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La pluralité comme condition de l'action et du pouvoir politique chez Hannah Arendt

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par André-Joël MAKWA
Université Pontificale Grégirienne/ Faculté de Philosophie Saint Pierre Canisius-Kinshasa - Graduat en Philosophie 2006
  

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I. 1. 3. L'espace privé

Le public est pensé en rapport avec le privé. En d'autres termes, le domaine privé prend son sens à partir de la double signification du concept "public". La vie privée, d'après Hannah Arendt, est celle qui est privée des données essentielles à une vie véritablement humaine. Le privé renvoie à la privation qui « tient à l'absence des autres ; en ce qui les concerne, l'homme privé n'apparaît point, c'est donc comme s'il n'existait pas. »11(*) Ainsi, toutes les réalisations de l'homme privé restent dans le monde privé, c'est-à-dire n'ont pas d'importance sur les autres. « Le privé est privation quand il devient le seul espace d'un individu ou d'un groupe. »12(*)

Bien plus, ajoute Hannah Arendt, « Dans les circonstances modernes, cette privation de relations "objectives" avec autrui [...] est devenue le phénomène de masse de la solitude qui lui donne sa forme la plus extrême et la plus antihumaine. »13(*) L'extrémité, renchérit-elle, provient du fait que la société de masse anéantit aussi bien le domaine privé que le domaine public, à tel point qu' « elle prive les hommes non seulement de leur place dans le monde mais encore de leur foyer où ils se sentaient jadis protégés du monde, et où, du moins, même les exclus du monde pouvaient se consoler dans la chaleur du foyer et la réalité restreinte de la vie familiale. »14(*)

Le domaine privé apparaît comme celui de la privation, c'est-à-dire comme l'impossibilité d'être vu et entendu par autrui, une privation qui empêche la réalisation de toute chose. C'est le domaine du foyer, le domaine touchant à la production et à la reproduction. C'est donc un domaine de la nécessité et de la domination tandis que le domaine public est celui de la parole et de la liberté. L'individu privé restant proche de l'animal, est soumis à la nécessité de la vie familiale et économique. C'est dans le privé que se trouvent le travail, la femme et l'esclave, dans l'antiquité grecque.

Le mot privé recèle aussi un autre sens. Lorsqu'il s'agit de « propriété privée », le mot privé perd son caractère privatif et l'opposition au domaine public est moins significative. Car « la propriété possède apparemment certaines qualifications qui, tout en appartenant au domaine privé, ont toujours passé pour extrêmement importantes pour la cité politique. »15(*) Toutefois, en raison de l'équation moderne - propriété et richesse d'une part, manque de propriété et pauvreté d'autre part - le lien qui existe entre le public et le privé court le risque d'être mal compris. Cela, du fait que la propriété et la richesse ont, de par leur histoire, plus d'importance que tout autre affaire privée pour le domaine public. Elles ont pratiquement joué « le même rôle de principale condition d'admission au domaine public et au droit de la cité. »16(*)

Selon Hannah Arendt, toutes les civilisations tenaient la propriété privée pour sacrée. Mais avec l'avènement des temps modernes, un changement s'est opéré, il y a eu expropriation des pauvres et émancipation de nouvelles classes sans propriété. La richesse d'un individu ou du public n'avait aucun caractère sacré. Et « être propriétaire signifiait [...] avoir sa place en un certain lieu du monde et donc appartenir à la cité politique, c'est-à-dire être le chef d'une des familles qui, ensemble, constituaient le domaine public. »17(*) La propriété dans ce cas est symbole de responsabilité.

Le privé était aussi compris comme l'autre face du public. Disposant de son privé, l'homme libre, tout en n'étant pas esclave, pouvait être soumis aux contraintes de la pauvreté. Car la pauvreté, dit notre philosophe, contraint l'homme libre à agir comme un esclave. De ce fait, la richesse privée devenait la condition indispensable pour intégrer le domaine public. C'est le cas des pays pauvres qui restent sous la domination de grandes puissances économiques qui s'ingèrent dans leurs affaires internes. Il sera difficile pour eux de garder la tête haute, d'être souverains tant qu'ils dépendront totalement d'autres Etats développés.

« Etre propriétaire signifiait que l'on dominait les nécessités de son existence, et qu'en conséquence on était virtuellement une personne libre, libre de transcender sa vie individuelle et d'entrer dans le monde que tous ont en commun. »18(*) La propriété privée offre au citoyen le lieu et l'indépendance pour pouvoir intervenir dans le domaine public.

* 11 Idem., p. 70.

* 12 François Collin, « Du privé et du public » in Les Cahiers du Grif, Hannah Arendt, Editions Tierce, Paris printemps 1986, p. 50.

* 13 Hannah Arendt, op. cit., p. 70.

* 14 Idem., p. 70.

* 15 Idem., p. 70.

* 16 Idem., p. 73.

* 17 Idem., p. 73.

* 18 Idem., p. 76.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore