBLER Miche, « L'unité improbable des musulmans de France », La Croix, 27/12/1994

- WEILL Claude, « Ce que veulent les musulmans », Le Nouvel Observateur, 22/2/1996

- GORCE Bernard, « Islam et République s'interpellent et se cherchent », La Croix, 8/12/1999

- FREGOSI Franck, « Islam d'en haut contre islam d'en bas », Le Figaro, 31/10/2002

- TERNISIEN Xavier, « Enquête sur ces musulmans qui inquiètent l'islam de France », Le Monde, 13/12/2002

- TERNISIEN Xavier, « Sarkozy et l'islam de France », Le Monde, 16/1/2003

- TRIBALAT Michèle, « Un Conseil français du culte musulman, pour quoi faire ? », La Croix, 28/3/2003

- ETIENNE Bruno, « Pour une « gallicanisation » de l'islam », La Croix, 28/3/2003

- LAHOURI Besma & CONAN Eric, « La laïcité face à l'islam », L'Express, 18/9/2003

- ASKOLOVITCH Claude, « Islam et République : les noces d'août », Le Nouvel Observateur, 2/9/2004

- DANIEL Jean, « Le message de l'islam français », Le Nouvel Observateur, 2/9/2004

- THILAY Boris & JACQUELINE Rémy, «La face cachée de l'UOIF », L'Express, 2/5/2005

.Leaders sociopolitiques

- FINKIELKRAUT Alain, « A propos de l'antiracisme », Le Monde, 14/11/1989

- MALAURIE Guillaume Malaurie & STEHLI Jean-Sébastien, « France, terre d'islam », L'Express, 12/5/1989

- LICHT Daniel « Le Coran et la carte d'électeur », Libération, 22/12/2001

- CHAMBON Frédéric, « La quête identitaire de ces jeunes Lyonnais tournés vers l'islam », Le Monde, 12/2/2003

- TERNISIEN Xavier & BRONNER Luc, « Le mauvais débat du communautarisme », Le Monde, 12/4/2003

- MMLF, «L'Appel de mai », Le Figaro, 12/5/2003

- TERNISIEN Xavier, « Les élites musulmanes à la recherche d'une représentation laïque », Le Monde, 21/5/2003

- THIOLAY Boris, « Vingt ans après la Marche des beurs », L'Express, 20/11/2003

- AESCHIMANN Eric, « Discrimination positive, une alternative ? », Libération, 4/12/2003

- LE VAILLANT Luc, « Anti-racines », Libération, 8/12/2003

- BEZAT Jean-Michel, « Sarkozy, le préfet musulman et le philosophe », Le Monde, 18/12/2003

- ALLA Tewfik, « Retrouver la force d'une laïcité vivante », Libération, 16/2/2004 

- TOMAS Ludovic, « Les nouveaux défis du MRAP », L'Humanité, 6/12/2004

- CHARTIER Claire, « Musulmans mais laïques », L'Express, 13/12/2004.

- KESSOUS Moustapha, « La longue dérive de Vénissieux », Le Monde, 14/1/2005

- « Nous sommes les indigènes de la République ! », Oumma, 18/1/2005

- DANIEL Jean, « Les damnés de la République », Le Nouvel Observateur, 10/3/2005

II) ETUDES

A) ETUDES SUR L'ISLAM

1) Sur l'islam en général

- Arts & Vie, hors série, « L'islam », 1992, 127 p.

- LEWIS Bernard & SCHNAPPER Dominique (dir.), Musulmans en Europe, Actes Sud, 1992, 222 p.

- TERNISIEN Xavier, La France des mosquées, Albin Michel, 2004 (1ère édition : 2002), 303 p.

- ZARKA Yves-Charles (dir.), Cités, hors-série, PUF, 2004, 733 p.

2) Sur la médiatisation de l'islam

- DELTOMBE Thomas, « L'islam au miroir de la télévision », Le Monde Diplomatique, mars 2004

- GEISSER Vincent, La nouvelle islamophobie, La Découverte, 2003, 122 p.

3) Sur divers types d'intellectuels musulmans

- AVON Dominique, « Une réponse l' `islam réformiste' de Tariq Ramadan, Nunc, Editions de Corlevour, Clichy, octobre 2003

- CHERQAOUI Rocher, D'une foi à l'autre : les conversions à l'islam en Occident, Seuil, 1986, 215 p.

- FOUREST Caroline, Frère Tariq. Discours, stratégie et méthode de Tariq Ramadan, Grasset, 2004, 450 p.

- JUHEM Philippe, SOS-Racisme, histoire d'une mobilisation « apolitique ». Contribution à une analyse des transformations des représentations politiques après 1981, Thèse de science politique, Université Paris X (dir. Bernard Lacroix), 1998, 725 p.

- RENE Emilie, « L'affaire Rushdie. Protestation mondiale et communauté d'interprétation », Les Cahiers du CERI, 1997

- ZEMOURI Aziz, Faut-il faire taire Tariq Ramadan ?, L'Archipel, Paris, 2005, 383 p.

B) SUR LES INTELLECTUELS EN GENERAL

- LEMIEUX Emmanuel, Pouvoir intellectuel, les nouveaux réseaux, Denoël, 2003, 756 p.

- ORY Pascal & SIRINELLI Jean-François, Les intellectuels en France. De l'affaire Dreyfus à nous jours , Perrin, 2004 (1ère édition : 1987), 435 p.

* 1 Entretien de Mohamed Arkoun avec Jean-Paul Chagnollaud, Bassma Kodmani-Darwish et Abderrahim Lamchichi, « Le fait islamique : `Vers un nouvel espace d'intelligibilité' », Confluences Méditerranée, automne 1994.

* 2  Salman Rushdie, Les Versets Sataniques (traduit de l'anglais), Christian Bourgeois, 1989, 700 p.

* 3 Entretien de Mohamed Arkoun avec Henri Tincq, , Le Monde, 15/3/1989.

* 4 Pascal Ory & Jean-François Sirinelli, Les intellectuels en France. De l'affaire Dreyfus à nous jours, Perrin, 2004 (1ère édition : 1987), pp. 8-9.

* 5 Cf. Emmanuel Lemieux, Pouvoir intellectuel, les nouveaux réseaux, Denoël, 2003, 756 p.

* 6 Bien que la vision médiatique de l'islam soit globalement unilatérale, certains journalistes de poids vont régulièrement à contre-courant de l'opinion majoritaire. Par exemple, malgré son lynchage médiatique, Tariq Ramadan a trouvé un soutien de taille en la personne de Xavier Ternisien, journaliste à la rubrique « Religion » du Monde.

* 7 De salaf = « ancêtre ».

* 8 Samuel Huntington, Le Choc des Civilisations (traduit de l'anglais), Odile Jacob, 1997, 402 p.

* 9 A l'inverse, il existe par exemple deux notions distinctes pour désigner la religion chrétienne (christianisme) et la civilisation chrétienne (chrétienté).

* 10 Vincent Geisser, La Nouvelle Islamophobie, La Découverte, 2003, p. 29.

* 11 Sadek Sellam, « Vincent Mansour Monteil (1913-2005), le dernier des grands orientalistes français », Oumma, 14/3/2005.

* 12 Nicole Zand, « Lawrence et Monteil d'Arabie », Le Monde, 31/7/1987.

* 13 Vincent Monteil, Lawrence d'Arabie, le lévrier fatal (1888-1935), Hachette, 1987, 332 p.

* 14 Rosita Boisseau, « Maurice Béjart, 50 ans d'enfance », Le Monde, 27/11/2004.

* 15 Claire Brière, « Un converti contre les intégristes », Le Nouvel Observateur, 7/2/1986.

* 16 Rocher Cherqaoui, D'une foi à l'autre : les conversions à l'islam en Occident, Seuil, 1986, p. 20.

* 17 Claire Brière, « Un converti contre les intégristes », op. cit.

* 18 Michel Chodkiewicz, Le sceau des saints, prophétie et sainteté dans la doctrine d'Ibn Arabi, Gallimard, 1986, 231 p.

* 19 Henri Tincq, « Les voies d'Allah sont impénétrables », Le Monde, 15/1/1990.

* 20 Elle est l'auteure notamment d'une Anthologie du soufisme, (Albin Michel), 360 p.

* 21 Rocher Cherqaoui, D'une foi à l'autre : les conversions à l'islam en Occident, op. cit., p. 189.

* 22 Vincent Roux, « Versets, réponse à Vincent Mansour Monteil », Le Monde, 5/4/1989.

* 23 Cf. Jean-Loup Herbert, « La force mobilisatrice d'une spiritualité », Le Monde Diplomatique, septembre 1984.

* 24 Vincent Monteil, « Arguments, versets bibliques », Le Monde, 23/3/1989.

* 25 Henri Tincq, « Les voies d'Allah sont impénétrables », Le Monde, 15/1/1990.

* 26 Claire Brière, « Un converti contre les intégristes », op. cit.

* 27 Michel Renard, « Islam politique ou islam religion », Libération, 2/10/2001.

* 28 Ibid.

* 29 Cf. partie II.

* 30 Henri Tincq, « Voyage parmi les convertis à l'islam », Le Monde, 8/12/1999.

* 31 Claire Brière., «  Le secret des convertis », Le Nouvel Observateur, 7/2/1986.

* 32 Eva de Vitray-Meyerovitch (Entretiens avec Rachel et Jean-Pierre Cartier), Islam, l'autre visage, Albin Michel, 1995 (1ère édition : 1991), p. 11.

* 33 Xavier Ternisien, La France des mosquées, Albin Michel, 2002, p194. 

* 34 Claire Brière, « Un converti contre les intégristes », op. cit. 

* 35 Henri Tincq, « Voyage parmi les convertis à l'islam », op. cit.

* 36 A titre d'illustration, un dessin de Plantu, L'Express, 16/8/1993, met en scène la foule assistant à une prière. Parmi eux, un seul ne prie pas et lit le journal. « J'en vois un qui pense ! », s'écrie un religieux en pointant d'un index synonyme de fatwa l'intellectuel mécréant.

* 37 Chantal de Rudder, « Le grand désintégrateur », Le Nouvel Observateur, 23/3/1989.

* 38 Article anonyme, «Les Versets Sataniques. Les intellectuels se mobilisent en France et à l'étranger », Le Monde, 24/2/1989.

* 39 Emilie René, « L'affaire Rushdie. Protestation mondiale et communauté d'interprétation », Les Cahiers du CERI, 1997.

* 40 Antoine de Gaudemar, « Salam Salman », Libération, 7/10/1993.

* 41 = « savants », terme désignant les théologiens garants de la tradition islamique en islam sunnite.

* 42 Les éditrices, « Préface », in Pour Rushdie, La Découverte, 1993, pp. 11-12.

* 43 Salman Rushdie, « En toute bonne foi », Libération, 8/2/1990.

* 44 Marie Guichoux, « Un homme invisible », Libération, 20/6/1991.

* 45 Dominique Dhombres, « L'écrivain Salman Rushdie se rendra prochainement en Egypte », Le Monde, 21/1/1992.

* 46 Arnold Wesker, cité par Marie Guichoux, « Un homme invisible », Libération, 20/6/1991.

* 47 Naguib Mahfouz, trad Jean-Patrick Guillaume, Les Fils de la Médina, Actes Sud, 1999, 528 p.

* 48 Jean-Pierre Péroncel-Hugoz, « Intellectuels en quête d'identité », Le Monde, 20/5/1994.

* 49 Mohamed Sifaoui, La France malade de l'islamisme, Cherche-Midi, 2002, 240 p.

* 50 Id., Lettre aux islamistes de France et de Navarre, Cherche-Midi, 2004, 120 p.

* 51 Id., Mes frères assassins, Cherche-Midi, 2003, 176 p.

* 52 Id., Sur les traces de Ben Laden, Cherche-Midi, 2004, 192 p.

* 53 Slimane Zeghidour, Le Voile et la Bannière, Hachette, 1990, 156 p.

* 54 Hassan Zerrouky, La nébuleuse islamiste, Numéro 1, 2002, 372 p.

* 55 Latifa Ben Mansour, Les mensonges des intégristes, Rocher, 2004, 262 p.

* 56 Id., Frères musulmans, frères féroces, Ramsay, 2002, 266 p.

* 57 André Laurens, « L'identité ressentie », Le Monde, 12/11/1990.

* 58 Forum avec Slimane Zeghidour du 17/9/2004, disponible sur le site nouvelobs.com.

* 59 Entretien Besma Lahouri & Eric Conan avec Latifa Ben Mansour, « L'islam bien vécu est serein, paisible, nullement agressif », L'Express, 18/9/2003.

* 60 Latifa Ben Mansour, Les mensonges des intégristes, op. cit., pp. 11-12.

* 61 Talisma Nasreen, « Athée et laïque, comme Voltaire », Le Monde 2, 26/2/2005.

* 62 Chahdortt Djavann, « La Laïcité, garante de l'unité nationale », Le Figaro, 6/1/2004.

* 63 Ali Abderraziq L'Islam et les fondements du pouvoir (traduit de l'arabe), La Découverte, 1994 (1ère édition : 1925 ), 177 p.

* 64 Rachid Benzine, Les nouveaux penseurs de l'islam, Albin Michel, 2004, p. 50.

* 65 = « renaissance ».

* 66 = «  révolution ».

* 67 Cf. Taris Ramadan, Aux sources du renouveau musulman. D'al-Afghani à Hassan al-Banna, un siècle de réformisme islamique, Bayard, 1998, 479 p.

* 68 Aziz Zemouri, Faut-il faire taire Tariq Ramadan?, L'Archipel, Paris, 2005, pp. 291-297.

* 69 Tariq Ramadan, « Etre musulman, être entendu », Le Monde, 5/11/2000.

* 70 Cette dénomination vient du titre de l'ouvrage de Rachid Benzine, Les nouveaux penseurs de l'islam, op.cit.., un livre qui présente la plupart des intellectuels musulmans acceptés comme réformateurs par la presse française.

* 71 Rachid Benzine, « Réflexion pour un islam du XXIe siècle », intervention aux Rencontres de Tanger, du 23 au 27 février 2005, diffusée sur France Culture le 15/8/2005.

* 72 Rachid Benzine, Les nouveaux penseurs de l'islam, Albin Michel, 2004, p. 215.

* 73 Parmi ces intellectuels de l'ombre, nous pouvons entre autres citer le linguiste tunisien Moncef Benabdeljalil, le philosophe égyptien Hassan Hanafi, le penseur indien Asghar Ali Engineer, la malaisienne Amina Wadud, l'imam sud-africain Ebrahim Moosa, ou encore le juriste soudanais Abdullahi An-Na'im,. 

* 74 Entretien d'Amara Bamba avec Mohamed Mestiri, Saphirnet, 19/5/2003.

* 75 Jamel Eddine Bencheikh, « L'islam moderne naîtra en France », Le Nouvel Observateur, 22/2/1996.

* 76 Entretien de Henri Tincq avec Mohamed Arkoun, Le Monde, 5/5/1992.

* 77 Malek Chebel, Manifeste pour un islam des Lumières, Hachette, 2004, p. 19.

* 78 Nasr Abou-Zeid, Critique du discours religieux, Actes Sud, 1999, 220 p.

* 79 Fatima Mernissi, Le Harem politique, Albin Michel, 1987, 293 p.

* 80 Catherine Simon, « L'Etat et l'islam sous l'aile de la censure », Le Monde, 18/10/1996.

* 81 = « spécialiste en jurisprudence ».

* 82 Mohamed Talbi, Plaidoyer pour un islam moderne, Editions de l'Aube, 2004 (1ère édition : 1998), p105.

* 83 Ibid., p75.

* 84 Rachid Benzine, « Les axes de la recherche », Le Monde des Religions, septembre-octobre 2003

* 85 = « effort d'interprétation ».

* 86 Mohamed Talbi, Plaidoyer pour un islam moderne, op.cit., p106.

* 87 Rachid Benzine, « Une modernité islamique », in Le Nouvel Observateur, hors-série, « Les nouveaux penseurs de l'islam », avril/mai 2004.

* 88 Rachid Benzine, Les nouveaux penseurs de l'islam, Albin Michel, 2004, p. 181.

* 89 = « inimitabilité du Livre révélé ».

* 90 Entretien de Serge Lafitte avec Mohamed Talbi, Ecritures, Juillet 2004.

* 91 Mohamed Arkoun , « Un islam des Lumières », in Le Nouvel Observateur, hors-série, « Les nouveaux penseurs de l'islam », avril/mai 2004.

* 92 Fethi Benslama, La psychanalyse à l'épreuve de l'islam, Flammarion, 2004, 334 p.

* 93 Malek Chebel, Le Sujet en Islam, Seuil, 2002, 294 p.

* 94 Id., Manifeste pour un islam des Lumières, Hachette, 2004, pp 29-36.

* 95 Youssef Seddik, Nous n'avons jamais lu le Coran, L'Aube, 2004, 298 p.

* 96 Abdelmajid Charfi, L'islam entre le message et l'histoire (traduit de l'arabe), Albin Michel, 2004, 230 p.

* 97 Edgar Weber et Kader Jelali, L'islam en France ou la paix sainte, L'Harmattan, 1992, p. 180.

* 98 Mohamed Arkoun, « Un islam des lumières », in Le Nouvel Observateur, hors-série, op.cit.

* 99 Antoine Menusier, « Nouveaux penseurs et vieux censeurs », Le Figaro Magazine, 31/1/2004.

* 100 Guy Sorman, « Le Coran et la pauvreté en partage », Le Figaro, 29/9/2001.

* 101 Henri Tincq, « Une `réforme' dans l'islam est possible », Le Monde, 30/4/2004.

* 102 Qualificatif employé par le politologue Gilles Kepel pour désigner Nasr Abou Zeid, cité par Ursula Gauthier, « Islam contre modernité ? », Le Nouvel Observateur, 11/9/2003.

* 103 Entretien de Patricia Briel avec Abdelwahab Meddeb, Le Temps, 20/3/2004.

* 104 Bernard Gorce, « Entretien avec Soheib Bencheikh », La Croix, 30/1/1998.

* 105 Le Nouvel Observateur, hors-série, op.cit.

* 106  « Les rénovateurs de l'islam », Le Monde des religions, septembre-octobre 2003.

* 107 Antoine Menusier, « Nouveaux penseurs et vieux censeurs », op.cit.

* 108 Aziz Zemouri, Faut-il faire taire Tariq Ramadan?, L'Archipel, Paris, 2005, p. 245.

* 109 Tariq Ramadan, « Le renouveau viendra d'Occident », Le Nouvel Observateur, 21/2/2002.

* 110 Claude-François Jullien, « L'affaire Ramadan », Le Nouvel Observateur, 22/2/1996.

* 111 Christophe Ayad, « La langue d'Aladin », Libération, 8/7/2003.

* 112 Serge Raffy, « Le vrai visage de Tariq Ramadan », Le Nouvel Observateur, 29/1/2004.

* 113 Josette Alia & Claude Weill, « Islam : le temps de l'autocritique », Le Nouvel Observateur, 4/10/2001.

* 114 Claude Askolovitch, « L'encombrant M. Ramadan », Le Nouvel Observateur, 9/10/2003.

* 115 Serge Raffy, « Le vrai visage de Tariq Ramadan », op. cit.

* 116 Ibid.

* 117 Cf. Aziz Zemouri, Faut-il faire taire Tariq Ramadan, op.cit., p 143 : Tariq Ramadan lui-même trouve « légitime » de se voir opposer une « lecture critique » avec laquelle il est « en désaccord », faisant référence à une rare réponse « sur le fond » qui lui a été opposée : Dominique Avon, « Une réponse l' `islam réformiste' de Tariq Ramadan, Nunc, Editions de Corlevour, Clichy, octobre 2003.

* 118 Rémi Barroux et Xavier Ternisien, « Tariq Ramadan, intellectuel contesté, en vedette d'un jour », Le Monde, 16/11/2003.

* 119 Alexandre Adler, « Epître à Tariq Ramadan », Le Figaro, 16/10/2003.

* 120 Bernard Kouchner sur RTL, rapporté sur nouvelobs.com, 31/10/2003.

* 121 Esther Benbassa, « Tariq Ramadan et l'islam « mou » de Turquie », Le Monde, 20/11/2003.

* 122 Caroline Fourest, Frère Tariq. Discours, stratégie et méthode de Tariq Ramadan, Grasset, 2004, pp. 28-29.

* 123Ibid., p. 66

* 124 Bernard Henry Lévy, « L'autre visage de Tariq Ramadan », Le Monde, 1/11/2003.

* 125 Martine Gozlan, « Le mystère Tariq Ramadan », Marianne, 9/9/2002.

* 126 Antoine Menuisier, « La théologie au service d'une stratégie politique », Le Figaro Magazine, 31/1/2004 

* 127 Xavier Ternisien, « Tariq Ramadan, sa famille, ses réseaux, son idéologie », Le Monde, 23/12/2003.

* 128 Id., « Tariq Ramadan, l'énigmatique », Le Monde , 29/9/2000.

* 129 Pascal Galinier, « De Marx à Mahomet... », Le Monde, 2/3/2005.

* 130 Rachid Benzine, « Les axes de la recherche », Le Monde des Religions, septembre-octobre 2003

* 131 Catherine Farhi, « Lire le Coran avec les yeux du XXIe siècle », Le Nouvel Observateur, 4/7/2002.

* 132 Josette Alia, « Islam : le temps de l'autocritique », Le Nouvel Observateur, 4/10/2001.

* 133 Mohamed Talbi, Plaidoyer pour un islam moderne, Editions de l'Aube, 2004 (1ère édition : 1998), p73.

* 134 Cf. Ghaleb Bencheikh, Alors, c'est quoi l'islam ?, Presses de la Renaissance, Paris, 2001, 105 p.

* 135 Gilles Kepel, « `Prologues' à une pensée arabe contemporaine », Le Monde, 16/1/1998 .

* 136 Entretien de Henri Tincq avec Olivier Roy, in Le Monde des religions, septembre 2003.

* 137 Jean-Louis Schlegel, « La fable anti-islamique », Autrement, décembre 1987.

* 138 Xavier Ternisien, « Sarkozy et l'islam de France », Le Monde, 16/1/2003.

* 139 Michel Kubler, « Quinze sages pour un islam en France », La Croix, 20/3/1990.

* 140 Entretien de Henri Tincq avec Pierre Joxe, Le Monde, 17/3/1990.

* 141 Xavier Ternisien, « Accord sur la composition du futur Conseil du Culte Musulman », Le Monde, 21/12/2002.

* 142 Michel Kubler, « Une charte contestée du culte musulman », La Croix, 13/12/1994.

* 143 Bernard Gorce, « Islam et République s'interpellent et se cherchent », La Croix, 8/12/1999.

* 144Id , « La parole d'Allah pour un monde moderne », La Croix, 8/1/1995.

* 145 Id, « Dalil Boubakeur en campagne pour l'islam », La Croix, 5/3/1997.

* 146 Le mot est ici à entendre au sens purement étymologique. Construit à partir du grec phobos (= « crainte »), il désigne plus une peur de l'islam qu'une véritable haine raisonnée. 

* 147 Xavier Ternisien, « Les musulmans de France, entre affirmation identitaire et inquiétudes », Le Monde, 13/5/2002.

* 148 Michel Kubler, « Les `bons' musulmans de Charles Pasqua », La Croix, 12/1/1995.

* 149 Jean Bourdarias, « Islam en France : le temps de la concertation », Le Figaro, 25/3/1990.

* 150 = « biens religieux ».

* 151 Henri Tincq, « Soixante-dix ans de controverses », Le Monde, 8/2/1992.

* 152 Michel Kubler, « Le Dr Boubakeur au chevet de la mosquée », La Croix, 14/4/1992.

* 153 Franck Fregosi, « Islam d'en haut contre islam d'en bas », Le Figaro, 31/10/2002.

* 154 Ali Laïdi, « Boubakeur ou la déconfiture d'un modéré », Nouvel Observateur, 26/6/2003.

* 155 Entretien accordé au journal 20 minutes, rapporté par Xavier Ternisien, « Un entretien sur l'islam accordé par Dalil Boubakeur provoque une levée de boucliers chez les musulmans », Le Monde, 23/10/2002.

* 156 Farid Aichoune & Marie-France Etchegoin, « Bataille pour un minaret », Le Nouvel Observateur, 21/03/1989.

* 157 Vincent Hugeux, « Les enjeux d'une sentence », La Croix, 1/3/1989.

* 158 Guillaume Malaurie, « Les barbus font leur chemin », L'Evénement du Jeudi, 22/4/1993.

* 159 Cf. Xavier Ternisien, « Enquête sur ces musulmans qui inquiètent l'islam de France », Le Monde, 13/2/2002.

* 160 Xavier Ternisien, « Sarkozy et l'islam de France », Le Monde, 16/1/2003.

* 161 Jean-Pierre Elkabbach réunit le 13 juin 2004 sur Europe1 Roger Cuckierman et Fouad Alaoui, qui explique que « l'antisémitisme est condamnable par l'islam et les musulmans ».

* 162 Claude Askolovitch, « Juifs et musulmans renouent le dialogue », Le Nouvel Observateur, 16/9/2004.

* 163 Xavier Ternisien, « Au Bourget, les musulmans ont donné des signes d'union et de modération », Le Monde, 29/3/2005.

* 164 Jean Daniel, « Le message de l'islam français », Le Nouvel Observateur, 2/9/2004.

* 165Claude Askolovitch, « Islam et République, les noces d'août », Le Nouvel Observateur, 2/9/2004.

* 166 Gilbert Charles, Claire Chartier, Vincent Hugeux, Besma Lahouri, Alain Louyot, Eric Pelletier, Jean-Marie Pontaut & Delphine Saubaber, « Les leçons d' une épreuve », L'Express, 6/9/2004.

* 167 Fiametta Venner, OPA sur l'islam de France, Les ambitions secrètes de l'UOIF, Calmann-Lévy, 2004, 241 p.

* 168 Claude Askolovitch, « Islam et République, les noces d'août », op. cit.

* 169 Cf. article non signé, «  L'UOIF vise à renforcer le communautarisme en France », Le Figaro, 17/6/2003.

* 170 Rémy Jacqueline & Boris Thiolay, «  La face cachée de l'UOIF », L'Express, 2/5/2005.

* 171 Besma Lahoury & Boris Thiolay, « L'argent de l'islam en France », L'Express, 21/11/2002.

* 172 Xavier Ternisien, « La Rencontre annuelle des musulmans de France s'ouvre sur fond de discorde », Le Monde, 26/3/2005.

* 173 Portrait de Soheib Bencheikh par l'AFP, 4/5/2002. 

* 174Entretien de Henri Tincq avec Soheib Bencheikh, Le Monde, 20/11/2001.

* 175 Josette Alia, « Le vrai visage de l'islam français », Le Nouvel Observateur, 21/2/2002.

* 176 Xavier Ternisien, « Des personnalités musulmanes dénoncent la manière dont Nicolas Sarkozy organise l'islam de France », Le Monde, 12/12/2002.

* 177 Jean-Marie Guénois, « L'islam français reste divisé », La Croix, 12/12/2002.

* 178 Elie Marechal, « Un centre d'études de l'islam en gestation », Le Figaro, 21/5/1998.

* 179 Entretien de Delphine Saubaber avec Soheib Bencheikh, L'Express, 9/4/1998.

* 180 Daniel Licht, « Au nom d'Allah et de Marianne », Libération, 3/2/1998.

* 181 Franck Fregosi, « Quelle organisation de l'islam dans la République : institutionnalisation et/ou instrumentalisation ? », in (dir. Yves-Charles Zarka), Cités, hors-série, « L'islam en France », PUF, 2004, pp. 101-105.

* 182 Article anonyme, « Bétoule Fekkar-Lambiotte a annoncé sa démission de la Consultation sur le culte musulman », Le Monde, 9/2/2003. 

* 183 Xavier Ternisien, « Dounia Bouzar, musulmane de France », Le Monde, 28/1/2005.

* 184 Elle est en effet une des rares intellectuelles musulmanes reconnues comme telles qui refusent par exemple de stigmatiser le port du voile (Cf. Dounia Bouzar & Saïda Kada, L'une voilée, l'autre pas, Albin Michel, 2003, 200 p.), ou encore de diaboliser Tariq Ramadan (Cf. Dounia Bouzar, L'islam des banlieues, Syros, Paris, 2001, 181 p.).

* 185 Entretien de Xavier Ternisien avec Yamin Makri, Le Monde, 22/12/2002.

* 186 Cf. partie IV. Tout comme ces « jeunes musulmans », nous verrons que des « musulmans laïques » vont se servir d'un discours anti-CFCM pour se créer une place médiatique.

* 187 Josette Alia, « Le vrai visage de l'islam français », Le Nouvel Observateur, 21/2/2002.

* 188 Claude Weill, « Trop musulman pour être français », Le Nouvel Observateur, 20/11/1997.

* 189 = « terre non-musulmane ».

* 190 Leila Babès, Loi d'Allah, loi des hommes, Albin Michel, 2002, 360 p.

* 191 Entretien de Islabelle de Gaulmyn avec Leila Babès, La Croix, 30/5/2002.

* 192 Marion Festraëts, « Le sociologue et le religieux », L'Express, 16/5/2002.

* 193 Communiqué du CFCM du 5/11/2003.

* 194 Michel Kubler, « Lever le malentendu islamo-français », La Croix, 15/4/1992.

* 195 Catherine Coroller, « Laïcité : le discours à peine voilé de l'UOIF », Libération, 11/10/2003.

* 196 Bernard Jouanno, Martine de Sauto et Nicolas Senèze, « Le voile unit chrétiens et musulmans mais divise la communauté juive », La Croix, 28/11/2003.

* 197 Josette Alia & Carole Barjon, « Voile : une loi, mais laquelle ? », Le Nouvel Observateur, 20/11/2003.

* 198 Xavier Ternisien, « Pressés par les attentats, les musulmans se préparent à élire leurs représentants », Le Monde, 13/10/2001.

* 199 Xavier Ternisien., « Les représentants musulmans appellent au `calme' et à la `dignité' », Le Monde, 22/3/2003.

* 200 Cf. Xavier Ternisien, « L'UOIF boude le Conseil français du culte musulman », Le Monde, 10/5/2005.

* 201 Claire Chartier, « Musulmane libre », L'Express, 17/1/2005.

* 202 Seuls deux membres du CFCM font partie de ce « comité de sages ».

* 203 Cf. notamment Antoine Sfeir, « Etre Maghrébins en France », in, Cahiers de l'Orient, 3e trimestre 2003, qui affirme que l'intégration de la communauté maghrébine, qui compte près de 800 000 cadres supérieurs, fonctionne mieux que ne le prétendent la plupart des discours « victimisants ». Cf. également l'étude de Sylvain Brouard et Vincent Tiberj, Rapport au politique des Français issus de l'immigration, juin 2005, disponible sur http://www.cevipof.msh-paris.fr/publications/enquetes/rapp_fi.pdf , qui nie l'existence d'un phénomène de réislamisation chez les populations immigrées.

* 204 Philippe Juhem, SOS-Racisme, histoire d'une mobilisation « apolitique ». Contribution à une analyse des transformations des représentations politiques après 1981, Thèse de science politique, Université Paris X (dir. Bernard Lacroix), 1998, p. 51.

* 205 Il avait participé au «  brain-potes », structure de parrainage de l'association.

* 206 Bertrand Legendre, « Du racisme postmoderne », Le Monde, 12/3/1993.

* 207 Terme emprunté à Jean Daniel, « Les damnés de la République », Le Nouvel Observateur, 10/3/2005.

* 208 Anne Vigerie & Anne Zelensky, « `Laïcardes', puisque féministes », Le Monde, 30/5/2003.

* 209 Voir notamment Mustapha Kessous, « La longue dérive de Vénissieux », Le Monde, 14/1/2005.

* 210 Jacques Giraddon, Vincent Hugeux & Sylviane Stein, « Les Islamistes », L'Express, 29/4/1993.

* 211 Hanane Harrath, « Musulmans et citoyens comme les autres », in Le Nouvel Observateur, hors-série, « Les nouveaux penseurs de l'islam », avril/mai 2004.

* 212 Luc Bronner & Xavier Ternisien, « Le mauvais débat du communautarisme », Le Monde, 12/4/2003.

* 213 Cynthia Fleury & Emmanuel Lemieux, « L'entrisme de Tariq Ramadan », Libération, 19/11/2003.

* 214 Tariq Ramadan, « Pour une laïcité ouverte », Le Monde, 13/10/2004.

* 215 Soheib Bencheikh, « Préface », in Lionel Favrot, Tariq Ramadan dévoilé, Editions Lyon Mag', 2003, p. 41.

* 216 http://www.oumma.com.

* 217 Tariq Ramadan, « Critique des (nouveaux) intellectuels communautaires », Oumma, 3/10/2003.

* 218 Cf. Cécilia Gabizon, « Le prêcheur vedette des banlieues professe un antisémitisme virulent », Le Figaro, 28/10/2004.

* 219 Cf. Xavier Ternisien, « Les associations de jeunes musulmans prennent leurs distances avec Tariq Ramadan », Le Monde, 24/5/2005.

* 220 Vincent Geisser, La Nouvelle Islamophobie, La Découverte, 2003, p. 102.

* 221 « Claude Imbert l'islamophobe », communiqué de presse du MRAP, 24 octobre 2003.

* 222 Jacqueline Remy, « Le Mrap dérape », L'Express, 24/1/2005.

* 223 Claire Chartier, « Musulmans mais laïques », L'Express, 13/12/2004.

* 224 Dépêche AFP, « Pro-voile contre pro-loi : la `majorité silencieuse' des musulmans courtisée », 19/1/2004.

* 225 MMLF, «L'Appel de mai », Le Figaro, 12/5/2003 : texte signé entre autres par Nadia Amiri, Leila Babès, Soheib Bencheikh, Malek Chebel, Bétoule Fekkar-Lambiotte, Rachid Kaci, Michel Renard, Aziz Sahiri, Mohamed Sifaoui, Djida Tazdait. 

* 226 Tewfik Allal, « Retrouver la force d'une laïcité vivante », Libération, 16/2/2004 : texte signé entre autres par Nadi Amiri, Jamel Eddine Bencheikh, Fethi Benslama, Mohamed Harbi, Kébir Jbil, Michel Renard, Hassan Zerrouky.

* 227 Tewfik Allal, cité par Claire Chartier, « Musulmans mais laïques », L'Express, 13/12/2004.

* 228 Cf. partie II.

* 229 Entretien de Xavier Ternisien avec Vincent Geisser, Le Monde, T21/5/2003. 

* 230 Xavier Ternisien, « Les élites musulmanes à la recherche d'une représentation laïque », Le Monde, 21/5/2003.

* 231 Cf. Gilbert Charles, Claire Chartier, Vincent Hugeux, Besma Lahouri, Alain Louyot, Eric Pelletier, Jean-Marie Pontaut, Delphine Saubaber, « Les leçons d' une épreuve », L'Express, 6/9/2004.

* 232 Eric Conan et Besma Lahouri , « La laïcité face à l'islam », L'Express, 18/9/2003.

* 233 Hanane Harrath, « Musulmans et citoyens comme les autres » , in Le Nouvel Observateur hors-série, « Les nouveaux penseurs de l'islam », avril-mai 2004.

* 234 Cf. Laurent Mucchielli, Le scandale des « tournantes », La Découverte, 2005, qui explique comment de nouveaux mouvements féministes ont profité de la construction purement médiatique d'une vague de viols collectifs.

* 235 « L'Appel pour un nouveau combat féministe », disponible sur le site de NPNS : http://www.niputesnisoumises.com.

* 236 Fadela Amara citée par Jean-Pierre Thibaudat, « Voile : flottements autour d'une loi », Libération, 8/12/2003.

* 237 Fadela Amara & Sylvia Zappi, Ni putes, ni soumises , La Découverte, 2003, 172 p.

* 238 Cf. Stéphanie Marteau, « Mouvements d'humeur », Le Point, 2/1/2004.

* 239 Saida Kada & Dounia Bouzar, L'une voilée, l'autre pas, Albin Michel, 2003, 216 p.

* 240 Dounia Bouzar, « Il est plus facile d'essentialiser l'islam », Oumma, 16/12/2003.

* 241 Besma Lahouri & Eric Conan, « La laïcité face à l'islam », L'Express, 18/9/2003.

* 242 Vincent Geisser, La Nouvelle Islamophobie, La Découverte, 2003, pp. 95-112.

* 243 MMLF, «L'Appel de mai », Le Figaro, 12/5/2003 .

* 244 Mouloud Aounit, « Les véritables défis de la laïcité », Marianne, 27/10/2003.

* 245 Entretien de Amara Bamba avec Vincent Geisser, Saphirnet, 5/1/2004.

* 246 Mouloud Aounit, « Le racisme, plaie collective », Libération, 21/5/2004.

* 247 Claude Askolovich, « Antisémitisme : le prétexte palestinien », Le Nouvel Observateur, 9/6/2004.

* 248 Tariq Ramadan, « Existe-t-il un antisémitisme islamique ? », Le Monde, 24/12/2001.

* 249 Tariq Ramadan, « Critique des (nouveaux) intellectuels communautaires », op. cit.

* 250 Id., « Existe-t-il un antisémitisme islamique ? », op. cit.

* 251 « Nous sommes les indigènes de la République ! », Oumma, 18/1/2005.

* 252 Fadela Amara, « Moi, fille d'immigrés, pour l'égalité et la laïcité », Libération, 2/3/2005.

* 253 Entretien de Sylviane Stein avec Djida Tazdaït, L'Express, 27/10/1989.

* 254 Gilbert Charles & Besma Lahouri, « Les vrais chiffres de l'islam en France », L'Express, 4/12/2003.

* 255 Cf. encore une fois l'étude de Sylvain Brouard et Vincent Tiberj, Rapport au politique des Français issus de l'immigration, op. cit., qui montre qu'il existe bien, contrairement aux idées reçues, un processus de « sortie de la religion » chez les musulmans français, phénomène comparable à celui observé dans d'autres communautés religieuses de l'Hexagone.

* 256 Robert Solé, « Les élus beurs soufflent leur première bougie », Le Monde, 21/3/1990.

* 257 Cf. Daniel Licht, « Le Coran et la carte d'électeur », Libération, 22/12/2001.

* 258 Vincent Geisser, La Nouvelle Islamophobie, La Découverte, 2003, p101.

* 259 Cf. Claude Askolovitch, « les gauchistes. d'Allah », Le Nouvel Observateur, 22/10/2004.

* 260 Claude Askolovitch, « L'encombrant M. Ramadan », Le Nouvel Observateur, 9/10/2003.

* 261 Xavier Ternisien, « L'alliance historique des foulards islamiques avec les drapeaux rouges », Le Monde, 6/2/2004.

* 262 Ugo Rankl, « Porte-parole des musulmans », Le Point, 24/5/2002.

* 263 Tariq Ramadan, « Le piège du communautarisme », Libération, 14/1/2004.

* 264 Luc Bronner, « Un recteur comme les autres », Le Monde, 29/1/2004.

* 265 Josette Alia, « La fierté du préfet Dermouche », Le Nouvel Observateur, 22/1/2004.

* 266 Eric Aeschimann, « Discrimination positive, une alternative ? », Libération, 4/12/2003.

* 267 Cf. Entretien de Etienne Gernelle et Patrick Bonazza avec Yazid Sabeg, Le Point, 14/10/2004.

* 268 Entretien de Xavier Ternisien avec Franck Fregosi, Le Monde, 5/10/2001.

* 269 Thomas Deltombe, « L'islam au miroir de la télévision », Le Monde Diplomatique, mars 2004.

* 270 Houari Bouissa, « Pour une définition de l'intellectuel musulman », Oumma, 12/2/2005.

* 271 Mohamed Arkoun, « Retour à l'affaire Rushdie », in Pour Rushdie, La Découverte, 1993






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