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Réfugiés Hmong à  Montreuil-Bellay (Maine-et-Loire) - rapports aux lieux et diaspora

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par Pilippe MICHEL-COURTY
Université de POITIERS - Migrinter - Master 2 2007
  

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b. Liens réels et matériels

Les liens sont protéiformes et se concrétisent de différentes manières. Nous tenterons de les distinguer en nous inspirant du schéma de la communication humaine mis au point par Roman JAKOBSON48(*) et en prenant pour critère la nature des contacts : directs ou immédiats lorsque les individus sont physiquement en situation de face à face, indirects ou médiatisés si le contact se fait à distance.

v Des contacts directs fréquents renforcés par l'association TCHA

Il semble que la distance entre les individus ne soit jamais un obstacle insurmontable - on trouve dans chaque famille un ou plusieurs véhicules - et rares sont les week-ends sans réunion de famille, ainsi que le déclarait Teng CHIENG (voir p. 65). Puisqu'« on n'a pas la chance d'être ensemble [toute l'année] », on ne doit pas hésiter à se déplacer, et même si on n'est pas officiellement invité, « la porte est toujours ouverte ». Cette hospitalité généreuse est effectivement la première règle sur laquelle repose la vie communautaire hmong.

Si nous nous appuyons sur l'observation des déplacements effectués par 2 familles hors de la commune de résidence au cours des mois de juin et juillet 2007, on peut remarquer à la fois une diversité dans les destinations mais aussi la répétition de certains lieux dont Saumur, Orléans et Rennes, avec toutefois une constante : on se déplace pour rencontrer d'autres familles hmong, ce qui confirme bien l'interpolarité des relations (MA MUNG, 1992 : 187). L'« ici » et l'« ailleurs » sont dès lors reliés.

dates

2-3 juin

9-10 juin

16-17 juin

23-24 juin

30 juin

1er juillet

7-8 juillet

14-15 juillet

21-22 juillet

Famille 1

Pouzauges

Saumur

Lyon

 

Rennes

Saumur

Saumur

 

Famille 2

 

Saumur

 

Castres

Rennes

 

Orléans

Orléans

Tableau n°6 : Déplacements hors de la commune (destination)

On peut établir une typologie des déplacements en les classant selon leurs motifs. Tout d'abord, les grands événements familiaux : une naissance chez des « cousins » à Saumur a donné lieu à une fête (famille n°1), de même un mariage à Rennes (familles n°1 et 2). Le décès d'un « cousin » à Castres (Tarn) a nécessité le déplacement de 3 hommes de la famille n°2. Ensuite, viennent des motifs religieux : le rétablissement à la suite d'une opération de la belle-mère d'une fille de la famille n°1, à Lyon, devait être marqué par une cérémonie de « conciliation » des esprits ; un fils de la famille n°1 a emménagé dans une nouvelle maison : il fallait là aussi placer sous la protection des esprits l'habitation et ses occupants. Pour ce qui est du déplacement à Orléans, il a été organisé dans l'urgence, la mère d'une épouse de la famille n°2 étant tombée brutalement et gravement malade. Enfin, viennent les déplacements sans motif autre que celui d' « être ensemble ». Partager un moment de convivialité en fin de semaine à Saumur est chose aisée et appréciée de tous. A l'image de celle vécue dans le quartier, nous sommes toujours dans « une mobilité de sociabilité » (RAMADIER, 2002 : 117), à une échelle plus large cette fois.

En dehors de la période d'observation que retenue, les familles ont effectué durent l'année d'autres déplacements dont le plus important a été motivé par la fête du Nouvel An organisée à Rennes au début du mois de janvier. Nous n'avons pas noté de déplacements vers Nîmes comme les années précédentes ni de voyages en Asie. Il faut pourtant aborder ce point et nous le ferons à partir des récits recueillis à l'occasion des entretiens, dont voici 2 extraits :

Quand je suis arrivé en France, sur ma carte de réfugié on a marqué « Interdit le Laos et la Thaïlande »... mais la Thaïlande depuis 20 ans... après on a lâché... Au Laos pour l'instant, c'est interdit... Je suis parti en Thaïlande en 1999, 2001, 2003, 2004, 2005, 2006... Je reste 3 semaines chaque fois... J'ai encore de la famille en Thaïlande, ma belle-mère... (Teng CHIENG)

Je suis revenu 3 fois en Thaïlande. Une fois pour le Nouvel An... Ça fait plaisir... Quand on voit la nature, les arbres, les bambous, ça ressemble au Laos, ça fait plaisir...(Ka-Gé TCHA)

Les voyages en Asie du Sud-Est ont été tardifs par rapport à la date d'arrivée en France. D'abord pour des raisons financières, compte tenu du prix du billet d'avion. Ensuite, pour des raisons politiques : le gouvernement laotien a interdit le retour avec un visa touristique de ses anciens ressortissants. Ceux qui ont opté pour le retour définitif l'ont fait sous le contrôle de l'UNHCR (MIGNOT, 1999). Lorsque l'entrée en Thaïlande a été possible à la fin des années 1990, les voyages ont commencé. La frontière laotienne, qu'ils ne peuvent cependant pas franchir, a bien sûr une fonction de discontinuité géopolitique mais surtout un « rôle de marquage réel et symbolique » (RAPHAEL, 1996 : 79). Selon les possibilités financières, ces voyages sont exceptionnels ou plus réguliers, pour Teng CHIENG par exemple. Ils sont toujours individuels et uniquement faits par les hommes. C'est l'occasion de retrouver des parents ou des amis, et surtout de se replonger dans ses souvenirs de jeunesse en revoyant des paysages familiers toujours en mémoire. On choisit aussi sa date pour participer à des fêtes comme celle du Nouvel An. Ka-Gé TCHA a ramené dans ses bagages un film vidéo qui le montre jouant longuement au lancer de balles traditionnel. Son visage est rayonnant. On n'hésite pas non plus à glisser au retour dans son sac des oeufs qui donneront naissance aux volailles que nous avions découvertes dans les poulaillers. Parfois, on va en Thaïlande pour trouver une épouse hmong, comme ce fut le cas du fils de Teng CHIENG. A l'inverse, on apporte peu de choses : les vêtements français sont inadaptés sous le climat thaïlandais. Si l'on peut, c'est surtout financièrement que l'on contribue à aider.

La seconde destination est le continent américain : Teng CHIENG est allé rendre visite à une des ses filles qui vit en Géorgie dans une grande exploitation agricole. Le fils de Tsiong-Yia TCHA a passé un mois chez des cousins à Fresno (Californie) quand il avait 18 ans. Dix ans plus tard, il se souvient encore de son étonnement lorsqu'il avait constaté que les jeunes de son âge suivaient des cours de hmong assurés par des enseignants américains : « Moi, je ne sais ni lire ni écrire le hmong, je le parle simplement. Je comprends le sens mais je ne peux pas traduire littéralement ».

Ces déplacements se doublent bien entendu de la venue dans la commune de parents ou d'amis qui vivent à l'extérieur. On retrouve le lien de proximité qui existe entre Saumur et Montreuil-Bellay et surtout l'attractivité exercée par les fêtes familiales. Nous avons pu assister à un mariage et recenser les origines des invités : à nouveau Lyon et Rennes, mais aussi Angers, Orléans, Aubigny-sur-Nère (Cher). Il est évident que la taille modeste de la communauté hmong de Montreuil-Bellay limite quelque peu le nombre d' « entrants », mais quoi qu'il en soit des contacts directs effectifs existent entre les pôles de la diaspora.

Ces liens sont renforcés par l'existence d'une association (Loi 1901) officiellement appelée « Association Culturelle et Sociale Tcha » depuis 1997. A sa création en 1989 par Teng CHIENG, chef « historique » de la communauté, sous le simple nom « Tcha », elle avait pour but l'organisation des fêtes du Nouvel An et de manifestations sportives. Les statuts de l'association, rédigés en hmong et en français, prévoient la désignation d'un nouveau président tous les 2 ans, de manière à éviter l'autorité durable d'un seul individu. Actuellement, le président est Pao TCHA qui, depuis le début de l'année, vit à Rennes. En 2007, l'association regroupe 27 familles du clan TCHA réparties sur l'ensemble du territoire national (Montreuil-Bellay, Rennes, Tours, Amboise, Saumur, Lyon, Nîmes). Chacune verse en début d'année une cotisation de 30€ qui va alimenter une caisse de solidarité utilisée pour apporter ponctuellement une aide matérielle à ses membres, en cas de mariages, décès... L'association assure une fonction qui, dans les villages laotiens, n'avait pas besoin d'être explicitée. En février 2007, à l'occasion du décès d'un membre du clan résidant à Tours, les frais de déplacement du musicien qui devait jouer du khen (orgue à bouche) ont été pris en charge par l'association. De même, les enfants des familles qui obtiennent le baccalauréat reçoivent un « cadeau » de 150€. L'entraide prend parfois d'autres formes plus modestes comme l'approvisionnement en légumes, l'hiver, par ceux qui possèdent des serres dans la région de Tours. Cette « solidarité construite » (BILLION, 1988 : 347) permet de mieux répondre aux difficultés des uns et des autres et de les maîtriser. Une autre association similaire existe à Saumur, l'« Association culturelle et sociale hmong de Saumur » dont le but là encore est de préserver les coutumes et traditions hmong et de rassembler et aider sous diverses formes les Hmong de Saumur et de France. Elle unissait initialement les communautés de Saumur et de Montreuil-Bellay (« Association hmong saumurois et montreuillais, Traditions et maintien culturel »).

De nombreuses associations Loi 1901 du même type ont été créées par les communautés hmong depuis leur arrivée en France. Nous avons recensé celles qui comportent la mention « hmong ». Elles sont au nombre de 122, inscrites au « Journal officiel », dont 110 en France métropolitaine et 12 Outre-mer (Guyane française).

Carte n°17 : Associations « hmong » en France métropolitaine (2007)

Elles se répartissent en 4 catégories : associations artistiques et culturelles (45 : 40+5), interventions sociales (33 : 30+3), religieuses (26) et enfin domaines divers (18 : 14+4). Leur répartition au niveau métropolitain est très inégale et correspond aux foyers d'installation des communautés hmong ancrées solidement dans le territoire national. Elle épouse la forme d'un arc, allant de la Bretagne à la Méditerranée par la région parisienne et l'axe rhodanien. Toutefois on peut remarquer de plus fortes concentrations dans certains départements dont le Gard (11), le Loiret (10), le Rhône et l'Aude (7), le Maine-et-Loire et l'Ille-et-Vilaine (5). La région Ile-de-France en compte à elle seule 17. Autre particularité de ces concentrations : la dominante dans l'Ouest de la France des associations religieuses de confession évangéliste. Ainsi, certaines agglomérations ont polarisé les flux de populations dispersées initialement à leur arrivée, mais rapidement regroupées à nouveau en raison des liens claniques qui les unissaient initialement : en choisissant la solution juridique de « l'association Loi 1901 », les Hmong reproduisent le principe organisationnel du clan et conservent ainsi la cohérence sociétale initiale. Cela participe aux modalités d'adaptation à la société d'accueil. Grâce à son association qui relie les différents pôles géographiques du clan, la communauté de Montreuil-Bellay réactive en permanence les liens ethniques et jette un pont vers le pays d'origine et le passé.

A côté de ces liens qui établissent des contacts directs existent d'autres modes de relation qu'il convient de prendre en compte et qui compensent la dispersion par l'utilisation intensive de tous les moyens de communication. Par médias interposés les contacts sont entretenus.

* 48 JAKOBSON, R., 1969. Linguistique et poétique, in Essais de linguistique générale, Paris : Editions de Minuit. p. 209-248.

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"Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots"   Martin Luther King