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La pluralité comme condition de l'action et du pouvoir politique chez Hannah Arendt

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par André-Joël MAKWA
Université Pontificale Grégirienne/ Faculté de Philosophie Saint Pierre Canisius-Kinshasa - Graduat en Philosophie 2006
  

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CHAPITRE DEUXIEME : LA PLURALITE COMME CONDITION

DE L'ACTION ET DU POUVOIR POLITIQUE

Il s'agit ici de réfléchir sur la pluralité, qui apparaît comme un élément clé dans la pensée politique de Hannah Arendt. Dans ce but, nous focaliserons notre attention essentiellement sur cette notion de pluralité et sur la conception arendtienne du pouvoir qui y est contenu.

II. 1. LA PLURALITE

Dans le travail, l'homme reste soumis à la nécessité, il vit en solitaire et doit peiner avec son corps pour avoir des produits de courte durée servant à la consommation. Le travail, corrélatif du cycle biologique de la vie, reste du domaine du privé. Dans l'oeuvre, l'homo faber apparaît comme un fabricant solitaire mais qui, par l'intermédiaire de ses outils et de ses produits, peut entrer en contact avec les autres, à l'agora. Mais son domaine public n'est pas encore politique. D'ailleurs, l'homo faber, à l'agora, vient soit pour étaler ses produits, soit pour voir des produits étalés, et non des hommes.

Seule dans l'action et dans la parole, l'homme agit pleinement dans la sphère publique politique où il est en contact avec les autres sans intermédiaire. L'action et la parole sont les lieux de la révélation de l'agent. Mais quelle est la condition de l'action ? Cette question nous amène à aborder la problématique de la pluralité mais aussi de l'égalité, qui sont à notre avis les conditions nécessaires du déploiement de l'homme dans la sphère de l'agir politique.

II. 1. 1. La pluralité et l'égalité

La pluralité est la condition de l'action : « l'action, la seule activité qui met directement en rapport les hommes, sans intermédiaire des objets ni de la matière, correspond à la condition humaine de la pluralité »58(*). C'est que l'homme ne vit pas seul sur la surface de la terre; il vit avec autres, il est un être-avec. Ce sont des hommes qui habitent le monde. L'homme qui agit, est celui qui s'engage dans la vie de la cité. Il est donc en rapport avec le monde des hommes; mieux, il entre en relation avec les autres dans le domaine de l'égalité et de la distinction. C'est le domaine public que l'égalité et la distinction sont reconnues. Nous y reviendrons. La pluralité, au dire de Hannah Arendt, est spécifiquement non seulement la condition sine qua non, mais encore la condition per quam de toute vie politique. L'on ne peut parler de la politique sans faire allusion à cette notion de pluralité, de peur de tomber dans une tyrannie où le tyran pense que lui seul est capable de tout faire sans l'apport des autres.

Déjà dans le récit de la création humaine, la pluralité existe de façon implicite : Il (Dieu) les créa homme et femme. Et dans les langues romaines, il y a synonymie entre vivre et inter homines esse (ou être parmi les hommes) et entre mourir et inter homines esse desinere qui veut dire cesser d'être parmi les hommes. Ce qui revient à dire que pour Hannah Arendt, il s'avère impossible de concevoir une action solitaire, car l'agir solitaire renvoie au tyran « qui, précisément, n'agit pas puisqu'il use d'instruments de violence et traite la matière humaine en matière d'oeuvre. »59(*)

Bien plus, la pluralité nous permet de nous saisir tous comme des « humains » mais aussi comme différents les uns des autres. En d'autres termes, tout en sachant que nous sommes tous pareils  c'est-à-dire des humains, il faut se garder de toute massification des humains, car la tentation guette toujours l'esprit humain, de vouloir chosifier les hommes. Chacun de nous est unique au monde, mais partage toujours le monde avec les autres. Et « la pluralité humaine, condition fondamentale de l'action et de la parole, a le double caractère de l'égalité et de la distinction. »60(*)

La pluralité signifie donc égalité et distinction. Mais pourquoi Hannah Arendt affirme-t-elle ce principe dans la pluralité et que veut-elle dire exactement ? Ce principe, mieux ce tandem égalité-distinction trouve son sens dans cette assertion : « si les hommes n'étaient pas égaux, ils ne pourraient se comprendre les uns les autres, ni comprendre ceux qui les ont précédés, ni préparer l'avenir et prévoir les besoins de ceux qui viendront après eux. »61(*)

Cependant, ajoute-t-elle, « si les hommes n'étaient pas distincts, chaque être humain se distinguant de tout être présent, passé ou futur, ils n'auraient besoin ni de la parole ni de l'action pour se faire comprendre. »62(*) C'est parce que nous sommes distincts que nous avons besoin de la parole et de l'action pour marquer notre insertion dans le monde, mais surtout pour entrer en inter-action  avec "l'autre" qui est distinct de nous. La non prise en compte de cet aspect risque de conduire à la négation de notre propre humanité et à une certaine massification des hommes à l'intérieur de laquelle chacun vit dans un anonymat total.

L'égalité dont parle Hannah Arendt   relève donc du politique. Et dans l'espace public, tous les citoyens sont égaux. D'après André Enégren, l'égalité va ensemble avec la distinction : « Que cette égalité aille de pair avec la "distinction" signifie qu'elle ne doit pas être réduction à l'identité et à l'invariable, mais parité fondamentale autorisant la possibilité d'action et de parole "révélantes" qui nous distinguent d'autrui en manifestant notre identité la plus propre. »63(*) Cette égalité, loin d'être une uniformisation, laisse la possibilité d'une reconnaissance des différences.

Par ailleurs, il faut distinguer l'individualité humaine de l'altérité. « L'altérité, dit Hannah Arendt, est un aspect important de la pluralité, c'est à cause d'elle que nous sommes incapables de dire ce qu'est une chose sans la distinguer d'autre chose. »64(*) L'altérité et l'individualité, que l'homme partage respectivement avec tout ce qui existe et avec tout ce qui vit, deviennent unicité; dans ce cas, la pluralité humaine est la paradoxale pluralité d'êtres uniques65(*). L'individualité est révélée par la parole et l'action devant et avec les autres.

* 58 Hannah Arendt, Condition de l'homme moderne, p. 15.

* 59André Enégren, Enégren, La pensée politique de Hannah Arendt, p. 45.

* 60Hannah Arendt, op. cit., p. 197.

* 61 Ibidem.

* 62 Ibidem.

* 63 André Enégren, op.cit, p.47

* 64 Hannah Arendt, op. cit., p. 198.

* 65 Ibidem.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard