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Primus inter pares. Le leadership politique et pluralité dans la Condition de l'homme moderne de Hannah Arendt

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par Raphaël RDAS MBOMBO MWENDELA bupela bwa Nzambi
Faculté de philosophie Saint Pierre Canisius - Bachélier en philosophie 2006
  

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CONCLUSION GÉNÉRALE

Nous avions voulu découvrir le leadership à l'aune de la pluralité chez Hannah Arendt. La pluralité se présente comme la conditio sine qua non et la conditio per quam de la politique ; elle trouve son fondement dans le fait que les hommes sont toujours et déjà au pluriel. Dans ses implications politiques, la pluralité exige l'égalité et la distinction, le respect des différences, l'interaction et l'interlocution, l'intercommunication, le dialogue et toutes les valeurs politiques s'opposant au pouvoir et à la puissance absolus d'un seul individu. C'est en vertu de cette pluralité que les hommes peuvent créer un espace politique fait des paroles et des actions de tous.

S'agissant du leadership politique chez Hannah Arendt, elle se veut un leadership non totalitaire, un leadership refusant le pouvoir absolu du paterfamilias et la maîtrise requise pour l'artisan, l'homo faber, dans la fabrication des produits: un leadership de concertation et de consentement. Le guide est à la fois un novateur : son initiative, dans l'agir à plusieurs, est portée jusqu'à l'achèvement par tous les citoyens qui sont ses pairs et non ses sujets, moins encore les oeuvres de ses mains. Comme la sphère politique ne fait qu'apparaître une communauté d'actions et de paroles entre les hommes, et non un espace où les hommes règneraient en `maîtres et mesures' des ouvrages de leurs mains, le vrai leadership politique à l'aune pluralité ne peut se comprendre que dans une relation entre pairs. Par conséquent, le  leader  ou le guide n'est pas un souverain ni un `homme fort', `incarnation de l'Esprit', mais `un premier parmi ses pairs', `un citoyen parmi les citoyens', un `guide parmi les guides', `un novateur parmi les novateurs': un primus inter pares.

La pensée arendtienne, comme opposition aux régimes politiques monolithiques à pouvoir absolu, se veut être un rempart contre la domination et l'exercice de la violence en politique. Elle signifie de plus bel la pluralité de l'humanité et la nécessité d'un monde commun où les hommes apprennent à parler et à agir ensemble. A ce titre, nous ne saurons lui refuser créance. Cependant, au-delà de ce mérite, il convient d'apporter quelques nuances à certaines théories développées par Hannah Arendt.

Premièrement, Hannah Arendt parle de la pluralité, dans le domaine politique, comme si elle était d'office un acquis, une réalité allant comme sur des roulettes. Cela n'est pas toujours vrai, car cette pluralité conditionnant la politique est toujours un `à-faire' et un `à-refaire'. Ainsi, bien que la politique et le leadership politique, basés sur l'interaction et l'interlocution, recèlent une grande richesse par rapport au monolithisme politique, il convient de noter que le dialogue et l'intercommunication, dans la politique, sont à canaliser et à restreindre dans certains cas. De fois, il est impérieux de permettre une décision possible à la place des palabres interminables et inféconds. En outre, pour que la politique et le leadership à l'aune de la pluralité réussissent, il convient une préparation, une formation et une éducation du peuple tout entier à cette culture qui est sans doute démocratique. Et comme nous le savons, la démocratie n'est jamais un acquis, elle est toujours à recréer et à parfaire.

Deuxièmement, l'authenticité du leadership politique n'est pas seulement d'origine grecque. La Grèce n'est pas le modèle parfait de la politique, elle est une expérience parmi tant d'autres : la pluralité n'est jamais une, elle n'est pas d'abord grecque ni romaine, elle est au coeur de toute l'humanité. Il ne faut donc pas avaler d'emblée la pilule de l'idéalisation, de l'idéologie et de la propagande grecques que Arendt tend à nous imposer. Une transposition des réalités de la Grèce antique n'est pas toujours de mise dans notre monde actuel. D'où, le `sapere aude' s'impose à chaque peuple pour fonder une politique et un leadership politique lui convenant.

On peut donc dépasser les paradigmes de la Grèce antique, sans pour autant les ignorer, sur la question de la politique, du leadership, de la pluralité et du dialogue politique. De nos jours, nous pouvons évoquer la pensée de Jürgen Habermas et celle John Rawls qui proposent des analyses plausibles sur notre manière de vivre l'exigence du pluralisme, de la discussion rationnelle et de l'agir communicationnel.

Troisièmement, le drame du totalitarisme ne doit pas permettre un rejet total de l'expérience politique de la modernité. Tout n'a pas été que sombre et totalitaire dans le monde moderne. Il ne faut pas soutenir que seule l'antiquité avait bien compris ce qu'est la politique. Chaque période de l'histoire a ses mérites et ses déficiences.

Par ailleurs, Hannah Arendt doit nuancer ses arguments au sujet de l'égalité politique. Bien que cette égalité ne vienne pas directement de la nature humaine, elle reste cependant attachée à celle-ci. La citoyenneté qui égalise tous les hommes dans un espace politique prend sans doute racine de cette vérité irréfutable : tous les hommes sont pareils. D'où l'égalité politique n'égalise pas des gens inégaux, comme le veut Arendt et les Grecs, mais des hommes fondamentalement égaux dans leur nature humaine.

Quatrièmement, nous ne doutons pas que les catégories du `travailler' et de l'`oeuvrer' soient apolitiques et doivent être relégués à leurs places respectives dans la hiérarchie du vécu humain ; cependant il est un peu restrictif, d'admettre l'action comme la seule activité pleinement humaine. Nous pensons que l'homme qui travaille, par sa force physique ou intellectuelle, n'est pas seulement un animal laborans comme le veut Arendt, il est plutôt un homo laborans comme on peut bien parler de homo faber et de homo agens. C'est vrai qu'il ne faut pas réduire l'homme au travail ; mais il faut aussi affirmer que par le travail l'homme vit une dimension de l'humain. Ainsi, il n'y a pas que l'action politique qui soit vraiment une réalisation humaine, bien que mettant directement les hommes face à face, le travail et l'oeuvre le sont aussi. Il faut éviter une séparation étanche de ces trois activités parce qu'elles se tiennent, se complètent et peuvent être vécue de manière harmonieuse dans une existence.

Cinquièmement, bien qu'il faut rejeter le monisme absolu du roi-philosophe, il ne faut cependant pas ignorer l'exigence du savoir et de la connaissance dans la politique comme le soutient Platon. Il faut donc former les leaders, car s'ils sont novateurs, ils doivent aussi à apprendre à discerner leurs initiatives. A ce niveau, l'exigence de la formation, de la spécialisation et voire de l'expertise est recommandée en politique pour préparer les vrais gardiens de la cité. En outre, avec Hobbes et Machiavel, Arendt doit apprendre que l'homme n'est pas seulement un être de langage et un être politique, comme le veut Aristote, il se révèle aussi comme un être de violence, capable de refuser l'inter homines esse. D'où, dans certains cas, la nécessité de la contrainte et de la coercition s'avère important, en politique, pour contenir la violence avérée. S'il faut bien viser le consentement libre des citoyens, il faut aussi canaliser leur liberté par des moyens idoines, voire draconiens s'il le faut.

Sixièmement, l'origine de la violence, de la force, et de la domination en politique, n'est pas à situer au niveau d'une simple substitution du `faire' à l'`agir'. Elle n'est pas uniquement une transposition des catégories de la fabrication et du domestique dans le domaine politique. Sans doute, elle est finalement dans l'homme lui-même : dans sa folie de grandeur, dans sa `sur-estime' de soi. En cela, Hobbes n'a pas été qu'aveugle ; il a su voir en l'homme une tendance à la domination et à la violence. Sûrement que la solution du Léviathan n'est pas la bien indiquée, mais la réalité de la violence qui marque l'homme n'est pas à négliger dans l'édification d'un Etat à l'aune de la pluralité. Derechef, Hannah Arendt doit restituer la juste mesure de la contrainte et de la coercition qui est importante en politique. Car tout le monde n'est pas enclin à mettre sa parole et son action avec celles des autres.

Enfin, considérant les avantages et les faiblesses de cette pensée, il ressort que nous devons désirer les exigences pénibles, mais salutaires, de la pluralité au lieu de préférer l'efficacité et la force incommodantes du monisme totalitaire. Car, les hommes en mettant en commun leurs paroles et leurs actions n'ont nullement le projet de se nuire mutuellement, mais plutôt de créer une histoire commune, de créer la puissance de leur polis. Certes, la pluralité est la loi de la politique et son respect, l'avenir du monde.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard