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Archives photographiques au bénin : Problématique de la gestion d'un patrimoine documentaire menacé

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par Franck Komlan OGOU
Ecole Nationale d'Administration et de Magistrature / Université d'Abomey Calavi - Technicien supérieur de l'information documentaire 2004
  

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S'il est admis que le développement du Bénin passe par l'agriculture, il est aussi démontré que le socle de tout développement durable reste fondamentalement tributaire de son volet culturel. La culture s'impose incontestablement comme l'un des maillons du développement comme le soulignait Léopold Sédar SENGHOR lorsqu'il écrivait que : «La culture est au début et à la fin de tout développement»1(*). Un développement auto dépendant est donc impossible sans une motivation culturelle profonde qui doit sous-tendre les données technologiques de la transformation économique, sans pour autant détruire les valeurs traditionnelles. Quarante années de développement économique inadapté n'ont fait que ruiner l'Afrique. Aujourd'hui, il n'est plus question de développement sans bases culturelles saines, le changement n'est possible qu'à travers la mémoire.

La diversité des sites touristiques et des monuments, les lieux de culte aussi différents les uns des autres, les palais royaux, les musées, l'impressionnante masse documentaire gardée à la Direction des Archives Nationales (D.A.N), le fonds d'archives privées résultant des activités des familles, témoignent du potentiel culturel diversifié du Bénin qui, utilisé judicieusement à l'heure de la mondialisation, pourrait permettre la conquête de vastes marchés. Elle constitue la base des échanges dans un monde qui tend à s'unifier. C'est dans cette logique que l'Ambassadeur de l'Italie près le Bénin et le Nigeria lors d'une visite à l'Ecole du Patrimoine Africain déclarait que : «En dehors de ses valeurs culturelles, l'Afrique ne saurait répondre efficacement aux défis de la globalisation. Notre attente est très grande vis-à-vis de l'Afrique pour équilibrer les forces sur le plan culturel»2(*). Au nombre de ces biens culturels dont le Bénin peut s'enorgueillir figurent en bonne place les archives photographiques.

Inventée dans les années 1822 par Niepce, la photographie a pour particularité de retracer et de faire revivre des souvenirs du passé. Elle aide à la reconstitution de l'histoire, à attester certains faits racontés à travers les documents écrits aux générations actuelles. C'est justement à ce titre que Gérard DUCHEMIN écrivait que : «l'image c'est ce qui reste quand on aura tout perdu. Pour certains elle réveille la nostalgie de merveilleux souvenirs». Ce nouveau support d'information diffère des supports traditionnels par sa sensibilité à l'environnement dans lequel il se trouve. Cela exige donc un minimum de conditions adéquates pour sa conservation. Conserver les photographies devrait donc être une préoccupation majeure. Sans doute doit-on y voir la preuve de l'angoisse qui étreint les hommes dans un monde où tout change à un rythme accéléré, où l'environnement se dégrade et les choses qui paraissent les plus solides, les plus immuables se détruisent sous nos yeux plus rapidement qu'elles ne l'avaient été au cours des siècles passés. Faut-il que les témoignages que nous ont laissés les générations passées comme ceux que nous laisserons aux générations futures soient matériellement préservés ?

Introduite au Bénin pendant la colonisation, la photographie a été très vite adoptée par les peuples et constitue dès lors un moyen d'immortaliser un souvenir, un événement. Mais il est aujourd'hui difficile voire impossible de se servir de ces chefs-d'oeuvre anciens pour des travaux de recherche ou autres usages. Cet état de chose est dû à l'inexistence d'une structure pouvant recueillir ces fonds ou l'inexistence d'une politique de mise en valeur des archives photographiques. Et si rien n'est fait contre la détérioration des supports, le trafic illicite, l'histoire est menacée d'être dépossédée d'une partie sensible de ses sources. Malgré toutes les dispositions contenues dans la Constitution béninoise du 11 décembre 1990, la loi N° 91-006 du 25 février 1991 portant charte culturelle en République du Bénin et l'article 4 de la Convention du Patrimoine Mondial qui font de l'Etat dépositaire de l'identité culturelle, il est fréquent de voir les archives photographiques qui constituent une source de l'identité culturelle dans les mains des privés. Une enquête faite auprès de certaines personnes confirment tout cela.

Pour donc pallier ces différents problèmes et donner une autre vision à la gestion des archives photographiques au Bénin, nous nous sommes proposé de réfléchir sur le thème : Archives photographiques au Bénin : Problématique de la gestion d'un patrimoine documentaire menacé.

Cette étude vise essentiellement à la valorisation du patrimoine documentaire photographique par :

- l'identification des lieux potentiels de détention des photographies,

- l'état des lieux,

- l'évaluation de ces fonds et

- les propositions d'actions et d'activités à court, moyen et long terme.

Pour y parvenir, nous avons adopté quatre techniques de recherche à savoir : la revue documentaire, les descentes sur le terrain, les entretiens et les questionnaires.

La présente étude s'articule autour de quatre grands axes. La première partie présente un bref historique et le cadre légal de protection des biens culturels. La deuxième partie est consacrée à l'identification des lieux de détention des archives photographiques. C'est à cette étape que nous avons fait le point de nos enquêtes de terrain quant à l'évaluation et l'état de conservation des fonds photographiques. Avant d'aborder la dernière partie des suggestions et propositions, nous avons dans la troisième partie montré l'importance des fonds photographiques pour la recherche et analysé les résultats des questionnaires.

Bref historique de la photographie et cadre réglementaire de protection des biens culturels

CHAPITRE I :

1.1. Bref historique de la photographie

La photographie est à la fois une technique et un art dont l'invention en 1822 a bouleversé les pratiques socioculturelles dans le monde. Cette technique introduite en Afrique a permis de constituer des mémoires visuelles de grande valeur à partir de la période coloniale.

1.1.1. La photographie dans le monde

1.1.1.1 Les débuts de l'invention

Le brouillard qui s'étend sur les commencements de la photographie n'est pas si épais que celui qui recouvre les débuts de l'imprimerie ; plus distinctement que pour celle-ci, peut être, l'heure était venue de la découverte, plus d'un l'avait pressenti, des hommes qui, indépendamment les uns des autres, poursuivaient un même but : celui de fixer dans la Camera Obscura ses images.

Niepce Nicéphore commence véritablement ses recherches sur la fixation des images en 1816. Il avait cinquante et un ans (51 ans). Il expérimente d'abord le nitrate d'argent (chlorure d'argent) étendu sur du papier glacé dans le fond de la chambre obscura. En mai 1816, il obtient ainsi pour la première fois au monde, une image négative sur papier. Pour Niepce, il s'agit d'un demi-succès car les images qu'il obtient sont négatives et de plus il n'arrive pas à les fixer. Elles se noircissent lentement à la lumière. Afin d'obtenir des images positives, il s'oriente alors vers les composés qui se décolorent à la lumière au lieu de se noircir comme le chlorure d'argent. Dès lors, il s'intéresse à tous les produits qui inter réagissent à la lumière jusqu'en 1818. En 1822, il réussit à avoir des images positives grâce au procédé chimique de l'asphalte de Judée.

Après toutes ces expériences, en mai 1826, il parlera de ses « travaux héliographiques » et en décembre 1827 il appellera de son invention Héliographie.

Ayant connu des difficultés financières, Niepce décida de s'associer à Daguerre qui aussi expérimentait des procédés qui plus tard aboutirent au Daguerréotype.

Après de rudes batailles devant la Chambre des députés pour officialiser cette nouvelle invention, la photographie a connu une évolution fulgurante dans le temps.

Par ailleurs, il importe de savoir quelques dates significatives dans l'invention de la photographie.

1.1.1.2 Quelques dates dans l'invention de la photographie

Les travaux de Niepce et de Daguerre sont en réalité les premières expériences qui ont donné naissance à la photographie. A travers ce tableau récapitulatif des faits marquants, nous essayerons de tracer la voie qui a conduit jusqu'à l'invention de la photographie et les recherches qui ont suivi.

Dates

Évènements

Avant la photographie IVè siècle avant Jésus

Aristote découvre que la lumière du jour pénétrant par un petit trou aménagé dans le mur d'une pièce obscure projette sur le mur en face l'image de tous les objets placés à l'extérieur devant cet orifice

1er siècle avant Jésus

L'architecte Jules CÉSAR, Marcus VITRUVE constate l'action du soleil sur la coloration de certains corps organiques.

XIè siècle

Le mathématicien arabe Alhazen parle pour la première fois de « Chambre noire »

1515

Léonard de VINCI décrit la « Caméra obscura » (chambre noire)

1650

La chambre noire comporte des lentilles de différentes distances focales et devient transportable

1816

Première image de Niepce sur le chlorure d'argent

1822

Images positives de Niepce

1829

Niepce s'associe à Lois DAGUERRE

1834

Après la mort de Niepce, Daguerre travaille seul sur le procédé à l'iode d'argent

1839

François ARAGO rend public le secret de

la photographie et fait voter la loi sur la photographie le 07 juillet 1839

1844

Premier livre de photographie de TALBOT : The pencil of nature

1846

Désiré BLANQUART-EVRARD améliore la préparation du papier servant aux négatifs et fonde à Lille la première imprimerie Photographie

1848

Image en couleur du spectre solaire par Becquerel

1862

René-Prudent DAGRON invente la photographie microscopique

1868

Louis Ducos du Hauron dépose une demande de brevet pour la photographie en couleur.

1873

Première reproduction de la photographie dans la presse à New York par Daily Graph

1890

Alphonse BERTILLON invente la photographie judiciaire

1895

Auguste et Louis LUMIERE inventent le Cinématographe (film à vitesse variable)

1937

Les premières pellicules couleur Kodachrome et Agfacolor

1940

La première pellicule japonaise

1984

Le premier papier photo à longévité supérieure à 100 années

1984-1985

La pellicule la plus sensible au monde (3.200 ISO)

1.1.2 Avènement de la photographie en Afrique

La photographie a pris corps en Europe avec Niepce et Daguerre. Quelques années plus tard, avec les mouvements des hommes et surtout la colonisation, l'Afrique, l'Océan Indien et la Diaspora connaissent cette `'humble servante des arts'' comme le qualifiait Baudelaire.

Comment s'est fait ce transfert de technologie ? Qui en sont les précurseurs des premières heures ?

1.1.2.1 La photographie en Afrique, l'océan Indien et la Diaspora Noire

Rien qui n'est écrit ici ou là ne peut être considéré comme une vérité intangible. Cette première exploration globale de la photographie d'un continent, le continent africain hors l'Afrique Méditerranéenne, mais intégrant l'Océan Indien, ne peut y échapper.

On ne peut prétendre d'une parfaite connaissance de l'histoire de la photographie africaine d'autant plus que les recherches dans ce domaine ont été pour la plupart du temps menées par des chercheurs étrangers, suscitées surtout par l'organisation des Rencontres de la photographie africaine de Bamako dont la première édition a eu lieu en 1994.

Dans l'état actuel des connaissances, chaque étude et recherche voit dans la zone étudiée le point de départ d'un style, d'une technique, une sorte de géocentrisme à l'envers.

Dans la mesure où de nombreuses études et investigations restent à faire sur des territoires importants, il est peu rigoureux d'affirmer que tout part de Saint-Louis au Sénégal, de Freetown, de Lagos, d'Accra ou de Cotonou. Par contre, les certitudes éparses montrent que la route de la pénétration de la photographie suit celle des comptoirs puis de la colonisation européenne, que les ports avec leurs populations étrangères importantes firent naître les premières manifestations de la culture urbaine européenne en Afrique intégrant la vulgarisation de la pratique photographique jusqu'en 1945. Après la Deuxième Guerre Mondiale, chaque zone est désormais en relation directe avec l'Occident, premier producteur d'images. Par conséquent, chaque capitale est en contact direct avec les producteurs d'images et de matériel.3(*)

Pour ces premières raisons, le début de la photographie est tardif loin des côtes que des ports. Et ce ne sont pas les feux d'un festival récent braqués sur Bamako qui donneront au Mali le statut du début et de la fin de la photographie africaine. Loin s'en faut, pour n'évoquer que ses portes côtières, elles connaissent une pratique africaine de la photographie avec certitude dès 1880 en Sierra Léone (50 ans avant Bamako) et 1900 au Sénégal (30 ans avant Bamako) dans une invention et une richesse qui restent entières à découvrir.

Quant aux pays de la zone australe et ceux de l'Océan Indien, ils vivent presque simultanément les développements européens et américains de la photographie, par leur situation privilégiée sur la grande route de l'Inde et de l'Asie.

Les débuts de la photographie à l'Ile Maurice répondent aux mêmes règles que partout ailleurs. Paysages et images que l'on qualifierait aujourd'hui de touristiques, portraits réalisés par des Européens. Le témoignage historique le plus frappant reste sans doute, au début du siècle, le portrait systématique de tous les nouveaux immigrants au Coolie Ghat4(*), place de l'immigration, qui marque officiellement la récupération par les autorités, de la photographie dans le contrôle et le recensement des populations sur l'Ile.

La grande Ile de Madagascar, au centre de la fameuse route de l'Inde par laquelle transite tout le commerce avec l'Asie, découvre la photographie en même temps que l'Europe. L'arrivée des Français et l'installation en 1896 de l'Institut Géographique et Hydrographique National va développer, parallèlement aux studios spécialisés dans les portraits de famille, une photographie à des fins militaires et techniques. Cet institut qui changera de nom va fournir au monde entier des images sur l'Ile.

L'Ile de la Réunion, département français d'Outre-Mer depuis 1946, a vécu au rythme de l'Europe les transformations techniques des XIXè et XXè siècles. Les photographies témoignent d'abord, au-delà des images classiques de paysages et de portraits d'une bourgeoisie qui se veut l'égale de la bonne société parisienne et de types raciaux. Aujourd'hui, l'Ile a bénéficié des programmes mis en place partout en France, ce qui a permis de voir éclore une photographie artistique originale portée par une nouvelle génération formée aux critères de la production internationale.

Rappelons pour mémoire que la photographie prise par un Noir Américain date de 1840, point de départ d'une longue tradition dont les centres d'intérêt ne se sont jamais démentis.

La propagation de la photographie en Afrique est l'oeuvre de certains artisans qui ont su marquer l'histoire de leurs noms. Ce sont les précurseurs de la photographie africaine.

1.1.2.2 Les précurseurs de la photographie africaine : 1840-1930

Dans la première moitié du XIXè siècle, deux territoires africains, le Libéria et la Sierra Léone, vont devenir terres d'élection des marroons et des esclaves affranchis des USA. En Sierra Léone, ces anciens esclaves qui se nomment eux-mêmes créoles, vont se mettre à la photographie et faire de ce territoire un pays de cocagne5(*) pour la photographie. Aujourd'hui encore, malgré une situation interne complexe, la photographie continue à être une activité vivante en Sierra Léone. Des personnages comme Dionysius Leomy, J.P. Decker, Alphonse Lisk-Carew ont laissé leurs noms gravés sur la photographie en Sierra Léone.6(*)

En 1927, l'association professionnelle des photographes du Togo comptait déjà au moins une dizaine de photographes qui s'étaient distingués dans l'édition de cartes postales, un aspect de la photographie riche d'enseignements pour des recherches à venir. Des anciens photographes dont Alex A. Acolaste, Olympio, les frères Aguiar, John Badohu ont contribué à cette éclosion de la photographie au Togo.7(*)

L'histoire du plus vieux photographe du Sénégal, Meïssa Gaye rejoint celle de Saint-Louis, la première ville européenne africaine d'Afrique, celle aussi où dès 1860 s'implante le premier studio de daguerréotype et se concentrent d'innombrables commerçants, administrateurs, militaires, aventuriers en mal de sensation et photographes. En 1958, Saint-Louis laisse son rôle de capitale économique et politique à Dakar où les fortes personnalités des photographes comme Mama Casset, Mix Gueye occupent le devant de la scène.

En Afrique du Sud par contre le photographe Santu Mofokeng est l'ancêtre de la photographie. Ses photographies remontent à la fin du siècle dernier et révèlent un monde inconnu.

1.1.3 Diffusion de la photographie au Bénin

1.1.3.1 Introduction de la photographie au Bénin

Le Bénin occupe en Afrique une place stratégique de par sa position par rapport à l'océan atlantique. Bien que cela ait favorisé en partie le commerce triangulaire, elle a aussi permis le transfert rapide de technologies de l'Europe et des autres continents. Les villes côtières sont les premiers pôles d'accueil. Elles vont connaître le même essor photographique que celles des villes du Ghana, du Togo ou du Nigeria. Porto-Novo, ancien port négrier de la côte des esclaves, devenue capitale coloniale à la fin du XVè siècle en est l'exemple le plus probant. La présence des Brésiliens, des Européens, le commerce florissant ont participé à cet essor. La ville a abrité probablement plusieurs studios tenus par des Nigérians. Ouidah tout comme Anécho au Togo devient un foyer d'émigration important durant la période coloniale et jusqu'à la fin des années 1960. Cotonou, ville tardive abrite néanmoins de grands studios à partir des années 1960.

Les villes du Nord Bénin sont enclavées, donc moins touchées par la pénétration européenne et les échanges transatlantiques. Malgré cette situation, elles ont connu une histoire riche et mouvementée. Cela serait dû à la proximité avec les peuples Yoruba du Nigeria dont la présence s'explique par les premiers mouvements commerciaux entre le Nord de l'actuel Ghana et toute la région Haoussa ( le nord du Niger et du Nigeria)8(*). Troisième ville du pays avec plus de 150.000 habitants après Cotonou et Porto-Novo, Parakou est un carrefour commercial. En tant que royaume, Parakou entretenait de très bons rapports avec les Français et a même refusé de participer à la révolte des autres royaumes baatombu.

La communauté nigériane est fortement représentée à Parakou, ce qui fait de cette ville une terre d'accueil comme l'indique même son nom. Le commerce est l'activité prédominante, mais les gens s'adonnent à d'autres activités telles que le métier de photographe. L'histoire de la photographie dans cette région n'est pas facile à recoller. Certes, sans le moindre risque de se tromper, on peut affirmer que l'histoire serait liée à la migration des photographes venus de la côte : Ouidah, Porto-Novo, Cotonou qui ont suivi les pas du colon français. Le début de la photographie remonterait dans les années 1956 selon les propos de Monsieur Léopold OGATCHOROUN, secrétaire général de l'association des photographes de Parakou joint au téléphone le mercredi 6 octobre 2004.

En 1996, vingt-deux photographes ont été identifiés à Parakou9(*) dont deux seulement sont originaires de Parakou et les trois quarts venus du sud Bénin. Les effectifs se sont réduits depuis ce temps car selon leur secrétaire, les gens de l'Atakora et du Borgou ne s'intéressent pas aux activités qui requièrent un apprentissage. Signalons que le premier laboratoire couleur a été installé à Parakou en 1993.

1.1.3.2 Les précurseurs de la photographie au Bénin

Bien que mitigée, l'histoire de la photographie au Bénin a certes été mouvementée car contrairement à d'autres pays, toutes les villes de la côte jusqu'au Nord ont eu chacune à connaître à une époque de son histoire son avènement.

Des noms très célèbres sont passés à la postérité. Entre autres, on peut citer : Alexandre GBEYONGBE, cité dans l'annuaire vert de la photographie de 1995, Moïse AGBODJELOU de `'Photo France'', la dynastie des frères KIKI qui ont travaillé en dehors du Bénin dont l'un est le plus grand éditeur de cartes postales en Côte d'Ivoire.

Justin TOMETY, premier président de l'association des photographes du Bénin décédé en 1991, a été l'un des pionniers de l'enracinement de la photographie à Cotonou10(*) par le nombre de professionnels qu'il a formés et qui exercent aujourd'hui le métier. Barthélemy MEHINTO, père de Jean MEHINTO, un des anciens photographes de Porto-Novo, fut aussi l'un des pionniers à Ouidah avant de passer la main à son petit-fils Sébastien qui est aujourd'hui le doyen des photographes à Ouidah et à son fils. Léon AYEKONI digne apprenti de Sébastien MEHINTO et qui fait partie de la génération des anciens est décédé seulement en août 2004.

D'autres noms non moins importants comme DE-MESSE Zinsou, Mathias ABIMBOLA, Jean MEHINTO, Jean DOTONOU, Pascal ABIKANLOU donnent toujours au métier de photographe malgré leur âge toutes ses lettres de noblesse et assurent la relève avec la nouvelle génération de Porto-Novo.

De même à Cotonou, Lawani SIAKA, Benoît ADJOVI, Franck KIDJO, Dominique ADJIWANOU, Pascal RODRIGUEZ et autres assurent la pérennité de la photographie malgré toutes les technologies qui envahissent la capitale économique.

A Parakou, Jean HOUMDE, `'Photo Souvenir'', Aimé SOSSA, `'Photo Espoir'', Christophe LIMA, `'Well Come Studio'' et Gabriel KAYODE sont les gardiens de la vieille garde.

D'autres photographes de l'ancienne génération ayant travaillé dans les grandes villes sont partis pour s'installer dans d'autres villes ou en campagnes où ils jouissent d'un paisible repos.

1.2 Cadre réglementaire de protection des biens culturels

Les biens culturels constituent la richesse d'un pays et méritent une attention particulière. Avec le phénomène du trafic illicite des biens culturels qui va grandissant, nous essayerons dans cette partie d'étudier les instruments juridiques mis en place par les institutions des Nations Unies l'UNESCO, les organisations régionales africaines comme la CEDEAO et bien entendu la politique mise en place par le Bénin pour protéger ses biens culturels.

1.2.1 L'UNESCO et la politique de protection des biens culturels

1.2.1.1 Les origines de la Convention

Dans un premier temps, ce sont les biens culturels les plus menacés de destruction qui vont être protéges par des instruments internationaux. Effectivement, puisque les objets d'art étaient depuis longtemps considérés comme un outil du vainqueur, c'est dans le droit de la guerre qu'apparaissent les premières réglementations concernant la protection des biens culturels.

Mais, rapidement il va s'avérer nécessaire de protéger les biens culturels en temps de paix. Entre les deux guerres, la Commission de la Coopération Intellectuelle de la Société des Nations Unies élabora et accepta en 1933 un avant-projet de convention sur « La restitution au pays d'origine des objets d'une valeur artistique, historique ou scientifique, perdus ou volés ou étant l'objet d'un contrat de vente-achat illicite ou d'exportation à l'étranger »11(*).

Après la Seconde Guerre Mondiale, le problème du patrimoine culturel des anciennes colonies, longtemps dépouillées sans scrupule, va devenir une des préoccupations majeures de l'UNESCO qui dans sa « Déclaration des principes de la coopération intellectuelle internationale » déclare : « Les biens culturels sont un des éléments les plus importants de la civilisation et de la culture nationale et ils ne conservent leur entière valeur que lorsque leur origine, leur histoire et leur milieu sont étudiés avec le plus grand soin ».

Les mesures nationales se révélant inefficaces, l'UNESCO dans sa XIIIème session de novembre 1962 propose une Recommandation concernant les mesures à prendre pour interdire empêcher l'exportation, l'importation et le transfert de propriété illicites des biens culturels qui sera adoptée à la Conférence Générale de novembre 1964.

L'élaboration de l'avant-projet fut qui va aboutir à la Convention de 1970 confiée à M. Robert BRICHET.

Ce rapport et l'avant-projet seront envoyés en août 1969 à tous les Etats membres ; vingt-huit gouvernements ont présenté leur amendement par écrit.

Le projet final fut approuvé par la Conférence Générale en novembre 1970.

1.2.1.2 Le champ d'application

Les biens visés par la convention doivent avoir deux caractéristiques :

être des biens culturels et

appartenir au patrimoine culturel de l'Etat

Ces deux notions sont définies dans la convention de la manière peu précise. La définition des biens culturels est composée de deux parties : une définition générale et une énumération de catégories de biens en fonction de leur nature.

De la définition des biens culturels ressort une catégorisation à laquelle la Convention de l'UNESCO et d'autres instruments juridiques internationaux ont recours12(*). Ainsi donc quatorze catégories ont été retenues dont les archives (y compris les archives photographiques)13(*).

De ce fait, les archives photographiques sont des biens culturels protégés par l'UNESCO.

1.2.2 La réglementation des organisations africaines : le cas de la CEDEAO

De même que les institutions internationales, les regroupements régionaux africains ont tenté une législation de protection des biens culturels. Nous essayerons de remonter à ses origines avant de voir le contenu et analyser ses forces et faiblesses.

1.2.2.1 Origines et contenu de l'Accord Culturel Cadre de la CEDEAO

Les pays africains en général et en particulier ceux de la sous-région ouest africaine ont pendant longtemps négligé le rôle de la culture dans le développement économique. Ils ont occulté cette dimension et se sont empressés de constituer des organisations à caractère économique. Mais peut-on aujourd'hui dans le contexte de globalisation où chaque pays apporte un plus, négliger la culture ? Le monde entier s'accorde sur la richesse culturelle dont regorgent les pays africains. Toutes les tentatives économiques n'ont jamais réussi à les développer.

La CEDEAO qui constitue le plus grand regroupement de la sous-région ouest africaine14(*), après de multiples actions économiques a jugé nécessaire d'intégrer dans sa politique le volet culturel. Les peuples africains affaiblis par les guerres, les troubles politiques ont su préserver bon an mal an leur patrimoine culturel. Ceci constitue un poids dans le dialogue interculturel. Les pays de la CEDEAO ont tous un potentiel culturel assez impressionnant. Un cadre de concertation et de normalisation des politiques nationales s'avère alors indispensable.

Ainsi, le sommet des chefs d'Etat et de gouvernement des pays membres tenu à Abuja au Nigeria a adopté le 09 juillet 1987 l'Accord Culturel Cadre qui régit la politique culturelle de la CEDEAO.

L'importance et la diversité de la culture pour les peuples de la communauté ouest africaine constituent les fondements de cet Accord. Le rôle de la culture dans le développement économique, politique et social de la sous-région a été enfin perçu et constitue le leitmotiv de l'Accord. Il met surtout l'accent sur la circulation des hommes de l'art et de leurs oeuvres à travers les frontières des différents pays afin de favoriser les échanges et la connaissance mutuelle, base essentielle du renforcement de l'esprit communautaire et la de la coexistence pacifique des peuples.

A cet effet, deux canaux ont été définis :

{ l'approfondissement de la culture par l'éducation et son enrichissement par l'information et la communication ;

{ l'enseignement de programmes culturels dans les établissements de formation, écoles de journalisme et d'administration.

1.2.2.2 Forces et faiblesses de l'Accord Culturel Cadre de la CEDEAO

A l'instar de tout instrument juridique, l'Accord Culturel Cadre de la CEDEAO présente des forces et des lacunes.

L'Accord a proposé un programme ambitieux de développement culturel qui constitue le point de convergence et de départ de toutes les actions à mener pour un développement culturel ouest-africain. Ce programme a été adopté le 22 novembre 1996 à Lomé suite aux recommandations de la 8ème réunion de la Commission des Affaires Sociales et Culturelles.

Pour assurer la mise en oeuvre du programme culturel et l'élaboration de stratégies et programmes sectoriels visant à accélérer la mise en exécution dudit programme, un comité ad hoc composé de la Côte d'Ivoire, du Ghana, du Mali, du Nigeria et du Sénégal a été mis sur pied. Cela a permis la création de plusieurs festivals en Afrique de l'Ouest dont les plus importants sont : le FESPACO du Burkina-Faso, la Biennale de Dakar, le FITHEB du Bénin. La CEDEAO a créé elle-même son festival dénommé ECOFEST.

Quant aux faiblesses, il faut dire que la CEDEAO n'a pas échappé aux problèmes qui sont ceux de toutes les organisations sous-régionales et internationales de ne pas faire appliquer les décisions prises. En dépit des difficultés propres au fonctionnement de la CEDEAO, l'Accord a péché par endroits. Il s'est trop appesanti sur la circulation des biens culturels et de des artistes à travers les frontières. Cette situation pourrait être une porte de sortie pour le trafic illicite des biens culturels.

A l'issue donc de l'étude de l'Accord Culturel Cadre de la CEDEAO, on peut conclure que les biens culturels en général et les archives photographiques en particulier ne sont pas protégées alors que nos pays africains sont pillés depuis l'organisation de la Biennale de Bamako sur la photographie en 1994. Elle a braqué les projecteurs sur cette richesse qui constitue le patrimoine visuel de l'histoire africaine. L'exemple béninois qui a fait l'objet de notre étude confirme l'effectivité de ce commerce illicite qui se mène au nez et à la barbe de tous.

Nonobstant les mesures prises au niveau de l'UNESCO à travers la Convention de novembre 1970 et l'Accord Culturel Cadre de 1987, quelles sont les dispositions prises au niveau national ?

1.2.3 La politique nationale de protection des biens culturels

Le Bénin s'est doté de textes juridiques pour assurer la sécurité de ses biens culturels. Vu comme l'un des réservoirs africains de richesses culturelles, l'armature législative permet-elle réellement de consolider la protection du patrimoine culturel ? Quelles en sont les origines ? Quelles sont les forces et faiblesses des textes juridiques du Bénin ?

1.2.3.1 Origines et contenu des textes juridiques du Bénin

L'histoire nationale des textes de protection des biens culturels remonte à 1968.

En effet, le Bénin à l'instar des pays africains est resté pendant plusieurs années sous domination coloniale. Durant cette période, les lois étaient dictées par la métropole et les administrations sous contrôle colonial. Ainsi il a été créé pour l'Afrique francophone l'Institut Français d'Afrique Noire (IFAN) qui était l'administration centrale en charge de la gestion de la recherche scientifique et des biens culturels publics. La France usant de son pouvoir dominateur, exportait les biens culturels du Bénin alors Dahomey. Les biens culturels surtout des palais royaux constituaient des butins de guerre pour les troupes d'invasion.

Suite à la période coloniale, le Bénin ancienne République du Dahomey est devenu indépendant le 01er août 1960. Avec la mise en place des institutions de la République, la première loi en matière de protection des biens culturels a été prise par ordonnance N° 35/PR/MENJS du 01er juin 1968. Elle est restée la seule force juridique dans le domaine de la culture jusqu'en 2002 où un Avant-Projet de loi portant protection du patrimoine culturel et du patrimoine naturel à caractère culturel en République du Bénin a été élaboré. L'ordonnance du 01er juin 1968 a déjà montré ses limites par rapport aux réalités du terrain et mérite d'être abrogée.

L'Avant-Projet étant encore en étude au niveau de la Cour Suprême, nous ne nous sommes pas permis d'étudier le contenu.

Seule l'ordonnance N°35/PR/MENJS du 01 juin 1968 fait office de loi relative à la protection des biens culturels en République du Bénin.

Cette ordonnance est structurée en quatre (4) chapitres dont :

- Classement des biens protégés

- Fouilles

- Exportation des objets classés

- Dispositions pénales.

Dans ce schéma, on voit clairement que les archives photographiques ne constituaient pas aux yeux du législateur un bien culturel à conserver. L'ordonnance a plutôt exposé les modalités de classement des biens culturels dans lesquelles ne se retrouvent pas les archives photographiques. En plus, elle a définit dans les articles 15, 16 et 18 les conditions d'opérer des fouilles sur le territoire national. L'exportation des objets classés est aussi une priorité de l'ordonnance. Enfin les dispositions pénales prévoient les sanctions en cas d'infraction a ces dispositions.

1.2.3.2 Forces et faiblesses

A l'issue de l'étude des lois de protection des biens culturels au Bénin, amer est le constat que nous avons fait selon lequel nous n'avons pas pu relever une seule vraie force qui garantit une protection des éléments de notre patrimoine. Pendant et après la colonisation, il n'est pas un secret pour quelqu'un d'affirmer que le trafic illicite des biens culturels prend une allure vertigineuse.

Tout le mérite a été d'avoir élaboré un texte juridique mais rien de consistant qui puisse régler les problèmes qui sont les nôtres actuellement. Paradoxalement, le Bénin est l'un des grands pays à forte potentialité culturelle, doit donc avoir un arsenal juridique correspondant.

Les problèmes que nous pouvons inscrire dans les faiblesses de l'ordonnance N°35/PR/MENJS du 01er juin 1968 se résument en ces points :

- Vétusté de la loi : elle remonte à 36 ans en arrière et, en aucun cas ne peut être adaptée aux réalités actuelles.

- Ambiguïté au niveau des biens à protéger. La loi a stipulé que ce sont les biens qui ont un intérêt du point de vue de l'histoire qui sont à protéger. Mais quels sont les biens qui ont un intérêt et qui est habilité à déclarer ce bien intéressant du point de vue de l'histoire ou de la préhistoire ?

- De même que l'exportation des biens culturels est interdite, l'importation des biens des autres pays doit être aussi interdite. Mais dans notre loi aucun passage ne le stipule. C'est à croire que le Bénin est autorisé à importer les biens d'autrui,

- Les dispositions pénales en cas d'infraction ne prévoient que le paiement d'amende. Cet état de chose n'est pas du genre à décourager les écumeurs. Il faut davantage des mesures beaucoup plus drastiques pour punir les fautifs.

Malgré toutes ces dispositions réglementaires prises au niveau des pays, des organisations régionales et internationales, il se développe un réseau de trafic des oeuvres d'art surtout des pays africains vers l'Amérique et l'Europe. Une esquisse de point sur le phénomène au Bénin est envisagée de même que l'étude des fondements juridiques des institutions dans la lutte contre le trafic.

1.3 Trafic illicite des biens culturels et dégradation des éléments du patrimoine

1.3.1 Archives photographiques et trafic de biens culturels

Les archives photographiques font partie des éléments du patrimoine, donc protégées aussi bien au niveau de l'UNESCO qu'au niveau des lois en vigueur au Bénin.

Avant de faire le point du trafic des archives photographiques, nous analyserons d'abord le cadre général de trafic des biens culturels.

1.3.1.1 Trafic des biens culturels

Les institutions internationales en charge de la culture ont fait de la lutte contre le trafic des biens culturels une priorité en élaborant des textes qui régissent leur circulation au niveau des. De même, les gouvernements nationaux ont commencé timidement à concevoir des lois pour assurer la sécurité de leur patrimoine culturel. De nombreux ateliers, conférences, journées, séminaires ont été organisés pour informer et sensibiliser aussi bien les gestionnaires du patrimoine que les hommes des frontières (douanes et police).

Au Bénin, le trafic illicite des biens culturels demeure un phénomène mal cerné. Les palais royaux étaient les lieux privilégiés où étaient gardés des éléments très importants de l'histoire des rois et de leur royaume. Les troupes de la colonisation française après les guerres de conquête se sont empressées de piller les trésors des palais royaux d'Abomey. Ces éléments qu'elles prennent pour leur butin de guerre se sont retrouvés pour la plus grande majorité dans les musées de France et dans les collections privées ou publiques aux Etats Unis d'Amérique et d'ailleurs15(*). Les missionnaires et quelques administrateurs des colonies après avoir détruit et emporté massivement les fétiches, ont collecté des biens culturels pour, disent-ils, des besoins d'expositions impériales. Le bilan de ces flux au niveau de nos frontières est très lourd d'autant plus que ce trafic continue allègrement sans que personne ne s'en indigne et prenne des mesures.

La situation financière des Béninois trop précaire participe à la complicité et à la facilité avec laquelle les biens sont pillés. Ils cèdent aux sollicitations `'sonnantes et trébuchantes'' des démarcheurs d'oeuvres d'art et antiquités ou à des `'touristes'' de passage. Les autels familiaux sont dépouillés dans les temples de vodoun. En dehors des produits de l'artisanat contemporain, les biens culturels les plus en vue sont les vieux masques guèlèdè provenant de Kétou, Pobè, Sakété, Zangnanado, les autels portatifs dits `'assins'' et les poteries anciennes16(*).

Il est à noter que ces demandes en `'antiquités'' ne proviennent pas seulement de démarcheurs intermédiaires, des Africains de toute nationalité, mais aussi des touristes, les coopérants, les volontaires, les diplomates ou leurs épouses en fin de mission.

En définitive, le Bénin est l'un des pays qui subit le plus des affres du trafic des biens culturels. Tout récemment encore en 2002, le musée d'Abomey a enregistré le vol d'une pièce très importante. Le `'Goubassa'' d'un poids de quinze kilogrammes (15 Kg) environs a disparu du musée sans qu'on n'en ait identifié les auteurs et la destination.

Par ailleurs, les photographies anciennes surtout en noir et blanc ont ces derniers temps sur le marché international de l'art une valeur très élevée. De ce fait, nombreux sont ceux qui mènent leur commerce pour alimenter ces circuits illicites.

1.3.1.2 Archives photographiques et trafic des biens culturels.

La photographie est introduite au Bénin au début de la colonisation. Les administrateurs coloniaux débarquaient avec toute une équipe dont des photographes. Après la période de Pierre VERGER, ce fut le temps des autochtones de s'engager dans le captage des images. Plusieurs générations de photographes vont se succéder pour fixer à la postérité les belles étapes de l'évolution de la vie du Dahomey jusqu'à l'actuel Bénin. Les fonds photographiques qui sont en grande partie en dépôt chez les privés constituent un élément capital du patrimoine culturel visuel du Bénin.

Jusqu'en 1994, année où a été organisée la biennale de la photographie à Bamako, personne ne s'intéressait ou presque tout le monde ignorait l'intérêt que peut avoir la photographie africaine. Dès lors, les photographes deviennent le point de chute des `'touristes'' en quête d'oeuvres d'art.

Ces photographies surtout en `'noir et blanc'' sont aujourd'hui du domaine de l'art et connaissent des prix élevés sur le marché international. Leur résistance aux intempéries environnementales, leur clarté, leur beauté et leur rareté car talonnée par la photographie couleur, ont accru leur valeur marchande. Dans les pays africains qui ont connu une période assez mouvementée de la photographie comme le Sénégal, le Mali, la Sierra Léone, le Nigeria, ce phénomène de pillage bat son plein mais à des degrés différents.

Au Bénin, des enquêtes que nous avons menées, il en ressort que bon nombre de photographes (surtout anciens) ont été l'objet de pillage. Encore que ce pillage est possible grâce à leur consentement et à leur volonté de vendre leurs oeuvres. Même des compatriotes qui mettent en avant leurs propres intérêts, participent à ce commerce en identifiant les lieux potentiels de détention de ces chefs-d'oeuvre et avec quelques promesses ou coupures de banque, deviennent les guides de ces écumeurs sans foi ni loi. Très peu scrupuleux, ils opèrent en toute tranquillité.

Les photographes, débordés par la masse de leurs oeuvres, ne sachant à quelle utilité elles sont destinées et compte tenu de leur situation financière précaire n'hésitent pas à en céder facilement. De ce fait, notre patrimoine se `'dessèche'' au jour le jour. « Une fois leur forfait commis, ils disparaissent alors qu'au départ ils nous ont promis de revenir »17(*). Il sera aujourd'hui impossible de faire le point et d'avoir une idée quantitative sur la perte du patrimoine visuel de notre pays. Certes, au terme de notre enquête, on est à même d'affirmer que nous avons perdu une grande partie de ce patrimoine. Nous avons constaté sur le terrain un réseau organisé entretenu par un Belge qui se lance dans le commerce des photographies anciennes au Bénin. Actuellement nous avons réussi à mettre la main sur une quantité importante de photographies stockées au niveau d'un photographe. Il se dit prêt à céder ce fonds si une politique sérieuse est mise en place pour sauvegarder les archives photographiques.

Comme si ce trafic ne suffisait pas, les oeuvres photographiques sont aussi en proie à une dégradation.

1.3.2 La photographie, un patrimoine en danger

Les éléments du patrimoine aussi importants les uns que les autres du point de vue de l'histoire, de la science, de l'éducation constituent un véritable problème de conservation.

Les photographes africains, faute de moyens, travaillent avec un matériel de plus en plus vétuste et des produits de qualité douteuse. Outre les films couleurs bas de gamme diffusés en Afrique de l'Ouest par les principales firmes internationales (Kodak, Agfa et Konica), les films les moins chers (couleur et surtout noir et blanc ) qui circulent sur le marché proviennent pour la plupart des pays de l'Est. Tura, Orbi, Orwo (marque de l'ex-RDA) sont des marques de films diffusés depuis l'époque de la guerre froide. Selon les photographes, la qualité des produits photographiques noir et blanc a chuté. `'Elégance photo'' à Parakou affirme, et il n'est pas le seul, que `'les produits noir et blanc d'aujourd'hui ne sont pas bons''. Auparavant, il avait l'habitude d'acheter des produits Agfa de meilleure qualité.

L'augmentation de la production entraîne une baisse de la qualité et la diminution du choix : on ne trouve plus que des films 100 ASA sur le marché, et pour le papier noir et blanc, surtout du 13x18 plastique de grade 1. Le reste est introuvable ou hors de prix. Quant aux produits chimiques (révélateur et fixateur), ils se présentent le plus souvent sous forme de poudre, pour certains, fabriqués ou conditionnés au Nigeria. Cela mériterait une enquête plus approfondie. Concernant le matériel, le modèle d'agrandisseur noir et blanc le plus répandu reste le krokus 3 (marque polonaise). A l'heure actuelle, les photographes conservent toujours ce matériel vieilli dans leur chambre noire. L'appareil reflex 24x36 de marque Zénith (russe) est plébiscité par les ambulants de toute l'Afrique de l'Ouest : il est moins cher et plus simple d'utilisation.

A travers ce rapide état des lieux, nous observons avec inquiétude une baisse de la qualité des oeuvres photographiques. Le problème est double : le niveau de savoir technique, de même que la qualité des produits sont en baisse constante. Dans les albums de famille, le constat est évident : les photographies noir et blanc sont plus résistantes que celles en couleur prises à partir des années 1980 qui ont toutes plus ou moins viré au magenta , voire presque disparu de leur support. Le contexte ouest-africain est alarmant, car le problème persiste, voire s'aggrave. Malheureusement, seul le profit compte et non la qualité ; dans ce contexte de crise, et pour les responsables de mini laboratoires et pour les photographes ambulants qui bradent leurs clichés.

La photographie noir et blanc des années 1960-1970 se conserve mieux que celle en couleurs des années 1980-1990. Les photographes de studio inlassablement le répètent : rien ne vaut le noir et blanc pour la conservation. La couleur requiert beaucoup plus de précautions qui ne sont absolument pas respectées dans ce contexte si fragile.

Outre le patrimoine de nature privée ou familiale, ce sont les fonds photographiques noir et blanc eux-mêmes, les plus anciens, qui sont menacés de disparition car devenus encombrants pour leurs propriétaires. Ils sont soit détruits et jetés à la poubelle par des photographes désespérés devant la suprématie de la couleur et le règne des laboratoires ou concédés au premier demandeur.

Il est urgent que des chercheurs se penchent de près sur ce patrimoine très riche, avant qu'il ne disparaisse, emporté par l'oubli ou la main peu scrupuleuse de quelques trafiquants d'art. En effet, depuis quelques années, les archives des anciens studios sont devenues l'une des cibles privilégiées de ces trafiquants, depuis que les photographies de Seydou Kéïta ont fait le tour du monde et sont cotées sur le marché de l'art.

En dehors de ces problèmes techniques que connaît la photographie de nos jours, les photographes nous ont confié qu'ils brûlent très souvent les oeuvres du fait qu'elles deviennent parfois encombrantes. « J'ai brûlé plus de deux cartons de négatifs et l'inondation en a apporté une quantité énorme » nous a confié Mathias Abimbola, photographe à Porto-Novo.

1.3.3 Lutte contre le trafic illicite des biens culturels

L'accroissement du trafic des biens culturels prend une ampleur grandissante au jour le jour et n'épargne aucune partie de la planète. La perméabilité des frontières, les conflits, la pauvreté et la misère, l'essor du marché de l'art sont autant de facteurs qui expliquent pourquoi le trafic d'oeuvre d'art se situe en seconde place après celui de la drogue.

Avant d'étudier l'efficacité des normes internationales et des mesures nationales dans la lutte contre le trafic illicite, il est important de savoir ce qu'est un bien culturel.

1.3.3.1 Notion de bien culturel

Les lois internationales de protection des biens culturels entretiennent une confusion ou du moins ne donnent pas une définition claire et exacte de bien culturel. Les hommes de la police, des douanes qui sont impliqués dans cette lutte ont du mal à cerner ce qu'est un bien culturel lors des fouilles au niveau de nos frontières.

La nécessité de donner une définition de bien culturel a été perçue avec l'ampleur que prend le trafic et il importe de clarifier un concept mal cerné. Le champ d'application de biens culturels varie d'un pays à un autre car ils sont le témoin de l'histoire, de l'identité d'une culture donnée. En règle générale, on entend par bien culturel tous les objets, aussi divers que variés, qui sont l'expression d'une culture donnée et qui se distinguent par le fait qu'il n'en existe pas beaucoup de semblables, parce qu'ils sont d'une facture artistique supérieure ou que ce sont des échantillons exceptionnellement représentatifs de la culture en question. On peut considérer comme biens culturels aussi bien des objets d'art et d'artisanat que des découvertes archéologiques, des édifices, de navires ou des livres18(*).

L'UNESCO, dans le souci de permettre à chaque Etat de pouvoir donner une définition concise et précise à la notion de bien culturel, dans la Convention de 1970 en donne une définition assez large qui sera reprise par chaque Etat suivant les contextes nationaux. L'article 1er stipule : « aux fins de la présente convention, sont considérés comme biens culturels les biens qui, à titre religieux ou profane, sont désignés par chaque Etat comme étant d'importance pour l'archéologie, la préhistoire, l'histoire, la littérature, l'art ou la science et qui appartiennent aux catégories suivantes : (...)

j- archives, y compris les archives phonographiques, photographiques, et cinématographiques ; (...) ».

1.3.3.2. Dispositions légales réglementaires de la lutte contre le trafic illicite des bien culturels

L'UNESCO et UNIDROIT sont des institutions qui au plan international s'investissent dans la protection des biens culturels et dans la lutte contre le trafic illicite.

L'UNESCO dans sa mission d'institution culturelle, montre la voie à suivre aux Etats membres quant à la protection de leurs biens culturels. Elle y parvient par trois axes :

- favoriser l'échange d'information concernant la sauvegarde du patrimoine culturel ;

- fournir une assistance pour certaines activités de conservation ; et

- mener une action normative.

Pour aider les Etats à mettre en oeuvre cette réglementation, l'UNESCO consciente des problèmes que chaque pays surtout africain gère a essayé de définir certaines actions. Entre autres, elle invite les pays à :

élaborer et adopter des textes législatifs nationaux appropriés ;

établir un système national d'inventaire et une liste des biens culturels protégés ;

promouvoir le développement ou la création d'institution telles que les musées, les archives ;

mettre en place des services de protection ;

adopter des mesures éducatives afin d'éveiller et de développer le respect du patrimoine culturel.

Au vu de ces dispositions prévues par l'UNESCO, quelles sont les mesures prises par le Bénin en matière de lutte contre le trafic illicite des biens culturels ?

Au Bénin, l'ordonnance N°35/PR/MENJS du 01er juin 1968 relative à la protection des biens culturels constitue la seule force juridique.

« L'exportation hors du Dahomey des objets classés est interdite », c'est dans ces termes que l'article 34 régularise l'exportation et le transfert illicites des biens culturels au Bénin, éventuellement les archives photographiques.

Egalement dans cette même logique de l'UNESCO, le Bénin a mis sur pied des institutions chargées de la protection des biens culturels, notamment la Direction du Patrimoine Culturel (DPC). A ce titre, elle est chargée de l'inventaire, la protection, la conservation, la restauration des sites, monuments anciens ou récents et la promotion du patrimoine matériel et immatériel sur toute l'étendue du territoire national ; de concevoir une stratégie en vue de mettre fin à l'exploitation et au transfert illicite des biens culturels et oeuvrer au retour des biens culturels exportés illicitement.

Malgré ces dispositions réglementaires, le Bénin apparaît comme l'un des pays où le trafic des biens culturels prend des proportions inquiétantes (cf. la carte du marché international de l'art en annexe).

Les archives photographiques au Bénin : localisation, évaluation et conservation

CHAPITRE II :

2.1 Identification et localisation

Les photographies anciennes qui constituent le patrimoine visuel du Bénin sont réparties un peu partout sur le territoire national. Nous avons essayé de repérer certains lieux que nous avons visités pour avoir une idée plus claire de la situation. Les photographes détiennent une plus grande partie qu'ils exploitent et gèrent à leur manière. Dans les institutions de recherche et les musées, les archives photographiques font partie également de leur fonds. Nous verrons le traitement qui leur est réservé dans ces différents lieux.

2.1.1 Lieux privés professionnels : quelques anciens photographes

Dans la recherche des détenteurs des photographies, nous avons exploré plusieurs terrains dont notamment les lieux privés professionnels constitués en partie des photographes. L'identification n'a pas été facile mais avec une détermination à nulle autre pareille, nous sommes arrivé à détecter les lieux possibles. Nous avons sillonné notamment les villes de Porto-Novo, de Ouidah, de Cotonou et d'Abomey. Nous essayerons de dresser une petite biographie de quelques-uns de photographes. Nous prendrons en compte trois par ville.

2.1.1.1 Les photographes de Porto-Novo

Nous avons identifié douze photographes (12) seulement sept ont été contactés. Sans définir des critères de sélection, nous feront la biographie de trois d'entre eux.

Ù Edouard MEHOMEY19(*)

Agent de la poste à Porto-Novo, Edouard MEHOMEY fut un passionné de la photographie. Quand il sortait du travail les soirs et même pendant les congés, il se consacrait à la photographie jusqu'à abandonner son emploi. Après un certain temps, il pouvait tenir un appareil photo, faire des prises de vue. Pendant son apprentissage, il lui était interdit de se chausser car un apprenti ne pouvait pas le faire derrière son patron. Nous n'avons pas pu avoir une précision sur l'année d'obtention de son diplôme. Il ouvrit son premier studio devant la Cathédrale Notre Dame de Porto-Novo, un second au quartier Massé avant de rejoindre le site en face de l'actuelle Direction Départementale des Enseignements Primaire et Secondaire de Porto-Novo.

Avant d'être attaqué par la maladie, il initie une de ses filles avec qui il s'était installé dans le studio à côté du Musée Da-Silva. A 63 ans il paraissait toujours jeune alors qu'il souffrait du diabète. Après plus d'un mois passé à l'hôpital, ses paires de la ville lui ont organisé une fête pour sa retraite. Ayant perdu la raison à la suite de la mort d'une des filles en juillet 2003, il rendit l'âme un mois après en Août 2003.

Ses oeuvres portaient sur le vodoun, les hommes, les défilés nationaux, les cérémonies et fêtes privées. Il était le seul photographe appelé à couvrir les manifestations officielles à Porto- Novo et fut photographe privé du Président Sourou Migan APITHY.

Rappelons que Edouard MEHOMEY était un mordu de la photographie jusqu'à ces dernières heures. Il est marié à trois femmes et père de dix huit enfants dont quatre ont continué sur ses traces.

Ù Mathias ABIMBOLA20(*)

Marié et père de sept enfants, Mathias ABIMBOLA est né vers 1943. En 1957, il a passé le certificat d'études primaires sans succès. A cause de sa formidable taille qui lui valut le surnom « vieux », il a dû abandonner les bancs pour partir en aventure de trois ans au Nigeria. De son retour, il fut admis en apprentissage de photographie chez Martin KIKI de 1950 à 1959. Il a été engagé en 1959 par la Société Dahoméenne de Cinématographie en tant que photographe. En 1973, il a suivi un stage de six mois (6) sur la photographie en Belgique et d'autres formations en Libye. Avant d'être admis à la retraite en 1990, il été photographe du gouvernement.

En dehors des couvertures officielles, il s'occupait les week-end à travailler pour les privés. Chrétien fervent, il s'est associé avec ses amis qui aiment la photographie pour créer une Organisation Non Gouvernementale dénommée Amen dont il est le vice-président. Avec de belles initiatives, cette structure à but non lucratif a pour objectifs entre autres de pérenniser le métier de photographe, contribuer à la formation des jeunes.

Ù DE-MESSE Zinsou Félix21(*)

Homme très sympathique, plein de souvenirs, DE-MESSE vit seul dans une maison très calme sans le moindre bruit à Porto-Novo. Passionné de la lecture, il n'a rien d'un homme protocolaire. Partagé entre deux cultures, parce que né en Côte d'Ivoire mais originaire du Bénin.

Né le 18 juillet 1929 à Abidjan, il a fait une première partie de ses études primaires en Côte d'Ivoire avant de revenir au Bénin où il n'a fréquenté que pendant une année. En 1942, il obtint une bourse d'étude pour la France où il s'inscrit au collège de Saint-Barbe à Paris. Après les échecs au brevet et au baccalauréat, il a choisi de passer un concours d'entrée à la Radio et la Télévision de France. Il y a travaillé pendant plusieurs années avant d'obtenir une autre bourse de formation dans une école de Photographie et de Cinématographie. A la fin de sa formation, il avait travaillé tout le temps en France avant de rentrer au pays où il a pris sa retraite. Il a travaillé à l'Information.

Ses oeuvres portent sur les danses rituelles, les folklores, les statues, le paysage, bref tout ce qui est attrayant.

2.1.1.2 Les photographes de Cotonou

Cotonou fut la capitale de la photographie au Bénin. Quelques anciennes gloires y vivent aujourd'hui. Nous en avons identifié sept (7) et tous ont été contactés. Quelques uns feront l'objet de notre biographie.

Ù Dominique ADJIWANOU22(*)

Né vers 1941 à Grand-Popo, après son certificat d'études primaires obtenu en 1958, il a opté pour la carrière de photographe. Ainsi, après l'obtention de son diplôme de reporter photographe en 1964, il a travaillé comme reporter libre dans plusieurs structures officielles comme : le Centre Culturel Français, l'Ambassade d'Israël au Dahomey et la Loterie Nationale du Dahomey.

Son doigté et sa passion pour la chose photographique lui ont permis d'obtenir respectivement un prix pour sa participation au concours organisé par l'Organisation Internationale du Travail (O.I.T) lors de son cinquantenaire, et le premier prix du photographe professionnel lors d'un concours organisé par le Centre Culturel Français en 1971. Ce prix de l'O.I.T lui a permis d'obtenir une bourse d'étude en photographie en Allemagne Fédérale en 1972, sanctionnée en 1976 par une attestation équivalent au C.A.P plus un an de formation.

De retour d'Allemagne, il a été recruté par l'Etablissement National d'Edition et de Presse (E.N.E.P) devenu Office National d'Imprimerie et de Presse (O.N.I.P). Il jouit de ses droits à la retraite depuis le 31 décembre 1996.

Son sérieux au travail et son talent lui ont valu le poste de chef service de la section photographique au sein de l'office et un détachement au Palais de la Présidence de la République de 1981 à 1985, où il a servi en qualité de photo-journalisme au service de la presse et de la documentation.

Par ailleurs au plan international M. Dominique ADJIWANOU a effectué plusieurs missions dans les pays de la sous-région, de l'Europe, de l'Asie, de l'Amérique Latine et dans les pays maghrébins pour couvrir des conférences et les visites officielles.

Sa passion pour la photographie est telle qu'il pratique toujours cette activité après son admission à la retraite.

Son travail lui a même valu une décoration dans l'ordre du mérite béninois.

Ù Siaka LAWANI23(*)

Né d'une famille polygame, il fut confronté très tôt à des difficultés financières qui le contraignent à abandonner les études en classe de 5ème. Après un passage dans le studio de son oncle, studio Bel Ami, il choisit définitivement de faire carrière de photographe chez Franck KIDJO, l'un des grands photographes de Cotonou. Il fut admis en apprentissage de février 1963 au 27 février 1968. Il a été photographe des Présidents APITHY, MAGA, Général SOGLO et KEREKOU.

Brillant apprenti, son patron lui confia la destinée du studio Photo Nouvelle. Avant de s'installer dans son studio Espérance Photo, il a fait le tour du Ghana, Togo où il a rencontré des grands photographes. Pendant ces sorties, il a appris beaucoup de choses. Il a également fait des stages de formation en phot noir et blanc en France (Lyon), en couleur à Grenoble, en maintenance à Grenoble et de portraitiste à Lyon.

Il est le patron du studio Espérance Photo et a su intégrer les technologies dans la formation qu'il donne aujourd'hui. Il est l'actuel vice-président du G.P.I.B.

Ù Benoît ADJOVI24(*)

De 1955 en février 1959, Benoît ADJOVI a suivi une formation en photographie chez Justin TOMETY. Jusqu'en 1987, il travaillait dans son studio Africa Photo. Avec l'avènement de la photo couleur, il ferma son atelier car les jeunes ont assailli le marché et le noir et blanc n'avait plus de valeur. Il fallait aller désormais vers les clients pour avoir de petits marchés. Il fait des études primaires jusqu'à l'obtention du certificat d'études primaires en 1953. Après avoir fait dix huit mois d'apprentissage dans un atelier de forge, il décida de continuer en photographie car il était fasciné par les oeuvres photographiques d'alors.

Père de onze enfants et marié à deux femmes, Benoît ADJOVI vit actuellement en son domicile à Cotonou. Il est le secrétaire du G.P.I.B.

Ses photographies portent sur les portraits d'hommes, les reportages des cérémonies publiques et privées.

2.1.1.3 Les photographes de Ouidah

Deux photographes ont été identifiés à Ouidah. A notre descente sur le terrain le lundi 04 octobre 2004, nous avons été informé de la mort de quelqu'un d'entre eux. Il s'agissait de Léon AYEKONI. Nous avons essayé de prendre contact avec la famille pour avoir des informations sur le disparu mais cela fut vain. Les quelques-uns de ses amis qui le connaissaient ont estimé qu'ils ne pouvaient pas donner des informations fiables sur lui. Nous savons quand même qu'il a été formé par Sébastien MEHINTO à Ouidah. Il était avec son patron de la vieille garde de Ouidah.

Sébastien MEHINTO porte bien ses 66 ans bien révolus. Marié à quatre femmes et père de plus de vingt enfants, il a été initié à la photographie par son grand-père Barthélemy MEHINTO. A la mort de ce dernier, il fut admis chez Cosme DOSSA jusqu'en 1958. Basile ADJANOHOUN fut son dernier patron chez qui il a reçu son diplôme de fin d'apprentissage. Il était séduit par l'art de son grand-père, ce qui le poussa à abandonner très tôt les classes. Il vit encore de son travail et a initié un de ses enfants à qui il compte passer le flambeau.

Il est l'auteur de plusieurs oeuvres qui portent sur le vodoun, les manifestations publiques à Ouidah, les manifestations privées et les photos de studio.

2.1.2 Les institutions publiques de conservation des photographies

Aucune institution au Bénin n'a pour activité principale la conservation des photographies. Certes il y en a certaines qui dans leur fonctionnement ou dans leur fonds documentaire disposent d'une importante masse photographique. Ce sont la Direction des Archives Nationales (DAN), le Centre Béninois pour la Recherche Scientifique et Technique ( CBRST), l'Office Nationale d'Imprimerie et de Presse (ONIP) et les musées.

2.1.2.1 La Direction des Archives Nationales

Par décision, le gouverneur général William PONTY crée les Archives Nationales. Logée dans le bâtiment à côté de l'actuel siège de la Cellule de Moralisation de la Vie Publique, la direction a depuis quelques années intégré les nouveaux bureaux plus ou moins conformes aux normes au quartier Ouando dans le cinquième arrondissement de Porto-Novo. Elle a connu plusieurs tutelles avant d'être aujourd'hui sous la tutelle de la Présidence de la République et ce depuis 1990.

Ses attributions, son fonctionnement et son organisation sont régis par le décret 90-384 du 4 décembre 1990. En son article 1er, les « Archives Nationales sont une direction technique de l'Etat, compétente pour toutes les questions d'archives en République du Bénin.... »

Elle est composée des services centraux et des services extérieurs que sont les directions départementales et communales. Son fonds documentaire est constitué des documents écrits, non écrits, le produit des collectes orales, les documents audiovisuels, les documents des services publics, semi-publics et privés.

Elle a pour missions de collecter, conserver, trier, classer, inventorier et communiquer les documents dont elle a la charge dans les conditions définies. Elle joue de ce fait le rôle de service administratif, de service dépositaire des matériaux historiques, de service vulgarisateur de la mémoire collective.

Elle est dirigée par un Directeur nommé en conseil des ministres. L'actuelle Directrice est Madame Elise PARAISO.

2.1.2.2 Le Centre Béninois pour la Recherche Scientifique

Direction technique du Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique, le CBRST est l'héritier de l'IFAN et de l'IRAD. Au départ la métropole avait créé dans chaque colonie l'IFAN dont le pôle central se trouvait à Dakar. Celui du Dahomey était créé à Porto-Novo en 1942. Au lendemain des indépendances en 1960, l'IRAD remplaça l'IFAN pour la gestion du fonds documentaire. Mais en 1975 tous les documents relatifs à l'histoire du Dahomey furent cédés pour la création de la Bibliothèque Nationale.

Avec le transfert des services à Cotonou, quelques agents seulement vont rester à Porto-Novo pour la gestion de bibliothèque et de la photothèque. Une grande salle au rez de chaussée abrite la salle de consultation de la bibliothèque. La particularité de ce centre est qu'il offre à ses usagers un fonds très riche et ancien. La bibliothèque compte environ 7.000 ouvrages, 110 cartes et 4 gravures murales.

La réserve d'ouvrages à côté de la salle informatique sert en même temps de photothèque. C'est une grande salle de 73,66m2 où sont gardées les photos.

Le bâtiment du CBRST fait face dans sa partie orientale au jardin de l'Assemblée Nationale. Le centre sert d'unité d'appoint à la Direction pour la Recherche Scientifique et Technique. La collection du centre n'est constituée que de positifs essentiellement en noir et blanc. Les principaux auteurs sont : Pierre VERGER, A. COCHETEUX, G. LABITE, Clément Da CRUZ, J. LOMBARD. Les formats sont de 9/13 et 13/18. Les thèmes abordés portent généralement sur les divinités, les religions importées, les figures et portraits, moyens de transports, l'architecture afro-brésilienne et autochtone, traditions populaires du pays, les rois et dignitaires d'Abomey. Ce fonds est constitué entre 1942 et 1954.

2.1.2.3 L'Office National d'Imprimerie et de Presse

C'est l'institution qui abrite le journal national `'La Nation''. Dans son fonctionnement, l'institution produit des photographies qui constituent une grande partie de son fonds documentaire. Ayant été identifié, nous avons entrepris des démarches à l'endroit des autorités pour avoir l'autorisation de travailler. Après moult tractations, l'autorisation nous a été accordée mais dans la phase pratique nous étions confronté à plusieurs problèmes administratifs. Nous avons donc abandonné espérant que d'autres travaux de recherche pourront prendre en compte ce centre dont l'importance du fonds photographique est assez enrichissante pour des recherches.

Selon les informations, le fonds serait constitué essentiellement des photographies des autorités politiques, des manifestations publiques, de quelques activités à caractère social telles que les marches des syndicats, les scènes de marché. Bref toutes les photographies qui servent à illustrer le journal. Elles sont sous la responsabilité d'un documentaliste qui garde le centre de documentation et les archives.

2.1.2.4 Les musées

Tous les musées implantés sur le territoire béninois disposent dans leurs collections des photographies. Ces photographies sont généralement prises pour les objets en cas de perte ou de destruction. Elles permettent de garder une image des objets se trouvant au musée et servent à constituer les albums. L'importance des fonds photographiques varient d'un musée à un autre. Ces fonds sont constitués pour la plupart par l'IFAN et ne sont pas actualisés par les gestionnaires des musées. Il est donc impossible de voir de façon exhaustive les photographies de tous les objets de la collection des musées. Nous avons travaillé essentiellement sur le musée ethnographique Alexandre Sènou ADANDE. Excepté ce musée dans lequel l'accès nous a été relativement facile tous les autres n'ont pas été très favorable ou du moins dans le délai qu'on aurait voulu. Aussi faut-il remarquer que le musée ADANDE est gardé par Madame Colette GOUNOU, membre du réseau des professionnels des photo-archivistes du WAMP dans lequel elle représente le Bénin. Donc nous avons estimé que les archives photographiques de ce musée seraient conservées dans des normes un peu plus acceptables. Nous aurions bien voulu aller visiter les musées implantés dans le nord du Bénin mais les autorités de la DPC nous ont confié que ces musées sont en reconstruction, donc ne disposent pas encore un fonds photographique assez riche pour susciter des recherches.

Le musée ethnographique Alexandre Sènou ADANDE a ouvert officiellement ses portes le 29 juin 1966 sous la dénomination de musée ethnographique de Porto-Novo avant d'être rebaptisé le 28 août 1993 en l'honneur de cette personnalité qui a oeuvré pour la protection du patrimoine culturel national. Il est implanté dans un ancien bâtiment de type colonial construit en 1922 situé entre l'école urbaine centre et le tribunal de première instance de Porto-Novo. Comme tout musée, il a pour missions de conserver, de préserver le patrimoine des ethnies du Bénin, de participer à une éducation du public et offrir des possibilités de recherche aux chercheurs.

2.1.3 Quelques lieux privés particuliers

Les lieux privés sont des endroits potentiels des archives photographiques. Nous avons identifié des personnalités politiques, des leaders d'associations et des regroupements syndicaux, des familles. A cet effet, nous avons choisi de nous intéresser aux archives personnelles de certains grandes personnalités du monde politique et intellectuel de même que des familles. Il y a par exemple Alexandre ADANDE, Paul HAZOUME, le Président Emile Derlin ZINSOU et la famille De SOUZA. A part les héritiers de Alexandre ADANDE qui ont accepté collaborer pour le travail et le cas de la famille Hazoumè dont nous n'avons pas retrouvé les traces, les autres ne comprenant pas le bien-fondé du travail ont refusé catégoriquement de collaborer. Mais il fallait réorganiser d'abord les archives de la famille ADANDE avant de pouvoir disposer d'informations utiles. Avec les contraintes liées au temps, nous ne pouvions que constater et espérer que des chantiers de recherche soient ouverts pour faire le point des archives photographiques à ce niveau.

2.2. Evaluation des fonds photographiques

Cette opération d'évaluation consiste à quantifier les fonds disponibles au niveau de tous les détenteurs de photographies. Elle nous permettra de faire le point sur la quantité de photographies disponibles pour montrer l'urgence de mettre en valeur ce patrimoine qui subit une dégradation affreuse.

2.2.1 Au niveau des photographes

Nous avons choisi pour donner beaucoup plus de visibilité au travail de présenter cette partie sous forme de tableau à quatre colonnes qui donnent l'identité, l'adresse, les sujets abordés et l'évaluation des photographies. Elle se présente comme suit :

Identité

Localisation

Sujets abordés

Evaluation

Edouard MEHOMEY

Porto-Novo

- Vodoun, portraits, défilé national à Porto-Novo, manifestations privées.

Plus de 35 boîtes évaluées à plus de 1000 négatifs et quelques positifs

Mathias ABIMBOLA

Porto-Novo

- Photographe officiel, personnalités politiques (surtout les présidents), manifestations privées.

Fonds évalué à plus de 2000 négatifs dans des cartons et grands sacs et quelques positifs.

DE-MESSE Zinsou Félix

Porto-Novo

- Photographe officiel, personnalités politico-administratives, nature, manifestations privées.

Près de 700 négatifs gardés dans des boîtes et plus de 37 positifs.

Blaise AMEGAH

Porto-Novo

- Professeur de collège mais passionné de la photographie, spécialiste des photos de cartes voeux, photos de famille.

Des albums des photos de famille privées et quelques négatifs.

Cosme DOSSA

Porto-Novo

- Vodoun, portraits, manifestations publiques, privées.

Plus de 2000 négatifs dans des cartons et quelques positifs.

Moise AGBODJELOU

(décédé)

Porto-Novo

- Manifestations publiques, privées, cérémonies rituelles.

plus de 3000 négatifs et quelques positifs.

Jean MEHINTO

Porto-Novo

-

 

Jean DOTONOU

Porto-Novo

En voyage pour des raisons de santé.

-

Pascal ABIKANLOU

Sèmè- kpodji

- Photo-cinéaste, plusieurs réalisations de films et de photographies.

Un fonds photographique assez important.

Dominique ADJIWANOU

Godomey (Cotonou)

- Photographe officiel, négatifs de personnalités politiques, manifestations publiques et cérémonies privées.

Près de 500 négatifs et quelques positifs.

Siaka LAWANI

Sikècodji (Cotonou)

- Personnalités politiques, privées, nature, photos de studio.

Il rendait les négatifs quand il livrait les travaux aux clients.

Benoît ADJOVI

Sikècodji (Cotonou)

- Portraits, cérémonies publiques, privées, paysage.

Des cartons de négatifs évalués à plus de 3000 négatifs et quelques positifs.

Pascal RODRIGUEZ

Houéyiho (Cotonou)

- Photographe officiel, négatifs des personnalités politiques, manifestations privées, photos de studio.

Plus de 1000 négatifs.

Franck KIDJO

Cotonou et Ouidah

-

-

Léon AYEKONI

(décédé)

Ouidah

-

-

Sébastien MEHINTO

Ouidah

- Vodoun, manifestations officielles à Ouidah, cérémonies privées, danses rituelles, nature.

Plus de 300 négatifs et quelques positifs.

Félicien RODRIGUEZ

Bohicon

- manifestations publiques et privées, rituelles et paysage.

Plus de 500 négatifs.

Certains photographes ont été identifiés mais pour des raisons diverses nous n'avons pas pu établir cette base de données avec leurs informations. C'est le cas de Jean MEHINTO qui est un ancien incontournable dans la photographie mais il revenait d'un voyage quand nous bouclions ce travail. Pourtant il a donné son accord de principe pour collaborer dans le futur. Il en est de même pour Jean DOTONOU qui après notre première rencontre est parti pour l'Europe pour des raisons de santé.

Egalement le doyen Franck KIDJO avec qui nous avons eu les premiers contacts est devenu rare et a même fermé son studio sis à Saint-Michel à Cotonou. Selon nos sources d'information il serait à Ouidah.

Nous continuons les négociations avec la famille de Léon AYEKONI qui est décédé après avoir donné son accord pour ce travail. A la suite de l'annonce de la nouvelle nous avons essayé de rencontrer la famille pour leur expliquer la relation qu'il y a entre nous mais pour le moment cela n'a pas encore abouti.

Malgré la vente des négatifs et des positifs, nous avons pu faire cette évaluation qui nous paraît assez expressive. Il faut donc très tôt prendre en compte la valorisation de ces photographies avant que les trafiquants ne débarquent une autre fois.

Signalons au passage que tous ces négatifs ou positifs sont en noir et blanc.

2.2.2 Au niveau des institutions publiques

L'évaluation au niveau des institutions publiques se fera aussi sous forme de tableau à quatre colonnes. Nous ferons le point des institutions qui ont dans leur fonds documentaire des photographies qu'elles conservent. De même nous ferons le point de la situation au niveau de quelques musées. Exceptées la D.A.N et l'O.N.I.P, les autres institutions ont des fonds clos.

Les résultats se présentent comme suit :

Nom de l'institution

Localisation

Sujets abordés

Evaluation

Direction des Archives Nationales

Porto-Novo

(Ouando)

- Art, histoire, ethnographie, architecture, manifestations publiques, vie politique, religion, paysage, scènes de marché.

Plus de 1500 négatifs et positifs en noir blanc et couleur.

C.B.R.S.T

Porto-Novo

(Oganla)

- Histoire, architecture, administration, religion, ethnographie, musicologie, politique.

Environ 2500 positifs en noir et blanc.

O.N.I.P

Cotonou (Cadjèhoun)

- Personnalités politiques, cérémonies officielles, évènements sociaux

-

Musée ethnographique ADANDE

Porto-Novo (Oganla)

- Art, archéologie, histoire, ethnographie, ethnologie, manifestations publiques, architecture, cérémonies religieuses, chasse.

Environ 1200 négatifs et positifs en noir blanc et couleur.

Musée Honmè

Porto-Novo

- Histoire, ethnographie, architecture, cérémonies religieuses et publiques.

Environ 1500 négatifs et positifs en noir blanc et couleur

2.2.3 Au niveau des lieux privés particuliers

Puisque nous n'avons pas eu accès aux lieux que nous avons identifiés, nous ne sommes pas en mesure de faire une évaluation des archives photographiques au niveau des lieux privés particuliers. Mais une chose est certaine c'est qu'il existe des photographies intéressantes pour l'histoire de certaines personnalités que toutes les générations n'ont pas connu, l'histoire des familles dont la célébrité n'est pas à discuter et l'histoire nationale.

2.3 Etat de conservation des archives photographiques

La pratique archivistique n'est la chose la mieux partagée au Bénin. Ainsi il est fréquent de voir dans les administrations publiques et privées des documents importants négligés et laissés aux bons soins des rongeurs et des intempéries de climat.

Les archives photographiques n'échappent pas à ce triste constat qui entre progressivement dans nos habitudes. Elles subissent un sort plus grave et dramatique que les documents écrits.

Le point sur leur état de conservation dans les circuits publics et privés que nous avons sillonnés lors de nos travaux en dira assez.

2.3.1. Au niveau des photographes

`'Les photographes sont formés pour les prises de vue. La conservation n'est pas de leur ressort. Néanmoins, ils ont grand intérêt à avoir une petite idée sur la conservation des négatifs et des positifs'' nous a confié un des photographes avec qui nous avons travaillé.

Malgré ce déséquilibre dans leur formation, ils reconnaissent tout de même qu'ils doivent faire un petit effort pour bien garder leurs chefs-d'oeuvre. Ainsi, ils disposent tous des boîtes dans lesquelles ils conservent les négatifs. Cette manière de conservation ne garantit en rien la durabilité des négatifs. Le seul avantage est que les négatifs noir et blanc sont beaucoup plus faciles à conserver. Ils ne se détériorent pas comme les négatifs couleur. Mais cela ne doit pas justifier le fait que ces chefs-d'oeuvre ne soient pas conservés dans de bonnes conditions. La conservation des photographies requiert un certain nombre de garantie qui doit permettre leur pérennité. Avec des moyens dérisoires, les photographes consacrent encore un peu de leur temps à dépoussiérer quelques fois leurs oeuvres par amour pour ce qu'ils ont fait. Lors de nos enquêtes, nous avons constaté qu'aucune norme n'est respectée dans la conservation. Comme nous l'avions souligné, les négatifs sont conservés dans des boîtes de pellicules ou de petits cartons qu'ils ont eu dans les laboratoires de développement. Certains à défaut de ces boîtes ou cartons utilisent des sacs de maïs parce que dépassés par la masse des négatifs. D'autres les gardent dans des armoires de fortune.

En somme, les photographes font un effort de conservation des négatifs et des positifs qui sont sous leur responsabilité. Cet état de chose n'est pas sans conséquence négative. Les négatifs sont collés et se détériorent au jour le jour. D'où la proposition de prendre en charge ces photographes pour sauver leurs fonds qui non seulement sont déjà en proie au trafic illicite des biens culturels mais aussi se dégradent sous l'effet de la mauvaise conservation.

2.3.2 Au niveau des institutions publiques

La situation n'est pas plus reluisante au niveau des institutions publiques. Contrairement à ce qu'on pourrait imaginer, les archives en général sont dans un état déplorable et leur conservation laisse à désirer. Plus de la moitié de ceux que nous avons questionné sont allés dans ce sens.

La Direction des Archives Nationales qui est l'organe compétent en matière de gestion des archives fait un effort de conservation. Dans son fonds documentaire elle compte quelques photographies. Elles sont conservées dans des boîtes d'archives disposées sur des rayonnages dans les magasins. D'autres sont encadrées et exposées dans une salle réservée à cet effet. Toutefois, le traitement qui leur est réservé n'est pas celui qui aurait été fait vu l'importance qu'elles revêtent pour la science, l'histoire, l'éducation et la gestion de la prospective.

Les quelques passages que nous avons eus pendant les premiers jours de notre recherche, nous permet d'affirmer que les photographies sont plus ou moins mieux conservées à l'ONIP qu'ailleurs. Elles sont gardées dans une salle d'environs 16 m2 entièrement climatisée. Elles sont rangées dans des boîtes et du papier kraft. Leur conservation permet à court sûr de les utiliser pour illustrer les journaux. Certes il importe à nos yeux qu'un travail beaucoup plus sérieux soit fait pour garantir leur conservation à long terme.

Du côté du C.B.R.S.T, la confiance accordée aux usagers a été retirée car ces derniers ne respectent pas les conditions de prêt et de reproduction. De ce fait nous avons été aussi frappé par cette règle malgré nos différentes lettres de recherche dûment signées. Cela ne nous a pas permis de constater de visu le traitement qui est fait des archives photographiques. Mais si nous devons nous contenter d'un travail qui a été fait par Mademoiselle Fatima FALL en 1997 dans le cadre du 8ème cours universitaire international PREMA, nous pouvons affirmer que les conditions de conservation des archives photographiques dans ce centre doit faire réfléchir énormément. On note sur les photos agrafées sur les fiches une corrosion active du métal sur le papier faisant disparaître progressivement l'image (nous l'avons aussi remarqué en tant que simple usager du centre en consultation des photos). Les installations électriques défectueuses et les infiltrations d'eau de pluie à divers endroits de la toiture exposent la collection à un réel danger. Mais les autorités nous ont confirmé qu'après ce travail de recherche, le centre a reçu une subvention qui lui a permis de restaurer la photothèque et d'adapter la conservation des photos aux normes.

Les musées conservent généralement leur fonds photographique dans des fichiers rangés dans des armoires. Ce mode de conservation propre aux musées ne garantit pas la parfaite conservation des photos. Aucune norme n'est respectée et les responsables se disent préoccupés par les collections et non les photos. Egalement à ce niveau il nous paraît indispensable de revoir cette méthode pour pouvoir garantir une survie aux collections photographiques qui constituent une arme nécessaire pour la sécurisation des objets des musées.

2.3.3 Au niveau des lieux privés particuliers

Comme nous l'avons signalé précédemment, l'accès à ces lieux n'était pas possible. Nous ne sommes donc pas en mesure de décrire l'état de conservation des archives photographiques. Mais après tous les autres lieux que nous avons visités, nous ne pouvons pas quand même attendre mieux des personnes privées.

Importance patrimoniale des archives photographiques au Bénin

CHAPITRE III :

3.1 Intérêt des fonds photographiques

Comme tout document d'archives, les photographies sont indispensables dans la connaissance et la maîtrise de l'information et de l'histoire. Son caractère graphique lui donne une autre dimension que les documents écrits n'ont pas. Elles sont donc utiles pour la recherche historique, scientifique et pour la gestion de la prospective. Mais avant de montrer cet intérêt des fonds photographiques, il est important de donner une brève définition des archives.

Les profanes considèrent les archives comme de vieux documents poussiéreux sans utilité.

Considérées comme des supports d'accumulation du savoir, les archives deviennent importantes et occupent une place de choix dans les activités humaines. Plusieurs tentatives de définition seront données pour limiter les contradictions.

Ainsi pour Jean FAVIER, « les archives sont l'ensemble des documents reçus ou constitués par une personne physique ou morale, ou par un organisme public ou privé, résultant de leur activité, organisés en conséquence de celui-ci et conservés en vue d'une utilisation ultérieure ».

Lé décret N°90-384 du 04 décembre 1990 portant attributions, organisation et fonctionnement des Archives Nationales en République du Bénin, définit en son article 2 les archives comme «  l'ensemble des documents, quels qu'en soient la nature, la date, la forme et le support matériel élaborés ou reçus par un organisme public ou privé, dans le cadre de son activité, documents organisés en fonction de celle-ci et conservés à des fins administratives, culturelles et scientifiques ».

3.1.1 Intérêt des fonds photographiques pour la recherche scientifique

La science est la connaissance exacte et approfondie qu'on a de quelque chose25(*). De ce fait, tous les travaux de recherche scientifique ont besoin d'arguments solides, de preuves palpables et tangibles. La photographie en plus de son caractère de document d'information, est visuelle, donc atteste les faits.

Les archives photographiques sont un outil indispensable pour la recherche scientifique ; et ceci dans tous les secteurs. Il importe de signaler que les champs de la science et des techniques augmentent sans cesse et il se produit une extension des savoirs. Ceci entraîne forcément une croissance de la recherche.

De ce fait, la communauté scientifique doit être au courant de ce qui a été fait afin de coordonner les travaux. En effet, la recherche devient scientifique dès lors qu'elle se base sur la rigueur, l'exigence, l'objectivité. La recherche doit donc montrer avec exactitude la réalité, donner les réponses à tel ou tel problème. Elle doit fournir les éléments qui permettent de vérifier les hypothèses énoncées. Autrement dit, la recherche doit fournir de preuves.

Dans ce sens, le rôle des archives dans la recherche scientifique n'est plus à démontrer car elles ont non seulement une valeur de témoignage mais également d'information. L'information contenue dans les archives constitue un trésor inestimable. Ainsi, toutes les sciences humaines et sociales ont recours aux archives. Il en est de même des sciences exactes.

3.1.2 Intérêt des fonds photographiques pour la recherche historique

Les archives constituent le grenier de l'histoire car les documents sont produits dans tous les domaines. Elles sont conservées et servent d'outil pour les chercheurs et les historiens. L'histoire est aussi une partie du passé qui est connue à travers des documents écrits et iconographiques. Elle s'élabore à l'aide des archives. Ces dernières sont constituées au jour le jour, au fur et à mesure du déroulement d'une activité.

Les archives définies comme l'ensemble des documents réunis, organisés et conservés en raison de leur valeur de preuve ou d'information, constituent une documentation importante pour l'histoire. Elles sont donc des sources d'information indispensable pour l'historien. Ce dernier a pour rôle de reconstituer le passé politique, économique, social et culturel des sociétés. Pour y parvenir, il doit disposer des informations fiables. L'historien a souvent recours à la tradition orale « à des matériaux divers comme les monuments, les oeuvres d'art, les vestiges mis à jour par les fouilles archéologiques ou encore photographiques »26(*). L'historien a donc besoin des archives qui sont des sources d'information authentiques pour éviter des erreurs et prouver davantage la scientificité de l'histoire. Ceci est très important car comme l'a signalé Fustel de Coulanges : « l'histoire est une science, elle n'imagine pas, elle voit seulement..., elle consiste comme toutes les sciences à constater les faits, à les analyser, à les rapprocher, à en marquer le lien... L'historien recherche et atteint les faits par observation des textes comme le chimiste trouve les siens dans les expériences minutieusement contrôlées ».

L'historien doit donc procéder par hypothèse, à la recherche documentaire de la preuve. Sa méthode consiste à établir l'authenticité du document, à s'interroger sur la valeur du document. Ce qui permet de faire après la synthèse historique. Il va sans dire que « l'histoire se fait avec des documents ».27(*)

3.1.3 Archives photographiques et gestion de la prospective

La prospective est l'ensemble de recherches concernant l'évolution future de l'humanité et permettant de dégager des éléments de prévision.28(*) Elle entre en ligne de compte pour le bon fonctionnement des entreprises, d'une administration, de l'éducation et d'une Nation. La prospérité des entreprises et des administrations dépend en partie d'une meilleure circulation de l'information et de sa maîtrise. C'est à juste titre que François JACOB dans son ouvrage "La logique du vivant" a écrit : « Dans un système organisé, ce sont les échanges, non seulement de matières et d'énergies mais d'information qui unissent les éléments ».29(*) Cette information indispensable au fonctionnement des administrations est générée par les archives.

En effet, les archives photographiques représentent la mémoire visuelle de toute l'administration et permettent aux citoyens de puiser dans les expériences passées pour mieux planifier l'avenir. Elles sont un organe essentiel de l'administration en lui permettant de gagner du temps dans la gestion et d'éviter des investissements superflus. C'est pour cette raison que l'archiviste Karoly KECSKEMETTI disait ceci : « En créant des structures administratives et en organisant la gestion rationnelle des documents, l'Etat réduit les frais généraux de son propre fonctionnement ; bref les investissements archivistiques sont rentables »30(*). Elles constituent un pouvoir de décision en ce sens que les Etats ont besoin de se reporter fréquemment aux documents écrits et photographiques produits dans le passé pour s'assurer des décisions prises antérieurement afin de mieux conduire les affaires du présent.

« La conservation des archives répond à un triple intérêt :

la gestion courante du service : disposer en permanence des informations utiles à son activité ;

la justification des droits et obligations des personnes physiques et morales, publiques ou privées : conserver les preuves en cas de contestation ;

la sauvegarde de la mémoire : constituer les matériaux de l'histoire »31(*).

Ceci est très important en raison des différentes mutations du personnel d'une administration, l'Etat ne peut plus compter sur la mémoire personnelle mais sur la mémoire institutionnelle représentée par les archives qu'elles soient écrites ou photographiques.

L'éducation n'est pas épargnée. En effet, le service éducatif s'adresse aux enseignants et élèves et permet de présenter des documents qui rendent vivants les enseignements donnés. L'enseignant est l'intermédiaire entre l'enseignement et les archives. Dans le service éducatif, son rôle est de choisir les documents d'archives en fonction de son cours et de préparer les publications aux élèves. Les archives photographiques jouent un rôle pédagogique dans la formation des élèves par leur contribution à la culture documentaire. Aussi l'enseignement de l'histoire entraîne-t-il quelques fois le contact direct des élèves avec les documents à travers les expositions, les visites guidées. Cette méthode consiste donc à leur montrer les papiers originaux, les images, les gravures et tableaux relatifs à un événement. Quelle image la jeune génération aurait-elle aujourd'hui sans les traces de la photographie ? Les élèves pourront-ils croire à tout le verbiage sans la présence des photographies ?

Il va sans dire que « les archives de l'Etat constituent le moyen indispensable de l'administration, d'une collectivité. Elles expriment et permettent à la fois la gestion de l'Etat, tout comme elles renferment les replis de l'histoire de l'humanité ; de ce fait elles sont utiles aussi bien au chercheur qu'à l'administration. Secrètes ou publiques, elles représentent un patrimoine ou un bien public dont l'Etat assure généralement l'inaliénabilité, l'imprescriptibilité »32(*).

3.2 Les données des enquêtes

3.2.1 Objectifs et approches

3.2.1.1 Objectifs

Pour la collecte des informations indispensables à la rédaction de ce travail de recherche, nous avons en plus de la revue de la littérature, organisé des enquêtes des terrain. Les objectifs poursuivis sont :

compléter et confronter es informations contenues dans les documents. Ceci se justifie par le fait que les documents ne donnent pas toujours l'information dont on a besoin.

recueillir les avis des `'hommes de terrain'' par rapport au sujet abordé. L'enquêteur ne détient pas seul tous les contours de son thème de recherche. Cela nous permet aussi de faire une comparaison de ce qu'il connaît et ce que les autres pensent du thème de recherche. Il est indispensable pour la critique du thème,

appréhender une idée de l'intérêt que suscite le travail de recherche. Tout travail de recherche a pour finalité de répondre à un manque, de donner des réponses à des questions longtemps posées. Dans ce sens il doit intéresser le public auquel il est destiné.

s'assurer de l'utilité et de l'usage du produit fini de la recherche.

Les enquêtes de terrain sont indispensables pour un travail de recherche.

3.2.1.2 Approches

La démarche utilisée pour atteindre ces objectifs est celle que tout chercheur doit adopter pour mener son travail de recherche. Ainsi, pour notre cas précis, nous avons dans un premier temps élaboré des questionnaires et des guides d'entretien.

Dans un deuxième temps, il fallait administrer ces questionnaires c'est-à- dire assurer leur distribution aux cibles retenues, et aller à la rencontre des personnes à interviewer.

Dans un troisième temps il fallait s'assurer que toutes les personnes questionnées ont réellement répondu et retourné le questionnaire. Ce qui implique le dépouillement et l'analyse des données d'enquêtes.

3.2.2 Typologie des enquêtes et cibles

3.2.2.1 Typologie

La méthodologie de recherche s'est appuyée sur une série d'enquêtes orales et écrites. Les enquêtes orales sont en fait des interviews avec des personnes-ressources pour tirer un maximum d'informations. Ces enquêtes ont été réalisées grâce à des enregistreurs. Après avoir identifié la personne et un rendez-vous pris, nous élaborons un guide d'entretien nous permettant d'obtenir des éclaircissements sur des questions précises. Toutefois, l'enquêté peut refuser que sa conversation ne soit enregistrée. Une fois l'opération terminée, il faut réécouter la cassette pour la transcription.

Quant aux enquêtes écrites, elles sont constituées de questionnaires adressés à un public cible pour avoir des informations. Ce questionnaire est rédigé en français et de manière à ne pas embarrasser les enquêtés et ne pas trop les soumettre à des questions difficiles qui tendent à jauger leur niveau intellectuel (cf. questionnaire en annexe). C'est un questionnaire qui non seulement nous permet de lire le profil de l'enquêté à travers les réponses mais aussi de nous donner des bases solides pour asseoir notre raisonnement. Il est composé d'une série de questions auxquelles il n'est pas fait obligation à l'enquêté de répondre.

A ces enquêtes orales et écrites, se sont ajoutées des descentes sur le terrain pour constater de visu l'état dans lequel se trouvent les archives photographiques. Dans le cas d'espèce, nous demandons à voir l'état de conservation des photographies en dépôt chez les photographes et dans les institutions sillonnées. Cette démarche nous a tout de même permis de nous faire une idée claire et nette sur la situation des photographies aujourd'hui au Bénin.

3.2.2.2 Cibles

La recherche est profitable à tout le monde et répond à un besoin précis, mais tout le monde n'est pas disposé à fournir des informations préalables lors des recherches. Ainsi, pour atteindre les objectifs qu'on s'est fixés en abordant ce travail de recherche, il fallait choisir un public cible susceptible de nous apporter des informations complémentaires. Dans le cadre de notre travail de recherche, nous avons ciblé trois catégories de publics :

Les professionnels d'images que sont les photographes,

Les gestionnaires du patrimoine et

Les usagers des centres de recherche

2 Les photographes

Inévitablement, les photographes sont les premiers hommes concernés par ce travail car ils ont consacré toute leur vie à ce métier et sont aujourd'hui les dépositaires de la majorité des photographies, patrimoine national. Mais à part notre volonté de réfléchir sur ce thème, cela ne serait possible que s'ils ne donnent leur accord. Par les questionnaires qui leur ont été donnés et les entretiens que nous avons eus, nous avons suscité leur adhésion. Nous avons pu tirer le maximum d'eux et ils ont donné leur opinion par rapport au travail que nous faisons. Ce point de vue était nécessaire et est pris en compte dans les suggestions que nous avons formulées. La collaboration a été franche et enrichissante (cf. questionnaire N°2).

2 Les gestionnaires du patrimoine

Les archives en général et les photographiques en particulier font partie du patrimoine de chaque pays. Sa gestion relève des spécialistes qui ont reçu à cet effet une formation adéquate. On ne saurait traiter des archives photographiques sans intégrer l'avis des spécialistes déjà sur le terrain. Malgré leur effectif réduit, ils abattent certes un travail louable que nous voulons suivre en abordant ce thème. Ils disposent d'armes nécessaires pour nous édifier, consolider nos idées et nous orienter dans la recherche. Qu'ils soient identifiés dans les institutions publiques ou privées, à titre libéral, nous avons pu tirer des idées essentielles qui sont entrées dans l'analyse (cf. questionnaire N°1).

2 Les usagers des centres de recherche

Les centres de recherche sont les lieux où on peut acquérir le savoir à travers les documents qui y sont conservés. Les archives photographiques faisant partie intégrante du fonds documentaire des centres de recherche, nous nous sommes intéressés à cette catégorie de public pour savoir si par moment les photographies leur sont utiles dans leur recherche. Penser à la mise en valeur des archives photographiques devrait en principe être opportun pour les chercheurs qui sont à l'affût du savoir. Aussi, leur avis nous permettrait-il de savoir ce qu'ils proposent dans le cadre de la mise en valeur des photographies. Faut-il créer un centre de conservation ? Cela nécessite la fréquentation par des personnes qui y trouveront satisfaction à travers les produits exposés. Nul doute que la promptitude de leur action et leur désir de voir se réaliser cette ambition pour combler un vide qui a tôt fait de rendre inachevée cette recherche.

3.2.3 Les problèmes rencontrés : interprétation et incidence sur les résultats

Le chemin de la recherche est semé d'embûches et il faut s'armer de courage pour y arriver. Nous avons vécu cette théorie pendant notre travail et il est indispensable que nous en fassions cas pour restituer les conditions dans lesquelles nous l'avons conduit.

3.2.3.1 Interprétation des problèmes rencontrés

Pendant la rédaction de ce mémoire, la phase la plus déterminante et la plus difficile a été celle de la collecte des données. Difficile parce qu'elle nécessite qu'on soit sur le terrain et la tête dans les livres. Les problèmes comme on peut s'en apercevoir sont de plusieurs ordres.

Sur le plan de la collecte des données :

insuffisance des documents traitant du sujet,

accès difficile dans certaines administrations,

difficile collaboration avec certaines personnes ressources,

questionnaires d'enquête non retournés,

non-maîtrise de la langue française par certains enquêtés, ce qui rend l'enquête difficile.

Sur le plan de la gestion du temps :

le thème du mémoire étant assez vaste, il ne nous a pas été possible de cerner tous les contours,

certaines personnes contactées hésitent à s'accorder sur le programme que nous nous sommes fixé dans notre planning,

le stage obligatoire de trois mois ne nous a pas permis de disposer de tout notre temps pour les recherches sur le terrain.

Sur d'autres plans, surtout financier, nous devons nous accorder sur le principe que l'argent est le nerf de la guerre. Nos capacités financières nous ont parfois limité dans certains élans de recherche. Toutefois, nous avons essayé d'investir le peu dont nous disposons pour faire oeuvre utile dans la rédaction de ce mémoire. Mise à part les contraintes personnelles, certaines personnes-ressources exigent parfois de l'argent avant de fournir des informations ou avant de nous conduire vers des personnes ciblées. Dans la limite du possible, nous avons pu instaurer une bonne ambiance de collaboration pour les amener à comprendre l'enjeu en les impliquant davantage.

Tous ces problèmes énumérés ont eu à coup sûr des répercussions non négligeables sur la qualité du présent travail.

3.2.3.2 Incidence des problèmes sur les résultats

Loin d'être une porte de sortie pour justifier les incorrections et les tares de ce travail, l'honnêteté intellectuelle nous oblige à une auto- critique pour pouvoir déceler les erreurs qui sont inhérentes à tous travaux de recherche.

Au début de ce travail, nous avons élaboré un chronogramme qui avant la phase de recherche suivait un déroulement normal. Mais nous avons été confronté à la réalité du terrain qui est différente de celle que nous croyions. La non concordance du programme avec certaines personnes non moins importantes nous a obligé des fois à ne jamais les rencontrer. Notre statut de stagiaire comme nous l'avions rappelé ne nous a pas permis d'aller sur tous les terrains que nous aurions voulus.

Nos ambitions de départ étaient de faire de ce travail un instrument synthétique de tous les lieux de détention des fonds photographiques. A titre d'exemple, nous avons identifié plus d'une trentaine de photographes pour ce travail mais à peine la vingtaine a pu être concrètement contactée ; c'est pour cela que nous demanderons dans nos suggestions de poursuivre l'inventaire pour disposer d'une base de données complètes des éléments de notre patrimoine visuel. De même, certains photographes identifiés au départ sont décédés avant que nous ne les ayions rencontrés. Monsieur Ayékoni Léon est l'un des anciens photographes repérés à Ouidah et qui ont à l'avance donné leur accord de principe. Nous en étions là le lundi 04 octobre 2004 quand nous avons appris impuissant sa mort. Voilà une référence en matière de photographie qui venait ainsi de disparaître à un moment où il s'attendait le moins si bien qu'il n'a pas pu préparer sa suite. Il est parti en laissant un héritage immense que personne ne pourra entretenir correctement comme s'il était là. Des démarches ont été menées en direction de sa famille pour tenter de sauver ses oeuvres mais la collaboration n'est pas facile. Cette malheureuse situation prouve combien de fois il est urgent de mettre en place une politique de sauvegarde et de promotion du patrimoine archivistique photographique qui constitue incontestablement la mémoire visuelle de notre histoire.

En dépit de toutes ces incidences, un effort a été consenti pour donner à ce travail tout son caractère scientifique.

Par ailleurs, les enquêtés en répondant aux questionnaires ont fait savoir leur point de vue par rapport aux questions qui leur sont adressées. Ces points de vue feront l'objet d'une analyse.

3.3 Les attentes des enquêtés et de l'enquêteur : analyse des résultats

Pour savoir davantage le niveau d'information du public sur l'utilité des archives en général et photographiques en particulier, l'opportunité de conserver les photographies et l'intérêt pour les photographes de confier la gestion de leurs collections photographiques, nous avons réalisé une enquête sur la base de questionnaires.

Nous nous sommes intéressé comme nous l'avons souligné plus haut aux photographes (notamment les plus anciens), aux gestionnaires du patrimoine (historiens, archivistes, archéologues), étudiants, chercheurs au niveau des centres de recherche. Loin de faire une discrimination de quelle que nature que ce soit, nous avons limité nos enquêtes à un nombre restreint pour raisons de temps, de moyens et d'efficacité.

L'analyse se fera de manière sectorielle, c'est-à-dire les attentes des photographes, celles des gestionnaires du patrimoine et bien sûr les attentes de l'enquêteur. Pour plus de clarté, nous avons préféré faire cette analyse sous forme de tableaux.

3.3.1 Les attentes des professionnels d'images

3.3.1.1 Présentation du questionnaire

Les professionnels d'images sont le socle de ce travail car ils sont les dépositaires de la `'matière première'' que constituent les photographies. Nous leur avons adressé un questionnaire de sept (07) questions. Ce questionnaire vise à éviter de prendre seul la décision de la mise en valeur des archives photographiques au Bénin. Ainsi, nous avons jugé bon leur donner la parole à travers ce questionnaire (cf. questionnaire N°2) en plus des interviews. Nous avons travaillé sur un échantillon de vingt (20) personnes notamment les anciens photographes. Tous les questionnaires ont été retournés à temps pour nous permettre de faire une analyse conséquente.

3.3.1.2 Analyse des résultats

Dans le but d'une meilleure compréhension du sujet, les résultats seront analysés sous forme de tableaux.

Question N° 1

Années d'entrée dans la profession de photographe

Nombre de réponses enregistrées

Pourcentage

1940

03

15%

1945

05

25%

1959

07

35%

1960

04

20%

1975

01

05%

Total

20

100%

L'analyse de ce tableau nous montre que la période dans laquelle ont travaillé les anciens photographes est située entre 1940 et 1975. La période la plus mouvementée est 1959 à la veille des indépendances.

Question N° 2

Raisons de la pratique du métier

Nombre de réponses enregistrées

Pourcentage

Amour du métier

18

90%

Curiosité

02

10%

Argent

00

00%

Eviter le chômage

00

00%

Total

20

100%

Contrairement à ce qu'on pourrait voir aujourd'hui, les anciens photographes se sont adonnés à cette profession non pas pour de l'argent mais pour l'amour du métier. Cela se remarque dans leurs travaux.

Question N° 3 et 4

Avez-vous des photos et/ou des négatifs ? Et leur accessibilité ?

Nombre de réponses enregistrées

Pourcentage

Oui

19

95%

Non

01

05%

Total

20

100%

Dans leur ensemble, les photographes ont su constituer sur eux des archives personnelles des vues qu'ils prenaient à leurs clients. Le seul qui ne l'a pas fait n'est pas à condamner car il tient un raisonnement correct qui peut l'excuser.

Ils ont tous accepté qu'on puisse consulter leurs fonds sans aucune forme de procédure.

Question N° 5

Utilité d'une structure pour la gestion des fonds photographiques

Nombre de réponses enregistrées

Pourcentage

Oui

16

80%

Peut-être

04

20%

Non

00

00%

Total

20

100%

Les photographes ont compris qu'il n'y a pas une meilleure conservation de leurs fonds chez eux-mêmes et que la solution qui peut-être la meilleure est la création d'une structure de gestion. Pourtant, il y en a qui sont sceptiques même s'ils ont donné leur accord de principe.

Question N° 6

Accord de céder les fonds photographiques

Nombre de réponses enregistrées

Pourcentage

Oui

18

90%

Non

02

10%

Total

20

100%

C'est un soulagement pour les photographes de savoir que leurs oeuvres seront bien gardées quelque part où ils pourront aller consulter à tout moment. Certes il y a certains qui sont réticents mais qui peuvent à la longue céder leurs fonds.

Question N° 7

Pour cette dernière question qui porte sur les attentes et suggestions, les photographes, dans leur ensemble, ont souhaité que la politique à mettre en oeuvre puisse intégrer leurs préoccupations, à savoir : la formation des jeunes, l'appropriation des technologies. Ils ont aussi mis l'accent sur le principe "d'aide et subvention'' que doit contenir le programme ou la politique à élaborer. Ils n'ont pas manqué de demander qu'ils soient associés et qu'ils aient des garanties que leurs oeuvres seront bien conservées. Les anciens photographes toujours passionnés de l'art ont émis le voeu cher d'être aussi pris en compte par le volet recyclage qu'on pourrait leur offrir.

En définitive, notre projet n'a pas connu une opposition au niveau des photographes que nous plaçons toujours à l'avant-garde dans ce travail. Comme nous l'avions souhaité, ce projet a eu un écho favorable, toutes choses qui nous renforcent et nous confirment que les archives photographiques ont de beaux jours devant elles. Pourvu que les programmes à mettre en place puissent intégrer les aspirations des uns et des autres.

3.3.2 Les attentes des gestionnaires du patrimoine

3.3.2.1 Présentation du questionnaire

Les gestionnaires du patrimoine comme nous l'avons souligné dans les lignes rassemblent les historiens, les archivistes, les archéologues, les architectes, les documentalistes, les conservateurs et tous ceux qui ont la charge du patrimoine. De ce fait, ils ont une vue sur la gestion et la conservation des éléments du patrimoine. Le questionnaire qui leur est adressé est constitué de dix (10) questions dont l'objectif est d'avoir leur opinion sur le problème abordé dans ce travail.

Quant aux usagers des centres de recherche constitués des élèves, étudiants, chercheurs de tous ordres (anthropologues, historiens,...) leur avis nous permet de savoir ce qu'ils pensent des produits de recherche qu'on leur présente, à savoir les archives, leur état de conservation et surtout mesurer leur besoin en constituant un fonds photographique. C'est notamment sur ces points que nous avons mis l'accent dans le traitement des réponses. Les questions ont des réponses multiples que l'enquêté choisit selon ses convictions (cf. questionnaire N°1).

Nous avons distribué 70 questionnaires mais seulement 47 nous ont été retournés, soit un pourcentage de 67,14%.

L'analyse des réponses nous donne les résultats suivants :

3.3.3.2 Analyse des résultats

Les résultats sont consignés sous forme de tableau pour faciliter la compréhension.

Question N° 1

Définition des archives

Nombre de réponses enregistrées

Pourcentage

Vieux papiers

06

12,76%

Documents précieux

29

61,70%

Outil de recherche

12

25,53%

Total

47

100%

De cette analyse, on peut conclure que de plus en plus l'utilité des archives comme documents précieux et outil de recherche est perçue. Sur 47 questionnés seuls 6 considèrent les archives comme de vieux papiers.

Question N° 2

Etat de conservation des archives

Nombre de réponses enregistrées

Pourcentage

Très satisfaisant

00

00%

Satisfaisant

09

19,14%

Passable

12

25,53%

Déplorable

26

55,31%

Total

47

100%

Plus de la moitié des questionnés déplorent l'état de conservation des archives au Bénin. La conservation passable ou peu satisfaisante est constatée au niveau de la D.A.N et de quelques centres de recherche.

Question N° 3

Avez-vous eu recours aux archives ?

Nombre de réponses enregistrées

Pourcentage

Oui

41

87,23%

Non

6

12,77%

Total

47

100%

Les archives deviennent incontournables dans toute recherche. Leur consultation se fait la plupart du temps selon les enquêtés à la D.A.N, au C.B.R.S.T, dans les préfectures et les communes.

Question N° 4

Avez-vous connaissance d'un centre où sont conservées les photographies ?

Nombre de réponses enregistrées

Pourcentage

Oui

14

29,78%

Non

33

68,10%

Total

47

100%

Les enquêtés ne connaissent pas en grande partie l'existence des centres où sont conservées les photographies. Les quelques-uns qui sont informés nous ont indiqué qu'ils ne connaissent que la D.A.N, le C.B.R.S.T et les musées. Ils les fréquentent très rarement compte tenu de leur état de conservation et dans le cadre des recherches.

Question N° 5

Que représente une photo ?

Nombre de réponses enregistrées

Pourcentage

Simple représentation

9

19,14%

Outil de recherche

19

40,42%

Souvenir

17

36,18%

Rien

02

4,26%

Total

47

100%

La perception des photographies comme simple représentation et souvenir persiste toujours même si plus de 40% la considèrent comme outil de recherche.

Pour la question N°6, tous les questionnés perçoivent l'urgence de mettre sur pied une politique de conservation et de mise en valeur des archives photographiques car ils le considèrent comme la mémoire visuelle de notre patrimoine et pour des raisons de laisser à la jeune génération des témoins visuels de notre histoire. Ils déplorent leur état de conservation.

Question N° 7

A la question de savoir sur quels sujets porteront les fonds à conserver, les questionnés ont estimé qu'il faille tout conserver car tout est important pour la connaissance et la maîtrise du passé.

Question N° 8

Manière de conserver les photographies

Nombre de réponses enregistrées

Pourcentage

Créer une structure

43

91,48%

Conservation par les photographes eux-mêmes

4

8,52%

Total

47

100%

De cette analyse, il ressort que la gestion par une structure est la plus souhaitée.

Les questions N° 9 et N° 10 nous ont permis de compléter ou de vérifier la liste des photographes que nous avons identifiés.

Commentaire

D'une manière générale, nous avons constaté après dépouillement et analyse que la plupart des questionnés reconnaissent l'utilité des archives dans leur recherche et sentent le besoin de disposer également d'un fonds photographique accessible et bien géré.

Ce souhait nous amène à penser que la politique de mise en valeur des archives photographiques doit être une priorité pour satisfaire les ambitions des usagers des centres de recherche et des spécialistes du patrimoine.

3.3.3. Les attentes de l'enquêteur

En adressant des questionnaires à ces différentes cibles de la population, nous attendions d'elles des réponses pour compléter nos recherches bibliographiques. Nos attentes étaient de vérifier la pertinence de notre projet.

Du côté des photographes, l'attente a été comblée car ils sont restés dans notre logique et nous ont assuré de leur soutien. Ils ont tout de même fait des suggestions et formulé des souhaits auxquels ils tiennent fermement. Le plus intéressant est leur accord de nous ouvrir leurs fonds et avoir accepté de les céder dans la phase pratique du projet.

De même, les spécialistes du patrimoine et les usagers des centres de recherche ont reconnu le vide créé par la non disponibilité de structures de conservation des photos. Aussi ont-ils exprimé le désir de voir une structure de conservation des archives photographiques.

Toutes ces réponses nous interpellent sur le sort des archives dans les quelques institutions qui les conservent.

En somme, les objectifs ont été atteints et il reste à tenir compte de ces apports.

Réflexions pour une mise en valeur des archives photographiques au Bénin 

CHAPITRE 4 :

4.1 Mise en place d'un plan de sauvetage et de sauvegarde des archives photographiques au Bénin

Après les constats faits sur le terrain de notre recherche, nous sommes en droit de conclure que les archives photographiques sont en état de dégradation avancée et il est urgent de prendre des mesures importantes voire impérieuses pour sortir ce pan de patrimoine du pétrin. De ce fait, nous avons pensé mettre en place un plan de sauvetage et de sauvegarde.

4.1.1 Point sur les institutions publiques en charge de la gestion du patrimoine archivistique photographique au Bénin

Nous avons estimé qu'avant toute proposition visant à améliorer les conditions de conservation et de gestion des archives photographiques au Bénin, il s'avérait indispensable que nous fassions un aperçu sur le traitement qui leur est fait par les institutions publiques en charge de leur gestion. De ce fait, nous avons identifié la Direction des Archives Nationales et la Direction du Patrimoine Culturel qui s'occupent de la gestion du patrimoine culturel documentaire, muséal, monumental et autres.

4.1.1.1 Présentation et missions des deux institutions

Direction des Archives Nationales

La présentation et les missions de la D.A.N ont été déjà abordées dans le chapitre deuxième précisément au niveau du point 2.1.2

Direction du Patrimoine Culturel

Pendant la période coloniale, la métropole a créé l'Institut Français d'Afrique Noire (I.F.A.N) dont le siège était à Dakar au Sénégal. Chaque colonie avait alors un démembrement. Celui du Dahomey centralisait les écrits et faisait office de bibliothèque. Après l'indépendance en 1960, l'Institut de Recherches Appliquées du Dahomey (I.R.A.D) a vu le jour avec les mêmes prérogatives que l'I.F.A.N jusqu'en 1980 avec la création de la Direction des Musées, Monuments et Sites (D.M..M.S) et du Centre Béninois de la Recherche Scientifique et Technique (C.B.R.S.T). Dès lors, deux structures distinctes s'occupent de la gestion des éléments du patrimoine à savoir la D.M.M.S pour les musées et la recherche documentaire pour le C.B.R.S.T. La Direction du Patrimoine Culturel (D.P.C) sera créée en 1992 en remplacement de la D.M.M.S et la Direction de la Bibliothèque Nationale (D.B.N) en 1995 qui sera une direction technique du ministère de la culture au même titre que la D.P.C.

Au regard de l'article 1er de l'arrêté N°048/MCAT/DC/SG/DA/DPC/SA de l'année 2003 portant attributions, organisation et fonctionnement de la Direction du Patrimoine Culturel, la D.P.C a pour missions la mise en oeuvre de la politique de l'Etat en matière du patrimoine culturel national.

A ce titre, elle est chargée entre autres de la sauvegarde, de la conservation et de la réhabilitation du patrimoine culturel ; de veiller à l'application des dispositions internationales relatives au patrimoine ; l'élaboration et la mise en oeuvre de la législation devant régir la protection des biens culturels.

Elle est dirigée par un directeur nommé en Conseil des Ministres assisté d'un directeur adjoint et d'une équipe technique réparties dans les différents services.

L'exécution de ces différentes missions s'insère dans une vaste politique d'actions dans laquelle nous verrons la place accordée aux archives photographiques.

4.1.1.2 Politique mise en oeuvre par les institutions

Direction des Archives Nationales

La D.A.N, en tant que direction technique de l'Etat chargée de la collecte, du traitement, de la conservation et de la diffusion des documents issus des activités de la Nation et ceux des citoyens, dispose dans ses services d'un département consacré au traitement et à la conservation des photographies : c'est la photothèque. Mais malheureusement, jusqu'à ce jour elle ne dispose pas d'une photothèque même si dans son fonds documentaire elle compte quelques photographies isolées sans légendes qui ne pourront servir à aucune recherche.

Vu les nombreuses sollicitations et les missions à accomplir, la D.A.N avec à sa tête une professionnelle déterminée, madame Elise PARAÏSO, a reçu une subvention de l'Agence Suédoise pour le Développement International (en anglais SIDA) qui lui a permis de lancer en 2000 une campagne de prise de vue de la nature, des scènes de marchés, du paysage architectural de certaines localités du Bénin. Cette campagne a conduit cette équipe jusque dans la région septentrionale. De nombreuses photographies ont été prises et développées en noir et blanc pour assurer leur bonne conservation. Malheureusement cette expérience n'a pas été très concluante faute de métier du jeune photographe recruté à cet effet. La Directrice ne compte pas s'arrêter en de si bons chemins et nous a confié qu'elle initiera d'ici peu d'autres projets pour les archives photographiques.

A cet effet, elle a loué et félicité ce travail que nous avons enclenché qui rentrait dans sa vision globale de mise en valeur des archives photographiques.

Direction du Patrimoine Culturel

Les archives photographiques comme élément du patrimoine sont une évidence. De même que les autorités de la D.P.C, l'avant-projet de loi d'octobre 2002 le reconnaît aussi. De ce fait, aucune politique de sauvegarde et de mise en valeur du patrimoine ne doit exclure les archives photographiques. Reconnaissons tout de même que l'ordonnance N°35/PR/MENJS du 01er juin 1968 portant protection des biens culturels au Dahomey (actuel Bénin) ne catégorise pas les archives photographiques comme élément du patrimoine. Donc leur gestion relevait de la D.A.N et du C.B.R.S.T. Mais avec l'élaboration de l'avant-projet de loi dans lequel un effort a été fait même si cela ressemble à une copie conforme de la Convention de l'UNESCO de 1970, classant les archives photographiques comme bien culturel à protéger.

Partant de cette théorie, nous nous sommes rapproché le lundi 25 octobre 2004 des autorités de la D.P.C pour mieux appréhender le plan d'anticipation qui est en train d'être profilé pour la sauvegarde des photographies anciennes. Après avoir exposé un certain nombre de faits et de constats lors de nos enquêtes à la Directrice, assistée pour la circonstance de son chef service Promotion des Musées et de l'Action culturelle M. Richard SOGAN, elle a reconnu avec nous qu'effectivement les photographies sont du patrimoine et sont en danger. Mais malheureusement aux dires de ces autorités, aucune politique ou programme ne se dessine à court ou moyen terme pour intégrer les archives photographiques. Certes, elles ont estimé que les archives photographiques pourront faire partie d'un vaste projet d'inventaire qui s'élabore au niveau de la D.P.C. Les mêmes problèmes que sont le manque de moyens reviennent ici également. C'est à croire que l'Etat n'investit pas dans la culture. Il s'agit plutôt d'une méconnaissance des priorités et de faiblesses avérées dans la gestion des affaires de la cité. C'est tout de même regrettable qu'on fasse toujours croire que la culture est l'enfant pauvre de la politique de développement du Bénin. Espérons que d'ici là des actions concrètes soient initiées en direction des archives photographiques par les institutions étatiques car des initiatives beaucoup plus sérieuses se prennent dans le privé avec la floraison des associations de promotion du patrimoine et des institutions du patrimoine à caractère multinational.

Loin de dresser un réquisitoire contre les institutions publiques en charge de la gestion du patrimoine archivistique, il nous paraît indispensable de faire ressentir quelques impressions dues aux tristes constats faits sur le terrain :

- manque de synergie et de cadre de concertation entre les différentes institutions culturelles, à savoir la Direction des Archives Nationales, la Direction du Patrimoine Culturel et l'Ecole du Patrimoine Africain,

- ressassement du problème non justifié de manque de moyens,

- mauvaise gestion des fonds destinés à faire telle ou telle activité surtout dans le domaine de la culture.

Ce point au niveau des institutions publiques nous montre l'importance qui est accordée aux archives photographiques. Il paraît donc nécessaire que des initiatives privées fusent pour sauver ce pan de notre patrimoine. A cet effet, vu l'état de dégradation des oeuvres photographiques et le phénomène du trafic, nous proposons des actions qui doivent être inscrites dans un chronogramme d'exécution des activités mener dans ce cadre.

4.1.2 Nécessité de poursuivre l'inventaire

Au terme de ce travail et vu les objectifs que nous nous sommes assigné au début, nous jugeons utile et important de poursuivre cet inventaire pour qu'enfin nous puissions disposer des données fiables sur l'état des archives photographiques au Bénin. Mais avant de donner les éléments qui sous-tendent cette proposition, il est important de rappeler les objectifs du présent mémoire.

4.1.2.1 Objectifs du mémoire

Objectif général :

Constituer une base de données pouvant servir à la mise en oeuvre d'une politique de valorisation des archives photographiques au Bénin.

Objectifs spécifiques :

- Identifier les photographes et institutions disposant d'un fonds photographique pour faire une évaluation de leur collection ;

- Recenser les photographes et les institutions en vue de la constitution de la base de données ;

- Proposer des solutions en vue de la conservation et la mise en valeur des archives photographiques.

4.1.2.2 Facteurs favorables à la poursuite de l'inventaire

Avant de nous engager dans la recherche sur ce thème, nous avons identifié certains photographes répartis un peu partout sur le territoire national. La plupart ayant travaillé dans les administrations à Cotonou ou à titre privé ont préféré se retirer dans leur village pour éviter le bruit comme le disent certains d'entre eux. Ils se retrouvent aujourd'hui dans les zones périphériques des villes comme Porto-Novo, Ouidah, Cotonou, Abomey, Parakou, Kétou et même dans le Mono Couffo. Dans nos démarches préliminaires, nous avons été informé de tous les lieux probables où ils se trouvent. Mais nous n'avons pas pu réellement aller sur le terrain compte tenu des contraintes financières et surtout le temps qui nous a manqué très souvent. Nous avons essayé pourtant de rencontrer la majorité dans des villes environnantes telles que Cotonou, Porto-Novo, Ouidah. Pour ce qui est de Parakou, nous avons joint le Secrétaire général de leur association qui nous a fourni le maximum d'informations par téléphone. Quant au Mono et le Couffo, nous n'avons pas trouvé au départ des personnes disposées à nous guider sur le terrain mais par la suite, nous avons été contacté par certaines personnes. La disponibilité et l'ouverture d'esprit des photographes ont été encourageantes.

Sur un autre plan, nous nous sommes intéressé aux musées et aux centres de recherche qui disposent également d'une collection photographique assez importante. Cette importance avait été déjà perçue par le W.A.M.P qui a publié en 2001 le "Répertoire des archives photographiques en Afrique de l'Ouest" suite à un projet dénommé Identification, Classification, Préservation et Interprétation des Collections Photographiques. Ce projet avait pour ambition de faire le point des institutions ayant dans leurs collections des photographies, notamment les musées. Mais malheureusement les attentes du W.A.M.P n'ont pas été comblées dans la mesure où à peine la moitié des institutions surtout identifiées au Bénin ont répondu favorablement à cet appel. Donc dans ce sillage, si aujourd'hui on peut se faire une quelconque idée des collections photographiques au niveau des institutions, il n'en est pas de même au niveau des personnes privées. L'expérience du W.A.M.P est cependant à achever pour qu'un suivi régulier soit effectif sur les collections institutionnelles qui sont aussi mal gérées.

Cette demande que nous formulons est à prendre en compte pendant qu'il est encore temps car les trafiquants d'objets d'art ne dorment pas et inventent chaque jour de nouvelles stratégies pour contourner les mesures de protection prises à leur encontre. Ils profitent de leur pouvoir financier pour embarquer les nôtres dans ce vil trafic. Selon les informations qu'on aurait reçues des photographes, ils connaissent tous les lieux de détention des anciennes photographies et peuvent opérer en toute tranquillité. Il importe alors de prendre des dispositions pratiques pour endiguer le mal.

4.1.3 Approfondissement, renforcement et élaboration d'un cadre légal et réglementaire protégeant les archives photographiques au Bénin

Les archives photographiques sont au même titre que les autres biens culturels indispensables pour la maîtrise de notre histoire et la reconnaissance de notre identité culturelle. Elles constituent la mémoire visuelle de notre patrimoine.

Le problème de la législation demeure une épine à laquelle il faut trouver des solutions adéquates. Cela nous paraît important du fait de la vision que nous projetons pour les archives photographiques.

4.1.3.1 Les raisons

Le trafic des biens culturels prend des proportions de plus en plus inquiétantes dans le monde entier. Malgré  les mesures hardies prises par l'UNESCO pour enrayer le mal, il est constaté par tous qu'il ne va que grandissant. Dans cette situation confuse où tout disparaît à une allure vertigineuse, les collections photographiques apparaissent aujourd'hui comme le nouvel `'or blanc'' qui a une forte emprise financière sur le marché de l'art. Ainsi les pays africains sont sillonnés par des occidentaux en "tourisme" disent-il, pour repérer les anciens photographes et échanger contre leurs fonds des billets de banque.

Au moins pour les biens culturels des musées ou qui ont une certaine valeur historique, des dispositions existent pour espérer appréhender le trafiquant qui s'expose à des sanctions pénales. Mais pour les collections photographiques, quelle loi ou texte juridique prévoit une sanction en cas de vol ?

Les photographes eux-mêmes ne mesurent pas l'importance que leur confère leur richesse et se laissent duper ou abandonnent leurs oeuvres dans un état de décrépitude avancé de telle sorte que d'ici dans un futur proche on ne puisse plus compter sur ces vieilles photographies qui sont pleines de sens.

Les exemples de la D.A.N et de la D.P.C auxquels nous avons fait allusion plus haut laissent à désirer et il nous paraît urgent qu'il faille légiférer dans le domaine des archives photographiques pour que les institutions en charge de la gestion de ce patrimoine puissent prendre leur responsabilité. La question que l'on doit se poser quelle que soit la position est de savoir si les problèmes que nous remarquons aujourd'hui au niveau des archives photographiques est une affaire de manque de moyens ou de fuite de responsabilité ?

Malgré le fait que nous nous sommes refusé d'étudier l'Avant - Projet de loi portant protection du patrimoine culturel et du patrimoine naturel à caractère culturel, nous avons de la peine à comprendre que les oeuvres d'art contemporaines doivent avoir fait cinquante ans (50 ans) avant d'être considérées comme des objets culturels. Dans cette logique, il va falloir attendre l'année 2010 pour qu'une photo prise en 1960 puisse être classée bien culturel. Alors que la même loi dit que tout objet ayant un intérêt du point de vue de l'histoire, de l'archéologie est déclaré bien culturel. Loin de mettre en cause cette initiative de loi louable, nous attirons l'attention des uns et des autres sur des dangers et des contradictions qui ne feront qu'empirer la situation après même son adoption.

Dans ce sens, nous proposons qu'à défaut d'élaborer un texte pour la protection des collections photographiques, il faudra revoir les lacunes de l'actuel avant-projet de loi et d'approfondir la partie concernant les archives photographiques. Dans le cas contraire, nous avons émis quelques pistes de réflexions qui pourront être exploitées pour élaborer un texte protégeant exclusivement les archives photographiques au Bénin.

4.1.3.2 Proposition d'un cadre réglementaire de protection des archives photographiques

A notre avis, le texte réglementaire protégeant les archives photographiques ne doit pas être différent des autres dispositions en vigueur dans notre pays, notamment la loi fondamentale qu'est la constitution du 11 décembre 1990.

Nous avons estimé qu'il faille partir de l'existant pour définir un canevas de la nouvelle réglementation. Dans ce sens nous reconnaissons l'effort fait par l'ordonnance N°35/PR/MENJS du 01er juin 1968 qui reste le seul texte en matière de protection des biens culturels et l'avant-projet de 2002 qui classe les archives photographiques parmi les biens culturels. De ce fait elles sont d'office protégées mais compte tenu de la convoitise qu'elles suscitent parmi tous les biens culturels, elles mériteraient un texte exclusif vu également les contradictions qu'on peut relever dans le texte qui pourra entrer en vigueur d'ici peu.

A cet effet, loin de faire une discrimination entre les biens culturels quant à leur intérêt et leur importance à tous égards, les archives photographiques constituent des biens qui sont beaucoup plus en proie à la destruction physique et au trafic. En dehors d'elles, tous les autres biens culturels se trouvant pour la plupart dans les musées, bénéficient d'une certaine attention qui les met à l'abri des dégâts.

Cette proposition d'élaboration de texte de protection du patrimoine graphique n'est pas différente des normes en vigueur. Par ailleurs, la loi N°91-006 du 25 février 1991 portant charte culturelle en République du Bénin en son article 12 stipule que : « L'Etat béninois élabore la protection des biens culturels dont la conservation présente un intérêt du point de vue de la préhistoire, de l'histoire, de l'anthropologie, de l'art contemporain, de la science de la technique et de l'architecture ». Les lois dans l'état actuel sont considérées comme des « fourre-tout » où on fait un amalgame entre les biens culturels. En somme, ce sont les musées et les documents écrits qui retiennent beaucoup plus les attentions.

Fort de ces raisons, nous proposons que la réglementation de protection des archives photographiques au Bénin par excellence, élément du patrimoine soit constituée de ces grands axes :

? le trafic illicite

? les mesures de conservation

? doter les institutions en charge du pouvoir d'action et de répression

? la question du droit d'auteur

? les conditions d'utilisation : recherches, reproduction

? les sanctions pénales lourdes en cas d'infraction

L'élaboration d'une loi prenant en compte tous ces aspects ne règle pas du coup tous les problèmes. Il faudra pouvoir les appliquer rigoureusement. Les questions des droits d'auteur et d'utilisation doivent être étudiées de façon à ce que dans l'avenir il y ait des réclamations de la part des ayant droit des photographes.

En tout état de cause, à défaut d'élaborer un texte, il va falloir que des mesures soient réellement prises pour décourager les mauvaises initiatives. Un nouveau texte peut mettre fin aux dérives.

L'inventaire achevé et le problème juridique réglé, il va falloir penser à des actions beaucoup plus concrètes qui tendent à mettre en valeur le patrimoine photographique à long terme. A cet effet, nous suggérons des activités conséquentes.

4.2 Suggestions pour une meilleure mise en valeur des archives photographiques au Bénin

Le but de ce travail de recherche n'est pas seulement de relever des insuffisances constatées sur le terrain et de critiquer les institutions et les hommes en charge d'une gestion mais tout travail scientifique a pour finalité de corriger des malaises et d'apporter des idées novatrices dans le domaine exploré. Dans le cas d'espèce, nous avons une latitude d'actions qui pourraient nous sauver des problèmes que nous rencontrons.

Trois actions pourront orienter notre démarche future.

4.2.1 Formation, éducation et sensibilisation

Au cours de nos enquêtes de terrain et de nos entretiens avec les acteurs de la photographie, ils nous ont exprimé des préoccupations qui constituent leur apport dans ce travail. Ils ont notamment souhaité des actions concrètes à leur endroit.

Ainsi, la plupart d'entre eux étant de personnes âgées et ayant pris leur retraite depuis quelques années, ils ont estimé qu'il serait intéressant que dans notre programme on puisse insérer le volet formation. Ce volet formation tiendra compte bien évidemment des technologies actuelles auxquelles les anciens n'ont pas été initiés. Nous devons également inclure la formation des jeunes qui sont des `'adeptes'' de la photo couleur. Seuls les anciens détiennent le secret du noir et blanc. Beaucoup de jeunes y vont pour éviter le chômage et gagner de l'argent. La formation est donc essentielle et c'est tout ce que les photographes attendent de notre travail.

La photographie constitue de nos jours un maillon indispensable dans l'éducation. Elle sert à illustrer les livres et à argumenter les écrits. Elle devrait donc prendre une part importante dans les programmes d'enseignement. Nous devons faire intéresser ce monde par l'intérêt et l'utilité des photographies. Cela permettrait à la jeune génération de prendre conscience dès la base de leur importance, ce qui contribue à une sensibilisation. Toute action de mise en valeur doit passer par la sensibilisation car on a beau former mais il faut une prise de conscience avérée. La disparition des oeuvres photographiques n'est pas uniquement l'action des trafiquants mais ils sont aidés par des personnes averties qui connaissent auparavant les lieux de détention de ces photographies. Les photographes sont eux-mêmes complices. Il faut donc que les uns et les autres soient informés sur l'importance des collections photographiques. Aussi ont-ils exprimé le voeu de voir l'institution ou la création de prix pour les photos anciennes afin d'amener leurs propriétaires à bien conserver les oeuvres.

De même, nous souhaiterions que les responsables de la gestion de ces photographies soient formés. Cela est dû au fait qu'aucun module de formation n'existe pour l'initiation aux techniques de conservation des photographies. A l'Ecole Nationale d'Administration et de Magistrature où sont formés les archivistes et documentalistes, ceux-ci ne reçoivent que 40 heures de cours pendant leur formation de trois ans. Ceci paraît insuffisant à nos yeux pour gérer un centre de photographies.

L'Ecole du patrimoine Africain qui a pour vocation la formation des conservateurs dispensent des modules de cours sana insérer des horaires pour la conservation des photographies.

Il se pose donc un problème de formation auquel nous devons aussi faire face au niveau des gestionnaires. Néanmoins certains s'efforcent d'avoir un certain bagage pour être utile sur le terrain.

4.2.2 Expositions publiques

La finalité de la réflexion qui nous a conduit au choix de ce thème de recherche est de constituer un fonds photographique qui reflète le visage des temps passés par l'image. Mais toute conservation n'est profitable que si elle est ouverte au public.

Pour cela, nous avons sur la base des suggestions des uns et des autres, proposé l'organisation des expositions temporaires. Elles constituent l'une des formes de diffusion de l'information de la chaîne documentaire. Avant toute exposition, il y a des préalables que nous devons prendre en compte notamment, les trois opérations de la chaîne documentaire que sont la collecte, le traitement et la diffusion.

? La collecte

Pour une unité documentaire ou une opération quelconque comme l'exposition, la collecte est l'action de réunir un certain nombre de documents, de faits, d'objets... selon des critères prédéfinis, en vue d'aboutir à un échantillonnage ou une collection représentative.

Une collecte menée avec rigueur, efficacité, méthode assure la cohérence par rapport au projet scientifique et culturel. C'est pourquoi avant de déclencher le processus de la collecte, il faut créer virtuellement la collection et se fixer des objectifs à atteindre à la constitution de la collecte.

Ici dans le cadre de l'exposition que nous envisageons, la collecte ne peut englober que les photographies d'évènements majeurs, en somme des photographies expressives. Cette collecte se fera au niveau des photographes qui sont les dépositaires des oeuvres que nous recherchons. Elle doit s'appesantir sur les faits locaux.

? Le traitement

Le traitement des photographies est bien différent de celui des documents écrits. Les collections photographiques ne sont exploitables que si elles sont documentées.

Les photographies devront d'abord subir le traitement matériel et après le traitement intellectuel à savoir le catalogage et la codification. La codification tiendra compte des sujets abordés par la photographie, l'année, l'auteur. Le cadre général de traitement des photographies est en annexes.

? La diffusion

L'information n'a de valeur que dans le partage. Ainsi, il ne suffit pas de faire une bonne moisson d'objets, d'organiser la collection dans une bonne série et la conserver dans un lieu attrayant. Il faut pouvoir la mettre à la disposition du public. C'est donc pour ce faire que nous avons suggéré l'exposition qui est beaucoup plus ouverte au public. Elle doit avoir un caractère attrayant, sensationnel et répondre aux attentes des visiteurs. Des normes sont également requises dans l'organisation des expositions, normes qui seront prises en compte.

Par ailleurs pour favoriser les échanges entre les différents corps dans la gestion du patrimoine photographique, nous avons pensé à la création de réseaux ou d'associations.

4.2.3 Création de réseaux de professionnels et d'associations

L'une des suggestions que nous faisons à l'issue de ce travail est aussi la création de réseaux de professionnels et d'associations pour suivre et faire suivre les idées qui pourront germer de ce travail.

De ce fait, nous avons pensé à la création d'un réseau de professionnels des archives. En effet, notre objectif est de fédérer ces professionnels notamment ceux qui ont à charge la conservation des archives photographiques. Cette idée a été déjà soulevée lors du séminaire international organisé par le W.A.M.P du 25 au 27 janvier 1999 à Saint Louis au Sénégal sur le thème : "La préservation et la promotion des archives photographiques en Afrique de l'Ouest". A cet effet, les participants ont accepté unanimement de mettre sur pied le réseau de photos-archivistes de l'Afrique de l'Ouest. Mme Vicky James du Nigeria a été élue coordonnatrice du réseau et Mme Colette GOUNOU est la représentante du Bénin. Selon les informations que nous a fournies le Professeur Alexis ADANDE, ancien Directeur Exécutif du W.A.M.P, ce réseau ne fonctionnerait pas correctement comme il l'aurait voulu pour des problèmes divers.

Une expérience à l'échelle nationale nous parait beaucoup plus raisonnable et plus réalisable.

Egalement nous pensons à la mise sur pied d'une association des photographes pour servir de tremplin où ils pourront discuter de leurs problèmes et recevoir des informations complémentaires sur la conservation de leurs oeuvres. Il se fait qu'au niveau des photographes il existe déjà une regroupement professionnel dénommé Groupement des Professionnels d'Images du Bénin (G.P.I.B). Ce regroupement tant bien que mal fonctionne mais sur des bases qu'ils se sont définis. Il serait bon que cette association puisse continuer son travail mais sur de nouvelles bases qui prennent en compte les actuelles orientations. Elle servira de relais au niveau des photographes pour les informations qui les concernent.

4.3 La gestion des archives photographiques proprement dite

Le but de ce travail est de déboucher sur la création d'une structure de gestion des archives photographiques au Bénin. Alors la question de la gestion durable doit être étudiée de façon délicate pour ne pas tomber dans des erreurs du passé. L'inventaire terminé, le problème juridique résolu et les fonds collectés pour des expositions thématiques, il faudra quand même que les photographies soient gardées dans un lieu pour qu'elles définitivement bien conservées. De ce fait, nous devons analyser le problème du statut de l'institution qui aura cette charge, comment organiser la conservation et bien sûr l'ouverture du fonds au public.

4.3.1 La structure de conservation

L'Etat a la responsabilité morale de conserver l'héritage artistique, intellectuel, historique et culturel de la Nation. Cet héritage constitué génération après génération est riche d'une mémoire d'oeuvre qu'il faut garder et transmettre à la postérité.

La Constitution du 11 décembre 1990 en son article 10 stipule que : « Toute personne a droit à la culture. L'Etat a le devoir de sauvegarder et de promouvoir les valeurs nationales de civilisations tant matérielles que sprituelles ainsi que les traditions culturelles ». A cela s'ajoutent également les dispositions contenues dans la loi N°91-006 du 25 février 1991 portant charte culturelle en République du Bénin qui font de l'Etat dépositaire de l'identité culturelle dont les archives photographiques.

Nonobstant ces dispositions, rien ne pointe pour la sauvegarde des archives photographiques. Les institutions publiques en charge dans le point que nous avons sur elles n'accordent aucune importance aux archives photographiques. A part la D.A.N qui fait un effort, la D.P.C quant à elle est préoccupée par les musées, encore qu'à ce niveau le travail n'est pas totalement parfait. Ainsi ne serait-il pas bon de susciter et de soutenir des initiatives privées du fait de l'importance de la question de la conservation des photos.

Des institutions ont déjà fait leurs preuves sur d'autres terrains et leur confier cette expérience ne ferait que le bonheur de tous. Dans ce sens, nous pensons à l'Ecole du Patrimoine Africain qui a une expérience dans le passé. Elle pourra servir alors de tutelle pour la mise en place de l'institution.

L'institution créée, il faut passer à l'étape de conservation des photos qui doit la phase la plus déterminante et la plus délicate car de la réussite de la conservation dépendra le succès de l'institution.

4.3.2 La conservation des photographies

Les photographies sont des documents très fragiles qui demandent qu'on y accorde beaucoup d'attention et de soins. Ainsi, pour mieux conserver la collection des photographies, nous avons jugé bon de décrire les normes selon lesquelles le local les abritant doit être construit.

Le site retenu pour la construction, le local devra être sous forme carrée pour permettre de disposer de plus d'espace. Si la lumière naturelle est indispensable, la lumière solaire directe sur les documents doit être par contre évitée. Aussi, une orientation du local au nord dans l'hémisphère Nord et au sud dans l'hémisphère Sud sont les solutions idéales.

Un accent particulier doit être mis sur l'équipement de centre surtout en ce qui concerne le matériel de développement en noir et blanc, le matériel de restauration. Le mobilier destiné aux usagers sera composé de tables et chaises. Le mobilier du personnel sera constitué de tables et des chaises tournantes qui sont beaucoup plus confortables. Le mobilier destiné au classement et à l'exposition des photographies sera composé de rayonnages et d'armoires vitrées, ainsi que de tableaux ou de panneaux d'affichage mobiles. Tout le mobilier doit répondre à un certain nombre de critères essentiels : être fonctionnel et confortable, pouvoir durer, avoir un aspect esthétique. De plus, le mobilier doit être en matériaux non combustibles avec finition anticorrosion, non toxique et non acide. Il doit permettre une libre circulation de l'air. Il faut aussi prévoir des appareils photographiques. Le magasin de stockage, l'atelier de restauration, l'atelier de reprographie et la salle de consultation doivent être chacun équipé d'un extincteur. Le matériel informatique ne doit pas être écartée. Son acquisition doit se faire en prévision du travail que doit accomplir le centre.

4.3.3 La diffusion

Avant de passer à l'étape de diffusion qui constitue l'activité fondamentale de valorisation des archives photographiques, il faut d'abord pouvoir collecter les potos et les traiter.

Nous avion montré à travers l'analyse de nos questionnaires que les photographes se disent prêts à céder leurs fonds sans aucune condition. Mais il faudra régler auparavant les problèmes juridiques liés à leur succession et aux droits d'auteurs. A ce niveau de collecte donc il n'existe pas de crainte majeure.

Quant au traitement des photographies, nous n'aurons rien à inventer car il existe une norme internationale dans leur traitement. Il suffira donc de suivre cette norme pour fournir une bonne documentation aux photographies.

La diffusion proprement dite doit être basée sur une politique d'ouverture au public. Pour ce faire, nous devons trouver des activités qui puissent amener le plus grand nombre de visiteurs et avoir surtout à l'idée la valorisation des archives photographiques dans notre pays.

Nous avions auparavant donné comme action urgente à mener des expositions temporaires. Cela a pour avantage de faire découvrir l'unité documentaire au public. Nous devons faire de l'institution un centre de recherches où doivent se côtoyer les chercheurs de tous ordres. Il doit être de recherche par excellence et pouvoir répondre aux attentes des usagers.

Pendant nos recherches bibliographiques, nous avons été sidéré par la beauté d'un document qui retrace la vie de toute une ville depuis la nuit des temps. Il s'agissait du document "Ballade dans Saint-Louis du Sénégal autrefois"33(*), document illustratif essentiellement réalisé à partir du fonds photographiques du Musée du Centre de recherches et de Documentation du Sénégal (C.R.D.S). Nous avons donc pensé compte tenu de la richesse du fonds photographique disponible initier un projet du genre toujours pour valoriser les photographies du Bénin. De même beaucoup d'autres projets peuvent être initiés. Dans ce sens l'édition de cartes postales à partir de ces anciennes collections, la publication de monographie ou de brochures sur les photographes sont autant d'activités novatrices.

A l'heure de technologies de la communication, il serait important de passer par ce canal pour faire découvrir au monde entier par la création d'un site internet pour présenter la collection photographique. Cette expérience a été faite par d'autres institutions du genre comme la Maison Européenne de la Photographie.

Pour mettre en application toute cette panoplie d'activités, il faudra trouver les moyens nécessaires. Mais l'intérêt que suscite la question de conservation des archives photographiques au Bénin est si préoccupante que nous ne doutons pas un seul instant de la manifestation positive des "bailleurs de fonds " pour financer ce projet. Donc la recherche des ressources financières ne fera pas notre préoccupation dans le cadre de ce travail.

conclusion

La réflexion sur un thème comme celui-ci ne saurait être ni complète, ni définitive d'autant plus qu'elle l'oeuvre d'un profane qui fait ses premiers pas dans un domaine de la recherche aussi complexe que celui de la conservation et de la valorisation du patrimoine photographique.

L'invention de la photographie remonte en 1826 en Europe avec Niepce et Daguerre. Elle fit son apparition en Afrique de l'Ouest dès le début du 19ème siècle. Au départ ce furent les missionnaires européens qui durant leur séjour faisaient des prises de vue qu'ils laissèrent dans les différents démembrements de l'IFAN pendant la période coloniale. Après leur départ avec les indépendances, des photographes africains seront engagés pour perpétuer l'oeuvre entamée par l'administration coloniale. Par ce processus de nombreux africains dont des béninois étaient initiés au septième art qu'est la photographie.

Ainsi le Dahomey actuel Bénin était l'un des pôles de développement de la photographie. Plus d'un siècle de pratique photographique, la masse produite est énorme. Des noms sont passés à la postérité. Le trafic des biens culturels, la dégradation due à la mauvaise conservation sont les maux qui réduisent la richesse culturelle que représentent les archives photographiques. Face à cette situation, aucun effort remarquable n'est fait pour restaurer aux photographies leur image de marque. Les dispositions réglementaires et légales au niveau national ne font pas de la protection des archives photographiques une priorité, malgré leur reconnaissance par l'UNESCO comme bien culturel à protéger depuis 1970. Cet état de chose laisse libre court aux trafiquants qui opèrent en toute tranquillité, cela a provoqué une énorme hémorragie culturelle comme le dit le Professeur Joseph ADANDE et classe le Bénin parmi les plus grands pays qui alimentent le commerce international de l'art.

Ces collections photographiques riches pour la recherche se retrouvent pour la plus grande part au niveau des photographes privés ayant travaillé à leur propre compte ou pour l'Etat. Grâce à eux nous pouvons tenter une reconstitution de l'histoire à travers les images, seulement si des actions concrètes sont menées au plus vite pour sauver le reste du patrimoine en proie au trafic illicite et à la dégradation. De même, au niveau des institutions publiques il y a une masse importante de photographies qui tant bien que mal sont conservées.

Par ailleurs la politique culturelle, bien qu'elle existe doit être repensée, réorientée pour redonner au Bénin tout ce qui lui appartient naturellement d'authentique et d'original en matière de création et d'invention de l'art. Il est du devoir de tous alors de légitimer l'histoire de l'art béninois à travers l'édification d'infrastructures ou la mise de politique de revalorisation du patrimoine culturel en général et photographique en particulier comme nous l'avions souligné tout au long de notre développement. Dans ce sens le cri d'alarme de Joseph KI ZERBO nous paraît élogieux et édifiant : « chaque jour qui passe voit disparaître les témoins précieux .... Des musées doivent se constituer pour ramasser le maximum de vestiges de ce passé avant qu'il ne soit trop tard. Des musées doivent s'élever, des législations doivent être dictées dans tous les pays. »34(*)

En effet, « les archives à toutes les époques, sont un enjeu de pouvoir : pouvoir administratif, pouvoir intellectuel, pouvoir culturel, pouvoir politique »35(*) et c'est pour aider à mettre en valeur ces sources riches de l'histoire que nous avons suggéré leur mise en valeur à travers le thème : Archives photographiques au Bénin : Problématique de la gestion d'un patrimoine documentaire menacé.

Loin de verser dans une rhétorique, nous avons essayé tout au long du travail d'évaluer les ressources existantes qui justifient le bien fondé de la mise en place d'un plan urgent de sauvetage et de sauvegarde des archives photographiques au Bénin, faire des propositions par rapport aux activités à mener à court terme et montrer les goulots d'étranglement qui s'opposent au développement culturel dans notre pays.

D'ores et déjà nous osons croire que ce travail qui était un rêve puisse être transformé en réalité pour qu'enfin le Bénin confirme sa place de pays plaque tournante de la culture.

* 1 Il a été cité par Gaston AGBOTON in Culture des peuples. Paris, Présence Africaine, 1997, p.11.

* 2 Marcello RICOVERI, in déclaration à l'EPA le jeudi 23 septembre 2004.

* 3 Anthologie de la photographie africaine et de l'Océan indien. Paris, Revue Noire, 1998.

* 4 Ville de l'Ile de Maurice, place de l'immigration

* 5 pays imaginaire où on a fait tout en abondance.

* 6 Idem p.8

* 7 idem p.8

* 8 NIMIS, Erika. Etre photographe en Afrique de l'Ouest : Les Yoruba du Nigeria et la diffusion de la photographie au XXè siècle. Thèse de Doctorat Histoire. Université Paris I Panthéon-Sorbonne.

* 9 D'après une liste établie à la suite d'un décès d'un des leurs.

* 10 Benoît ADJOVI, secrétaire de l'association des photographes du Bénin et ancien apprenti de Justin TOMETY

* 11 VIELLE, Alicia. Les conventions UNESCO et UNIDROIT comme moyens de lutte contre les trafics illicites de biens culturels. Paris, 1997.

* 12 Article 1er de la Convention

* 13 Amendement de la Roumanie dans la Convention

* 14 Elle regroupe quinze pays.

* 15 De l'entretien que nous avons eu avec M. Alexis ADANDE, Professeur d'Archéologie à l'Université d'Abomey-Calavi, le samedi 02 octobre 2004 à Porto-Novo.

* 16 ICOM. Le trafic illicite des biens culturels en Afrique, Paris, 1995

* 17 Propos de Sébastien Méhinto, photographe lors de notre entretien le lundi 04 octobre 2004 à Ouidah.

* 18 La lutte contre la trafic illicite des biens culturels : Guide pour la mise en oeuvre de la Convention de l'UNESCO de 1970.

* 19 Les informations ont été fournies par Ida MEHOMEY, fille de Edouard MEHOMEY.

* 20 Les informations ont été fournies par l'intéressé lui-même

* 21 Les informations ont été fournies par l'intéressé lui-même

* 22 Les informations ont été fournies par l'intéressé lui-même

* 23 Les informations ont été fournies par l'intéressé lui-même

* 24 Les informations ont été fournies par l'intéressé lui-même

* 25 Paul, Robert. Le petit Robert : Dictionnaire de la langue française. Paris : 2001

* 26 Encyclopédie Bordas. Vol Hafid L-S

* 27 Association des historiens africains. Africa Zamani : Yaoundé, 1993. P.160

* 28 Paul, Robert. Le petit Robert : dictionnaire de la langue française. Paris, 2001

* 29 Jacob, François. La logique du vivant. Gallimard, 1970

* 30 KECSKEMETTI , karoly ; cité par Désiré AÏHONNOU dans Manuel de procédure des Archives Nationales à l'usage des administrations. P7

* 31 Association des archivistes français. Les archives : c'est simple. Paris, 1999. P.6

* 32 BORGIA, Gnamy, R.,S. Organisation et réglementation des archives au Bénin. Abomey-Calavi : ENA. P.44

* 33 C.D.R.S. Ballade dans Saint-Louis du Sénégal autrefois. 1999

* 34 Cours Marketing dans les Industries Culturelles 2ème année STID.

* 35 DELSALLE, Paul. Une histoire de l'archivistique. Québec, 2000. P.216.






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