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Crise Agricole dans une vallée de Casamance: Le bassin de Goudomp (Senegal)

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par Insa MANGA
Université de Rouen - Maitrise Géographie 2003
  

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IV- Le pays balante ou Balantacounda : une société profondément transformé par les migrants

La structure actuelle de la population du Balantacounda est le fruit de son histoire fondée sur

de vagues successives de migrants affluant dans la zone. Ces nouveaux venus ont largement contribué a la transformation de la société balante traditionnelle et a la mise en place d'une société hybride où une réelle osmose s'est produite entre les différentes ethnies

en présence.

En effet, depuis un demi- siècle et surtout depuis la dernière guerre, le Balantacounda a subit des transformations d'autant plus profondes qu'il était démuni de toute infrastructure politique et de tout système d'organisation sociale, capables d'assurer la solidarité de l'ethnie et le contrôle de l'espace en dehors des périmètres effectivement occupés et cultivés. La fin de l'isolement, l'ouverture de voies de communications, l'établissement de réseaux administratifs et commerciaux, l'apparition de nouvelles conception de la vie sociale et personnelle, sur le plan religieux notamment, ont été l'oeuvre d'«étrangers» dont la région a connu et continue a connaître une véritable invasion (PELISSIER, 1966)

Nul autre secteur de la Casamance n'a connu une arrivée aussi massive d'immigrants. Mandingues et originaires de la Guinée Bissau (Mandjaques et Mancagnes), ont créé des villages- centres (Goudomp, Akintou 1 et 2, Bindaba 1 et 2, Diouniki), répandu la culture de l'arachide, introduit l'islam. Ils ont en quelque sorte juxtaposé une géographie nouvelle aux formes d'occupation du sol traditionnelles des Balantes. Les grands traits de l'aménagement actuel du Balantacounda et les techniques qu'il met en oeuvre reflètent ce brassage de la société.

Mais, en dépit de la diversité des ethnies en présence (Mandingues, Balantes, Diolas, Peuls, Mancagnes, Mandjaques....), il existe une certaine uniformisation aussi bien du système de production que de l'organisation sociale du travail.

IV-1 Crise et mutation du système foncier

Le code foncier, uniforme malgré la multiplicité ethnique, distingue les terres de plateau des terres de bas- fonds.

Les terres de plateau, destinées aux cultures pluviales, sont le domaine d'intervention des hommes. Le droit d'usage sur ces terres est obtenu sur autorisation du chef de village

ou de famille. Leur exploitation se fait dans le cadre d'une organisation familiale. Quant aux terres de bas- fonds (rizières) l'appropriation est souvent maritale mais l'exploitation en est réservée a la femme.

La question des prêts ou location des rizières reste très fréquente ces dernières années a cause du flux croissant des migrants qui entraîne la rareté des terres cultivables. Deux modalités sont rencontrées : le prêt gratuit et la location monétarisée.

En ce qui concerne le régime foncier, notons que la terre est un patrimoine familial. Par conséquent chaque membre de la famille a la responsabilité du bien qui lui est confié. Il jouit de sa production et peut même prêter bénévolement des parcelles a un ami ou un étranger a la famille.

IV-2 Systèmes de production et techniques aratoires

Il convient de distinguer les rizières, les champs de brousse et les petits champs familiaux.

Le mode de labour le plus fréquent reste le manuel a billon qui mobilise prés de 70 % des paysans.

L'agriculture est itinérante sur brûlis dans les champs et intensive traditionnelle dans les rizières.

Sur un champ précédemment cultivé, sur une jachère ancienne ou dans une brousse inculte, le paysan coupe les broussailles et les tiges de mil qui sont restées, abat éventuellement les arbustes puis y met le feu. Cette pratique permet aux sols de se régénérer et de retrouver leur fertilité. Sur le terrain ainsi préparé, dés les premières pluies, il billonne le champ avec le donkotong, le kobadour ou dans une moindre mesure la charrue, avant de procéder au semis le long des billons. Avec les grandes tornades, les herbes poussent et gênent la croissance du mil ou de l'arachide, un sarclage est nécessaire. La petite binette entre alors en jeu pour désherber. Un deuxième sarclage est exécuté un mois

et demi plus tard, mais la rareté de l'herbe n'oblige jamais a un troisième sarclage.

. Les champs de tapades ou «kankan» : entourant les habitations, de superficies réduites, bénéficiant d'une protection contre les animaux, d'apport de matière organique et plus ou moins complantés d'arbres fruitiers (manguiers, agrumes et papayers surtout), ils sont consacrés aux cultures de tubercules, de légumineuses et de maïs. Ce sont des cultures d'hivernages répétées chaque année sans rotation précise. Le kankan joue un rôle important dans l'économie domestique car il est essentiellement consacré a la céréale de soudure, le maïs.

Le labour du kankan-- opéré en général en billons très réguliers comme sur les champs de plateau -- et le semis du maïs, sont l'affaire commune des hommes de chaque concession ; ils représentent même leur apport le plus régulier et le plus systématique a la nourriture de leur famille. Le maïs semé en juin est récolté en septembre. Pendant toute cette dernière période, le paysan a biné deux fois son champ pour éliminer les mauvaises

herbes.

. Les champs de brousse : c'est le domaine de culture du mil, de l'arachide, du sorgho, du niébé et parfois du coton. Les semis se font sur un terrain nettoyé et billonné ou labouré. Le sol est travaillé sommairement a l'aide d'outils rudimentaires. En effet, les différentes ethnies présentes dans la zone utilisent le donkotong, le kadjandou ou le kobadour qui permettent de retourner manuellement la terre et de confectionner des billons.

La traction animale (bovine), fréquente a Birkama permet d'obtenir le même type de labour. Il est évident qu'a chacune des cultures correspond une technique particulière et un outillage différent. En fait, un groupe de cultivateurs dispose de plusieurs instruments aratoires qui sont utilisés pour des fonctions déterminées, mais chaque groupe ethnique en utilise

préférentiellement un qui peut servir a le caractériser.

Ainsi, le donkotong, sorte de houe a angle très fermé composé d'un manche court et d'une grande palette de bois ferrée a son extrémité utilisé pour le billonnage, constitue- t- il

l'instrument caractéristique des Mandingues. C'est l'instrument aratoire le plus couramment utilisé dans le bassin. L'usage du donkotong pour le labour permet une économie de l'eau en

ce sens qu'il met a la disposition du cultivateur une terre meuble et profonde ayant une grande capacité d'absorption de l'eau tout en étant aisément drainée lorsque le sol est saturé. Il procure le moyen non seulement d'enfouir profondément toute la végétation herbacée mais aussi de rassembler dans les billons la totalité de l'engrais vert disponible dans le champ.

Le kadjandou, fierté des Diolas, comporte un grand manche de bois pouvant avoir 2,5

a 3 m de long ; ensuite vient une palette de bois dur de forme oblongue qui se prolonge par

un petit manche de 15 a 20 cm qui se dessine progressivement sous la face inférieure de la palette et se relie a la perche grâce a une corde de rônier. Il est utilisé pour le même service que le donkotong.

Le labour avec ces instruments traditionnels constitue ainsi un moyen de lutte efficace contre l'herbe, en même temps qu'une technique satisfaisante d'entretien du niveau de la matière organique dans le sol.

Une petite binette, utilisée pour le désherbage, fait partie de la large gamme d'instruments employés pour les opérations d'entretien des cultures.

La pratique de la rotation de culture et de la jachère y est effective. Mais depuis quelques années, faute de terres proches cultivables, la durée de la jachère tend a diminuer.

La fertilisation est peu pratiquée sauf sur les champs de mil où on utilise l'engrais chimique.

. Les rizières : le principal mode traditionnel de mise en valeur est la construction de petits polders endigués. Cette digue est faite de matériau rencontré dans le polder lui-même (boue et fibres) Deux procédés caractérisent le travail des rizières inondées : une forme extensive dans laquelle les semis se font a la volée, une forme intensive qui utilise le repiquage des plants préparés en pépinière. Le travail se fait le plus souvent manuellement a l'aide du « baro », instrument constitué par une lame de daba adaptée a un manche coudé

de 1,5 a 2 m que les paysannes manient debout et avec lequel elles ne peuvent que débarrasser leur rizière de la végétation herbacée et en retourner superficiellement le sol.

Les rizières sont cultivées dès que les toutes premières pluies ont suffisamment détrempé le sol. Elles subissent d'abord un nettoyage sommaire assorti d'un brûlis qui permet de les saupoudrer de cendres, puis sont houées de manière systématique. A cette occasion, les débris qui ne peuvent être enfouis (les rhizomes, repousses arbustives), sont rejetés sur les limites de chaque parcelle et viennent renforcer les balanghon; ces diguettes qui dessinent a la surface des rizières un cadrage régulier, ont un double rôle : emmagasiner l'eau de pluie et marquer les limites foncières du parcellaire. Aux premières pluies également, des pépinières ont été semés. Le repiquage du riz est effectué dans le courant de juillet, lorsque les pluies assurent a la terre une humidité suffisante ou une

submersion permanente.

La récolte se fait a la main a l'aide d'un couteau spécialement conçu a cet effet. Le rendement reste encore faible malgré divers efforts déployés ; les facteurs- limitant étant entre autre la salinité, la pauvreté des sols, le repiquage long (20 a 50 jours/an) les pépinières et les rizières étant dispersées, les temps de repiquage en sont d'autant allongés.

La pratique de gestion de ressources y est effective avec comme fertilisants le fumier, les ordures ménagères et les engrais chimiques.

La principale contrainte de la riziculture dans le bassin de Goudomp reste cependant l'absentéisme total des hommes qui a pour effet que les rizières se limitent aux zones rendues favorables au riz par les conditions naturelles, c'est- a- dire la qualité de leur sol et

la submersion ou l'humidité dont elles bénéficient spontanément.

. L'Association agriculture- élevage : c'est une pratique traditionnelle en Casamance ; si chaque village dans le bassin de Goudomp possède un troupeau, beaucoup de chefs de famille n'ont pas de bovins ou n'en ont que quelques têtes. Durant l'hivernage, l'occupation

du sol par les cultures contraint les bergers a conduire leurs troupeaux pâturer en brousse et même, assez souvent, a y séjourner. Mais, dès la fin des récoltes, ils se rapprochent du village où ils paissent durant la journée sur les champs et les rizières et chaque soir, ils sont regroupés dans un parc commun dont la surveillance et l'entretien sont souvent confiés a un Peul. Les bêtes ne sont jamais envoyés en transhumance, mais laissées généralement en divagation dans les environs après les cultures.

C'est un élevage prospère mais marginal. En effet, la possession d'un cheptel est

la marque d'une position sociale solide, voire privilégiée. Les bêtes sont rarement commercialisées et leur énergie largement sous- employée. La fonction essentielle dévolue

a ce troupeau est d'être un instrument de fumure. Ce rôle du troupeau comme agent d'entretien du sol est complété par celui du petit bétail (caprins, volaille, ovins...) souvent élevé en grand nombre.

Et pourtant, les terres du bassin de Goudomp, suffisamment profondes et cohérentes offrent un cadre propice a la culture attelée. Convenablement conduit, le labour a la charrue doit être susceptible d'assurer des façons culturales aussi efficaces et pas plus dangereuses pour la structure du sol que le travail au donkotong. L'énergie animale devrait permettre de multiplier les travaux d'entretien, d'améliorer les rendements, d'accroître la surface cultivée par travailleur et surtout d'abréger la dure labeur d'une population féminine harassée tout au long de l'année par des travaux agricoles et des tâches ménagères qui dépassent ses

forces.

IV-3 Une organisation sociale de la production hiérarchisée

Le fait saillant de l'organisation sociale du travail dans le bassin de Goudomp et ceci pour l'ensemble des ethnies en présence, est la division sexuelle du travail qui affecte aux travaux

de rizières les femmes tandis que les hommes sont tournés vers les cultures de plateaux. Ce trait fondamental de la culture mandingue semble avoir été adopté relativement aisément par les autres ethnies présentes dans la zone.

IV-3 -1 Division sexuelle du travail et formes d'entraide

a) Division sexuelle du travail

Sur un même champ les travaux agricoles sont répartis selon le sexe.

Dans les rizières, le labour la préparation du sol, le semis, le repiquage et la récolte sont entièrement assurés par la femme. Cette ségrégation absolue dans l'exploitation agricole, plutôt défavorable a la femme, est lourde de conséquences ; les techniques d'aménagement en portent très fortement la marque. En outre, elle se traduit par un déficit

de main d'oeuvre dans la vallée avec comme cortège un étalement excessif des opérations culturales limitant les rendements et la productivité.

Dans un champ d'arachide chez les Mancagnes et les Mandjaques, le labour et la préparation du sol sont réalisés et par les hommes et par les femmes, le décorticage des semences et le semis par la femme, le désherbage et la récolte par l'homme.

La désintégration progressive des structures familiales, liée aux changements sociaux intervenus dans le bassin, a entraîné des changements dans la division du travail qui s'opèrent souvent au détriment des femmes. Outre les tâches domestiques qui leur incombent traditionnellement, les femmes sont de plus en plus souvent mises a contribution dans des domaines qui relevaient autrefois de la responsabilité des hommes.

b) L'entraide traditionnelle : un acquis à revaloriser

Les différentes formes d'entraide rencontrées sont sans lien avec l'appartenance ethnique ;

une réelle osmose s'étant produite entre les groupes ethniques en contact.

-Association de culture : ce sont des groupes de jeunes ou de femmes de 7 a 20 personnes s'organisant pour des prestations de travail rémunérées. Les tarifs varient selon l'âge et le sexe.

Une famille peut avoir recours a l'association de culture en cas d'insuffisance de force

de travail ou pour faire face a un surcroît de travail occasionné par la simultanéité de travaux concernant les différentes cultures.

-Invitation de culture : des amies se regroupent pour travailler ensemble dans la rizière de chacune d'entre elles. Aucune somme n'est versée, le travail étant effectué chez chacune des participantes a tour de rôle.

On rencontre aussi, notamment a Bindaba, la pratique du salariat agricole ou

utilisation de navétanes (ouvriers agricoles)

Ces pratiques traditionnelles, qui ont fait leur preuve, doivent être pérennisé pour faire face aux exigences d'un calendrier agricole chargé.

IV-3- 2 Un calendrier des travaux agricoles défavorable

Les cultures traditionnelles, très variées, ont la particularité de commencer toutes a la même période (en début d'hivernage : voir schéma ci-dessous) ; ce qui explique les surfaces relativement petites consacrées a chacune d'entre elles.

figure 3: Schéma du calendrier agricole dans le bassin

Les paysans du bassin de Goudomp n'ont pas l'habitude de compter leurs jours de travail.

Néanmoins l'année peut grossièrement se répartir ainsi :

juin- juillet : semis sous pluies toutes cultures, mise en place des pépinières a riz.

aoUt : repiquage du riz, entretien par sarclage des différentes cultures de plateaux.

septembre- octobre - novembre : entretien des cultures, gardiennage des champs et premières récoltes (mil, maïs, arachide, riz).

décembre - janvier: récoltes (riz, mil, arachide, fruits).

février - mars: cultures maraIchères (piment, oseille, aubergine...).

avril - mai: préparation du sol (brUlis et labours)

Cette simultanéité des travaux concernant les différentes cultures, dictée par les conditions climatiques (distribution uni modale des précipitations), restreint la production.

Conclusion

La diversité ethnique dans notre zone d'étude est très importante. Cependant les structures sociales et les systèmes fonciers présentent une relative homogénéité. Les systèmes agraires du bassin de Goudomp ne présentent pas de situation de crise. Bien au contraire, l'apparente solidarité, la pérennité des systèmes de production et des rapports sociaux de production restent consolidées. Ceci conduit a penser a priori que tout projet de développement non négocié avec le pouvoir local ou contredisant fondamentalement les

structures sociales et économique existantes sera voué a l'échec.

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"Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait"   Appolinaire