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Le défi du désendettement soutenable en Afrique Subsaharienne: Au-delà de l'Initiative PPTE.

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par Claire Barraud
Université Pierre Mendès France, Grenoble II - M2 recherche Politiques économiques et sociales 2006
  

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B/ « La grande désillusion ».

«Le FMI reconnaît que la stabilité macroéconomique peut exiger quelques sacrifices temporaires dans la croissance, probablement au dépens des plus pauvres »29. En réalité, ces « sacrifices» seront durables, plus âpres que prévus et génèreront un soulèvement mondial à l'égard des PAS. Car toutes les mesures citées comportent leurs limites mais aussi leurs effets pervers. Par conséquent, au lieu de favoriser le retour (ou plutôt l'aller) à la stabilité, elles auront un impact globalement négatif et accroîtront même le fardeau de la dette. Les exemples concrets parlent alors d'eux-mêmes.

1. Des spécificités africaines invalidant la théorie des PAS.

Ce sont les mesures commerciales qui ont eu l'impact le plus douloureux pour les économies africaines, les mesures financières ay-ant moins joué dans des structures peu développées en la matière. Néanmoins, toutes les mesures ont au moins un effet pervers dans une économie peu développée.

28 Berr E. et Combarnous F., 2004, op. cit., p 6.

29 Kousari K., 2002, in «Ajustement structurel et réduction de la pauvreté en Afrique », CNUCED, http:// www.ilo.org/public/french/dialogue/actrav/publ/134/10.pdf

Brièvement, les mesures budgétaires (politique d'austérité et réorientations des dépenses), qui se sont traduites par des coupes dans les budgets et des réorientations peu légitimes, se sont opérées presque tout le temps au détriment des politiques sociales. En effet, les grands secteurs lésés ont majoritairement été les secteurs de l'éducation et de la santé. Quant à la politique monétaire orthodoxe, elle a fait largement pression sur les catégories déjà les plus vulnérables. L'augmentation des taux d'intérêt a rendu le crédit trop onéreux pour la plupart des entreprises qui, en prime, ne pouvaient s'autofinancer. De fait, la majorité d'entre elles, déjà débitrices ou pas et, qui plus est soumises aux pressions nouvelles d'un univers concurrentiel, ont fait faillite et ont licencié. De même, la charge de la dett e extérieure publique (autant que privé mais dans une moindre mesure) a augmenté avec la hausse des taux. La réforme fiscale s'est bien traduite par une fiscalité élargie, mais pénalisant avant tout les populations les plus pauvres. En effet globalement, la progressivité de l'impôt a été abandonnée, l'impôt sur les bénéfices des sociétés a été réduit et le système de la TVA s'est généralisé. Par conséquent, si les revenus issus du capital ont été préservés, tous les autres ont été sévèrement affectés.

Au niveau financier, l'ouverture n'a jamais attiré les capitaux internationaux dans la mesure où d'autres variables sont bien plus importantes que la simple déréglementation, comme la sécurité en matière de législation, la stabilité économique, sociale et politique, entre autres. Et les rares pays ayant attiré des capitaux étrangers n'ont fait que pâtir des flux spéculatifs ainsi que des placements de leurs concitoyens les plus nantis dans les économies du Nord. D'autre part, un taux de change unique et en plus compétitif, en «corner solution », est très délicat à respecter en raison de l'instabilité, surtout au niveau des exportations, qui caractérise ces pays. Par là même, les dévaluations régulières, effectuées par les pouvoirs publics ou par le marché, ont pu accroître considérablement le poids de la dette exprimée en devises.

A l'échelle commerciale, la situation s'est dans l'ensemble plus qu'aggravée. De manière générale, les gouvernements africains ont été priés de réduire à sa plus simple expression l'impôt sur les bénéfices réalisés par les sociétés étrangères et de permettre la libre sortie (rapatriement) des bénéfices vers la maison mère (située dans 95% des cas dans les pays les plus industrialisés). S'y ajoutent d'autres incidents : on prie les gouvernements d'offrir gratuitement les terrains et l'infrastructure de communication aux entreprises étrangères (...). Si cela ne suffit pas, on leur recommande de créer des zones franches dans lesquelles aucun impôt n'est prélevé et où le code du travail et les con-

trats collectifs, en vigueur dans le pays, ne sont pas d'application. Pour obtenir un flux d'investissement étranger, les Etats africains renoncent donc à des recettes importantes (réduites également par la suppression de toute forme de barrière commerciale et financière) d'impôts, augmentent certaines dépenses d'infrastructure, offrent du patrimoine national et permettent le non-respect de certains aspects de réglementation du travail30. Les gouvernements renoncent par là même aux rares possibilités de financer le déficit public et la charge de la dette. Parce qu'en retour ils ne récupèreront rien, les IDE et les capitaux internationaux ne se faisant pas remarquer.

Par ailleurs, pour la CNUCED31, «il est clair que la plupart des programmes d'ajustement n'ont guère contribué à promouvoir la transformation structurelle de la région et son intégration dans l'économie mondiale et qu'ils sont sans doute même à l'origine du recul de l'industrie manufacturière ». Carla majorité des investissements se trouvent dans les industries extractives. Or, ces secteurs étant caractérisés par une forte intensité capitalistique, personne ne doit s'attendre à la création de nombreux emplois, même peu qualifiés. Touj ours selon la CNUCED, les politiques monétaires et budgétaires se sont focalisées sur les distorsions de prix au lieu de considérer (davantage au moins) d'autres critères macroéconomiques, tels que le niveau et la composition de la demande globale, l'état du cycle conjoncturel et la gestion des taux de change. Les banques, préférant octroyer des crédits aux filiales étrangères ou détenir des obligations d'Etat, ont pénalisé le financement des investissements nécessaires à la restructuration des entreprises nationales. Ainsi, entre les périodes 1983-1989 et 1990-1997, l'effet d'éviction de l'investissement par les IDE s'est amplifié. De surcroît, «entre 1980 et 2000, sur un échantillon de 26 pays en développement, la compression des salaires et la dévaluation ont été les principaux moyens d'augmenter la compétitivité, le risque est que ces pays se laissent enfermer dans l'exportation de produits traditionnels à faible intensité de technologie et de faible élasticité-revenu32 ». Force est de constater que ce type de comportement tend à conditionner le type d'IDE entrant,

30 Toussaint E., 2003, in « Endettement de l'Afrique subsaharienne au début du XXIe siècle L'Afrique créancière ou débitrice ? », p 3, http://www.cadtm.org/article.php3?id_article=162

31 Conférence des Nations Unies sur le Commerce Et le Développement, 2005, in Rapport sur le développement économique en Afrique, «Repenser le rôle de l'investissement direct étranger », p. 34 à 42, http://www.unctad.org/Templates/webflyer.asp?docid=6056&intItemID=1397&lang=2&mode=highlights 32 Une faible élasticité-revenu traduit le fait que lorsque le revenu des agents augmente, cela ne signifie pas qu'ils vont consommer d'autant plus d'une certaine marchandise. En outre, les biens primaires ont une élasticité-revenu faible car l'augmentation du revenu des ménage oriente la consommation vers des biens secondaires (type loisirs, par exemple).

guère orienté, donc, sur la recherche de marchés. De plus, les sorties de capitaux ont été largement supérieures aux entrées exprimées en IDE. En effet, avec une moyenne de 7 milliards de dollars par an entre 1970 et 1996 en Afrique subsaharienne, les sorties ont représenté le triple des IDE. Soit un manque à gagner considérable en termes de possibilités de remboursement de la dette. La CNUCED conclura alors que «la théorie qui préconise plus d'ouverture et une réduction du rôle de l'Etat pour attirer les IDE n'est pas vérifiée dans les faits ». Et Stiglitz [2002] de rajouter que «pour créer des firmes et des emplois nouveaux, il faut le capital et l'esprit d'entreprise. Or, dans les pays en développement, le second fait souvent défaut, en raison du manque d'éducation, et le premier aussi, en raison du manque de crédit bancaire »33. Comme quoi, tout est lié.

Enfin, il fallait privatiser vite, supposant que les marchés agissent aussitôt pour répondre à tous les besoins et que, de fait, les problèmes de concurrence et de réglementation pourraient être réglés plus tard. «Il existait des fiches de score pour les pays engagés dans la transition du communisme au marché: ceux qui privatisaient le plus vite recevaient de bonnes notes »34. Beaucoup de pays africains ont justement abandonné toute référence au communisme pour avoir accès aux fonds des IFI (Angola, Bénin, Mozambique, Congo, Madagascar, Afrique du Sud et, par force, le Ghana ou encore le Burkina Faso). Les privatisations ont en outre généré des monopoles privés qui ont augmenté les prix aux dépens des consommateurs et qui ont davantage licencié qu'embauché.

Une étude économétrique de E. Berr et F. Combarnous [2004], dans laquelle ils détaillent la création d'un indicateur de suivi du consensus de Washington (ICW) et ses résultats, montre que, hormis une corrélation positive entre l'ICW et le PIB par habitant et entre le ICW et l'IDH pour la période 1980-1985, force est de constater que pour aucun autre objectifet à aucune autre période il n'est possible d'établir l'existence d'un effet positif et significatif de l'application du consensus de Washington. Il apparaît même que l'application de ce dernier a pu avoir un effet négatif sur l'évolution de l'IDH entre 1985 et 1990, puis entre 1995 et 2000, deux périodes pendant lesquelles les problèmes d'endettement ont eu des conséquences particulièrement douloureuses pour les populations des PED. De la même façon, il n'a en rien favorisé une diminution de la dette des pays concernés, puisque les évolutions

33 Op. cit.,p. 110.

34 Id.,p. 103.

de l'ICW et celles du montant de la dette vont de pair, en tout cas pour les périodes 1980-1985 et 1995-200035.

En résumé, compte tenu des spécificités africaines, aucune mesure n'a durablement constitué un succès. Au contraire, dans nombre d'économies d'ASS, l'aggravation de la situation économique a laissé place à des émeutes sociales.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore