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Radiographie de l'interactivité radiophonique

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par Blandine Schmidt
Université Michel de Montaigne, Bordeaux 3 - Master 2 recherche Sciences de l'information et de la Communication 2008
  

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B. Des dispositifs interactifs aux différentes vertus

La diversité de notre corpus d'émissions service : «Service public» sur France Inter, « Ça peut vous arriver» sur RTL, et « Lahaie, l'amour et vous» sur RMC-Info, nous offre un panel d'observation hétérogène. Afin de mettre au jour de grandes tendances, nous allons tenter de fournir une analyse comparative des trois émissions.

Ces émissions aux thématiques différentes, mais motivées par le même désir de porter assistance à son auditoire, n'emploient pas les mêmes moyens pour arriver à leurs fins. Certains éléments du dispositif sont toutefois similaires. Par exemple, quelle que soit l'émission, l'animateur est maître du dispositif. C'est lui qui donne et reprend la parole, qui oriente, par des questions précises les propos de l'auditeur, et qui s'investit au service de celui-ci.

Malgré cela le dispositif radiophonique, tout comme le contrat de communication, sont propres à chacune de ces émissions, induisant plus ou moins la spectacularisation de la parole des anonymes. L'interactivité est certes présente dans toutes les émissions mais à des degrés différents. En effet, les radios ont deux principales possibilités pour faire intervenir les auditeurs à l'antenne; de manière directe : l'auditeur s'exprime en direct sur les ondes, et de manière indirecte: l'animatrice répercute à l'antenne le témoignage ou la question d'un auditeur, préalablement laissé par ce dernier au standard ou sur le site internet de l'émission. Le schéma ci-dessous nous donne une vision générale de la répartition des types d'intervention des trois émissions étudiées.

Figure 7 : Proportion des types d'interventions des auditeurs de trois émissions service le 11 février 2008

Ce schéma a été élaboré à partir des résultats bruts issus de notre étude de contenu. Pour chaque émission, nous sommes parties du nombre total d'intervenants avant de distinguer la voix empruntée pour accéder à l'antenne. Nous pouvons aisément distinguer les différences de traitement de la parole des auditeurs à l'antenne. Sur «Service public », les prises de parole directes des auditeurs ne représentent qu'un tiers du total des interventions. A l'inverse de « Ça peut vous arriver », l'animatrice privilégie les lectures d'e-mails et la diffusion de messages laissés au standard, lui permettant de maîtriser la parole des auditeurs. Ceci s'explique par la nature informative de l'émission, privilégiant une prise de conscience collective au traitement au cas par cas. Les interventions viennent soutenir ce qui se dit à l'antenne, en guise d'illustration. Le fait que ces dernières soient principalement indirectes permet à l'animatrice de gonfler le nombre d'interventions.

«Ça peut vous arriver» se situe en parfaite opposition. Cette émission assure à l'auditeur une prise en charge active et personnalisée. L'essentiel des interventions, à 87,5 %, sont directes. L'auditeur passe à l'antenne pour exposer son cas, et l'animateur, dans la mesure du possible, tente de résoudre son problème en direct, en contactant par téléphone les personnes incriminées. Les collaborateurs de Julien Courbet étudient en amont le «dossier » de l'auditeur, ayant ainsi toutes les clés en main pour s'assurer d'un dénouement positif. Le dispositif explique aussi cet écart de traitement. Durant deux heures, les auditeurs se succèdent à l'antenne, induisant une certaine instrumentalisation de leur parole. En effet, malgré son statut d'émission service, «Ça peut vous arriver » peut s'assimiler à un show mettant en scène la réalité.

Enfin, «Lahaie, l'amour et vous » fait intervenir autant d'auditeurs de manière directe (54,2 %) que de manière indirecte (45,8 %). Cette équité s'explique par la multiplication des outils mis à la disposition de l'auditeur pour participer à la création du contenu. En effet, l'émission de Brigitte Lahaie propose aux auditeurs un espace interactif, le chat, sur lequel les internautes dialoguent sur le thème de l'émission. Une modératrice intervient à plusieurs reprises à l'antenne afin de citer les propos tenus sur la toile. Le dispositif interactif est ici bien maîtrisé, les auditeurs ayant, en théorie, des chances égales d'intervenir à l'antenne selon la méthode qu'ils décident d'employer.

Les trois émissions service ne mettent ainsi pas les mêmes moyens en oeuvre pour établir une relation interactive avec leur auditeur. La proportion des interventions directes et indirectes dépend en grande partie de la méthode usitée pour aider l'auditeur. Si davantage d'auditeurs ont droit de citer à l'antenne de «Ça peut vous arriver », c'est par ce que cette émission décide d'agir concrètement pour la résolution de leurs problèmes. «Service public » préférant informer ces auditeurs, a plus recours aux interventions indirectes, illustrant les propos des invités experts.

Le deuxième élément que nous souhaitons mettre en avant pour cette analyse comparative réside dans le dispositif d'incitation à l'appel. Il constitue pour nous, un des éléments pouvant révéler la tendance à la spectacularisation de certaines émissions.

Figure 8 : comparatif des occurrences faisant référence à l'interactivité de trois émissions service le 11 février 2008

Lors de notre étude de contenu, nous avons jugé nécessaire de relever le nombre de fois où l'animateur fait référence à l'interactivité. En effet, cette pratique courante au sein des émissions services permet de stimuler les appels. Nous avons relevé trois grands types de procédés : les jingles, les incitations à l'appel formulées par l'animateur et les annonces des auditeurs déjà sélectionnés au standard, mais n'étant pas encore intervenus à l'antenne. Ce graphique a dû tenir compte des différentes durées des émissions afin d'équilibrer les données entre elles. Pour cela, nous avons effectué une moyenne des occurrences en nous adaptant à la durée de chacune d'entre elles. Les chiffres présents sur le graphique correspondent à la proportion de ces moyennes sur le nombre d'occurrences total de chaque émission.

L'émission qui ressort de la manière la plus flagrante de ce graphique est «Ça peut vous arriver ». Cette dernière cumule le plus grand nombre d'occurrences faisant référence à

l'interactivité, toutes catégories confondues: 73,3 % des jingles, 50 % des occurrences incitant à l'appel et 58,8 % des occurrences annonçant les futurs auditeurs. Ceci est le révélateur d'une pratique générale et omniprésente dans la réalisation de l'émission. En effet, l'animateur, Julien Courbet, profite de la moindre occasion à l'antenne pour évoquer le dispositif. Sans cesse, et à une fréquence dépassant le raisonnable, l'animateur va annoncer et re-annoncer les «dossiers» des auditeurs à venir. L'animateur tient l'auditeur écoutant en haleine, tout en créant un certain suspens. L'effet d'annonce constitue un élément majeur dans la mise en scène spectaculaire de cette émission. Les interventions des auditeurs sont utilisées pour justifier le dispositif lui-même. L'auditeur est dépossédé de son témoignage, n'étant toujours pas intervenu à l'antenne. Il est incontestable ici que l'auditeur est utilisé, voire abusé par le média pour la mise en place du show radiophonique.

«Lahaie, l'amour et vous» est plus raisonnable dans ce domaine. L'interactivité est certes évoquée durant le déroulement de l'émission, mais dans des proportions moindres que «Ça peut vous arriver ». La particularité de l'émission réside dans le fait qu'aucun jingle faisant référence à l'interactivité n'est diffusé. Ceci correspond à la couleur sonore générale de «Lahaie, l'amour et vous ». A l'opposé de «Ça peut vous arriver », l'émission de Brigitte Lahaie est épurée, privilégiant ainsi le contenu (les propos des auditeurs) au contenant. Toutefois, l'animatrice incite les auditeurs à joindre le standard afin d'intervenir à l'antenne. Les incitations à l'appel pour cette émission englobent 40,9 % des occurrences de cette catégorie. Emission d'une radio se revendiquant talk, ce pourcentage se justifie par la nature même du dispositif général de la station. Notons néanmoins que l'animatrice intègre discrètement à son discours ces éléments, lui permettant d'être moins insistante que Julien Courbet au sein de «Ça peut vous arriver ».

Enfin, «Service public », fidèle à elle-même, est l'émission faisant le moins référence à l'interactivité. Dans ce sens, cette dernière se distingue des deux autres par la nature de son dispositif, moins enclin à la «spectacularisation» de la parole des anonymes. Faisant intervenir peu d'auditeurs à l'antenne, «Service public» reste modeste en ne stimulant pas à l'excès ces derniers afin d'entrer en contact avec la station.

Pour conclure, nous souhaitons mettre en avant que l'aide apportée aux auditeurs dépend du dispositif adopté par chaque émission. «Service public» vient en aide aux auditeurs en les informant. Ces derniers ne sont pas directement pris en charge par l'émission comme c'est le cas pour les deux autres émissions. Leurs interventions, questions ou témoignages, aident à la constitution des contenus. La participation au jeu de l'interactivité permet à l'animatrice d'orienter ses propos en fonction des thèmes les plus fréquemment abordés par les auditeurs. Le contenu de l'émission est ainsi plus ou moins flexible aux attentes des auditeurs. Ce dispositif contribue à responsabiliser l'auditeur, à le faire intervenir sans pour autant favoriser une parole spectaculaire. Mais l'auditeur demeure toutefois seul face à lui-même pour résoudre ses problèmes. « Lahaie, l'amour et vous» et « Ça peut vous arriver» ont, quant à eux, plus tendance à mettre en scène l'auditeur, contribuant à faire émerger une parole spectaculaire. La première émission conseille les auditeurs et leur apporte un soutien psychologique. La thématique générale, ainsi que les sujets abordés à l'antenne contribuent à l'évolution des moeurs. Même s'il ne s'agit pas de la première émission du genre, Brigitte Lahaie se fait l'intermédiaire de toutes les pratiques intimes, sur un ton débridé sans être vulgaire. La seconde émission met l'action concrète au centre de son dispositif. Le média prend ici en charge l'auditeur, et lui assure un suivi jusqu'à la résolution de son « dossier ». Les individus sont ici montrés dans des situations de détresse, alors que le média et Julien Courbet en particulier prennent l'apparence de sauveurs. Ultime recours des individus, l'émission utilise la misère sociale et les difficultés rencontrées par tout un chacun. Ceci contribue à mettre en avant la place du média dans la société, le rendant par conséquent indispensable à l'amélioration du quotidien des gens ordinaires.

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle