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Analyse comparée des stratégies de désendettement public pour la Zone UEMOA

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par Drissa SANGARE
Université Jean Moulin Lyon 3 - Master 2 Recherche Finances Publiques et Fiscalité 2007
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE JEAN MOULIN LYON 3

FACULTE DE DROIT

Analyse comparée des stratégies de désendettement public

Présenté par :

SANGARE Drissa

Dirigé par :

Mr. Jacques BICHOT, Professeur d'Université à Lyon 3

Mémoire présenté et soutenu en vue de l'obtention du

Master 2 DROIT PUBLIC RECHERCHE

Mention

FINANCES PUBLIQUES ET SOCIALES ET FISCALITE

Année universitaire 2006/2007

SOMMAIRE

Introduction générale...............................................................1

Partie I 

Délimitation et Mesure de la Dette publique

Chapitre I : Concept de la dette publique........................................5

Chapitre II : Structure et spécificités de la dette publique des pays en développement.....................................................................18

Chapitre III : Origines et Crises de l'endettement.............................35

Chapitre IV : Problèmes de la dette publique..................................53

Partie II

Les politiques de désendettement

Chapitre V : Le remboursement par anticipation..............................67

Chapitre VI : La doctrine de la dette odieuse et répudiation.................74

Chapitre VII : La politique d'austérité budgétaire comme instrument de désendettement public.......................................................................83

Chapitre VIII : Le désendettement dans le cadre de l'initiative PPTE et le

recours à une législation...................................................92

Conclusion........................................................................106

INTRODUCTION

Le problème de la dette des pays pauvres est devenu l'un des problèmes de premier plan dans les relations internationales et se pose de plus en plus dans des termes de justice d'où la notion de la dette odieuse ou dans des considérations humanitaires, sortant ainsi du champ qui est le sien, c'est-à-dire un problème économique. Désormais un sujet majeur dans les instances internationales au sens où la Banque mondiale s'y intéresse dans son rôle de lutter contre l'extrême pauvreté et la promouvoir le développement, le FMI en prend partie dans le cadre de sa mission de surveillance monétaire multilatérale ; le problème de la dette des pays pauvres semble consensuellement perçu comme un obstacle à leur développement.

Les crises répétitives de la dette commencées dans les pays d'Amérique latine, ont été précurseur d'une prise de conscience des créanciers de la fragilité des pays endettés, ce qui nécessitera des traitements allant des réaménagements dont le plus connu en la matière est le rééchelonnement, jusqu'aux abandons massifs de créances au cours de la décennie écoulée. La politique du rééchelonnement ayant montré ses limites, la stratégie d'abandon de créance obéit le plus souvent à des considérations géopolitiques, chaque grand pays créancier étant très actif en la matière dans sa zone d'influence. Un problème aussi majeur que le problème de la dette des pays pauvres aux regards des domaines connexes et notamment de son impact sur les perspectives économiques des pays concernés, ne doit pas rester l'apanage exclusif des relations internationales, mais redevenir dans le champ de l'analyse économique afin de comprendre ses contours et ses enjeux. Si le recours à l'emprunt peut être justifié du point de vu économique, son traitement quand il y a problème ne doit pas lui échapper. Si le poids de la dette des pays pauvres est de telle que son remboursement par leur propre effort économique pourrait leur amputer les moyens d'un développement rapide, une aide internationale permettant un allègement doit s'accompagner des réformes économiques de sorte que si souscription d'emprunt il y a, qu'elle soit investie dans des dépenses d'investissement.

Le problème de la dette, bien qu'il soit un problème économique majeur pour les pays concernés, il n'en demeure pas moins un problème politique au sens large du terme. L'absence d'évaluation des investissements nécessitant l'emprunt et notamment de leurs effets structurants, la nature des régimes politiques qui souscrivent les emprunts et l'usage qu'ils en font, le traitement budgétaire de la dette et son remboursement, sont entre autres des facteurs qui font du règlement du problème de la dette des pays pauvres, une approche d'ensemble. Notre étude se limitant à l'aspect économique et juridique de la dette, nous nous intéresserons dans un souci de précision à l'endettement des pays à faible revenu et notamment ceux de la zone Union Economique Monétaire Ouest Africaine abrégée tout au long du travail sous le sigle UEMOA. Le choix d'un ensemble comme l'UEMOA constitué de huit pays, a plusieurs raisons dont entre autres :

- Ces huit pays ont adopté et ratifié l'institution d'un espace économique (UEMOA) dans lequel circule une monnaie commune (le Franc CFA en parité fixe avec l'euro et dont la convertibilité est garantie par le Trésor français),

- Historiquement liés et politiquement homogènes, a quelques différences près, les différentes Lois Fondamentales (Constitutions) présentent quasiment les mêmes termes quant à l'autorisation accordée à l'exécutif pour la gestion de la trésorerie et l'émission d'emprunt d'Etat (autorisation donnée parfois aux Président ou au Ministre en charge des Finances, selon les pays),

- Homogénéité juridique par les différentes directives appelées à être transposées dans les différentes législations nationales pour l'harmonisation des procédures budgétaires et judiciaires,

- Economiquement homogène, de part leur appartenance à la catégorie de pays en développement (en terme de PNB/Hbt), leur structure économique (largement orientée vers l'exportation des matières premières) et de la politique d'intégration des différentes économies,

- Cinq parmi les huit pays de la zone bénéficient l'annulation de dettes multilatérales au titre de l'initiative en faveur des Pays Pauvres Très Endettés -PPTE- (Bénin, Burkina Faso, Mali, Niger, Sénégal),

- Homogénéité en fin par rapport à la structure de la dette publique, détenue essentiellement par des créanciers publics bilatéraux et multilatéraux.

L'endettement au sens large du terme, n'est pas un phénomène nouveau, il n'est pas spécifique aux pays pauvres et sera rythmé tout au long de l'histoire par des crises et des périodes d'euphorie. Si la crise de la dette n'est pas elle aussi un phénomène récent, la période récente marque un tournant décisif en la matière.

Ainsi, depuis le recourt massif à l'emprunt pour financer l'effort de guerre de 1914 à 1918, en passant par les remèdes adoptés durant la crise des années trente et le plan Marshall pour la reconstruction de l'Europe après la guerre de 1945, le problème de la dette publique n'a cessé de constituer une pierre d'achoppement dans les relations internationales jusqu'à l'éclatement de la crise de la dette des pays du tiers monde, début 1980.

La hausse constante de l'endettement des pays du tiers-monde, depuis trente ans, et les crises répétées de la dette expliquent en partie l'importance et la récurrence du phénomène. Jusqu'à la fin des années des années 1970, l'endettement massif des pays en développement auprès des banques commerciales, a été encouragé par un fort effet de levier durant toute la décennie soixante-dix. A cette époque, les taux d'intérêt sont très faibles. En outre, la croissance des exportations des pays en voie de développement vers les pays industrialisés et le prix soutenu des matières premières renforcent la capacité d'endettement des pays en voie de développement en les rendant attractifs aux investisseurs. L'apparition des pétrodollars explique par ailleurs l'abondance des capitaux dont ont bénéficié les pays en voie de développement. Enfin, la faiblesse de l'épargne interne et la faible capacité de mobilisation, ont contraint les pays en développement à recourir au financement externe.

Au début de la décennie 1980 se produit un effet de ciseau : hausse des taux d'intérêt réels (poids du remboursement) et baisse du cours des matières premières (capacité de remboursement) ; créant une situation de surendettement de certains pays.

Recourant massivement à l'emprunt dans des conditions favorables au motif de financer les infrastructures jugées nécessaires pour le développement des économies naissantes post colonisation, les pays du tiers monde se sont enfoncés dans des crises financières aigües lors du retournement de la conjoncture économique et financière internationales.

La crise financière éclatée en 1981-1982 au Mexique, des suite du durcissement de la politique monétaire américaine, qui marquai la fin d'une période de flux de capitaux extérieur et bon marché vers les pays en développement, signifiait aussi le début de la crise de l'endettement, accentué en 1994 puis en 1997 par la crise financière asiatique, avec des caractéristiques différentes certes, mais le problème de la dette est devenu un phénomène récurent n'épargnant aucune catégorie de pays. Le ralentissement économique de la fin des années 1970 et début 1980, porta atteinte gravement aux économies des pays mono-exportateurs de matières premières comme ceux de l'UEMOA. Ces pays ne tarderont pas à connaître des difficultés financières dues à la baisse des recettes d'exportations pour tenir leurs engagements financiers. Ces difficultés financières obligeront ces pays à demander des rééchelonnements de leur dette.

Les grands pays de l'Union Européenne sont en dessus du seuil de 60% (proportion du stock de la dette publique dans le PIB), définie par le traité de Masstricht de 1992. Les Etats-Unis aussi bien que le Japon ne font pas exception à la matière.

Récemment, la commission présidée par Michel Pébereau , dressait un constat alarmant de la dette publique en France.

Dans les pays pauvres du Sud, le fardeau de la dette est dénoncé par tous les acteurs (sociétés civiles religieuses et altermondialistes, et économistes), immoral et injuste pour les premiers, faisant obstacle à la lutte anti- pauvreté ou pour atteindre les objectifs de développement du Millénaire définis par les Nations unies pour les seconds.

La nécessité de diminuer son encours fait l'unanimité, pourtant les stratégies ou politiques adoptées par les pays ou pour les pays diffèrent, du paiement par anticipation à l'annulation pure et simple sous parfois des conditionnalités (comme ce fût le cas pour les 18 pays élus au titre du Programme de l'annulation de la dette multilatérale des Pays Pauvres Très Endettés de l'été 2005), plusieurs démarches sont adoptées.

Certains pays autrefois lourdement endettés (Canada, Espagne etc.) s'en sont remis par une politique de réformes économiques, d'autres en revanche notamment ceux de l'UEMOA demeurent largement surendettés et ce malgré les retraitements effectués et l'ajustement financier. L'intervention d'organisations internationale (du type G7 ²) est alors devenue nécessaire pour équilibrer le fardeau de l'ajustement entre les créanciers, les débiteurs et les institutions multilatérales.

Notre travail a pour but, à partir d'une analyse succincte des différentes stratégies de désendettement, de montrer en quoi telle ou telle stratégie serait favorable pour la croissance économique dans les pays de la région étudiée.

Ce travail sera composé de deux parties. Une première consacrée à la délimitation et à la mesure du concept de dette publique tant du point de vu juridique qu'économique. A partir d'une définition du concept de la dette publique, nous décriront la structure, les spécificités, les origines de la crise de la dette des pays du tiers monde en général et en particulier celles des pays de l'UEMOA, et les effets économiques qui en découlent.

Dans une seconde partie, après avoir passé en revu les différentes stratégies de désendettement, nous montrerons par la suite laquelle de ces stratégies peut être adoptée par les pays de la zone UEMOA pour se désendetter et promouvoir la croissance.

Président du Conseil de surveillance du Groupe BNP-PARIBAS.

² G7, groupe des sept pays les plus industrialisés (Allemagne, Canada, États-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie et Japon) organisant des réunions annuelles consacrées à l'économie.

Partie I : Délimitation et Mesure de la Dette publique

Face aux problèmes suscités par croissance de l'endettement public, l'idée que les conséquences à moyen terme des déficits publics limitent la possibilité d'utiliser la politique budgétaire pour soutenir l'activité économique s'est répandue. L'endettement public, malgré l'intérêt qu'il porte, soulève quelques difficultés sémantiques qui se résument en quelques questions et qui méritent d'être expliciter afin de poser la problématique de la dette publique.

Au-delà de la difficulté de définition de la notion de dette publique, quelles sont les caractéristiques de la dette publique ?, pour l'appréhender faut-il tenir compte d'autres composantes du compte de patrimoine du secteur public, telles que le stock de capital, les engagements au titre des retraites futures et les actifs proprement financiers de l'Etat ?

Quelles conséquences peuvent avoir des niveaux élevés et/ou croissants d'endettement public et notamment dans les pays pauvres, Existe-t-il un niveau d'endettement soutenable, la crise de la dette des pays pauvres est-elle un problème structurel ; sont autant de questions qui méritent d'être explicitées afin de résoudre la problématique de la dette publique, c'est cette démarche que nous tenterons de suivre tout au long de cette première partie.

Chapitre I : La notion de la dette publique

I- Définition et aspect juridique de la dette publique

1- Définition

Les opérations financières publiques sont traditionnellement marquées par de fréquents déficits annuels dont le cumul a, depuis longtemps, engendré un important endettement public.

Si la dette publique peut être entendue au sens étroit comme l'ensemble des engagements financiers de l'administration centrale (Etat, Collectivités locales et Organismes de Sécurité Sociale en France, Etat tout court dans les pays de la zone UEMOA), elle est due à plusieurs facteurs nécessitant le recourt à l'emprunt, dont essentiellement :

- le décalage en cours d'année entre le système de perception des recettes et le calendrier des dépenses ;

- le déficit budgétaire constaté en fin d'année ;

L'appréhension de la dette publique au sens large pose quelques difficultés essentiellement comptables :

- faut-il considérer la dette brute (ensemble des engagements financiers) ou la dette nette (total des engagements financiers diminués des actifs financiers) ?

- est-il préférable la prise en compte de la dette de l'Etat, celle des administrations publiques ou celle du secteur public dans son ensemble (c'est-à-dire entreprises publiques comprises) ?

Habituellement, lorsqu'on aborde la dette publique, il s'agit de la dette brute (c'est-à-dire les engagements financiers totaux de l'Etat au sens large), étant donné que les chiffres correspondants sont plus facilement disponibles et donc plus largement diffusés et qu'il existe un lien direct entre la dette brute et le montant des versements d'intérêt au titre du service de la dette.

La dette nette, résultant des engagements financiers bruts diminués des actifs financiers, reflète en revanche plus précisément le volume total des déficits budgétaires accumulés dans le passé, lequel représente les emprunts nets contractés par les administrations publiques au cours de chaque période. On peut apprécier la différence entre ces deux concepts en examinant la nature des actifs financiers du secteur public puisque ce sont eux qui constituent l'écart entre la dette brute et la dette nette.

Ces actifs sont essentiellement ceux détenus par l'Etat en tant qu'intermédiaire financier ou actionnaire.

En tant qu'intermédiaire financier, l'Etat emprunte des fonds sur le marché (qui gonflent sa dette financière brute) afin d'octroyer des prêts (prêts d'équipement pour le développement régional en France par exemple). Les actifs ainsi acquis rapportent normalement à l'Etat des intérêts et devraient donc légitimement représenter une contrepartie de sa dette brute.

Il existe cependant trois problèmes liés à ces actifs :

Premièrement, dans certains cas, les intérêts versés à l'Etat par les particuliers ou les organismes emprunteurs ne permettent pas à celui-ci de couvrir les coûts financiers (le profit n'étant pas son objectif par principe).

Deuxièmement, si la qualité des actifs financiers détenus par l'Etat est un sujet à controverse, la valeur réelle de ces actifs peut être moindre que leur valeur comptable. Ce peut être le cas des prêts à des sociétés insolvables ou à certaines entreprises publiques.

Troisièmement, l'Etat détenant généralement des actions d'entreprise publique, actions qui ne sont pas comptabilisées parmi ses actifs financiers (du moins à leur valeur réelle par opposition à leur valeur d'acquisition) ; les ventes de ces actions peuvent modifier la dette nette et la dette brute de l'Etat. Les entreprises du secteur public sont souvent utilisées comme instrument de la politique gouvernementale, les pertes qu'elles accusent de ce fait sont couvertes par des emprunts garantis par l'Etat et non par des subventions d'exploitation en général. Ces emprunts n'apparaissent pas dans les chiffres des déficits ou de l'endettement de l'administration centrale.

La deuxième grande question que soulève la définition de la dette publique concerne le type de l'administration considérée. Dans certains pays, comme notamment les pays de la zone UEMOA, on se préoccupe essentiellement de la dette de l'Etat (ou administration centrale) seule entité pouvant souscrire des emprunts, alors que dans d'autres pays, qui souvent par souci du respect des engagements internationaux (notamment les pays de l'Union Européenne) on s'inquiète surtout du solde de l'ensemble des administrations publiques (Etat, Collectivités locales, Administrations de sécurité sociale).

Vu que la mesure de la dette du secteur public dans son ensemble soulève d'importants problèmes de données et de définition au plan international, l'utilisation de la dette de l'administration publique dans son ensemble parait plus approprié puisqu'elle permet non seulement de comparaisons entre pays, mais elle est aussi compatible avec les définitions désormais uniformes des comptabilités nationales (s'inspirant du SCN- Système de comptabilité des Nations Unies).

Une définition large du concept de la dette publique présente donc beaucoup de difficultés tant sur le plan juridique qu'au sens de la comptabilité.

2- Les aspects juridiques de la dette publique

Une dette peut être entendue comme un engagement financier de payer un service ou l'acquisition d'un bien ; ou de rembourser une somme d'argent prêtée, cela à un certain moment et selon un prix, l'un et l'autre convenu à l'avance.

Appliquée à la personnalité de l'Etat, cette courte définition « microéconomique » de la dette ne peut rendre compte de la diversité des approches possibles mesurant le concept global de dette publique de par son caractère spécifique. Cette difficulté tient, du problème de définition de son périmètre, du concept qui peut être très extensif de la notion de l'engagement, de la multiplicité des créanciers, du problème posé par le rassemblement des statistiques exhaustives et cohérentes.

2.1- L'encadrement du recours à l'emprunt :

En France, les pouvoirs publics ont essayé d'en définir juridiquement de manière précise, les contours et les caractères:

Ainsi, l'ordonnance du 2 Août 1959, dans son article 15, décide que c'est le trésor public qui détient la responsabilité de procéder aux émissions et aux remboursement d'emprunts à l'aide « d'émission de rentes perpétuelles et de titre à moyen ou court terme pour couvrir l'ensemble des charges de la trésorerie et notamment les charges résultant de la dette publique » par l'intermédiaire d'une autorisation donnée chaque année en loi de finances.

L'article 124 du décret 1962 précise qu'« aucune dette de l'Etat ne peut être contractée sous forme d'émissions de rentes perpétuelles, de titre à long, moyen et court terme, sous forme de prise en charge d'emprunts émis par des organismes publics ou privés ou sous forme d'engagement payable à terme ou par annuités, aucune opération de conversion de la dette ne peut être opérée que conformément aux autorisations données par les lois de finances ».

En outre l'article 73 de la loi du 23 Décembre 1946 décide qu'« aucune opération de crédit à court, moyen ou long terme ne peut bénéficier de la garantie de l'Etat qu'en vertu d'une loi »

Il ressort de ces règles légales que les engagements de l'Etat donnant lieu à constitution de dette, qu'ils résultent d'émission de titres nouveaux, de conversion ou de garanties, n'ont le caractère de dette publique que s'ils bénéficient d'une autorisation législative. Ainsi dans le cadre de cette autorisation, le Trésor peut gérer sa trésorerie en utilisant tout un ensemble de titres divers.

En Allemagne, l'article 115 de la Loi Fondamentale (Constitution) dans sa rédaction originale, est ainsi libellé :

«Il ne peut être recouru aux ressources de trésorerie qu'en cas de besoins exceptionnels et, en principe, uniquement pour couvrir des dépenses productives, exclusivement en vertu d'une loi fédérale. Des crédits ne peuvent être accordés et des sûretés ne peuvent être constituées à la charge de la Fédération lorsque leur effet s'étendrait au-delà d'un exercice, qu'en vertu d'une loi fédérale. Cette loi doit préciser le montant du crédit ou l'étendue de l'obligation dont la Fédération assume la responsabilité ».

Il ressort du contenu de cet article (réaffirmé lors de la révision constitutionnelle de 1969) que le recourt à l'emprunt ne peut avoir pour objet que de financer les investissements. Ainsi, en Allemagne, l'emprunt doit être autorisé et chiffré par le législateur.

En somme, l'autorisation législative pour le recourt à l'emprunt est un principe de démocratie d'autant plus qu'elle permet davantage de contrôle du parlement sur les finances publiques. Toutefois, l'autorisation peut être donnée dans la loi de finances (comme c'est le cas dans les pays francophones), comme dans une loi ordinaire (en Grande Bretagne, par exemple), elle peut être donnée au Ministre en charge des finances (le plus fréquent) ou au Chef de l'Etat (comme en Côte d'Ivoire).

La prise en charge de la dette de l'Etat par le Trésor est la suite logique du financement du déficit, mais dans certains pays, elle est confiée à un institut spécial (Suède, Belgique, Royaume Uni depuis 1998) ou en partie, à la Banque Centrale (Allemagne, Japon, Royaume Uni jusqu'en 1998).

2.2- Le régime juridique des emprunts de l'Etat

L'ensemble des règles de droit applicables aux emprunts d'Etat, notamment les règles de compétence, de procédure, qui encadrent l'émission d'emprunt, peut résulter de diverses sources.

L'émission d'emprunt, comme toutes les activités de l'Etat dans un « Etat de droit », obéit à des règles de droits et d'obligations de l'Etat emprunteur, des prêteurs ou des intermédiaires, qui même résultent selon les pays, de la constitution et/ou d'une loi organique, de la loi, de décrets, des règles librement posées par les responsables du Trésor.

3- Dette publique dans le droit international

En droit international, il existe un principe qui règle les relations internationales : sur la base de la continuité de l'Etat, celui-ci est obligé de respecter et d'honorer les obligations internationales qu'il a consenties. Le principe implique en ce qui concerne la dette publique, que tout gouvernement (en tant qu'organe d'Etat) est tenu légalement de payer la dette contractée par le gouvernement précédant. Par conséquent, chaque fois qu'un gouvernement agit en tant qu'entité publique et organe d'Etat, c'est l'Etat lui-même qui assume l'engagement financier et, en conséquence, l'obligation de remboursement. En ce sens la continuité de l'Etat selon l'Institut du Droit International (IDI) signifie que « la personnalité juridique dans l'ordre international subsiste malgré les changements de territoire, de population, de régime politique et juridique et de nom »

Selon cette doctrine, le changement de régime n'aurait pas d'incidence sur les obligations de l'Etat, il n'existe que des dettes légales puisqu'il existe une obligation de remboursement sur la base de la continuité de l'Etat.

IDI, La succession d'Etats en matière de biens et de dettes, Session de Vancouver, 2001, article 3.

Dans ces conditions, le gouvernement postérieur n'aurait pas la compétence nécessaire pour se prononcer sur la légalité ou la légitimité des dettes contractées au nom de l'Etat par des gouvernements précédents qu'ils soient démocratiques ou non.

Lorsqu'un accord est signé entre un Etat et une banque multinationale ou un groupe bancaire privé, en conformité avec les conditions de forme et de fond requises, nous nous trouvons devant l'existence d'une dette publique , qui constitue un contrat international soumis aux règles des contrats internationaux. Par contre, lorsqu'un accord d'emprunt est conclu entre deux Etats ou entre un Etat et une Institution Economique Internationale (Banque Mondiale, FMI etc.), il s'agit d'un accord international (contrat d'emprunt) régit exclusivement par le Droit des Traités ².

Cette distinction a des conséquences juridiques concrètes : dans le cas d'un contrat international, le règlement des différends s'opère généralement au niveau de la Cour Internationale des Règlements des Différends Internationaux (CIRDI), laquelle comprend normalement, en son sein, son propre « tribunal arbitral ».

Dans le cas d'un accord international, les recours aux tribunaux ordinaires, aux tribunaux arbitraux internationaux ou à toute autre instance internationale sont possibles. Ainsi, par exemple, il a été admis que, dans le cas de différends suscités par les accords entre le FMI et la dictature du gouvernement argentin de 1976/89 et les gouvernements successifs, le seul tribunal considéré compétent pour traiter cette matière était un tribunal nord-américain, étranger à la relation juridique en question.

Le droit international prévoit des situations dans lesquelles un Etat peut légitimement décider, soit de ne pas payer, soit de payer sa dette suivant ses nécessités et capacités.

Un des cas prévus par le droit est celui de la force majeure. La force majeure peut couvrir les cas suivants, entre autres, dans lesquels un Etat décide de:

      a. suspendre le paiement, déclarer un moratoire unilatéral, ou payer la dette seulement après avoir couvert les besoins de la population, ou

         b. annuler la dette, si la circonstance de force majeure se prolonge indéfiniment.

La force majeure peut, en conséquence, être invoquée en droit international, appliquée comme argument juridique, et exempter un Etat de ses obligations financières internationales et, par ailleurs, constituer une cause qui le décharge de sa responsabilité internationale.

Jeze GASTON, "La garantie des emprunts publics d'Etat" RCADI, 1925.

² Convention de Vienne sur le droit des traités conclus entre Etats de 1969 et Convention de Vienne sur le droit des traités entre Etats et Organisations Internationales, et entre Organisations Internationales du 21 Mars 1986.

La Convention de Vienne sur le droit des Traités de 1969 et la Convention de Vienne entre Etats et organisations internationales ou entre organisations internationales ² contiennent la règle de base dans ce domaine: tout traité en vigueur oblige les Parties et doit être respecté par ces dernières en toute bonne foi.

Ceci implique que si une convention ou un accord signé par un Etat l'engage à payer une dette contractée auprès d'un autre Etat ou auprès d'une organisation internationale, cet accord est contraignant en droit international et un manquement sans motif valable constitue une violation du droit international pouvant faire l'objet de sanction (comme saisie des avoirs extérieurs du dit Etat, par exemple).

4- L'émission d'emprunt public :

4.1- Le régime juridique des opérations d'emprunt d'Etat :

Les opérations relatives aux emprunts sont d'une part les opérations d'émission, de remboursement, de transformation des emprunts qui s'inscrivent dans la gestion de la dette publique ; d'autre part, à côté d'elle, les opérations de gestion administrative et comptable. Ces dernières sont relatives au service des emprunts qui nécessite la tenue d'une comptabilité des titres, celle des titres restant à rembourser, le payement des intérêts, l'actualisation des changements de propriétaires etc.

4.2- Les opérations d'émission :

L'opération d'émission dans les démocraties fait l'objet d'un partage des compétences entre le parlement (autorisation législative) et le gouvernement, et en son sein le Ministre en charge des finances. Dans le droit francophone, les conditions et les modalités des émissions sont fixées par des décrets.

- Compétence de l'exécutif :

- Le décret : en général, préparé par les services du Trésor, le décret fixe les conditions d'émission, le type de titres émis et leurs caractéristiques.

Convention de Vienne sur le droit des Traités de 1969, article 26

² Convention de Vienne entre Etats et organisations internationales ou entre organisations internationales du 21 Mars 1986, article 26.

La compétence du Ministre des finances en matière d'emprunt, se borne en principe dans le droit francophone, à fixer, par arrêté, le détail des émissions et les modalités de mise en oeuvre : le jour des émissions, le montant, l'échéance et la date de clôture éventuelle de la souscription, elle s'étend aussi à la technique d'émission.

- Compétence du législateur : elle réside dans toutes les démocraties, dans son autorisation accordée au pouvoir exécutif, pour assurer la gestion de la trésorerie.

5- Les procédures ou techniques d'émission :

5.1- L'adjudication :

C'est une procédure qui consiste à mettre en concurrence les soumissionnaires et permet d'obtenir des taux d'intérêt bas et proches de ceux du marché. L'opération d'adjudication est en général prise en charge par la Banque Centrale ce qui permet une distinction entre l'opérateur et l'émetteur en garantissant mieux le déroulement et l'objectif de l'émission. De manière générale, les participants à l'adjudication des bons de caisse ou des bons du trésor, sont des banques. La procédure d'adjudication se décompose essentiellement en deux méthodes :

a- La méthode de prix uniforme : c'est une méthode dans laquelle les soumissionnaires dont les offres sont retenues, paient le même prix, qui est le prix unique de l'adjudication et qui correspond au prix d'émission le plus bas permettant de couvrir le contingent demandé.

b- L'adjudication dite compétitive ou "à la hollandaise" : elle consiste à appliquer à chaque soumission retenue après classement par ordre décroissant du taux d'intérêt jusqu'à l'épuisement du montant de l'émission, le taux d'intérêt qu'elle proposait, lequel peut varier de l'une à l'autre. Cette méthode a l'avantage de réduire le coût pour le Trésor.

5.2- Le placement privé : Le titre est cédé directement par le gestionnaire de la dette à des investisseurs.

5.3- La technique de syndication ou de prise ferme :

Elle consiste pour l'émetteur à « vendre » la totalité d'un emprunt à une banque ou à un syndicat qui peut être constitué de banques commerciales, de caisses d'épargne, de coopératives de crédit, des agents de change, associés à la banque centrale qui assure le rôle de chef de file. Elle a l'avantage de garantir le placement intégral de l'emprunt.

La banque ou le syndicat, peut par la suite céder les titres au public à un prix plus élevé que le prix de souscription, la différence représentant leur rémunération.

5.4- La méthode de souscription publique ou la méthode dite du « guichet ouvert » :

Elle consiste à vendre directement les titres aux souscripteurs par l'intermédiaire de guichets, selon les pays, de la banque centrale, des comptables publics ou de certaines banques commerciales, rémunérés par une commission. Une fois le montant de l'emprunt souscrit, la clôture du placement est prononcée.

5.5- Le recours au marché financier :

Utilisée au Royaume Uni pour l'émission des bons du trésor, elle consiste en une adjudication auprès d'intermédiaires opérant en bourse ou spécialement sur le marché des valeurs d'Etat et réalisée selon la méthode dite « à la hollandaise », c'est-à-dire que les soumissionnaires dont les offres sont retenues, sont appelés à payer le prix qu'ils ont proposé.

6- Les clauses d'emprunt d'Etat

Les clauses de souscription d'un contrat ou d'un accord d'emprunt, couvrent :

- Le mode de remboursement ou d'amortissement, qui peut être progressif, constant, différé ou à l'échéance. Mais globalement, on retient deux, l'amortissement par annuités (fréquemment utilisé, qui consiste à rembourser chaque année une somme qui correspond à l'intérêt et une fraction du capital) et le remboursement à l'échéance finale, largement utilisée pour l'extinction des emprunts publics britanniques. Le remboursement en totalité se réalisant ainsi en principe à l'échéance finale, pour éviter d'éventuelles difficultés de financement, une grande partie des obligations d'Etat britanniques par ailleurs correspond à des titres comportant une clause de remboursement anticipé, à une date librement choisie par la trésorerie.

- Le taux d'intérêt : l'intérêt de l'emprunt peut faire l'objet de trois options :


· Le taux fixe
 : comme son nom l'indique, un titre de dette à taux fixe signifie que le titre de dette a un taux de rémunération fixé au moment de l'émission du titre. Sa détention expose au risque de taux car la valeur du titre de dette varie en fonction du taux du marché.


· Le
taux indexé : le coupon d'une obligation peut être indexé sur n'importe quel prix ou indice à condition qu'il soit nettement défini à l'avance. Sur le marché monétaire européen, le principal indice employé est l'EURIBOR.


· Le
taux variable : une obligation à taux variable est un titre de dette dont l'échéancier de flux n'est pas parfaitement connu à l'émission. Le taux d'intérêt est en règle général fixé par référence au taux interbancaire observable, généralement un taux à court terme, l'EURIBOR en six mois, par exemple. A chaque échéance du coupon, la valeur de celui-ci sera calculée en fonction de ce taux du marché.

Ceci permet d'annuler le risque de taux car l'émetteur de ce titre est sûr qu'à tout instant, il est endetté au taux du marché. Mais, compte tenue de l'instabilité monétaire lié notamment aux fluctuations des conditions sur le marché monétaire, les emprunts à taux variable, en général l'option la plus choisie par les banques privés, ont précipité la crise de la dette notamment en Amérique latine dans les années 1980 en alourdissant les charges d'intérêt.

Les autres caractéristiques d'un accord ou d'un contrat d'emprunt sont essentiellement la garantie qui peut être précise c'est-à-dire gagée sur une recette propre comme c'est le cas pour la CADES en France² ou générale, elle est naturellement offerte par l'Etat pour le capital et les intérêts et assise sur son pouvoir souverain de prélever l'impôt. Pour ce qui concerne l'échéance de l'emprunt, elle est fonction du titre émis et constitue en soi l'élément le plus important pour la distinction entre les emprunts (qui peuvent être qualifiés selon la terminologie utilisée, de court, moyen et long terme).

European Interbank Offert Rate

² CADES (Caisse d'Amortissement de la Dette Sociale), ayant repris les déficits cumulés de l'ACOSS (Agence Centrale d'Organismes de Sécurité Sociale), se refinance en grande partie sur le marché obligataire en émettant des obligations gagées sur la CRDS (Contribution pour le Remboursement de la Dette Sociale).

II Instruments et gestion de la dette publique

1- Les instruments de la dette

Les instruments de la dette, c'est-à-dire les moyens par lequel l'Etat a recours pour financer le déficit budgétaire, ou rembourser les emprunts parvenus à échéance, sont aujourd'hui d'ordre divers :

- Le financement monétaire, historiquement, dans tous les pays où la banque centrale n'est ou n'était pas indépendante du pouvoir exécutif en général et en particulier en France, le financement de court terme de l'Etat, a longtemps reposé sur les crédits que lui accordait la banque centrale.

Le Trésor couvrait ainsi son besoin de trésorerie quotidien grâce à des avances sollicitées auprès de la banque centrale. Cette dernière joue dans ce système le rôle de financier de dernier ressort de l'Etat. Bien que interdit dans les pays de l'Union Européenne au terme du Traité Maastricht instituant l'Union Economique et Monétaire, au profit d'une certaine indépendance des banques centrales des pouvoirs exécutifs comme aux Etats-Unis.

Les aides directes des banques centrales à l'administration assurant la gestion de la trésorerie publique, tend à disparaître dans la plupart des pays, les uns sous les accords de constitution de groupements économiques régionaux (UE, UEMOA etc.), les autres sous l'impulsion voire sous les conditionnalités des interventions des institutions multilatérales plus précisément le FMI et la Banque Mondiale.

En revanche, les aides indirectes peuvent exister, elles consistent essentiellement en une souscription indirecte des titres publics, soit en réfinançant les banques ayant en portefeuille des titres publics ou en intervenant sur les marchés pour réguler la liquidité, soit en achetant ou en prenant en pension les titres publics, ce qui peut contribuer au succès des émissions de valeur du trésor.

Dans le système autorisant la banque centrale d'intervenir auprès du Trésor, ce dernier participe à la création monétaire de deux sortes.

Premièrement, les bons du trésor en compte courant en appel au système bancaire à la différence des bons du trésor sur formule, constituent un moyen rapide d'emprunt auprès du secteur bancaire et permet de contrôler l'évolution des crédits. Ces bons participent au processus de création monétaire puisqu'en l'échange de ces titres, les banques mettent à disposition du Trésor des disponibilités monétaires qui permettent de financer des dépenses publiques. Ces créations monétaires inflationnistes ont largement constituées l'argumentaire d'une restriction de cet instrument.

- Les emprunts à long terme : essentiellement constitués d'obligations du Trésor, les emprunts à long terme, sont des emprunts émis généralement par voie d'adjudication, pour une durée initiale supérieure ou égale à cinq ans. En France, cette formule s'identifie à l'Obligation Assimilable du Trésor (OAT) dont l'échéance est d'au moins sept ans; Emprunts de la Fédération (Bundesanleihen), Obligations de la Fédération (Bundesobligationen) et les Bons d'épargne (Bundesschatzbriefe) en Allemagne avec des échéances au moins respectivement de huit, cinq et six ans ; ces emprunts peuvent même être parfois de très long terme comme le Treasury Bonds (T-Bond) émis par le Trésor des Etats-Unis pour une échéance au moins de dix, trente ans, voire plus.

- Les emprunts à moyen terme, émis pour une durée variant entre un et cinq ans, cette formule s'identifie en France au Bon du Trésor à Intérêt Annuel (BTAN).

- Les emprunts à court terme, Bon du Trésor Français en sa formulation en France, Treasury Bills (T-Bills) aux Etats Unis, ces emprunts ont pour échéance maximale d'un an. Ils sont émis en dessous du pair et remboursés au pair, la différence constituant ainsi sa rémunération.

Ces différents emprunts, autrefois à côté des avances de la Banque centrale aujourd'hui très restreins voire interdit parce que génératrices d'inflation, constituent la partie de la dette publique, dite négociable et occupe une place prépondérante dans le total de la dette publique .

2- La gestion de la dette publique

La gestion de la dette consiste, après avoir lancé les emprunts sur le marché primaire (marché où l'acquisition des titres se fait directement auprès de l'émetteur), à intervenir ensuite sur le marché secondaire (où l'investisseur peut acquérir ou vendre ses titres à un intermédiaire) afin de réduire le coût par l'usage des moyens ou techniques d'intervention, de plus en plus diversifiés. Cette gestion, largement inspirée des Etats-Unis, est retracée en France, depuis 2000, dans un compte spécial (compte de commerce « gestion active de la dette et de la trésorerie de l'Etat »).

ce mode de financement du déficit budgétaire fût longtemps utilisé en France grâce au lien étroit d'alors entre l'exécutif (responsable de la politique monétaire) et la Banque de France. Il est interdit par le traité de Maastricht, sous sa forme directe puisque les banques de second rang ayant souscrits des titres publics peuvent se refinancer auprès du SEBC (Système Européen de Banque Centrale).

Ainsi, l'article d'équilibre dans le droit budgétaire français, depuis 1991, suivi d'un décret du Premier ministre, autorise le ministère des finances (notamment l'Agence France Trésor et récemment la Caisse de la Dette Publique) à intervenir, par divers procédés, sur le marché secondaire. La gestion de la dette par des procédés autrefois propres au marché financier, est désormais au centre des activités du trésor ou l'administration en charge de la gestion de la dette publique, est pratiquement utilisé par tous les pays ayant accès au marché des capitaux. Elle a notamment conduit le trésor français à s'entourer à partir de 1987, d'établissements financiers « Spécialistes en Valeurs du Trésor » comme les primary dealers aux Etats-Unis, chargés, en contrepartie de certains avantages , de le conseiller et de l'aider dans l'émission, puis dans la gestion des titres.

Cette gestion active de la dette poursuit essentiellement deux (2) objectifs :

- rendre le marché de valeurs d'Etat plus liquide, donc plus attractif pour les investisseurs, ce qui peut aider à réduire le coût de l'emprunt

- dans un contexte de concurrence, de libre circulation des capitaux et de besoins financiers publics, la confiance des investisseurs parait politiquement et financièrement essentielle.

Ainsi, en France, la Caisse de la Dette Publique (CDP), est appelé à assurer, en coordination avec l'Agence France Trésor (chargé de l'organisation de l'émission des emprunts publics) la gestion de la dette.

Cet établissement peut, aux termes de la loi qui l'institue, « effectuer sur les marchés financiers toutes les opérations concourant à la qualité de la signature de l'Etat ». Ainsi, il peut acheter des titres émis par l'Etat ou garanti par ce dernier, en vu de leur conservation, de leur amortissement ou de leur cession.

Les techniques d'intervention pour la gestion de la dette publique sont très variées et s'apparentent aux instruments financiers habituels, il peut s'agir :

- de rachats de titres pour rapprocher l'échéance ou profiter d'une décote. Ainsi, la banque d'Angleterre responsable de la gestion de la dette publique jusqu'en 1998, a coutume de racheter une partie des titres publics sur le marché secondaire avant l'arrivée de leur échéance.

- de pensions portant sur des titres que le Trésor met en pension (mise en pension), qui consiste à émettre des obligations assortie d'une clause de rachat, ce qui lui permet d'acquérir des liquidités. Le Trésor peut aussi, effectuer l'opération de « prise en pension » qui consiste à placer temporairement des liquidités.

Notamment la possibilité de présenter des « offres non compétitives » lors des appels du trésor, ainsi que la possibilité de démembrer ou remembrer les Obligations Assimilables du Trésor (OAT).).

- d'opérations sur produits dérivés : contrat d'échange (SWAPS) de devises, de taux, achat et/ou vente d'options ou de contrat à terme sur titre d'Etat.

- d'opération d'arbitrage, qui consiste d'acheter certaines obligations et d'en vendre d'autres, selon les prévisions sur l'évolution des taux d'intérêts, ce qui peut générer des gains pour le Trésor.

- d'opérations de prêt-vente, qui consiste à mettre à la disposition d'un tiers assortie d'une clause de reprise, ou de vendre, des titres dont les valeurs sont plus appréciées. Ce qui permet de faciliter la liquidité du marché.

La prise en compte du facteur risque, risque lié l'évolution du taux d'intérêt qui peut parfois être préjudiciable aux prévisions budgétaire pour le service de la dette à taux variable, risque également lié au taux de change pour la partie externe de la dette, a donné naissance au concept de management de risque.

Chapitre II : Structure et spécificité de la dette des pays en

développement (PED)

Le montant total de l'endettement ne fournit qu'une image globale du phénomène. En désagrégeant l'endettement public, plusieurs catégories de dettes sont traditionnellement distinguées, selon la nature, les conditions et l'échéance du prêt.

Dans l'ensemble dettes publiques, on distingue les emprunts des administrations publiques au sens strict et les emprunts des entreprises privées ou non, bénéficiant de garantie publique. Le critère essentiel de classification est le statut juridique du débiteur. Ainsi, l'engagement d'un gouvernement vis-à-vis d'une banque privée fait partie de la dette publique. En revanche, la créance d'un organisme public extérieur notamment (Banque Mondiale à travers sa filiale Société Financière Internationale, par exemple) détenue sur une entreprise privée d'un pays donné n'en fera pas partie. Ainsi définie, la dette publique comprend la dette de l'Etat et éventuellement celle de ses institutions dépendantes. Les emprunts de débiteurs bénéficiant d'une garantie de l'Etat y sont comptabilisés par de nombreuses institutions en raisons notamment de l'éventualité de sa mise en jeu.

La diversité des sources, l'échéance plus ou moins longue et les conditions de l'emprunt, font de l'analyse de la structure de l'endettement public, un exercice nécessaire pour déceler les sources de la crise de la dette dans les pays en développement.

Le terme Pays en Développement (PED) concerne l'ensemble des pays non développés, ce qui exclu les pays de l'OCDE, sauf la Turquie. Les pays de l'Europe de l'Est sont intégrés dans cet ensemble.

La part relativement importante de la dette bilatérale et multilatérale dans l'endettement des pays pauvres, révèle en soi le caractère spécifique de leur endettement. Une spécificité, qui tout au long des deux décennies précédentes, a abouti à leur exclusion du marché international privé des capitaux.

I Structure de la dette publique

Le financement du déficit budgétaire dans les pays en développement en particulier exige à opérer des choix qui peuvent parfois apparaître délicats car demandant, dans un souci de gestion, à préférer tels ou tels instruments de prêt par rapport à d'autres en fonction du coût lorsqu'il s'agit des pays à revenu intermédiaire victimes de crises répétées et ayant accès au marché international des capitaux. Le choix demeure encore plus délicat en ce qui concerne les pays pauvres pratiquement devenus exclus du marché des capitaux et dont l'essentiel de leur source de financement est officiel.

Les statistiques, qui servent de référence en la matière, sont fournies par la Banque des Règlements Internationaux (Evolution des marchés financiers), la Banque mondiale (World Debt Tables) et l'OCDE (Financement et dette extérieure des PED) .

Ces statistiques, généralement annuelles, opèrent une désagrégation de l'ensemble « dette publique » en permettant de distinguer plusieurs sortes de dettes, selon la qualité du prêteur et les conditions de souscription. On distingue ainsi :

- la dette bilatérale et multilatérale, constituant ce qu'on appelle l'endettement extérieur qui s'oppose à la notion de dette intérieure ;

- de dette privée c'est-à-dire l'ensemble des emprunts souscrits par l'Etat auprès du système bancaire privé. Elle est comptabilisée dans la catégorie de l'endettement extérieur si ces emprunts sont souscrits à l'étranger ;

- la dette due par l'Etat et ses institutions dépendantes et la dette garantie par celui-ci ;

- la dette constituée de prêt à taux du marché et de celle constituée de prêt à taux concessionnel.

Ces statistiques s'obtiennent essentiellement par le biais du Système de Notification des Pays Débiteurs (SNPD), crée en 1951 et fondé sur des renseignements statistiques fournis par des pays emprunteurs auprès de la Banque Mondiale (World debt table) et complété en 1967 par un Système de Notification des Pays Créanciers (SNPC) élaboré par la Banque Mondiale et l'OCDE (Financement et dette extérieure des PED).

1- la notion de dette publique extérieure : dette multilatérale et dette bilatérale :

Malgré la récurrence du phénomène de l'endettement extérieur, la notion de la dette extérieure n'a jamais fait l'objet d'une définition harmonisée, acceptée par l'ensemble des acteurs. La définition retenue est celle commune aux trois grandes institutions que sont la Banque Mondiale, le Fonds Monétaire International (FMI) et l'Organisation pour la Coopération et le Développement Economiques (OCDE).

La définition dite « centrale » de la dette extérieure retenue est celle du FMI : « la dette extérieure brute est égale au montant, à une date donnée, des engagements contractuels en cours et ayant donné lieu à versement des résidents d'un pays vis-à-vis de non-résidents, comportant obligation de remboursement du capital avec ou sans paiement d'intérêts, ou de payement d'intérêts avec ou sans remboursement du capital ».

Le statut d'extranéité de la dette est donc établi en fonction du critère de résidence, ceci en conformité avec les statistiques portant sur les comptes nationaux ou plus précisément sur les balances des paiements. Toutefois, la prise en compte du statut juridique du prêteur contribue largement à l'analyse de l'endettement public des pays en développement.

1.1- Dette publique multilatérale :

La dette publique multilatérale d'un pays est constituée de l'ensemble des emprunts souscrits par l'Etat auprès des organismes financiers multilatéraux dont les plus connus en la matière, sont le Fond Monétaire International, la Banque Mondiale et les Banques régionales de développement comme la Banque Africaine de Développement.

Ces emprunts, sont vus le plus souvent comme de dernier recours, constituent, de fait, le seul recours pour de nombreux pays pauvres. Ils sont très largement conditionnés dans la période récente à la mise en oeuvre de programmes de redressement connus sous le nom de Programme d'Ajustement Structurel notamment pour ceux qui concernent les institutions des accords de Bretton Woods. Perçu en général, comme des prêteurs en dernier ressort voire les seules dans certains cas et créanciers prioritaires en raison notamment de leur statut. Les prêts de ces organismes, notamment ceux du FMI, interviennent le plus généralement pour contenir des tensions telles que les difficultés de paiement ou des crises économiques. En revanche, la Banque Mondiale ayant intégré dans ses missions la question du développement des pays pauvres, ses prêts sont destinés le plus souvent à financer des projets plus ciblés.

La dette multilatérale, relativement très faible voire inexistante dans la structure de la dette des pays industrialisés, acquiert à partir de la crise de l'endettement des années 1980, une dimension relativement très importante dans le stock de dettes des pays en développement et notamment dans les pays de l'UEMOA, pour des raisons liées notamment à leur difficulté d'accès aux marchés financiers et de capitaux internationaux privés (Tableau n°1).

Les conditions d'octroi de crédit, étant en pratique spécifiques d'une institution à une autre, la Banque mondiale finance des projets de développement dans une dimension microéconomique et ses crédits sont en général de long terme, allant parfois jusqu'à cinquante ans avec des périodes de grâce. Par contre, le FMI, de par son statut d'institution de surveillance multilatérale, intervient surtout dans la gestion macroéconomique du développement, ses prêts sont en général destinés à contenir des tensions et sont de court terme par rapport à ceux de la Banque Mondiale.

Tableau n° 1 : Dette multilatérale/encours de la dette (en %)

BENIN

1970

1980

1990

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

1,0

24,5

41,6

53,5

56,5

56,7

59,7

59,6

62,6

70,8

73,5

BURKINA

0,1

42,9

67,7

75,4

76,7

73,7

70,7

70,5

77,5

79,2

85,9

C. I.

3,8

7,0

20,8

21,1

23,5

23,9

24,4

23,7

25,8

27,0

29,4

GUIN. BIS

-

24,5

39,5

42,0

42,5

42,7

48,6

54,6

55,8

58,6

62,4

MALI

2,4

23,6

36,3

46,1

49,0

50,5

50,8

52,2

61,9

66,2

68,5

NIGER

13,4

16,5

40,6

56,5

58,5

59,9

60,4

64,8

67,6

67,8

81,5

SENEGAL

9,2

17,9

36,5

49,3

49,8

49,8

52,9

53,1

54,1

58,4

74,7

TOGO

4,8

10,3

43,7

53,4

54,4

52,1

53,6

53,6

51,9

53,2

52,8

Sources : FMI (de l'année 1970 à 2003) ; Rapport Zone Franc, Banque de France 2005.

Dans la décennie précédant le déclenchement de la crise de la dette (1980), la dette multilatérale ne représentait qu'une partie faible dans l'encours de la dette des pays en développement. Le resserrement de la politique monétaire américaine, les défauts de paiement qui ont suivi et les instabilités notamment politiques ont rendues les Banques méfiantes à l'égard des pays pauvres.

1.2- La dette publique bilatérale :

La dette bilatérale d'un pays, est l'ensemble constitué par des emprunts contractés par un Etat auprès d'un autre. Les réaménagements (rééchelonnement ou annulation) de la dette bilatérale sont négociés au sein du Club de Paris. Avec les emprunts multilatéraux, les emprunts bilatéraux constituent l'essentiel des sources de financement de la frange très pauvre des pays en développement. Les prêts bilatéraux, à la différence des prêts multilatéraux, obéissent le plus souvent à des considérations politiques et parfois géopolitiques. Ainsi, la France est plus largement créancière en Afrique en particulier dans la zone Franc, comme le Japon en Asie.

La notion de dette publique extérieure couvre deux autres concepts, il s'agit de :

- la dette publique extérieure remboursable en devise étrangère : cette dette correspond au montant des engagements contractuels en cours et ayant donnée lieu à versement d'un Etat vis-à-vis des non résidents, comportant obligation de remboursement du principal et paiement d'intérêt en devise étrangère et qui n'est viable qu'à condition d'une amélioration durable de la balance des paiements. Cette dette est relativement exposée au risque de change.

- la dette publique extérieure remboursable en monnaie locale : elle concerne les titres publics détenus par des institutions financières ou des simples agents économiques, à l'extérieur du pays, mais dans le même ensemble monétaire tel que la zone Euro. Cette dette ne subit qu'indirectement le risque de change.

2- Dette publique intérieure :

La dette intérieure publique est constituée par des emprunts ou des obligations émis par l'Etat ou de ses entités dépendantes auprès des agents économiques ordinaires nationaux. Sont aussi inclus, les arriérés de traitement des fonctionnaires et les créances sur l'Etat des fournisseurs locaux. Les statistiques en la matière ne sont que rarement disponibles en raison de leur caractère le plus souvent de court terme.

La différence entre dette intérieure et dette extérieure est basée sur le critère de résidence tel que défini par la cinquième édition du manuel de la balance des paiements (1993) du FMI.

La dette publique intérieure, faute de statistiques disponibles, si elle est importante, ce qui est rarement le cas pour ce qui concerne les pays pauvres, peut considérablement dégrader la situation budgétaire du pays en question.

La dette publique détenue localement, généralement de court terme, est traditionnellement négligé dans les analyses consacrées à la question de la dette dans les pays en développement et n'a pas encore fait l'objet d'initiative de politique internationale. Etant généralement au taux du marché, le service de la dette intérieure peut être source d'une grande difficulté pour de nombreux pays, avec des conséquences budgétaires non négligeables.

L'engagement à la stabilité macroéconomique peut déconseiller l'option inflationniste consistant à un financement du déficit par le système bancaire, tandis que la volonté de développer un marché financier à l'intérieur du pays, exige le plus souvent des titres publics, supposés « sans risques ou de risque moindre » pour fournir de normes de référence.

3- Dette bancaire privée :

Ce sont des emprunts contractés auprès du secteur financier privé international et essentiellement bancaire. A l'origine du gonflement spectaculaire de l'encours de la dette notamment dans les pays de l'Amérique latine dans les années 1970 suite au durcissement de la politique monétaire américaine, cet endettement bancaire a été stimulé par la conjonction de plusieurs évènements dont la hausse du prix des matières premières et le niveau élevé de la croissance, justifiant l'engouement des grandes Banques (Chase Manhattan, Manufacters Hanover, Citicorp etc.) à devenir des créanciers de l'Amérique latine. De très faible intensité dans le stock de la dette des pays pauvre de l'Afrique subsaharienne, cette catégorie de prêt n'est pratiquement plus accessible depuis le début des années 1970. La restructuration de la dette bancaire est négociée au sein du club de Londres (véritablement né au début des années quatre-vingt avec la crise des payements mexicains).

Les caractéristiques de la dette bancaire diffèrent de celle contractée auprès des créanciers publics notamment pour ce qui concerne l'échéance et le taux d'intérêt. La dette bancaire totale des pays en développement, recensée en 1986, représentait 406 milliards USD. L'essentiel du stock de cette dette a été contracté par vingt pays sur un ensemble estimé de cent soixante pays en développement. Cette dette est pour 75 % en dollars et pour 90 % à taux variable ; sa maturité moyenne est de neuf ans. Très concentrée, la dette bancaire se répartissait à la fin des années 1980 comme suit : l'Amérique latine comptait pour 58 % du total, l'Afrique 12 %, l'Asie 20 %. Le nombre de créanciers n'était pas concentré en revanche, plus d'un millier d'établissements bancaires étaient concernés par l'ensemble de la dette bancaire.

4- Dette garantie par l'Etat

D'un point de vue juridique, l'expression de « garantie d'emprunt » a une signification très générale : elle désigne les situations, la plupart du temps d'origine contractuelle, dans lesquelles un tiers en la personne de l'Etat, s'engage à coté du débiteur (une entreprise, généralement de droit public), en cas de défaillance de la part de ce dernier, à assurer à son créancier le service d'un emprunt en intérêts, amortissements, frais et accessoires.

Cette catégorie d'engagement financier de soutien et éventuellement transformée en dette, tend à s'effriter tant dans les pays industrialisés que dans les pays pauvres, en raison de l'adoption progressive des règles du marché et du retrait progressif de l'Etat de la production.

Tableau n° 2 : Structure de la dette des pays de la zone franc de l'Afrique de l'Ouest

Pays

Dette multilatérale

Dette bilatérale

Dette commerciale

Bénin

2001

2002

2001

2002

2001

2002

81,0%

82,2%

19,0%

17,8%

-

-

Burkina Faso

83,4%

87,2%

16,6%

12,8%

-

-

Côte d'Ivoire

38,2%

35,3%

39,7%

43,0%

22,1%

21,7%

Guinée Bissau

42,0%

48,3%

58,0%

51,7%

-

-

Mali

71,4%

73,0%

28,6%

27,0%

-

-

Niger

74,5%

75,1%

22,5%

24,9%

-

-

Sénégal

66,3%

67,3%

33,7%

32,7%

-

-

Togo

62,9%

61,4%

37,1%

38,6%

-

-

Source : rapport de Banque centrale des Etats de l'Afrique de l'ouest, janvier 2005.

Dans la structure de l'endettement des pays de l'UEMOA, seule la Côte d'Ivoire possède encore une dette commerciale de garantie publique.

II Les spécificités de la dette des pays en développement (PED)

La situation de l'endettement des pays en développement est contrastée. Au niveau absolu, leur endettement n'est pas considérable par rapport à celui des pays riches.

Déjà à la fin de l'année 2000, la dette des pays en développement (PED) représentait selon la Banque Mondiale près de 2100 milliards de dollars, dont plus de 85% à long terme.

En revanche, le poids du service de la dette et la croissance du stock se révèlent bien plus élevé (ainsi, selon le FMI, le stock de dette des 28 pays les plus endettés en 1999 représentait

130,5 % de leur PIB et le service de la dette 5,1 %, qu'on peut comparer à leurs efforts en matière d'éducation (3,4 %) ou de santé (1,7 %). Ainsi, le 21 Septembre 1970, Robert S. McNamara président de la Banque Mondiale de 1968 à 1981, déclarait : « la préoccupation principale des pays en développement est le poids écrasant de leur dette extérieure qui s'élève déjà à 55 Mds $ US et qui augmente de 15 % par an ». La dette du tiers monde représentait encore en 2004, 2600 Mds $ US selon la Banque Mondiale.

Les prêts accordés étaient pour l'essentiel à taux d'intérêt variable, instrument redoutable en cas de tension sur les taux d'intérêts comme cela fut le cas lors du durcissement de la politique monétaire américaine des années 1980. Ces prêts à taux variable ont essentiellement concerné les pays de l'Amérique latine.

Pour l'essentiel, l'endettement des pays en développement est donc concentré en valeur absolue sur des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure (590 à 2900 $ US par an et par personne selon la Banque Mondiale). Ces pays se sont endettés dans les années 1970 et 1980 auprès du système bancaire international.

En termes de distribution géographique, l'endettement est particulièrement important en volume dans les pays d'Amérique latine. La part de cette région dans le total de la dette a eu toutefois tendance à diminuer passant de 48 % en 1980 à 38 % en 2000. Ceci reflète le caractère extrêmement marqué de la crise de la dette dans cette région, qui a conduit les créditeurs, notamment bancaires, à réduire leurs nouveaux crédits. La dette de la région de l'Asie de l'Est passait de 17 % en 1980 à 31 % en 2000 de la dette totale des pays en développement. Replacé dans une perspective historique, il s'agissait d'un phénomène nouveau car, avant la seconde guerre mondiale, l'endettement extérieur était vis-à-vis d'agents privés, mais sous forme d'obligations détenues par un grand nombre de porteurs, plutôt que sous forme de prêts bancaires. De façon diverse, l'endettement extérieur est un phénomène qui affecte la quasi-totalité des PED.

Tableau n° 3 : Répartition géographique de l'endettement en 2004

En Mds $

Stock

Service

Amérique latine

770

121

Afrique Subsaharienne

220

15

Moyen-Orient et Afrique du Nord

160

23

Asie du Sud

180

16

Asie de l'Est

540

83

Ex-bloc soviétique

730

116

Total

2600

374

Source : Banque Mondiale.

En comparant le montant de la dette rapporté au PIB des différentes régions, c'est le continent africain qui apparaît, de loin, le plus endetté : la dette de l'Afrique subsaharienne dépassait déjà son PIB en 1987 soit 100,1 %.

L'endettement des pays en développement revêt de caractéristiques diverses. Classiquement, la Banque Mondiale répertorie ces pays en fonction de leur degré d'endettement grâce à trois critères :

- Le stock de dettes en pourcentage du PIB;

- Le service de la dette en pourcentage des exportations des biens et services ;

- Le remboursement des seuls intérêts, en pourcentage  des exportations des biens et services.

Cette institution distingue les pays fortement endettés (respectivement pour chacun des trois ratios, plus de 50 %, plus de 30 %, plus de 20 %), les pays moyennement endettés et les pays faiblement endettés (moins de 30 %, moins de 18 %, moins de 12 %).

La dette des pays les plus pauvres (revenu par tête inférieur à 546 $ US de 1988) est relativement faible par rapport à celle des pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure (revenu par tête compris ente 2200 et 6000 $ US de 1988 dont la classification des huit les plus endettés, est établie par le PNUD.

Figure 1 : Les Pays en développement les plus endettés en 2003.

Source : PNUD, Rapport mondial sur le développement humain, 2003.

Les pays les plus endettés en valeur absolue (Brésil, Chine, Russie etc.), comparativement à leur production annuelle, ne sont pas ceux dont le taux d'endettement brut est le plus grand. En revanche, plusieurs pays, dont l'endettement est en valeur brute relativement faible, apparaissent surendettés au regard de leur production annuelle. Parmi ces derniers, l'Angola, le Mozambique, le Soudan, l'Indonésie ou la Guinée Bissau ont une dette représentant, pour certains d'entre eux, près de trois fois leur PIB. On retrouve de nombreux pays d'Afrique sub-saharienne dans ce groupe de petits pays, pour lesquels la dette représente une charge très lourde, mais dont on parle moins dans la mesure où leur dette brute, plus faible, est moins susceptible de mettre en danger le système financier international.

Après la crise de la dette déclenchée en Amérique latine au début de l'année 1982, les emprunts auprès du système bancaire traditionnel ont été peu à peu remplacés par les recours à des prêts publics (bilatéraux ou multilatéraux).

1- L'échéance

Le délai de remboursement en matière de dette publique, diffère selon le type de créancier. Les dettes contractées auprès des institutions multilatérales ou auprès d'autres Etats, ont des délais de remboursement relativement longs et comportent des périodes de grâce largement avantageuses et des raccourcissements des échéanciers. Ainsi, la maturité des crédits accordés par des créanciers publics aux pays en développement, est environ le double de celle des crédits bancaires privés (en moyenne environ vingt ans au lieu de dix ans). Les pays africains à faible revenu constituent de ce point de vue une exception notable. La maturité de leurs dettes dépasse cette moyenne, allant parfois jusqu'à trente ans.

La dette de long terme représente ainsi l'essentiel de l'encours de la dette des pays pauvres notamment ceux de l'UEMOA, laissant par conséquent une place très faible à l'endettement de court terme c'est-à-dire de moins d'un an.

Tableau n° 4 : Dette de court terme/encours de la dette (en %) des pays de l'Union

BENIN

1970

1980

1990

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2,1

17,3

4,3

8,4

5,2

7,2

4,1

4,7

4,0

1,6

BURKINA

0

10,6

10,1

4,9

4,0

6,4

5,8

4,1

3,3

3,7

C. I.

28,6

14,2

20,8

17,0

10,6

9,5

8,6

10,1

7,9

7,5

GUIN. B

-

3,6

8,2

7,7

7,9

8,8

8,0

2,7

2,0

1,6

MALI

1,1

3,3

2,5

8,7

5,8

5,9

4,5

3,5

5,3

1,6

NIGER

0

18,5

8,9

5,9

3,9

4,7

5,0

2,4

1,9

1,9

SENEGAL

0

14,9

11,3

5,6

6,7

7,8

4,1

5,5

7,1

3,5

TOGO

0,1

10,7

8,8

3,3

3,5

10,1

9,3

10,4

12,5

10,3

Source : FMI, Global Development Finance, 2004

Il apparaît clairement dans ce tableau que la dette de court terme ne représente qu'une part relativement faible dans le stock de la dette des pays de l'Union.

2- Les prêts concessionnels

Un prêt concessionnel, est un prêt dont le taux d'intérêt est inférieur à celui du marché. Ainsi, les emprunts accordés aux pays en développement, sont généralement caractérisés par de bas taux d'intérêt et de longue échéance, ce qui devraient permettre d'avoir un service de la dette assez réduit en valeur absolue Sur recommandation du FMI, notamment dans le cadre des programmes d'ajustement structurel, les pays pauvres recourent le plus souvent aux financements officiels (dons, prêts à taux bonifiés). L'accès aux prêts bancaires privés et aux marchés internationaux des capitaux demeurant ouvert aux pays dont leur endettement est jugé soutenable.

Depuis des décennies, les prêts concessionnels constituent un élément non négligeable de l'aide internationale aux pays en développement, qui, souvent, pour les plus pauvres, est accordée à un taux d'intérêt égal ou inférieur à 1 % sur plus de 30 ans.

Tableau n° 5 : Prêts concessionnels en % de l'encours total de la dette des pays de l'UEMOA

Pays

1970

1980

1990

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

BENIN

70,3

39,2

78,1

77,7

80,7

80,6

84,3

84,9

86,2

90,1

BURKINA

84,3

67,0

71,6

83,4

83,9

82,8

83,0

84,3

85,5

86,9

C. I.

32,5

5,9

17,9

28,9

33,3

33,5

34,0

33,4

38,4

40,9

GUIN. B

-

62,0

56,7

72,2

72,3

71,6

75,4

85,1

86,8

89,5

MALI

93,0

84,4

91,1

83,6

82,8

82,7

84,1

85,1

87,7

91,9

NIGER

91,6

17,9

48,3

67,0

70,1

72,6

72,4

77,1

80,1

78,6

SENEGAL

59,8

27,1

52,7

66,1

71,4

71,5

75,6

75,0

75,5

79,8

TOGO

78,9

28,3

55,1

71,4

71,4

68,7

70,2

70,2

68,7

70,4

Sources : Rapport sur la dette, Etude de la BCEAO, 2003.

A partir de la fin des années 80, les pays créanciers se sont concertés pour assouplir progressivement les conditions de remboursement offertes aux pays pauvres en proie à des difficultés de paiement de leur dette.

La logique de l'allégement de la dette des pays les plus pauvres, Etude thématique du FMI, septembre 2002.

Bien que cet assouplissement ait été conditionné à l'application des politiques visant à stimuler leur croissance, il a abouti à des réaménagements de dettes qui se succéderont jusqu'à l'actuel programme de réduction de la dette des pays dits pauvres et très endettés.

3- Une exclusion de fait des pays pauvres du marché international des capitaux

A la suite des crises répétées de la dette et de la difficile négociation d'accord de prêt, les pays pauvres recourent plus aux financements officiels (dons, prêts à taux bonifiés d'organisations internationales...) contrairement aux pays à revenu intermédiaire et les pays industrialisés qui ont accès aux prêts bancaires privés et, parfois, aux marchés internationaux de capitaux.

La Banque Mondiale, contrairement au FMI, se finance sur le marché financier pour ensuite prêter aux pays incapables d'en obtenir directement par le marché. En effet, pour les pays les plus pauvres, les recours à l'endettement sur les marchés internationaux de capitaux a été réduit pendant les années 1970 du fait de la réticence des banques à prêter à des pays jugés peu solvables. Ils ne sont donc plus dans la capacité d'obtenir des fonds privés comme c'est le cas des autres pays en développement notamment émergents. Ces réticences des banques se manifestent par la prise en compte du risque de solvabilité qui pourrait induire des défauts de paiement.

L'analyse de la notion de risque-pays a fait l'objet d'une prise en compte progressive de plusieurs facteurs. Historiquement, sa naissance se situe dans les années 1950 avec notamment la nationalisation par Nasser du Canal de Suez en 1956 en Egypte. Au cours des années 1960-70, le risque-pays s'est identifié au « risque politique » et a concerné essentiellement les nationalisations intervenues dans l'industrie pétrolière, au Moyen-Orient ou en Algérie (expropriation d'Elf, par exemple). Ensuite, les années 80 l'ont confondu avec le «risque souverain», à savoir la possibilité que des Etats emprunteurs tels que le Brésil ou l'Argentine soient en défaut sur le paiement de leur dette externe. Dans les années 90, il s'est transformé en «crise des pays émergents» (crise mexicaine de 1994, crise asiatique en 1997, crise russe en 1998), sans oublier les retombées des conflits armés, toujours plus nombreux (Koweït, guerres civiles africaines, Kosovo, etc.).

De nombreux essais de définition ont été proposés. Pour sa part, Bernard Marois retient celle ci : «Le risque-pays peut être défini comme le risque de matérialisation d'un sinistre, résultant du contexte économique et politique d'un Etat étranger, dans lequel une entreprise effectue une partie de ses activités» . Le «sinistre» peut, selon cet auteur, être causé par l'immobilisation d'actifs, pour une entreprise multinationale (par exemple, la confiscation de biens détenus à l'étranger) ; une répudiation de dettes par un Etat souverain, pour une banque ; la perte d'un marché commercial, pour une entreprise exportatrice ; une atteinte à la sécurité des personnes (rapt d'un expatrié).

De ce fait, le risque-pays peut englober deux composantes principales : une composante «risque politique», résultant soit d'actes ou de mesures prises par les autorités publiques locales ou du pays d'origine, soit d'événements internes (émeutes) ou externes (guerre) ; une composante «risque économique et financier», qui recouvre aussi bien une dépréciation monétaire qu'une absence de devises se traduisant, par exemple, par un défaut de paiement.

De plus en plus, ces deux sources de risque sont interdépendantes, ainsi que l'ont montré les crises asiatique et russe.

Compte tenu de la croissance du commerce mondial et des investissements internationaux, les enjeux liés à l'appréciation du risque-pays tendent à prendre une place primordiale dans les préoccupations des banques, des entreprises et des institutions financières. Cette préoccupation fait l'objet des évaluations dans les agences de notation (Standard & Poor, Mc Donough, Credit Risk International, etc.).

Les méthodes d'évaluation diffèrent d'une agence à une autre aussi bien que les facteurs pris en compte. Le tableau ci-dessous présente les indicateurs pris en compte par l'agence Credit Risk International pour la notation du risque de défaut de paiement appelé aussi risque financier ou risque pays, au moyen des quatre facteurs suivants : Risque de défaut souverain sur la dette publique : (1) Poids de la dette publique par rapport au PIB et aux exportations ; (2) ratio du service de la dette sur les exportations de biens et services ; (3) structure et soutenabilité de l'échéancier de la dette dans les deux prochaines années ; (4) Situation des rééchelonnements en Club de Paris et prise en compte de l'initiative de réduction du stock de la dette des Pays pauvres très endettés (PPTE). 

Cette notation s'appuie sur une base de données regroupant, depuis 1981, de plus d'une centaine de critères sur 110 pays dont les calculs sont basés sur des estimations statistiques de paramètres. 

Les notes sont exprimées de 1 (risque dangereux) à 7 (risque excellent), en passant par 2 (risque très élevé), 3 (risque élevé), 4 (risque assez élevé), 5 (risque modéré) et 6 (risque faible).

Marois Bernard., Le risque pays, Que Sais-Je, PUF, 1990.

Tableau n° 6 : Risque financier des pays de l'UEMOA publié auprès de l'agence Investir en Zone Franc (IZF) en 2005.

PAYS

Quatre facteurs de risque financier

Note finale
de risques financiers

Risque de défaut de la dette publique

Équilibres budgétaire et des paiements

Risque inconvertibilité et dévaluation

Santé du système bancaire

Pondération

30%

30%

20%

20%

(en 7 classes de risque)

Benin

3.6

3.3

5.9

4.3

5 (risque modéré)

Burkina Faso

2.1

2.6

5.7

4.1

4 (risque assez élevé)

Côte d'Ivoire

1.9

2.0

5.3

3.7

2 (risque très élevé)

Guinée Bissau

1.3

1.8

5.6

2.8

2 (risque très élevé)

Mali

2.9

3.0

5.7

3.2

3 (risque élevé)

Niger

2.7

2.9

5.6

3.3

3 (risque élevé)

Sénégal

3.7

3.6

5.6

3.9

5 (risque modéré)

Togo

2.8

3.1

5.7

2.9

3 (risque élevé)

Source : CREDIT RISK INTERNATIONAL, 2005

Remarque : Les risques financiers notés ici le sont par rapport à des données objectives d'endettement et autres ratios de liquidité/solvabilité. Il s'agit donc de la capacité à payer. La volonté de l'Etat débiteur d'honorer sa signature et ses engagements financiers n'est pas été notée en tant que telle.

Devant la situation explosive de l'endettement des pays pauvres, dans un premier temps les apparences sont maintenues au travers du report des échéances. Après que ces rééchelonnements se sont montrés insatisfaisants, les mesures particulières ont été progressivement adoptées.

4- Les réaménagements de dette

Les pays pauvres diffèrent, à bien des égards, des autres pays en développement. Ils diffèrent par leur structure économique, mais aussi par les financements extérieurs spécifiques auxquels ils ont seul accès, et par des modalités particulières de traitement de leurs dettes.

Exclu des marchés internationaux des capitaux, ces pays n'ont pas à craindre les vastes mouvements de flux et de reflux qui caractérisent les crises financières classiques. Dépendants de l'aide au développement, ils reçoivent des dons ou des prêts à condition très favorable (taux inférieur à celui du marché, période de grâce et de maturité relativement longue). Ces flux ne s'inscrivent pas toujours dans une logique financière, des considérations humanitaires, politiques, commerciales ou même géostratégiques s'interpénètrent étroitement.

Le retournement de la conjoncture à la fin des années 1970 entrainant une dégradation brutale des recettes d'exportations et un tarissement des sources extérieures de financement, précipite l'apparition des difficultés de paiement. Le remboursement de la dette devient le premier problème à régler, pour la plupart des pays en difficulté, le retrait des banques privées rend de plus en plus nécessaire un recours à l'aide du FMI pour négocier des réaménagements de dettes. Ces réaménagements prennent le plus souvent la forme d'un accord multilatéral notamment avec la mise en place d'instances comme le Club de Paris pour les emprunts bilatéraux et le Club de Londres négociant le retraitement pour les créanciers privés essentiellement bancaires, et l'intervention de partenaires financiers, comme la Banque Mondiale et le FMI dont les créances ne sont pas en principe négociables en raison de leurs statuts de créancier privilégié, conféré par l'accord de Bretton Woods.

La restructuration au sein du Club de Londres est organisée par un comité bancaire chargé de négocier avec le pays débiteur et de faire accepter l'accord à l'ensemble des banques impliquées. Un comité économique est chargé, quant à lui d'évaluer les besoins de financement du pays.

Les techniques de gestion de la dette privée se composent essentiellement pour les pays pauvres du rachat avec décote et des restructurations financées par des facilités accordées par les bailleurs de fonds ou les Etats.

En revanche, les techniques de retraitement de la dette bilatérale au Club de Paris, sont mieux rodées et mieux connues. Le retraitement de la dette bilatérale, bénéficie ainsi d'un cadre quasi institutionnel et multilatéral, qui a une longue expérience en la matière. Le Club s'est réuni pour la première fois en 1956 pour coordonner l'action financière des pays créanciers de l'Argentine qui demandait un rééchelonnement de sa dette. Le club de Paris disposant d'un secrétariat permanent auprès de la Direction du Trésor français, ne traite en principe que le principal et non les intérêts des dettes bilatérales et celles garanties par les agences officielles. Le réaménagement est régit principalement par deux principes : le pays débiteur doit être en situation de « défaut de payement imminent » et avoir conclu avec le FMI un accord sur le programme d'ajustement économique qui comporte deux composantes :

- un programme de stabilisation qui doit être appliqué en premier, a pour objectif d'ajuster les ressources intérieures au niveau réduit de ressources extérieures. Il s'agit donc de prendre des mesures qui visent, à court terme, à rétablir les grands équilibres financiers.

- et un programme d'ajustement structurel qui doit permettre à long terme de rendre la dette soutenable.

5- Cas particulier des Pays de l'UEMOA

La dette de l'Afrique subsaharienne représente en valeur absolue seulement 10% de l'endettement de l'ensemble PED. Cependant, le ratio de la dette sur le PIB est le plus élevé au monde car fréquemment supérieur à 100%.

Au sein de l'ensemble des pays en développement, un groupe de pays présente une crise de grande ampleur, bien que de forme différente et d'enjeux moindre, en terme quantitatif (231 milliards de dollar US déjà en 2000 selon la Banque Mondiale), pour les créanciers, ce sont les pays à faible revenu d'Afrique dans lequel se trouvent les huit pays de la zone UEMOA. La dette de ces pays dépasse en moyenne 100 % de leur PIB. Leur crise de l'endettement est encore bien plus profonde que le groupe des pays émergents fortement endettés. Bien que plus de la moitié de la dette de ces pays ait été contractée sous forme concessionnelle, elle pose problème et apparaît comme un fardeau faisant obstacle au développement.

En effet, depuis l'accession à l'indépendance de ces pays, les recettes publiques n'ont jamais permis de couvrir l'intégralité des charges des Etats naissants, ce qui avait par ailleurs sa justification pour le financement des infrastructures nécessaires pour leur développement, mais conduira à des déficits chroniques dont l'ampleur varie en fonction de l'évolution des cours mondiaux largement volatiles des principales matières premières exportées (Café, Cacao, Cotton, Or et Arachide) et de la pluviométrie, l'agriculture, principale activité, en étant fortement dépendante.

Ainsi, l'appel à l'emprunt extérieur en raison de l'absence de l'épargne intérieure disponible, du moins non bancarisée, a été systématique, les autres instruments de financement du besoin financier public traditionnel étant hors de porté pour plusieurs raisons :

- L'instrument monétaire :

Le financement monétaire que constitue les avances du système monétaire est difficilement mobilisable en raison notamment des accords monétaires liant les pays de la zone Franc à la France, aux termes desquels, cette dernière garanti le maintient de la parité entre le Franc CFA et le Franc Français, un engagement demeurant garanti dans le cadre de la monnaie unique européenne.

En contrepartie de cette garantie qui met les pays concernés à l'abris de risque de change du moins directement, le Trésor français exerce un contrôle plus rigoureux par le biais d'un mécanisme de dépôt de 65% des réserves de change de la zone dans un compte d'opération ouvert auprès de la Banque de France et par les dispositions organisant la composition du conseil d'administration des Banques centrales des Etats de la zone Franc. Le statut de la BCEAO exige aux termes de l'article 51, l'unanimité pour ce qui concerne les décisions importantes. Sachant que le conseil d'administration est composé de deux administrateurs par pays membre et deux Français (article 49), l'instrument monétaire est donc difficilement utilisable en l'absence de consensus.

- L'instrument fiscal :

Les recettes fiscales sont essentiellement douanières, la fiscalité directe frappe les rares sociétés déclarées et la rémunération des fonctionnaires et toute augmentation de taux peut paraître dissuasive. La très forte propension de l'économie informelle et l'inefficacité de l'organisation du système fiscal, rend rigide cet instrument pourtant indispensable.

Au regard de ces facteurs, l'endettement international apparaissait donc nécessaire et coïncidait avec un environnement financier favorable aux prêts notamment des taux d'intérêt relativement bas suite au ralentissement de la croissance dans les pays industrialisés et l'afflux des pétrodollars dans les banques occidentales.

Les organisations financières internationales ont acquis un rôle particulièrement important dans la gestion de la dette des pays les plus pauvres. Cela tient tout d'abord au fait qu'ils disposent d'une grande part des créances. Mais aussi surtout à leur pouvoir (tout au moins pour la Banque Mondiale et le FMI), qui les place dans une position différente que celle des autres bailleurs officiels. Ces deux institutions ont en effet réussi à imposer aux autres créanciers mais aussi aux débiteurs un statut de créancier prioritaire qui interdit en principe jusqu'à une date récente, de négocier tout réaménagement de dette avec un débiteur en difficulté. Ce statut particulier notamment pour le FMI s'expliquait par son rôle de prêteur en dernier ressort.

Chapitre III : Origines et Crises de l'endettement

L'endettement n'est pas un phénomène nouveau. Au cours du XIXème siècle, des capitaux quittent l'Europe occidentale vers des pays comme les Etats-Unis, le Canada ou des empires coloniaux. Les divergences entre les obligations de remboursement des pays débiteurs et leurs possibilités d'y faire face ont aussi marqué l'histoire du monde moderne. Une première vague de crise de l'endettement international des pays en développement apparaît dans les années 1820, une période durant laquelle, la plupart des nations nouvellement indépendantes d'Amérique latine, se sont largement endettées. Cet endettement avait pris surtout la forme d'émission d'emprunts publics obligataires. Pendant la période de retournement de la conjoncture, de nombreux défauts de paiement sont apparus, aussi bien dans plusieurs Etats du Sud des Etats-Unis. Ces défauts de paiement n'ont pourtant pas empêché l'apparition de nouvelles périodes d'endettement extérieur des pays en développement et de nouvelles crises financières comme celles des années 1850, du début des années 1870, celle de la fin des années 1880, marqué par la crise financière de l'Argentine. En effet, à la suite de l'expansion économique des années 1880, l'Argentine avait connu un afflux de capitaux extérieurs et un accroissement de la charge de sa dette. Dès 1890 une crise de confiance apparaît et se traduit par la disparition progressive des apports de capitaux extérieurs et engendre en conséquence des répercussions sur l'ensemble du système financier mondial, par l'intermédiaire de la faillite de certaines grandes banques créancières. En cette même année la charge de sa dette représentait 40% de ses recettes d'exportation et dès 1891, le gouvernement argentin est en cessation de paiement et répudie le service de sa dette. Mais comme le dit David Hume : après les crises de dette, les crédits apparaissent encore florissants. Les années 1910, ont été aussi marquées par d'importants défauts de paiement dont les principaux seront dus à l'effondrement de l'empire ottoman et à la révolution mexicaine.

David Hume (économiste et moraliste écossais du XVIIIe siècle) disait à ce propos que « la plupart des êtres humains sont de telles dupes que même si une banqueroute volontaire (...) assenait un coup violent au crédit, il ne faudrait probablement pas longtemps pour voir le crédit renaître aussi florissant qu'auparavant ».

En 1917, à l'arrivée des bolchevicks au pouvoir, le nouveau gouvernement répudie une grande partie de la dette extérieure de la Russie, une répudiation s'inspirant plus à une orientation idéologique que de difficultés économiques. Cette crise de la dette russe semble ne pas correspondre à une crise financière typique des pays en développement.

La crise des années 1930 :

La crise des années 30 est considérée par les historiens comme la plus importante crise d'endettement de la période contemporaine. Sa caractéristique principale, est que la plupart des pays débiteur - tous les pays d'Amérique latine, la plupart des pays d'Europe orientale, la Turquie et la Chine- ont été simultanément en défaut de paiement.

Son origine réside dans la crise économique qui a débuté aux Etats-Unis en 1929. La crise de 1929 a en effet provoqué en premier lieu une chute des recettes d'exportation des pays endettés, en raison de la récession dans les pays industrialisés, de la montée du protectionnisme et de l'effondrement des prix des matières premières. La crise a aussi provoqué une hausse des taux d'intérêts réels. La grande différence de la crise des années 30 et les suivantes, c'est que les porteurs d'obligations disposaient de peu de moyens de pression sur leurs débiteurs. En général les détenteurs d'obligation étaient nombreux et dispersés et avaient à négocier avec le débiteur défaillant par l'intermédiaire de comité indépendant (la British Corporation of Foreign Bondholders en Grande Bretagne, le Foreign Bondholders Protective Concil aux Etats-Unis).

La crise économique de 1929 durera plusieurs années, le chômage et la chute de la production atteindront des niveaux catastrophiques et dans de nombreux pays, la situation politique devient instable, aboutissant en fin de compte à la seconde guerre mondiale. A la sortie de cette guerre, les mouvements internationaux de capitaux sont devenus extrêmement rares et la plus grande opération d'endettement d'envergure fut le plan Marshall pour la reconstruction d'après guerre en Europe occidentale.

Avec la fin de la guerre et les mouvements d'indépendance des colonies qui ont suivis, l'endettement va concerner des pays autrefois absents en tant que pays souverain dans les mouvements de capitaux, il s'agit des pays en développement, qui empruntèrent massivement pour combler leur retard de développement.

I. Aux sources de la dette actuelle des pays en développement

La genèse de la dette actuelle est beaucoup plus liée à la définition donnée au phénomène du sous-développement à la fin des années 1950.

Ces explications considéraient de manière presque unanime que la pauvreté des pays du

Tiers Monde avait deux causes essentielles : le manque de moyens financiers et de technologies. On retrouve là aussi l'explication donnée notamment par R. Nurske avec sa théorie des « cercles vicieux » du sous-développement. En effet, selon cette conception les pays du Tiers Monde ne manquent ni de main-d'oeuvre, ni de matières premières et pour pouvoir accroître la productivité de la première et mieux valoriser les secondes, on considérait alors qu'il fallait de l'argent et des machines.

En 1961, l'ONU vota une résolution intitulée Première décennie du développement, fixant un certain nombre d'objectifs en termes de croissance : 5 % pour les pays du Tiers Monde.

Les pays développés devaient sous forme d'aides et de prêts, transférer 1 % de leur PIB vers les pays du Tiers Monde (dans la même période, les Etats-Unis transférèrent 4,5 % de leur PIB pendant le Plan Marshall). La dette des pays du Tiers Monde qui représentait alors 7,6 milliards de dollars US en 1960 monte en 1970 à 66 milliards de dollars US. Cette somme représentait alors 14 % de leur PNB en moyenne et un peu plus de 100 % de leurs exportations annuelles. Cet endettement était jugé raisonnable car le service de la dette représentait environ 15 % des leurs exportations.

Pour ce qui concerne les objectifs de croissance, les résultats ont été inégaux. Les 5 % sont atteints, mais la croissance est déséquilibrée. C'est avant tout l'industrie et les mines qui en ont profité, alors que l'agriculture principalement vivrière diminue.

Les exportations des pays industriels d'alors vers ceux en développement doublent.

Jugés satisfaisants, ces résultats entraînent dans la foulée de la première décennie du développement, une deuxième décennie couvrant la période allant de 1970 à 1980. Ayant pour principal cible l'indicateur PNB, la plupart des gouvernements des pays industrialisés comme ceux des pays en développement, maintiennent une stratégie identique en misant à nouveau sur des objectifs de croissance : 8 % pour l'industrie et 4 % pour l'agriculture.

A la fin de la deuxième décennie, la dette atteint 650 milliards de dollars US, mais de bons taux de croissance dans plusieurs pays maintiennent l'impression que la voie adoptée était la bonne. De plus, la dette, inflation aidant, ne représentait encore que 20 % du PNB. Mais, pour les plus endettés, la dette représentait alors environ 160 % de leurs exportations annuelles.

La deuxième décennie a été marquée par une rupture importante avec le choc pétrolier de 1973. Alors que les pays industrialisés connaissent une récession à partir de 1974, seuls les pays en développement semblent susceptibles de faire un bon usage des

"Pétrodollars", placés dans le système financier international. Malgré le choc pétrolier, l'endettement dans pays en développement continuait à croître. De plus, ces pays semblent d'autant plus solvables que le monde entier est sous le choc des prévisions alarmistes données par le Club de Rome en 1972 concernant les pénuries prévisibles pour la plupart des matières premières minérales. Or, le Tiers Monde est avant tout fournisseur de matières premières.

Vient alors la troisième décennie du développement, devant couvrir la période 1980-90. Les rapports entre les pays riches et les plus pauvres se sont tendus. Ces derniers, réunis pour partie dans « le groupe de 77 », plaident pour une plus grande ouverture des marchés mondiaux à leurs produits. Une convention est signée début 1981 (Convention de Lomé I).

La crise économique rencontrée à partir de 1974 dans les pays industrialisés, n'a pas tardé à se faire sentir dans les pays en développement, essentiellement exportateurs des matières premières.

Origines de la crise de l'endettement

Après plusieurs années consécutives de hausse, le cours des matières premières (hors énergie) s'inscrit à la baisse dès la fin des années 1970. Les pays en développement ont été brutalement confrontés à une dégradation de leurs recettes d'exportation mais aussi à un tarissement des sources extérieures de financement à la fin des années 1970.

1- Le retournement à la baisse des prix des matières premières :

La baisse des prix des matières premières intervenue la première, puis du cours des produits pétroliers, vont se traduire par une détérioration des recettes d'exportation de la plupart des pays en développement. Mais c'est surtout la récession consécutive au deuxième choc pétrolier dans les pays industrialisés qui va être capital en tant que précurseur des difficultés financières des pays en développement. Dans ces pays fortement demandeurs de matière première, la croissance ralenti, ce qui a eu pour conséquence une baisse de la demande de matière première, qui par le simple du mécanisme du marché, les prix de cette dernière chute.

Ainsi dans la seule année 1980, le cours du cuivre (essentiel pour la Bolivie et le Chili) chute de 27 %, celui de l'étain de 24 %. L'indice des prix à l'exportation des produits primaires (combustibles exclus) établi par la CNUCED baisse de près de 30 % entre 1980 et 82.

Les prix de nombreux produits primaires vont tomber, au cours des années 1980, au niveau le plus bas depuis la seconde guerre mondiale. En revanche, les prix des produits des pays industriels ayant augmenté de 17 % tandis que ceux des produits de base après avoir augmenté de 12 % par an entre 1970 et 1980, chutaient de 26 % en moyenne, il en a résulté une détérioration des termes de l'échange et ainsi qu'une diminution de la capacité d'importation des pays en développement.

Les pays ont en partie compensé la dégradation de leurs termes de l'échange par un recours accru à l'emprunt.

2- Un contexte financier plus défavorable aux pays en développement :

Le coût de l'endettement a aussi brusquement monté à la suite d'un retournement de la politique monétaire des Etats-Unis.

En effet, sous l'influence de Paul VOLCKER, président du Federal Reserve, influencé lui-même par les principes de la théorie monétariste, la politique monétaire américaine devient plus restrictive à partir de 1979. Le taux du marché monétaire passe de 7,93 % en 1978 à 18,38 % en 1981. Les taux d'intérêt réels pendant les années 1980 sont près de six fois supérieures à ceux de la période 1974-79.

Tableau n° 7 : Evolution du taux d'intérêt nord américain durant la période de l'endettement massif.

Année

Taux nominal

Taux réel (inflation déduite)

1970

7,9 %

2,0 %

1975

7 ,9 %

- 1,3 %

1979

12,7 %

1,4 %

1980

15,3 %

1,8 %

1981

18,9 %

8,6 %

Source : données publiées par le CADTM (Comité d'Annulation de la Dette du Tiers Monde) en 2005.

De plus, les capitaux affluent aux Etats-Unis, provoquant ainsi une hausse du dollar qui augmente le coût des emprunts libellés en dollars. Comme dans les années 1975-80, de nombreux pays ont cherché à mener une politique de relance économique, l'endettement était le moyen de compenser l'évolution défavorable du cours des matières premières, pour financer les dépenses publiques. Mais les effets de la relance se heurtent à la récession mondiale et à la montée du protectionnisme des pays industriels freinant les exportations des pays en développement. La dette ayant été alourdie par la hausse des taux d'intérêts et de l'appréciation du dollar, les pays en développement vont chercher à emprunter pour faire face à une charge de remboursement croissante. La crise des payements se profile à l'horizon et les banques deviennent de plus en plus réticentes à prêter. Ce revirement des banques s'est accentué par la disparition de leur surliquidité.

La conjonction de cet ensemble de facteurs va provoquer une contraction des crédits accordés aux pays en développement. Les crises de paiements se précipitent, elle éclate en premier pendant l'été 1982 au Mexique : la crise mexicaine.

En effet, en 1982, le Mexique dont la dette représentait 85 milliards de dollars US annonce qu'il est dans l'incapacité de faire face à ses échéances. Le service de sa dette représente, en effet, plus de 100 % de ses recettes d'exportation, les intérêts à eux seuls représentent plus de la moitié de ses exportations. Le Mexique décrète un moratoire sur le service de sa dette. Cette crise mexicaine révèle la fragilité des pays en développement.

Le Mexique sera suivi par d'autres pays. Certains brandiront l'arrêt des remboursements comme une menace, d'autres fixeront des limites à leurs remboursements, calculées par rapport à leurs recettes d'exportation .

Un certain nombre de solutions de réaménagement ont été mises en place pour éviter la faillite du système bancaire, mais la dette ne baisse pas. En 1985, elle dépasse les

1000 milliards de dollars, pour approcher les 2100 milliards à la fin de l'année 2000.

La seconde crise mexicaine de janvier 1995 et ainsi que les crises plus récentes des pays asiatiques (1997), du Brésil (1999) et de l'Argentine (2001) sont beaucoup liées à la volatilité des capitaux. Elles résultent pour l'essentiel de la libre circulation des capitaux dont le FMI en fut le grand défenseur en adoptant des mesures en vue de l'instauration de la convertibilité du compte de capital².

En 1985, le Pérou annonce qu'il ne consacrerait que 10 % de ses recettes à l'exportation au service de la dette.

² « Le mythe du laisser-faire financier », Jagdish BHAGWATI, article paru dans la revue Foreign Affairs de mai-juin 1998.

Ces crises ont rappelé la problématique de la dette aussi pour cette catégorie de pays à revenus intermédiaires, même si ses caractéristiques diffèrent de celles que rencontrent les pays pauvres, notamment pour ce qui concerne la maturité des crédits dont les emprunts de court terme étaient fortement prédominants.

En effet durant la décennie 1990, le contexte change. Les autorités monétaires américaines reviennent à une politique monétaire plus stricte, les dollars deviennent plus rares et, fort logiquement, les taux d'intérêt s'élèvent. Autre changement, l'inflation, très élevée à la fin des

années 1970, ralentit fortement et les crédits deviennent de fait de plus en plus coûteux en termes réels pour les débiteurs  (Tableau n°4). Pire, la désinflation étant en partie obtenue par la baisse des cours des matières premières, les recettes à l'exportation des pays du Tiers Monde s'en ressentent. Elles baissent alors que leur dette, elle, s'alourdit. Ils deviennent de moins en moins solvables. A l'évidence, ces retournements de conjoncture n'expliquent pas à eux seuls le problème de la dette, l'usage fait de celle-ci explique en partie.

3- Une utilisation inefficace des ressources de la dette :

L'endettement pour financer l'investissement et la croissance n'est pas économiquement condamnable par principe : en théorie la croissance qui en résulte peut permettre d'obtenir les devises nécessaires au remboursement des sommes empruntées. L'exemple le plus pertinent en la matière est le plan Marshall et la reconstruction japonaise de l'après guerre.

En règle générale, tout dépend de la productivité du financement extérieur. Il est nécessaire que la dette serve à l'investissement productif. Parfois, même lorsque l'endettement externe a été utilisé dans un but productif, les erreurs d'appréciation sur la finalité et la rentabilité de grands projets structurants ont été nombreuses dans les pays en développement. Certaines installations énergétiques, sidérurgiques, aéroportuaires etc. se sont traduites par une surcapacité par rapport à la demande réelle ou potentielle, et finalement par un gaspillage des ressources, comme ce fut le cas de la politique d'industrie lourde en Algérie après l'indépendance.

Les coûts financiers et les délais de mise en fonctionnement ont été la plupart du temps sous-estimés. Ainsi, une fraction considérable des emprunts extérieurs a été gaspillée dans des projets inadaptés et n'a pu servir à renforcer à long terme les capacités de production, ou de mobilisation des devises nécessaires au remboursement des dettes contractées. Les aléas atmosphériques, les guerres civiles interminables, les politiques économiques faibles et la mauvaise gestion des affaires publiques sont autant de facteurs qui ont également joué un rôle dans l'explosion de l'endettement.

En somme, les événements mondiaux des années 1970 et 1980, en particulier les chocs pétroliers, les taux d'intérêt élevés et les récessions dans les pays industrialisés, et la faiblesse des prix des produits de base ont fortement contribué à l'endettement des pays pauvres avant de les précipiter dans une profonde crise de la dette et dont le traitement continu d'animer les relations économiques internationales dans leur ensemble.

II. Traitements de la crise de la dette

La dette devenue le premier problème des pays en développement, grevant les budgets publics des rares ressources disponibles. Par ailleurs, le remboursement qui exige un effort considérable d'exportation au regard du statut externe de la dette, dans un contexte de retournement des conjonctures ayant soutenu l'endettement, précipite les pays endettés dans les difficultés économiques.

A partir de 1983, la suspension des prêts bancaires est presque totale. Les transferts de capitaux vers les pays en développement deviennent négatifs c'est-à-dire que le flux de ressources des pays en développement vers les pays développés est devenu supérieur à celui provenant des pays industrialisés (notion de transfert net). Avec le tarissement des prêts, les arriérés de payement s'accumulent. Les pays de la zone UEMOA en totalité sont confrontés à des déséquilibres commerciaux et financiers croissants (la Côte d'Ivoire, principale économie de la région, a connu de déficit de la balance des paiements courants spectaculaire). Le remboursement de la dette devient le premier problème à régler, nécessitant un effort d'exportation puisque la dette est en quasi-totalité libellé en devise étrangère et notamment en dollar. Pour la plupart des pays en difficulté, le retrait des banques privées rend de plus en plus nécessaire un recours à l'aide du FMI dont l'adoption de ses programmes constitue une étape nécessaire pour obtenir des réaménagements de dettes.

Ces réaménagements prennent le plus souvent la forme d'un accord multilatéral et s'appuient sur l'adoption de la part des pays débiteurs d'une sorte de « code de bonne conduite », dans la définition duquel le FMI joue un rôle directeur.

Ce code de bonne conduite appelé « conditionnalités », conduit à la mise en place de politique de stabilisation pour finir en général par l'adoption de politique d'ajustement structurel sous l'égide du FMI et de la Banque Mondiale et qui, constitue une étape préalable et indispensable, sauf quelques exceptions près à l'accès, au rééchelonnement des deux Clubs informels de retraitement de la dette.

1- Les contraintes financières ont conduit à la crise économique :

Dans les pays en développement, le début des années 1980 correspond à un retournement de la conjoncture. Ainsi, avec une dizaine d'années de retard sur le déclenchement de la crise économique dans les pays industrialisés, les chocs externes (échanges internationaux et les mouvements de capitaux) vont faire basculer les pays de la région dans la récession. L'activité économique interne doit donc désormais s'adapter à une capacité d'importation plus réduite et à la raréfaction des capitaux étrangers. Pour l'ensemble des pays de la zone, ce marasme économique rend nécessaire le recours à l'aide du FMI. Ce dernier conditionne son intervention à l'adoption de programme d'ajustement structurel qui repose sur le dosage des éléments suivants : réduction des dépenses publiques, dévaluation de la monnaie nationale, réduction du poids du secteur public, blocage des salaires, reforme fiscale, des mesures qui ont été pleinement appliqué par l'ensemble des pays de l'UEMOA. Il réussit à s'ériger pour les pays en difficulté en une institution incontournable pour obtenir des réaménagements de dette aux deux clubs de réaménagement de dette (Club de Paris et celui de Londres) en jouant un rôle clé de coordination grâce à son appareil statistique et à son implantation sur le terrain.

- Rôles du FMI dans les négociations de réaménagement de dette :

Le Fonds joue un rôle d'information et de coordination devenu incontournable dans le cadre du réaménagement de la dette des pays en développement.

- Le rôle d'informateur :

Les clubs de Paris et de Londres sont de petites structures, seul le FMI est capable de collecter l'ensemble de l'information économique et financière relative à un pays donné. Il existe trois principaux degrés dans la recherche de cette information sur un pays membre.

Le premier degré est commun à l'ensemble des pays. L'article IV des statuts du Fonds prévoit en effet qu'il doit mener, une fois par an, une consultation auprès de chaque membre.

Au début des années 1980, la Pologne n'a signé aucun accord préalable pour obtenir le réaménagement de sa dette, ce qui tenait beaucoup plus à de considérations géostratégique propre à la guerre froide.

La mission séjourne quelques semaines sur place et rédige une étude qui est soumise au conseil d'administration du Fonds. Ces consultations servent à la rédaction du World Economic Outlook.

Le second degré est la surveillance renforcée, créée en 1985. Ce mécanisme prévoit que le pays doit établir un programme financier détaillé comprenant les objectifs macroéconomiques tels la maîtrise de l'évolution du stock de la dette, le retour à une croissance soutenue, l'équilibre de la balance des paiements, qui s'apparente au programme triennal de l'évolution des finances publiques que chaque pays membre est tenu d'adresser à la commission européenne. Il prévoit aussi que le Fonds procède à des missions régulières de surveillance en général deux fois par an.

Le troisième degré concerne l'envoi d'une mission ad hoc dans le pays débiteur pour préparer la signature d'un accord d'ajustement avec le Fonds.

- Le rôle de coordination du Fonds :

Le Fonds coordonne les négociations entre débiteurs et créanciers notamment dans le cadre des demandes de rééchelonnement de dette au sein des deux clubs. Le Fonds élabore en concertation avec le pays concerné le programme d'ajustement et négocie avec les créanciers la couverture des besoins financiers. Par ailleurs, la conclusion d'un accord avec le Fonds est préalable à l'ouverture des négociations sur le rééchelonnement de dette des deux Clubs.

2- Réaménagements de la dette :

Malgré l'ampleur de la crise de la dette, il n'y pas eu, à proprement dire, de répudiation de dette unilatérale parce qu'il s'agit de la pire solution qui aurait conduit à l'isolement des pays débiteurs. Il existe, à cet égard, quatre moyens de modifier le profil d'une dette :

- Le rééchelonnement, il consiste à étaler la période de remboursement d'un prêt sur une période plus longue que prévue initialement. Seule la durée du prêt est modifiée, ses autres caractéristiques, comme le taux d'intérêt par exemple, restent inchangées.

- Le refinancement, il s'agit de la révision, plus ou moins étendue, des conditions du contrat d'origine. Les autres paramètres du contrat ne sont pas modifiés.

Le World Economic Outlook du FMI, retrace les évolutions les plus marquantes de l'économie mondiale dans les six derniers mois.

- La conversion, la créance d'origine dans les cas précédents n'est en rien modifiée. Ici, la dette change de nature. La créance peut être convertie en actifs réels et n'être plus constitutive d'un titre financier. Ces actifs réels ne donnent plus lieu normalement à transfert de capitaux.

- Le quatrième est l'annulation des créances, une technique qui vise à diminuer le stock de la dette pour diminuer son poids (service de la dette).

Dans la pratique et dans un premier temps, les apparences sont maintenues au travers du report des échéances (rééchelonnement), puis progressivement des mesures de réduction, voire d'annulation de la dette vont s'imposer.

2.1- Le rééchelonnement de la dette :

Le rééchelonnement de la dette qui n'est autre que la modification des termes contractuels d'une dette, en modifiant, par exemple, les échéances ou en reportant le paiement du principal et/ou des intérêts à une date donnée. Il est traditionnellement la première phase par laquelle passe un débiteur se trouvant dans l'incapacité de faire face à ses engagements avant la mise en place d'un programme d'ajustement économique. Le principe fondamental du rééchelonnement est l'analyse du problème rencontré par le débiteur comme un problème de liquidité ce qu'on a appelé stratégie du créancier qui consiste à assurer la continuité du service de la dette. A ce titre, il apparaît opportun aux créanciers de procéder à un aménagement de l'échéancier de la dette permettant en principe au débiteur de continuer à faire face à ses engagements en raison de la baisse du service de la dette.

Ce n'est qu'à partir du sommet de Londres (juin 1984), que des négociations portant sur des accords de rééchelonnement pluriannuels débutent au sein des deux clubs de retraitement de la dette (Club de Paris et Club de Londres) qui loueront un rôle clé. Ces négociations conduisent à des restructurations de la dette sur des périodes plus longues assorties de baisse des taux d'intérêt.

2.1.1- Le Club de Paris :

Réuni sous la présidence du Directeur du Trésor du Ministère français des finances, le Club de Paris regroupe les créanciers publics des pays développés et, à titre d'observateurs, des organisations financières internationales (Banque Mondiale et FMI essentiellement). Ses membres s'y réunissent pour s'accorder sur le rééchelonnement des obligations financières de gouvernements débiteurs vis-à-vis de créanciers publics. Un certain nombre de principes président à son fonctionnement.

Pour un débiteur, les conditions d'accès au rééchelonnement en Club de Paris sont strictes. En effet, tout pays endetté ne peut accéder directement à une restructuration sans répondre à deux conditions :

- être en situation de « défaut imminent ». En effet, la restructuration ne peut être accordée qu'à un pays confronté à des difficultés de balance des paiements. L'existence d'un arriéré de paiements est en par ailleurs perçue en quelque sorte comme un critère déterminant.

- avoir conclu avec le FMI un accord sur le programme d'ajustement économique qui vise, en général, à obtenir une croissance non inflationniste et à accroître la capacité de remboursement du pays demandeur.

Une fois que le débiteur est déclaré éligible à l'aide du Club, une autre étape s'engage. Il s'agit du traitement du problème de sa dette, lequel obéit à des règles techniques précises et immuables pour tous les créanciers et débiteurs du Club de Paris.

Premièrement, le club ne rééchelonne que deux types de créances : celles qui correspondent à des dettes contractées auprès de créanciers publics (les organismes de financement étatiques : Agence Française de Développement (AFD), Fonds Abu Dhabi, Fonds Saoudien de Développement (FSD), Fonds Koweitien de Développement (KFAED), Italie-Mediocredito etc.) et celles qui correspondent à des dettes commerciales à garantie publique. Ainsi, les dettes dues aux organisations financières internationales et intergouvernementales (FMI, Banque Mondiale etc.), celles à court terme (moins d'un an) et la dette publique contractée auprès de pays non membres du club en sont exclues. En outre, le rééchelonnement porte sur le principal et non les intérêts, et comporte toujours une date butoir (depuis mai 1984 en général) : seule la dette contractée avant cette date peut être rééchelonnée.

2.1.2- Le Club de Londres :

Contrairement au Club de Paris, le Club de Londres n'a pas véritablement d'existence formelle et officielle. On regroupe parfois sous cette expression les comités ad hoc réunissant les principales banques créditrices dans les cas où la situation financière d'un pays débiteur pousse la communauté bancaire internationale à chercher à négocier avec celui-ci un accord d'aménagement de ses obligations financières. Le Club de Londres -- ou Comité consultatif des banques commerciales, selon son appellation officielle -- est une instance chargée de la restructuration de la dette consentie par des banques privées (sans garantie publique). Comme le Club de Paris, il n'a pas de statuts et ses membres varient selon les dossiers dont il est saisi. À la différence de ce dernier, il n'a ni secrétariat ni lieu de réunion fixe.

Bien qu'étant de nature complètement privées, les renégociations de dettes au Club de Londres, ne sont pas indépendantes de l'action des institutions financières officielles. Ceci est dû en particulier au fait que les banques exigent le plus souvent de leur débiteur que celui-ci ait obtenu l'aide du FMI, ce qui implique la mise en place d'une politique de stabilisation économique. Les principes de négociation du club de Londres, sont inspirés notamment, de ceux du club de Paris. Ils en ont trois en commun :

- pour accéder à une restructuration de sa dette bancaire, il faut qu'il se trouve en situation de défaut imminent de paiement. Il faut, en outre, qu'il ait signé au préalable un accord avec le FMI. Cette condition n'est pas devenue obligatoire qu'à partir de 1976 avec le réaménagement péruvien.

- Ensuite, le Club de Londres a imposé comme principe le suivi par le FMI de l'ajustement du débiteur.

La particularité du club de Londres par rapport à celui de Paris, c'est que les banques participantes touchent des commissions de l'ordre d'environ 1 % pour le rééchelonnement. Par conséquent, le coût d'intervention du club de Londres est sensiblement plus élevé que celui de Paris.

2.2- Le bilan de l'action des deux clubs :

Le Club de Paris, de 1956 date de sa première réunion à 1984, a mis en oeuvre la stratégie du créancier qui consiste à mettre les débiteurs en situation de rembourser leurs dettes. Le diagnostic des créanciers publics concluait à une crise d'illiquidité situation dans laquelle la valeur actualisée des remboursements est inférieure à l'encours de la dette. La crise de la dette était considéré comme conjoncturelle. Par conséquent, les moyens utilisés par le Club consistaient en des rééchelonnements classiques qui avaient pour but de repousser les échéances des prêts contractés par les pays débiteurs. En plus, progressivement, un marché gris des dettes publiques de mauvaise qualité » s'est constitué, animé par des Fonds qui rachètent les créances de mauvaise qualité avec décote.

L'année 1984 marque la prise en compte d'une véritable situation d'insolvabilité des pays endettés. De 1984 à 1988, le Club amorce une reforme de ses modes d'intervention. Plusieurs principes techniques, en vigueur dès 1956, ont été révisés. Ainsi, la période de rééchelonnement a été allongée, faisant de la consolidation pluriannuelle une pratique désormais courante.

Le Club de Londres a, certes vu son fonctionnement profondément évoluer. Le plan Baker (1985) a permis, en donnant une liberté aux acteurs notamment bancaires, d'initier un mouvement d'innovations de techniques financières de traitement de la dette (reconversion de dette etc.) en inaugurant une approche par menu . Cette approche donnant le choix aux banques d'intervenir auprès des débiteurs de la manière quelles désirent essentiellement sur la participation, le mode de négociation et le choix des options (nouveaux prêts directs, les conversions des financements nouveaux en fonds propres, l'achat d'obligation du débiteur).

Ce plan connu un échec en ne permettant pas une reprise de la croissance en Amérique latine pour rendre la dette soutenable. Dès le printemps 1986, le Mexique demandait le secours des créanciers et obtient un nouveau rééchelonnement de sa dette. La position des débiteurs se durcit : en janvier 1987, le Brésil obtient du Club de Paris un rééchelonnement qui pour la première n'est pas soumis à l'accord du FMI sur l'orientation de sa politique économique. Le mois suivant le Brésil suspend le paiement des intérêts dus aux banques commerciales.

2.3- Les nouvelles innovations de retraitement de la dette des pays pauvres

Les réaménagements de dette, tant du Club de Londres que du Club de Paris, ont été insuffisants face à l'ampleur de l'endettement structurel des pays pauvres. Les causes de l'échec du Club de Paris ne lui sont pas spécifiques. Elles appartiennent aussi au Club de Londres.

Les réorganisations des dettes opérées par le Club de Paris n'ont pas réussi à résoudre le problème l'endettement officiel. Ces mesures excluaient, le menu et les options différentes selon des parties, au profit d'un accord général de principe qui cadre les négociations bilatérales. Elles étaient, surtout, faites de rééchelonnements, c'est-à-dire de reports de la date de remboursement d'un montant limité du principal de la dette, le reste des sommes dues demeurant soumis aux conditions de remboursement initiales.

programme pour une croissance soutenue, proposée par le Secrétaire d'Etat Américain au Trésor James Baker en 1985, principalement destiné aux pays débiteurs des prêts bancaires notamment d'Amérique latine.

Ces rééchelonnements n'ont pas permis aux pays concernés de sortir des difficultés liées au poids de la dette pour plusieurs raisons :

- les mesures exigées par l'accord d'ajustement du FMI, ont privilégié les aspects financiers de la dette aux impératifs de production du pays débiteur, portant parfois préjudice aux perspectives de croissance à long terme ;

- les rééchelonnements accordés par le Club de Paris n'ont souvent servi qu'à repousser dans le temps le service de la dette. Et la mise en oeuvre des rééchelonnements de dettes ayant été rééchelonnées (procédé accepté à partir de 1985 par les créanciers privés) a rendu encore plus complexe la situation de certains débiteurs.

Ces échecs ont rendu nécessaires de nouvelles concessions des créanciers face aux difficultés que rencontrent les pays endettés. A l'évidence, la situation des pays à faible revenu en particulier les pays de l'UEMOA, diffère de celle des pays fortement endettés à revenus intermédiaires essentiellement d'Amérique latine, ce qui appelle à des traitements différents. Alors que le réaménagement de la dette des pays à faible revenu passe nécessairement par l`action de gouvernements créanciers des pays industrialisés, le réaménagement des dettes bancaires des pays fortement endettés repose pour partie sur l'initiative privée et le fonctionnement des marchés.

2.3.1- L'accord de Toronto :

Les premières propositions de réaménagement visant à réduire, voire à annuler, la dette publique des pays à faible revenu ont vu le jour en juin 1988, à l'occasion du sommet du G7 de Toronto. Ces propositions, adoptées lors de la réunion annuelle de la Banque Mondiale et du FMI à Berlin en 1988, portent sur l'ensemble des créances éligibles au Club de Paris. Elles reposent sur un menu de trois options qui sont ouvertes aux pays créanciers :

- la première option soutenue par la France, consiste à une annulation pure et simple d'un tiers des créances publiques, le restant devant être rééchelonné au Club de Paris aux conditions habituelles, sur une période de quatorze ans, avec une période de grâce de huit ans.

- la seconde option, qui a la préférence des Etats-Unis, consiste en un allongement de la période de remboursement de vingt cinq ans au lieu de quatorze, avec une période de grâce de quatorze ans. Cette solution consiste donc en un étalement des paiements, avec capitalisation des intérêts.

- la troisième option, soutenue par la Grande Bretagne et par l'Allemagne fédérale, consiste en une réduction du taux d'intérêt en vigueur sur les créances publiques, pour l'abaisser à 3,5 % ou à la moitié du taux initial si celui-ci était inférieur à 7 %.

Dans le cadre de l'accord de Toronto, en février 1991, un prêt spécial de la Banque mondiale a permis au Niger de racheter sa dette commerciale (108 M de dollars US, soit 10 % de la dette extérieure, mais 20 % du service de celle-ci). Cette dette a été rachetée à 18 % de sa valeur nominale, avec l'accord de la grande majorité des créanciers. Le Togo a pu bénéficier des mêmes possibilités.

Le caractère limité de l'impact de l'accord de Toronto car concernant essentiellement les pays pauvres dont le montant, en absolu, de leurs dettes est très inférieur à celui des pays à revenu intermédiaire, a conduit les pays du G7 notamment lors du sommet de Houston aux Etats-Unis en 1990, à étendre aux pays à revenu intermédiaire et lourdement endettés la possibilité de bénéficier les termes de l'accord de Toronto.

Cette proposition, connue sous le nom du Programme de Houston, pour en bénéficier, les débiteurs doivent remplir plusieurs conditions dont essentiellement :

- leur PNB par habitant doit être inférieur à 1 235 dollars en 1991 ;

- un ratio « dette bilatérale/dette commerciale » supérieur à 150 % ou un service de la dette trop élevé (les ratios dette /PIB et dette /exportation, respectivement supérieurs à 50 % et

275 %. Quatorze pays ont bénéficié de ce programme, jusqu'en 1993.

En 1991, le Club de Paris prend conscience de l'insuffisance de ses efforts envers les pays à faible revenu, en proposant un menu de Toronto renforcé c'est-à-dire amélioré en élargissant les options :

- le rééchelonnement est porté à vingt trois ans avec une réduction de 50 % en valeur actualisée des remboursements venus à échéance, au titre de la dette publique non concessionnelle.

- le rééchelonnement au taux concessionnel d'origine, des créances dues sur une période de trente ans, dont douze de grâce. Ce rééchelonnement de la dette concessionnelle comporte une remise de l'ordre de 50 %.

- la possibilité pour les créanciers qui le souhaite, de mettre en oeuvre des conversions de dette en monnaie locale en vue d'investissement sur place.

- une clause de bonne volonté qui ouvre la facilité d'un traitement du stock de la dette, après une période probatoire de quelques années pendant laquelle le débiteur devra avoir maintenu des relations satisfaisantes avec ses créanciers. Dans la zone UEMOA, le premier à en bénéficier fut le Bénin (1991) suivi par le Mali, le Togo et le Burkina Faso.

Mais cet aménagement de dette ne semble pas être à la mesure des problèmes liés à la crise de la dette d'où l'adoption d'un nouveau dispositif nommé menu de Naples qui voit passer l'annulation des sommes aménagées de 50 % à 67 %. La plus récente innovation est l'idée d'une réduction du stock de la dette. Elle se manifeste le projet d'une annulation pure et simple qui concerne pour l'instant le stock la dette multilatérale des pays pauvres estimés très endettés.

2.3.2- Les innovations de réaménagement des créances privées

Concernant essentiellement les pays à revenu intermédiaire fortement endettés d'Amérique latine, les réaménagements des créances privées initiés par les gouvernements des pays industrialisés et les institutions financières internationales se sont traduits par un certain nombre d'innovations destinées à résoudre la crise financière.

- Le plan Baker :

Présenté par le secrétaire américain au Trésor à la réunion de la Banque Mondiale et du FMI tenue à Séoul en octobre 1985, en effet le plan Baker mettait en avant la nécessité d'un ajustement par la croissance plus que par la contraction de l'activité économique, en opposition avec la pratique des politiques de stabilisation mises en oeuvre jusqu'alors. L'argumentation soutenue, reposait sur la nécessité du retour une croissance durable pour sortir de la crise d'endettement. Le plan avait pour but de fournir les moyens notamment financiers d'un retour à la croissance, par un accroissement de flux nouveaux de capitaux essentiellement en prêts bancaires. Ce plan s'est heurté à la réticence des banques d'augmenter leurs financements.

Dans la foulée de l'échec de ce plan, qu'est née l'initiative Brady en 1989 du nom du successeur de James Baker au Secrétariat américain du Trésor, Nicolas Brady.

- L'initiative Brady :

Cette initiative qui constitue une innovation nouvelle du réaménagement de la dette, consistait en un dispositif permettant aux banques de répondre aux besoins de financement des pays en développement. Le fondement de l'initiative Brady est de diminuer les risques « subis » par les banques, pour se faire, l'initiative propose des opérations d'échange de dette avec une décote, les nouveaux titres de dette pouvant être assortis d'une garantie par le FMI et la Banque Mondiale.

Tout comme l'accord de Toronto, l'initiative Brady repose aussi sur la proposition de menu d'options entre lesquelles les différents créanciers pourraient choisir. Ces options sont essentiellement en ordre de trois :

- la première consiste à convertir les créances en obligation avec une décote (décote de 35 %) et rémunérées au taux du marché.

- la seconde propose une conversion sans décote, mais contre des obligations portant un taux d'intérêt réduit (6,25 %).

- la troisième option est la constitution par un apport de nouveaux prêts étalé sur quatre années, pour un montant égal à 25 % des concours initiaux.

Appliquée au traitement de la dette mexicaine, les banques ont largement opté pour les deux premières options, ce qui atteste la confiance limitée des banques pour de nouveaux prêts.

Ce manque d'engouement des banques a limité fortement le succès de l'initiative Brady.

En marge, d'autres innovations ont fait leur chemin sur la résolution de la crise de la dette notamment le marché secondaire des titres de créances qui pratique des conversions de dette avec décote. En 1991, les dettes du Pérou s'échangeaient à 10 % de leur valeur nominale.

La persistante du surendettement montre que les mécanismes traditionnels de réduction de la dette des pays pauvres, c'est-à-dire que les différents passages devant le Club de Paris et le Club de Londres, n'ont pas été suffisants. Cette persistance, fait le problème de la dette un phénomène récurrent dans la problématique du développement des pays pauvres notamment de par le poids que représente son remboursement dans les budgets publics. Il y a environ vingt ans, dans les pays pauvres, l'endettement était soutenu dans l'espoir de générer le développement économique, aujourd'hui il leur faut se développer pour se désendetter. Ainsi, les vertus de l'endettement sont mises en causes, la traditionnelle controverse sur les conséquences de l'endettement dans le fonctionnement de l'économie ressurgit.

Chapitre IV : Problèmes de la dette publique

En théorie, l'endettement peut être bénéfique, lorsqu'il permet à un pays d'accroître ses capacités de production et de s'industrialiser. L'augmentation de production permet à terme de rembourser les capitaux empruntés. C'est ce discours qui prévalait durant la période d'endettement du tiers monde. Les crises répétées de la dette ont contribué à la résurgence de la vieille controverse sur l'utilité de la dette publique.

I. Effets économiques de la dette 

1- Les objectifs économiques de la politique d'endettement

La dette publique qu'elle soit appréhendée en terme d'endettement nouveau (flux) ou d'encours (stock), est par sa nature même un instrument d'action de politiques économiques publiques dont le mode opératoire s'inscrit dans la trilogie fonctionnelle d'analyse de l'intervention de l'Etat présentée en 1959 par Musgrave à savoir (allocation-redistribution-stabilisation).

Les objectifs économiques poursuivis par la politique d'endettement peuvent être synthétisés autour de quatre axes essentiels :

- un des moyens de financement des déficits et par la même des dépenses publiques. La finance publique dans la théorie classique vouait par tradition la dette au financement des dépenses d'investissement public, les impôts devant nécessairement financer les dépenses de consommation et de transferts publics. L'analyse keynésienne de la finance publique, insistait sur la fonction de stabilisation de la dette, promue au rang d'instrument de régulation de la demande globale, qui peut contribuer efficacement, via le ressort multiplicateur/accélérateur, au financement de divers types de dépenses publiques, en agissant directement sur la consommation et l'investissement publics, et (ou) en influençant le partage consommation/épargne des ménages et par la même l'investissement privé.

- un second objectif de la dette publique est aujourd'hui mis en oeuvre par les tenants de la nouvelle économie classique. Pour ces derniers en effet, même si la dette publique n'influence pas le partage épargne/consommation, il peut être intéressant pour l'Etat de recourir à la dette publique afin de lisser dans le temps les variations du poids de l'impôt.

- un troisième objectif de la dette publique fait de cette dernière dans l'optique de la fonction de répartition et de la redistribution des ressources et des patrimoines, un instrument de transfert de charges intra ou intergénérationnel.

- le dernier objectif apparaît dans l'examen de la dimension strictement financière de la dette. Le « debt management » classique insiste sur l'articulation nécessaire entre dette publique et politique monétaire.

Malgré l'importance de la question de la dette, il est difficile de déterminer au-delà de quel seuil la dette compromet la performance économique tout comme le chiffrage de son incidence sur la croissance.

Au demeurant, certaines tentatives de détermination du seuil d'endettement continuent à alimenter largement la controverse. Ainsi le Pacte de Stabilité et de Croissance dans l'Union Européenne impose un certain plafond en matière d'endettement. Il en est ainsi le plafonnement du déficit budgétaire et de la dette publique, respectivement à 3 % et à 60 % du PIB. Ce plafond s'impose en effet à tous les pays membres, quelles que soient la position dans le cycle de croissance et les conditions économiques du pays. La limite des 3 % de déficit ne correspondait d'ailleurs qu'à un calcul purement théorique : c'est le niveau qui assure la stabilité d'une dette publique de 60 % avec une inflation de 2 % et une croissance en volume de 3 %. Ces seuils sont au moins aujourd'hui contestés par certains économistes. Selon Jean Paul Fitoussi de l'OFCE « le niveau optimal d'endettement au-delà duquel un pays serait en faillite, serait un niveau d'endettement si élevé qu'il impliquerait le renoncement aux dépenses publiques nécessaires à assurer la cohésion sociale » ².

Par ailleurs, certains pays dont le niveau de la dette est jugé inquiétant (le Japon 130 % du PIB, l'Italie 120 %, la Belgique 100 %) continuent d'avoir de très bonne note dans les agences de notation et la souscription de leurs emprunts considérée comme de placements sans risque.

Cette considération ne s'applique pas aux pays en développement et encore moins aux pays pauvres notamment africains, ce qui permet d'appréhender la notion de risque de défaut de payement en termes de capacité de mobilisation de ressources.

Par ailleurs, l'analyse économique de la dette publique s'intéresse habituellement à un double perspectif :

- la fiscal policy : qui traite les problèmes afférents au niveau et à l'extension de la dette,

- le debt management, traite de la structure, de la composition de la dette.

OFCE : Observatoire Français de Conjoncture Economique

² Débat avec Jean Paul Fitoussi paru sur le site du monde en date du 11 Janvier 2006.

Cette double analyse peut être schématisée en macrodynamique de la dette (approche en niveau qui met en évidence la place de la dette au sein des grands agrégats, du fonctionnement global de l'activité économique) et microdynamique de la dette (approche en structure centrée sur la spécificité de l'unité économique Etat ou administration publique face à la gestion de la dette, avec impact différencié sur les autres unités économiques).

L'ambivalence des effets issus de cette double analyse a conduit à une schématisation autour des thèmes d'effets d'entraînement et d'effets d'éviction.

2- Les effets économiques de la dette dans la théorie économique

Au cours des trente dernières années, les pays en développement ont bénéficié de prêts considérables, assortis souvent de conditions très concessionnelles qui devaient permettre leur décollage rapide en favorisant l'investissement et en accélérant la croissance.

Mais, devant les sommets atteints par les ratios d'endettement dans les années 80, un constat s'est imposé : pour de nombreuses économies, et en particulier pour quelques pays d'Amérique latine à revenu intermédiaire, le remboursement de la dette serait non seulement un frein aux performances, mais une tâche quasiment impossible.

La théorie économique est habituellement mobilisée à la fois par ceux qui justifient et par ceux qui condamnent les déficits publics.

Les premiers s'appuient surtout sur les travaux du célèbre économiste anglais John Maynard Keynes. En effet, face à la crise de 1929, celui-ci estimait que l'Etat avait vocation à injecter de la dépense dans le circuit économique, quitte à creuser temporairement les déficits publics lorsque l'économie tourne en sous régime. Ses thèses sont devenues dominantes après la seconde guerre mondiale, contribuant notablement aux succès de ce qu'on a appelé les Trente Glorieuses années en Occident.

En montrant ses limites de promotion de la croissance au début des années 70, en raison d'un certain nombre de facteurs exogènes dont entre autre le premier choc pétrolier de 1973, la thèse keynésienne de déficit conjoncturel a largement été mis en cause notamment sur le plan théorique par les tenants du monétarisme dont Milton Friedman et les influences que cette école a exercé sur les politiques économiques à partir des années 1980 plus précisément aux Etats-Unis sous Reagan et au Royaume Uni sous Thatcher. La politique de relance économique n'est pourtant pas abandonnée. L'endettement des Etats de l'UEMOA, nouvellement indépendants, au début des années 60, s'inscrivait dans le but de fonder les bases d'une économie de croissance et ceci dans la logique de la définition du concept du sous- développement de l'époque.

Du côté des seconds, de nombreux économistes considèrent que donner « artificiellement » un supplément provisoire de revenu aux ménages, ne les incite pas réellement à consommer davantage car ils ajusteraient leur consommation sur une vision de long terme de leurs ressources (théorie du revenu permanent). En outre, constatant aujourd'hui l'augmentation des déficits publics, les ménages anticiperaient les augmentations d'impôt nécessaires demain et renonceraient à consommer d'avantage pour épargner (effets dits « ricardiens ») qui ne sont pas observés actuellement dans les pays jugés fortement endettés. Par ailleurs, les emprunts contractés par l'Etat pour financer ses déficits capteraient tous les capitaux disponibles et feraient, de ce fait, monter les taux d'intérêt selon le processus de l'élémentaire loi de l'offre et de la demande.

Cette augmentation affecterait négativement les capacités d'emprunt et d'investissement des entreprises privées. Ces effets appelés effets d'éviction ne caractérisent pas non plus les grands pays fortement endettés (les Etats-Unis, le Japon, la France etc.) dans lesquels les taux d'intérêt demeurent relativement bas. Certains économistes reconnaissent cependant que la dépense publique peut jouer un rôle déterminant dans la croissance de long terme, si elle est investie dans le capital humain (éducation, recherche etc.) ou dans les infrastructures, élevant ainsi la productivité, donc le rythme d'activité (théorie de la croissance endogène).

La théorie suggère que l'emprunt, contenu dans des limites raisonnables (difficilement quantifiables), peut aider les pays en développement à affermir leur croissance. L'idée est que les économies qui sont au stade initial de leur développement disposent d'un stock de capital limité et offrent souvent des possibilités d'investissement plus rentables que les économies matures. Aussi longtemps qu'elles emploient les capitaux empruntés pour financer des investissements productifs et échappent à certains maux (instabilité macroéconomique, adoption de mesures faussant les incitations, chocs de grande ampleur), leur croissance devrait s'accélérer et leur permettre de rembourser à l'échéance les dettes contractées. Malgré cette argumentation vraisemblable, l'endettement des pays pauvres en particulier pose d'énormes difficultés quant au remboursement et son effet sur la croissance n'a pas été totalement avéré, là se pose la problématique de l'usage des fonds prêtés.

L'explication la plus connue est avancée dans les théories du «surendettement» : si l'on peut penser que la dette future dépassera les capacités de remboursement des pays débiteurs, le coût de son service découragera les investissements intérieurs et extérieurs, pénalisant ainsi la croissance. En revanche, la réalité de l'usage des fonds prêtés, n'a fait l'objet d'aucune étude approfondie pour mettre en évidence la mauvaise gestion imputable aux gouvernements emprunteurs ou à l'organisme prêteur, le plus souvent au motif de considération politique et géopolitique. Bien que les modèles n'analysent pas explicitement l'impact du surendettement sur la croissance, on peut en déduire que l'accumulation de lourdes dettes ralentissant l'expansion en freinant notamment l'investissement paraît plus nuancé, notamment si l'on se penche sur le cas de certains pays industrialisés comme le Japon.

Il semble donc, d'une part, qu'une évolution raisonnable de la dette devrait être bénéfique à la croissance et, de l'autre, que l'accumulation d'une lourde dette risque d'entraver l'expansion, ce qui résume en quelque sorte le débat controversé de la relation entre dette et croissance. Les théories du surendettement ne retracent pas à vrai dire cet impact. Globalement, la théorie conduit à penser que l'emprunt extérieur a un effet positif sur l'endettement et la croissance s'il ne dépasse pas un certain seuil et au-delà duquel, son effet devient négatif.

L'endettement des pays en développement, en particulier les pays sous étude, étant par essence un endettement extérieur public, pose la problématique relation entre dette et commerce extérieur, le second devant dégager un excédent (rentrée de devise) permettant d'honorer le payement du service de la dette extérieure.

La dette extérieure a le potentiel de stimuler la croissance économique à condition qu'elle serve à financer des investissements.

En revanche, le service de la dette extérieure (par opposition à l'encours total de la dette) peut en outre influer sur la croissance en évinçant les investissements privés s'il est l'objet de nouvelles émissions de titre notamment auprès du système financier national (effets d'évictions) ou en modifiant la composition des dépenses publiques. Toutes choses étant égales par ailleurs, un service plus lourd peut accroître le déficit budgétaire de l'Etat et réduire ainsi l'épargne publique. Un tel service peut en outre réduire le montant des ressources disponibles pour l'infrastructure et la formation du capital humain, avec les effets négatifs à en attendre sur la croissance ce qui est typique au cas des pays de l'UEMOA.

Au-delà de ces controverses théoriques sur le déficit, donc de la dette publique, un consensus semble se dégager sur les conséquences du niveau élevé et croissant de la dette publique notamment en termes de rigidité budgétaire et de soutenabilité.

2.1- Endettement et rigidité budgétaire

Le niveau de la dette est jugé préoccupant tant dans les pays développés du point de vu de son effet sur la redistribution, sur la génération future et notamment de la rigidité pour promouvoir ou accompagner la croissance dans l'optique keynésienne, que dans les pays pauvres du point de vue poids du service de la dette sur les finances publiques au regard des besoins de financement dans la lutte contre l'extrême pauvreté.

Les effets économiques de la dette doivent être distingués de ceux dus aux déficits budgétaires (lesquels sont à l'origine des engagements financiers croissants du secteur public). Les implications de déficits durables sur les taux d'intérêt notamment durant les périodes d'expansion de la demande (du moins en théorie), ont largement contribué à la mise en oeuvre des tentatives de politiques d'assainissement des finances publiques dans la plupart des pays de l'OCDE depuis 1979 par le biais de programme d'ajustement structurel qualifié par certains milieux notamment syndicaux, de néolibéral du fait des vastes programmes de privatisation et de l'ouverture des frontières économiques.

Ces réformes avaient pour but de rompre avec la croissance molle. Il en a été autrement pour les huit pays de l'UEMOA, vu la dégradation des indicateurs macroéconomiques qui sont les leurs, en raison notamment de la chute des recettes d'exportations de matières premières, rendant « insoutenable » la dette. Ces pays n'ont pas tardé à connaître des difficultés de paiement lié au service de la dette. A la lumière de ces difficultés, de nombreux rééchelonnements ont été opérés accompagnés de programme d'ajustement structurel en vu de rendre soutenable la dette.

La dette des pays pauvres et celle des pays de l'UEMOA en particulier étant totalement publique et dont les créanciers sont essentiellement de l'extérieur, les emprunts sont souscrits en devise étrangère, le remboursement pose vraisemblablement des problèmes de balance de payement, de change et de problème budgétaire.

2.2- Effet sur le taux de change :

Dans ce contexte de dette essentiellement publique et contractée en devise étrangère comme c'est le cas des pays de l'UEMOA, la capacité de remboursement peut s'apprécier du point de vue de la viabilité de la balance des paiements.

Pour rembourser leur dette, les gouvernements doivent disposer de ressources importantes en devises. Pour cela, il faut que l'économie des pays en questions puisse disposer d'une capacité de production échangeable sur le marché international, qu'il s'agisse de biens d'exportation ou de substitut aux importations génératrice de devise, ce qui pose sans doute problème aux pays concernés du fait de leur spécialisation dans l'exportation de matières premières dont les cours fluctuent en permanence .

Dans cette situation, traditionnellement, le seul moyen utilisé pour équilibrer les ressources et les emplois en devises, en l'absence d'une dévaluation réelle suffisante, est de réaliser une contraction du niveau de l'activité économique. Cette contraction le plus souvent provoqué par le programme de stabilisation préalable à l'application du programme d'ajustement structurel, vise à assurer avec les moyens disponibles, l'équilibre de la balance des paiements. Cette réduction massive de l'activité économique a des conséquences économiques notamment une déstructuration de l'économie et provoquant le plus souvent des tensions sociales.

2.3- La crise de la dette et la surévaluation du taux de change :

Le diagnostic qui est fait par le FMI dans les économies endettées est que la solution de la crise financière passe inévitablement par une dévaluation de la monnaie nationale, condition indispensable à la création de ressources supplémentaires en devises, qui manquent pour assurer le service de la dette. Cette vision a conduit à la dévaluation du Franc CFA de 50 % en 1994, ce qui n'a véritablement pas permis de résoudre le problème de la dette à la suite de la crise des cours des matières premières exportées.

2.4- Le problème budgétaire associé au renversement des transferts nets :

De 1973 à 1982, les pays en développement ont bénéficié, par le biais de l'endettement international, de transfert net de ressources considérables. Reprenant la définition utilisée par la Banque Mondiale, le transfert net de ressources est le solde entre les apports financiers constitués par le flux brut d'emprunt à long terme et les charges de cette dette sous forme de remboursement du principal ou de rémunération des créanciers. Pendant les années 1970, jusqu'en 1982, la croissance de la dette était telle que les nouveaux crédits obtenus dépassaient largement les charges de la dette antérieure, de telle sorte que, les pays en développement ont bénéficié de transferts nets de ressources considérables. La hausse des taux d'intérêts internationaux à partir de 1979 a radicalement modifié les conditions de cette évolution. Le transfert net de ressources est devenu négatif pour la plupart des pays en développement.

Cet aspect du problème de la dette renvoi au rôle de la production de biens échangeables dans la détermination de la capacité de remboursement de la dette internationale, donc de soutenabilité de la dette.

Face à ces difficultés, les réaménagements de dette sont devenus, le plus souvent, différents car les modes de financement sont opposés, possibilité de recourir aux marchés internationaux des capitaux pour ceux qui concernent respectivement les pays à revenu intermédiaire et l'exclusion des pays pauvres de ces marchés de capitaux. Ce qui rend ces derniers largement tributaires des prêts publics (bilatéraux ou multilatéraux).

L'endettement croissant des pays ex-communistes répond à une logique de transition vers une économie de marché. Les causes de cet endettement diffèrent radicalement des deux autres.

Pour les pays industrialisés, la fin des trente glorieuses, marquait aussi le début de l'endettement, dont les contours sont fort différents de ceux des autres catégories de pays. Cet endettement a surtout servi à contenir les tensions sociales liées au chômage de masse et une politique keynésienne de soutien à l'activité économique.

Si le recourt à l'emprunt parait se justifier pour toutes les catégories de pays, la nature des emprunts et les objets financés, prêtent à discutions.

La conception du problème de développement, résumée à un problème de finance et de technologie qui a prévalu lors de la présidence de Robert S McNamara à la tête de la Banque Mondiale, sans véritablement se préoccuper des projets à financer, fait naturellement partie des explications de la crise de la dette de nombreux pays, dont les solutions adoptées reposent essentiellement sur l'analyse de la soutenabilité.

II Le concept de soutenabilité de la dette

Le niveau d'endettement ne peut s'apprécier qu'au regard de la capacité du débiteur à mobiliser des ressources pour faire face au service de la dette . C'est toute la différence entre les pays industrialisé et les pays pauvres. Le problème de l'endettement se pose en termes de flux et non de stock. Ainsi les grands pays industrialisés trouvent toujours facilement des emprunts sur le marché obligataire et demeurent bien noté par les Agences de notation.

Cette analyse revient à poser le problème de l'endettement des PVD en termes d'un problème de balance de paiement. L'endettement en affecte le solde en raison des sorties de capitaux au titre du service de la dette.

La capacité de mobilisation des ressources déjà très faible, le démantèlement des barrières douanières, faisant partir des conditionnalités du programme d'ajustement structurel, a contribué à la perte de recette publique sans avoir permis de réelle compensation en termes de mobilisation d'autres ressources.

Par ailleurs, sans excédent de la balance des transactions courantes, il est impossible à long terme pour des pays comme ceux de l'UEMOA de remplir leurs engagements largement exprimés en devise étrangère.

Devant la situation de crise, les organisations de Breton Woods ont fini par réagir, après avoir longtemps fait accepter l'idée que leurs créances devaient rester indiscutables. Fin 1996, une initiative ouvrant la voie à la réduction de la dette multilatérale a été mis en oeuvre (Initiative de réduction de la dette des pays pauvres très endettés, PPTE). La procédure, fort complexe, repose sur l'idée suivante : les pays qui présentent les caractéristiques d'un endettement excessif par rapport à leurs ressources se verront octroyer de la part du FMI et de la Banque mondiale une réduction de dette de telle qu'ils ramènent leur endettement à un niveau jugé « soutenable ». Cette réduction n'entre définitivement en jeu qu'après une période probatoire d'une durée initialement fixée à six ans, pendant laquelle les bénéficiaires potentiels devront mettre en oeuvre des « efforts d'ajustement redoublés ».

Fin 1998, l'initiative PPTE avait démontré sa lenteur et ses limites : sept pays seulement avaient été sélectionnés et les réductions de dette prévues restaient souvent symboliques. Ceci a conduit le G7 à adopter, en juin 1999 sous la pression des organisations humanitaires et religieuses regroupées dans la coalition Jubilé 2000, une résolution qui ouvre la voie à un traitement rapide et plus généreux de la dette des PPTE. Les seuils à partir desquels la dette est jugée insoutenable ont été réduits (150% au lieu de 200 à 250% par exemple pour le ratio valeur actuelle de la dette extérieure/exportations des biens et services).

Ainsi, au coeur de l'initiative PPTE se trouve donc la notion de soutenabilité de la dette : il s'agit de mesurer dans quelles conditions les pays concernés peuvent être mis à condition de rembourser leurs dettes.

1- Soutenabilité de la dette

De manière très générale, l'analyse de la soutenabilité consiste à confronter les flux de remboursement avec des flux de ressources.

Une dette publique est réputée soutenable, si son encours est inferieur à la valeur actualisée des futures excédents primaires (solde budgétaire positif hors intérêt de la dette).

La soutenabilité repose à la fois sur la valeur des excédents budgétaires futurs et du taux d'actualisation.

Le but de l'Initiative PPTE est de résoudre définitivement le problème du surendettement en proposant des réductions de dette bilatérale et multilatérale, afin que les pays éligibles atteignent des niveaux soutenables de dette.

L'étude de cette soutenabilité de la dette extérieure publique revient de manière classique à :

- préciser la notion de soutenabilité retenue ;

- spécifier les caractéristiques et les déterminants de la croissance de l'économie ou, de manière générale, des facteurs qui améliorent les capacités de remboursement ;

- spécifier la façon dont ces déterminants sont liés avec le financement extérieur créateur d'endettement ;

- spécifier les causes de l'endettement extérieur ;

- spécifier les caractéristiques du financement extérieur.

La plupart des évaluations pratiquées dans l'analyse de la soutenabilité de la dette extérieure sont fondées sur un modèle « standard » qui est lui-même la synthèse d'un courant d'analyse de l'endettement extérieur apparu il y a une cinquantaine d'année dans l'analyse économique à travers les écrits d'Harrod Domar vers les années 1944. Le modèle standard effectue des choix aux cinq niveaux indiqués ci-dessus.

Au plan théorique, le critère de solvabilité est que la dette finisse par s'annuler.

En pratique, ce qui importe, c'est que le pays puisse continuer à recevoir des financements extérieurs (ou que les nouvelles émissions de titres publics soient souscrites). La condition pour cela est qu'il paye régulièrement les intérêts sur l'encours de ses dettes. Cette condition diffère de la première, puisqu'elle est compatible avec le fait que l'encours de la dette progresse régulièrement. Pour traduire cette condition sur le plan quantitatif, on utilise la notion de soutenabilité. Le critère de soutenabilité repose sur l'hypothèse générale d'un ratio déterminé (généralement le rapport D/Q, encours de la dette divisé par le PIB) qui tend vers une limite finie. Cette limite est par exemple fixée à 60 % au sein de l'UE et de l'UEMOA. Dans les modèles théoriques, ce critère est en général considéré suffisant : le fait que les ratios d'endettement ne connaissent pas de tendance explosive suffirait à assurer la possibilité de continuer à s'endetter.

Dans la littérature économique, il existe plusieurs méthodes pour évaluer la soutenabilité selon l'angle de référence choisie. La dette publique est souvent dite soutenable si les intérêts qu'elle engendre ne font pas accroître indéfiniment le niveau de son stock rapporté au PIB. Ainsi, en prenant la dette extérieure comme une donnée exogène, le solde budgétaire avant paiement des intérêts (dit primaire) rapporté au PIB est soutenable s'il est supérieur au seuil défini par la formule :

DB Ix - Fx ÄA

SPseuil = ---- (r - n) + ------ - ----

Y Y Y

SPseuil : seuil de soutenabilité pour le Solde rapporté au PIB

Fx : financement extérieur net

Ix : intérêts de la dette extérieure

Y : Produit Intérieur Brut

DB : dette publique intérieure

r : taux d'intérêt nominal apparent de la dette intérieure

n : taux de croissance économique nominal

A : variation des arriérés

2- Difficultés liées à l'évaluation de la soutenabilité

Pour établir une projection permettant d'évaluer la soutenabilité, il est habituel du moins dans les modèles utilisés par le FMI et la Banque Mondiale, de préciser les ressources avec lesquelles l'économie endettée assurera les remboursements (taux de pression fiscale ou flux des nouveaux prêts), et les déterminants de leur croissance (capital physique et humain, investissement public et privé, taille du marché etc.).

L'analyse d'un niveau minimum est difficile à mener sur le seul plan économique, car il dépend de la capacité des gouvernements à mobiliser d'avantage de ressources ou d'accepter une diminution des dépenses publiques.

Quelques que soient les modèles de croissance sous-jacents, la plupart des analyses de la soutenabilité de l'endettement extérieur utilisent des paramètres (coefficient de capital, taux de pression fiscale, etc.) fixes ou, dans une approche plus raffinée, des variations régulières de ces coefficients. Ceci implique de nombreuses limites, qu'on regroupe en général en deux grandes catégories :

- absence de prise en compte du changement structurel ;

- absence de prise en compte de l'instabilité.

Etude sur « Soutenabilité, finançabilité et relance budgétaire », Direction des Etudes et des Prévisions financières du Maroc, Document de travail n° 19, Mai 1997.

De manière générale, l'analyse de la soutenabilité consiste à confronter des flux de remboursement avec les flux de ressources, après avoir spécifié le déficit qui est à l'origine de la dynamique de la dette. Quand on passe de la théorie aux pratiques d'évaluation de la soutenabilité, les instruments de formalisation mathématique, qui ne sont généralement valides que sous leurs hypothèses, prêtent sujet à discussion comme dans toute modélisation.

Cette limite de la pertinence de l'analyse de la soutenabilité est aussi confortée le plus souvent de la confrontation aux avancées de la théorie économique. Par exemple, la réflexion sur la croissance, a depuis une dizaine d'année, avec la théorie de la croissance endogène, mis en évidence le rôle décisif des externalités (accumulation de capital humain, économie d'échelle, infrastructures publiques etc.), à côté de la simple accumulation du capital physique sur la croissance économique.

Certaines approches classiques de la soutenabilité de la dette extérieure, prennent essentiellement en considération le déficit de la balance des payements, ce qui est aussi la référence principale des organisations internationales dans le cadre de l'initiative pays pauvres très endettés (PPTE).

L'endettement des pays pauvres étant public, le problème se pose principalement en terme budgétaire notamment la problématique de la mobilisation des ressources.

L'analyse de la soutenabilité au-delà de la définition des paramètres théoriques retenus à son évaluation, est le plus éclairée par des projections combinant de disciplines telles que la mathématique et la statistique, dont le calcul ou test s'effectue sous des hypothèses discutables et discutées.

Classiquement, le test de soutenabilité de la dette se fait généralement à l'aide d'une formalisation assez simple et qui se traduit par la formule classique suivante (en notant b : rapport dette/PIB ; b' : son accroissement par unité de temps ; G : le montant des dépenses publiques hors intérêts ; T : le montant des recettes publiques ; r : le taux d'intérêt ; Y : le PIB et g : son taux de croissance) :

b' = [( G -T ) /Y ] + b(r - g)

Si b' est positif, le ratio b augmente sans cesse : la dette est dite explosive,

Si b' est négatif, le pays est solvable c'est-à-dire que la dette s'annule à un moment donné,

Si b' est égal à zéro, le ratio b se stabilise : la dette est soutenable.

L'usage de cette méthode d'évaluation en 1996 par certains économistes dont Daniel COHEN, a montré la situation insoutenable de l'encours de la dette de nombreux pays africains. Cette étude a en outre contribué à la prise en conscience générale sur la problématique de la dette des pays pauvres, aboutissant à l'initiative PPTE.

Cette méthode d'évaluation diffère des autres modèles (en particulier celle qu'utilisent la Banque Mondiale et le FMI dans le cadre des évaluations de la soutenabilité de la dette, qui constituent la première étape pour bénéficier de l'initiative PPTE) sur un point crucial : la dynamique de l'endettement y est générée par le déficit des opérations financières de l'Etat et non par le déficit extérieur.

L'évolution de l'analyse de la soutenabilité a conduit tout au long des cinquante années de problème de la dette, à des propositions visant à la rendre viable ou soutenable à travers des rééchelonnements d'échéanciers. L'endettement des pays pauvres est demeuré malgré tout élevé. Au milieu des années 90, il était devenu manifeste que les mécanismes d'allégement de la dette, les nouveaux concours officiels et l'ensemble de mesures visant à ramener la dette à un niveau soutenable, n'étaient pas suffisants.

La persistance du problème a clairement montré, du moins pour ce qui concerne les pays pauvres dont les huit pays de l'UEMOA, que les solutions adoptées ont non seulement pas permis de rendre la dette soutenable, mais ont été la plupart du temps la cause des difficultés économiques que rencontrent ces pays d'où les critiques aux programmes d'ajustement structurel et aux procédés de rééchelonnement au sein des deux clubs de renégociation de la dette.

En 1996 à Lyon, le sommet du G7, le FMI et la Banque mondiale ont lancé conjointement l'initiative en faveur des PPTE afin de proposer une solution exhaustive aux problèmes d'endettement des pays pauvres. Cette initiative s'appuyant aussi sur l'analyse de la soutenabilité, marque une rupture par rapport aux pratiques anciennes qui excluaient de la renégociation de dette, les créances multilatérales.

Daniel COHEN, est Professeur de sciences économiques à l'Université Paris I (Panthéon-Sorbonne).

Deuxième Partie : les stratégies de désendettement public

Dans la pratique, un débiteur public dans l'incapacité de faire face à ses engagements peut en théorie adopter plusieurs attitudes :

- Il peut essayer de se désendetter à tout prix, en appliquant une austérité budgétaire immédiate visant en premier lieu de stabiliser le ratio de l'encours de la dette en pourcentage du PIB en adoptant des réformes structurelles limitant le déficit, et ce pour obtenir une baisse progressive du ratio de l'endettement.

- Il peut répudier purement et simplement sa dette et cesser tout paiement.

- Il peut quand ses capacités le lui permettent de rembourser par anticipation tout ou partie de sa dette avant échéance.

- Il peut aussi suspendre de manière temporaire ses paiements en déclarant attendre de nouveaux accords ou des conditions favorables. C'est la solution qu'ont adopté certains pays comme le Mexique en 1982. On parle de moratoire, qui en général dure jusqu'un accord international intervienne.

- Il peut demander un rééchelonnement de sa dette. En pratique, cela revient à étaler des engagements de court terme vers le long terme. La dette est renégociée, les créanciers acceptent de reporter leurs exigences. Cette solution a été couramment pratiquée par nombre de pays en développement, toute fois, elle contient une perversion fondamentale : financer le court terme par du long terme soulage sans doute la trésorerie immédiate, mais repousse le problème en l'accroissant vers les années suivantes.

Toutes ces stratégies, comme nous le constatons, sont à la disponibilité des pays débiteurs et peuvent être mises en oeuvre leur initiative.

Pour des motivations différentes, un créancier dispose, par ailleurs, d'une multitude d'instruments lui permettant d'alléger souvent de façon temporaire le poids du service de la dette de son débiteur.

Ainsi, dans des circonstances le plus souvent exceptionnelles, il peut annuler tout ou partie de sa créance comme c'est le cas des créances multilatérales des pays pauvres dont l'endettement est jugé insoutenable dans le cadre de l'initiative en faveur des pays pauvres très endettés. Cette solution est le plus souvent mise en oeuvre par des créanciers publics bilatéraux. A titre illustratif, François Mitterrand, président français de 1981 à 1995, avait annoncé lors du sommet de la Baule en 1989, que la France annulait la totalité de ses créances sur trente cinq pays africains, tous situés dans la tranche des pays à faible revenu. Les abandons de créance bilatérale obéissent dans la majorité des cas à des considérations géopolitiques que purement économiques.

En fin, le créancier peut accepter ou proposer un moratoire, une restructuration ou simplement un rééchelonnement de la dette.

Vue la limite des stratégies autrefois appliquées pour le désendettement public notamment le rééchelonnement et la pratique des moratoires, dans cette deuxième partie, nous abordons les stratégies qui de notre avis peuvent être entreprise par les pays pauvres et notamment les pays de l'UEMOA en élucidant leurs conséquences éventuelles, pour sortir du cercle vicieux de l'endettement. Aux trois stratégies (le remboursement par anticipation, la répudiation et la réduction du déficit structurel) que nous nous efforcerons d'analyser les contours et qui peuvent décider et appliquer par un pays endetté, nous aborderons une quatrième voie qui, d'initiation des créanciers, accompagnée des mesures permettant d'éviter les erreurs du passé, peut permettre aux pays endettés et notamment les pays de l'UEMOA de sortir du surendettement.

Chapitre V : Le remboursement par anticipation

Le remboursement par anticipation comme toute stratégie de désendettement a pour but d'annuler ou diminuer l'encours de la dette. C'est une pratique qui consiste à rembourser avant l'échéance contractuelle le tout ou une partie de la dette.

Relevant d'un contrat entre débiteur et créancier, toute modification des termes du contrat de prêt fait en principe l'objet d'un accord bilatéral entre pays débiteur et pays ou groupe de pays créanciers, définissant les modalités. Les conditions du remboursement anticipé, diffèrent qu'il soit effectué au profit des créanciers publics réunis dans le club de Paris ou aux créanciers multilatéraux.

I- Remboursement par anticipation dans le cadre du club de Paris

1- Contexte historique :

Une des caractéristiques des créances du Club de Paris, contrairement à celles du Club de Londres, est leur illiquidité. Ces créances, à la différence des émissions obligataires, ne sont pas cessibles et il n'existe aucun marché sur lequel elles pourraient être négociées. Il en résulte un monopole de rachat par le débiteur. Le prix de cession résulte, en théorie, d'une négociation bilatérale. Pour maintenir une égalité de traitement et concilier les intérêts des créanciers et des débiteurs, le Club de Paris s'accorde sur des règles communes. D'un coté, les débiteurs souhaitaient pouvoir racheter leurs créances avec décote, comme cela s'était produit pour certains pays pour des créances commerciales (émission obligataires). D'un autre coté, certains créanciers, désiraient en cas de remboursement anticipé de pouvoir exiger des pénalités compensant les coûts de rupture.

Ces deux positions demeuraient inconciliables. Pour ces raisons, les membres du club de Paris choisirent une voie médiane et un compromis : ni décote ni pénalité permettant d'envisager, vers la fin des années 1990, sous réserve du consensus des créanciers, le remboursement par anticipation au pair de leurs créances, chaque partie conservant la possibilité à titre individuel, de refuser le remboursement anticipé. Malgré cette règle, il a fallu attendre le retournement de la conjoncture qui prévalait au début des années 1980 en matière de taux d'intérêt, pour voir le mouvement de remboursement anticipé de la dette s'accéléré.

En effet, au début des années 1980, les taux d'intérêt nominaux mondiaux à long terme dépassaient 10 %, compte tenu du niveau élevé de l'inflation. C'est dans ce contexte de taux élevé que l'Algérie, la Russie, la Pologne et le Pérou ont souscrits leurs emprunts initiaux. Ces emprunts furent restructurés et rééchelonnés par le club de Paris dans les années 1990.

La désinflation commencée depuis le milieu des années 1980, a conduit à une baisse importante des taux, qui sont passés en dessous de 5 % à partir de 2003 dans les deux principales économies de référence en matière de taux d'intérêt (Etats-Unis, Allemagne).

Figure 2 : Taux d'intérêt à 10 ans

En %

Source : Banque de France.

De cette baisse significative du taux d'intérêt, il en a résulté une hausse de la valeur actuarielle des anciennes créances et donc, un intérêt croissant pour leur refinancement.

2. Les remboursements anticipés au Club de Paris :

La baisse des taux d'intérêt (figure 1) s'est accompagnée de l'amélioration de la santé financière des principaux pays débiteurs (l'Algérie, le Brésil, la Russie etc.) exportateurs de matières premières, plus précisément grâce à la hausse des cours du pétrole. Il en a résulté un relèvement général des notes des principales agences de notation, ce qui par nature rend l'accès facile aux marchés des capitaux à bas taux d'intérêt.

Dans ce contexte, les conditions de financement des pays débiteurs exportateurs de pétrole se sont considérablement améliorées et la valeur actualisée de leur dette a dépassé le pair. Il est devenu rentable de rembourser par anticipation, notamment, grâce à la règle du « ni décote ni pénalité » des années 1990. Ainsi, à partir de 2005, le remboursement par anticipation a pris de l'ampleur pour un certain nombre de débiteurs de poids.

Depuis 2005, au total, plus de 57 Mds $ de créances ont été remboursés par anticipation par les débiteurs du Club de Paris.

Tableau n° 8 : Remboursements anticipés par Pays aux créanciers du Club de Paris

Pays

Montant en Mds $

Fédération de Russie

37

Algérie

7,9

Pologne

5,4

Pérou

1,5

Brésil

1,5

Source : Banque de France, 2006.

Ces rachats ont pris la forme de payement anticipé des échéances futures en principal, les intérêts à échoir n'étant pas versés. Ils portaient donc sur la valeur nominale de la dette restant due (au pair) et n'ont pas donné lieu à pénalité pour rachat anticipé, à l'exception du remboursement de la dette russe en 2006 où certains créanciers ont bénéficié d'une prime d'un montant total d'un milliard de dollar US et dont 700 Millions pour l'Allemagne.

II- Remboursement par anticipation des créances multilatérales

Le remboursement par anticipation qui constitue une rupture de contrat, est régie par des règles et procédures. Ces règles sont différentes lorsque l'éventualité est prévue dans les clauses du contrat et de ce dont le contrat n'y prévoit pas, ce qui nécessite le recourt au droit commun. Dans ce qui suit, nous nous intéresserons aux cas plus précis de la Banque mondiale, principal bailleur de fonds des pays pauvres. Dans les accords de prêt de la Banque mondiale, les emprunteurs ont le droit de payer, par anticipation, avant l'échéance et à une date acceptable pour la Banque : a) l'encours du principal du prêt ; ou b) le montant en principal dû à une ou plusieurs dates d'exigibilité du prêt.

La prime de remboursement devant être acquittée à ce titre est fonction du type de prêt considéré. Les emprunteurs doivent informer la Banque par voie de notification de leur intention de rembourser tout montant avant l'échéance au moins 45 jours à l'avance.

Cette notification préalable est nécessaire car, elle permet semble-t-il à la Banque de fournir à l'emprunteur une estimation détaillée du montant du remboursement anticipé.

La Banque Mondiale a élaboré des règles qui régissent les remboursements anticipés mais qui diffèrent selon les types de prêts.

Pour les prêts à échéance fixe, les montants remboursés de manière anticipée sont imputés selon les modalités définies par l'emprunteur ou, en l'absence de toute spécification de la part de l'emprunteur, de la manière suivante : a) si l'Accord de prêt dispose que des décaissements spécifiques doivent être remboursés de manière distincte, comme dans le cas des prêts à échéance fixe liés aux décaissements, les montants remboursés de manière anticipée sont imputés dans l'ordre inverse des dates desdits décaissements, en fonction de la date de décaissement (le montant décaissé en dernier est remboursé en premier) puis en fonction de la date d'exigibilité (dans chaque tranche, c'est le montant qui est exigible à la date la plus éloignée qui est remboursé en premier) ; et b) dans tous les autres cas (c'est-à-dire pour les prêts dont le calendrier de remboursement est défini lors de l'engagement), le montant remboursé de manière anticipée est imputé dans l'ordre inverse des échéances du prêt, en commençant par les montants dus à la dernière échéance.

La valeur nominale d'une créance est le montant emprunté minoré des remboursements en principal déjà effectués. En d'autres termes, c'est le capital restant dû. Ce montant dépend de l'échéancier de remboursement en principal, mais ne dépend ni du taux d'intérêt du contrat ni du taux d'intérêt actuel.

La prime prélevée en cas de remboursement anticipé d'un montant quelconque d'un prêt est déterminée par la Banque en fonction du coût du redéploiement des fonds remboursés d'avance entre la date du remboursement anticipé et la date d'exigibilité de ce montant.

Pour les prêts à échéance variable, la Banque prélève une prime de remboursement anticipé qui est en fonction du coût du redéploiement des fonds remboursés d'avance entre la date du remboursement anticipé et la date d'exigibilité de ce montant. Le calcul de la prime prend en compte la différence entre le l'échéance payable pour le prêt remboursé de manière anticipé et l'échéance applicable à tout le prêt en la devise du prêt à la date du remboursement anticipé. Les montants versés de manière anticipée sont imputés aux paiements dus au titre de l'amortissement du prêt aux dates les plus tardives.

Dans les conditions générales applicables aux crédits de développement de l'IDA (guichet concessionnel de la Banque mondiale), l'emprunteur a le droit de rembourser par anticipation tout ou partie de l'encours du principal d'une ou de plusieurs échéances de remboursement du crédit désignées par lui. Actuellement, aucune prime de remboursement anticipé n'est prélevée en cas de remboursement anticipé des crédits de développement de l'IDA.

A quelques exceptions près lié à la nature même des crédits, les règles et procédures du remboursement anticipé des institutions financières multilatérales, sont identiques : notification de l'intention du paiement anticipé, indemnité tenant compte du coût du redéploiement des fonds remboursés en anticipation payée par le pays débiteur.

III. Les enseignements de la stratégie du remboursement par anticipation.

Les économies réalisées sur les services futurs de la dette ne justifient pas en elles seules le rachat. En fait, le gain doit être évalué par rapport au coût du capital, c'est-à-dire au coût de refinancement ou au coût d'opportunité. Ainsi, un refinancement de durée identique n'est intéressant pour le débiteur que lorsque le nouveau taux d'intérêt est inférieur à l'ancien. Dans le cas contraire, la charge d'intérêt du débiteur sera alourdie. De façon plus générale, le remboursement par anticipation de dette n'est intéressant pour le débiteur que lorsque la valeur actualisée de la même créance est supérieure à son prix de rachat.

Le remboursement anticipé par un pays endetté peut améliorer son rating (notation), lui permettant d'accéder aux prêts à taux bas et permettre des économies sur le service futur de sa dette. De ce point vu, il peut constituer une politique de désendettement favorable au développement des pays de l'UEMOA, dans le sens où les économies réalisées sur le service futur de la dette ou les nouveaux prêts éventuels à faible taux, serviront à des investissements dont les pays ont besoin pour promouvoir une croissance économique durable.

Malgré les avantages qu'elle présente, cette stratégie demeure inaccessible aux pays de la zone UEMOA, car elle suppose la possession d'une réserve de change relativement importante. Sauf à emprunter à taux bas pour rembourser les emprunts dont les coûts sont élevés, or, les taux bas sont généralement proposés par les marchés aux pays présentant moins de risque.

Le remboursement de la dette par anticipation reste par conséquent l'apanage des pays disposant de réserves de change importantes grâce à leurs exportations de matière première.

Les précédents du remboursement anticipé :

La hausse des cours du baril du pétrole a accéléré le mouvement récent de remboursement par anticipation. L'Argentine avec une dette publique s'élevant à 141,252 Mds de dollar US soit 53,7 % de son PIB, décide sous la présidence de Nestor Kirchner de rembourser la totalité de la dette du FMI (9,81 Mds USD) par anticipation. Cette décision interprétée comme une décision politique plus qu'économique avait pour objectif d'assurer une certaine indépendance du pays vis-à-vis du Fonds, lui laissant des marges de manoeuvre en matière de politique économique.

Au point de vu strictement économique, ce remboursement par anticipation n'a que peu d'effet puisqu'il a simplement consisté à s'endetter pour honorer le FMI, l'encours de la dette demeurant inchangé en conséquence. Seul changement, la créance passe du portefeuille du FMI à celui de la Banque centrale (BCRA) dont les réserves ont été sollicitées à la hauteur de 40 %.

Tout comme le Brésil, l'Argentine, l'Indonésie ou encore la Russie, l'Algérie a aussi utilisé ses réserves de change pour procéder à des remboursements anticipés de sa dette extérieure.

En 2004, elle décide de se lancer dans le remboursement anticipé de ses dettes et paie 1,6 Md USD à ses créanciers bilatéraux et multilatéraux. Le processus s'accélère quand le 11 Mars 2006, le gouvernement algérien signe un accord multilatéral avec le club de Paris, portant remboursement de la dette rééchelonnée entre 1994 et 1995. Cet accord multilatéral qui ouvre la voie à des accords bilatéraux, lui permet de rembourser de manière anticipée ses dettes bilatérales estimées à 7,9 Mds USD. En quelque mois, le pays signe douze accords avec ses créanciers. Fin juin 2006, l'Algérie avait déjà remboursé par anticipation 4,3 Mds USD à ses créanciers du club de Paris. La partie privée de sa dette environ 1 Md USD, devrait également être remboursé avant terme.

Ainsi, la dette extérieure algérienne passe de 21,4 Mds en fin 2004 à 15,5 Mds USD en fin 2005 et devrait tomber aux alentours de 5 Mds à la fin 2006, soit moins de 5 % du PIB et un peu plus de 10 % des recettes d'exportation. Au niveau de sa dette publique totale (intérieure et extérieure), elle passe de 99 % du PIB en 2005, à 57 % en 2001, 40 % en 2003 et ne représente plus que 15 %.

Le coût d'opportunité de la stratégie du remboursement anticipé fait l'objet de nombreuses controverses. Ainsi, il paraît nécessaire que le choix du remboursement de la dette par anticipation obéisse au calcul du coût-bénéfice. Les sommes mobilisées par anticipation pourraient servir, selon certains économistes, à investir pour promouvoir la croissance économique et rembourser la dette grâce au surplus des recettes fiscales générées. Pour d'autres, le paiement anticipé permet non seulement de réaliser des économies sur les intérêts futurs, mais permet, en outre, d'assurer une indépendance du pays par rapport aux institutions financières internationales (FMI, Banque Mondiale essentiellement) qui exercent une supervision de la politique économique des pays dont elles sont créancières et édictent dans la plupart du temps, les programmes d'austérité budgétaire.

Le désendettement par le remboursement anticipé, n'exige pas de reforme structurelle de nature à dégager de recettes supplémentaires, mais dépend plutôt, de manière générale, d'une aisance financière conséquence, le plus généralement, d'une augmentation plus que prévu des cours des matières premières dont le pays débiteur est exportateur. Il obéit comme toute stratégie de désendettement, à un choix délibéré soit de s'affranchir de la surveillance des créanciers comme ce fût le cas de l'Argentine de Nestor Kirchner, soit d'assurer une certaine sécurité financière (le service de la dette étant lié à la variation des taux d'intérêt).

Une telle stratégie devrait faire l'objet néanmoins d'une analyse économique plus précise, afin de déterminer les incitations et les éventuelles externalités qu'elle pourrait susciter.

Chapitre VI : La doctrine de la dette odieuse et répudiation

I- La doctrine de la dette odieuse

1- Contexte historique

L'utilisation des concepts incorporés par la doctrine de la dette odieuse apparaît à la fin du 19ème siècle lors de la décolonisation de l'Amérique Latine.

A cette époque l'emploi du droit international et des thèses jus naturalistes par les grandes puissances dans leurs relations avec les autres Etats est fréquent. La période qui s'étend de 1890 à 1905 correspond à un changement majeur dans les relations internationales. L'un des éléments de ce changement est l'entrée des Etats-Unis sur la scène internationale.

En effet, c'est à partir de cette période que la politique extérieure des Etats-Unis oscille entre la Doctrine Monroe, qui prône l'isolationnisme continental et fonde la politique américaine tout au long du XIXème, et celle du Manifest Destiny qui les pose en défenseurs de « l'ordre et de la sécurité de la société civilisée ». L'intervention américaine à Cuba, en 1898, illustre cet « élargissement de la doctrine Monroe». C'est lors de la résolution de ce conflit hispano-américain, que la doctrine de la dette odieuse fait son entrée dans la jurisprudence internationale.

2- Conceptualisation

Est classiquement considérée « odieuse » toute dette contractée par un gouvernement illégitime et/ou dont l'usage est contraire aux besoins et intérêts du peuple.

C'est Alexander Nahum Sack, ancien ministre de Nicolas II ² et professeur de droit à Paris, qui en 1927 formula cette doctrine suite aux pratiques étatiques qu'il observa : « Si un pouvoir despotique contracte une dette non pas pour les besoins et dans les intérêts de l'État, mais pour fortifier son régime despotique, pour réprimer la population qui le combat, etc., cette dette est odieuse pour la population de l'État entier. Cette dette n'est pas obligatoire pour la nation; c'est une dette de régime, dette personnelle du pouvoir qui l'a contractée, par conséquent elle tombe avec la chute de ce pouvoir.»

Selon la thèse jus naturaliste, le droit international est la « réactualisation d'un ordre inscrit dans les

desseins divins ou les décrets de la nature ». En se référant à des considérations morales qui transcendent la sphère étatique, la doctrine jus naturaliste impose l'idée de civitas maxima : la communauté internationale.

² Nicolas II Aleksandrovitch, empereur de Russie (1894-1917), renversé par la Révolution russe de 1917.

Cette doctrine s'oppose au principe de succession d'Etat énoncée par la Convention sur la succession d'Etats en matière de biens, archives et de dettes d'Etats de 1983. En effet, selon l'auteur, le principe de succession d'Etat ne concerne pas les dettes de régime.

De plus, face aux préoccupations des créanciers, Sack argumente en faveur d'une responsabilisation de ces derniers. S'ils connaissent les desseins de l'emprunteur, ils commettent « un acte hostile à l'égard du peuple » et s'exposent eux-mêmes au risque de non-remboursement si le régime est déchu. Ils ne peuvent donc pas réclamer leur dû.

Les dettes de régime ne sont donc pas soumises au principe de droit international pacta sunt servanta, selon lequel : «Tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par les parties de bonne foi» .

L'approche de Sack, empruntant le discours naturaliste, manque cependant d'applicabilité. Une définition plus opérationnelle des dettes odieuses est offerte par le Centre for International Sustainable Development Law (Centre du Droit International pour le Développement Soutenable). Elle établit trois critères, sur lesquels s'accordent plusieurs auteurs, qui fondent le caractère « odieux » d'une dette :

- l'absence de consentement : la dette a été contractée contre la volonté du peuple.

- l'absence de bénéfice : les fonds ont été dépensés de façon contraire aux intérêts de la population.

- la connaissance des intentions de l'emprunteur par les créanciers.

On remarque que l'affectation des fonds constitue un critère plus pertinent que celui de la nature du régime dans la distinction des obligations publiques. En effet, elle détermine la régularité des dettes d'Etats. La jurisprudence penche plutôt dans ce sens.

II- Les précédents de la répudiation :

1. Le Mexique :

Dans la pratique, le Mexique est le précurseur de la répudiation de dette odieuse. En

1861, le gouvernement mexicain déclare un gel de deux ans du remboursement de la dette extérieure. Cette dette contractée par différents régimes conservateurs, dont le dictateur Antonio López de Santa Anna, ne constitue pas un impératif pour le gouvernement qui souhaite se consacrer à la reconstruction du pays suite à la guerre civile de 1858-1861.

Convention de Vienne sur le droit des traités, Partie III : Respect application et interprétation des traités,

Section 1, Art.26, 1969.

Cependant, l'acte unilatéral du président mexicain, sévèrement réprimé par la France et le Royaume Uni et l'Espagne, se solde par l'occupation française et la fondation d'un empire dirigé par Maximilien d'Autriche. Celui-ci contracte de nombreuses dettes à fort taux d'intérêt afin de maintenir sa domination. Il est déchu en 1867.

Une quinzaine d'année plus tard, la loi du 18 Juin 1883, dite loi sur le règlement de la dette nationale, répudie effectivement les dettes contractées de 1857 à 1860 et de 1863 à

1867. L'expérience mexicaine s'inscrit comme l'un des exemples de la « politique de la

Canonnière » chère aux grandes puissances européennes, à l'époque, consistant à user de la force dans le recouvrement de leurs créances. Cette pratique a progressivement disparu en laissant place à une reconnaissance de la souveraineté de la dette publique, c'est-à-dire au maintien théorique de l'intangibilité des privilèges de l'État, fût-il débiteur.

De plus, l'affaire mexicaine suggère que seul un Etat occidental possédant un certain crédit sur la scène internationale pouvait imposer une telle doctrine. En effet, trois décennies plus tard l'action des Etats-Unis a un tout autre rayonnement.

En 1897, embrassant la cause du peuple cubain et soucieux de leurs propres intérêts géostratégiques, les Etats-Unis entrèrent en guerre contre la couronne hispanique, mirent rapidement fin au conflit et remportèrent, entre autres, la souveraineté de l'île.

2- Les Etats-Unis :

Dès lors, l'Espagne, déchue, réclama aux Etats-Unis le paiement des créances qu'elle et d'autres puissances européennes (notamment la France et la Belgique) détenaient sur Cuba. Ces créances avaient étés contractées par les agents de la régence espagnole sur les marchés internationaux sous formes d'obligations. La requête espagnole s'appuyait sur des faits analogues, notamment le comportement de ses anciennes colonies qui avaient pris à leur charge la part de la dette publique espagnole ayant servit à leur colonisation. De plus, les

Etats-Unis eux-mêmes avaient reversé plus de 15 millions de livres sterling au Royaume Uni lors de leur accession à l'indépendance.

En dépit de cette tendance respectée à l'époque par toutes les grandes puissances, puisque conforme à leurs intérêts, les Etats-Unis refusent toute responsabilité et le postulat selon lequel la dette espagnole incombait au peuple cubain.

Dominique Carreau, Rapport du directeur d'études de la section de la langue française du centre, in Centre d'Etude et de Recherche de Droit International et de Relations Internationales, 1995, p. 8.

La raison évoquée est que, cette dette a été imposée au peuple cubain sans son accord et par la force des armes et constituait l'un des motifs de la rébellion cubaine. Ces créances contractées par les autorités locales servaient leur domination en finançant l'appareil répressif, étouffant toute insurrection cubaine. De plus, les Etats-Unis déclarèrent que les créanciers avaient pris le risque de leurs investissements : ils savaient que ces dettes servaient l'asservissement d'un peuple.

En effet, en 1898, lors du Traité de paix de Paris, l'Espagne reconnaît qu'avant 1860, une partie du revenu de l'île a financé les dépenses nationales espagnoles. Elle ne nie pas non plus qu'entre 1861 et 1880, les dettes contractées par la régence ont été affectées au financement de l'expédition espagnole au Mexique, aux dépenses liées à la tentative de récupération de San Domingo, et à la répression des soulèvements populaires cubains entre 1968 et 1878. Les dettes contractées après 1880 visaient à rembourser les emprunts précédents, ainsi qu'à maintenir la domination espagnole à Cuba.

Au final, les dettes de la régence avaient été contractées sous le droit espagnol et non cubain, et obligeaient l'Espagne et non l'île.

Ni les Etats-Unis qui soutenaient la cause cubaine, ni Cuba ne remboursèrent cette dette, et les créanciers ne recouvrèrent jamais leur dû. La décision des Etats-Unis fût enregistrée dans le Traité de paix de Paris qui mit fin la guerre hispano-américaine.

On retrouve dans le précédent cubain les trois critères évoqués plus haut.

A partir de cet événement, la communauté internationale reconnaît implicitement le concept de dette odieuse. Le terme implicite suggère que les Etats ne déclarent pas adopter cette doctrine, mais que leurs pratiques reflètent son acceptation comme instrument juridique.

3- L'Union soviétique :

Ainsi, en 1918, suite à la révolution qui le mène au pouvoir, le parti Bolchevik répudie la dette tsariste que le gouvernement provisoire avait décidée d'honorer.

Cependant, les détracteurs de la doctrine avancent que le contexte radical du changement de régime de l'empire russe isole cette répudiation du champ d'application de celle-ci.

De plus, cette répudiation constitue un acte unilatéral non sanctionné par une cour arbitrale. Enfin, en 1996, la Fédération de Russie s'est engagée à apurer ces dettes envers la France .

La France et la Russie ont signé, le 26 novembre 1996, un accord relatif au paiement par la

Fédération de Russie d'une somme de 400 millions de dollars, en règlement définitif des créances réciproques entre la France et la Russie antérieures au 9 mai 1945.

4- Les traités de paix des première et seconde guerres mondiales :

Un exemple plus emblématique est celui du Traité de Versailles qui, en 1919, annule officiellement la dette réclamée par l'Allemagne et la Prusse au nouvel Etat polonais.

Les deux vaincus soutenaient que les prêts qu'ils avaient contractés afin d'occuper la

Pologne incombaient à cette dernière.

De même, le traité de paix signé entre l'Italie et la France le 10 février 1947 déclare « inconcevable que l'Ethiopie assure le fardeau des dettes contractées par l'Italie afin d'assurer sa domination sur le territoire Ethiopien ».

5- Le Costa Rica :

L'affaire entre le Costa Rica et la Grande Bretagne constitue le principal élément de jurisprudence de la doctrine de la dette odieuse.

En 1922, le gouvernement costaricain vote une loi annulant tous les contrats passés de

1917 à 1919 entre le gouvernement précédent de Federico Tinoco, général puchiste, et les personnes privées. Par cet acte, le gouvernement vise particulièrement les porteurs de titres émis par la Banco Internacional de Costa Rica.

En effet, avant de quitter le pays en août 1919, le général Tinoco et son frère ont détourné les fonds mis à disposition de la Banco Internacional par la Royal Bank of Canada, une banque britannique, en échange de bonds. Suite à l'annulation des contrats, la Grande Bretagne en vertu de son droit de protection diplomatique accusa l'Etat costaricain et la Banco Internacional d'avoir rompu ses engagements envers la Royal Bank of Canada.

La Grande Bretagne affirma que le gouvernement de Tinoco était un gouvernement légitime et que ses actes incombaient au nouveau gouvernement. Pour le Costa Rica cet argument était d'autant plus absurde que la Grande Bretagne, comme de nombreuses puissances européennes, n'avait pas reconnu le gouvernement puchiste.

D'autre part, selon la Constitution les ressortissants britanniques lésés devaient s'adresser directement à une juridiction costaricaine et non étrangère, et renoncer à la protection diplomatique. Cette clause, incluse dans de nombreux contrats de dette sud-américains, vise à protéger l'Etat débiteur.

Le juge Taft, président de la Cour suprême des Etats-Unis, qui arbitra l'affaire, conclue que malgré la légitimité du gouvernement de Tinoco, gouvernement de facto capable d'engager l'Etat, les contrats étaient inapplicable, car la Bank of Canada n'avait pas agi en vertu du principe de « bonne foi ». En effet, la dette avait été contractée alors que la popularité de Tinoco avait disparu et que les forces d'opposition politiques et militaires montaient en puissance. De plus, le général Tinoco avait usé de l'argent prêté par la Royal Bank of Canada à la Banco Internacional à des fins purement personnelles, donc contre l'intérêt public. La nullité de la dette (Law of Nullities) costaricaine fut déclarée valide.

6- L'Indonésie :

Le cas le plus récent de répudiation de dette dite « odieuse » est celui de l'Indonésie qui, en 1949, lors de la Conférence de la Haye, accepte d'assumer une partie de la dette publique hollandaise contractée avant l'occupation japonaise de 1942, mais refuse de participer aux remboursements des fonds ayant financés la répression militaire du mouvement de libération nationale. L'accord débouche sur une participation indonésienne à hauteur de 4,5 milliards de guildes hollandaises. Cependant en 1956, l'Indonésie dénoncera cet accord comme « odieux ».

III. La difficile re-appropriation du droit international par les pays issus de la décolonisation.

La décolonisation est l'un des évènements majeurs ayant transformé le droit international entre 1945 et 1990. Du XIXème siècle à la création de l'ONU, le droit international était déterminé par les grandes puissances pour asseoir leur suprématie sur le monde. En 1945, avec la signature de la Charte des Nations Unies, un code de conduite établissait les principes généraux des relations internationales qui seront complété par des traités internationaux.

1- Le traité de Vienne.

La Convention de Vienne sur le droit des traités, conclue en 1969, reflète les attentes du Tiers Monde et des pays socialistes. En effet, en codifiant des principes issus de la coutume appartenant au corpus du droit général, la Convention introduit des restrictions à la liberté invétérée des Etats. Dans le cadre de la dette odieuse, la convention offre plusieurs recours possibles, dont le plus pertinent est l'article 50 sur la corruption .

Art. 50 Corruption du représentant d'un Etat : « Si l'expression du consentement d'un Etat à être lié par un traité a été obtenue au moyen de la corruption de son représentant par l'action directe ou indirecte d'un autre Etat ayant participé à la négociation, l'Etat peut invoquer cette corruption comme viciant son consentement à être lié par le traité ».

L'évocation de l'article 50, n'est pertinente que dans le cadre de contrats liant deux Etats. Cependant, les cas potentiellement concernés restent nombreux. La convention accorde une importance particulière à la malhonnêteté potentielle des dirigeants et des créanciers.

Ainsi, le Pérou avait adopté dès 1860 une loi stipulant que tous les actes commis par un gouvernement usurpateur seraient déclarés nuls et non avenus, et contraires à la Constitution péruvienne . Cet article offre une opportunité considérable aux Etats à faible stabilité politique souhaitant préparer de futurs cas de dettes « odieuses ».

Les répudiations ex-post étant au jour d'aujourd'hui incertaines, car liées aux rapports de force de l'ordre mondial actuel, la prévention des prêts frauduleux par leur invalidation dans le droit interne, voire au sein même de la Constitution, permettrait une réappropriation significative du droit.

2- La non-application de la doctrine

Malgré les avancées juridiques citées, qui renforcent la portée des précédents examinés, la non-application de la doctrine de la dette odieuse n'est pas étonnante.

Son principal motif est l'opposition des grandes puissances. Il s'agit cependant de préciser que le débat ne porte pas sur les dettes contractées par les colonisateurs. Celles- ci ne furent pas mises à la charge des nouveaux Etats ipso jure et ceux qui les assumèrent le firent volontairement, surtout pour des raisons politiques notamment dans le but du maintien des relations financières.

Les mêmes raisons freinèrent plus tard les Etats à répudier leurs dettes odieuses. Et pour cause : un Etat répudiant sa dette est un Etat qui s'isole de la communauté financière internationale. Or, en 1982, la crise de la dette mexicaine mit un terme à l'octroi frénétique de prêts au Tiers-Monde. La finance internationale s'en détourna et les taux d'intérêts pratiqués augmentèrent dangereusement. De plus, les Etats du Nord, touchés par la stagflation réduisirent considérablement leur aide publique au développement.

C'est donc la peur de la sanction des marchés financiers qui réfrènent les pays du Tiers

Monde. Lorsque les Sandinistes prirent le pouvoir au Nicaragua en 1979, ils reconsidèrent rapidement leur répudiation initiale des dettes.

L'article 10 de la Constitution du 10 Novembre 1860 stipule que « sont nuls les actes de ceux qui ont usurpés les fonctions publiques et les emplois confiés sous les conditions prescrites par la Constitution et les lois ».

De même le gouvernement sud africain de Nelson Mandela endossa les dettes de l'apartheid, malgré la pression du mouvement catholique.

La seconde restriction importante à l'application de la doctrine de la dette odieuse provient du fait que celle-ci n'a pas atteint le stade de l'opinio juris. Dès lors, son emploi reste aléatoire, car il repose sur les rapports de force sous-jacents.

La probabilité de création d'une règle de droit décroît avec l'importance ou la sensibilité du sujet abordé. La notion de dette odieuse reste donc un élément de la doctrine, celle-ci n'étant pas une source classique de droit international. Parmi les décisions judiciaires, seule l'affaire Tinoco fait jurisprudence. Cependant, ce précédent lie fermement le caractère légal des dettes publiques au respect de l'intérêt public.

Une autre source du droit international est contenue dans les principes généraux du droit. Parmi ceux-ci, ont peut citer la bonne foi, utilisée dans l'affaire Tinoco, et la théorie de l'enrichissement injuste. La bonne foi reste cependant un élément subjectif, dont l'invocation est nécessaire mais non suffisante.

Enfin, la coutume forme une source première du droit international, si et seulement si elle est la preuve d'une pratique générale acceptée comme étant le droit. Or, la pratique récente des Etats ne montre pas que la doctrine de la dette odieuse ait atteinte le statut de droit. Les auteurs ne s'accordent pas sur l'opinio juris de la doctrine, c'est-à-dire le fait qu'elle soit perçue par les Etats comme leur conférant des droits et des obligations tels, qu'ils doivent se conformer à celle-ci. Pour beaucoup, elle reste un élément de la morale et n'a pas valeur de loi.

3- La répudiation et le désendettement

La reconnaissance des organisations non-gouvernementales comme de nouveaux acteurs des relations internationales, représentant la « société civile » voire la « communauté internationale » offre le renouveau de la doctrine de la dette odieuse.

Ainsi, la médiatisation de la doctrine de la dette odieuse par les mouvements pour l'annulation de la dette du Tiers-Monde, tels que le CADTM, Jubilée 2000, ATTAC ou le Collectif Odious Debt, par des manifestations crée l'idée d'effectuer un audit de la dette des pays tiers monde, afin de juger leur légitimité.

Dès lors, la considération grandissante des sphères juridique et politique pour les revendications des ONG, laisse espérer une amélioration du statut de la doctrine. Ainsi, le parlement anglais a explicitement reconnu la doctrine dans le cadre des dettes rwandaises .

De même, le gouvernement fédéral américain, pour des motifs peu altruistes, a récemment fait référence à la doctrine dans le but de légitimer une annulation partielle de la dette irakienne contractée par la dictature.

De plus, la Sentencia Olmos du 13 juillet 2000 de la Cour Criminelle et Correctionnelle de Buenos Aires, qui condamne la dictature argentine et ses créanciers dont le FMI, valide le recours à la justice nationale dans la condamnation de ce type de dette ².

Si les ONG semblent déterminées à internationaliser le débat sur la dette « odieuse » afin d'obtenir des annulations pures et simples de la plupart des dettes des pays pauvres en s'appuyant sur la nature des régimes qui les ont souscrits, les démarches juridiques quant à elles, émanent d'une décision nationale.

Leurs réussites peuvent dépendre de leur coordination à l'échelle régionale par exemple.

Parallèlement, le FMI a publié en juin 2002 l'article de deux économistes d'Harvard affirmant la viabilité d'une institutionnalisation des dénonciations a priori de dettes odieuses afin d'éviter leur répudiation ex-post, ou de la création d'une nouvelle norme exonérant les pays victimes de toute responsabilité . Par cet acte, le FMI montre une perméabilité à ces idées. Celle-ci suggère une surestimation historique du pouvoir des créanciers sur les débiteurs.

En effet, la stabilité financière du Nord dépend largement du Sud. En sont la preuve, les perpétuels rééchelonnements de dettes accordés aux économies débitrices.

Dans l'histoire récente, aucun pays n'a pris le risque de répudier sa dette. Au point que la répudiation s'apparente beaucoup plus à une méthode s'appuyant sur des faits historiques reposant essentiellement sur la gouvernance, qu'à une véritable stratégie pour un pays de sortir de l'endettement.

Les organismes non-gouvernementaux à but humanitaire (CADTM, CETIM, ATTAC etc.) développent l'idée de placer la plupart des dettes des pays ayant connus des dictatures

International Development Comitee of the House of Common, Third Report, 14 May 1998.

² En effet, selon la Sentence du Juge fédéral argentin, les institutions financières internationales (IFI) et les firmes financières privées ont fourni des fonds (sous forme de prêt) à une dictature (gouvernement usurpateur), qui, en outre, a planifié et exécuté des crimes contre l'humanité, ces institutions internationales ne peuvent prétendre que : le gouvernement postérieur légitime est juridiquement tenu par le droit international à rembourser les dettes de la dictature militaire.

M. Kremer and S. Jayachandran, Odious debt, in Finances & Development, vol. 39, n°2, Juin 2002.

notamment en Afrique, dans la catégorie des dettes odieuses, en légitimant purement et simplement leur annulation. Dans ce sens, les audits sont préconisés. Celui récemment effectué par le Sénat belge avec l'appui du CADTM est un exemple. Au demeurant, il n'y a pas eu de répudiation de dette unilatérale dans la période récente, à la fois crainte de représailles (gel des avoirs détenus à l'étranger, perte de confiance etc.), mais aussi parce qu'il s'agit de la pire des solutions qui aurait conduit à l'isolement des pays pauvres débiteurs de la communauté financière internationale. En outre, les déficits budgétaires chroniques des pays de l'UEMOA et le recours restrictif du financement monétaire résultant de l'indépendance de la Banque centrale vis-à-vis du pouvoir exécutif, les rendent fortement dépendants des financements extérieurs qu'un risque de répudiation rendra inaccessibles.

Chapitre VII : La politique d'austérité budgétaire comme instrument de désendettement public

Jusque là, nous avons abordé des stratégies qui tenaient plutôt à des circonstances particulières, la disponibilité d'une réserve de change importante pour ce qui concerne les remboursements anticipés constatés, la prise en compte du fait historique pour la répudiation ; qu'à une réelle stratégie s'inscrivant dans une démarche de réforme structurelle capable d'assurer le financement futur des investissements dont les pays ont besoin.

La récession économique du début des années 1990 dans les pays développés membres de l'OCDE, a nécessité dans nombre de pays membres de cette organisation des réformes économiques et notamment budgétaires qui sont riche d'enseignements.

En effet, la récession a accentué la détérioration de la situation budgétaire de la plupart des pays membres. En 1993, le déficit des administrations publiques s'élevait à 4,2 % du PIB, pour l'ensemble des pays membres. Pour rééquilibrer leur situation budgétaire, beaucoup de pays ont entrepris des réformes budgétaires structurelles visant à réduire leurs ratios d'endettement.

Vue comme la condition première d'une politique de réduction du fardeau de la dette, la nécessité d'une économie dynamique et en croissance seule capable de soutenir un niveau élevé d'endettement et, éventuellement, de le réduire est devenu un consensus. Pour se désendetter, le recours à «l'effet de dénominateur» c'est à dire la marginalisation de la dette par rapport à la production totale, visant à diminuer progressivement le ratio grâce à la croissance, est apparu comme la stratégie viable pour nombre de pays. Cette stratégie est à la différence des autres stratégies de désendettement que nous avons abordées, une politique basée sur des réformes budgétaires structurelles. Cette démarche que nous appelons de politique d'austérité budgétaire comme instrument de désendettement, apparaît à certains égards comme la principale politique viable pour un pays de sortir de la dette. Avant de déduire les enseignements pour les pays de l'UEMOA de cette stratégie qui consiste à stabiliser l'encours de la dette pour obtenir une baisse progressive du ratio Dette/PIB, à titre illustratif, nous présentons ce qui suit quelques expériences réussies servant d'exemple en la matière.

I. Les politiques de réduction du déficit structurel

Plusieurs exemples réussis sont riches d'enseignements en matière de stratégie de désendettement public par réduction du déficit structurel. Nous analyserons, en particulier, le cas du Canada, de l'Espagne, de la Suède. Une synthèse de ces enseignements nous permettra d'illustrer les caractéristiques essentielles d'une consolidation budgétaire réussie.

Depuis le milieu des années quatre-vingt pour les premiers d'entre eux et le début des années quatre-vingt-dix pour d'autres, beaucoup de pays se sont engagés dans la voie du désendettement public en concentrant les réformes sur le contrôle des soldes publics et, en particulier, des dépenses.

Tableau n° 5 : Exemples de consolidation budgétaire réussie

Pays

Année

pic du ratio de dette

Niveau pic ratio de dette (1)

Ecart pics ratio de dette et 2005

Pic ratio de

dépenses

Niveau pic ratio de dépenses

Ecart pics ratio de dépenses et 2005

Année de déficit maximum

Niveau de déficit maximum

Solde public en 2005

Début

ajustement

Belgique

1993

140,7

42,4

1983

62,0

11,9

1981

- 15,3

- 0,1

1983

Canada

1995

100,8

31,5

1992

53,3

14

1992

- 9,1

1,7

1993

Espagne

1996

75,6

25,2

1993

48,6

10,4

1993

- 6,9

1,1

1994

Suède

1996

84,4

25,1

1993

72,4

16,0

1993

- 11,3

2,7

1994

Finlande

1996

66,0

17,4

1993

63,6

12,8

1993

- 7,2

2,4

1993

(1) : Les données utilisées dans ce tableau sont celles de l'OCDE. La dette publique brute, ici présentée, correspond au total des engagements financiers des administrations publiques. Elle ne comprend que la dette certaine et n'intègre pas les engagements implicites (retraite, etc.) et conditionnels (garanties données par l'administration). Elle est évaluée en valeur de marché au sens de la comptabilité nationale et non en valeur nominale comme la dette au sens de Maastricht.

Remarque : les chiffres contenus dans ce tableau sont en pourcentage du PIB, les rubriques Ecart pics ratio de (...) et 2005, signifient l'écart entre le niveau maximal atteint et le niveau de 2005 et traduisent le niveau de baisse en point de l'indicateur concerné.

Source : OCDE, perspectives économiques n°79, juin 2006 pour les données chiffrées.

1- L'exemple Canadien : audit exhaustif des dépenses publiques

Au cours de la récession de 1982-84, les dépenses publiques ont augmenté à un rythme accéléré, les recettes ont baissé et le déficit a connu un niveau important atteignant 6,8 % du PIB en 1984. Face à ce dérapage, l'élimination du déficit a constitué un objectif que les gouvernements canadiens successifs se sont fixés depuis le début des années 1980.

Au début des années quatre-vingt-dix, le Canada connaît à nouveau une crise profonde qui a fait apparaître de façon évidente le déséquilibre budgétaire resté latent jusque-là. La dette totale a dépassé 100 % du PIB en 1995, dont les trois quarts imputables aux finances fédérales. La structure et le niveau des dépenses publiques se sont révélés insoutenables dans un contexte de faible croissance et de taux d'intérêt élevés.

A la suite d'une campagne de communication comme ce fût le cas en France avec le rapport Pébereau sur la dette, la population canadienne et les gouvernements des provinces ont pris conscience du lien entre la persistance de déficits élevés, le niveau des taux d'intérêt et l'augmentation de la pression fiscale inévitable dans un futur proche. Dès lors, une réforme profonde a été mise en oeuvre dès 1993, par application du Fiscal Spending Control Act de 1992 (la loi sur le contrôle des dépenses). Cette réforme s'est articulée autour de trois principaux axes stratégiques :

- Se doter d'un objectif de déficit public de moyen terme raisonnable, ce qui est jugé plus efficace qu'annoncer le retour à un déficit nul à un horizon plus éloigné. Cet objectif est associé à l'engagement ferme de respecter des cibles intermédiaires de déficit.

- Afin de pouvoir procéder à des coupes drastiques dans les dépenses publiques et respecter la limite de progression nominale, un vaste processus d'audit a permis de sélectionner celles qui s'avèrent efficaces, d'identifier les secteurs où des gains de productivité sont possibles et ceux où les dépenses ne sont pas justifiées. L'analyse exhaustive a pris six mois au terme desquels une baisse des dépenses d'environ 20 % à partir des niveaux de 1994 a été réalisée en trois ans. Six critères ont permis de sélectionner les dépenses publiques autorisées : l'intérêt public du programme de dépenses, son efficacité, la contribution du programme à l'exercice des missions régaliennes de l'État, la capacité des provinces à l'assumer en lieu et place de l'État, la capacité des contribuables à le financer et la disponibilité de services privés alternatifs.

Etude sur « Les stratégies de désendettement du secteur public : enjeux économiques et enseignements des expériences étrangères » parue dans le Bulletin de la Banque de France N° 154, Octobre 2006.

- Recueillir l'adhésion à la réforme de tous les acteurs économiques grâce à la réalisation de consultations de grande ampleur dans le secteur public avant d'établir le budget. Les coupes budgétaires ont concerné toutes les catégories de dépenses et représentent environ 4 points de PIB d'économies entre 1993 et 1995.

Elles se sont particulièrement concentrées sur les transferts aux provinces et les prestations sociales, notamment les allocations chômage et l'assurance maladie. Le nombre de fonctionnaire a diminué de 15 %, soit 60 000 agents partis en retraite anticipée, licenciés (avec forte indemnité) ou reclassés dans le secteur privé. Les salaires publics ont été gelés pendant trois ans, et certaines subventions aux entreprises ont été fortement réduites. Pour certains ministères (industrie, transports), il s'agit d'une diminution en termes absolus des dépenses et pas seulement d'un ralentissement de croissance.

Par ailleurs, le marché du travail a été réformé pour accroître la flexibilité et l'accès à la formation. Le régime d'assurance chômage a également été modifié afin de favoriser l'encouragement au travail.

Enfin, le Canada a profité de la dévaluation de sa monnaie face au dollar américain et du dynamisme du PIB des États-Unis. La progression de son commerce extérieur a, dans un premier temps, contrebalancé l'impact de l'ajustement budgétaire sur la croissance, puis dynamisé celle-ci qui est demeurée très élevée à la fin des années quatre-vingt-dix. Outre l'action menée sur les dépenses publiques, un des facteurs clé de la réussite canadienne semble être la forte adhésion des agents privés à cette démarche.

Or, ceci n'a été possible que parce que les actions mises en oeuvre ont semblé relativement justifiées et équitables (grâce à l'audit) et conformes à la restauration à moyen terme de la croissance et de l'emploi. Si aucun ajustement des dépenses primaires n'avait été entrepris, le ratio de dette canadien, toutes choses étant égales par ailleurs, aurait atteint aujourd'hui près de 140 %.

En réalité, le retour à des finances publiques saines, dans un contexte de baisse des taux d'intérêt, a permis de ramener le ratio de dette totale de près de 100 % en 1993 à environ 70 % du PIB en 2005. Le Canada est souvent présenté comme le meilleur exemple d'un ajustement budgétaire réussi, grâce à la combinaison d'une totale refonte des dépenses publiques et d'une réforme profonde des institutions budgétaires accompagnée d'autres réformes structurelles.

Les enseignements qu'on peut tirer de la conception et de la mise en oeuvre de la stratégie canadienne du désendettement sont entre autres :

- un audit exhaustif des dépenses publiques, permettant de réaliser des économies et d'orienter celles-ci vers des objectifs bien définis ;

- fixer des objectifs de court terme (ramener le déficit à 3 % du PIB en trois ans), a constitué un moyen efficace pour progresser vers la réalisation des objectifs finals ;

- le choix de priorités en matière de réduction de dépenses semble préférable à une approche de réduction générale qui est plus radicale, mais peut entraîner des réductions dans les programmes à forte priorité comme dans ceux à faible priorité.

La combinaison, essentiellement, de ces différents instruments, a permit au Canada de baisser de manière continue son déficit, ce qui permet de stabiliser la dette. La dette se stabilisant et la croissance du PIB faisant, le ratio de l'encours de la dette en pourcentage du PIB diminue et tend vers zéro.

La réforme canadienne est donc riche d'enseignements et peut inspirer les pays confrontés à une situation budgétaire fortement déséquilibrée comme les pays de l'UEMOA. Toutefois, les spécificités du pays (État fédéral, économie développée, politiques monétaire et de change autonomes...) diffèrent des caractéristiques des pays de l'UEMOA.

2- L'exemple espagnol

Depuis les années soixante-dix, l'Espagne a connu une croissance prononcée de ses dépenses publiques, notamment en raison de la montée en puissance des systèmes de protection sociale. En dépit de la hausse de la pression fiscale, accentuée par une première tentative de consolidation budgétaire dans les années quatre-vingt, des déficits importants sont apparus. Mais le financement de la dette par monétisation avait réussi à empêcher que celle-ci n'explose jusqu'à la grave récession du début des années quatre-vingt-dix.

L'Espagne a alors été confrontée de nouveau à une dégradation insoutenable de ses finances publiques. C'est alors qu'a été décidé un assainissement budgétaire d'ampleur, à la fois pour initier un cercle vertueux associant forte croissance économique et inflation modérée, et pour parvenir à satisfaire aux critères de Maastricht en 1997. Les caractéristiques de la réforme de 1994 ont été déterminées afin de maximiser la crédibilité de l'ajustement (composition des dépenses, ancrage du retour à la discipline budgétaire dans un cadre institutionnel solide, lutte contre la fraude fiscale) et permettre d'en tirer rapidement les fruits en termes de croissance et d'emploi. Les efforts budgétaires réalisés, quoique très significatifs (3 points de PIB en deux ans), ont bénéficié dès le début du soutien d'une croissance très forte de l'activité, largement supérieure à celle de la zone euro pourtant en phase de reprise, et du bénéfice tiré de la baisse des taux d'intérêt nominaux. Ainsi, la réduction massive des dépenses courantes (transferts sociaux en particulier les allocations chômage et la réforme du financement de la santé en liant les augmentations de dépenses de santé à la croissance économique et en retenant comme critère d'affectation des ressources la proportion de la population assurée, masse salariale publique, subventions) a pu être réalisée rapidement sans induire un coût de court terme trop prononcé sur la croissance.

Parallèlement, d'autres réformes structurelles ont été mises en oeuvre : réforme des retraites, de la fiscalité des sociétés (1995) et des ménages (1998) afin de simplifier le système fiscal et de le rendre plus incitatif tout en augmentant les élasticités budgétaires, réforme du marché du travail (libéralisation et flexibilisation accrues notamment en 1997). Enfin, l'Espagne a bénéficié, au début du processus de consolidation budgétaire, d'un afflux de recettes exceptionnelles liées à la réforme du secteur public (privatisations d'entreprises du secteur de l'énergie et des télécommunications) et aux importants versements des fonds structurels européens.

En l'absence d'ajustement des dépenses primaires à partir de 1994, le ratio de dette espagnol serait aujourd'hui proche de 110 % du PIB selon les estimations de l'OCDE. Cependant, la réduction effective du ratio de dette, ramené de 65 % en 1993 à environ 50 % du PIB en 2005, aurait pu être plus forte si une partie des gains n'avaient pas été orientée vers la diminution des recettes fiscales après 1997, en lien notamment avec la décentralisation massive des décisions fiscales et budgétaires. La Loi de stabilité budgétaire votée en 2003 vise à garantir institutionnellement le prolongement de l'effort et à éviter, comme cela s'est produit au Canada, de voir déraper les finances publiques locales.

Ce qu'on peut retenir de l'exemple espagnol pouvant inspirer les pays de l'UEMOA, c'est que la politique budgétaire consistant à réduire le niveau d'endettement, se justifiait avant tout par le respect des objectifs de réduction du déficit fixés dans le programme de convergence pour l'union monétaire européenne. Ce cadre quasiment institutionnel de contrainte dans un but de respect aux engagements pris comme à ceux du traité de Maastricht pour l'Espagne, est analogue pour les pays de l'UEMOA qui partagent la même monnaie, doivent par principe, comme l'Espagne, respecter leurs critères de convergence notamment budgétaire définis en commun accord (un déficit public inférieur ou égal à 3 % du PIB et le ratio de l'encours de la dette publique inférieur ou égal 60 % du PIB). Par ailleurs, l'existence même d'une contrainte de nature communautaire peut permettre à certains niveaux d'initier des réformes structurelles de manière durable.

3- L'exemple suédois :

Au début des années quatre-vingt-dix, la Suède s'est trouvée confrontée simultanément à une grave crise bancaire et à une forte récession économique. Cette situation a coïncidé avec la croissance des déficits publics, du ratio de dette et du chômage. En 1994, le gouvernement suédois a décidé de réagir en engageant un processus d'assainissement massif renforcé par la réforme des procédures et institutions budgétaires.

L'ajustement budgétaire s'est concentré, comme ce fut le cas dans d'autres pays, sur la réduction des dépenses (une baisse de 16 points du PIB depuis 1994), en priorité les transferts sociaux, les subventions et la consommation publique.

Dans le même temps, la pression fiscale est restée forte, tandis qu'un programme de privatisation du secteur des télécommunications contribuait à réduire la dette par ses recettes affectées.

Cependant, la pérennité de l'effort a, avant tout, été garantie par la transformation définitive des institutions et des procédures budgétaires. Le but était de réduire la taille du secteur public et d'en accroître l'efficacité et le contrôle. Ainsi, celui-ci a été réformé afin d'être constitué d'un petit nombre de ministères (treize) et de 300 agences publiques ou mixtes qui regroupent 99 % des fonctionnaires.

En ce qui concerne les procédures budgétaires, la réforme permet d'imposer des plafonds de dépenses primaires nominales (hors pensions) pour trois ans glissants sur vingt-sept catégories de dépenses.

La fixation est dite « top-down », c'est-à-dire que le budget global est établi, il sera ensuite réparti entre les différents programmes, avec l'impossibilité de dépasser les limites imposées.

Tout programme de dépenses supplémentaires doit être financé par des coupes dans d'autres domaines.

De plus, les plafonds de dépenses ont été scindés en 1997 pour séparer les objectifs de l'État central, des collectivités locales et des systèmes de retraite.

La priorité est donnée aux dépenses productives (éducation, certaines prestations de santé, services liés à l'enfance) plutôt qu'aux dépenses dites « palliatives » (transferts sociaux). Le processus budgétaire aboutissant au vote de la loi de finances a été simplifié et implique davantage le Parlement, y compris sur les objectifs triennaux. Enfin, la discipline budgétaire s'inscrit dans le cadre d'un objectif de moyen terme de surplus budgétaire de 2 % du PIB. Au total, la stratégie suédoise, favorisée par le retour rapide d'une croissance dynamique du PIB via l'essor des exportations, a permis de ramener le ratio de dette de près de 85 % du PIB en 1996 à près de 60 % en 2005. De plus, la sensibilité du budget à l'activité économique, autrefois très marquée, a été réduite ce qui limite les erreurs de prévision et stabilise les finances publiques.

L'expérience suédoise basée sur la réforme institutionnelle et simplification des procédures budgétaires, suppose l'existence d'un contrôle efficace pour limiter les abus dans la souplesse de gestion des crédits ce qui pour le cas des pays pauvres en général et en particulier des pays de l'UEMOA n'est pas le cas. Au demeurant, cette stratégie de rationalisation peut inspirer, dans la mesure où elle permet comme dans de nombreux exemples réussis de recentrer la puissance publique sur des objectifs clairs.

II Les caractéristiques nécessaires d'un ajustement budgétaire réussi

En dépit de spécificités nationales complexes et diverses, l'analyse des principales caractéristiques des réformes budgétaires ayant conduit des pays à réduire leur taux d'endettement permet de dégager plusieurs points communs dont la présence semble nécessaire à la réussite du projet.

1- Éléments de contexte :

- Les déséquilibres budgétaires durables sont généralement d'origine structurelle et découlent essentiellement de l'impossibilité d'infléchir facilement les tendances croissantes et incontrôlées des dépenses publiques. La solution peut se trouver dans des réponses structurelles et des améliorations permanentes des finances publiques et non dans une réaction conjoncturelle inadaptée.

- Un ajustement budgétaire sera d'autant moins coûteux d'un point de vue social et politique qu'il sera entrepris dans un contexte macroéconomique favorable. Ainsi, une période marquée par une reprise de la croissance et de faible taux d'intérêt peut être un moment favorable pour réaliser les réformes structurelles nécessaires.

2- Contenu et mise en oeuvre de l'ajustement

- Les expériences réussies se sont appuyées sur une maîtrise durable de la dépense publique plutôt que sur la hausse des prélèvements obligatoires.

- La baisse des dépenses publiques s'est, la plupart du temps, concentrée sur les transferts sociaux, les subventions et la masse salariale publique.

Les gouvernements ont du sélectionner les dépenses prioritaires, qui peuvent progresser, et restreindre les autres. Les réformes se sont accompagnées de la recherche de gains de productivité dans le secteur public, de l'amélioration de l'organisation des institutions (création d'agences spécialisées, transferts de personnel, modes de rémunération liés à la performance, davantage de contrôle de la réalisation des objectifs, nouveaux modes de recrutement, déplacement de la frontière entre les dépenses publiques et privées etc.).

- La plupart des programmes de consolidation budgétaire ont cherché à répartir le coût de l'ajustement sur l'ensemble des agents privés afin d'obtenir l'adhésion la plus large au projet.

- L'ajustement budgétaire s'est la plupart du temps inscrit dans une logique de rupture. La réforme a été globale, de taille importante et a été mise en oeuvre d'un seul coup afin de montrer la cohérence d'ensemble du projet, de gagner en crédibilité et d'inciter les agents privés à anticiper une baisse future de la pression fiscale.

- Les consolidations réussies ont fait l'objet d'un programme précis et d'engagements politiques fermes incluant des objectifs budgétaires de court et/ou moyen terme, des cibles ou des plafonds de dépenses, la définition de règles de comportement rigoureuses notamment en ce qui concerne l'allocation de recettes exceptionnelles ou inattendues, une implication plus forte du Parlement et une responsabilisation accrue des gestionnaires publics.

- Enfin, ces réorientations ont cherché à rendre symétrique le jeu des stabilisateurs automatiques en maintenant le niveau des prélèvements obligatoires et en récusant la création de nouvelles dépenses non financées en phase ascendante du cycle économique tant que les finances publiques ne sont pas revenues sur une trajectoire soutenable.

3- Accompagnement et communication autour de l'ajustement budgétaire

- Les gouvernements ont cherché à rendre les processus d'ajustement aussi transparents et compréhensibles que possible afin d'éviter des réactions indésirables des marchés, un manque de crédibilité ou de soutien de la population.

- Les réformes doivent être encadrées par un cadre légal qui les rend plus robustes aux pressions de groupes sociaux qui refusent de perdre des avantages acquis, aux changements de gouvernement ou aux clivages politiques.

- Les ajustements budgétaires ont été accompagnés d'autres réformes structurelles, principalement dans le but d'augmenter la flexibilisation du marché du travail, de réduire les distorsions et la complexité de la fiscalité et de modifier le système des retraites.

4- Ajustement budgétaire et désendettement des pays de la zone UEMOA

A l'issue de la crise économique de années 1982 entrainant des difficultés de paiement du service de la dette, l'ensemble des économies des pays de la zone ont été sous ajustement structurel en vu de rééquilibrer les grands indicateurs macroéconomiques et dont ceux concernant l'endettement public. Si ces mesures ont permis aux pays en question de continuer le remboursement, elles n'ont pas permis d'adopter une vraie stratégie de désendettement consistant à une réforme du cadre budgétaire permettant de réduire le déficit structurel. Les coupes budgétaires ont eu lieu dans la majorité des cas dans les programmes d'investissement plutôt que dans les dépenses de fonctionnement. A plusieurs égards, les quelques expériences de réduction du déficit structurel doit inspirer les pays souhaitant se désendetter et favoriser la croissance pour permettre de lutter contre la pauvreté. Un audit des dépenses publiques conjugué à une réforme fiscale permettant d'élargir l'assiette fiscale (effet, plusieurs activités économiques échappent à l'impôt dans les pays de l'Union), peut permettre de réduire de manière durable le déficit public source essentielle de dette.

Chapitre VIII : Le désendettement dans le cadre de l'initiative PPTE et le

recours à une législation

Jusqu'à présent, nous avons évoqué dans les précédents chapitres les grandes stratégies, à notre vue, pouvant être utilisées par les pays endettés pour sortir de la crise de l'endettement. Dans ce chapitre, nous nous pencherons sur une démarche qui n'est pas initiée par les pays endettés, mais d'initiative des créanciers, qui vise à alléger le poids de la dette de la frange très pauvres des pays en développement. Cette initiative qui permettra à terme de réduire de manière significative le poids de la dette extérieure, doit être accompagné par des mesures visant à prévenir contre un nouveau surendettement.

I- Initiative en faveur des pays pauvres très endettés

L'initiative en faveur des pays pauvres très endettés dénommée Initiative PPTE, est une mesure des créanciers visant à réduire l'encours de la dette des pays pauvres et à le rendre soutenable. Conditionnée par l'application d'un certain nombre de mesures d'ajustement, l'initiative PPTE n'en demeure pas moins une mesure dont les pays pauvres et notamment ceux de l'Union économique et monétaire ouest africaine, peuvent profiter pour redresser leurs finances publiques et sortir de la spirale de la dette.

Dans ce qui suit, après avoir rappelé le contexte historique, le contenu et les modalités d'application de cette initiative des créanciers de réduire l'encours de la dette des pays pauvres très endettés, nous nous appliquerons de proposer des mesures qui peuvent permettre d'instaurer un garde-fou contre la répétition des erreurs du passé.

1- Contexte historique

Initiée en 1996 à l'occasion du sommet du G7 de Lyon, l'initiative PPTE est née de l'échec des différentes stratégies autrefois utilisées pour rendre soutenable l'endettement des pays pauvres.

Pour atteindre un niveau de dette soutenable, l'Initiative PPTE envisage une réduction de la dette envers les créanciers multilatéraux, ce qui rompt avec les mécanismes dits traditionnels, où les annulations ne concernaient que les créances bilatérales. Devant la situation de crise, les organisations de Breton Woods ont finis par réagir, après avoir longtemps fait accepter l'idée que leurs créances devaient rester indiscutables. Fin 1996, une initiative ouvrant la voie à la réduction de la dette multilatérale a été mis en oeuvre (Initiative de réduction de la dette des pays pauvres très endettés, PPTE). La procédure, fort complexe, repose sur l'idée suivante : les pays qui présentent les caractéristiques d'un endettement excessif par rapport à leurs ressources se verront octroyer de la part du FMI et de la Banque mondiale une réduction de dette telle qu'elle ramène leur endettement au niveau jugé « soutenable ». Cette réduction n'entre définitivement en jeu qu'après une période probatoire d'une durée initialement fixée à six ans, pendant laquelle les bénéficiaires potentiels devront mettre en oeuvre des « efforts d'ajustement redoublés ».

Fin 1998, l'initiative PPTE avait démontré sa lenteur et ses limitations : sept pays seulement avaient été sélectionnés et les réductions de dette prévues restaient souvent symboliques. Ceci a conduit le G7 à adopter, en juin 1999, sous la pression des organisations humanitaires et religieuses regroupées dans la coalition Jubilé 2000, une résolution qui ouvre la voie à un traitement rapide et plus généreux de la dette des PPTE. Les seuils à partir desquels la dette est jugée insoutenable ont été réduits (150% au lieu de 200 à 250% par exemple pour le ratio valeur actuelle de la dette extérieure/exportations des biens et services).

Désormais, il ne s'agit plus de proposer uniquement des rééchelonnements, mais de réduire la dette afin qu'elle atteigne des niveaux soutenables (mesurés par le ratio « valeur actuelle nette de la dette/exportations »).

Ainsi, au coeur de l'initiative PPTE se trouve donc la notion de soutenabilité de la dette : il s'agit de démontrer sous quelles conditions les pays concernés peuvent être mis en condition de rembourser leurs dettes.

De plus, alors que les réductions précédemment appliquées ne concernaient que la dette officielle bilatérale ou la dette privée, désormais, afin que les pays concernés par l'Initiative PPTE aient une dette soutenable, il est envisagé de réduire la dette envers les institutions multilatérales. La dette extérieure totale des quarante et un PPTE représentait 201 milliards de dollars (en nominal) en 1997, c'est-à-dire en moyenne 125 pour cent du PNB, soit 157 milliards de dollars en VAN.

2- Critères d'éligibilité arrêts par des créanciers

Pour être éligibles à l'Initiative PPTE, les pays doivent remplir différents critères :

- être éligible pour recevoir une assistance à titre concessionnel du FMI (FASR) ou de la Banque mondiale (AID) ;

- avoir entrepris des programmes de réformes avec l'appui du FMI et de la Banque mondiale avant septembre 1998 (clause d'extinction). Afin de prendre en compte les pays africains qui sortent de conflits, le délai initial pour entreprendre des réformes avec les bailleurs de fonds a été étendu jusqu'à la fin de l'année 2000 ;

- avoir une dette insoutenable après l'application des mécanismes traditionnels d'allégement (c'est-à-dire, après l'application des termes de Naples²).

La valeur actuelle (ou actualisée) nette (VAN) de la dette est la somme des futures obligations au titre du service de la dette (intérêt et principal) sur le stock de dette existant, actualisées au taux du marché.

Cette mesure prend en compte le degré de concessionnalité de la dette ; par exemple, si le taux d'intérêt appliqué est plus faible que le taux du marché, la VAN de la dette est inférieure à sa valeur faciale.

² La réduction du service de la dette est plafonnée à 67%. Les périodes de remboursement sont étalées jusqu'à 23 ans. Ne sont éligibles à ce traitement que les pays les plus pauvres, c'est-à-dire ceux qui ont un PNB par tête inférieur à 500 dollars ou dont le ratio dette / exportation dépasse 350%.

La soutenabilité de la dette est définie comme la capacité d'un pays à faire face à ses obligations sans rééchelonnement ni accumulation d'arriérés dans le futur. Concrètement, pour les PPTE, la soutenabilité de la dette est définie au cas par cas. La dette d'un pays est considérée comme soutenable si :


· le ratio « valeur actuelle nette de la dette/exportations de biens et de services » se situait entre 200 et 250 pour cent avant d'être réduit à 150% ;


· le ratio « service de la dette/exportations de biens et de services » se situe entre 20 et 25 pour cent ;


· pour les pays très ouverts aux échanges, un ratio « valeur actuelle nette de la dette/exportations de biens et de services » inférieur à 200 pour cent pourra être recommandé au point d'achèvement. Pour cela, le pays doit satisfaire deux critères au point de décision : avoir un ratio « exportations de biens et de services/PIB » d'au moins 40 pour cent, et faire des efforts fiscaux, c'est-à-dire avoir un ratio « recettes fiscales/PIB » d'au moins 20 pour cent.

3- Les conditionnalités

Pour bénéficier de l'initiative PPTE, l'application des Programmes d'ajustement structurel (PAS) reste de rigueur pendant au moins 3 ans. Une nouvelle conditionnalité sur l'utilisation des fonds viennent s'ajouter aux PAS. On évalue le délai supplémentaire à 1 an.

Les annulations de dette envisagée dans le cadre de l'initiative PPTE sont conditionnées à l'application de Programmes d'Ajustement Structurel (PAS) pendant plusieurs années.

3.1- Les délais de mise en oeuvre des annulations

Point de décision, point d'achèvement :

Le point de décision intervient après une période d'environ 3 ans (le délai est devenu « flottant ») d'ajustement structurel. A cette date, le FMI et la Banque mondiale se prononcent sur l'éligibilité ou non du pays.

Le point d'achèvement est la date à laquelle le pays reçoit les allégements de dette. La période entre le point de décision et le point d'achèvement, "période transitoire", initialement fixée à 3 ans est devenue flottante : le point d'achèvement intervient lorsque le pays a satisfait les conditions d'ajustement demandées.

Le risque existe que les conditions de plus en plus importantes exigées par les Institutions financières internationales (IFI), retardent le processus, la responsabilité de ce retard retombant sur le pays sous ajustement plutôt qu'aux institutions qui ont élaboré les demande.

3.2- Modification de la conditionnalité

Les critiques à l'égard des ajustements macro-économiques demandés et la pression des ONG en faveur de la lutte contre la pauvreté, ont poussé les IFI à envisager une modification des conditions demandées, intégrant notamment la notion de lutte contre la pauvreté et celle de bonne gouvernance. Ainsi, les Facilités d'ajustement structurel renforcé (FASR, ESAF en anglais) sont devenues des "Facilités pour la réduction de la pauvreté et la croissance" (FRPC, PRGF en anglais). Au centre de cette FRPC se trouve un nouveau document le CSLP, « cadre stratégique de lutte contre la pauvreté » (PRSP en anglais), qui sera élaboré par le pays débiteur comme cadre pour l'utilisation des fonds dégagés (et aussi de l'aide internationale à venir). Ce nouveau document s'insère dans une stratégie "d'appropriation" par le pays débiteur des réformes exigées. En dehors du changement de nom, ce nouveau programme d'ajustement implique une coopération plus étroite entre le FMI, la Banque mondiale et le pays débiteur. Cependant le principe de l'ajustement structurel n'est pas remis en cause et celui-ci reste à la base des conditions exigées, même si les IFI entendent les assortir de moyen accrus pour compenser leurs effets négatifs pour les plus pauvres.

4- Le déroulement de l'Initiative PPTE

L'application de l'Initiative PPTE se déroule en deux phases, chacune suivie par un point (décision et achèvement) au cours desquels une évaluation de la soutenabilité de la dette est effectuée ; des mesures de réduction sont alors appliquées si nécessaire. Chaque phase est censée durer trois ans, mais, au cas par cas, des aménagements peuvent être apportés.

Première phase

Le pays doit appliquer pendant trois ans des programmes d'ajustement structurel avec le soutien de la Banque mondiale et du FMI. Il reçoit une assistance à titre concessionnel des créanciers multilatéraux. Les créanciers bilatéraux du Club de Paris accordent une réduction du service de la dette basée sur les termes de Naples, et les créanciers bilatéraux non membres du Club de Paris doivent accorder des réductions équivalentes.

Point de décision

Il s'agit d'évaluer la soutenabilité de la dette et, en particulier, de déterminer si une nouvelle opération de réduction de dette suivant les termes de Naples portant sur l'encours de la part des créanciers du Club de Paris, complétée par une action au moins aussi favorable de la part des créanciers bilatéraux non membres du Club de Paris, est suffisante pour rendre la dette soutenable. Trois situations sont envisageables :

- si la dette est soutenable après les réductions de dette, le pays n'est pas éligible ;

- si la dette du pays reste insoutenable malgré l'application des termes de Naples, le pays entre dans la deuxième phase. Les objectifs à atteindre en termes de ratio de soutenabilité au point d'achèvement sont fixés à ce stade ;

- si un doute existe quant à la soutenabilité de la dette, des réductions supplémentaires sont appliquées.

Deuxième phase, ou période intermédiaire

Lorsqu'un pays est éligible, il doit mettre en place des programmes de réformes économiques pendant trois ans. Toutefois, cette période peut être plus courte si, grâce aux réformes, les performances économiques s'améliorent rapidement.

Au cours de cette deuxième phase, les créanciers fournissent des concours sous différentes formes. Par exemple, les créanciers bilatéraux ont apporté une réduction de 80 pour cent de la VAN des flux de la dette à la Côte d'Ivoire et au Mozambique car, contrairement aux autres pays éligibles à l'Initiative PPTE, ils n'avaient pas bénéficié de réductions importantes de la part du Club de Paris sur l'encours de leur dette. Cette mesure permet notamment de réduire le service de la dette et de remplir le plus rapidement l'objectif de ratio.

Point d'achèvement

Pour atteindre le ratio objectif « VAN de la dette/exportations » fixé lors du point de décision, les créanciers bilatéraux et multilatéraux réduisent la VAN de leur dette. Les créanciers membres du Club de Paris proposent une réduction de la VAN du stock de la dette de 80 pour cent. Les autres créanciers commerciaux et bilatéraux doivent entreprendre des actions au moins équivalentes. Le FMI (via les fonds de la FASR), la Banque mondiale (via le Fonds fiduciaire PPTE) et les autres institutions multilatérales procèdent également à des réductions de la VAN de leurs créances, de manière à assurer un traitement global et équitable pour tous les créanciers impliqués.

Facilité d'ajustement structure renforcé, ligne de crédit consacré à refinancer des Etats en grave difficulté économique.

Si un pays affiche des retards dans la satisfaction des critères de performance, son point d'achèvement est reporté. En revanche, si les performances concernant le ratio « VAN de la dette/exportations » sont différentes de celles prévues, mais se situent dans une fourchette de +/- 10 pour cent de l'objectif fixé, le volume de l'aide fixé au point de décision ne change pas.

Devant cette démarche plusieurs critiques ont été formulées :

La période durant laquelle le pays doit appliquer des mesures avant de pouvoir bénéficier d'une réduction de dette est souvent jugée trop longue.

Les institutions multilatérales notent qu'il est indispensable que le pays entreprenne des réformes pour que les réductions de dette soient efficaces.

Par ailleurs, l'ensemble des mesures que le pays doit appliquer est vaste et nécessite du temps. Enfin, la période de six ans peut être réduite en fonction des performances économiques des pays bénéficiaires de l'Initiative PPTE.

La définition de la soutenabilité de la dette serait trop restrictive. Le FMI souligne que si la soutenabilité de la dette est définie par rapport aux exportations, il a été introduit un autre critère en fonction des recettes budgétaires pour les pays très ouverts.

Le critère de 200-250 pour cent pour le ratio « VAN de la dette/exportations » et celui de 20-25 pour cent pour le ratio du service de la dette semblent trop élevés. Le FMI note que les objectifs fixés pour chaque pays sont situés dans le bas de la fourchette et que pour les pays très ouverts, le ratio objectif « VAN de la dette/exportations » est inférieur à 200 pour cent.

Enfin, les mesures durant la période intermédiaire semblent trop légères. Face à cette critique, les institutions multilatérales rappellent qu'au cours de la période de transition, des prêts FASR et des concours AID sont accordés aux pays bénéficiaires, ainsi que des réductions de dette bilatérale.

5- L'apport global de l'Initiative PPTE

L'Initiative PPTE permettra, selon les estimations du FMI, de réduire la dette des 26 pays éligibles de 12.5 milliards de dollars US en VAN de 1998 au point d'achèvement.

Après Toronto en 1988, Londres en 1991, Naples en 1994 et Lyon en 1996, c'est le sommet de Cologne en 1999 qui fera référence en matière d'annulation de dette.

Lors de ce sommet, les pays du G7 se sont mis d'accord pour accorder une réduction aux quarante et un PPTE de 70 milliards de dollars US en nominal (sur un endettement total de 180 milliards de dollars si l'on exclut le Liberia, la Somalie et le Soudan, comme c'est le cas dans la plupart des estimations).

Sur la réduction consentie, 50 milliards correspondent à la réduction de la dette des bilatéraux et des multilatéraux au sein de l'Initiative PPTE, et 20 milliards correspondent à l'annulation de la dette au titre de l'aide publique au développement des pays du G7 .

La première version de l'initiative PPTE s'est rapidement avérée très insuffisante puisque sur les quarante et un pays initialement sélectionnés par la Banque mondiale, seuls sept étaient finalement concernés, pour des montants très faibles et sous des conditions jugées par la suite inadaptées. Après avoir décrit en quoi consiste l'Initiative PPTE renforcée, nous chiffrerons l'ampleur des premières réductions consenties dans l'ensemble des pays de l'Union.

5.1- L'Initiative PPTE renforcée

Fin 1998, l'initiative PPTE avait démontré sa lenteur et ses limitations : sept pays seulement avaient été sélectionnés et les réductions de dette prévues restaient souvent symboliques. Ceci a conduit le G7 à adopter, en juin 1999- sous la pression des organisations humanitaires et religieuses regroupés dans la coalition Jubilé 2000-une résolution qui ouvre la voie à un traitement rapide et plus généreux de la dette des PPTE. Les seuils à partir desquels la dette est jugée insoutenable ont été réduits (150% au lieu de 200 à 250% par exemple pour le ratio valeur actuelle de la dette extérieure/exportations des biens et services.

L'Initiative PPTE a ainsi été modifiée, les ratios ont été assouplis, le pourcentage de réduction a été augmenté, et la période nécessaire pour pouvoir bénéficier d'une réduction de dette a été réduite.

Assouplissement des ratios pris en considération pour déterminer la soutenabilité de la dette d'un pays :

- le ratio cible « VAN/exportations », auparavant situé dans une fourchette de 200- 250 pour cent, a été abaissé à 150 pour cent. Cela permettra à la fois d'augmenter le volume de l'aide et le nombre de pays admis à bénéficier de l'initiative. Selon le FMI, cette mesure devrait coûter sept milliards de dollars de plus (au point de décision, en VAN de 1998) ;

Le Comité d'aide au développement de l'OCDE définit l'aide publique au développement comme « l'ensemble des apports de ressources fournis aux pays en développement et aux institutions multilatérales par des organismes officiels, y compris les collectivités locales, ou par leurs agents d'exécution et qui, considérés au niveau de chaque opération, répondent aux critères suivants :

- être dépensés dans le but essentiel de favoriser le développement économique et l'amélioration du niveau de vie dans les pays en développement ;

- revêtir un caractère de faveur et comporter un élément de libéralité d'au moins 25 pour cent ».

- pour les pays ouverts, le critère est désormais d'avoir un ratio « exportations de biens et de services/PIB » de 30 pour cent au lieu de 40 pour cent. Pour que les pays ouverts puissent bénéficier de l'initiative, le ratio « recettes fiscales/PIB » doit désormais être égal à 15 pour cent au lieu de 20 pour cent. Enfin, pour ces pays, le ratio cible « VAN de la dette/recettes budgétaires » a été abaissé de 280 pour cent à 250 pour cent. Selon le FMI, ces mesures devraient représenter un coût supplémentaire de trois milliards de dollars (en VAN de 1998).

Grâce à ces mesures, le nombre de pays remplissant la condition d'entrée devrait passer de 29 à 36. Les sept nouveaux pays éligibles sont le Bénin, le Ghana, le Honduras, le Laos, la République de Centrafrique, le Sénégal et le Togo.

Augmentation du taux d'annulation des dettes bilatérales :

- le taux d'annulation de la dette contractée auprès des créanciers bilatéraux du Club de Paris est passé de 80 pour cent à plus de 90 pour cent ;

- pour les PPTE non éligibles à l'Initiative, le taux de réduction désormais appliqué est de 67 pour cent. Auparavant, selon les termes de Naples, il se situait entre 50 pour cent et 67 pour cent selon les pays.

Mise en place de points d'achèvement flottants :

Désormais, les pays pourront bénéficier des réductions de dette dès qu'ils appliquent des politiques économiques appropriées et que leurs performances correspondent à la trajectoire prévue.

Apport d'une aide au cours de la période intermédiaire :

Alors qu'il est prévu que les réductions de dette aient lieu au point d'achèvement, les créanciers bilatéraux et multilatéraux pourront fournir une assistance au cours de la période intermédiaire23. Les pays débiteurs pourront ainsi bénéficier plus rapidement d'une réduction de dette.

5.2- La réduction de dette obtenue grâce à l'application de l'Initiative PPTE

et l'initiative PPTE renforcée

Alors que la réduction engendrée par l'Initiative PPTE avait été estimée à 12.5 milliards de dollars en VAN de 1998 (9.1 pour cent de la VAN de la dette des PPTE en 1997), elle a augmenté à la suite des modifications apportées à l'Initiative PPTE et représente, selon les estimations de la Banque mondiale et du FMI, 27.4 milliards de dollars en VAN de 1998 (19.9 pour cent de la VAN de la dette des PPTE en 1997).

L'estimation de la réduction engendrée par la première version de l'Initiative PPTE est réalisée en prenant en compte la dette et les exportations pour l'année précédant le point d'achèvement. En revanche, l'estimation de la réduction engendrée par l'Initiative PPTE renforcée est réalisée en prenant en compte la dette et les exportations pour l'année précédant le point de décision. Ainsi, lorsque l'on raisonne au point d'achèvement (comme pour la première version de l'initiative), la réduction estimée grâce à l'Initiative PPTE renforcée est de 22.3 milliards de dollars en VAN de 1998 (c'est-à-dire 16.2 pour cent de la VAN de la dette des PPTE en 1997).

L'Initiative PPTE, même si elle représente un progrès non négligeable, ne permettra pas de réduire de manière conséquente la dette des PPTE. De plus, en prenant en compte les réductions bilatérales de dette depuis 1995, la contribution des institutions multilatérales était moins importante que celle des bailleurs de fonds bilatéraux jusqu'au dernier sommet du G8 à Gleneagles en été 2005.

Dans les pays de l'UEMOA, au cours de l'année 2002, la première phase de l'exécution des décisions de mise en oeuvre de l'initiative en faveur des PPTE pour les pays ayant atteint le point de décision ou le point d'achèvement, ont bénéficié des allégements de dette. Ces allègements, principalement, de la part des créanciers membres du Club de Paris, ont été pour un montant global de 894,6 milliards de Franc CFA (1.266,2 millions de dollars) contre 314,0 milliards Franc CFA (421,9 millions de dollars) en 2001.

La question qui préoccupe les milieux économiques et les organisations de la campagne pour l'annulation est de savoir si les économies réalisées pourront être réellement utilisées pour le développement.

Il est en effet nécessaire de prendre en compte plusieurs éléments :

- Les annulations de dette se traduisent par une marge de manoeuvre supplémentaire dans les budgets des Etats. A ressources constantes, l'allégement de la dette signifie une réduction du service de la dette payé annuellement, donc une possibilité de ressources supplémentaires pouvant être utilisées.

- Le montant de cette marge de manoeuvre dépend du niveau de remboursement effectif du pays concerné. En effet si le pays ne remboursait rien, ce qui correspond en général au moratoire sur le service de la dette comme ce fût le cas à un moment donné dans certains pays d'Amérique latine, l'annulation de la dette n'aura que peu d'impact à court terme sur les finances de l'Etat débiteur.

Il est à noter que les différents types de créances, influent sur les marges de manoeuvre dégagées. En effet, l'endettement des pays pauvres très endettés comme nous l'avons souligné dans le chapitre 2, prend différentes formes :

- créances vis-à-vis des organisations multilatérales : FMI, Banque Mondiale, BAD, etc.

- créances d'Etat à Etat, dont créances d'origine « commerciale » et créances d'Aide

Publique au Développement.

- dettes vis-à-vis de créanciers privés.

Les mesures d'allégements aujourd'hui envisagés auront des conséquences variables en fonction des types de créances : annulation des créances APD, allégement des créances commerciales et multilatérales, etc.

Faute de données disponibles sur l'impact réel de cette initiative, sa relative mise en oeuvre récente, font que nous n'avons pu appuyer notre réflexion sur de cas concret de pays.

L'initiative en faveur des pays pauvres doit régler définitivement dans la conception de ses auteurs, le problème de l'endettement des pays pauvres. Cette initiative est par ailleurs appuyée vient d'être appuyé par une initiative de G-8 qui s'engage à accroitre l'aide au développement de 50 Mds de dollar US par an.

Cette augmentation annoncée de l'aide et l'initiative PPTE sont utiles, cependant, elles ne constituent pas une panacée aux problèmes économiques, source de dette, que rencontrent les pays de l'UEMOA. Ces allègements doivent être suivis par des réformes visant dans un premier temps à stabiliser l'endettement et à favoriser la croissance. Par « l'effet de dénominateur » l'encours de la dette en pourcentage du PIB baissera.

Aussi bien qu'elle permet à terme de diminuer l'encours de la dette des pays qui en bénéficient et notamment les pays de la zone UEMOA, l'initiative en faveur des pays pauvres très endettés, peut si elle est accompagnée des mesures permettant d'éviter les erreurs du passé, ouvrir la voie à une véritable sortie du cercle vicieux de la dette auquel les pays de l'union se sont enfermés. Par conséquent, nous pensons il est judicieux pour limiter le risque de dérapage budgétaire, d'imposer une limite aux nouveaux emprunts par le biais de règle budgétaire.

II Le recours à une législation

Limiter par la loi le recours à l'emprunt peut être un instrument efficace pour prémunir les pays pauvres du surendettement. L'emprunt doit être réservé pour financer les investissements. S'endetter pour investir comme nous l'avons souligné au chapitre quatre, ne pose pas de problème particulier à condition que le choix ces investissements puissent faire l'objet a priori d'une évaluation quant à leur impact sur la croissance, devant permettre le remboursement à l'échéance. Cette idée n'est pas par ailleurs nouvelles, aussi bien en Allemagne pour ce qui concerne le budget fédéral, en France pour ce qui les collectivités territoriales, qu'au niveau de l'Union européenne, la soumission du recours à l'emprunt à des règles particulières est formelle.

1- Le cas Allemand :

En Allemagne, l'article 115 de la Loi Fondamentale dans sa rédaction originale, est libellé ainsi : «Il ne peut être recouru aux ressources de trésorerie qu'en cas de besoins exceptionnels et, en principe, uniquement pour couvrir des dépenses productives, exclusivement en vertu d'une loi fédérale.

Des crédits ne peuvent être accordés et des sûretés ne peuvent être constituées à la charge de la fédération lorsque leur effet s'étendrait au-delà d'un exercice, qu'en vertu d'une loi fédérale. Cette loi doit préciser le montant du crédit ou l'étendue de l'obligation dont la fédération assume la responsabilité ».

Il ressort du contenu de cet article (réaffirmé lors de la révision constitutionnelle de 1969) que le recourt à l'emprunt ne peut avoir pour objet que de financer les investissements. Ainsi, en Allemagne, l'emprunt doit être autorisé et chiffré par le législateur.

2- Le cas des Collectivités territoriales en France :

Les collectivités locales en France doivent à la différence de l'Etat, respecter un principe d'équilibre budgétaire. Cet équilibre consacré par plusieurs jurisprudences dont celle du Conseil d'Etat (CE, 23 décembre 1988, Département du Tarn), est une obligation qui s'impose non seulement au budget primitif des collectivités locales, mais aussi au budget résultant de tout acte administratif ultérieur.

Cette exigence ancienne est traditionnellement justifiée par le souci de protéger à la fois la situation financière des collectivités locales et celle de l'Etat le plus souvent appelé en garantie.

Elle se traduit par l'obligation de présenter le budget en équilibre et d'en résorber un éventuel déficit d'exécution.

Au terme de la loi du 2 mars 1982, codifié actuellement sous les articles L.1612-4, L.1612-6 et L.1612-7 du code général des collectivités territoriales, les collectivités locales peuvent équilibrer leur budget par l'emprunt, qui est budgétisé à la différence des emprunts de l'Etat.

Le remboursement de l'emprunt étant budgétisé, les collectivités locales doivent être en mesure de rembourser le capital des emprunts arrivant à échéance dans l'année par des ressources définitives. Ce qui constitue une interdiction de « rembourser l'emprunt par l'emprunt ». L'équilibre par section, est par ailleurs une règle qui complète ce dispositif, car chacune des deux sections (fonctionnement et investissement) doit être votée en équilibre. La section d'investissement peut être équilibrée par des prélèvements sur la section de fonctionnement.

Le contrôle de cet équilibre budgétaire est effectué par les chambres régionales des comptes et par le préfet qui procèdent en cas de non respect à des redressements.

3- Le cas de l'Union européenne :

Le principe d'équilibre budgétaire est un principe posé par les traités de l'Union, il implique que dans le budget de l'Union, le plafond des dépenses est limité par les ressources propres. Les articles 268 du TCE, 171 du traité Euratom et 20 du traite dit de « fusion des exécutifs » de 1965, disposent que « le budget doit être équilibré en recettes et en dépenses ». Le principe d'équilibre budgétaire interdit donc le déficit ou l'excédent. Par ailleurs, cet équilibre doit être atteint sans recours à l'emprunt : l'article 269 du TCE prévoit en effet que « le budget est, sans préjudice aux autres recettes, intégralement financé par des ressources propres ». L'union n'est en effet pas autorisée à recourir à l'emprunt que pour éventuellement financer des prêts hors budget. En fin, l'article 14 du Règlement financier général de 2002, indique que les Communauté « ne peuvent souscrire des emprunts ».

L'équilibre budgétaire prôné par la conception classique est assurément à la mode : aux Etats-Unis, plusieurs Etats ont adoptés de règle visant à rendre obligatoire l'adéquation des dépenses aux recettes.

En effet, depuis le sommet du G8 de Gleneagles au Royaume Uni en été 2005, portant l'annulation de la dette multilatérale des pays pauvres très endettés, les idées de réglementer le recours à l'emprunt fait son chemin.

A la sixième conférence annuelle du réseau parlementaire sur la Banque mondiale (PNOWB), du 21 au 23 octobre 2005 à Helsinki (Finlande), quelques deux cents législateurs de quatre vingt-et-dix pays environ se sont joints à des représentants d'organisation de la société civile, d'institut de recherche et d'organismes multilatéraux pour y réfléchir.

Les législateurs devraient suivre les emprunts contractés par le pouvoir exécutif pour éviter d'accumuler de nouveau une dette insoutenable. Charles Mutasa représentant le Forum et réseau africain sur la dette et le développement, a suggéré la mise en place d'un bureau de gestion de la dette placé sous le contrôle du parlement.

A l'instar des collectivités locales en France, un contrôle parlementaire efficace de l'endettement comme l'a réclamé la conférence annuelle du réseau parlementaire sur la Banque mondiale, passe par une budgétisation des opérations d'emprunt et d'amortissement de dette.

CONCLUSION

Nous avons vu que le problème de la dette, malgré les réaménagements effectués par les créanciers afin de rendre les débiteurs solvables, la dette des pays pauvres reste un problème récurrent.

L'option en faveur d'une annulation de la dette est défendue par les représentants de la société civile que l'on range habituellement sous l'appellation d'altermondialiste. Pour cette mouvance, par ailleurs très hétérogène par ses discours et ses projets, la dette des pays du Tiers Monde est illégitime et constitue une forme de « criminalité financière contre le développement humain ». L'effet « boule de neige » de la dette, en rendant impossible toute perspective de développement au Sud, justifierait largement que celle-ci soit annulée. L'audit du stock de la dette est préconisée dans le but de déceler des dettes odieuses et donc illégitimes.

Cependant, pour d'autres, le plaidoyer en faveur de l'annulation de la dette reposerait sur des postulats qu'il conviendrait de démystifier.

Pour ceux-ci, « annuler n'est pas aider ». Rien ne justifie que l'on considère la dette comme étant intrinsèquement pernicieuse. Pour progresser, les pays, comme les individus, doivent emprunter. Ce qui importe, c'est que les fonds obtenus soient utilisés à des fins productives et rentables. La réalité démontre que les pays du Tiers Monde les plus endettés ne sont pas victime de l'exploitation du secteur privé. Le manque d'intérêt des entreprises multinationales à leur égard constitue leur handicap principal.

Ensuite, « l'allégement de la dette n'est pas nécessairement conforme au principe de justice». Parmi les 1,4 milliard de personnes très pauvres dans le monde, 30% environ

vivent en Inde. Or, ce pays n'est pas éligible à l'allègement de la dette car il gère ses affaires avec une relative sagesse. Les pays qui ne peuvent rembourser leurs dettes sont, dans l'ensemble, les plus mal gérés. C'est pour cette raison qu'il est injuste d'annuler la dette d'un pays sans tenir compte de ses résultats.

Enfin, « l'allègement de la dette ne favorise pas nécessairement la réduction de la pauvreté ». Si le poids de la dette enlève des marges de manoeuvre réelles aux pays endettés, à l'inverse, l'annulation de la dette ou même son allègement ne débouche pas nécessairement sous la forme d'une amélioration du sort des populations les plus démunies. L'élimination de la pauvreté de masse ne peut être conditionnée à la seule annulation de la dette internationale. Seule une croissance soutenue et rapide peut permettre d'y parvenir. Cette croissance dépend à son tour de la mise en oeuvre d'un ensemble de mesures de politiques macroéconomiques, dont la stabilisation budgétaire et monétaire, la liberté du commerce et l'assainissement de l'administration.

Entre ces deux idées, la problématique de la dette des pays pauvres demeure.

Lorsqu'un endettement public excessif et croissant s'est accumulé, un gouvernement dispose, en théorie, d'un ensemble important de dispositifs lui permettant de sortir de cette situation. Toutefois, en pratique, peu de voies sont à la fois réalisables et efficaces dans le contexte actuel des pays de la zone UEMOA :

- La voie privilégiée dans le passé est l'inflation, conséquence du financement monétaire de la dette.

Toutes choses égales par ailleurs, une hausse de l'inflation érode une part de la dette à moyen terme. Le taux d'intérêt réel diminue, voire devient négatif, et cela permet par monétisation (création monétaire destinée à financer les dépenses publiques) d'absorber une part importante de la dette. Cette voie, observée par exemple en France dans l'entre-deux guerres, est désormais exclue, du moins dans les pays de l'UEMOA, du fait du contrôle de l'inflation par une banque centrale commune et indépendante.

- Une autre pratique courante autrefois, principalement dans les pays en développement, mais également dans les pays industrialisés, est celle de la répudiation de la dette. Le risque de perte de confiance et de crédibilité est majeur et la période pendant laquelle le gouvernement trouve difficilement des prêteurs peut s'avérer longue. Enfin, faute de changement structurel dans la nature et la structure des recettes et dépenses, le gonflement de la dette recommence, appelant de nouveaux ajustements.

- Certains pays ont fait dans le passé, le choix de réduire leur dette par recours à une taxe unique et ponctuelle sur le revenu ou sur le capital (ceci a été utilisé par plusieurs pays, dont la France en 1924 qui, à la suite de la première guerre mondiale, porte le taux supérieur de l'impôt sur le revenu à 90 % pour les couples sans enfant). Les risques sont alors semblables à ceux de la répudiation à ceci près que le poids de la dette est largement réparti.

- Dans une logique voisine, une réduction de dette peut être obtenue en consacrant des recettes exceptionnelles à cette fin. C'est le cas par exemple de recettes de privatisations ou du produit des ventes de certains actifs de l'Etat. Cette solution peut permettre d'impulser une politique de réduction de l'endettement en produisant un effet immédiat et visible avant d'engager une réforme des facteurs qui ont généré la dérive des comptes publics et compléter ou se substituer à des formes plus traditionnelles de financement. En plus de la dégradation du bilan de l'État, cette politique trouve ses limites dans le fait que le stock d'actifs éligibles à la privatisation n'est pas illimité et notamment quant il s'agit des pays de la zone UEMOA. Par ailleurs, comme dans les cas précédents, cette méthode n'a aucun impact sur les causes initiales de l'endettement excessif qui risque de réapparaître à moyen terme. Enfin, avant de procéder à une vente totale ou partielle d'actifs publics pour rembourser la dette, des recherches sont essentielles, notamment des simulations de l'impact potentiel de la vente des actifs sur la taille relative de la dette publique, une évaluation minutieuse de la juste valeur des flux de revenus futurs des actifs concernés, et une analyse approfondie de l'impact d'un accroissement du contrôle privé dans les secteurs économiques touchés, peuvent éclairer la décision de cession.

- La gestion active de la dette peut, également, participer à la réduction de l'endettement en optimisant la structure et la nature des titres. Cependant, les gains susceptibles d'être réalisés demeurent limités et ne peuvent réussir à eux seuls à inverser une dynamique cumulative de la charge de la dette.

- Le remboursement de tout ou une partie de l'emprunt par anticipation, n'exige pas non plus de réforme structurelle de nature à dégager de recettes supplémentaires, mais dépend plutôt, de manière générale, d'une aisance financière, le plus généralement conséquence d'une remontée plus que prévu des cours des matières premières dont le pays débiteur est exportateur.

- L'action directe sur les déficits primaires pourrait être d'une certaine façon la voie incontournable pour réduire l'endettement public. Une baisse du déficit primaire appelle une augmentation des impôts ou une amélioration de leur perception et/ou une réduction des dépenses publiques, si possible en optimisant leur efficacité. Mais, comme énoncé plus haut, cela comporte des coûts politiques et économiques.

De même, la réduction des dépenses publiques ne doit pas grever la croissance potentielle à moyen terme. De fait, les dépenses publiques réputées productives (recherche et développement, éducation supérieure, soutien aux entreprises innovantes ou de haute technologie, investissement en infrastructures...) doivent être préservées.

- Le plus sûr moyen de réduire le ratio d'endettement est certainement d'augmenter la croissance économique. À court terme, les conséquences sont immédiates sur un plan comptable (le dénominateur plus élevé fait diminuer le ratio à numérateur constant), mais aussi sur le plan économique puisqu'une hausse du produit national implique moins de dépenses publiques, notamment sociales, et plus de recettes grâce au dynamisme des assiettes budgétaires.

Le problème de la dette des pays de l'UEMOA réside, à notre avis, dans les grandes difficultés qu'ils peuvent rencontrer pour augmenter, même à moyen terme, leur croissance (potentielle) de façon non négligeable. Il est admis qu'un contrôle des finances publiques ne nuit pas nécessairement à la croissance à moyen terme et, pour certains, peut même être une condition nécessaire, mais pas suffisante, à son rebond. En conséquence, une baisse du ratio de dette par des réformes structurelles conduisant à des baisses de dépenses publiques improductives, moyennant un éventuel coût transitoire, est une condition nécessaire et/ou suffisante pour relancer l'activité. Toutefois, les estimations statistiques du lien entre variables de finances publiques et croissance sont fragiles.

Nous croyons que dans le contexte actuel de réduction de la dette décidée par les créanciers au titre de l'initiative en faveur des pays pauvres très endettés, les gouvernements respectifs des pays de la zone UEMOA pourraient adopter une politique de réduction du fardeau de la dette en procédant en des réformes structurelles, permettant de définir le périmètre d'intervention de l'Etat et partant des dépenses publiques. Les dépenses d'investissement doivent être préservées. La mise en place de ce procédé, permettra d'impulser la croissance, seule facteur, à notre avis, de long terme permettant un désendettement durable.

Enfin, un contrôle parlementaire efficace de l'endettement comme l'a réclamé la conférence annuelle du réseau parlementaire sur la Banque mondiale, doit passer par une budgétisation des opérations d'emprunt et d'amortissement de dette.

Les nouveaux moyens de financement des Etats doivent donc être à la fois les moins dommageables possibles sur le plan économique et les plus acceptables sur le plan politique.

Jusqu'à une période très récente, des accommodements techniques (rééchelonnement, approches par menu) ont permis de rendre artificiellement le fardeau de la dette supportable. Mais, ces accommodements n'ont pu empêcher la dette d'enfler au point devenir un obstacle majeur au développement des économies des pays pauvres.

En définitive, sortir de la logique de l'endettement oblige à repenser les mécanismes et les politiques de croissance et du développement.

TABLE DES MATIERES

Introduction .......................................................................................1

Partie I : Délimitation et Mesure de la Dette publique.........................................5

Chapitre I : La notion de la dette publique.......................................................5

I- Définition et aspect juridique de la dette publique................................................5

1- Définition............................................................................................5

2- Les aspects juridiques de la dette publique......................................................7

2.1- L'encadrement du recours à l'emprunt...................................................7

2.2- Le régime juridique des emprunts de l'Etat..............................................9

3- Dette publique dans le droit international .....................................................9

4- L'émission d'emprunt public...................................................................11

4.1- Le régime juridique des opérations d'emprunt d'Etat..................................11

4.2- Les opérations d'émission.................................................................11

- Compétence de l'exécutif................................................................11

- Compétence du législateur.............................................................12

5- Les procédures ou techniques d'émission.......................................................12

5.1- L'adjudication...............................................................................12

5.2- Le placement privé.........................................................................12

5.3- La technique de syndication ou de prise ferme........................................12

5.4- La méthode de souscription publique...................................................13

5.5- Le recours au marché financier..........................................................13

6- Les clauses d'emprunt d'Etat.................................................................13

II Instruments et gestion de la dette publique................................................15

1- Les instruments de la dette....................................................................15

2- La gestion de la dette publique...............................................................16

Chapitre II : Structure et spécificité de la dette des pays en développement (PED).18

I Structure de la dette publique...............................................................19

1- La notion de dette publique extérieure : dette multilatérale et dette bilatérale.....20

1.1- Dette publique multilatérale.........................................................20

1.2- La dette publique bilatérale.........................................................21

2- Dette publique intérieure....................................................................22

3- Dette bancaire privée........................................................................23

4- Dette garantie par l'Etat.....................................................................23

II- Les spécificités de la dette des pays en développement ................................24

1- L'échéance ...................................................................................27

2- Les prêts concessionnels....................................................................28

3- Une exclusion de fait des pays pauvres du marché international des capitaux.....29

4- Les réaménagements de dette..............................................................32

5- Cas particulier des Pays de l'UEMOA...................................................33

- L'instrument monétaire............................................................34

- L'instrument fiscal..................................................................34

Chapitre III : Origines et Crises de l'endettement........................................35

La crise des années 1930...............................................................36

I- Aux sources de la dette actuelle des pays en développement...........................37

Origines de la crise de l'endettement................................................38

1- Le retournement à la baisse des prix des matières premières..........................38

2- Un contexte financier plus défavorable aux pays en développement.................39

3- Une utilisation inefficace des ressources de la dette ....................................41

II- Traitements de la crise de la dette..........................................................42

1- Les contraintes financières ont conduit à la crise économique.......................43

- Rôles du FMI dans les négociations de réaménagement de dette................43

- Le rôle d'informateur.................................................................43

- Le rôle de coordination du Fonds...................................................44

2- Réaménagements de la dette.............................................................44

2.1- Le rééchelonnement de la dette....................................................45

2.1.1- Le Club de Paris.............................................................45

2.1.2- Le Club de Londres........................................................46

2.2- Le bilan de l'action des deux clubs...............................................47

2.3- Les nouvelles innovations de retraitement de la dette .........................48

2.3.1- L'accord de Toronto......................................................49

2.3.2- Les innovations de réaménagement des créances privées...........51

- Le plan Baker...........................................................51

- L'initiative Brady ......................................................51

Chapitre IV : Problèmes de la dette publique............................................53

I- Effets économiques de la dette ............................................................53

1- Les objectifs économiques de la politique d'endettement.............................53

2- Les effets économiques de la dette dans la théorie économique.....................55

2.1- Endettement et rigidité budgétaire.................................................57

2.2- Effet sur le taux de change..........................................................58

2.3- La crise de la dette et la surévaluation du taux de change ........................59

2.4- Le problème budgétaire associé au renversement des transferts nets.........59

II Le concept de soutenabilité de la dette....................................................60

1- Soutenabilité de la dette ....................................................................61

2- Difficultés liées à l'évaluation de la soutenabilité......................................63

Deuxième Partie : les stratégies de désendettement public..............66

Chapitre V : Le remboursement par anticipation........................................67

I- Remboursement par anticipation dans le cadre du club de Paris.......................67

1- Contexte historique.........................................................................67

2- Les remboursements anticipés au Club de Paris.........................................69

II- Remboursement par anticipation des créances multilatérales.........................70

III- Les enseignements de la stratégie du remboursement par anticipation.............71

Chapitre VI : La doctrine de la dette odieuse et répudiation...........................74

I- La doctrine de la dette odieuse..............................................................74

1- Contexte historique...........................................................................74

2- Conceptualisation............................................................................74

II- Les précédents de la répudiation...........................................................75

1- Le Mexique ..................................................................................75

2- Les Etats-Unis.................................................................................76

3- L'Union soviétique ..........................................................................77

4-Les traités de paix des première et seconde guerres mondiales.........................78

5- Le Costa Rica ...............................................................................78

6- L'Indonésie...................................................................................79

III. La difficile re-appropriation du droit international par les pays issus de la décolonisation....................................................................................79

1- Le traité de Vienne............................................................................79

2- La non-application de la doctrine..........................................................80

3- La répudiation et le désendettement.......................................................81

Chapitre VII : La politique d'austérité budgétaire comme instrument de désendettement public.......................................................................83

I. Les politiques de réduction du déficit structurel..........................................84

1- L'exemple Canadien : audit exhaustif des dépenses publiques.........................85

2- L'exemple espagnol ..........................................................................87

3- L'exemple suédois ...........................................................................89

II Les caractéristiques nécessaires d'un ajustement budgétaire réussi....................90

1- Éléments de contexte.........................................................................91

2- Contenu et mise en oeuvre de l'ajustement................................................91

3- Accompagnement et communication autour de l'ajustement budgétaire..............91

4- Ajustement budgétaire et désendettement des pays de la zone UEMOA.............92

Chapitre VIII : Le désendettement dans le cadre de l'initiative PPTE et le

recours à une législation...................................................92

I- Initiative en faveur des pays pauvres très endettés.......................................93

1- Contexte historique...........................................................................93

2- Critères d'éligibilité arrêts par des créanciers ............................................94

3- Les conditionnalités...........................................................................95

3.1- Les délais de mise en oeuvre des annulations........................................95

3.2- Modification de la conditionnalité....................................................96

4- Le déroulement de l'Initiative PPTE.......................................................96

Première phase................................................................................96

Point de décision..............................................................................96

Deuxième phase, ou période intermédiaire...............................................97

Point d'achèvement..........................................................................97

5- L'apport global de l'Initiative PPTE......................................................98

5.1- L'Initiative PPTE renforcée...........................................................99

Augmentation du taux d'annulation des dettes bilatérales.......................100

Mise en place de points d'achèvement flottants..................................100

Apport d'une aide au cours de la période intermédiaire..........................100

5.2- La réduction de dette obtenue grâce à l'application de l'Initiative PPTE

et l'initiative PPTE renforcée.............................................................101

II- Le recours à une législation...............................................................103

1- Le cas Allemand ...........................................................................103

2- Le cas des Collectivités territoriales en France.........................................103

3- Le cas de l'Union européenne.............................................................104

Conclusion.......................................................................................106






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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo