II.2) Le principe des incitations
Pour certains, le système éducatif a besoin de
plus d'argent. D'autre rétorquent que les moyens financiers actuels sont
suffisants mais mal gérés, mal alloués, il faudrait
plutôt des réformes de fond. Le système des
incitations est une autre façon d'agir sur la qualité de
l'enseignement (incitations auprès des maîtres) et la
participation et la demande d'éducation (auprès des
élèves et leurs familles).
II.2.1) Incitations auprès des maîtres
Au Burkina Faso, les enseignants sont souvent responsables de
la faible qualité de l'enseignement. Outre le fait qu'ils sont peu
formés, de nombreux d'entre eux sont souvent absents - dans 19% des
visites surprises, l'enseignant n'enseignait pas - ou se contentent de recopier
les pages d'un manuel sur le tableau. On cherche donc un moyen d'inciter les
enseignants à donner des cours de meilleure qualité.
De nombreux chercheurs considèrent qu'augmenter les
salaires des maitres peut améliorer la qualité de l'enseignement,
par un système d'incitation et de valorisation. Cependant, au Burkina
Faso, un enseignant est, de loin, mieux payé que le salaire moyen (8,4
fois le PIB par tête) et c'est la composante majeure des dépenses
nationales en matière d'éducation, comme nous l'avons vu.
Ainsi, en Afrique et au Burkina Faso notamment, il faut
trouver d'autres incitations pour les enseignants que l'augmentation des
salaires. Il se trouve que le salaire est basé sur le niveau
d'étude et l'expérience, et non sur les performances. Certains
pensent que les enseignants fourniraient plus d'efforts s'ils étaient
payés selon les performances de leurs élèves (P Glewwe -
2006 et Hanushek - 2005). Les écoles pourraient aussi recevoir des
primes sur les mêmes critères. Ceux qui prônent
l'augmentation de salaire pensent que le salaire en fonction des performances
pousserait les maîtres à enseigner dans l'optique des examens
seulement, qu'ils ne feraient pas preuve de pédagogie et qu'ils feraient
apprendre par coeur les leçons aux élèves. D'autre part,
il y aurait une sélection à l'entrée des écoles sur
le niveau préalable des élèves de sorte à inscrire
les meilleurs.
Une autre solution est d'augmenter les contrôles et de
sanctionner l'absentéisme des professeurs. Cela implique le recrutement
d'inspecteurs qui sont actuellement très peu nombreux au Burkina Faso
(un pour 150 enseignants).
II.2.2) Incitations auprès des
élèves et de leurs familles
La situation de l'éducation au Burkina Faso est comme
nous l'avons vu, caractérisée par une faible scolarisation et une
sous-représentation des filles. Parmi les enfants scolarisés, de
nombreux sont souvent absents, et le taux de participation (temps passé
à l'école, par rapport au nombre de jours que l'école est
ouverte) est très bas. La sous-scolarisation s'explique en grande partie
par les barrières financières (niveau de revenu des familles,
coût direct et indirect de l'enseignement). Outre les bourses
d'études ou prêts (dont nous avons discuté
précédemment), les coûts de l'éducation peuvent
être réduits grâce à des incitations.
La question de la suppression des frais d'inscription a
été largement débattue et oppose deux camps : les
premiers pensent qu'ils sont indispensables pour la gestion des
établissements et qu'ils ne représentent pas une importante
barrière financière pour les familles et les autres
considèrent, au contraire qu'ils sont responsables de la
non-scolarisation de nombreux enfants. Le programme PROGRESA mené au
Mexico en 1998 visant à augmenter la scolarisation et les performances
des élèves en payant les mères si leurs enfants
fréquentaient l'école, s'est traduit par une augmentation de 3,4%
de scolarisation (Schultz - 2004). Selon la loi d'orientation de 2007,
l'enseignement de base public est gratuit, mais le texte reconnaît aussi
l'existence des cotisations des parents d'élèves, pour faire face
à « certaines dépenses de l'école ».
Or, avec le désengagement récent de l'état, les
écoles ont dû faire face à des problèmes de budget
et les moins scrupuleuses imposent des cotisations de montant parfois
équivalent aux droits de scolarité.
La fourniture de matériels ou de services gratuits
(manuels, uniformes, cantines, campagne de santé, transports) peut aussi
inciter les familles à inscrire leurs enfants et augmenter la
participation. Mais les analyses empiriques ne permettent pas de tirer de
conclusions sur quel variable scolaire agit le plus positivement sur la
quantité et la qualité de l'éducation, ni quel niveau
minimum il faut pour inciter le plus de familles à scolariser leurs
enfants. Il semblerait qu'au Burkina Faso, les cantines scolaires aient un
double impact positif sur la quantité et la qualité de
l'éducation (surtout pour les filles). En effet, i) elle augmente la
scolarisation des enfants, et leur participation et ii) améliore les
résultats scolaires car les enfants reçoivent une alimentation
saine et sont moins fatigués (car font le trajet entre le domicile et
l'école une fois par jour seulement), ils sont donc plus performants et
concentrés à l'école. Les campagnes de santé ont
aussi des impacts intéressants : une étude menée au
Kenya par Miguel et Kremer (2004) a montré qu'une campagne de traitement
de vers intestinaux bénéficiait aux enfants traités et aux
enfants non traités des mêmes écoles, notamment grâce
à une réduction de la transmission. Ces programmes de
santé à l'école sont d'une part très efficaces pour
la participation et les performances des élèves ; mais ils
sont, de plus, très rentables financièrement (P. Glewwe -
2006).
D'après les analyses empiriques, les incitations
auprès des élèves fonctionnent particulièrement
bien auprès des filles car leur demande est plus élastique. Le
recrutement de personnel enseignant féminin, l'attribution de bourses,
les cantines scolaires, les programmes de santé, etc. ont un impact
significatif autant sur les taux de scolarisation des filles (quantité)
que sur leur participation et leurs résultats (qualité).
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