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L'émergence d ela notion de sécurité humaine dans la protection internationale des droits de l'homme

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par Sabine Nicole Jiekak Mougoué
Université Catholique D'afrique Centrale, Yaoundé, Cameroun - Master en droits de l'homme et action humanitaire 2005
  

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SECTION II- LA PRISE EN COMPTE INDIRECTE DE LA SECURITE HUMAINE DANS L'ACTION DES GOUVERNEMENTS

Les Etats, comme les ensembles qu'ils forment sont perçus aujourd'hui à travers leurs actions, positives ou négatives. Ces actions sont de plus en plus dirigées par des logiques économique, sociale et politique dépassant le cadre de la nation. Elles s'expriment en termes de processus par lesquels sont élaborés et mis en place des programmes d'action publique, c'est-à-dire des dispositifs politiques et administratifs coordonnés autour d'objectifs explicites124(*). Un retour aux menaces qui pèsent sur la sécurité humaine montre qu'elles peuvent faire l'objet d'actions des gouvernements seulement par le truchement de leur insertion dans les politiques publiques (paragraphe I). L'efficacité de ces actions dépend du degré d'assimilation des valeurs démocratiques par les gouvernements en question (paragraphe II).

Paragraphe 1- La sécurité humaine dans les politiques publiques des gouvernements.

Le caractère préventif de la sécurité humaine incite les gouvernements à prendre des mesures de protection dans leurs politiques publiques. Les politiques publiques, construits sociaux et construits de recherche, sont concrètement des programmes d'action gouvernementale dans un secteur de la société (santé, sécurité, alimentation...) ou dans un espace géographique (ville, région, pays tout entier...). Mais pour que la sécurité humaine fasse l'objet d'une politique publique, il faut qu'elle soit inscrite dans l'agenda politique, qui comprend l'ensemble des problèmes perçus comme appelant un débat public, voir l'intervention des autorités publiques légitimes. Le bien être des individus, par la satisfaction de leurs besoins primaires et le sentiment de sécurité est sans aucun doute une question primordiale de cet agenda. Mais, pour être inscrit sur l'agenda du décideur, un problème doit :

- être perçu par des élites et/ou des citoyens comme une situation existante s'écartant de celle qu'elle devrait ou pourrait être

- subir une procédure d'étiquetage qui le qualifie comme relevant de la sphère de compétence des autorités publiques

- donner lieu à l'intervention des décideurs politiques sous formes de mesures législative, financière, humaine et matérielle ou de non décision.

Le terme sécurité humaine même s'il ne ressort pas toujours dans les discours politiques des gouvernements leur est néanmoins sous-jacent. En effet, ce sont les différentes menaces à la sécurité humaine qui font l'objet d'actions concrètes, visibles et évaluables. Cet état de fait s'opère à travers la facilitation de l'accès aux services sociaux de base (A), qui participe à la construction et au renforcement du développement (B).

A- La facilitation de l'accès aux services sociaux de base.

Comment les Etats peuvent-ils atteindre un état de sécurité pour leurs citoyens dans des conditions sociales déplorables et avec des ressources limitées ? Comment doivent-ils procéder pour que les actions menées soient efficaces ? Comment peuvent-ils procéder pour arriver à une répartition égalitaire des ressources pour améliorer le bien-être des catégories les plus démunies et des exclus sociaux ? L'amélioration du système judiciaire, le renforcement des droits des femmes et des enfants, la protection des populations marginalisées l'élaboration des systèmes de santé publique conformément aux principes de droits de l'homme confèrent aux populations une sécurité à la fois sociale et politique qui est faite pour aboutir à la sécurité humaine. Armatya Sen125(*) est convaincu qu'il faut mettre à la disposition des individus des moyens spéciaux (éducation de base, soins médicaux primaires, ressources économiques comme la terre) pouvant leur permettre de renforcer leurs capacités d'améliorer leurs vies. Les gouvernants devraient réfléchir aux politiques et aux modes de gouvernement qui peuvent favoriser le respect des droits et des libertés précises dans les principales conventions sur les droits de l'homme ; C'est ce qui les amènera, pour Bertrand RAMCHARAN à définir les stratégies pour protéger la personne humaine126(*).

Le premier aspect qui permet une mise en oeuvre des politiques publiques dans un objectif de sécurité humaine est la détermination d'objectifs prioritaires; en effet, il convient de déterminer les populations menacées, en fonction de la gravité des menaces. Ce sont ces populations qui doivent prioritairement bénéficier des programmes envisagés. Toutes les politiques publiques s'insérant dans un processus de lutte contre la pauvreté ou de développement ainsi que celles relatives à l'assainissement des finances et la répartition équitable des ressources contribueront à l'instauration d'un climat de sécurité. Car, c'est l'argent qui est le nerf de la guerre, dans les différents conflits contemporains. Ces politiques peuvent avoir des objectifs larges ou spécifiques. Les premiers touchent une grande partie de la population et il s'agit de promouvoir le développement des infrastructures pouvant offrir un minimum de sécurité économique et sociale, avec la création d'emplois; ces infrastructures permettront d'offrir les services sociaux de base : santé, éducation des populations dans les zones les plus enclavés, circulation des vivres dans toutes les régions d'un Etat et même dans les Etats voisins, fourniture d'eau potable, etc. Pour ce qui est des objectifs spécifiques, il s'agit d'assister les personnes qui pour des raisons quelconques se trouvent dans des situations précaires : par exemple, les réfugiés, les handicapés, les personnes atteintes du VIH/SIDA... Ces politiques doivent tenir compte du caractère multidimensionnel de la  « sécurité humaine » et doivent être cohérentes. Les gouvernements prennent ainsi des mesures concrètes qui doivent mobiliser des ressources qui confèrent aux acteurs la capacité d'agir. Nous pouvons prendre comme exemple le Plan Sectoriel de lutte contre le VIH/SIDA qui participe aussi bien à la politique de santé publique, à la politique de lutte contre la pauvreté et à celle de développement au Cameroun. C'est une politique à caractère essentiellement préventive faisant partie d'un grand ensemble de la politique internationale d'éradication du fléau.

On peut prendre aussi l'exemple du Canada qui a entièrement intégré la sécurité humaine dans toutes ses actions politiques. Cette promotion de la sécurité humaine est due au fait que la notion incarne des valeurs qui depuis longtemps sont chères au peuple canadien : la tolérance, la démocratie et le respect des droits de l'homme, selon le sous ministre canadien adjoint aux politiques globales et à la sécurité au ministère des affaires étrangères et du commerce international, Paul HEINBECKER127(*). La sécurité y est axée sur la « défense avancée »128(*) et la sécurité collective sur le plan interne. Dans la politique extérieur du pays la sécurité humaine est omniprésente (le pays poursuit des activités visant d'un côté à prévenir les conflits armés et, en cas d'échec, intervenir afin de faire cesser la souffrance humaine, et de l'autre, à offrir une riposte efficace aux menaces posées à la sécurité des personnes, qu'il s'agisse de mines terrestres en Afrique ou du terrorisme en Amérique du Nord129(*)).

B- L'institutionnalisation d'un développement basé sur des objectifs de sécurité humaine

Le concept de développement a subi une évolution remarquable en très peu de temps. D'abord strictement économique, il s'est fait durable dans les années 1980 après le Rapport Bruntland et enfin humain dans les années 1990 après Armatya SEN. Avec l'avènement de la notion de sécurité humaine, le terrorisme et la persistance de la pauvreté dans le Sud, il semble que le monde ait amorcé une nouvelle ère dans laquelle le développement tend de plus en plus à se faire sécuritaire.

La promotion et la protection accrue de la personne font aujourd'hui partie des objectifs communément reconnus au développement ; c'est une condition sine qua none pour qu'un pays puisse vraiment accéder à un certain niveau de développement. C'est par le respect des droits de l'homme que la sécurité des personnes est garantie : les droits de l'homme constitue ainsi une condition et un objectif de développement. Le Rapport 1994 du PNUD institue la sécurité humaine comme un concept qui renforce le développement : puisque le concept de sécurité humaine implique que tous les individus ont les moyens de se prendre eux-mêmes en charge, ils doivent pouvoir satisfaire leurs besoins essentiels et gagner leur vie ; ce n'est qu'ainsi qu'ils accèderont à la liberté et qu'ils pourront contribuer à leur développement et à celui de leurs communauté, pays et du monde. La sécurité est un élément essentiel du développement participatif 130(*), ils convergent vers le même objectif131(*) et sont interdépendants : « la sécurité humaine crée un contexte propice au développement humain et la progression du développement humain peut considérablement la faire progresser »132(*). Les objectifs de développement peuvent être retardés par la violence ou les risques de violence. Dans un tel contexte, il devient essentiel d'accroître la sécurité des personnes ; de même, en s'attaquant aux causes profondes des conflits, en renforçant les structures de la gestion des affaires publiques, les initiatives de développement complètent l'action entreprise par les gouvernements. De ce fait, il existe une étroite corrélation entre développement durable et humain et les enjeux de sécurité. La sécurité humaine au sens large inclut la paix durable et la prospérité. Le PNUD soutient que les stratégies internationales et nationales de développement doivent s'appuyer sur les principes de droits de l'homme. C'est dire qu'elles doivent constamment être imprégnées dans leur conception et leur mise en oeuvre par les normes internationales des droits de l'homme.

L'idée d'un développement fondé sur la sécurité humaine rejoint celle d'un développement fondé sur les droits de l'homme lancée par le programme de réforme du secrétaire général de l'ONU qui appelait à la prééminence des droits de l'homme dans les activités de fond de l'organisation. Une approche fondée sur ces deux aspects de la dignité humaine a pour but de résoudre les questions de la discrimination, l'impuissance et les faiblesses des systèmes de responsabilités qui sont à la base des problèmes sociaux tout en appliquant des standards ainsi que des valeurs des droits de l'homme133(*). En effet, là où règne l'oppression, la corruption, la discrimination, la faiblesse des systèmes de responsabilité comme c'est le cas dans la majorité des pays les moins avancés, le développement est impossible. Le développement est la conséquence de la démocratie134(*) et non sa cause. Mais cette relation entre la sécurité et le développement renvoie, selon Jean DAUDELIN, à la situation des pays pauvres et elle n'engage les pays riches que du point de vue de leur responsabilité morale ; mais elle devient aussi une conséquence du développement durable, car le sous-développement du Sud et toutes les menaces qui y sont logées représentent une menace pour la sécurité de l'humanité entière et dès lors des habitants du Nord135(*).

* 124 Pierre MULLER et Yves SUREL, L'analyse des politiques publiques, éd. Clefs, politique, Montchrestien, 2000, p. 13.

* 125 Armatya SEN, « 

* 126 Bertrand RAMCHARAN, « Les droits de l'homme et la sécurité humaine », précité, p. 43

* 127 Paul HEINBECKER, «La sécurité humaine, enjeux inéluctables», article précité, p.11

* 128 Terme selon lequel les politiques canadiennes de sécurité et de défense sont articulées autour de menaces qui, même si leurs sources sont éloignées risquent de compromettre la stabilité du régime international ou, à un moment donné de menacer le territoire national. La défense avancée est une sorte de réponse à la mondialisation et au problème des réfugiés.

* 129 Paul HEINBECKER, précité, p. 13

* 130 Rapport 1994 du PNUD sur le développement humain p. 25.

* 131 Lloyd AXWORTHY, « La sécurité humaine: la sécurité des individus dans un monde en mutation » précité

* 132 Ibid.

* 133 Bertrand RAMCHARAN, op.cit, p.44.

* 134 Alain TOURRAINE, Qu'est-ce que la démocratie? Fayard, 1996, p. 61

* 135 Jean DAUDELIN, «Entre la peur et les bonnes intentions: sécurité humaine et Aide au développement au Canada», la sécurité humaine, nouvelle conception des relations internationales, p. 310.

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