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L'imposition des cultures de rente dans le processus de formation de l'etat au cameroun (1884-1914)

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par Sandrine Carole TAGNE KOMMEGNE
YAOUNDE 2 - SOA / CAMEROUN - Diplome d'Etude Approfondie en Science Politique 2006
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE DE YAOUNDE II

UNIVERSITY OF YAOUNDE II

FACULTE DES SCIENCES FACULTY OF LAW AND

JURIDIQUES ET POLITIQUES POLITICAL SCIENCE

DEPARTEMENT DE SCIENCE DEPARTMENT OF POLITICAL

POLITIQUE SCIENCE

L'IMPOSITION DES CULTURES DE RENTE DANS LE PROCESSUS DE FORMATION DE L'ETAT AU CAMEROUN (1884-1914)

Mémoire présenté et soutenu publiquement en vue de l'obtention du Master 2

en

Science Politique

Par

Carole Sandrine TAGNE KOMMEGNE

Sous la direction de

M. André TCHOUPIE

Docteur d'Etat en Science Politique

Chargé de cours

Année académique 2006 - 2007

Je dédie ce travail à :

- Mon père M. Tagne

- M a mère Mme Tagne Aunorine

- A mes frères et soeurs, Elvine, Sandra, Steve, Thierry, Linda

Pour toute l'affectation et tous les sacrifices que vous avez toujours déployés à mon égard.

Que ce travail soit pour vous un motif de fierté.

REMERCIEMENT

La réalisation d'un tel travail ne saurait s'effectuer sans que des difficultés ne soient rencontrées. Plusieurs personnes se sont investies dans la réalisation de ce travail.

J'exprime ma gratitude :

- Au Docteur André Tchoupié, chargé de cours à la Faculté des sciences juridiques et politiques de l'université de Dschang pour avoir accepté de diriger ce travail et aussi pour sa patience, ses suggestions et le temps qu'il a bien voulu consacré à mon égard ;

- Au Professeur Luc Sindjoun, enseignant à la faculté des sciences juridiques et politiques de l'Université de Yaoundé 2- Soa et chef de département de Science Politique, pour m'avoir prodigué ses conseils malgré ces multiples occupations;

- A tous les enseignements de la faculté des sciences juridiques et politiques de l'université de Yaoundé 2-Soa pour leurs enseignements et leurs conseils durant mon parcours académique ;

- Au Docteur Zacharie Saha, chargé de cours à la faculté des lettres et des sciences humaines de l'université de Dschang pour ses conseils et le temps qu'il m'a consacré ;

- A Mme Machikou pour sa disponibilité, sa patience et la compréhension qu'elle a su faire à mon endroit.

C'est un grand plaisir pour moi de remercier ceux qui m'ont apporté leur aide au cours de mes investigations sur le terrain. Je pense au délégué de la culture de Buéa ainsi qu'au responsable des archives de Buéa.

J'adresse également ma reconnaissance à mon ainé, Tchuembou Eloys, pour son soutien, ses encouragements et son affection.

A tous mes amis, Gisèle, Arlette, Gaby ainsi qu'à tous mes camarades de classes. Je pense ainsi à Séverin, Ruth, Diane, Wilfried, Romaric, Frank, Christelle.

A tous ceux qui de près ou de loin ont participé d'une manière ou d'une autre à la réalisation de ce travail.

SOMMAIRE

INTRODUCTION GENERALE....................................................................................7-27

CHAPITRE 1 : POLITIQUE AGRICOLE ALLEMANDE DU XIXème SIECLE COMME RAISON DE L'INSTAURATION DE LA SOUVERAINETE ALLEMANDE AU CAMEROUN.....................................................................................................................28-52

SECTION I : L'INSTAURATION DE LA SOUVERAINETE ALLEMANDE AU CAMEROUN................................................................................................................................30-37

SECTION II : L'INSTAURATION DE LA SOUVERAINETE ALLEMANDE AU CAMEROUN ........................................................................................................................................................38-52

CHAPITRE II : AUTORITES ALLEMANDES, DIVERSITE DES POLITIQUES AGRICOLES ET PROCESSUS DE CONSTRUCTION DE L'ETAT CAMEROUNAIS...............................................................................................................53-85

SECTION I : LA LENTE CONSTRUCTION DU MONOPOLE DES POLITIQUES AGRAIRES DANS LE TERRITOIRE DU CAMEROUN PAR LES AUTORITES ALLEMANDES.............................................................................................................................56-69

SECTION II : DES POLITIQUES AGRICOLES ALLEMANDES OFFENSIVES A L'EMERGENCE PROGRESSIVE DE STRUCTURES GENERATRICE DES SYSTEMES DE CONTRÔLE DES POPULATIONS CAMEROUNAISES.........................................................70-85

CHAPITRE III : LA RECHERCHE D'UN EQUILIBRE ENTRE POUVOIR POLITIQUE ALLEMAND ET SOCIETES POLITIQUES TRADITIONNELLES POUR LA CONSTRUCTION D'UNE POLITIQUE AGRICOLE EFFICACE..................................86-108

SECTION I : UNE CONJONCTURE LOCALE " FAVORABLE" AU NOUVEL ORDRE POLITIQUE..................................................................................................................................88-96

SECTION II : DE LA NEGOCIATION, DE L'IMPOSITION D'UN ORDRE ALLEMAND AU PROCESSUS DE STABILISATION DU JEU POLITIQUE...................................................96-108

CONCLUSION GENERALE..........................................................................................109-112

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES........................................................................110-121

ANNEXES......................................................................................................................122-132

LISTE DES TABLEAUX ET DES CARTES..........................................................................133

LISTE DES ANNEXES.........................................................................................................134

TABLE DE MATIERES..................................................................................................135-142

INTRODUCTION GENERALE

Le succès politique de l'Etat comme modèle d'organisation sociale a constamment été à la mesure de son succès scientifique en tant qu'objet d'étude. L'importance prise par l'Etat dans les études politiques africanistes a été à la hauteur du doute voire du scepticisme sur l'existence d'Etats en Afrique. Les discours sur l'échec de l'Etat en Afrique consécutifs aux différentes crises politiques que traversent la plupart des Etats d'Afrique noire sont à l'ordre du jour de la science politique : rejet de la greffe de l'Etat, Etat néo-patrimonial, Etat raté etc. sont autant de concepts opérationnels de l'analyse de l'incapacité des africains à arrimer le modèle étatique occidental à leurs structures politiques existant avant la colonisation.

Ces approches relèvent d'un certain européocentrisme de la part des chercheurs occidentaux dès lors qu'on considère l'Etat comme une configuration dynamique variant dans l'espace et dans le temps. Dans une large mesure, l'Etat est fonction des usages et des investissements des acteurs compte tenu des enjeux locaux. L'Etat africain c'est-à-dire non occidental dérive à la fois de l'imposition du « modèle occidental » et de sa traduction locale par des acteurs politiquement intéressés. L'Etat africain et plus particulièrement camerounais n'est pas un « Etat importé » mais il a été exporté par l'Allemagne, la France et l'Angleterre par le biais de la colonisation1(*) (Sindjoun 2002 : 2). Aussi, nous appréhendons ici le colonialisme au sens de Hobson qui pense que c'est une reproduction outre-mer de la métropole par le biais de l'émigration. Seulement, cette exportation bien qu'ayant déterminée la dynamique politique locale ne sera pas une reproduction exacte du modèle d'Etat existant en Allemagne. A contrario, tout en provoquant ces changements, la forme d'organisation qui verra le jour sera le fruit d'une réinvention locale de l'Etat mais aussi, il y aura un processus de socialisation de cet Etat en train de se faire. Nous pouvons donc dire que l'expansion européenne est une exportation d'un nouveau modèle de société, celui qu'on appellera `'l'Etat moderne''. Seulement, la mise en administration de la population du Cameroun ne sera pas une réplique exacte de celle existant en Allemagne. Cet Etat camerounais en train de se faire n'est pas importé car il sera largement reconfiguré par les acteurs locaux.

Par ailleurs, l'apparition d'une forme d'organisation politique ne peut pas être expliquée par des conditions purement internes à la société considérée (Lagroye1991 : 59). En effet, nombre de sociologues tels Lagroye Jacques, Braud Philippe et autres s'accordent sur le fait que l'émergence d'une nouvelle organisation sociale est généralement due à un phénomène de grande ampleur qui aboutit à une spécialisation des rôles de gouvernants dans les sociétés. Par spécialisation de rôle de gouvernement, il faut comprendre la différenciation des rôles de gouvernement et des règles qui s'y rapportent directement. Or la dimension fondamentale de la différenciation est l'établissement des rapports de domination entre les groupes (Lagroye 1991 : 53). Il se pose donc le problème de l'origine du phénomène social ayant favorisé la formation de l'Etat camerounais. Retenons que la région de l'Afrique qui deviendra plus tard le « Cameroun » n'existait pas avant l'arrivée des colons allemands. « C'est en effet à partir de la période allemande que le Cameroun tel que nous le connaissons aujourd'hui, c'est-à-dire comme entité territoriale, humaine et politique, ayant des contours et des frontières bien définis, existe bel et bien en Afrique », (Owona 1996: 62). Les colonisateurs trouveront dans cette région d'Afrique une multitude de sociétés politiquement organisées dont certaines entretenaient des relations commerciales entre elles et d'autres vivaient de manière isolées.

Nous pouvons donc affirmer que la colonisation est l'un des phénomènes de grande ampleur ayant provoqué la mise en administration de la société camerounaise, c'est-à-dire la constitution d'un pôle unique de décision s'imposant à l'ensemble des sociétés politiques précoloniales du Cameroun. A travers l'imposition de nouvelles cultures dites de rente et la prolifération de celles-ci sur l'ensemble du territoire de la colonie du Cameroun, les Allemands vont participer au processus d'étatisation des sociétés locales.

La présente étude entend partir de la colonisation allemande pour identifier la relation qui existe entre les cultures de rente et l'Etat camerounais et comprendre la place que les cultures de rente occupent dans la dynamique politique de l'Etat camerounais. Cette relation constitue un champ heuristique pour étudier la formation de l'Etat camerounais dans la mesure où elle s'inscrit dans la perspective d'une réflexion sur la transformation de l'ordre politique précolonial local dans un contexte de complexité de l'environnement.

I-LA CONSTRUCTION DE L'OBJET D'ETUDE

Le fait scientifique tient sa singularité de ce qu'il est tour à tour " conquis, construit et constaté " (Bachelard 1934). Si la science " réalise ses objets sans jamais les trouver tout faits ", ajoutait-il, c'est précisément parce qu'elle se fonde. Cela est particulièrement vrai dans les sciences sociales lorsqu'elles se basent sur une démarche de reconstitution des réseaux de relations explicatifs au-delà des structures apparentes (Bachelard 1934). La construction de l'objet est donc l'un des points essentiels de la recherche dans la mesure où la science correspond à un monde à construire. Cette construction commence par une rupture épistémologique. Par cette notion, Pierre Bourdieu (parmi d'autres) entendait souligner la distanciation qu'il convient de construire entre le savoir scientifique et la " sociologie spontanée " des acteurs sociaux. L'une de ses exigences est la rupture avec les ``prénotions'' (Durkheim 1967).

A-DEFINITIONS DES CONCEPTS

Il est important d'effectuer un travail de clarification des concepts. Le fait étant conquis, construit et constaté, cette définition des concepts éloigne le chercheur du sens commun et des idées préconçues qui font parties du langage ordinaire qu'il faut systématiquement critiquer pour ne retenir dans la poursuite de la recherche que les mots dont le sens est suffisamment établi pour permettre que tous s'accordent sur ce qu'il veut étudier et ce qu'il veut dire. Il ne s'agit pas non plus de créer des concepts nouveaux, mais de mettre en place des concepts préalablement soumis à la critique et qu'une bonne définition aura rendu plus claires et plus opératoires. C'est donc dans ce cadre que les concepts de cultures de rente et formation de l'Etat seront définis en tant que concepts fondamentaux de notre sujet, forgés et appliqués dans un contexte différent de leur lieu d'origine.

1. Que sont les cultures de rente ?

Les cultures industrielles dites de « rente » sont l'ensemble des produits agricoles cultivés dans des plantations. C'est l'ensemble des produits qui a formé ce que l'on a appelé les `'denrées coloniales'', c'est-à-dire celles que pour des raisons climatiques, l'Europe ne pouvait pas produire. Dans le cadre de la colonisation allemande, ce sont des cultures correspondant essentiellement à un domaine spéculatif. Les cultures de rente sont généralement insérées dans une économie de plantation s'appuyant sur les propriétés du sol et du climat tropical pour produire en masse des produits destinés au marché international et quelquefois national.

Les principaux produits de rente sont soient des denrées alimentaires (la banane, l'arachide, le café, le cacao, les épices, l'huile de palme, etc.), soient des matières premières (coton, caoutchouc, etc.). Elles sont exploitées dans des plantations industrielles aux dimensions importantes, allant de centaines d'hectares jusqu'à des milliers. Les plantations se concentrent sur l'élévation permanente des rendements et l'optimisation des techniques.

Les colons vont faire entrer les populations dans leur système économique, en instaurant un système d'impôt payable en numéraire grâce à l'introduction de ces cultures de rente dites industrielles ou sous la forme de travail rémunéré (le travail forcé) pour la construction des infrastructures (routes, ponts, etc.). Les cultures de rente constituent dans cette étude l'élément par lequel la transformation des systèmes politiques traditionnels existant au Cameroun va s'opérer. L'imposition de ces cultures par l'ordre allemand aura des répercussions sur la formation de l'Etat camerounais.

2. La formation de l'Etat

Le mot `'formation'' indique que l'objet de cette étude est un processus actif, mis en oeuvre par des agents tout autant que par des conditions. Les populations camerounaises ont été parties prenantes dans la construction de l'Etat par le biais de leur participation à l'exploitation des cultures de rente.

D'après Kayo Sikombe (2007 :29), la formation est une élaboration inconsciente et indéterminée contrairement à la construction qui est un processus volontairement engagé pour atteindre des fins biens déterminées à l'avance. En ce qui concerne les politiques agricoles camerounaises de 1884 à 1914, si au départ elles sont essentiellement le fait d'une construction d'acteurs étrangers, elles deviennent de plus en plus une opération mixte de formation-construction au fur et à mesure que le local prend conscience de ses capacités d'action et de réaction. Aussi, l'emploi du terme de formation ne doit-il pas occulter le fait que des acteurs locaux vont influencer l'élaboration de ces politiques agraires. C'est cette interaction entre gouvernants et gouvernés qui marque dans une certaine mesure la spécificité de l'Etat camerounais. Celui-ci ne sera pas une réplique exacte de l'Etat allemand car chacun appartient à une aire culturelle distincte et répond à une trajectoire historique propre. L'Etat est une production historique c'est-à-dire que loin d'être une forme d'organisation politique naturelle et inévitable, il est avant tout le résultat d'une histoire complexe allant généralement du système monarchique au pouvoir institutionnalisé. L'étude de l'impact des cultures de rente dans la formation de l'Etat camerounais est pertinente dans la mesure où, en fonction des nécessités de l'administration allemande, le pouvoir colonial établira un système d'exploitation au Cameroun. Celui ci ignorait le plus souvent les réalités ethnoculturelles et historiques du peuple camerounais.

La formation de l'Etat comprise comme la constitution d'une organisation sociale et de domination politique reposant sur le monopole de la violence légitime et la revendication de la souveraineté dans un cadre territorial, est le résultat de la complexification de l'environnement d'une société. L'introduction des cultures de rente provoquera l'enchaînement des actions parfois planifiées pour aboutir à la naissance de l'Etat camerounais.

L'introduction des cultures de rente en tant que facteurs de transformation ayant affecté les formes politiques précoloniales camerounaises est l'une des conditions de la spécialisation des rôles politiques. « Parler d'une spécialisation des rôles politiques, c'est considérer qu'en certaines circonstances, voire de manière permanente, des individus ou des groupes accomplissent des actions visant à diriger la vie en société, à imposer des comportements à tous ses membres et à faire admettre qu'ils ont autorités sur eux », (Lagroye 1991 : 26). Par les cultures industrielles, les Allemands vont réussir à diriger la vie des populations résidant sur le sol Camerounais et par là, à leur imposer une orientation commune dans les techniques agricoles. Ceci va favoriser la mise en place des institutions devant gérer à la longue les Camerounais.

Dans le cadre de notre étude sur la logique de changement du mode de production et construction de l'Etat, il s'agit de mettre en relief le processus de centralisation d'un pouvoir, lequel est en même temps un processus de construction du pouvoir politique au Cameroun.

B- LA PROBLEMATIQUE DU CHANGEMENT DU MODE DE PRODUCTION COMME ENJEU CENTRAL DANS LE PROCESSUS DE FORMATION DE L'ETAT

L'objet de la recherche se construit à travers une problématique théorique qui permet de soumettre à « une interrogation systématique les aspects de la réalité mis en relation par la question qui leur est posée », (Berger et Luckmann 1986). En définitive, construire l'objet c'est « deviner sous les apparences les vrais problèmes et poser de bonnes questions ». Ainsi, comme le disait Arthur Schopenhauer cité par Grawitz, « la tâche n'est point de contempler ce que nul n'a encore contemplé, mais de méditer comme personne n'a encore médité sur ce que tout le monde a devant les yeux ».

Il s'agit dans cette étude d'appréhender la formation de l'Etat à partir de l'imposition des cultures de rente. La problématique de changement du mode de production permet de dégager les mécanismes et les enjeux de domination territoriale légitime, ainsi que le contexte de lutte et de concurrence dans lequel se construit l'ordre politique. En d'autres termes, au commencement de cette recherche, il y a une interrogation que nous formulerons de la manière suivante : comment appréhender la formation de l'Etat à partir du changement du mode de production ? En clair, la question est de savoir si, à partir de l'introduction de nouvelles cultures sur le sol camerounais par les Allemands, on peut envisager les mutations politiques camerounaises ayant posé certaines bases de l'Etat camerounais ?

Il s'agit d'une problématique qui s'inscrit dans un processus politique évolutif qui marque les changements notables dans la vie politique d'un Etat en train de se faire.

C- HYPOTHESE DE TRAVAIL

Sur la base de l'interrogation sus-présentée, notre hypothèse principale est la suivante : le changement du mode de production au Cameroun par l'imposition des cultures de rente est une modalité de construction de l'Etat dans le cadre des relations de pouvoir que différents acteurs entretiennent entre eux tantôt en coopérant, tantôt en s'affrontant. Le changement du mode de production est une politique dialectique : ici, s'interpénètrent étatisation de la société par les autorités allemandes et socialisation de l'Etat par les acteurs locaux. En d'autres termes, l'imposition des cultures de rente est un moyen instrumentalisé par les Allemands et une occasion de contrôle des populations et d'affirmation des intérêts politiques et sociaux allemands. Cette situation crée une certaine homogénéisation des différentes composantes de la société.

D- INTERET DE L'ETUDE

Il y a un double intérêt à poursuivre cette étude. D'une part, ce travail permet de renouveler l'étude de la formation de l'Etat Camerounais en se situant sur le terrain des changements des modes de production. D'autre part, par un matériau inédit, il permet de rendre possible la mise en relation du poids des cultures de rente dans le processus de formation de l'Etat.

1. Renouveler la connaissance de la formation de l'Etat camerounais du point de vue de la sociologie historique de l'action publique

L'intérêt premier de cette recherche est de faire une sociologie historique de l'Etat camerounais par le biais des politiques agraires en train de se faire. Elle veut penser la formation de l'Etat par le biais de dispositifs d'action publique dans le domaine agricole, et c'est en cela qu'elle est inédite. Dans cette optique, la relation des acteurs en coprésence et les structures sociales sont indissociables. Que ce soit les dominés ou dominants, ce sont ces acteurs qui actionnent en tant qu'entités individuelles ou collectives l'institution.

Ces acteurs vont agir et réagir sur l'institution et par rapport à l'institution qu'est l'Etat qui est un produit du temps et des évènements. Comprendre donc le fonctionnement des Etats africains actuels doit passer par l'étude des conditions ayant permis son avènement c'est-à-dire qu'il faut employer une démarche de reconstitution des réseaux de relations explicatifs pour rendre compte des évènements sociaux ayant favorisés l'émergence de ces Etats africains. Pour rendre compte de ces évènements sociaux, il est nécessaire de remonter aux raisons des actions individuelles comme le pense Max Weber dans économie et société. Ces raisons répondent aux questions qui font sens pour les individus c'est-à-dire qui donnent une signification et une direction à leurs actions. L'émergence d'une nouvelle forme d'organisation politique étant généralement lié au changement du mode de production, notre recherche s'inscrit dans l'étude de la mise en administration de la société par le biais des politiques agricoles allemandes au Cameroun. A travers celle-ci, la rationalisation de la société va se répandre dans un grand nombre de domaine de la vie des Camerounais.

Parce que les Etats sont les produits de trajectoires toujours singulières, encore moins comparables lorsqu'ils appartiennent à des espaces culturels très éloignés les uns des autres, les mêmes concepts n'y désignent jamais exactement les mêmes réalités (Braud 1997 : 149). L'Etat en train de se faire au Cameroun ne sera pas une copie exacte de celui existant en Allemagne. Avec l'arrivée d'un nouveau système de production, les Camerounais seront enrôlés dans un flot permanent et quotidien d'actions. Actions qui vont engendrer des interactions avec d'autres acteurs et le nouveau type d'organisation sociale. En agissant et interagissant, ces acteurs vont produire trois propriétés structurantes : du sens, du pouvoir et de la légitimité (Giddens 1987). La légitimité doit être comprise ici comme la qualité qui confère une valeur sociale à une action sociale et qui justifie aux yeux de tous l'existence d'une activité (Weber 1971). La routinisation des habitudes rend normal l'existence des institutions. Giddens montre ainsi que la société " est un accomplissement compétent de ses membres, mais qui prend place dans des conditions qui ne sont ni totalement intentionnelles, ni totalement comprises de leur part. (...) Malgré cela, les êtres humains (...) sont les seuls créatures à faire leur propre histoire en sachant qu'ils ne peuvent la contrôler, tentent sans cesse d'y parvenir " (Giddens 1987). Ceci montre que l'Etat est une production historique répondant à des spécificités propres à chaque aire culturelle et fait surtout ressortir l'importance de l'étude sociohistorique dans la compréhension des Etats.

Dans cette optique, notre recherche est opposée à la plupart des études faites sur les Etats Africains. Celles-ci portent généralement sur des thèmes comme ceux du rejet de la greffe, des Etats défaillants, des Etats néo patrimoniaux et autres et sont développées par des auteurs comme Jean François Bayart, Jean François Médard. Bayart explique l'échec de la construction d'un Etat autonome au Cameroun par le poids des groupes sociaux subordonnés tandis que Médard le fait par le principe surdéterminant du néopatrimonialisme.

Loin d'être un modèle uniforme à l'ensemble des sociétés politiques, la nouvelle forme d'organisation sociale qui voit le jour avec les traités de Wesphalie est une institution, un ensemble de pratiques propre à chaque aire culturelle et influencé par l'évolution historique de chaque société. Que ce soit les dominants ou les dominés, ce sont eux qui vont participer à la mise en oeuvre des différentes politiques agricoles concourant ainsi à l'étatisation de la société camerounais. Ils ont leurs propres intérêts, leurs stratégies, leurs buts, leurs expériences, leurs histoires qui non seulement entrent en concurrence, mais surtout, vont agir et réagir sur la mise en administration de la société camerounaise. Aussi, tous ces éléments font que parler de rejet de la greffe ou d'échec de l'Etat au Cameroun revient à remettre en question les trajectoires spécifiques de formation de l'Etat ce qui est loin du but de notre recherche.

2-Les politiques agraires et la formation de l'Etat : une manière inédite de penser l'historicité de l'Etat camerounais

Par le biais de matériaux inédits, il nous a été possible de penser la formation de l'Etat au Cameroun par les politiques agraires. Notre recherche se caractérise par l'exploitation prioritaire des matériaux de première main, archivistiques et documentaires. Ces matériaux permettent de penser et de suivre la mise en administration progressive de la société camerounaise.

L'Etat étant une production historique suivant une trajectoire spécifique à l'aire culturelle étudiée, ces matériaux nous ont permis d'étudier l'historicité des politiques agricoles au Cameroun et l'adaptation de celles-ci au contexte prévalant dans le territoire durant sa mise en oeuvre. Ces différentes politiques agraires permettent d'observer la conquête du territoire camerounais et le contrôle des populations y résidants.

II. CADRE OPERATOIRE D'ANALYSE

Notre analyse se fait essentiellement dans un cadre géographique et temporaire bien précis.

A- CADRE GEOGRAPHIQUE DE LA RECHERCHE

Notre étude prend pour cadre toute l'étendue du territoire du Cameroun colonisé par les Allemands. Ceci dans la mesure où cet espace a servi de cadre d'imposition des cultures de rente par le pouvoir colonial allemand. Ceci veut dire que notre recherche débute à la période où le territoire camerounais ne se résumait qu'à la côte camerounaise (confère carte 1) et va se poursuivre sur les espaces conquis plus tard.

Les notions d'autorités politiques, de cultures de rente et de terre sont des notions capitales dans notre analyse. En effet, c'est en rapport à elles que la construction de l'Etat a un sens. A cet effet, l'autorité politique rend compte de l'impact des différentes politiques agraires sur le processus de formation de l'Etat camerounais. Ces politiques agraires sont différentes d'une autorité politique à une autre. Mais à défaut d'étudier toutes les autorités politiques allemandes ayant intervenus dans l'élaboration des différentes politiques agraires, nous avons choisi les autorités les plus représentatives des grandes lignes de la politique agraires et qui ont marqué sérieusement les évènements saillants de la construction de l'Etat camerounais.

B- BORNES CHRONOLOGIQUES

Nous travaillerons s'étend sur la période allant de 1884 à 1914. Le contact de l'Afrique avec l'Europe se situe un peu avant la période coloniale avec l'exploration des portugais et plus tard avec la traite négrière. Mais c'est bien avec la signature du traité germano-douala en 1884 (confère annexe 6) que nous situons véritablement le début du phénomène de formation de l'Etat camerounais. C'est à cette date qu'officiellement le drapeau allemand est fixé sur le plateau Joss à Douala pour matérialiser la présence d'un pouvoir légitime, somme toute étranger, qui prend possession du territoire et qui engage des mesures d'extension de son autorité à l'intérieur du pays en créant des plantations pour la cultures des produits de rente. Ces actions seront marquées par des ruptures et des continuités occasionnées par des acteurs qui se succèderont et se relayeront sur la scène politique locale.

L'une des dates significatives de la rupture politique agricole au Cameroun est 1894 qui marque l'agressivité des politiques agricoles allemandes au Cameroun et consacre la consolidation d'un pouvoir central. Mais c'est bien en 1900 que les politiques agraires du Cameroun deviendront une préoccupation politique allemande à travers la conception et la mise en oeuvre des politiques scolaires adaptées au besoin de main d'oeuvre des plantations allemandes.

Notre étude avant cette date consiste à établir la genèse de l'introduction des cultures de rente liées aux conjectures sociopolitiques allemandes. En effet, au départ réticent à toute aventure coloniale, Bismarck alors chancelier de l'empire allemand va brusquement se décider à annexer quelques territoires en Afrique. Ce changement de cap dans la politique de Bismarck a été dû aux pressions des hommes d'affaires ayant investis en Afrique mais aussi par la prise de conscience que la puissance d'un Etat repose désormais sur ses possessions coloniales. Bismarck qui pensait qu'une aventure coloniale devait fragiliser la puissance nouvellement acquise de l'empire et que cette dernière devait se concentrer sur l'Europe afin d'assoir sa puissance va se retrouver hors du contexte à partir des années 1890 lorsque l'empereur Guillaume II attaché au développement de la puissance militaire et de la richesse de l'empire allemand, va émettre des idées expansionnistes. Après le départ de Bismarck en 1890, Guillaume II s'engage dans une politique d'expansion commerciale, coloniale et maritime2(*) et ceci s'inscrit dans une lutte de leadership entre puissance car celui qui contrôle désormais les transactions maritimes détient en quelque sorte le pouvoir. Or, la Grande Bretagne et la France s'étaient très tôt engagées dans les aventures coloniales. Ces conjonctures participeront à la construction de l'enjeu sur lequel les politiques agricoles qui vont s'appliquer au Cameroun vont justifier leur existence. C'est pour cette raison que nous étudions tous les évènements liés aux cultures de rente durant 1884 à 1914 et ayant permis l'émergence de certaines bases de l'Etat camerounais.

Analyser tous les contours de la complexité de l'environnement dans la construction de l'Etat camerounais nécessite un outil méthodologique bien adapté.

III. PENSER L'EMERGENCE DE L'ETAT CAMEROUNAIS

Ce point rendra compte de notre démarche méthodologique et analytique. La méthode renvoie à la posture adoptée pour saisir un objet. C'est un ensemble concerté d'opérations mises en oeuvre pour sélectionner et coordonner des techniques et atteindre un objectif de recherche. La complexité du fait social, noeud de relations, de représentations, de sens, évolue et change dans le temps et dans l'espace et porte de ce fait plusieurs aspects ou dimensions. Dans ce cas, une seule méthode ne peut rendre compte de cette complexité. Le recours à plusieurs outils méthodologiques aide à mieux cerner le réel et en rendre compte de manière pertinente. Chaque technique contribuant à élucider une dimension particulière de ce complexe social qui se résume à chaque période dans les politiques agricoles, nous mobilisons ici à la fois deux entrées disciplinaires (la sociologie historique de l'Etat et la sociologie de l'action publique), une posture méthodologique (le constructivisme) et un dispositif empirique.

A. ENTRE LA SOCIOLOGIE HISTORIQUE DE L'ETAT ET LA SOCIOLOGIE DE L'ACTION PUBLIQUE

Notre recherche s'appuiera sur la sociologie historique et la sociologie de l'action publique. La perspective socio-historienne contribue à imposer une nouvelle approche de l'étatisation de la société camerounaise. La sociologie de l'action publique marque le choix d'une approche où sont pris en compte à la fois les actions des institutions publiques et celles d'une pluralité d'acteurs, publics et privés issus de la société civile comme de la sphère étatique, agissant conjointement, dans des interdépendances multiples pour produire des formes de régulation des activités collectives. Le choix de telles approches se justifie dans la mesure où, ce ne seront pas uniquement les objets traditionnels de la science politique (pouvoir, personnels étatiques, instances gouvernementales, institutions étatiques, etc.) qui seront concernés, mais surtout ce qui se passe au sein même de la société dans les interactions multiples, diverses et complexent qui les structurent.

1. Pour une sociologie historique de l'Etat camerounais par les politiques agricoles

Ce travail entend opérer un renouvellement du questionnement sur les termes de la formation de l'Etat camerounais et les modalités de son action. Si la sociologie historique de l'Etat formule de manière inédite des propositions pertinentes dans ce sens, c'est précisément parce que, nous suivons en cela Yves Deloye (1996). Elle rend compte des processus historiques de " mise en administration " de la société. D'une manière générale, le tournant socio-historique dans l'analyse de l'action de l'Etat permet de " préciser le regard et d'entrer dans une étude fine des types d'interactions qui sous-tendent les formes-mêmes de l'action publique dans différents contextes historiques de l'action publique " (Payre et Pollet 2006, 91). Theda Skocpol fait des propositions intéressantes dans ce sens dans le cadre de la sociologie américaine de l'Etat (Skocpol  1992).

Spécifiquement, dès la fin des années 80, l'on assiste à l'établissement de passerelles entre la Science politique, les Sciences sociales et l'Histoire. Elles permettent de penser autrement l'étatisation de la société. Les processus présidant à la formation de l'Etat seront examinés du point de vue des " pratiques, figures et usages concrets " de la mise en administration de la société (Payre et Pollet 2006 : 93). Dans le cadre de ce mémoire, nous ne faisons pas une sociogenèse des politiques agricoles au Cameroun. Nous nous proposons d'interroger la manière dont la mise en administration de la société dans le domaine agricole forme l'Etat camerounais au début du 20e siècle. Cette démarche va permettre de regarder de près entre autres, la genèse de la circulation d'hommes d'Allemagne au Cameroun et sur le territoire camerounais, des pratiques de constitution et de mise à disposition de savoirs sur l'agriculture que l'on dispensera aux locaux, les usages individuels et collectifs des politiques agricoles en train de se faire, etc.

2. L'apport spécifique de la sociologie de l'action publique

Les Politiques publiques et la sociologie de l'action publique dans le champ agricole nous fournissent une gamme variée d'outils permettant de penser la formation de l'Etat du point de vue de son action. Cette approche nous permettra d'étudier ce qui se passe au sein même de la société camerounaise par le biais des interactions multiples, diverses et complexes qui la structure. L'Etat n'est plus qu'un des partenaires participant à la construction de son action publique (politiques agraires) dont le rôle spécifique est difficile à analyser car il est lui-même agi par la complexité et la différenciation de ces organisations susceptibles de produire des contradictions internes au champ étatique. " De ce constat découle celui d'un déplacement d'une régulation centralisée vers une régulation multipolaire, marquée par la démultiplication et la polycentricité des niveaux d'action avec de fortes interdépendances entre des acteurs nombreux et différenciés, aux intérêts divergents sinon antagonistes " (Commaille 2006 : 418). Dans la recherche de politiques agricoles efficaces et ne maîtrisant pas toute les ressources dont il a besoin, le pouvoir allemand se verra dans l'obligation de coopérer au niveau local avec d'autres instances politiques traditionnelles, de négocier avec ces pouvoirs locaux porteuses de stratégies différentes et éventuellement fortement contestataires.

Nous nous proposons dans le cadre de ce travail de faire ressortir le fait que les politiques agricoles qui vont prévaloir seront la résultante de stratégies enchevêtrées d'acteurs et de systèmes d'action suivant un schéma décisionnel qui relève d'une accumulation de régulations négociées. Les politiques agricoles se sont aussi construites au coeur des interactions sociales et pas seulement au sommet de l'Etat. Cette perspective aura des conséquences sur les schémas d'analyses et les outils théoriques susceptibles d'être mobilisés.

B. APPORT DE L'ANALYSE NEO-INSTITUTIONNALISTE DANS L'ETUDE DE LA FORMATION DE L'ETAT

Les institutions sont d'abord des pratiques pérennes dans la durée et dans l'espace en tant que catégorie à la fois géographique (référence au territoire) et sociale. La routinisation des habitudes rend normal l'existence des institutions. En tant que structures, c'est-à-dire ensemble des règles et des ressources (Giddens 1987), les institutions existent de façon latente dans les replis de la mémoire de la société. C'est dans leur mobilisation pour orienter ou légitimer des conduites que les institutions existent effectivement et deviennent des systèmes structurant la société. L'institution parle et agit à travers les acteurs, ces "agents compétents" dont parle Anthony Giddens (1987). Elles désignent donc les acteurs qui participent aux décisions politiques, leur rôle respectif et même la façon dont ils doivent se comporter dans le processus politique (Steinmo 2006 : 293). Ceci signifie que les institutions peuvent modeler la façon dont les acteurs perçoivent ou comprennent leurs propres intérêts.

En mobilisant les institutions et les idées, notre recherche a pour but d'interroger les contraintes que peut générer le processus d'institutionnalisation mais aussi, de voir si les comportements observés à cette époque ne sont pas le fruit de nouvelles croyances. L'approche néo institutionnelle a pour variables explicatives et clés les institutions, les normes, les interactions et les interdépendances. Mais elle s'intéresse aussi aux structures, à l'histoire, à la culture. Le versant historique et sociologique de cette approche nous sera utile dans cette recherche3(*).

1. Le néo-institutionnalisme historique

Ici, les institutions sont des variables structurantes par le biais desquelles des batailles d'intérêts, d'idées, de pouvoir se déroulent. Il s'agit de comprendre et d'expliquer les évènements du monde réel. L'histoire permet d'expliquer le processus par lequel les institutions naissent, se modifient et continuent à exister. Dans la recherche du rôle joué par les cultures de rente dans l'émergence de l'Etat camerounais, nous serons amenés à rechercher les éléments pouvant expliquer le processus par lequel la nouvelle institution (les différentes politiques agricoles) s'étendra sur le territoire d'Afrique qui deviendra Cameroun. Comment cette institution réussira t-elle à s'imposer à presque toutes les populations du territoire du Cameroun ? Comment la politique agricole va-t-elle modeler le discours et l'action politique dans les sociétés camerounaises ?

Par le biais de diverses politiques agricoles, le pouvoir central allemand au préalable présent uniquement dans la zone côtière du Cameroun va s'introduire, se modifier, s'imposer et se pérenniser dans l'espace camerounais. La mise en perspective historique du processus de construction de l'Etat camerounais permet de restituer l'étatisation des sociétés locales. Il s'agit de considérer la colonisation comme l'évènement matrice car « c'est l'insertion coloniale des divers groupes sociaux au sein du même Etat, leur positionnement par rapport aux mêmes enjeux politiques et leur mutation identitaire subséquente qui déterminent la structuration des relations politiques », (Sindjoun 2002 : 8). D'où l'utilité du néo-institutionnalisme sociologique.

2. Le néo-institutionnalisme sociologique

Ici, nous sommes intéressés par la création et le développement de modèle de pensée chez des Camerounais membres des sociétés politiques traditionnelles différentes. Nous serons amenés à rechercher comment la culture, les habitus, la manière de faire des Camerounais et celle des Allemands vont structurées les institutions qui se mettront progressivement en place au Cameroun. Il est donc question ici des dispositifs qui ont «vampirisé» les institutions et réorganisés en sous main le fonctionnement du pouvoir. S'il est vrai que la forme de la société détermine la forme de l'Etat, il est tout aussi vrai que l'Etat transforme la société (Mwayila Tshiyembe 1998: 129).

L'Etat et l'individu ne sont pas seuls dans la société. Il existe d'autres pouvoirs sociaux à l'endroit desquels l'homme est aussi débiteur d'obéissance et de services. Comme toute puissance dans la société repose sur des obéissances et des tributs, une lutte s'exerce naturellement entre les puissances pour l'appropriation des obéissances et de tributs. Cette lutte aidera au progrès de l'Etat au Cameroun. Par le biais des différentes résistances engagées de manières rationnelles par certains acteurs Camerounais comme Douala Manga Bell, Ngosso Nding etc., des négociations seront menées entre eux et les allemands.

Par ailleurs, certains aspects de la culture de certaines sociétés camerounaises vont concourir à asseoir la domination allemande. Certains camerounais verront dans la nouvelle institution allemande une possibilité de s'enrichir et de se repositionner dans la stratification sociale. Leur choix de collaborer avec les colonisateurs peut se comprendre par le fait que l'insertion des groupes sociaux subordonnés dans le champ politique se traduit souvent par l'adhésion au pouvoir par le consentement des dominés à leur domination.

3. Au-delà de l'institution : penser les acteurs dans les politiques agricoles

Dans cette perspective résolument sociologique, comment penser l'acteur ? Pour être considérer comme un acteur dans une politique publique, il faut que l'action engagée ait des répercussions tangibles sur un processus de politique publique donné (Grossman 2006 : 25). De l'extérieur, il s'agit de déterminer la capacité de l'acteur à mobiliser les ressources dont il dispose dans une action stratégique. Comment les différents acteurs présents sur le sol camerounais vont-ils oeuvrer dans le cadre des politiques agricoles ? Quels seront les différents moyens employés par ces acteurs pour se positionner dans le nouveau jeu politique au Cameroun ?

Dans le cadre notre travail, le néo-institutionnalisme est centré sur les acteurs. Par l'interactionnisme qui s'établira entre ces différents acteurs et le pouvoir politique, il se mettra progressivement en place une nouvelle façon de faire le politique. Comme le dit Bourdieu, s'il est vrai que l'acteur agit, il est tout aussi vrai que l'acteur est agit. Dans ce jeu politique qui s'instaurera, les acteurs vont intérioriser de nouvelles pratiques.

Toutefois, du fait que notre recherche porte sur une institution en train de se faire, les acteurs tant allemands que camerounais vont déployer des mesures leur permettant de profiter de la mise en administration de la société. Ces moyens qu'ils vont développer se ferra au niveau des acteurs locaux du moins de façon incrémentale. Ils adapteront leurs choix et leurs démarches au fur et à mesure que se feront les politiques agricoles.

C- APPORT DE L'APPROCHE CONSTRUCTIVISTE DANS L'ETUDE DE LA MISE EN ADMINISTRATION DE LA SOCIETE CAMEROUNAISE

La démarche sociologique soutient que les politiques publiques sont un jeu complexe d'acteurs multiples, dans des contextes différents, l'Etat n'étant plus qu'un des partenaires. Elle remet en cause l'idée du pilotage centralisé par le haut du pouvoir politique et du fonctionnement de la société, du volontarisme politique s'imposant unilatéralement du sommet vers la base. Cette sociologie s'inscrit dans le courant du constructivisme.

Le constructivisme est un courant qui prône la reconstruction de l'intérieur du processus, la logique propre des situations telle qu'elle est perçue et vécue par les acteurs eux-mêmes. Elle situe l'objet étudié dans une perspective constructiviste qui affirme que la réalité sociale ou politique est une construction des acteurs qui entretiennent des relations conscientes pour obtenir des objectifs bien déterminés. Dans cette perspective, l'Etat camerounais, produit d'une construction européenne qui a commencé avec le changement du mode de production, mais aussi produit d'une construction locale avec les stratégies déployées par les acteurs Camerounais pour intégrer le nouveau jeu politique sera analysé durant son processus de formation par ce courant analytique.

L'historicité constitue un référent majeur dans les travaux à tonalité constructiviste (Corcuff 2007 : 16) dans la mesure où l'institution est lié à l'histoire en tant qu'elle est le résultat dans l'espace et avec le temps d'une succession de forces travaillant tantôt dans le sens de l'institutionnalisation, tantôt dans le sens de la désinstitutionalisation. L'histoire fournit au sociologue des matériaux concrets issus de la réalité (Grawitz 2001: 422) et dans notre analyse, elle fournit les matériaux permettant d'analyser la construction de l'Etat camerounais. Comme le disait Durkheim (1981: 109-112), la cause déterminante d'un fait social doit être cherchée parmi les faits sociaux antécédents ; l'origine première de tout processus social de quelque importance doit être recherchée dans la constitution du milieu interne. Dans cette optique, il était donc nécessaire de rechercher le phénomène social de grande ampleur repérable dans l'histoire camerounaise auquel on pourrait attribuer la formation de l'Etat camerounais. L'un des facteurs de transformation ayant affecté les formes politiques traditionnelles du Cameroun a été le changement du mode de production. La nécessité d'intensifier la production des cultures de rente et d'organiser un mode d'exploitation acceptable a posé les fondations de l'Etat camerounais avec entre autres la spécialisation des rôles de gouvernement.

Il s'agira pour nous de reconstruire ces politiques agricoles à partir des liens, des interactions que les acteurs entretiendront avec leur environnement. L'individu n'étant pas appréhendé comme une entité extérieure à la société, ni la société comme une entité extérieure aux individus (Elias 1991 : 22), le tissu social sera traversé par de nombreuses formes d'interrelations qui s'entrecroiseront. Les interdépendances dans lesquelles seront pris les individus participeront à la formation des structures intérieures de leur personnalité. Cette formation demande un apprentissage de jeu nouveau qui suppose une certaine rupture des cercles anciens et l'instauration de nouveaux cercles. L'Etat transforme la société selon sa logique ; celle-ci à son tour résiste et contraint l'administration à s'adapter à la réalité. Du fait que la construction d'un ordre social est toujours un processus d'accommodation, de gestion des contradictions sociales et de réduction des conflits sociaux (Commaille et Bruno 1998 : 123), il est donc nécessaire pour le pouvoir politique de négocier avec les détenteurs des ressources nécessaires à son action. Dans ce contexte naît une multitude de stratégies déployées par les différents acteurs pour se positionner comme acteur principal. La négociation entre les différents acteurs légitimera l'ordre allemand dont le but premier est de créer des conditions favorables à l'exploitation des cultures de rentes.

D-LES TECHNIQUES DE COLLECTES DES DONNEES

Les techniques sont les moyens mis à la disposition du chercheur pour la collecte et le traitement des données. Compte tenu de leur diversité en sciences sociales, Madeleine Grawitz (1996: 442) précise que c'est suivant l'objet auquel elles s'appliquent qu'il faut savoir choisir la technique la plus adéquate et pouvoir l'utiliser convenablement. Tout au long de cette recherche, nous ferons usage de l'exploration documentaire à travers l'analyse des archives publiques, des connaissances livresques. Nous montreront ici la façon dont nous avons fait le terrain et les conditions dans lesquelles nous avons eu ces données ; par la suite les raisons pour lesquelles nous avons choisi les données utilisées dans ce travail.

1. Les raisons du choix des données

Dans une recherche, la nature même des informations qu'il convient de recueillir pour atteindre l'objectif, commande les moyens employés pour le faire (Grawitz 2001: 500). L'objectif détermine le choix de la technique et en même temps décide de la population à observer. Les hommes à étudier dans notre recherche appartiennent à une époque, à une culture, à une classe sociale précise.

Nous nous sommes intéressés aux individus qui ont participé à la mise en oeuvre des politiques agricoles au Cameroun d'où notre intérêt pour la personnalité de ces acteurs. L'intérêt de l'étude la personnalité vient du fait qu'il toute personnalité est en interaction avec son milieu. L'attitude des individus dans le contexte de l'imposition des cultures de rente au Cameroun sera pour certains influencée par leur vécue et leurs origines sociales. Leurs choix dépendront aussi de leur perception de l'objet en cause et ceci fera en sorte que des individus seront prêts à répondre d'une certaine manière à une certaine stimulation. Dans l'apprentissage de nouvelles techniques agricoles et de nouveaux jeux sociaux, les populations Camerounaises vont apprendre de nouveaux rôles mais surtout à s'intégrer et à s'adapter à la nouvelle configuration sociale.

Etant donné que les individus sur lesquels nous recherchions des informations appartenaient au XIXème siècle, nécessité s'est donc fait sentir de se tourner vers des documents traitant de cette époque. Ceci nous a conduits à utiliser des documents en science politique en histoire, des sources électroniques mais surtout à rechercher des informations dans les archives portant sur les cultures de rente au Cameroun de 1884 à 1914. La collecte de ces données par nous a suivi un schéma.

2. La collecte des données

Nous nous sommes en premier lieu tournées vers la recherche des documents de science politique portant sur la formation de l'Etat. Ceci nous a amené à lire des ouvrages de sociologie politique traitant du pouvoir, des rapports de gouvernants-gouvernés, des politiques publiques. Toutefois, la plupart de ces documents portaient sur l'étude de la formation de l'Etat en Europe. Nous n'avons pas pu trouver de document parlant spécifiquement de la formation de l'Etat au Cameroun par le biais du changement du mode de production. C'est la raison pour laquelle nous n'avons recherché dans ces documents que des données d'ordre générales et théoriques. Par exemple, des données sur les rapports entre l'individu et son environnement ou encore sur les relations qui se tissent entre les gouvernants et les gouvernés, mais surtout sur les conditions favorables au changement d'organisation sociale.

Dans la recherche des données sur l'introduction des cultures de rente au Cameroun, nous avons été amenés à consulter des ouvrages d'histoire. Ceux-ci nous ont permis d'enter en possessions d'informations sur les techniques d'impositions des cultures de rente et sur les bouleversements qu'ont occasionné l'entrée de ces produits au Cameroun.

Toutefois, du fait que notre recherche se situait dans le cadre de la science politique et que nous recherchions les moyens par lesquels les Allemands vont réussir à légitimer leur pouvoir, il fallait donc entrer en possession des différents décrets et lois ayant sous tendu l'action allemande. C'est dans cette logique que nous nous sommes tournés vers les archives. Après avoir consulté ceux de Yaoundé, nous sommes allés à Buéa, où nous sommes entrés en possession de certains documents.

Seulement, les informations sur les individus ont pu être trouvées pour quelques uns dans des documents d'histoire mais beaucoup plus dans des documents publiés dans des sites Internet.

3. Difficultés rencontrées au cours de la collecte des données.

Au cours de la collecte des données, la première difficulté rencontrée a été celle due à la qualité des documents. A cause de l'ancienneté de certains documents, nous avons eu de la difficulté à déchiffrer les caractères écrits. Le type de papier mais aussi le type d'encre utilisé ont contribué à cette difficulté. Tous ces facteurs n'ont pas rendu aisé la photocopie de ces documents et nous avons été dans l'obligation de recopier au stylo à bille certains documents.

Par ailleurs, la langue allemande utilisée dans la rédaction de la plupart de ces documents a été un handicap pour nous qui n'avons quasiment aucune notion de cette langue. Non seulement la plupart de ces documents ont été écrits à main levée, mais aussi ils sont écrits en allemand gothique. Ceci a orienté notre choix vers des documents traduits de l'allemand au français nous permettant ainsi d'entrer en possession des données.

Malgré l'existence de toutes ces difficultés, nous nous sommes battues pour mener à bien ce travail, qui s'articule autour de trois principaux points : d'abord les atouts économiques du Cameroun comme raisons de la venue des Allemands qui ont besoin des ressources pour leur agriculture ce qui aidera à observer comment s'introduit l'Etat ou le pouvoir politique centralisé (chapitre 1), ensuite, les différentes politiques agricoles comme ressource d'étatisation de la société camerounaise ou comment se répand ce pouvoir politique par l'action des autorités politiques allemandes (chapitre 2) et enfin, la relative socialisation de l'Etat consécutive à la recherche d'un équilibre entre le pouvoir politique allemand et les sociétés politiques traditionnelles ou encore comment les acteurs locaux s'approprient l'Etat en train de se faire (chapitre 3).

PREMIER CHAPITRE:

POLITIQUE AGRICOLE ALLEMANDE DU XIXème siècle

COMME RAISON DE L'INSTAURATION DE LA

SOUVERAINETE ALLEMANDE AU CAMEROUN

L'Etat est "le droit gouvernement de plusieurs ménages et de ce qui leur est commun avec puissance souveraine" dira Jean Bodin. La souveraineté est un critère reconnu à l'Etat; c'est le pouvoir suprême de l'Etat qui l'exerce par le biais du gouvernement. Elle renvoie au principe de l'autorité suprême et en matière de politique, elle est le droit absolu d'exercer une autorité (législative, judiciaire, et/ou exécutive) sur une région, un pays ou un peuple. Or, du fait que l'installation d'une administration coloniale entraînait un transfert de souveraineté au Cameroun, qu'il y ait eu traité de protectorat ou non, les dirigeants camerounais ainsi que leurs populations se voyaient dessaisis de la possibilité de déterminer leur propre destin et se voyaient dans l'obligation de respecter les directives venant d'autorités jusque là étrangères.

Ces dernières, par le biais de leurs politiques agraires, vont réussir à travers des innovations sociales à résoudre certain problème de l'intégration de groupes humains camerounais jusque là isolés ou marginaux, dans une nouvelle communauté politiquement organisée. Cette évolution rejoint l'idée de Max Weber dont la définition idéale typique de l'Etat est : "une entreprise politique de caractère institutionnelle lorsque et tant que sa direction administrative revendique avec succès, dans l'application des règlements, le monopole de la contrainte physique légitime", (Weber 1971 : 57).

Dans cette définition, se dégage une notion fondamentale : celle de la monopolisation du pouvoir, c'est-à-dire une activité que seul l'Etat peut exercer. C'est une ressource dont il est le seul à pouvoir disposer et qu'aucun autre groupe n'est en mesure de lui disputer. Or, l'émergence de l'Etat suppose la construction d'un centre qui, progressivement, impose à tous ses rivaux son double monopole : celui de prescrire le droit applicable et celui de recourir à la contrainte pour en garantir l'effectivité (Braud 1997 : 106). Dès lors, on s'interroge sur les mécanismes qui ont permis à l'aboutissement de la légitimité de ce nouveau pouvoir aux formes d'organisations sociopolitiques précoloniales camerounaises auxquelles il devrait se substituer ? Quelles sont les raisons qui font naître ce désir de possessions coloniales ? Par quels procédés les Allemands vont-ils oeuvrer pour la restriction progressive du nombre des unités politiques existant sur le territoire camerounais ? Dans ce chapitre, notre souci est de montrer que la situation économique allemande du 20ème siècle qui dépendait énormément de l'agriculture est l'une des raisons ayant motivé l'annexion du Cameroun qui présentait des potentialités économiques favorables pour les investissements allemands.

SECTION I : DE LA SITUATION AGRICOLE DE L'EMPIRE ALLEMAND A LA NECESSITE DE POSSEDER LES RICHESSSES DU TERRITOIRE DU CAMEROUN

Il s'agit ici de voir la crise agricole sévissant en Allemagne et son impact sur le plan économique et politique. Par ailleurs, nous verrons les différentes solutions proposées par les Allemands pour résoudre cette crise de même que les potentialités économiques que présentait le Cameroun pour résoudre cette crise.

I- LA CRISE AGRICOLE DE L'EMPIRE ALLEMAND DU XIXème SIECLE

La crise agricole qui toucha durement l'empire allemand ne naquit pas ex nihilo. Elle eut des causes et une série de mesures furent initiées pour la résorber.

A. LES MOBILES DE LA CRISE

Plusieurs facteurs ont contribué à l'avènement de cette crise en Allemagne. La "mondialisation" du commerce agricole et la révolution industrielle ont été parmi les instigateurs de la crise de l'agriculture qui sévit en Allemagne.

1. La révolution industrielle

La révolution industrielle viendra avec le changement dans les méthodes de production industrielle et bouleversera toute la société allemande. Dans ce contexte, il y a une augmentation de productivité agricole dans la longue durée. L'explosion de la productivité apporte une surproduction.

En Allemagne, au début des années 1870, intervient la grande dépression (de 1873 à 1896) provoquée par des investissements au-delà de la demande. Cette dépression est caractérisée par des surcapacités et une déflation importante (Fark-Grüninger 1995 : 43). L'appareil productif avait grandit trop rapidement dans un marché où s'installait la concurrence internationale.

2. La «mondialisation» du commerce

Après la guerre de sécession aux Etats-Unis, presque tout le nouveau monde était cultivé. Grâce au perfectionnement des moyens de communication et de transport entraînant une forte diminution des coûts, des grandes quantités de blé et d'autres productions furent exportées vers l'Europe et contribuèrent à la baisse des prix (AldenhoffL-Hübinger : 2005).

Il est certain que ces importations n'étaient pas la seule explication du phénomène, mais elles contribuèrent et accentuèrent sans doute la diminution des prix des produits agricoles, qui était déjà amorcée à cause de la grande dépression.

De plus, la déflation alourdissait les dettes du secteur agricole européen qui devait compenser cette dette par une augmentation de la productivité.

Il n'est donc pas étonnant qu'à la fin des années 1870, l'empire allemand ait abandonné le libre échange pour freiner les importations. L'Allemagne fut la première à introduire des tarifs douaniers protecteurs.

B- DE LA PROLIFERATION DES EFFETS POLITIQUES DE LA CRISE AUX TENTATIVES DE SA NEUTRALISATION

Face à la crise agricole, l'empire allemand introduit à la fin du 20ème siècle un système protectionniste. Les mesures prises auront des conséquences sur l'orientation politique de même que sur les hommes politiques de l'Allemagne.

1. La prolifération des effets politiques de la crise

La démission de Caprivi à son poste de premier ministre de la Prusse en 1892 et en 1894 de celui du chancelier du Reich est l'un des exemples les plus probants.

Les organisations agricoles allemandes comme le Bund Der Landwirte combattirent la politique commerciale de Caprivi en se référant au tarif de Méline. En effet, la conclusion du traité avec la Russie, premier exportateur mondial de seigle fut durement critiqué. Le seigle était l'une des céréales préférées des grands propriétaires fonciers en Allemagne du nord-est et il jouissait d'un quota extrêmement élevé, environ 46%.

Caprivi dû dédommager les agriculteurs par des mesures non-tarifaires. Malgré cela, il fut obligé de démissionner d'autant plus qu'une vague populiste rurale se déchaîna contre les traités de commerce que Caprivi avait signé. Le Bund Der Landwirte fut fondé en 1893 et mobilisa les paysans contre la politique du chancelier Caprivi.

Les effets liés à la crise agricole ne vinrent que renforcer l'opinion des gens convaincus que le seul moyen de sortir de la dépression était pour l'Allemagne la conquête des colonies à elle. Par la suite, ils renforcèrent l'idée selon laquelle l'Allemagne devait plus s'investir dans l'exploitation de son protectorat du Cameroun.

Devant une situation interne aussi explosive, il était urgent de réagir, surtout face à des assertions comme celle de Heinrich von Treitschke qui écrivait que « pour un peuple qui souffre d'une surproduction persistante et dont 200.000 de ses enfants sont année après année envoyés à l'étranger, la colonisation devient un problème existentiel ». La colonisation devenait ainsi une réponse aux problèmes naissants dans la société allemande, problèmes qui risquaient de fragiliser ou de désagréger l'empire allemand qui avait été chèrement acquis et qui représentait beaucoup pour certains Allemands. Avant de s'engager dans une possible course aux colonies, l'empire allemand, à travers le protectionnisme va essayer d'endiguer la crise agricole qui sévissait dans son territoire.

2. Le protectionnisme comme principale stratégie de la neutralisation de la crise

Le protectionnisme vise à protéger le marché intérieur en adoptant des mesures pour favoriser les paysans et leur pouvoir d'achat. Avec une population active d'environ 35% dans le secteur agricole, l'Allemagne avait tout intérêt à protéger les agriculteurs afin d'éviter des crises sociales d'autant plus que la nécessité d'unifier le territoire faisait que les dirigeants politiques cherchaient à gagner l'appui du peuple qui était à cette époque majoritairement rural. Malgré la monarchie constitutionnelle, le suffrage universel avait renforcé le poids politique du monde agricole. Les hommes politiques ne pouvaient plus ignorer ce que la majorité des électeurs ruraux exigeaient : la protection de leurs productions. C'est dans ce contexte que des mesures douanières furent prises.

Les tarifs douaniers sur les produits industriels et agricoles entrèrent en vigueur en 1880 et restèrent modérés. En se référant au tarif de Méline (tarif français) de 1892 qui introduisait des droits de douane sur les produits industriels et augmentait les tarifs douaniers sur les produits agricoles, le Reich revint sur sa politique douanière pour conclure des traités commerciaux.

Le chancelier Léo von Caprivi qui avait succédé à Bismarck, conclut en 1892 et 1894 une série de traités pour les exportations industrielles avec des pays comme l'Autriche-Hongrie, l'Italie, la Belgique, la Suisse, la Roumanie, la Serbie et la Russie. Ces traités furent en vigueur jusqu'à la fin de 1903 et portaient principalement sur l'abaissement des droits sur le blé et le seigle (de 5 marks à 3,50 marks pour 100 kilogrammes).

En 1906, de nouveaux tarifs entrèrent en vigueur, accompagnés de nouveaux traités de commerce qui remplaçaient le système de Caprivi. Ces nouveaux traités de commerce allemands formèrent le cadre de la politique agricole. Ils avaient été votés par le Reichstag en 1902 mais ne purent entrer en vigueur qu'à partir de 1906 à cause de ceux signés par Caprivi. Quel fut les conséquences que cette solution provoquera ? Comment ces mesures protectionnistes favoriseront-elles la colonisation du Cameroun ?

3. Penser les acteurs privés allemands dans l'investissement des capitaux hors de l'Allemagne

Ce protectionnisme va favoriser l'impérialisme allemand car étant contraire aux intérêts des consommateurs et des détenteurs des capitaux, il ne profite pas vraiment aux producteurs. L'impérialisme est lié au protectionnisme et aux monopoles. En effet, "le protectionnisme tend à défendre les secteurs les moins développés de l'économie et pousse à la formation des cartels et de trusts débouchant sur une politique monopoliste des prix" (Laurens 2009 : 47). Quand les cartels se forment avec une fusion de la haute finance et des grandes entreprises, c'est en général dans un cadre protectionniste et au détriment des `'capitalistes moyens''. Alors l'exportation des capitaux devient lucrative pour une fraction de la société.

C'est ainsi qu'on observera une exportation des capitaux privés allemand et ceci dans la recherche d'un `'superprofit''. Dans la recherche de nouveaux territoires où investir leurs capitaux, des hommes d'affaire Allemands seront amenés à installer quelques unes de leurs firmes sur les côtes camerounaises. Loin d'être d'un quelconque profit pour les Etats, l'impérialisme coûte très cher en dépenses militaires pour des débouchés commerciaux particulièrement médiocres4(*).

L'impérialisme est en général l'expression non de l'évolution globale de l'économie, mais plutôt celui d'intérêts sectoriels qui bénéficient de cette expansion. Si leur part dans l'économie globale est faible, leur capacité d'influencer la décision politique est forte (Laurens 2009 : 23). En effet, parmi les personnes dont l'influence pesa le plus sur l'annexion du Cameroun en ce dernier quart du XIXème siècle furent des hommes d'affaires ayant pour la plupart des intérêts économiques dans la région. Il s'agit entre autre des hommes comme Adolphe Woermann, Thormahlen, Jantzen etc. Woermann qui devient membre du Reichstag en 1884 fut l'incarnation même du colonialisme étant donné que la plupart des membres du Reichstag ne demandait qu'à voir toute tentative de colonialisme sombrer dans un complet échec (Etoga Eily 1971 : 139). Malgré de nombreuses pétitions et incessantes demandes de la part des commerçants allemands sollicitant la protection de l'empire allemand et son soutien, Bismarck pour qui les colonies représentaient un fardeau plutôt qu'une possibilité d'enrichissement, ne vit pas l'intérêt d'engager l'empire dans les conquêtes coloniales comme la Grande Bretagne. Ce n'est que plus tard qu'il jugera opportun pour l'Allemagne de posséder des colonies. D'après Wolfgang J. Mommsen (1986 : 24),

`'the test case for German views on government action in colonial ventures came when a merchant from Bremen, F.E.A. Lüderitz, approached the German government first in November 1882, repeatedly thereafter, and definitely in august 1882, in order to be granted government protection for a commercial settlement at Angra Pequena. Bismarck was not prepared to antagonize Great Britain unnecessarily on such an issue''.

Bien qu'ayant établit un protectorat au Cameroun sous prétexte de protéger les intérêts des commerçants Allemands5(*), cette annexion a pu être le fruit d'une lutte de pouvoir entre les différentes puissances d'autant plus que `'l'impérialisme naît quasi naturellement d'une situation de déséquilibre des forces, où le plus puissant a les moyens de s'emparer des territoires des autres'' (Laurens 2009 : 33). En tant que puissance émergente, l'empire allemand n'a-t-il pas voulu avoir aussi son mot à dire dans l'organisation du monde ? Ne peut-on y voir une tentative d'organiser le monde en fonction de ses intérêts ? La situation prépondérante de la Grande Bretagne dans les échanges et son attitude envers les commerçants allemands ne sont-ils pas autant de facteurs ayant contribué à l'aventure coloniale de l'Allemagne ? D'autant plus que ce dernier va chercher à se rapprocher de la France, peut-être dans le but de contrecarrer la puissance anglaise ?

Quelques soient les motifs pour lesquels Bismarck engagera l'empire dans l'aventure coloniale, une constante demeure : les potentialités d'enrichissement qu'offraient les côtes camerounaises pour les hommes d'affaires allemands a été l'une des raisons principales de cette annexion.

II- LES POTENTIALITES ECONOMIQUES DU CAMEROUN COMME SOLUTIONS A CERTAINS PROBLEMES AGRICOLES DE L'ALLEMAGNE

Il s'agit ici d'analyser les potentialités économiques du Cameroun et les raisons qui ont poussé les Allemands à en faire leur colonie. Mais de quel Cameroun parle t-on ?

A. LE TERRITOIRE DU CAMEROUN DE 1884 A 1914 : UN ESPACE CONSTAMMENT REDEFINI EN FONCTION DES ENJEUX ECONOMIQUES DE L'HEURE PAR LES ACTEURS

Quand nous parlons de la région de l'Afrique qui va devenir le Cameroun, mais qui avant 1884, ne portait pas encore de nom, n'oublions pas qu'elle a été le fruit de la colonisation. C'est en effet à partir de la période allemande que le Cameroun tel que nous le connaissons aujourd'hui c'est-à-dire comme entité territoriale, humaine et politique ayant des contours et des frontières bien définis, existe bel et bien en Afrique (Owona 1996 : 62).

Le terme «Cameroon» est d'abord entendu en 1884 pour désigner une ville que les Allemands traduiront en « Kamerun Stad » (Kum'a Ndumbe III 1986 : 44) et baptiseront en 1901 pour l'appeler Douala. Ce pays appelé Cameroun se situait «on the Cameroons river, between the River Bimbia on the North side, the River Qua-Qua on the South side and up to 4°10 North Latitude».

Un territoire essentiellement limité aux côtes camerounaises et aux dépendances des rois Doualas qui exerçaient leur souveraineté ou leur influence de Douala à Buéa et Manga d'une part et des pays Bassa de la côte jusqu'à Yabassi d'autre part. Toutefois, après la signature du traité germano-douala de 1884 (confère annexe 6), ce Cameroun ne correspondra plus à partir de février 1885, à l'issu de la conférence de Berlin, au Kameroun allemand.

En effet, ce vaste territoire de 520000 km2 en 1885 constituait un conglomérat de royaumes et principautés fort disparates et indépendants les uns vis-à-vis des autres dans leurs grands ensembles. Ils n'entretenaient parfois même pas de relations suivies pour ne pas dire que certains s'ignoraient tout simplement.

Les frontières du Cameroun seront sans cesse modifiées pendant la période allemande. Elles seront définies avec précision entre 1884 et 1894. Par la suite, ces frontières seront modifiées en 1908, 1911et 1913 où sera établit la première carte géographique du Cameroun par Max Moisiel. Les cartes 1 et 2 (annexe 1 et 2) illustrent parfaitement l'évolution du tracé des frontières camerounaises. La colonisation de la terre se ferra de manière progressive entrainant ainsi l'extension des services administratifs.

B. LA FORTE ATTRACTION DES RICHESSES DU CAMEROUN SUR LES OPERATEURS ECONOMIQUES ALLEMANDS

Les peuples Doualas détenaient le monopole du commerce sur les côtes du Cameroun. Ils servaient d'intermédiaire entre les populations de l'intérieur du Cameroun avec les Allemands. Devant l'abondance des produits vendus par les Doualas et que ceux-ci supposaient être récoltés à l'état sauvage, les Allemands vont conclure que l'acquisition de la région s'imposait du fait que celle-ci se prêtait fort bien à la création des plantations. La richesse de la brousse en épices, caoutchouc, noix de palme et autres fournissait un indéniable témoignage de la fertilité des sols et montrait combien ces ressources pourraient être accrues par la culture (Etoga Eily 1971 : 128). Le profit réalisé par les Doualas grâce à ce monopole était alors immense. Seulement des infiltrations des commerçants à l'intérieur du pays étaient de plus en plus fréquentes et elles devinrent irréversibles du jour où Woermann obtint une très grande concession dans la région d'Edéa et y fonda la première grande plantation de la colonie.

Grâce aux rapports des explorateurs, les richesses de l'hinterland camerounais furent connues. Dès 1850, Barth avait pu s'engager dans les régions du Nord-Cameroun. Son travail fut poursuivi de 1869 à 1873 par Gustav Nachtigal. Un peu plus tard, de 1882 à 1883, Flegel qui était à la fois explorateur et commerçant, pénétra dans l'Adamaoua par le Niger et la Bénoué.

Par ailleurs les possibilités agricoles de la région du Mont-Cameroun furent l'objet de nombreux rapports aussi bien par des voyageurs que par des explorateurs. F.R. Burton, consul britannique dans la baie de Biafra et à Fernando-Poo, ne signalait-il pas, bien avant l'occupation allemande, que les basses pentes du massif du Mont-Cameroun étaient favorables à la culture du café, du cacao et de la canne à sucre ? Il regrettait même qu'un sol d'une telle fertilité fut abandonné aux seules pratiques agricoles des indigènes dont les méthodes étaient à la fois inefficaces et destructives (Etoga Eily 1971 : 160).

On peut considérer que l'option pour une politique coloniale n'était en fait rien d'autre qu'un combat de répartition des ressources mondiales dans une phase de restructuration du système économique allemand. La tendance principale dans la politique coloniale fut donc d'offrir aux intérêts économiques privés des conditions favorables à leurs entreprises coloniales et cela sans participation financière de la part de ces acteurs privés (Fark-Grüninger 1995 : 45). Ceux-ci cherchaient au Cameroun des débouchés pour leur surproduction, une amélioration de leur condition d'approvisionnement et cela à des coûts aussi faibles que possible. L'attitude hostile du parlement obligea l'administration allemande au Cameroun de se procurer une grande partie des ressources nécessaires au Cameroun même. Ceci n'ira pas sans conséquence sur l'organisation sociale du Cameroun. Il fallait donc briser les monopoles des populations côtières et créer des conditions nécessaires à la mise en place des plantations. Comment se déroulera l'instauration du pouvoir politique allemand au Cameroun ?

SECTION II : L'INSTAURATION DE LA SOUVERAINETE ALLEMANDE AU CAMEROUN

D'Aristote aux auteurs les plus récents, l'infériorisation des sociétés exotiques, c'est-à-dire non européennes est devenue une tradition intellectuelle. Aristote établissait déjà une corrélation entre la servilité supposée des Asiatiques et leur prédisposition naturelle à supporter le despotisme. De telles incongruités se repèrent aux siècles des lumières et même au 19ème siècle. Pour l'attester, il n'y a qu'à lire Montesquieu : « la plupart des peuples de la côte de l'Afrique sont sauvages ou barbares. Ils sont sans industries, ils n'ont point d'art, ils ont en abondance les métaux précieux qu'ils tiennent immédiatement de la nature ». De même le 18 mai 1873, lors d'un banquet célébrant l'abolition de l'esclavage, Victor Hugo prononça les mots suivants : « Cette Afrique farouche n'a que deux aspects : peuplée, c'est la barbarie ; déserte, c'est la sauvagerie ».

On assiste à une sorte d'abolition de l'histoire africaine au profit d'un occidentalo-centrisme que Hegel érige en paradigme. Seulement, à la différence des croyances et des idéologies, nombre de recherches viendront démontrer que les sociétés africaines précoloniales étaient dotées d'un mécanisme de régulation propre leur permettant de maintenir l'ordre dans la société. Pour être plus précis, avant l'arrivée des Allemands dans cette région d'Afrique qu'on nommera plus tard « CAMEROUN », il existait une multitude d'unités politiques dans lesquelles les anthropologues politistes verront des propriétés communes du politique avec celles existants en occident. D'ailleurs, cette prétention européenne à ne voir le politique que dans leurs sociétés sous prétexte qu'elles sont civilisées, ne remet-elle pas en cause la notion même de politique ? L'Etat ayant apparut il n'y a pas longtemps, est-ce à dire qu'avant son apparition, il n'y avait donc pas de manifestation politique ? L'institutionnalisation progressive de la société camerounaise viendra se heurter à un ensemble de systèmes politiques où existait déjà un commandement social. Notre souci est de montrer qu'avant l'arrivée des Allemands au Cameroun, il existait des unités politiques bien organisées. Ensuite, nous essayerons de voir l'impact de l'imposition de la souveraineté allemande sur les lois locales organisant économiquement les sociétés précoloniales camerounaises ; comment s'orienteront désormais les sphères sociales ? En d'autres termes, nous verrons de manière générale l'organisation de ces sociétés et par la suite, nous verrons comment le droit nouveau s'y est introduit pour gérer les terres et orienter le choix des populations locales.

I- CONFIGURATIONS POLITIQUES ET ECONOMIQUES DE CERTAINES SOCIETES PRECOLONIALES AVANT L'INSTAURATION DE LA SOUVERAINETE ALLEMANDE

Il est sans conteste vrai que l'unité politique que forme aujourd'hui le Cameroun est le fait de la colonisation d'autant plus que c'est ce mouvement occidental qui provoquera des bouleversements dans les sociétés traditionnelles du Cameroun. Le changement de l'organisation politique est le fait entre autre du changement du mode de production. Naît alors une interrogation: comment étaient organisées dans l'ensemble les sociétés traditionnelles camerounaises ? L'importance ici est de saisir la nature des autorités traditionnelles en tant que souverains dans leurs sociétés respectives. Ceci nous permettra de voir les pierres d'attentes ou, les fondements sociaux existants et ayant facilité l'instauration de cette souveraineté allemande extérieure aux systèmes politiques camerounais.

A. LES SOCIETES PRECOLONIALES COMME ENTITES DISPOSANT D'UNE REELLE AUTONOMIE POLITIQUE

Malgré toutes les assertions concernant l'a-historicité des sociétés africaines et surtout du manque de souveraineté des populations camerounaises, de nombreux travaux anthropologiques montrent qu'il existait dans cette région d'Afrique une multitude de sociétés politiques. Bien que toutes ne possédaient pas des mécanismes de régulations centralisées ou repérables au premier regard, beaucoup étaient dotées d'institutions politiques. Dans le but de faire la différence entre ces institutions locales et les institutions européennes, nous désignerons les institutions africaines et leurs systèmes politiques, d'institutions politiques traditionnelles. Par institutions politiques traditionnelles, comprenons avec le Professeur Aletum Tabuwe (2004 : 206) que ce sont ces corps traditionnels « dont l'autorité à la compétence d'imposer la loi et l'ordre dans une société traditionnelle particulière en usant seulement des sanctions autorisées par les coutumes et les traditions des peuples sur lesquels l'autorité est exercée ».

Prenant le cas des chefferies de l'Ouest-Cameroun, Fark-Grüninger constate que le chef, juge suprême et responsable de la chefferie est entouré d'un conseil de notables et d'une société sécrète à fonction régulatrice. Comme le nom l'implique, ces sociétés secrètes sont des organisations traditionnelles dont les activités ne sont pas facilement connues des membres non initiés. Plusieurs de ces organisations régulatrices opèrent à l'intérieur des institutions politiques traditionnelles comme des organes exécutifs ou de supervision de la législation ou du gouvernement traditionnel (Aletum Tabuwe 2004 : 221-222).

« Le `'Nda-Kwifor'' de Bafut et le `'Nwerong'' de Banso et le `'Ngumba'' comme on appelle à Bali-Nyonga et dans d'autres chefferies sont les organes suprêmes de contrôle du gouvernement dans leur institutions politiques respectives (...) Ils gardent l'oeil sur la manière dont le chef exerce ses fonctions et dont les citoyens reçoivent les décisions du gouvernement traditionnel (...) Un bon exemple des fonctions de `'Ngwerong'' à Nso est rapporté par P. N. Nkwi et J. P. Warner ;`' ses fonctions incluent l'appréhension des malfaiteurs, la police des marchés et l'application des peines imposées par le roi ou par son conseil''(...) Le chef ne pouvait pas le déconsidérer sans courir de sérieuses répercussions. Son indépendance constitutionnelle lui permettait d'immortaliser le palais et de condamner le chef pour négligence flagrante des coutumes ou ses interdits. Si le chef rejette avec persistance le conseil de ses conseillers ou était absent du palais sans une raison valable ou s'il met en péril le bien-être du pays, le `'Ngwerong'' pouvait le priver de ses fonctions et même l'isoler de son peuple ».

Comme nous le constatons, certaines sociétés existant avant l'arrivée des Allemands possédaient leur système d'organisation. L'une des dimensions fondamentales de la différenciation n'est-elle pas l'établissement des rapports de domination ? Au vu de l'organisation politique des sociétés sus mentionnées, n'observons nous pas qu'il existe un rapport de dominants-dominés dans ces structures ? Ne rejoint-on pas l'affirmation de Georges Balandier (1967 : 62) selon laquelle « le pouvoir politique organise la domination légitime et la subordination et crée une hiérarchie qui lui est propre »? Même si elles n'étaient pas identiques, ces structures du fait de leur délimitation géographique fournissaient un cadre non seulement pour l'organisation politique, mais aussi pour d'autres formes d'organisations telle que l'économie.

B. REPARTITION SPATIALE DE L'ACTIVITE ECONOMIQUE

Les systèmes d'exploitation économiques dans les sociétés précoloniales du Cameroun variaient d'une région à une autre. Basés essentiellement sur une économie de subsistance, ceux-ci avaient, avant l'avènement de l'impérialisme, pour activité principale l'agriculture. Ce système traditionnel quoique très fermé dans certaines régions, ne supposait pas un manque de notion d'accumulation chez les populations. Bien au contraire, l'existence d'une stratification de la société suppose déjà une différence au niveau de la richesse. Ici nous verrons en quelque sorte comment était organisée l'agriculture dans ces sociétés, ensuite la dynamique de la notion d'accumulation dans celles-ci.

1. Répartition spatiale des systèmes agricoles

La plupart des sociétés camerounaises pratiquaient une économie de subsistance. Ce système était caractérisé par une utilisation limitée de la monnaie. La production dépendait plus de la demande que de l'appât du gain. D'après Gwanfogbe Mathew Basung (1975: 22-24), que ce soit dans le Cameroun précolonial ou colonial, la pratique de l'agriculture était différente selon les régions à cause des influences environnementales :

«The tropical forest area or southern sector of the territory did little cultivation and more gathering, while the northern sector or savannah zone of the same territory did a lot of cultivation. It is, however, not too difficult to explain these differences. In the forests zone, lots of fruits and root crops grew naturally uncultivated and not cartered for anybody in the forests. The native of these areas, therefore, were used to going round and gathering such crops. It would face enormous problems because of the existence of thick forests (...) we cannot also ignore the habit that has become part and parcel of some of the people. There are a number of these people that have never had practise of farming and would not easily create interest in farming (...) Thus cultivation was generally limited in scale and scope (...) Cultivation was, however, the main activity of the grassland people (...) a majority of the grassland inhabitants were engaged in cultivation, especially, of cereals such as millet, maize and sorghum; other foodstuffs grown were beans, rice, cocoyam and groundnuts».

Ainsi, du fait de la situation géographique, les différentes sociétés présentes sur le territoire camerounais avaient adopté des systèmes d'exploitation en fonction de leur région. Il existait au Cameroun précoloniale une soumission du territoire ainsi qu'un système politique favorisant la mise en discipline des populations. Seulement, bien que présente dans ces micros Etats, cette soumission du territoire et cette mise en discipline des populations demeuraient partielles. Elles n'acquerront la globalité actuelle que sous le joug colonial. Les colonisateurs auront une vision globale du territoire d'autant plus qu'ils recherchaient à maximiser leur investissement. C'est cette globalité qui posera les bases de la société camerounaise actuelle.

En dépit de cette activité agricole et de cueillette, les populations de certaines régions y avaient associé d'autres activités économiques telles que le commerce.

2. Du rapport à la terre à la densification des relations commerciales et à la transformation de la notion de richesse avant l'avènement de la colonisation

Ici, notre souci est de montrer comment la transformation de la notion de richesse va participer à la construction de l'Etat camerounais. Pour cela, nous verrons le rapport à la terre de certaines sociétés traditionnelles et comment il configurait les strates sociales ; ensuite, nous allons faire ressortir le fait que le commerce offrait une autre source de richesse et par là, un autre moyen de se repositionner dans l'échiquier social. Cette organisation de la société va pousser certains membres de ces sociétés à pratiquer le commerce car étant dans la recherche des biens pouvant leur permettre d'acquérir une meilleure position dans la société. Cette situation va prédisposer certaines populations à accepter l'ordre allemand.

a. Du rapport à la terre à la densification des relations commerciales

« In the traditional system, land-tenureship was not highly considered since production on a given terrain was seasonal and never as long lasting or permanent as it is the case with the plantations» pense Gwanfogbe Mathew. La terre était une propriété commune dont la jouissance était régulée par les chefs. Cette organisation de la terre était connue par les Allemands. Ceci est clairement énoncé dans la circulaire du gouverneur Seitz touchant la procédure à suivre dans la conclusion de contrat de vente et de location de parcelles foncières du 18 avril 1910. En effet, il dit ceci :

"J'indique à ce sujet que les indigènes ne connaissent pas partout la propriété individuelle d'un particulier sur le sol, mais beaucoup plus souvent la propriété de la collectivité, et qu'il est donc en conséquence recommandé, dans l'intérêt de l'affermissement incontestable des circonstances de la propriété, de viser au contrat, en outre du chef, les habitants du village considéré et de les mentionner nommément au procès verbal. "6(*)

Ceci montre clairement que, bien que n'ayant pas la même approche de la propriété que celle des Allemands, les terres du Cameroun n'étaient pas des terres vacantes et sans maîtres. Le nomadisme qui caractérisait certains de ces peuples relativisait beaucoup leur attachement à un terrain donné. Même chez les peuples sédentaires, l'agriculture de type itinérante ne favorisait pas un attachement particulier à la terre. Celle-ci n'était considérée que comme un facteur de production qui existait en abondance. Toutefois, ceci ne signifie pas que ceux-ci ne possédaient pas l'idée d'une propriété terrienne. En effet, la terre « n'est ni la propriété, ni la négation de la propriété. C'est autre chose » dit P. DARESTE.

« Globalement, la terre n'était susceptible d'appropriation individuelle. Elle était un bien collectif, la chose d'un groupe social déterminé, et l'individu n'avait de droits sur la terre que par son appartenance à ce groupe social », (Mbome 2000 : 58).

Bref, la terre, élément incontournable de la richesse ou de la pratique de l'agriculture qui était l'activité essentielle de certaines sociétés traditionnelles, reposait sur une certaine organisation. Elle jouait un rôle essentiel dans la stratification sociale. En effet, dans des sociétés Bamiléké de l'ouest-Cameroun par exemple, l'unité de production de base est l'exploitation familiale. L'exploitation familiale se constitue à travers l'allocation des facteurs de production (terre) qui est attribué par :

« Le chef ou un chef de la terre aux chefs de lignage et par leur biais aux chefs de famille qui la redistribue au sein de leur famille. L'accès à la terre dépend donc des relations familiales avec le détenteur de la terre (...) En principe, l'accès à la terre est libre et le chef de famille a l'obligation d'attribuer la terre selon les besoins, ce qui signifie selon le type de travail disponible. Il est cependant souvent coutume ou même obligation de faire un don à la personne attribuant la terre », (Fark-Grüninger 1995 : 32).

Cette différenciation sociale fait que le chef de lignage ou de famille, intermédiaire entre le roi distributeur des terres et l'économie familiale, devient très influent sur la prospérité familiale. Le contrôle de « l'allocation » des terres est une question de pouvoir. On observe donc au sein de l'exploitation familiale l'instauration d'un réseau de don et contre-don qui s'étend.

Il existait bel et bien une stratification sociale basée sur la richesse. Toutefois, bien que la position sociale soit en partie déterminée d'avance héréditairement, cette ascension est aussi possible grâce à un certain succès économique d'où l'attrait du commerce. Cette situation prédisposera certains acteurs locaux à accepter l'ordre allemand car voyant un possible profit.

Le commerce obéissait à une logique. Comment s'effectuera les relations commerciales ? Comment celles-ci influenceront-elles la notion de richesse dans les sociétés camerounaises ?

b. La transformation de la notion de richesse dans les sociétés traditionnelles avant l'arrivée des Allemands

Parmi les populations, certaines ont très vite entretenues des relations commerciales qui ont influencé l'évolution de leur économie. Dans les régions des grassfields, on note l'existence d'un commerce régional. Dans le plateau de Bamenda et dans le pays Bangang, on a la spécialisation de la production de certains produits notamment la production de l'huile de palme ; de même que dans la région bamiléké, il existe des spécialisations locales telles la production des céréales et celle des palmeraies dans la région de Bafang (Fark Grüninger 1995 : 35-36). Chaque région était en contact avec l'extérieur. A partir de la vente des esclaves, certaines régions étaient en contact avec l'extérieur et, même après son abolition, ces régions ont continué à entretenir des relations commerciales basées sur d'autres produits. Ainsi, le commerce n'était pas uniquement l'apanage des peuples de la côte du Cameroun. Elle concernait aussi les peuples de l'hinterland. A titre illustratif, une partie du commerce de sel qui arrivait en pays Bamoun transitait par Bafoussam, en provenance de Yabassi ou de la côte, via Bagangté. L'homme Bamoun était également en rapport avec des commerçants Haoussa depuis le règne de Fon Nsangu, entre 1870 et 1880, et peut-être beaucoup plut tôt (Etoga Eily 1971 : 110). Bien plus, il existait un commerce à longue distance entre le pays bamiléké et la côte notamment la région de Calabar

Par ailleurs, ces rapports avec des peuples venus d'ailleurs influenceront d'une part la notion de richesse. Les notions d'accumulations, de profit et même de monnaie commencent à se répandre. En effet, l'accroissement du commerce et l'installation de plus en plus croissante des firmes européennes sur la côte du Cameroun nécessitaient l'institution de moyens d'échanges commodes. C'est ainsi qu'on aura le Kroo, les cauris, les perles comme monnaies d'échange. Beaucoup plus présent à Douala, le kroo servait d'unité d'échange (Etoga Eily 1971 : 88-91) dans les relations commerciales des Doualas. Même si ces différentes monnaies ne s'étendront pas à l'ensemble de la population, nécessité s'est fait sentir d'établir une sorte d'unité commune d'échange permettant de donner une valeur quasi commune aux marchandises. Les prix étaient fixés en commun accord entre acheteurs et vendeurs. En règle générale, les intermédiaires Doualas, installés dans les localités de brousse, se réunissaient et arrêtaient ensemble des mesures valables sur toute l'étendue de la région (Etoga Eily 1971 : 93).

Il est donc clair que bien avant la pénétration des Allemands, le système économique des populations vivant dans cette région d'Afrique était en évolution notamment à travers les contacts commerciaux avec les commerçants européens et suite aux migrations internes. Ces peuples entretenaient donc déjà des relations. Mais, il faut se poser ici la question de la place du commerce dans cette économie qui a été caractérisée d'autosubsistance. Comme on l'a si bien observé, l'existence de monnaies et de courants commerciaux est antérieure à la colonisation et n'a pas entraîné des transformations profondes sur l'organisation politique de ces populations. Au contraire, ces sociétés traditionnelles précoloniales ont maintenu leur indépendance territoriale et politique tout en entretenant des rapports commerciaux. Cette dynamique participe à la construction de l'Etat dans la mesure où elle avait déjà posé certaines pierres d'attente favorable à l'intégration des peuples dans le système économique allemand. Toutefois, cette dynamique s'est faite bien avant l'arrivée de la colonisation et n'a presque pas eu d'impact car chaque souverain était jaloux de son autonomie.

Ce n'est qu'avec l'arrivée des Allemands que des changements profonds surviendront. Qu'y aura-t-il de particulier dans le système économique qu'introduiront les Allemands au Cameroun et qui provoquera l'unification de ces nombreuses petites unités territoriales et politiques reparties sur l'ensemble du territoire camerounais ?

II- DE LA CONFRONTATION DES SYSTEMES POLITIQUES TRADITIONNELS AVEC LE DROIT NOUVEAU A LA FIXATION DE NOUVELLES REGLES DANS LA COLONIE DU CAMEROUN

La raison principale de la colonisation allemande du Cameroun était l'appât du gain. Comme l'a bien montré Léon Kaptue (1986 : 10), les premiers colons qui arrivèrent au Cameroun étaient en majorité des hommes d'affaires et comme tels, ils voulaient placer leurs capitaux et réaliser des bénéfices. Du fait de la grande dépression économique subsistant dans l'Allemagne des années 1870-1880 et provoquée par des investissements au-delà de la demande et une forte spéculation boursière, les colonies semblaient ouvrir une porte de secours en offrant non seulement des ressources bon marché mais aussi des débouchés, d'où la nécessité d'un contrôle des territoires coloniaux. La colonisation, basée essentiellement sur l'économie de plantation, avait besoin, pour être efficace, de posséder les terres. Non seulement l'installation des colons nécessitait l'appropriation des terres, mais de par son but, la question agricole était d'abord une question foncière. Aussi, l'instauration de la souveraineté allemande au Cameroun ira de pair avec une réorganisation des terres et provoquera un changement des pôles de pouvoir.

A. MISE EN PLACE D'UNE NOUVELLE ORGANISATION DES TERRES

La question agricole étant avant tout une question de contrôle de terre, la préoccupation première des Allemands sera de s'en accaparer. Ils mettront sur pied un ensemble de mesures juridiques qui devront faciliter et légitimer cette appropriation des terres camerounaises.

En fait, l'introduction des cultures de rente qui entraînait le changement du mode de production locale nécessitait une nouvelle organisation des terres. L'ordonnance souveraine du 15 juin 1896 sur la création, la prise de possession et l'aliénation des terres de la couronne et sur l'acquisition et l'aliénation des terres dans le territoire du Cameroun est assez explicite sur l'organisation des terres. Le paragraphe 1 stipule que,

«sous réserve des droits de propriété ou d'autres droits réels que des particuliers ou des personnes morales, que des chefs ou des collectivités indigènes pourraient prouver de même que sous réserve des droits d'occupation de tiers fondés sur des contrats passés avec le gouvernement impérial, toute terre à l'intérieur du territoire de protectorat du Cameroun est terre de la couronne comme étant sans maître. Sa propriété échoit à l'empire»7(*).

Un fait marquant se dégage de ce texte. On y observe des termes comme droit de propriété, prouver, terre de la couronne, sans maître. Au contraire des allégations selon lesquelles ses terres soient sans maître, des articles parus dans le « AMTSBLATT », bulletin officiel des années 1910 semble prouver que les Allemands étaient parfaitement au courant de l'existence des propriétaires de ces terres. En effet, les propos du Docteur Berké dans son article sur l'organisation politique des populations résidantes dans le district de Baré sont assez explicites. Après avoir tracé un tableau détaillé du fonctionnement de cette unité politique, fonctionnement qui d'ailleurs permettait le maintien d'un ordre social, le Docteur Berké ne manquera pas de souligner que :

«Le sentiment d'une connexion politique est généralement peu développé, quelquefois même transformé en hostilité farouche à l'intérieur de l'unité tribale (...) La sphère de chaque chef s'étend juste aussi loin qu'il lui est possible de faire valoir son influence personnelle(... )le déplacement d'une borne n'était considéré nulle part comme répréhensible ; on se rend sur les lieux, en général sous la direction du chef et rectifie la limite»8(*).

Seulement, quoique conscients de l'existence de ces unités politiques, les colonisateurs dans le souci d'atteindre leurs objectifs, mettront en place des instances de régulations leur permettant de contrôler la plus part de ces sociétés. Les politiques agraires seront l'une de ces institutions. La loi citée ci-dessus marque l'avènement d'un changement dans l'organisation des sociétés camerounaises surtout que ce décret devrait s'appliquer sur l'ensemble du territoire.

Cette législation s'impose aux populations locales. Ces dernières pour sauvegarder leur terre n'auront d'autre choix que de s'aligner et d'observer ces lois. En effet, l'empereur d'Allemagne précise bien dans cette loi que les terres à l'intérieur du territoire du protectorat sont terre de la couronne sous réserve des droits de propriété (...) que des chefs ou des collectivités indigènes pourraient prouver. Comment prouver la propriété d'une terre pour des populations qui jusqu'alors n'avaient pas besoin de le faire ? Il est vrai qu'avant l'arrivée des Allemands, la propriété du sol n'existait pas ; mais il n'existait pratiquement pas non plus de terre n'appartenant à personne. Il existait un système dans lequel un groupe d'individus pouvaient revendiquer la propriété d'une terre notamment avec l'existence d'unités politiques territorialement délimitées. Seulement, l'établissement de la colonisation allemande introduira la notion de propriété privée, de titre foncier etc. De manière insidieuse mais efficace, une nouvelle organisation des terres s'imposera à l'ensemble des populations du Cameroun. Cette organisation ira de pair avec le changement des pôles de pouvoir.

B. LE CHANGEMENT DES PÔLES DE POUVOIR

La nouvelle organisation des terres camerounaises aura des incidences sur les pôles de pouvoir. En effet, on voit apparaître des dirigeants allemands capables de faire accepter aux populations locales une orientation mutuellement ajustée de leur comportement. Ces populations pour posséder une terre qui leur appartenait d'ailleurs devraient s'adresser aux responsables allemands.

Par ailleurs, même la cession des terres à un tiers n'obéit plus aux logiques locales ; elle doit désormais suivre une procédure définie par les Allemands. Le paragraphe 11 de l'ordonnance du 15 juin 1896 stipule que :

«La cession des parcelles urbaines qui ont une superficie de plus d'un hectare, comme celle de toutes parcelles rurales, par des indigènes à des non-indigènes, en propriété ou en location d'une durée de plus de 15 ans, ne peut être effectuée qu'avec l'autorisation du gouverneur. Les contrats soumis à autorisation pour lesquels l'autorisation n'est pas intervenue sont sans effet juridique»9(*).

Le chef ou le roi n'est plus le détenteur de la parole suprême, mais plutôt les autorités allemandes. En effet, puisque l'institution est un moyen de régulation des rapports sociaux, l'institution politique existante avant l'arrivée des Allemands ne pouvant plus assurer cette fonction, nombreuses seront les populations locales qui se tourneront vers les autorités allemandes pour résoudre leurs problèmes.

En plus, la preuve de l'appartenance d'une terre aux populations locales n'est obtenue que par l'approbation des autorités allemandes. Compte tenu de l'importance de la terre dans les exploitations familiales surtout pour les peuples sédentaires, il n'est plus besoin de détails pour comprendre les bouleversements que ces lois ont engendré. L'obtention de cette approbation étant nécessaire, il était donc nécessaire de suivre les nouvelles lois. Le paragraphe 1 du règlement du chancelier de l'empire du 17 octobre 1896, soit quatre (4) mois après l'ordonnance souveraine du 15 juin 1896 et concernant l'exécution de celle-ci, précise que :

«(...) la prise de possession des terres présumées sans maître doit être précédée d'une enquête qui doit établir que des revendications de l'espèce mentionnée au paragraphe 1 de l'ordonnance souveraine du 15 juin de la présente année ne s'y oppose pas. L'enquête doit en cas de nécessité être faite sur les lieux même et les personnes qui sont installées ou qui habitent dans les environs doivent autant que possible être entendue. Procès verbal de cette enquête doit être dressé ».

Le paragraphe 2 poursuit en ses termes :

« S'il se produit des revendications de chefs de village ou d'autres communautés indigènes sur des terrains déterminés, basées, soit sur une prétendue souveraineté, soit sur ce que ces terrains appartiendraient aux chefs ou aux villages, il devra en être tenu compte autant que possible lorsque ces prétentions auront été reconnues légitimes ....»10(*).

Ici, transparaît le fait qu'aucune souveraineté et qu'aucun pouvoir de décision n'est reconnu aux autorités traditionnelles. Ces derniers doivent se référer aux Allemands pour faire valoir leur parole qui ne recèle plus aucune autorité. Il est donc clair qu'il y a eu un transfert du pouvoir de décision. Celui-ci est désormais entre les mains des Allemands et ceci n'ira pas sans conséquence sur la perception du pouvoir chez les populations. Désormais, bien que venant de plusieurs unités politiques traditionnelles différentes, ces populations se voient dans l'obligation de se soumettre et d'adopter un comportement commun, de prêter allégeance à une autorité politique commune et de respecter ses directives.

De ce qui précède, nous pouvons dire que la nécessité de posséder les terres pour la culture des produits de rente va pousser les Allemands à prendre une série de mesures qui auront des conséquences énormes sur l'émergence d'une nouvelle organisation politique au Cameroun. Non seulement toutes ces nombreuses unités politiques seront amenées à s'unir territorialement, mais elles seront dans l'obligation de prêter allégeance à un même centre de pouvoir, à pratiquer la culture des mêmes types de produits, à cohabiter. Cette situation ou cette dynamique illustre parfaitement les propos de Jean William Lapierre (1971 : 172-173) lorsqu'il affirme que :

" les sociétés dont le système politique est spécialisé, différencié, compliqué, sont celles qui, à un moment donné de leur histoire, ont eu à répondre à un défi d'innovation sociale. J'entend par là que, soit par un processus d'acculturation dû aux échanges avec l'étranger, soit par un processus de migration qui a fait cohabiter des groupements de cultures différentes sur un même territoire, soit par un processus de différenciation sociale, interne, le problème de l'intégration des groupes jusqu'alors isolés ou marginaux, ou encore de strates sociales nouvelles, dans une communauté politiquement organisée qui les englobe, s'est historiquement posé..." .

Le changement du mode de production au Cameroun notamment avec l'imposition de nouvelles cultures destinées à l'exportation provoquera l'intégration des populations jusqu'alors isolés. La nécessité d'organiser l'exploitation de la colonie du Cameroun fait émerger une spécialisation du politique et une différenciation de plus en plus marquée des rôles de gouvernement. Cette formation de l'Etat camerounais s'effectuera de manière progressive et ceci du fait des acteurs politiques allemands et de l'environnement dans lequel chacun évoluera. On verra donc que chaque acteur disposera d'une marge de manoeuvre différente et ils obéiront à des logiques propres. Ceci n'ira pas sans conséquences sur la formation de l'Etat camerounais qui verra selon les dirigeants, l'affermissement de plus en plus progressif des politiques agricoles sur le contrôle des populations.

En définitive, nous pouvons affirmer que les raisons qui ont sous-tendus la colonisation du Cameroun par les Allemands sont intrinsèques à la société allemande. Quoiqu'ait pu écrire les chefs Doualas aux autorités anglaises, quoiqu'aient pu être les traités signés entre les autorités politiques camerounaises et occidentales et qui aient pu faire croire que ceux-ci désiraient l'instauration de ce protectorat, force est de constater que la volonté allemande s'imposera à eux. Aussi, les conséquences politiques immédiates dans la situation coloniale au Cameroun seront entre autres :

- la dénaturation des unités politiques traditionnelles : Comme on l'a vu plus haut, du fait de l'importance de la terre dans l'application des politiques agricoles, les Allemands élaboreront des lois qui vont entièrement bouleverser les organisations territoriales et politiques qu'ils vont trouver au Cameroun ;

- la dégradation par dépolitisation : l'unité politique traditionnelle sera réduite à une existence conditionnelle. Perdant leurs repères, ces sociétés vont voir émerger une nouvelle stratification sociale. « C'est par la modification des stratifications sociales que le processus de modernisation, ouvert au moment de l'intrusion coloniale, affecte indirectement l'action politique et ses organisations » (Balandier 1984: 196).

Tel qu'il fut délimité à Berlin, l'Allemagne ne pouvait prétendre que sur une infime partie du territoire dont la souveraineté lui avait été transférée. Il s'agissait de quelques possessions à la côte (Confère annexe 1) ; nous pouvons donc affirmer qu'en février 1885, c'est-à-dire au début de la conférence de Berlin, la souveraineté allemande était réduite à peu de chose dans la réalité. Comment l'Allemagne va-t-il s'organiser pour étendre sa domination sur l'ensemble du territoire qui deviendra Cameroun ? Quel rôle jouera les politiques agricoles dans cette mise en administration de la société camerounaise ? Dans le chapitre qui suit, notre objectif sera de faire ressortir les processus par lesquels ces différentes politiques agraires vont contribuer à la construction de l'Etat camerounais.

DEUXIEME CHAPITRE :

AUTORITES ALLEMANDES, DIVERSITE DES POLITIQUES AGRICOLES ET PROCESSUS DE CONSTRUCTION DE L'ETAT CAMEROUNAIS

En l'espace d'une trentaine d'années, le Cameroun, région d'Afrique divisée territorialement et politiquement, verra son organisation spatiale changer. Ceci du fait de l'effort conjugué de plusieurs administrateurs allemands. L'insistance de notre analyse sur les personnes qui ont contribué à la mise en discipline des populations camerounaises a pour but de mieux comprendre certains aspects de la colonisation allemande. D'autant plus que le mot formation indique un processus actif mis en oeuvre par des agents tout autant que par l'existence de conditions particulières.

Par ailleurs, « l'impérialisme peut être interprété de façon différente selon qu'on mette l'accent sur les mécanismes qui l'ont sous tendu en Europe ou que l'on se concentre plutôt sur ceux ayant contribué à son maintien dans le pays colonisé », (Gomsu 1986 : 120). Aussi, lorsqu'on observe attentivement les différentes politiques agricoles mises en oeuvre au Cameroun durant cette période, nous sommes tout de suite frappés par la discontinuité qui caractérise celles-ci. On se rend compte que la colonisation allemande a été marquée par des politiques agricoles variées de 1884 à 1914 et cette absence de continuité « tenait essentiellement à l'attitude des chefs de gouvernement successifs vis-à-vis de ce qui n'était pour certains, qu'une folle aventure et pour d'autres, une raison d'espérer devant les rudes problèmes auxquels le peuple allemand et son gouvernement devaient faire face », (Etoga Eily 1971 : 179).

Dans l'optique de comprendre cette rupture, l'accent sera mis ici sur le choix de chaque chancelier allemand11(*). L'Allemagne, pays colonisateur, a durant sa période coloniale au Cameroun connu l'avènement de cinq chanceliers. Ces derniers, par leurs décisions additionnées aux ambitions des gouverneurs et hommes politiques ayant un quelconque intérêt dans l'exploitation agricole de la colonie du Cameroun, ont modelé les populations du Cameroun afin d'obtenir d'eux une soumission nécessaire pour la croissance économique de leur empire. Chacun d'eux va imposer sa marque sur les politiques agricoles. Ils ont usé de politiques différentes, qui n'étaient que le reflet de la vision politique de chacun. L'analyse de ces différentes politiques nous permettra de retracer le processus de formation de l'Etat camerounais. Aussi, la compréhension des rapports qu'ont eu ces politiques sur cette formation doit passer par la compréhension de la situation des acteurs ayant eu une influence particulière sur ces diverses politiques. Le changement des politiques agraires coloniales en fonction des hommes à la tête de la chancellerie allemande nous montre que ces politiques ont été des constructions qui ont été influencées autant par leur contexte d'émergence que par les hommes qui l'ont mises en oeuvre. Or comme le disent si bien Peter Berger et Thomas Luckmann (1996 : 79):

« Il est impossible de comprendre correctement une institution sans comprendre le processus historique à l'intérieur duquel elle a été formée. Les institutions par le simple fait de leur existence, contrôlent la conduite humaine en établissant des modèles prédéfinis de conduite, et ainsi la canalisent dans une direction bien précise au détriment de beaucoup d'autres directions qui seraient théoriquement possibles. Il est important de souligner que cette fonction de contrôle est inhérente à l'institution en tant que telle, avant ou en dehors de tout mécanisme de sanction établi spécifiquement dans le but de soutenir une institution (...) le contrôle social fondamental repose sur l'institution en tant que telle. Dire qu'un segment de l'activité humaine a été institutionnalisé revient déjà à déclarer que ce segment a été ordonné par le contrôle social ».

Il en résulte qu'une institution n'a de raison d'être que par rapport à un objectif à atteindre. «Il est donc normal que les institutions naissent, changent, évoluent en fonction des buts que s'assignent une société tout au long de son histoire. Ce dynamisme est la condition sine qua non de la survie d'une institution. Aussi bien est-il rare qu'une institution n'échappe pas au contrôle de ses fondateurs », (Ngongo 1987 : 4). A ceci, Jacques Chevalier ajoute que « chaque institution est amenée sans cesse à définir sa zone de compétence, à restructurer son organisation, à réactualiser son discours »

Puisque l'institution est un processus d'auto-création continue et un moyen de régulation des rapports sociaux, nécessité se fait sentir pour nous de déterminer comment les différentes politiques agraires mises en oeuvre au Cameroun réussiront par poser certains fondements de l'Etat camerounais actuel. L'atteinte de cet objectif devra suivre le schéma suivant : premièrement, nous verrons que de 1884 à 1900, la régulation des populations du Cameroun est encore à sa phase balbutiante du fait d'une quasi inexistence de politiques agricoles. Mais par la suite, c'est-à-dire de 1900 à 1914, cette régulation sera plus marquée du fait d'une présence politique allemande plus effective mais aussi du fait de l'arrivée au pouvoir d'hommes favorables à une expansion coloniale. Ces différentes politiques agricoles doivent être appréhendées dans le sens de l'incrémentalisme. Ceci dans la mesure où elles évolueront le plus souvent de façon graduelle. Les politiques agricoles seront fortement orientées par le contexte politique prévalant en Allemagne. Aussi, les décisions prises par ces différents chanceliers provoqueront plutôt des petits ajustements visant à améliorer la politique agricole existante sans réellement la remettre en question.

SECTION I : LA LENTE CONSTRUCTION DU MONOPOLE DES POLITIQUES AGRAIRES DANS LE TERRITOIRE DU CAMEROUN PAR LES AURORITES ALLEMANDES

De 1884 à 1900, l'engagement des Allemands dans leur protectorat du Cameroun est à ses débuts. Cette période a connu le règne de trois chanceliers à savoir : Otto von BISMARCK de 1871 à 1890 ; Léo CAPRIVI de 1890 à 1894 ; Chlodwig zu HOHENLOHE-SCHILLINGSFÜRST de 1894 à 1900.

C'est sous le règne de ces trois leaders que commencera le façonnage des populations du Cameroun. Seulement les méthodes employées divergeront d'un acteur à un autre, d'où l'importance de la connaissance de la situation sociale des acteurs. Cette connaissance est importante du fait qu'elle permet de comprendre comment chacun d'eux a pu appréhender et utiliser les ressources dont il disposait pour atteindre ses objectifs (Crozier et Friedberg 1977 : 64).

Quels sont les éléments propres à chacun de ces trois personnages ayant eu des répercussions sur leur politique coloniale? De Bismarck à Caprivi, on aura un engagement minimum dans le protectorat du Cameroun ; mais avec le chancelier Hohenlohe-Schillingsfürst, l'exploitation de la colonie du Cameroun prendra une marche plus agressive.

I- ENGAGEMENT PARTIEL DE L'EMPIRE ALLEMAND DANS LA PRODUCTION DES CULTURES DE RENTE : DE L'ENGAGEMENT MINIMUM A L'INTERVENTIONNISME RELATIF DES AUTORITES POLITIQUES ALLEMANDES

Que ce fut sous le règne du chancelier Bismarck ou celui de Caprivi, la soumission des populations du Cameroun n'était pas régie par des règles strictes. Ce qui n'a pas facilité l'intégration de celles-ci. Ceci du fait que les chanceliers n'avaient pas adopté une politique offensive qui aurait permis une mise au pas effective des Camerounais. Néanmoins, quoique ce contrôle ne fût pas poussé, il existait quand même une certaine différence avec l'époque où les allemands n'étaient pas encore présents sur le sol camerounais. Ici, nous verrons l'impact de la vision de l'exploitation agricole de ces chanceliers, c'est-à-dire Bismarck et Caprivi, sur la formation de l'Etat camerounais

.

A. LA MANIFESTATION D'UN CERTAIN DESINTERET POUR L'ENTREPRISE COLONIALE PAR BISMARCK ET CAPRIVI

Bien qu'identique sur plusieurs aspects, la politique coloniale des deux chanceliers comportait de légères différences. Ces politiques étaient influencées par la vision de ces acteurs. Quelles étaient donc leurs visions ?

1. Le désintérêt de Bismarck (1871-1890) pour l'entreprise coloniale

Premier chancelier de l'empire allemand, Bismarck avait une idée particulière de la colonie. Après une période marquée par de nombreuses guerres, Bismarck suivait une politique d'équilibre, laquelle pouvait être mise en danger par les conquêtes coloniales. De plus, à son avis, les coûts d'une colonisation dépassaient largement les bénéfices et ne valaient donc pas la peine (Fark-Grüninger 1995 : 43-44). Pour lui, la gestion des colonies devait être laissée aux commerçants qui les avaient créées et non aux bureaucrates. Cette façon de penser se matérialise avec les signataires du traité du 12 juillet 1884 où les chefs Doualas, King Bell et King Akwa ne cédaient pas leur droit de souveraineté à l'Allemagne, mais à des firmes allemandes représentées par leurs gérants à Douala (confère annexe 6). Ce n'est que par la suite qu'il y eut une appropriation par le gouvernement allemand. En effet, bien que les chefs Doualas aient cédé leurs droits sur le territoire désigné Cameroun à la maison Woermann, cette dernière avait l'intention de la rétrocéder au Reich et à l'empereur. « Cette rétrocession se matérialise par une convention signée le 12 juillet par les commerçants Allemands et le commissaire impérial Nachtigal et légalisée par le consul d'Allemagne au Gabon, Emil SCHULZE » (Nkot 2001 : 24).

L'idée de Bismarck était d'appliquer le système des compagnies à charte tel qu'il était pratiqué par l'Angleterre au Nigéria et en Rhodésie.

« Dans un tel système, des firmes commerciales réunies en compagnie sont chargées de maintenir l'ordre et d'assurer le gouvernement dans les territoires où elles ont des maisons de commerce (...) il permettrait à Bismarck d'éviter de lourdes dépenses qu'occasionneraient l'envoi outre-mer de nombreux fonctionnaires et surtout de ménager la susceptibilité de l'Angleterre avec qui il n'entend pas entrer en conflit. Mais nulle part ce système de compagnie à charte ne donne satisfaction, surtout quand il s'agit d'appliquer la doctrine de l'hinterland et de délimiter les frontières des pays. La formule est donc abandonnée », (Ngongo 1987 : 45-46).

Par la suite, Bismarck s'est vu contraint d'engager l'administration allemande dans la gestion des colonies. La politique qui prévalut fut alors une orientation purement mercantile et le gouvernement se limita à la protection des nationaux et de leurs intérêts. Ceci se note dans le comportement du gouverneur par intérim nommé par Nachtigal, Max Büchner qui, fidèle à la politique de Bismarck « croyait encore que la colonie pouvait être efficacement administrée avec 10 ou tout au plus 20 agents et quelques indigènes pour le maintient de l'ordre » (Etoga Eily 1971 : 151). Seulement, cette politique de l'engagement minimum de Bismarck qui était soucieux de préserver la puissance nouvellement acquise de l'Allemagne, rencontrera de farouches oppositions notamment chez les commerçants installés sur le territoire, engagés dans les plantations coloniales.

Face à ces diverses pressions, le chancelier nomme le 3 juillet 1885 Julius von Soden comme gouverneur du Cameroun. Ce dernier répondait au profil d'administrateur des colonies à la différence de Max Büchner. Toutefois, les élections de 1890 qui voient percer les sociaux-démocrates et le centre catholique longtemps combattus par Bismarck poussent ce dernier à démissionner. Guillaume II, attaché au développement de la puissance militaire et de la richesse de l'empire allemand, va s'engager après le départ de Bismarck en 1890, dans une politique d'expansion commerciale, coloniale et maritime. Il nomme le comte Léo Von CAPRIVI pour le remplacer

2. Un intérêt mitigé de Léo von CAPRIVI (1890-1894) pour l'entreprise coloniale

Le général Caprivi symbolise l'orientation nouvelle imprimée à la politique allemande à l'intérieur et à l'extérieur. Avec lui, on en vint à admettre de moins en moins de réserve devant l'idée de la mise en valeur du territoire colonisé. Après avoir succédé à Bismarck, Caprivi a mené une politique de « continuité dans le changement ». Ce que Bismarck avait amorcé sur le plan colonial, Caprivi l'achève avec peu d'enthousiasme. N'étant pas un fervent partisan de l'expansion coloniale, il a préféré gérer les acquis. Lui-même disait en 1894 en ironisant sur son enthousiasme modéré pour l'expansion coloniale ceci :

« Je crois que j'éprouve pour les colonies la chaleur que m'impose ma charge et qui me paraît souhaitable pour la prospérité de nos colonies, dans l'intérêt de l'Allemagne. Mais je crains de ne pouvoir jamais parvenir au degré de chaleur qui me ferait souhaiter de transformer toute l'Afrique en une possession allemande même si je me trouvais dans un état de chaleur fébrile ».

Comme on le constate, ces deux chanceliers ne voyaient pas l'importance d'une prise de possession plus poussée de la colonie du Cameroun. Que ce fut Bismarck qui n'avait au départ aucune envi d'engager l'empire dans la course aux colonies, ou Caprivi qui s'y est engagé bien que modérément, la politique des deux chanceliers n'a pas favorisé l'émergence d'une exploitation économique poussée du protectorat du Cameroun. Ce laxisme peut être expliqué par le fait que tous les deux étaient des militaires mais surtout par le fait que le véritable problème d'une organisation effective de la colonie ne s'était pas encore posé. Ceci à cause de la pacification du pays par les forces armées allemandes.

Ne peut-on pas aussi voir cette timide imbrication de l'Etat dans les affaires coloniales comme le manque d'intérêt de celui-ci pour les préoccupations coloniales ? Ce manque d'intérêt peut être expliqué par la situation agricole prévalant en Allemagne. Dans le souci de résorber les effets de la crise, l'Allemagne avait mis sur pied une politique protectionniste et ne pouvait pas dans ce contexte chercher à investir ces capitaux hors du contexte national. Cette situation peut donc expliquer dans une certaine mesure la raison pour laquelle se sont d'abord les acteurs privés qui se sont intéressés à l'aventure coloniale car le protectionnisme était néfaste pour les investissements comme on l'a vu au chapitre précédent. Coloniser supposait engager des capitaux pour mettre sur pied une administration coloniale. Comment se ressentira donc ces hésitations dans le processus de construction étatique ?

B. LE BALBUTIEMENT SUBSEQUENT DE L'ENGAGEMENT DE BISMARCK ET DE CAPRIVI DANS LES CONQUETES COLONIALES

Parlant de l'exploitation des terres du Cameroun, Harry RUDIN dit «that in 1884 the exploitation of the country by plantations had not been the primary intention of the Germans», (Ardener E., Ardener S., Warmington 1960: 30). En effet, durant le règne de Bismarck, il n'existait presque pas d'instruments juridiques, politiques, administratifs démontrant un engagement du pouvoir allemand au Cameroun. Ceci ne veut pas dire que les Allemands n'entreprenaient aucune oeuvre garantissant leur pouvoir. Au contraire, on note qu'en 1889, un jardin botanique avait été crée sur l'initiative du gouverneur Julius von Soden pour soutenir l'aménagement des plantations de cacao, et étendre ainsi, peu à peu, le champ des expériences agricoles (Etoga Eily 1971 : 191).

Par ailleurs, quoiqu'ayant un enthousiasme modéré, la gestion du protectorat du Cameroun sera différente sous le chancelier Caprivi. Toutefois, les deux règnes seront marqués par une politique non agressive de l'empire dans ses colonies. Cette quasi absence eut des répercussions sur l'acquisition des terres, une centralisation du pouvoir de la part des autorités de Berlin.

1. La centralisation du dispositif institutionnel

Les fonctions du gouverneur des colonies étaient très limitées. Dès 1886, la «constitution coloniale» stipule que « le gouverneur signe des ordonnances pour organiser l'administration générale. Mais pour être promulguées, ces ordonnances doivent être soumises à l'approbation du chancelier » (Ngongo 1987: 47). Cette limitation du pouvoir des autorités coloniales qui devaient généralement attendre les ordres de l'Allemagne a contribué à l'ineffectivité du pouvoir politique allemand au Cameroun. Cette centralisation a eu des conséquences sur les décisions des gouverneurs comme ce fut le cas de von Soden, gouverneur du Cameroun de 1885 à 1891. En effet, voulant que l'administration intervienne dans la gestion des programmes scolaires, Von Soden avait essayé dans les années 1890, de faire admettre un programme uniforme par toutes les sociétés missionnaires en présence. La tentative buta à la volonté unanime des missions d'éviter toute ingérence administrative dans l'enseignement de l'instruction religieuse (Essiben 1980 : 37). L'administration ne fit rien pour régler le problème. Il faudra attendre les années 1900 pour que cette dernière, dans le souci de se procurer une main-d'oeuvre qualifiée, trouve cette ingérence indispensable. Du fait que le langage est un élément primordial dans la socialisation des populations, cette absence de soutien aux initiatives du gouverneur montre bien que sous les règnes de Bismarck et Caprivi, il n'existait pas encore de véritable volonté politique allemande de posséder des colonies et encore moins de s'y engager financièrement. Cette situation va influencer la mise en place d'une administration effective au Cameroun.

La présence des décideurs étant moindre, certaines populations du territoire n'étaient pas encore entrées en contact direct avec l'administration allemande. Ceci fait qu'on se retrouve avec des pans du territoire où les institutions politiques traditionnelles ont encore tout leur pouvoir et par conséquent avec des micros Etats. Ce laxisme eut des conséquences sur l'acquisition des terres à cette époque.

2. L'abandon progressive de la spéculation foncière et l'acquisition des plantations par les Allemands

Sous le gouverneur von Soden qui a servi sous les ordres de Bismarck et Zimmerer (1891-1895) qui a servi sous le chancelier Caprivi, il n'existe pas de système défini pour l'acquisition des terres (Ardener et al 1960 : 311). L'acquisition des terres se négociait directement avec les autochtones. Ces derniers ne maîtrisant pas le système monétaire allemand se faisaient tromper. Il va falloir attendre les années 1896 pour voir l'institution de la commission foncière qui régira les transactions concernant les terres entre les populations natives et non-natives. Avant l'arrivée de celle-ci, les abus étaient tellement exagérés qu'en

«1889, Gustav MEINECKE, qui assurait depuis 1884 le Secrétariat général de la Ligue Coloniale et la rédaction de son organe officiel de presse, la «Deutsche Kolonialzeitung«, démissionna de son poste et entama un combat à peine voilé contre les mandarins de la ligue. Dans son ouvrage: Wirtschaftliche Kolonialpoloti, publié en 1900, il porta des attaques directes contre ses anciens patrons, et proposa une réforme profonde de toute la gestion coloniale ».

C'est durant cette époque où régnait les spéculations foncières que certains opérateurs économiques allemands vont acquérir d'immenses espaces. Ce sera le cas d'Adolph Woermann, homme d'affaire, membre du Reichstag et grand investisseur dans le territoire du Cameroun, qui va créer la Gesellschaft sud-kamerun. Il siégeât au Reichstag de 1884 à 1890 et sa seule préoccupation fut « de dégager ses affaires de tout frein législatif, étant donné qu'à cette époque, le grand nombre des membres du Reichstag ne demandaient qu'à voir toute tentative de colonisation sombrer dans un complet échec », (Etoga Eily 1971 : 139). C'est ainsi que ceux qui avaient des profits dans les colonies faisaient partie pour la plupart de la Ligue Coloniale12(*) comme:

* Wohltmann, Expert agricole, éditeur du magazine Der Tropenpflanzer et parmi les membres influents du conseil économique de la Deutsche kolonialgesellschaft, il acquit en 1885 les terres des natifs de Bimbia (Gwanfogbe 1975 : 28) ;

* Docteur Julius Scharlach, avocat, membre influent du conseil économique de la Deutsche kolonialgesellschaft, actionnaire dans plusieurs sociétés coloniales telle la Gesellschaft sud-kamerun ;

* Thormählen, commerçant bien connu, membre du comité économique de la Deutsche kolonialgesellschaft et propriétaire des terres de la côte de Bakoko en 1885(Gwanfogbe 1975: 28).

Toutefois, avec l'arrivée du chancelier Chlodwig zu Hohenlohe-schillingsfürst en 1894, on passe à une politique coloniale plus agressive qui s'observe par le biais des initiatives coloniales. En effet, en 1894, le gouverneur Zimmerer commence une supervision stricte des transactions terriennes (Ardener et al 1960 : 312). Le règne de ce nouveau chancelier ira de pair avec ceux d'hommes politiques et administrateurs coloniaux partisans de sa vision tel Jesko von PUTTKAMER, qui sera plus tard gouverneur. C'est sous le chancelier HOHENLOHE-SCHILLINGSFÜRST que l'empire allemand commencera à édicter des règles juridiques organisant l'exploitation des cultures de rente au Cameroun. Nous verrons donc comment son arrivé permettra aux Allemands d'instaurer leur pouvoir politique et d'assurer la régulation sociale de ce vaste espace.

II- DE L'INTERVENTIONNISME RELATIF DANS L'EXPLOITATION ECONOMIQUE DU CAMEROUN A LA VULGARISATION DES CULTURES DE RENTE

Avec l'arrivée du chancelier Chlodwig zu Hohenlohe-Schillingsfürst en 1894, l'exploitation du territoire du Cameroun passe de sa phase passive à une phase plus agressive. Toutefois, une bonne exploitation des potentialités qu'offrait le territoire du Cameroun étant dépendante de l'établissement d'une politique stable et régulier, nécessité se faisait donc sentir à partir de cette période d'instaurer des règles juridiques observables par toutes les populations qu'elles soient blanches ou noires vivant sur le territoire du Cameroun. Le besoin de régulation appelle donc à l'instauration des règles qui deviendront une manière légitime de penser et de faire chez les populations locales. Cette institution qui, du fait de sa régularité deviendra normale dans la vie quotidienne des populations noires résidant sur le territoire camerounais subira plusieurs rebondissements. Pour comprendre le changement radical apporté par ce nouveau chancelier, nous devons au préalable chercher à répondre à la question : qui est-il ? De même qu'à comprendre le contexte de son règne.

A.CHLODWIG ZU HOHENLOHE-SCHILLINGSFÜRST (1894-1900)

A Caprivi modérément pro-colonial, va succéder le chancelier Hohenlohe-schillingsfurst, un homme parfaitement acquis à la cause coloniale. En effet, proche parent du président de la ligue coloniale allemande, le prince Hohenlohe-Langenburg, le nouveau chancelier s'était déjà montré ardent partisan de la colonisation allemande dès 1880 en défendant devant le Reichstag les premiers dossiers coloniaux allemands (Oloukpona 1986 : 104). C'est sous son règne que fut crée le slogan expansionniste allemand « nous voulons notre place au soleil » ; c'est aussi à cette époque que l'empereur Guillaume II déclarait publiquement ses ambitions mondialistes. L'avènement de Hohenlohe-Schillingsfurst comme chancelier du Reich ne pouvait ne pas apporter un changement décisif dans la politique coloniale de l'Allemagne.

La première conséquence d'un chancelier expansionniste fut un nouveau dynamisme dans la conquête territoriale. Avec lui, on aura le décret impérial de juin 1896 portant sur la création, la prise de possession et l'aliénation des terres de la couronne et sur l'acquisition et l'aliénation des terres dans le territoire du Cameroun et qui peut être considérée comme la loi de la politique terrienne de base.

Ce souci de conquête territoriale entraîne la deuxième conséquence. On voit émerger une nouvelle conception de la gestion économique des colonies, notamment avec l'avènement des grandes sociétés concessionnaires. Or, étant donné que l'accroissement de l'activité économique allait de pair avec l'extension du service administratif, cette dynamique va profondément modifier l'environnement camerounais. Cet aspect contribue à la mise en administration de la société camerounaise dans la mesure où « la modification de l'environnement contribue à une spécialisation poussée des gouvernants et des mécanismes de gouvernement » (Lagroye 1991 : 45). Dans ce contexte, on va assister à l'instauration d'un centre de décision qui établira son hégémonie sur l'ensemble du territoire. Les pouvoirs du gouverneur seront accrus et la mise en valeur des colonies sera amorcée de façon ferme.

Bref, la nomination en 1894 de ce chancelier a constitué un revirement colonial radical dont les conséquences furent presque immédiates dans les territoires sous domination allemande dont le Cameroun. Avec ce chancelier, on notera une floraison de textes juridiques et une réorganisation de la configuration sociale.

B.HOHENLOHE, LA VULGARISATION DES CULTURES DE RENTE ET LA REGULATION SOCIALE AU CAMEROUN

Cette régulation va s'observer avec les mesures juridiques pour l'organisation des terres, notamment avec la nécessité pour les colons de se procurer de la main d'oeuvre. La réquisition de ces ouvriers des plantations eut des conséquences sur la cohésion sociale ou sur la naissance d'une nation camerounaise.

1. L'apprentissage de la culture de nouvelles plantes par les ouvriers Camerounais des plantations allemandes

L'agressivité des nouvelles politiques agricoles du Cameroun va créer un besoin urgent des ouvriers-autochtones pour les plantations européennes. Ceci aura pour conséquence l'apprentissage de la culture de nouveaux produits agricoles par les camerounais mais surtout, cet apprentissage poussera les camerounais à se conformer aux normes législatives allemands régulant l'exploitation de ces cultures.

a. De la nécessité de la main-d'oeuvre indigène pour les plantations allemandes (....)

Avec Hohenlohe-Schillingsfürst, c'est l'avènement dans la colonie du régime des grandes concessions. Il va donc se poser le problème de main d'oeuvre agro-commerciale surtout dans la région du Mont-Cameroun (Buéa, Victoria, Bibundi, Debundscha). Les plantations ont des proportions géographiques immenses et elles regroupent en leurs seins plusieurs villages locaux (voir cartes en annexe 3 et 4). On aura entre autres des plantations comme la West Afrikanische Pflanungs Gesellschaft Victoria en abrégé W.A.P.V, fondée en 1897. Elle avait une superficie de 15000 hectares. Celle-ci pratiquait la culture du cacao et du caoutchouc ; elle avait 4000 hectares pour la culture du cacao. Ces proportions illustrent la nécessité de la main d'oeuvre locale pour les allemands

Ceci d'autant plus que le taux de mortalité des Européens dans les tropiques fit comprendre aux administrateurs allemands qu'il fallait intégrer, pour les services de l'économie coloniale, le colonisé dans l'appareil de production (Kaptue 1986 : 23). En effet, le docteur Frédéric Plehn, premier officier médical du gouvernement dans le protectorat, avait effectué des recherches spéciales sur la mortalité des Blancs au cours de la première décennie de l'occupation allemande. Le docteur Plehn établira donc le taux de mortalité occidentale comme suit :

Tableau 1 : Pourcentage des décès des populations blanches de 1890 à 1894 dans le territoire du Cameroun

Année

Nombre de décès

Pourcentage

1890 - 1891

18 décès sur 170 Européens

Soit 10,6%

1891 - 1892

25 décès sur 166 Européens

Soit 15%

1892 - 1893

17 décès sur 220 Européens

Soit 8%

1893 - 1894

25 décès sur 215 Européens

Soit 11,4%

Source : Etoga Eily, Sur le chemin du développement, CEPMAE, Yaoundé, 1971, p.251

Sur 100 fonctionnaires du gouvernement envoyés au Cameroun, 17 étaient en service au début de l'année 1884, 23 étaient rentrés chez eux en bonne santé, 18 morts de malaises climatiques et 6 de mort violente ; quant aux 8 qui restaient, ils avaient été licenciés prématurément pour diverses raisons. La mission de Bâle avait envoyé 30 missionnaires au Cameroun entre 1886 et 1893 ; de cet effectif, on enregistra 10 décès dont 8 de malaria et 2 par noyade. Enfin, 5 avaient été évacués pour des raisons de santé (cf. Amtsblatt für Kamerun du 15 mai 1909, p.83).

Il devenait donc nécessaire de recruter la main-d'oeuvre locale et bon marché. RUDIN H. résume bien la situation lorsqu'il affirme que:

«Worked were needed for the plantation, for the transportation of traders goods, and for the clearing of jungle for railrood. The employment of large numbers of white men for such task in tropical Africa was unthinkable. Very early the Germans realized that the best asset they had for the exploitation of the ressources of the Cameroons was the native, for without his labour nothing could be done », (Kaptue 1986 : 21).

Devant ce besoin de travailleurs des plantations, les propriétaires terriens allemands vont se mettre à la recherche de travailleurs. Comme le note Zacharie Saha (1993 : 81),

«De nombreuses firmes agro-commerciales se sont installées dans la région. Depuis la création de la concession la Gesellschaft Nordwest-kamerun en 1899, toute la région des Grassfields était l'objet d'un vif intérêt chez les agriculteurs et les commerçants. Les explorations commerciales de Zintgraff à Bali surtout et celles de Conrau en pays Bangwa ont ouvert la région aux appétits des colons. Les conditions naturelles ainsi que la forte concentration humaine, constituaient un facteur économique attrayant ».

De ce qui précède, on note que le système capitaliste commence à être appliqué. Or, les plantations capitalistes par définitions âpres au gain, on observera la mise sur pied pour le recrutement de la main d'oeuvre locale d'un ensemble de mesure. De la razzia à la réquisition, ce recrutement s'effectuera aussi par le biais des contrats de travail13(*). Ces mesures contribueront à l'apprentissage par les Camerounais de nouvelles techniques agricoles. Ce besoin de main d'oeuvre participe à la mise en discipline des populations camerounaises dans la mesure où ce sont les Allemands qui détermineront les méthodes de recrutement.

b-(...) à l'apprentissage de la culture des nouvelles plantes par les Camerounais

Cet apprentissage ira de pair avec l'encouragement des Allemands et favorisera par la même occasion la vulgarisation des techniques agricoles.

Le palmier à huile était déjà exploité par les indigènes pour l'huile de palme. Les noyaux durs étaient jetés. Ces pratiques étaient dénoncées par le Docteur Preuss et on pouvait évaluer à 23 millions les sommes ainsi gaspillées pour l'économie camerounaise. Après que le Docteur Haake eut inventé une machine permettant une meilleure exploitation du palmier à huile, les résultats apparurent particulièrement réconfortants (Etoga Eily 1971 : 163). Les populations camerounaises apprenaient ainsi de nouvelles techniques agricoles.

Toujours dans le souci de faire participer les Camerounais au développement des cultures de rente, l'assistant agronome Berger ira encourager la culture du cacao par les indigènes dans la région du Mungo14(*). En plus, en 1913, un "guide pour la culture du cacao par les indigènes " produit par le centre d'essais agricoles de Victoria sera mis en projet par les Allemands15(*).

Les cultures les plus en vogue étaient le cacao et le caoutchouc. Le docteur Preuss, alors directeur de la station scientifique de Barombi, dénonça en 1889 les méfaits des méthodes indigènes d'exploitation car elles pouvaient à la longue entraîner la destruction des arbres. A cela s'ajoutait le fait que le caoutchouc indigène inspirait d'autant moins confiance qu'il était souvent additionné de sable destiné à renforcer le poids de la vente (Etoga Eily 1971 : 214). Le problème de fond restait lié à la formation des producteurs indigènes mais aussi à la construction des routes en vue de faciliter l'évacuation du caoutchouc en Europe.

Le domaine de la production indigène s'était élargi de façon sensible dans les dernières années du protectorat allemand et ceci peut se comprendre par l'accroissement du nombre de producteur indigène formé par les Allemands.

L'apprentissage de la culture de nouvelles plantes participe à la construction de l'Etat camerounais dans la mesure où c'est une même autorité administrative qui décide des acteurs devant cultiver un produit ou encore de quelle façon ces plantes devrontt être cultivées. Or comme construire l'Etat suppose soumettre le territoire mais aussi mettre en discipline la population, nous pouvons dire de ce qui précède que le changement de mode de production par l'apprentissage de nouvelles techniques agricoles participe à l'émergence de l'Etat camerounais.

2. L'émergence d'une cohésion sociale

Le regroupement de plusieurs villages dans un même espace agricole appartenant à un propriétaire allemand va contribuer à la cohabitation forcée des populations de ces unités politiques. Le découpage des plantations ne respectait pas toujours les frontières des unités traditionnelles présentes dans cet espace. En effet, l'observation de la carte 3 et 4 montre comment les villages qui se trouvaient dans une même concession étaient regroupés pour former des réserves. L'appartenance à un même espace géographique participera à la naissance d'une identité commune et ces frontières définissent « l'unité politique des frontières identitaires des nations, celles d'un «nous« dont le contenu est marqué par des pratiques nationales nourries d'expériences historiques » (Kastoryano 2005 : 14).

Par ailleurs, comme nous l'avons vu au chapitre précédent, les lois foncières qui seront promulguées pour la première fois au Cameroun seront suivies par les populations locales au risque de voir considérer leurs terres comme étant sans maître. Ces lois auront le mérite de diminuer les spéculations foncières et les populations locales y trouveront un moyen de protéger un espace dont l'appartenance n'avait pas encore été remise aussi rudement en question. Le fait d'obéir aux mêmes lois, et de vivre sur un espace territorial désormais définit par une autorité politique qui s'impose à tous va forcément créer des liens entre des populations qui jusque là entretenaient pour la plupart soit des relations conflictuelles, soit des relations de bon voisinage, chacun respectant le territoire de l'autre.

En plus, l'organisation de l'écoulement des produits de rentes va contribuer à la naissance de cette cohésion. En effet, l'acheminement de ces produits vers les ports qui devaient les conduire aux lieux de distribution nécessitait toute une organisation. A titre illustratif, l'exploitation du caoutchouc sylvestre cultivé dans la région de l'Est est révélatrice à ce sujet. Récolté par la Gesellschaft Sud-Kamerun, dans la circonscription de Yokadouma et acheminé principalement dans les circonscriptions de Lomié, Doumé, Ebolowa et Yaoundé, le caoutchouc sylvestre est acheminé par porteurs vers le port de Kribi (Etoga Eily 1971 : 364). Ces longs trajets ne manquaient pas de créer des contacts entre des populations qui venaient d'origine diverse et qui jusqu'alors ne se côtoyaient pas pour la plupart. On voit en quelque sorte le passage de la communalisation à la sociation car, n'ayant plus uniquement en commun leur origine, leur histoire, ces contacts font naître des intérêts autres qui lient ces personnes entre elles. La société n'existant pas en soi, ce n'est que l'agrégation d'intérêts, la naissance d'un intérêt commun qui favorise son existence. Ceci s'accentuera dans les années 1900 avec l'essor économique du territoire du Cameroun.

SECTION II: DES POLITIQUES AGRICOLES ALLEMANDES OFFENSIVES A L'EMERGENCE PROGRESSIVE DES STRUCTURES GENERATRICES DES SYSTEMES DE CONTROLE DES POPULATIONS CAMEROUNAISES

La période allant de 1900 à 1914 marque l'essor économique de la colonie du Cameroun. Avec l'avènement des hommes politiques tels le chancelier von BÜLOW en 1900 et celui du secrétaire d'Etat aux colonies en la personne de Bernhard DERNBURG en 1906, l'exploitation économique du Cameroun prend un tournant décisif. Etait-ce dû à la victoire de la société coloniale lors des élections de 1906 ? Ou était-ce dû à la création d'un ministère des colonies ? Toujours est-il qu'on va assister à l'instauration d'un système de grandes plantations, mais aussi à une décentralisation de l'administration. En effet, avec l'avènement des ordonnances du 10 septembre 1900, on verra se préciser les attributions du gouverneur. Ceci va s'observer avec l'efficacité du gouverneur Puttkamer (1895-1907) qui est celui qui a le plus oeuvré pour la mise au pas des populations locales. On verra ici la réorientation des modes d'exploitation et la socialisation des populations locales par le biais de l'école.

I- L'AVENEMENT D'UNE POLITIQUE AGRICOLE ALLEMANDE PLUS AGRESSIVE

Le Cameroun étant une colonie d'exploitation, la rentabilité des investissements exigeait une intégration rapide du colonisé dans les circuits de production. Cet objectif sera mené à bien par les nouveaux dirigeants. Qui sont-ils ?

A.VON BÜLOW, BERNHARD DERNBURG, Theobald von BETHMANN-HOLLWEG ET L' INTERVENTIONNISME DE L'EMPIRE ALLEMAND DANS L'EXPLOITATION ECONOMIQUE DU CAMEROUN

Bülow sera chancelier de l'empire allemand de 1900 à 1909, B. Dernburg sera secrétaire d'Etat des colonies de 1906 à 1910 et Théobald von Bethmann-Hollweg sera chancelier de l'empire allemand de 1909 à 1914. C'est sous le règne de ce dernier que l'empire allemand va de plus en plus investir ses capitaux dans la colonie du Cameroun. Les acteurs privés se trouvent maintenant concurrencés par l'Etat qui n'assume plus seulement le rôle de protecteur des intérêts privés allemands, mais qui devient désormais aussi un agent économique. Nous verrons ici comment à partir de ces trois acteurs, l'Allemagne va de plus en plus s'installer au Cameroun et dans le souci de rendre plus lucratif leur investissement, l'Allemagne va participer à la mise en discipline des Camerounais.

1. Bülow, Dernburg et l'avènement d'une politique agricole plus agressive au Cameroun

Avec des parents familiarisés aux fonctions politiques, son grand oncle, Heinrich von Bülow était ambassadeur de Prusse en Angleterre de 1827 à 1840 et son père, Bernhard Ernst von Bülow, diplomate et secrétaire d'Etat au ministère des affaires étrangères de Prusse, il semble évident qu'après avoir servi dans la guerre Franco-Prussienne de 1870, Bernhard von Bülow choisisse une carrière dans la fonction publique prussienne et la diplomatie. Attaché à l'ambassade allemande de Paris dès 1876, il fut nommé second secrétaire à l'ambassade en 1880, puis premier secrétaire en 1884. En 1897, il fut nommé secrétaire d'Etat du Prince Hohenlohe au Ministère des affaires étrangères prussien. Après la démission de Hohenlohe en 1900, il fut désigné chancelier de l'Empire et Premier ministre de la Prusse. C'est sous le chancelier Bülow que l'ordonnance impériale concernant les droits fonciers dans les protectorats allemands du 21 novembre 1902 sera adoptée. Par ailleurs, l'ordonnance du 1er février 1905 imposant officiellement le mark au Cameroun est arrêté et en 1902, une véritable législation du travail est mise sur pied. C'est lui qui nommera B. Dernburg à la tête du secrétariat d'Etat.

Initiateur de plusieurs réformes qui permettront une gestion saine des colonies, Dernburg est considéré comme celui qui a rendu les colonies économiquement prospères.

Issu d'une grande famille juive allemande, Bernhard Dernburg (1865-1937) se lança pleinement dans la politique après une première et brillante carrière de banquier. Il devint secrétaire d'Etat puis ministre au bureau des Colonies, puis enfin, sous Weimar, ministre des finances. Dès sa nomination en tant que secrétaire d'Etat, Dernburg manifeste un premier souci :

"Tirer les leçons de l'expérience coloniale anglaise pour l'ensemble des colonies britanniques d'Afrique, les offices de Londres, les Etats-Unis d'Amérique où se cultive le coton. Il prend ainsi conscience du fait que l'intérêt de l'économie allemande est lié à l'amélioration des conditions de vie des indigènes et des fonctionnaires allemands des colonies" (Ngongo 1987 : 54).

On remarque que se sont désormais des hommes politiques qui prennent les rênes de l'administration allemande. Ces deux hommes à travers des politiques diverses vont asseoir le pouvoir allemand dans les régions du Cameroun que contrôlait l'empire. Que se soit Bülow ou Dernburg, les deux sont des hommes d'expérience dans la gestion des colonies. Surtout que, Bülow a travaillé avec le chancelier Hohenlohe qui a été comme on l'a vu celui qui a mené le premier une politique économique offensive. Mais surtout, le règne des deux coïncidera avec la victoire aux élections de 1906 de la société coloniale qui était l'une des ferventes partisanes de l'engagement de l'empire allemand dans l'exploitation économique de ces territoires d'outre-mer. Tout ceci aura une influence sur la réglementation du travail au Cameroun et sur les investissements publics de l'Allemagne.

2. Théobald von Bethmann-Hollweg (1909-1914) et l'investissement des capitaux publiques de l'empire allemand

Sous son règne, on observera de plus en plus une franche intervention de l'Etat allemand dans la mise en valeur du territoire du Cameroun. Sa politique s'inscrira dans la continuité de celle de von Bülow car c'est sous son règne que le gouvernement allemand initiera des mesures afin d'améliorer les conditions de vie des autochtones essayant de limiter ainsi les taux de mortalité des ouvriers. De nombreux investissements initiés par le gouvernement allemand vont s'effectuer sans laisser indifférents les acteurs privés surpris de ce nouvel état de chose.

En effet, dans la lecture des échanges de correspondance qui eut lieu entre des commerçants et le gouvernement, on note une certaine surprise des acteurs privés. La première lettre date du 11 mars 1914 et est adressée au gouverneur du Cameroun (Ebermaier) et est signée du directeur de la westafrikanische Pflanzungsgasellschaft. En voici le contenu tel que reproduit par Etoga Eily (1971: 293) :

" Notre succursale de Campo nous apprend, par la dernière occasion que le poste de Campo fait depuis longtemps pêcher ses prisonniers et vend le poisson aux indigènes à très bon marché. Ces agissements du poste paralysent à peu près complètement le commerce du stockfish pour les factoreries de la localité : les stocks se gâtent et il en résulte pour les firmes représentées des pertes considérables. Une démarche auprès du chef de poste est restée sans résultat. C'est pourquoi nous prenons la liberté de demander au gouvernement impérial si le poste de Campo a le droit de se livrer à ce commerce du poisson. Telle étant l'affaire, nous prions le gouvernement impérial d'interdire au chef de poste de Campo la vente de poissons aux indigènes. Nous serions reconnaissants d'obtenir une réponse rapide sur le présent cas, etc.... "

W. VAN DE LOO

Mais la réponse du gouvernement ne fut pas aussi rapide comme le souhaitait le commerçant car elle n'intervint que le 22 mai 1914. Bien plus, loin de faire droit aux revendications des commerçants, le gouvernement ne cacha pas l'intérêt qu'il portait à cette activité. Voici le texte de cette réponse (Etoga Eily 1971 : 294) :

" Je ne puis faire aucune opposition à l'exercice de cette pêche. Je me félicite au contraire de ce que le poste s'efforce d'assurer à la population de la colonie un aliment frais, peu coûteux et produit naturellement. Il est absolument de l'intérêt de la colonie d'utiliser les richesses naturelles. Je considérerais comme l'effet de vues étroites de négliger cet intérêt général uniquement pour soutenir artificiellement un commerce qui fournit à la population une alimentation à la fois chère et plus mauvaise. La poste n'a eu en vu que cet intérêt général, sans viser à créer une concurrence pour les factoreries : preuve en soi que la poste a proposé aux factoreries la vente de l'excédent du poisson ; mais, les factoreries ont décliné cette proposition. L'entreprise du poste, d'autre part, est absolument dans la direction des efforts réalisés par l'administration, spécialement dans ces derniers temps, pour intensifier la pêche dans la colonie. Je voudrais profiter de cette occasion pour faire comprendre aux entreprises de la colonie, qu'elles devraient seconder ces efforts et établir des exploitations analogues. A cette fin, j'envoie copie de la présente lettre à la chambre de commerce du Sud-Cameroun et à l'Association des commerçants du Nord et du centre-Cameroun, sans nommer de firme",

Par délégation : Kundt D.

Ces textes traduisent les divergences de vues qui avaient toujours opposés les commerçants et le gouvernement pour l'application dans le protectorat d'une politique économique idéale. Quoiqu'il en soit, l'intervention effective du gouvernement allemand dans l'exploitation du Cameroun aura comme conséquence un accroissement du contrôle des populations. Ceci parce que dans l'optique de pourvoir le besoin de plus en plus croissant des plantations en main-d'oeuvre, les autorités politiques de la décennie 1900-1914, s'étaient très vite rendu compte qu'il fallait améliorer les conditions de vie des autochtones afin d'accroître leur rendement.

Cet interventionnisme se ressentira au niveau des institutions foncières afin de limiter la spéculation et de rendre plus efficace la gestion administrative du territoire.

B- ACCELERATION DE L'EXPLOITATION AGRICOLE ET REGLEMENTATION DU TRAVAIL DANS LA COLONIE DU CAMEROUN : DE LA COMMISSION FONCIERE A L'INSTAURATION DE L'IMPÔT

Le changement de politique d'exploitation des produits de rente dans les colonies allemandes s'observera non seulement à travers l'amélioration des conditions de vie des populations blanches et africaines mais aussi par une série de mesures telle que l'instauration de l'impôt. Le premier signe du changement de politique est la mise sur pied en 1902 de la commission foncière. Après avoir vu ce qu'il en est de cette commission, nous nous attarderons par la suite sur l'impact qu'aura l'impôt sur le contrôle des populations locales.

1. Le renforcement des capacités institutionnelles à travers la création de la commission foncière

L'instauration d'une commission foncière était due aux problèmes de spéculation des terres. Malgré l'ordonnance souveraine du 15 Juin 1896 et l'arrêté du chancelier Hohenlohe-Schillingsfürst du 17 Octobre 1896, les spéculations foncières dans le territoire du Cameroun allaient bon train. Afin de limiter les contestations entre établissements européens et indigènes relativement aux terrains réservés à ces derniers, le gouverneur du Cameroun promulguera un arrêté le 10 octobre 1904 portant sur les terres de la couronne. Le paragraphe 1 de cet arrêté précise qu'il sera désormais institué dans chaque circonscription administrative une commission foncière. « La commission foncière se compose du chef de la circonscription ou suivant le cas du chef de poste ou de leur remplaçant et d'au moins deux assesseurs ». Pour le gouverneur Puttkamer qui était en poste au Cameroun, les assesseurs devront être choisis d'abord parmi les missionnaires, les planteurs ou les commerçants à défaut parmi les fonctionnaires résidant dans le voisinage du terrain à incorporer au domaine de la couronne. On voit donc que loin d'être une mesure favorable aux indigènes, la commission foncière est plutôt nécessaire pour les besoins de la colonisation. En effet, le paragraphe 5 de ce même arrêté stipule que,

« Lors de la détermination des terres de la couronne il y a lieu de laisser aux indigènes, en outre des terrains bâtis et habités par eux, une surface d'au moins six hectares par case. Si cela paraît insuffisant à cause de la nature du sol ou à cause de l'activité économique des indigènes ou pour d'autres raisons, ou bien si cette surface ne permet pas d'atteindre une limite naturelle, la surface à laisser aux indigènes sera augmentée en conséquence »16(*).

Cette commission s'ajoutait sur la longue liste des instruments dont disposaient les Allemands pour contrôler les ressources disponibles au Cameroun. Cette loi spécifiait de manière claire qui était désormais les nouveaux maîtres de la terre puisque ce sont les Allemands qui décidaient des parcelles de terres à laisser aux « indigènes ». On assiste à une subordination des chefs locaux car les nouveaux textes les inféodent. En effet, il est clairement noté au paragraphe 2 que seront invités à assister aux séances les chefs des villages intéressés ; en plus, pour la protection des droits des indigènes, un tuteur leur sera assigné. Seulement, la fonction du tuteur est honorifique et la dernière parole revenait au gouverneur. Tout ceci montre la dépossession des biens des autochtones.

Par ailleurs, cette commission était bien organisée car après chaque séance était dressé un procès verbal. Au procès verbal était joint un croquis aussi exact que possible des terres prises. Les procès verbaux étaient numérotés et réunis en un dossier spécial. Sur demande, toute personne avait la possibilité de prendre connaissance de ces actes et une copie de chaque procès verbal était envoyée aussitôt au gouverneur pour approbation.

Bien que ceci puisse faire croire en une protection des droits des autochtones, il était plutôt question ici « d'éviter que par suite d'aliénation répétées de la part des indigènes il soit empiété d'une façon indésirable sur les terrains du domaine devant faire l'objet de concession ». Ce gouverneur, qui n'était autre que Jesko von Puttkamer, affirmait que le but recherché dans la délimitation aussi rapide que possible des terrains qui devaient être considérées comme faisant partie du domaine et de ceux qui devaient être réservés aux indigènes est en premier lieu d'éviter les contestations entre les établissements des deux groupes.

Cette commission bien que nécessaire aux Allemands contribuera à travers l'organisation de la possession des terres à la mise en discipline des populations. Notamment avec l'institution d'un canevas pour la possession des terres s'adressant autant aux autochtones qu'aux populations blanches résidant sur le territoire. A coté de cette commission, s'ajoutera l'impôt.

2. L'instauration de l'impôt et son impact sur le contrôle des populations camerounaises

Le colonisateur n'a pas débarqué au Cameroun avec de la main d'oeuvre. L'une des méthodes de recrutement de la main d'oeuvre était l'imposition. L'impôt de capitation (kopfsteuer) ou par tête a été expérimenté pour la première fois chez les doualas en 1903. Malgré la vive résistance qu'il rencontrera chez ce peuple, on assiste à l'avènement de l'impôt de case appelé Huttensteuer (Saha 1993 : 62). En 1907, cet impôt s'étendra à tout le territoire. Toutefois, l'imposition ne fut formellement instituée que par un décret du 20 octobre 1908. Notre objectif ici est de voir les montants exigés, les modes de payement et comment l'instauration de l'impôt participe à la mise en discipline des populations.

a. Le taux d'imposition comme stratégie de subordination des Camerounais

Après la législation du travail de 1902, le mark est imposé officiellement comme monnaie unique sur le territoire camerounais par l'ordonnance du 1er février 1905. Le décret de 1908 avait fixé le taux d'imposition à 6 marks et en 1913, l'administration l'éleva à 10 marks par l'ordonnance du 26 Juin 1913. Ceci est justifié par les nombreux textes existant à ce sujet. D'après un rapport fait en 1916 sur la collection des taxes dans la division d'Ossindinge, il est écrit que :

«Under the Germans the division was divided into 3 districts: 1- Ossindinge, 2- Assumbo, 3- Menka, of which all the Ossindinge, halft the Assumbo, an 4 villages of the last German report for the financial year 1913-1914 there were collected from the Ossindige District including the 4 villages of the Menka district 7.300.000 and from the Assumbo district, 710000 or a total of 8.010.000, representing 8010 male adults paying 10 marks each»17(*).

Les populations étaient obligées de payer ces taxes sous peine d'être emprisonnées ou recrutées pour les travaux forcés. La nécessité de la main d'oeuvre a poussé les allemands à mettre sur pied des techniques leur permettant d'obliger les autochtones à travailler pour eux et surtout dans les plantations. Comment oeuvraient donc les autorités pour recruter ces populations ?

b. Le mode de payement comme stratégie de recrutement des ressources humaines du Cameroun pour la culture des produits de rente dans les plantations allemandes

L'une des intentions de l'instauration de ces différents types d'impôts surtout l'impôt par le travail (steuerarbeit) était en réalité un mode de recrutement de la main-d'oeuvre. Officiellement, les imposables pouvaient s'acquitter de leur devoir fiscal, exceptionnellement en offrant 30 journées de travail gratuit à l'administration. Le souci de vulgariser l'emploi du mark pour faire échec au troc et aux monnaies non allemandes justifiait ces modes de payement. Mais c'est surtout l'intérêt de recruter sous la forme de l'impôt prestataire l'indispensable main-d'oeuvre qui prédominait.

L'un des moyens de recrutement de la main d'oeuvre se faisait chez les prisonniers. En fait, d'après la circulaire provinciale concernant le règlement des prisons allemandes, il est prescrit ce qui suit:

«Reference to circular 15 of 7 th under this heading amend para 1 by adding to end of it the following: - this applies only to prisoners who are in a position to pay but do not do so. In such cases if neither food is supplied nor cash for its cost is paid the prisoner is liable to the obligation of working off its value in labour for the government (see abstrack of german law of 14 th august section B para 4).

2- Add as para 4: - where tax-labour is available these men should be employed on prison farms, or else instructed to bung in food for the prisons up to the value of their tax. This does not mean that taxes in cash are refused but that their value in labour or kind may be accepted in those cases where it is impossible to cash»18(*).

Par ailleurs, à travers les expéditions militaires, ou les conquêtes de «pacification », la schutztruppe recruta par voie de contrainte, de nombreux travailleurs. C'est ainsi qu'en mars 1905, le lieutenant Rausch fit une incursion dite punitive dans la chefferie Bamundu en pays bamiléké et en ramena 61 travailleurs. Le chef Foentu avait été défait par une armée de 47 soldats noirs et 2 officiers blancs. Ensuite, Rausch exigea l'envoi par an de 200 autres travailleurs dans les plantations de la côte. Ce fut là, le plus important point de ce qui se passait pour un traité de paix. Les autorités de Bamendu durent accepter cette grave clause sous la contrainte des armes (Saha 1993: 82).

En plus, l'administration allemande procédait par réquisition. En effet, l'administration avait réussit à faire en sorte que fournir de la main-d'oeuvre à l'administration était devenu un devoir pour les autorités traditionnelles au même titre que la perception d'impôts. Cette réquisition consistait à exiger des autorités traditionnelles de mettre à la disposition de l'administration, un certain nombre de travailleurs destinés en principe aux chantiers publics. Seulement, l'administration fournissait également aux entreprises privées de la main-d'oeuvre ; il s'agissait surtout des firmes agro-commerciales de la côte (Saha 1993 : 83).

Tout ceci contribue à la naissance d'une société où des populations à l'origine étrangères seront forcées d'entretenir des liens. Les mouvements migratoires se vérifient si on tient compte du fait que dans la zone de prédilection des grandes plantations, c'est-à-dire les pentes du mont Cameroun, la situation n'était guère encourageante pour les coloniaux désireux d'avoir à leur disposition une main-d'oeuvre capable de mettre en valeur leurs plantations. En effet, Léon Kaptue (1986 : 22) affirme que le chiffre des populations locales (Bakweri, Isubu, Balon etc. environ 32000 âmes) était faible par rapport aux besoins par ailleurs illimités des plantations en main-d'oeuvre. Les agriculteurs rechercheront alors des travailleurs hors de la région. Ce qui occasionnera d'importantes migrations. Ici, l'exode «rural» dans lequel on reconnaît une conduite politique ne témoigne t-il pas d'abord de la capacité à agir des acteurs locaux ? Toujours est-il que ces flux migratoires vont favoriser les contacts entre les populations résidant sur le territoire du Cameroun et on peut affirmer qu'ils poseront les jalons de la naissance de la nation camerounaise.

A coté de toutes ces mesures, les colons avaient aussi besoin d'une main d'oeuvre de qualité. En dehors de la quantité, se posait désormais un problème de qualité.

II- LA REINTERPRETATION APPROPRIANTE DE LA POLITIQUE D'ENSEIGNEMENT PAR LES ACTEURS ALLEMANDS

Poser le problème qualitatif de la main-d'oeuvre, « c'est poser celui connexe de la formation technique et professionnelle » et par conséquent l'amélioration des capacités techniques et professionnelles de l'autochtone (Kaptue 1986 : 12). C'est donc dire le caractère égoïste de l'activité scolaire qui a été reconnu publiquement au congrès colonial de 1910.

«Il y fut en effet officiellement déclaré que les écoles publiques n'étaient point faites pour servir les intérêts des colonisés, mais pour former des employés subalternes qui seraient le joint entre l'administration coloniale et les populations indigènes», (Essiben 1980 : 32).

Afin de déterminer l'impact qu'a eu l'école dans le processus de mise en discipline des populations locales, nous verrons ici les raisons qui ont poussé les allemands à scolariser les autochtones ; ensuite, nous verrons le processus de scolarisation.

A. L'ADMINISTRATION, LES MISSIONS ET L'ENSEIGNEMENT DANS LES COLONIES

Jusque là, tout était concentré sur les profits à tirer des colonies. Le rôle des populations locales comme moteur de l'économie avait été négligé. On ne le découvrit qu'à partir des années 1907. En effet, lors d'une discussion sur la conception d'une politique coloniale B. Dernburg disait :

«Colonisation, peu importe qu'elle soit de peuplement ou d'exploitation, veut dire utilisation du sol... et surtout de ses ressources humaines au profit de la nation colonisatrice. Celle-ci est tenue, en retour, au don de la culture supérieure, de ses concepts moraux et de ses meilleures méthodes de travail. Or l'indigène est l'objet primordial de la colonisation, plus particulièrement dans nos colonies d'exploitation. Puisque l'esclavage a été aboli, les ouvriers aptes au travail ne peuvent plus être obtenus que par contrat soit de notre propre colonie, soit des colonies voisines. Il y a donc là un problème éminemment important, puisque le travail des indigènes constitue l'actif le plus sérieux» (Essiben 1980).

Par la création des instituts agricoles, la nécessité de rendre aisé l'exploitation économique de leur colonie poussera les Allemands à élaborer un dispositif éducatif pour se fournir en main-d'oeuvre de qualité. Cela se fit après plusieurs débats.

1. Les programmes scolaires et la socialisation des colonisés

Le développement de l'économie engendrait une demande toujours plus forte d'auxiliaires de l'administration et le problème de leur formation se posait avec acuité. Pour la résoudre, l'administration ne disposait que de deux écoles publiques en 1897. L'école publique de Douala et une école d'agriculture à Victoria. L'enseignement était laissé entre les mains des missionnaires qui enseignaient pour la plupart en langue locale. Leurs enseignements étaient tournés pour la plupart vers la religion. C'est d'ailleurs pour cela que face aux pressions des missionnaires pour la fermeture des écoles publiques, le gouverneur Puttkamer faisait remarquer qu'il n'était pas opportun de fermer l'école publique de Douala car « les établissements confessionnels n'étant pas encore en mesure de former le personnel subalterne nécessaire » (Essiben 1980 : 36).

Par ailleurs, le rôle aussi bien politique qu'économique des écoles directement contrôlées par le gouvernement avait fait son chemin. Les écoles représentaient un moyen essentiel d'éduquer les indigènes dans l'intérêt colonial. Seulement, les écoles étant dans les mains des missionnaires, il fallait trouver un moyen d'orienter le programme de celles-ci dans l'intérêt de l'administration. Alors, par l'octroi des subventions aux écoles confessionnelles, l'administration allemande allait réussir à faire accepter aux missionnaires un programme se concentrant sur l'enseignement de l'allemand. Ceci aboutira à l'établissement de la loi scolaire de 1910 dont l'article premier conférait au gouvernement la surveillance générale de toutes les institutions scolaires du territoire. Pour s'assurer de l'application intégrale des programmes, une commission des examens présidée par un fonctionnaire de l'administration coloniale serait formée chaque année dans chaque district. Les examens de fin d'année se feraient en sa présence et la commission déterminerait, d'après les résultats obtenus, le montant des subventions à allouer à chaque société missionnaire. Lorsqu'on regarde la répartition des horaires des enseignements dispensés, on voit la direction dans laquelle l'administration orientait l'enseignement. Comme le montre le tableau suivant, l'enseignement était essentiellement orienté vers l'apprentissage de la langue allemande :

Tableau 2 : Horaires des cours dispensés par les Allemands

 

Première année

Deuxième année

Troisième année

Quatrième année

Cinquième année

allemand

2 h

3 h

4 h

4 h

4 h

observation

2 h

2 h

2 h

 
 

calcul

2 h

3 h

3 h

3 h

3 h

géographie

 
 

1 h

1 h

1 h

histoire

 
 
 

1 h

 

Sciences naturelles

 
 
 

1 h

1 h

Total

6 h

8 h

10 h

10 h

10 h

Source : Essiben Madiba, Colonisation et évangélisation en Afrique, l'héritage scolaire du Cameroun (1885-1956), p. 39.

L'enseignement de la langue allemande à des personnes issues de contrées différentes et ayant chacunes sa propre langue constitue une étape importante dans le processus de construction de l'Etat du Cameroun. Désormais, des personnes appartenant à des espaces géographiques différents pouvaient communiquer sans difficulté. Naitra alors des valeurs reconnues et partagés par tous.

Avec ce système d'enseignement, le gouvernement avait réussi à mettre un frein à l'expansion des langues indigènes qu'utilisaient au départ les missionnaires pour l'enseignement. En mettant l'accent sur l'allemand, le gouvernement atteignait son but qui était l'expansion de la culture allemande.

« La mémorisation de chants et poèmes patriotiques donnait aux élèves l'occasion de s'identifier avec la puissance coloniale. Avec l'étude des membres de la famille impériale, de la guerre franco-prussienne de 1870/1871, avec la connaissance des empereurs allemands depuis le 18 Janvier 1871, l'histoire apportait sa contribution à l'expansion de l'amour de la patrie. La géographie enfin permettait aux enfants de connaître non seulement l'Allemagne, mais aussi ses possessions outre-mer » (Essiben 1980 : 39-40).

Par le biais de l'école, les autorités politiques allemandes vont inculquer des principes et des valeurs partagées par des populations jusque là disparates. Par l'acquisition de ces connaissances partagées par des populations jusque là disparates, mais aussi par la normalisation de cette nouvelle institution qui s'impose à tous, les Camerounais vont acquérir des habitudes telles que celle d'avoir une autorité administrative commune décidant pour l'ensemble. Ceci va favoriser en quelque sorte la construction de l'Etat.

2. La création des instituts agricoles

Le principal artisan de l'essor des plantations situées sur les pentes du Mont-Cameroun fut l'institut d'expérimentation agricole installé à Victoria. Il contribua de manière concluante au perfectionnement de l'agriculture tropicale et à l'introduction de nouvelles cultures dans le territoire du Cameroun.

Dès 1889, un jardin botanique avait été fondé sur l'initiative du gouverneur von Soden pour soutenir l'aménagement des plantations et étendre ainsi peu à peu le champ des expériences agricoles. Dans la même lancée, il devait former des indigènes pour les seconder. Seulement, la politique agricole prévalant à cette époque ne permit pas l'aboutissement du projet et ce malgré la proposition du Professeur Hass relative à la création à Victoria d'une école d'agriculture destinée aux indigènes19(*). En 1914, ce jardin se divisa en deux sections, l'une botanique et l'autre biochimique. Il était orienté vers l'amélioration des cultures existantes, la fourniture des semences et des plants et enfin, la recherche des moyens de lutter contre les parasites (Etoga Eily 1971 : 191).

D'autres jardins d'essais de moindre envergure furent aménagés à Buéa et à la Maison Musaké. Ces petits jardins s'occupaient à peu près exclusivement de la culture des plantes tropicales de montagne et de leur adaptation aux diverses altitudes.

Tout ceci eut un impact sur les populations concernées. Les missionnaires recoururent à plusieurs artifices pour pousser les indigènes à travailler pour les allemands. Comment réussirent-ils à faire en sorte que les Camerounais travaillent non seulement des terres qui leurs étaient prises mais surtout au profit de ceux qui les avaient spoliés ? Comment l'institution de l'école participera t-elle au contrôle des populations ?

B. LA CONTRIBUTION DES ENSEIGNEMENTS AU CONTRÔLE DES POPULATIONS CAMEROUNAISES ET A LA NAISSANCE D'ACTEURS LOCAUX POUVANT NEGOCIER LEUR STATUT AVEC LES AUTORITES ALLEMANDES

Par la recherche d'une main-d'oeuvre scolarisée pour leurs plantations, les allemands ont de façon volontaire ou pas, contribué à l'homogénéisation des peuples résidants sur le territoire du Cameroun.

Même si la notion de leur droit était encore flou pour certain, il est tout de même juste de dire que certains pouvaient confusément percevoir dans ce nouveau système éducatif un moyen de changer de statut social. En effet, Joseph Mbassi (1986 : 264) montre dans une enquête qu'il a effectuée auprès d'anciens élèves de la période allemande que certains espéraient obtenir un travail rémunéré après leurs études. Sur les huit personnes interrogées et ayant fréquentées une école, cinq ont pu trouver un travail auprès des européens ; un comme instituteur, deux comme infirmier, deux comme agents agricoles auxiliaires. Même si la garantie de l'emploi n'était pas assurée, il faut remarquer que beaucoup d'élèves du primaire trouvaient alors plus facilement un travail rémunéré que ceux n'ayant pas été à l'école.

A travers la création d'écoles d'agricultures et la formation d'indigènes dans l'agriculture, les Allemands vont réussir peu à peu à inculper de nouvelles habitudes aux Camerounais.

Par une politique agraire timide au départ, les Allemands vont progressivement adapter celle-ci aux besoins de leur économie. C'est ainsi que la mise en administration de la société camerounaise se fera de manière progressive mais certaine. Ceci s'observera par l'accroissement des pouvoirs des administrateurs locaux. Par ailleurs, on note ici un renforcement des pouvoirs des gouverneurs. En effet, dans la circulaire du gouverneur du 18 avril 1910, touchant la procédure à suivre dans la conclusion de contrat de vente et de location de parcelles foncières, le gouverneur Seitz stipule que :

" Si le prix d'achat est déjà payé, le vendeur doit être rappelé à l'obligation de le restituer dans le cas de refus de mon autorisation. Surtout, toutes les parties doivent être instruites de ce que le contrat n'a pas de force juridique ni ne donne aucune garantie tant que je n'ai pas donné mon autorisation. Si le tuteur ou quelques indigènes ne sont pas d'accord sur le contrat et si l'on n'a pas réussi à amener une entente, il y a lieu de clore la tractation et, dans la cas où une partie le requiert, ou si cela paraît exigé pour d'autres motifs, de me le soumettre."20(*)

Dans le souci de pouvoir revendiquer des droits et justifier certaines de leurs actions, les populations locales se voient dans l'obligation d'apprendre la langue des Allemands pour pouvoir communiquer avec ces derniers. Ceci marque le changement de régime dans la colonie du Cameroun. Loin de toujours en référer aux autorités politiques de l'empire, les autorités allemandes présentes au Cameroun jouissent désormais d'une certaine marge de manoeuvre. Ceci va concourir à la spécificité de la mise en administration de la société camerounaise car ces autorités vont parfois adapter leurs décisions au contexte local.

Aussi, par l'apprentissage d'une langue commune, des Camerounais qui jusqu'alors ne se connaissaient pas et ne pouvaient pas pour la plupart communiquer entre eux vont apprendre à se connaître à travers la cohabitation dans les plantations. La naissance d'un intérêt commun va favoriser la naissance d'une société camerounaise.

Loin d'être passif, les Camerounais vont essayer de tirer profit du système. Par ailleurs, la force n'étant pas le seul mode de domination, les autorités allemandes, dans la recherche d'un équilibre favorisant une politique agricole efficace, vont essayer d'amadouer les autochtones.

TROISIEME CHAPITRE :

LA RECHERCHE D'UN EQUILIBRE ENTRE POUVOIR POLITIQUE ALLEMAND ET SOCIETES POLITIQUES TRADITIONNELLES POUR LA CONSTRUCTION D'UNE POLITIQUE AGRICOLE EFFICACE

Gouverner, c'est structurer le champ d'action éventuel des autres. Dans le souci de mettre en valeur le territoire du Cameroun, les acteurs politiques Allemands seront en quête de moyens. Dans cette quête de moyens, le pouvoir allemand se heurtera aux princes sociaux qui avant lui les avaient capté. Ceci d'autant plus que le mot richesse évoque généralement une armée de serviteurs et celui de puissance une suite de soldats. Or partout et toujours, le travail humain a été exploité, les forces humaines domestiquées. De là, le pouvoir allemand dans sa croissance aura pour victimes prédestinées et pour opposants naturels les puissants, les chefs de files, ceux qui exerçaient une autorité et possédaient une puissance dans la société avant son arrivée (Jouvenel 1972 : 260-261).

Alors, s'établira une relation de pouvoir dans laquelle autant les gouvernants que les gouvernés disposeront de ressources qui feront d'eux des acteurs pertinents. En fait, au sein d'une organisation, les individus possèdent une part de pouvoir liée à leur position qui leur confère la maîtrise de «zones d'incertitudes» c'est-à-dire des fonctions (noeuds de communication par exemple) qu'eux seuls possèdent. Et " plus la zone d'incertitude contrôlée par un individu ou un groupe social sera cruciale pour la réussite de l'organisation, plus celle-ci disposera de pouvoir " (Crozier et Friedberg 1977 : 66). Ceci ferra en sorte que la conservation du monopole par le pouvoir allemand s'avérera extrêmement difficile à toutes les étapes du déroulement de sa politique agricole. Surtout que la terre et les hommes, principaux éléments de la richesse dans la plupart des sociétés traditionnelles camerounaises, seront arrachés aux Camerounais.

Or du fait que la transformation globale de la société " entraîne une lente diminution de pouvoir entre les groupes dominants et les couches sociales " (Elias 1991 : 77-78), on verra la réduction et même la disparition des champs d'action et par la même, la diminution du potentiel de pouvoir de certains groupes sociaux. Dans le souci de ne pas perdre leur statut antérieur, les anciens détenteurs de pouvoir se verront dans l'obligation soit de collaborer, soit de résister dans l'espoir de maintenir, d'accroître ou de ne pas perdre leur statut antérieur. Face à des acteurs déterminés à conserver une parcelle de leur pouvoir et mobilisant pour cela des ressources dont ils avaient besoin pour asseoir leur domination, les Allemands intègreront des acteurs locaux dans leur politique. Seulement, chaque individu poursuivra des objectifs et des stratégies propres et qui se trouveront éventuellement décalés par rapport à la scène politique centrale (Bayart, Mbembe et Toulabor 1992 : 11).

Toutefois, la nécessité d'intégrer les colonisés dans le processus d'exploitation se faisait sentir dans la mesure où " la construction d'un ordre social est toujours un processus d'accommodation incertain de gestion des contradictions sociales et de réduction des conflits sociaux " (Commaille et Bruno 1998 : 123). Les stratégies coloniales allemandes d'extraction des richesses du Cameroun ne vont pas seulement modifier les règles préexistantes qui commandaient l'accès aux ressources productives. Elles leur en superposeront d'autres ainsi que de nouvelles modalités de les appliquer. Du coup, l'économie juridique précoloniale, avec ses dispositifs d'incitation et de sanction, ne fut ni entièrement détruite, ni entièrement intacte.

L'objectif ici est de voir dans quelle mesure l'introduction de nouvelles cultures et par conséquent d'un nouveau pouvoir politique nécessitant l'accord tacite des dominés débouchera sur une nouvelle configuration sociale. Par la collaboration des populations et aussi par les résistances aux nouvelles techniques agricoles, les Allemands vont réussir à forcer une cohabitation entre les différents groupes sociaux existant sur le territoire camerounais.

SECTION I : UNE CONJONCTURE LOCALE  " FAVORABLE " AU NOUVEL ORDRE POLITIQUE

Comment l'ordre colonial, représenté par un personnel aussi réduit, s'est-il si longtemps imposé aux Camerounais ? Etait ce dû  à un «désir de pouvoir»21(*) ? Interrogation cruciale d'autant plus qu'affirmer qu'un individu désire le pouvoir qui s'exerce sur lui, veut simplement dire qu'il en perçoit confusément le caractère bénéfique (Lagroye 1991 : 392). En même temps que les institutions s'imposent à nous, nous y tenons ; elles nous contraignent et nous trouvons notre compte à leur fonctionnement et à cette contrainte même (Durkheim 1967 : XX-XXI). Par ailleurs, les institutions déterminent en grande partie les cadres mentaux des participants, elles établissent les conditions pour l'obtention de la docilité et donc de la rationalité dans la société (Meny et Thoenig 1989 : 78). Or, la plupart des théories politiques distinguent deux types de rapport au pouvoir chez les individus : le rapport de sujétion ou d'obéissance subie et le rapport de consentement ou d'obéissance volontaire c'est-à-dire l'acquiescement des individus, une acceptation du pouvoir et de ces manifestations (Lagroye 1991 : 390). Ici, c'est le deuxième type qui nous intéresse et nous analyserons les dispositifs sociaux qui ont réorganisé en sous main le fonctionnement de la société camerounaise.

I- L'ADHESION VOLONTAIRE DES POPULATIONS INDIGENES AU NOUVEL ORDRE SOCIO-POLITIQUE INSTITUE PAR LES ALLEMANDS

Aussi longtemps que les routines de la vie quotidienne continuent à exister sans interruption, elles sont perçues comme non problématiques. Mais même le secteur non-problématique de la réalité quotidienne n'est pas interrompu par l'apparition d'un problème. Quand celui-ci apparaît, la réalité de la vie quotidienne cherche à intégrer le secteur problématique à ce qui est déjà non-problématique (Berger et Luckmann 1996 : 38). L'introduction des cultures de rente comme nouvelle problématique devra être intégrée par les populations dans les routines de leur vie quotidienne. La routinisation de cette nouvelle vision de la vie quotidienne sera pour certain un moyen de changer de classe sociale ou bien d'accroître leur puissance.

En effet, la stratification de certaines sociétés traditionnelles va favoriser en quelque sorte l'enracinement du pouvoir allemand au Cameroun dans la mesure où l'organisation sociale existant favorisait certains au détriment des autres. Aussi, certaines populations désireuses de s'enrichir accueilleront-ils favorablement ce nouvel ordre. Après avoir vu les fondements sociaux ayant favorisé le contrôle des populations camerounaises, nous verrons par la suite l'impact de la possibilité de s'enrichir sur la cohésion nationale.

A. DE L'IMPOSITION DES CULTURES DE RENTE A LA TRANSFORMATION DE LA NOTION DE RICHESSE ET DE PUISSANCE

L'avènement des Allemands au Cameroun et l'imposition de leur pouvoir par le biais des cultures de rente a trouvé un terrain propice. En effet, l'organisation sociale de certaines unités politiques peut expliquer la présence de ces désirs inavoués des populations qui voyent dans ce nouveau pouvoir un moyen de s'enrichir. L'insertion des groupes sociaux subordonnés dans le champ politique peut parfois se traduire par l'adhésion au pouvoir par le consentement des dominés à leur domination. «Ceux-ci poursuivent en fait des objectifs et des stratégies qui leur sont propres et qui éventuellement se trouvent décalés par rapport à la scène politique centrale», (Bayart, Mbembe et Toulabor 1992 : 11).

Cette attitude favorable à l'ordre allemand peut s'expliquer par l'organisation de la production et de la distribution des biens au sein de l'exploitation familiale. Cette organisation suivait une logique bien définie. A l'Ouest-Cameroun par exemple, l'exploitation familiale suit des règles sociales qui prescrivent les droits et les obligations de chacun selon sa position au sein des structures de parenté. Le chef de famille prend les décisions de production pour tous les hommes sous sa responsabilité. Les ressources accumulées par les hommes non mariés reviennent au chef de famille et en contrepartie, il a obligation de pourvoir à leurs besoins quotidiens. La stratification sociale joue un rôle important et les cadets (hommes célibataires) sont intégrés aux mécanismes de l'économie de subsistance et du commerce. Ne possédant pas de capital, les cadets dépendent entièrement du chef de famille et ont une forte motivation à s'engager dans l'économie familiale pour accélérer l'accumulation de la dot de leur première femme pour pouvoir devenir indépendants et eux-mêmes chef de famille. Les femmes, éléments fondamentaux dans l'exploitation familiale car formant la main-d'oeuvre principale et permettant d'accroître le poids démographique d'une famille, sont importantes dans le statut social (Fark-Grüninger 1995 : 32). La recherche du prestige social qui ne peut se réaliser que dans une situation de chef de famille ne peut s'obtenir que par le mariage pour les cadets. Or, c'est le chef de famille qui contrôle l'allocation des femmes à travers les modalités de mariages. Il y a donc un conflit latent entre eux (Fark-Grüninger 1995 : 41). Soucieux de rassembler rapidement la dot de leur première épouse, certains cadets sociaux s'initieront au commerce avant l'arrivée des Allemands. Cette envie d'acquérir des biens peut expliquer la prédisposition favorable de certains Camerounais à l'instauration de l'ordre allemand.

Or du fait qu' « il n'y a de chance pour le nouveau pouvoir que s'il répond à des dispositions et à des désirs souvent inavoués du peuple» (Freund 2004: 219), les Allemands trouveront dans ces désirs une courroie de transmission pour l'imposition des nouvelles cultures. L'introduction d'un nouveau système économique au Cameroun va s'appuyer sur ces populations. Quel sera l'impact de l'arrivée des Allemands ?

B. IMPACT DE L'ATTRAIT DES NOUVELLES POSSIBILITES D'ENRICHISSEMENT SUR LA COHESION NATIONALE

Dans une certaine mesure, le désir de certaines populations de changer de statut va les pousser à se mettre au service du pouvoir allemand. Le mouvement vers les plantations provoquera un exode rural qui favorisera le brassage des populations. Cet exode rural dans lequel on reconnaît une conduite politique dénote dans une certaine mesure de la capacité à agir des acteurs locaux et de leur capacité de décider d'accepter le pouvoir allemand dans lequel ils sentent une possibilité d'en tirer profit. Loin d'avoir toujours été le fruit de la peur de la répression des forces allemandes, ne pouvons-nous pas penser que certaines populations ont opté de manière volontaire de composer avec le pouvoir externe ?

Par ailleurs, l'envoi volontaire des enfants dans les écoles allemandes a été un élément constitutif de la participation des populations. Par le biais de l'école, certaines couches sociales vont espérer changer leur statut social. Comme le démontre les études de Gomsi, la plupart des élèves espéraient travailler pour les Allemands. Ces fonctions devaient leur permettre d'avoir des moyens financiers pour payer leurs taxes. On peut donc dire avec Jaffrelot et Dieckhoff (2006 : 49) que,

« L'entrée dans le système éducatif des populations de plus en plus éloignées des grands centres, qui comprennent qu'apprendre la langue dominante et posséder une instruction minimale sont les conditions nécessaires de leur ascension sociale et de leur capacité à défendre leurs droits vis-à-vis de l'administration de l'Etat-nation en construction », a été une des stratégies adoptées par les acteurs locaux.

Au delà de ceci, les Allemands avaient besoin de la collaboration des autorités politiques traditionnelles. En fait, l'Etat ou les formes officielles chargées d'exercer une domination et de revendiquer le monopole de la violence organisée, ne sont pas les seuls acteurs producteurs de normes sociales et politiques. Mieux, l'Etat ne dispose pas du monopole de la production des normes légales et politiques. D'autres acteurs officiels ou non étatiques interviennent directement dans cette production. Ces groupes peuvent produire leurs propres systèmes de normes sociales et légales - voire politiques - susceptibles d'être compatibles ou non avec l'ordre étatique et d'entrer en compétition avec lui.

Nécessité s'est donc fait sentir d'utiliser les chefs locaux comme courroie de transmission de l'ordre politique allemand.

II-L'INTEGRATION DES CHEFS TRADITIONNELS DANS LA STRATEGIE HEGEMONIQUE DU CENTRE

Le pouvoir allemand avait besoin de médiation, de collaboration. Si on considère la colonisation comme une domination étrangère dont le but était d'établir un système, d'en assurer la pérennisation en éliminant les foyers de résistances et en mettant en place des mécanismes débouchant sur un exercice exclusif de l'autorité et du pouvoir de décision, l'installation du pouvoir colonial supposait une redistribution des rôles et une intrusion dans la société africaine. La captation des structures traditionnelles par l'inféodation des chefs à l'administration a été un moyen de mieux atteindre la population. La soumission des chefs traditionnelles à permis de transcender les micros Etats et d'aller vers la construction de l'Etat.

Quelles sont les raisons pouvant avoir poussé les chefs traditionnels à collaborer avec le nouveau pouvoir ? Était ce dû à un désir de pouvoir ? Quels profits en tiraient-ils ? Comment ont-ils aidé à la vulgarisation des cultures de rente et par conséquent du pouvoir allemand ? La participation des chefs traditionnels à l'imposition des cultures de rente dans le territoire du Cameroun s'est faite à travers le recouvrement des impôts fixés par les Allemands. Ils seront aussi des pourvoyeurs de main d'oeuvre pour les plantations allemandes.

A. LE RECOUVREMENT DES IMPÔTS ET CONTRÔLE FINANCIER DES AUTORITES POLITIQUES TRADITIONNELLES PAR LE POUVOIR COLONIAL

Du fait des moyens financiers limités, il n'était pas question pour les Allemands d'entretenir dans le territoire du Cameroun une administration purement européenne. Par ailleurs, il fallait également épargner les européens des maladies tropicales du fait du taux de mortalité élevé chez la population blanche comme l'ont montré les travaux du Docteur Plehn. En plus, étant donné que pour bien administrer il vaut mieux connaître le pays et les hommes, l'emploi des chefs traditionnels s'avérait nécessaire pour les colons car pratique et peu coûteux. La collaboration de certains chefs sera spontanée et la peur des représailles guidera d'autres. La collaboration est comprise ici comme une acceptation volontaire ou non, intéressé ou non de l'influence étrangère. L'une des fonctions essentielles des chefs sera le recouvrement des impôts de leurs sujets très enclin à se soulever. Ils leur revenaient donc la charge de discipliner leurs sujets.

Moyennant une commission, les chefs furent appelés à faire rentrer l'impôt. La commission des chefs étaient de 10% des sommes versées avant le 1er Octobre et de 5% de celles remises après cette date (Gomsu 1986 : 138). Ceci est confirmé par la lettre de l'officier divisionnaire de Bamenda écrite le 9 avril 1916 à son supérieur. Il dit ceci:

Sir,

I have the honour to inquire whether the chief receives ten per cent of the amount collected whatever that may be or only if he collects the sum at which his village is assessed. Thus if a village is assessed at 500 Marks and the full sum is collected the chief received 50 Marks. If he collects 480 Marks does he receive 48 Marks or 30 Marks (450 Marks being the share of the government if the full sum had been collected), and does he receive 43 Marks if he collects 430 Marks, or nothing at all because the full government share has not been collected. I imagine that he receives his 10% on whatever sum he collects but should like to have a ruling on the point as early as possible.

I have the honour to be,

Sir,

Your obedient servant,

Divisional officer

The resident,

At Bamenda.

P.S .In translations of German law n°3 para 9, it reads «the chiefs entrusted with the collection of taxes can be reserved up to 10% of these taxes with the consert of the governor» but in Mr. STOBART's memorandum para. 5 (under cover of provincial circ. n°16), the chief appears to receive the 10% as a matter of course22(*).

De ceci, il ressort que les chefs percevaient bel et bien une ristourne qui était proportionnelle à la somme globale remise à l'administration. Il était donc dans l'intérêt des chefs que ces sommes fussent les plus importantes possible. Aussi, leur collaboration était d'autant plus facilement acquise qu'ils y trouvaient leurs intérêts. Non seulement la collaboration des chefs contribuaient à la mise en discipline des Camerounais, mais en plus, cette acceptation et cette soumission au pouvoir allemand suppose la reconnaissance d'un pouvoir unique de décision par l'ensemble des autorités traditionnelles collaborateurs. Plus, la collaboration marque le passage d'une société composé de `'micro Etat'' à une vision plus globale de la société camerounaise. Cette collaboration s'étendait aussi dans la réquisition de la main-d'oeuvre.

B. COLLABORATION DES CHEFS TRADITIONNELS ET VULGARISATION DES CULTURES DE RENTE

L'approvisionnement en main-d'oeuvre des différents secteurs de l'économie coloniale a été l'un des rôles des chefs traditionnels qui collaboraient avec les autorités allemandes. Gomsu Joseph (1986: 139) dit qu'au début de l'aménagement des grandes plantations sur la côte, les colonisateurs concluaient des traités avec les chefs qui se montraient matériellement intéressés pour trouver les travailleurs nécessaires. A cette fin, il existait entre le chef Galega de Bali et les dirigeants de la WAPV (Westafrikanische Pflanzungsgesellschaft Victoria) un accord pour livraison de 2000 travailleurs par an. Concernant cet accord, le témoignage du journal Deutsche Reichs-Post dans une enquête du 15/8 au 12/9/1900 dit que " depuis la mort du Dr. Zintgraff, la société de plantation ouest africaine, Victoria (WAPV) est approvisionnée en travailleurs par le Roi Galega de Bali ; en contrepartie Galega reçoit chaque année pour 300 marks de cadeaux et la visite d'un dirigeant de la société " (Gomsu 1986 : 140).

Par ailleurs, lorsque certains chefs refusaient de passer ce genre d'accord, les colonisateurs employaient un mode de recrutement particulièrement coercitif. En fait, la contraindre à la collaboration par la force peut légitimer un pouvoir, c'est-à-dire peut faire en sorte que ce nouveau pouvoir soit tacitement reconnu. Le seul bénéfice que peut retirer celui qui subit la contrainte est alors la suspension temporaire des effets des plus coercitifs de celle-ci ; s'établit alors une sorte de relation. Dans cette optique, le gouverneur von Puttkamer va décréter que tout village dont les habitants s'enfuiraient à l'approche des agents de recrutement, serait réduit en cendre (Gomsu 1986 : 140). Les troupes coloniales étaient en effet là pour persuader les chefs de collaborer mais participèrent aussi à l'approvisionnement des plantations en main d'oeuvre. Au cours des campagnes militaires, la schutztruppe recruta par voie de contrainte, de nombreux travailleurs. C'est ainsi qu'en mars 1905, le lieutenant Rausch fit une incursion dite punitive dans la chefferie de Bamendu en pays Bamiléké et en ramena 61 travailleurs. Ensuite, Rausch exigea l'envoi par an de 200 autres travailleurs dans les plantations de la côte (Saha 1993 : 83). Ce fut là le plus important point de ce qui passait pour un traité de paix.

La collaboration des chefs fut décisive dans l'introduction et la vulgarisation des cultures de rente. Les colons se servaient de l'influence des chefs pour promouvoir les cultures d'exportation dans la mesure où lorsque les chefs acceptaient de cultiver le café ou le cacao, les sujets suivaient généralement l'exemple. Ceci était d'autant plus nécessaire qu'on avait découvert avec l'arrivée de Bernhard Dernburg au secrétariat d'Etat aux colonies que les colonisés constituaient un élément dynamique dans l'exploitation des colonies.

Le recouvrement des impôts et la vulgarisation des cultures de rente par les chefs traditionnels camerounais participent à la reconnaissance d'une autre autorité politique au dessus d'eux. Cette attitude a favorisé dans une large mesure la mise en place d'une entité étatique au Cameroun dans la mesure où ces autorités politiques traditionnelles appartenaient à des espaces différents. Malgré leur disparité, tous ces chefs prêtaient allégeance au même pouvoir politique dont ils reconnaissaient la supériorité.

La collaboration volontaire des chefs a contribué à la construction de l'Etat dans la mesure où en intégrant la logique coloniale, ils abandonnent leur souveraineté et oeuvrent ainsi à la fin des micros Etats. La soumission marque l'acceptation de cette globalité ce qui contribue à la construction de l'Etat car tous adhèrent désormais à une même vision de la société.

Toutefois, la collaboration des chefs ne manquait pas de révéler quelques velléités d'opposition, opposition qui se traduisait souvent par la désobéissance civile. Tant qu'il y a régime d'oppression, la résistance à l'oppression existe. Comment les Allemands vont-ils réussir à imposer leur ordre politique à travers les résistances ? Comment cela va-t-il contribuer à la naissance de l'Etat camerounais ?

SECTION II : DE LA NEGOCIATION, DE L'IMPOSITION D'UN ORDRE ALLEMAND AU PROCESSUS DE STABILISATION DU JEU POLITIQUE

Le pouvoir politique est confronté au dilemme de négocier avec les détenteurs de ressources, et donc avec les groupes dominants, l'extraction des ressources nécessaires à son action. Le politique ne maîtrise pas totalement la production des ressources nécessaires à son action même s'il dispose de capacité de contrainte pour les obtenir. «Il en résulte une incitation forte à construire des régulations systématique qui menacent les positions sociales de ceux qui dominent les sous systèmes», (Commaille et Bruno 1998 : 124). De ceci, naîtra donc dans la société camerounaise des tensions entre les anciens groupes dominants et le nouvel ordre qui s'installe. Certaines populations ainsi que certaines autorités politiques traditionnelles vont résister à ces changements. Par le biais de ces résistances, nous verrons ici comment les Allemands vont réussir à poser les prémisses de l'Etat camerounais.

I- LA RESISTANCE COMME MOYEN FAVORISANT LA NAISSANCE D'UNE UNITE NATIONALE

L'imposition d'un ordre politique suppose l'existence d'une capacité de violence physique conséquente permettant à une direction administrative de revendiquer avec succès dans l'application du règlement, le monopole de la contrainte organisée. Ce nouvel ordre politique ne sera pas accepté sans résistance car, là où existe un régime d'oppression, existe aussi une résistance à l'oppression. "C'est la conquête qui permet de définir la disproportion des rapports de force, puisqu'elle indique qui est le plus puissant et qui est le moins puissant" (Laurens 2009 : 44). Nous verrons ici le refus de l'acceptation de l'ordre allemand et l'impact de la soumission forcée dans le processus de formation de l'Etat camerounais.

A. LES CHEFS TRADITIONNELS, LES POPULATIONS CAMEROUNAISES ET LE REFUS DE L'ACCEPTATION DE L'ORDRE ALLEMAND

Le pouvoir en quête de moyens se heurte aux princes sociaux qui avant lui les avaient captés (Jouvenel 1972 : 260). Or, ceux-ci vont essayer de conserver leurs acquis. Le pouvoir allemand qui s'installe dans le territoire du Cameroun n'est pas le seul acteur producteur de norme sociale et politique. Il s'ensuit que d'autres pouvoirs sociaux existent et à l'endroit desquels les hommes sont aussi débiteurs d'obéissance et de services. Certains de ces groupes qui avaient produit leurs propres systèmes de normes sociales entreront en compétition avec l'ordre allemand. Parmi les grandes résistances, le Cameroun a connu celles engagées contre la pénétration allemande et celles liées au refus de certains abus du pouvoir allemand.

1. Les résistances à la pénétration allemande

Ces résistances furent nombreuses mais la plupart était due à la résistance au changement. Le refus de la transformation du système d'action, le refus de l'apprentissage de nouveau rapport sociaux et la volonté de conserver les zones d'incertitudes que certains acteurs locaux contrôlaient sont autant de facteurs qui ont conduit certaines populations à résister. Les acteurs vont « chercher à orienter le changement de telle sorte qu'ils puissent maintenir, sinon renforcer la zone d'incertitude qu'ils contrôlent » (Crozier et Friedberg 1977 : 334).

La résistance Bangwa et celle des peuples Mbo sont parmi les plus connues. La conquête de Bangwa (1899-1903) intervient au moment où le gouverneur von Puttkamer opte pour une occupation énergétique (Saha 1993 : 25). Le besoin croissant de main-d'oeuvre pour les plantations allemandes qui se développaient rapidement autour du mont Cameroun ainsi que la mort controversée de Conrau sont tant de facteurs qui vont concourir à la déclaration de guerre au peuple Bangwa. Sur la mort de Conrau, Victor Julius NGOH dit que Conrau avait été capturé par les Bangwa qui l'accusaient de trafic d'esclaves. En effet, en 1898, des porteurs Bangwa avaient été engagés dans des travaux de plantation malgré eux. Et quand Conrau était revenu à Fontem en 1899 sans eux, les Bangwa conclurent à l'esclavage et le firent prisonnier. C'est durant une tentative infructueuse de fuite que Conrau trouva la mort. Après plusieurs expéditions menées par le capitaine von Besser et par la suite par Pavel et enfin par le capitaine Langheld en 1903, Bangwa finit par rendre les armes.

Quand aux peuples Mbo, ils étaient opposés à toute influence européenne. D'après Zacharie Saha, les Mbo entretenaient des foyers de troubles. L'insécurité était généralisée et les routes désertées. C'était une situation périlleuse dans laquelle la construction du Nordbahn aurait été impossible de même que le recrutement de la main-d'oeuvre pour les plantations côtières. En août 1905, une campagne énergétique sera engagée contre les Mbo sous la supervision du Capitaine Schniewindt. Ce n'est qu'en 1906 que celle-ci prit fin avec une résistance remarquable de la part des peuples Mbo qui par leurs contacts commerciaux avec les tribus côtières avaient très vite appris le maniement des armes européennes telles que les fusils à poudre à feu (Saha 1993 : 42).

Bien d'autres résistances de ce type eurent lieu. Mais à côté de ce genre, il y a eu des résistances face aux abus de pouvoir allemand.

2. Les résistances aux abus du pouvoir allemand

La résistance la plus connue est celle des peuples Doualas face à l'expropriation des populations Doualas. Mais à côté, il y a celle de Martin Paul Samba. Nous allons faire ressortir ici l'historique de ces deux résistances et analyser l'impact qu'elles ont eut sut la constitution de la société camerounaise.

a. Des règles générales concernant l'expropriation dans les colonies allemandes à la résistance des Doualas

Dans le souci de pouvoir disposer des terres de la colonie à tout moment, les Allemands vont élaborer des textes juridiques pour légitimer l'expropriation des anciens propriétaires de la terre convoitée pour cause d'utilité publique. Ici, il s'agira d'analyser les textes règlementant l'expropriation dans les colonies allemandes et par la suite, comment ces textes seront appliqués dans le cas des doualas.

i. Règles générales concernant l'expropriation dans les territoires allemands d'Afrique et de la mer du Sud

C'est l'ordonnance impériale concernant l'expropriation de bien fonds dans les protectorats d'Afrique et de la mer du Sud du 14 février 1903 qui organise les mesures d'expropriation. Les autorités administratives pouvant décider si la procédure d'expropriation pouvait être faite étaient en règles générales le gouverneur ou le chef administratif d'une province. Mais de manière plus précise, le paragraphe 31 de ladite ordonnance précise que :

" La procédure d'expropriation est de la compétence du chef administratif du district dans lequel se trouve le terrain qui doit être expropriée ou auquel est lié le droit atteint par l'expropriation. Si le terrain est situé dans les districts de plusieurs administrations, le gouverneur désigne alors l'administration compétente, il peut aussi ordonner le partage de la procédure d'après les districts.

Le chancelier fixe quelle administration doit prendre en main les attributions accordées dans cette ordonnance au chef de district pour les territoires qui n'appartiennent à aucun bureau de district (Ministère des affaires étrangères, section coloniale).

Il est aussi autorisé à régler la compétence des administrations pour la procédure d'expropriation dans certains protectorats par dérogation à cette ordonnance." 23(*)

C'est ainsi qu'en cas d'utilité publique, comme le mentionne le paragraphe 1 de la même ordonnance, des propriétés deviennent terres de la couronne. Le passage de ces terres à la couronne suit une procédure détaillée par les allemands dans cette ordonnance. En effet, l'ordonnance énonce clairement les trajectoires à suivre.

"Si l'ouverture de la procédure est accordée, le gouverneur doit publier une description de l'entreprise (...) pendant un certain délai, pour que chacun puisse prendre connaissance ; le délai doit être d'un mois au moins. Début, durée et lieu de la publication doivent être communiqués avant le début du délai conformément à l'usage local. (Paragraphe 5)

Pendant le délai prévu au paragraphe 5, chaque intéressé peut faire des objections par écrit ou par procès verbal à l'administrateur du district. (Paragraphe 6)

A l'expiration du délai, l'administrateur doit fixer une réunion pour y discuter des objections. (Le compte rendu) de la réunion doit être publié officiellement conformément à l'usage local. Le preneur et les intéressés connus doivent être convoqués à la réunion. (...) Le soin d'inviter des témoins et experts de prendre part à la réunion incombe à l'administrateur. L'administrateur doit faire remarquer qu'un accord concernant l'indemnité doit être pris en même temps dans cette réunion. (Paragraphe 7)

Après clôture des discussions (négociations), l'administrateur doit soumettre au gouverneur avec son avis si le droit d'expropriation peut être décerné. Celui-ci prend la décision si et dans quelle mesure le droit d'expropriation sera décerné (...). La décision doit être rédigée par écrit munie de motifs et être expédiée aux intéressés, et outre cela, être publié conformément à l'usage local. (Paragraphe 8)

La décision d'expropriation doit être communiquée à la personne ayant droit à l'indemnité et au preneur. Aussitôt après remise faite, l'administrateur doit instruire le bureau du cadastre de la décision. (Paragraphe 17)

Par la remise de la décision d'expropriation à la personne ayant droit à l'indemnité, le preneur acquiert la propriété, (Paragraphe 19)."

Ce qui précède concerne de manière générale les propriétés acquises par les européens. Ces mesures concernaient aussi les mines. Pour ce qui concerne l'expropriation des droits des indigènes, le paragraphe 24 de la même ordonnance précise que :

" Dans la mesure où le droit contre lequel s'adresse l'expropriation, appartient à un indigène, c'est l'administrateur sur demande du preneur qui décide après avoir pris des renseignements (...) Il fixe donc le délai pour faire valoir la manière et l'importance de l'indemnité à accorder."

Par ailleurs, des précisions seront apportées plus tard à cette ordonnance impériale. C'est ainsi que dans l'ordonnance du chancelier du 12 novembre 1903 pour l'exécution de la section IX de l'ordonnance impériale concernant l'expropriation des biens fonds dans les protectorats d'Afrique et de la mer du sud du 14 février 1903, des éclaircissements sont apportés sur la procédure d'expropriation. Il est noté au paragraphe 5 que :

" Si la procédure d'expropriation est introduite, l'établissement des surfaces à exproprier se fait alors par la commission territoriale (ou foncière) en application conforme au sens des prescriptions contenues aux paragraphes 324(*) et 425(*) de l'ordonnance domaniale pour le Cameroun du 15 juin 1896 en ce qui concerne la séparation de surfaces en faveur des indigènes lors de la prise de possession du terrain de la couronne et de la formation des commissions territoriales pour détermination et la recherche du terrain de la couronne.

La décision concernant l'indemnité à accorder à l'actuel propriétaire se fait sur rapport du gouverneur après l'audition des intéressés par le chancelier. "26(*)

Comme on le constate, les Allemands avaient mis sur pied un véritable instrument juridique réglementant l'expropriation dans leurs colonies. Comment celles-ci seront-elles appliquées dans le cas de l'expropriation dont sera sujette les populations doualas ?

ii. De la résistance des Doualas à leur expropriation

Dans le souci de détenir le territoire de la ville de Douala, le gouvernement va entreprendre une procédure d'expropriation des populations des peuples Doualas du plateau Joss en 1910. Le gouvernement voulait devenir entièrement maître du territoire de la ville de Douala dans un délai de cinq ans. Etant donné que ledit territoire était encore propriété des Camerounais, les Allemands entreprirent une mesure visant à indemniser les Doualas. Les intéressés devaient recevoir en contrepartie 40 pfennigs par m2 en plus d'un dédommagement supplémentaire pour leurs maisons situées sur le plateau Joss (Ruger 1986 : 147). L'une des raisons du gouvernement allemand était de vouloir "empêcher les indigènes de tirer profit de la vente de leur sol et de l'utiliser eux-mêmes dans l'avenir, de sorte que l'augmentation de sa valeur profite au trésor et non aux indigènes comme ce fut le cas jusqu'alors", (Ruger 1986 : 149). Le secrétaire d'Etat aux colonies approuva le plan et fit débloquer par le gouvernement du Reich, dans le cadre de l'exercice budgétaire de l'année 1911, les moyens nécessaires pour le financement du projet.

Seulement, les populations Doualas furent contre. Malgré les deux réunions qui eurent lieu les 24 et 30 octobre 1911 et où les chefs Doualas furent informés du projet d'expropriation, aucun d'eux ne manifestera une disponibilité à livrer volontairement leur territoire. Devant la détermination du gouvernement allemand de concrétiser leur projet, ils élèveront leur protestation de manière formelle dans un télégramme le 30 novembre 1911. C'est Rudolph Manga Bell qui avait succédé à son père en 1908 qui fut chargé d'envoyer ce télégramme au Reichstag. Cependant, le Reichstag laissa le soin de décider au Bureau colonial du Reich. Le secrétaire d'Etat aux colonies, qui devait être Wilhelm Heinrich SOLF, ordonna au nouveau gouverneur Ebermaier l'exécution dans le plus bref délai du plan d'expropriation entre 1912 et 1913. C'est dans cette mesure que Manga Bell envoya un télégramme le 15 Avril 1913 ayant la teneur suivante : " malgré la plainte fondée, les travaux d'expropriations suivent leurs cours. Demande que le gouvernement veuille télégraphier pour ordonner l'arrêt " (Ruger 1986 : 153).

En décembre 1913, le processus d'expropriation commença. Le district ordonna la destruction des maisons de la cité de Joss et le déménagement. Jusqu'en fin janvier 1914, toutes les maisons de Bonanjo avaient été rasées, Bonapriso et Bonaduma ainsi qu'une partie du plateau de Bali devaient être aplanis jusqu'en début mars. Les "dédommagements" que le district offrait aux expropriés oscillaient entre 2,10 marks et 2 pfennigs le m2 ou encore entre une moyenne de 1,1 marks à Bonanjo, 47 pfennigs à Bonapriso et 45 pfennigs à Bonaduma, (Ruger 1986 : 163).

Tel fut de manière générale les trajectoires de la résistance Douala. A côté, il y a la résistance de Martin Paul Samba, d'abord collaborateur des Allemands avant de devenir plus tard résistant.

b. Mebenga m'Ebono dit Martin Paul Samba et la résistance au abus de la colonisation allemande

Mebenga m'Ebono dit Martin Paul Samba est né vers 1875. Il appartenait au clan Yéméméma, de l'ethnie boulou (Mbono Samba Azan 1976 : 13). Il est envoyé en Allemagne en 1891 dans le cadre du projet des Allemands de former de jeunes noirs qui reviendront dans leur pays pour participer à la réalisation de son unité et son futur développement. Il suivra une formation militaire et à son retour à Douala, il aidera les Allemands à briser les résistances. La carrière militaire de Samba se fait sous l'autorité de gouverneur Puttkamer.

En 1900, Samba s'établit comme commerçant et s'installe à Olama où il demeurera 10 ans, de 1902 à 1912. Les excès des Allemands le pousseront à monter des réseaux de résistances mais aussi d'aider d'autres résistants. En effet, le comble de ces excès est atteint lorsque Hans Dominik et un certain Hagen dit Mendom, en mal de divertissement se rendent avec une escouade de la schutztruppe sur la grande plage de Kribi et jettent à la mer des dizaines d'enfants qui finissent par se noyer. Les parents assistent au drame et sont tenus en respect par les miliciens. Ce fut l'une des causes ayant décidé Samba à réagir. Il aurait été instructifs pour nous de consulter les ouvrages de la bibliographie de Mbono Samba Azan Madeleine afin de pouvoir les exploiter. Cette bibliographie se trouve en annexe 5.

Son entreprise commerciale va lui servir de couverture pour son activité clandestine. Il rencontrera à plusieurs reprises le chef Manga Bell à Douala, le chef Edandé Mbita, chef de Nkomakak près de Kribi et le chef Madola aux pays Bakoko. Cette résistance à un même problème fait naître une communauté d'interêt entre ces différents personnages qui dans un autre contexte n'auraient pas été alliés.

En définitive, ces résistances ont eu des effets indéniables dans le processus de formation de l'Etat camerounais.

B.LA NAISSANCE D'UNE COHESION SOCIALE

Comme le dit si bien Georges Simmel, le conflit est un instrument de régulation sociale. Il rétablit l'unité et renforce la cohésion interne d'un groupe en accroissant sa centralisation. L'exemple du peuple Douala est instructif dans ce cas. En effet, les résistances pacifiques eurent pour conséquences indirectes que toute la tribu Douala prit plus conscience de ses intérêts commun, que les membres se rapprochèrent étroitement et qu'une personnalité liée au peuple émergea parmi eux. Au début, R. Manga Bell jouissait à peine d'autorité que ne lui conférait sa qualité de chef supérieur. Mais par l'acquisition d'un grand crédit auprès de sa tribu, il fut désigné comme porte parole (Ruger 1986 : 154-155).

Par ailleurs, le succès de la pétition au Reichstag que les Doualas avaient entrepris se répandit dans l'arrière-pays du territoire camerounais. Il y aura un rapprochement entre des tribus Doualas et Bassa alors que leurs relations étaient assez hypothéquées pour des raisons historiques. L'opposition commune à la puissance coloniale favorisera l'unité d'action des différentes tribus et c'est dans ce cadre qu'interviendra Martin Paul Samba. Dans son souci de mettre fin à cette expropriation, Rudolph Manga Bell et ses compagnons mettront tout en oeuvre pour élargir et approfondir leur champ d'action, mobiliser le plus de gens et de tribus et canaliser les efforts de tous.

En plus, la lutte pour l'hégémonie est un moment crucial de la régulation politique. En effet, " la formation des acteurs, leurs affrontements et leur alliance incorporent immédiatement des schémas cognitifs, des symboles et des valeurs (...) de plus, la conduite de toute négociation implique la construction d'un langage commun, d'une définition partagée de la situation sociale entre les protagonistes " (Commaille et Bruno 1998 : 134). Les tentatives des deux parties en conflits de trouver une solution au problème ont favorisé la naissance d'une communauté de politique publique. S'instaure alors la conduite des débats et des controverses entre les différents réseaux de politiques publiques.

L'ordre politique n'est pas une donnée naturelle. C'est un processus de construction permanent qui pèse sur l'orientation de la régulation politique. La recherche des compromis entre les parties montre déjà la reconnaissance de l'autre et son acceptation devient plausible. La violence s'accroît et devient plus saillante là où surgit généralement l'incertitude sur les frontières c'est-à-dire lorsque les règles généralement acceptées, ces lignes de partages qui enseignent à chacun des rôles et des droits définis dans l'ordre domestique sont transgressées (Braud 2004 : 16-17).

La lutte contre un ennemi commun a fait naître une certaine unité entre les groupes sociaux camerounais. Des populations qui n'avaient parfois aucun lien commun s'organisent de façon cohérente afin de formuler de façon claire leurs demandes. En demandant des comptes au pouvoir allemand, les Camerounais reconnaissent tous la suprématie du pouvoir allemand sur leurs autorités politiques. Par ailleurs, la demande d'institution provenant de l'intérieur, c'est-à-dire des populations, on assiste à la construction d'un Etat-nation.

Toutefois, par le biais de leurs forces armées, les Allemands vont réussir à imposer de nouvelles praxis sociales et les populations camerounaises seront dans l'obligation de se mettre à l'école de l'apprentissage de jeux nouveaux.

II - LES RESISTANCES COMME PASSERELLE D'IMPOSITION DE L'ORDRE POLITIQUE EXTERNE

La nouvelle praxis sociale exprime et induit à la fois "  une nouvelle structuration du champ, ce qui signifie non seulement d'autres méthodes mais aussi d'autres problèmes et d'autres résultats, en même temps qu'un nouveau système d'action différent se régulant autrement " (Crozier et Friedberg 1977 : 341-342). Beaucoup de périodes de changement rapide, c'est-à-dire d'apprentissage de jeux nouveaux, ont été effectivement des périodes d'effervescence dans lesquelles les conflits se sont souvent exacerbés et la violence à un moment donné a régné. Par le biais des résistances, les autorités allemandes vont réussir à imposer leur ordre politique à travers le dépouillement des chefs traditionnels récalcitrants et par la restauration de l'ordre.

A. LE DEPOUILLEMENT DES CHEFS TRADITIONNELS RECALCITRANTS DE LEURS COMPETENCES

Avec leurs troupes armées, les Allemands dans le but de mettre au pas les chefs traditionnels réticents au nouvel ordre politique vont soit dépouiller ceux-ci de leurs compétences, soit les emprisonner.

Cette limitation des pouvoirs des chefs traditionnels s'observe par l'accroissement des compétences de certains chefs. Notons que certains chefs virent dans le pouvoir allemand un moyen d'augmenter leur territoire mais aussi leur influence. En retour, ils servaient de courroie de transmission entre les autorités Allemandes et les Camerounais. Ces chefs virent leurs prérogatives augmenter tandis que ceux qui résistaient virent soit leur territoire annexé par ces chefs collaborateurs, soit leur pouvoir de juridiction annulé. Le cas de Bali sous Fon Galega est un exemple patent. En effet, à travers la collaboration de Galega et plus tard celle de son fils Fonyonga l'autorité Bali s'élargit. Plusieurs chefferies furent placées sous l'autorité directe de Bali telle la chefferie Batebe qui fut soustrait de l'autorité Bali par le gouvernement impérial en 1912 sous prétexte qu'elle y fut placée de force, (Gomsu 1986 : 129-130).

Ce type de pratique s'observera aussi dans les lamidats. Lé préambule du traité du 11 septembre 1899 de Tibati est un bel exemple de la destitution d'un chef au profit d'un autre désigné par les Allemands. En effet, " une fois le Sultan Mohamma, destitué après sa capture parce qu'il n'a pas rempli les conditions de paix et qu'en outre son autorité sur la population à complètement diminué, j'installe au nom de sa majesté l'empereur et roi d'Allemagne le Yerima Chiroma comme Sultan au Royaume de Tibati ", (Kum'a Ndumbe III 1986 : 67).

Par ailleurs, avec l'emprisonnement de certains chefs, les Allemands vont consolider leur ordre. Chez les Doualas, des peines de déportation prononcées contre certains de leurs membres influents furent suspendues à des conditions expresses dont la principale était la reconnaissance de l'autorité coloniale et la soumission à cette même autorité. Manga Bell fut exilé au Togo de novembre 1888 à janvier 1890 et Manga Bell, frère de King Akwa fut condamné à la déportation jusqu'en 1886, ceci après le soulèvement de décembre 1884 (Gomsu 1986 : 129).

Par les contestations, l'exploitation du territoire du Cameroun n'était plus aisée. Il fallait donc la restauration de l'ordre comme voulue par les Allemands.

B. LA RESTAURATION DE L'ORDRE PAR LES AUTORITES ALLEMANDES COMME L'UNE DES ETAPES FONDAMENTALES DU PROCESSUS DE CONSTRUCTION DE L'ETAT CAMEROUNAIS

Par des répressions brutales, les forces armées allemandes rétabliront l'ordre souhaité par eux. Les chefs qui ne voudront pas se soumettre seront exécutés. On a le cas de Simeko'o, chef Yezum de Lembé qui fut empoisonné. En effet, après que von Kruezzo et ses troupes aient réussit à briser sa résistance, il laissa non seulement la vie sauve à Simeko'o mais il lui promit également qu'il le reconnaissait comme le chef de tous les Yezum ; pour fêter cette réconciliation, von Kruezzo lui fat parvenir de nombreux cadeaux parmi lesquelles une caisse de gin dont une bouteille de qualité supérieure est réservé à Simeko'o en sa qualité de chef, (Mbono Samba Azan 1976 : 74-75). C'est ainsi que ce vin empoisonné consumera Simeko'o qui mourra de mort lente.

Les traités de paix seront des moyens d'assujettissement de certains chefs récalcitrants. Rédigés en allemand, ils imposent la reconnaissance de la souveraineté allemande et les autorités traditionnelles signataires acceptent de se soumettre à l'autorité du Reich (Kum'a Ndumbe III 1986 : 65). A titre illustratif, le traité de Ngaoundéré du 20 Septembre 1901 signé par le Lamido Maii du royaume de Ngaoundéré est un exemple patent de l'acceptation de l'ordre allemand. Ce lamido promet entre autres : de toujours se soumettre au gouvernement allemand et d'exécuter sans faute les directives de ce dernier ; de s'engager en outre à ne pas mener indépendamment une guerre c'est-à-dire sans l'accord de l'autorité allemande. Il s'engage cependant à " assurer la sécurité des routes commerciales", (Kum'a Ndumbe III 1986 : 65). La défaite militaire se traduit ainsi par la soumission politique sans conditions.

Le Lamido Abo (de Yoko) s'engage non seulement à construire de bonnes routes commerciales de Tibati à Banyo et Ngaoundéré mais le vaincu doit aussi payer des dommages de guerre et fournir une main d'oeuvre gratuite à l'autorité allemande.

Le Lamido de Lombel s'engage à fournir 20 travailleurs au gouvernement impérial chaque mois contre une rémunération de 6 Mark, à fournir sur demande des travailleurs au poste allemand de Garua, poste à construire.

Au centre et au sud, la résistance des chefs comme Siméko'o, chef Yezum de Lembé, le chef Ntonga dans la région du sud-Cameroun va être brisée (Mbono Samba Azan 1976 : 62-64).

Il arrivait souvent qu'après ces victoires, les Allemands se montrent magnanimes à l'égard des vaincus. Ce fut le cas des chefs rétablis dans toutes leurs prérogatives comme se fut le cas de Ntonga.

Par ces traités, les dirigeants locaux conservent une partie de pouvoir sur leurs sujets puisque les Allemands n'abolissent pas le royaume ou la principauté car ils installeront même de nouveaux chefs dociles là où besoin est. Mais ces princes perdront cependant leur souveraineté et leur autonomie d'action car ils se soumettront à l'autorité allemande qui deviendra vers 1907 l'autorité réelle sur l'ensemble du territoire.

La colonisation ne fut acceptée avec contentement nulle part. Les acteurs locaux essayèrent uniquement de composer avec elle. Certains préférèrent la collaboration et d'autres, plutôt la résistance. Que se soit l'un ou l'autre, les Allemands utiliseront tout cela pour imposer leur autorité. Tout ceci contribua à la mise en place de certains fondements ayant contribué à la formation de l'Etat camerounais. Il y a eu construction parce que le rapport de force a été favorable aux Allemands. Ceux-ci ont transcendé les multiples clivages sociaux et ont brisé les micros Etats en les insérant dans un processus global.

Conclusion générale

L'objectif principal de cette recherche a été de comprendre comment la mise en administration de la société dans le domaine agricole a formé l'Etat camerounais au début du 20ème siècle. Cette réflexion s'est construite autour la l'hypothèse centrale suivante : le changement du mode de production au Cameroun par l'imposition des cultures de rente est une modalité de construction de l'Etat dans le cadre de relation de pouvoir que différents acteurs entretiennent entre eux tantôt en coopérant, tantôt en s'affrontant. La conclusion générale reprend les idées transversales de cette recherche, ce qui amène à se prononcer sur ses apports et les nouvelles questions suscitées par l'analyse des politiques agricoles dans la mise en administration de la société camerounaise.

Afin d'appréhender les effets du changement de mode de production sur l'émergence de l'Etat camerounais, cette recherche repose sur l'étude du changement de mode de production dans le territoire du Cameroun. Ce territoire offre un panel d'acteurs et de situations permettant d'analyser les impacts de l'application des politiques agricoles allemandes sur la formation de l'Etat camerounais. Cette recherche permet de valider les assertions de certains sociologues (Lagroye, etc.) en articulant la réflexion sur la complexification de l'environnement, les acteurs et le territoire. Afin de synthétiser les apports essentiels de ce travail, les idées fortes et transversales qui en émergent sont présentées dans les paragraphes qui suivent, ce qui permet ainsi de valider l'hypothèse.

Concernant les causes de la complexification de l'environnement interne du Cameroun, il a tout d'abord été vérifié que la situation économique et agricole de l'Allemagne a été l'élément clé ayant motivé l'annexion du Cameroun. La crise agricole que connu l'empire allemand au 20ème siècle provoquera des troubles dans le jeune Etat constitué pour la grande part par Bismarck. C'est tout naturellement que dans la recherche des solutions pour résorber les effets de cette crise, les Allemands vont se tourner vers les potentialités économiques qu'offraient les côtes camerounaises. Dans le souci de générer des profits, les Allemands vont rechercher des terres pour la culture de certains produits, mais aussi, rechercher des débouchés pour l'excédant de leur produits. Seulement, loin de rencontrer des populations vivant de manière `'sauvage'' comme voulait bien le faire croire certains chercheurs européens (Victor Hugo, Montesquieu, Voltaire etc.), les Allemands vont trouver sur place des sociétés camerounaises politiquement organisées. Leur arrivée va provoquer des changements, remettant ainsi en question l'ordre préexistant. On assistera au changement des pôles de pouvoir et à une réorganisation des terres. Cette réorganisation des terres et cette introduction de nouveaux produits et technique agricoles ne suivront pas une seule logique.

Les notions d'autorités allemandes, de diversité des politiques agricoles permettent donc de prendre en compte à la fois l'impact des contraintes environnementales sur les politiques agraires mises en oeuvre au Cameroun afin de répondre aux nouvelles attentes de la société. Ainsi, la diversité des politiques agricoles permet une étatisation progressive de la société camerounaise. Cette étatisation peut se suivre en fonction des période d'application de chaque politique. C'est ainsi que du chancelier Bismarck à Hohenlohe, c'est-à-dire de 1884 à 1900, les politiques agricoles appliquées au Cameroun répondront plus aux intérêts des particuliers allemands et recevront un appui mitigé de l'empire. Seulement, on assiste à un changement radical de politique à partir de 1900. A la différence de leurs prédécesseurs, ces nouvelles politiques agricoles vont donner une place prépondérante aux populations locales. C'est ainsi qu'on assistera à une scolarisation des colonisés ce qui permettra une communication plus aisé entre des populations jusqu'alors étrangères les unes des autres pour la plus part. Par ailleurs, l'augmentation du recrutement de la main-d'oeuvre locale occasionne un brassage des populations posant ainsi des bases de la nation camerounaise.

Loin d'être passive, on va assister au cours de cette étatisation à l'élaboration par les Camerounais d'une logique locale, soit pour maintenir les anciens acquis sociaux, soit pour se positionner sur le nouvel échiquier national. Par le biais de la collaboration et des résistances aux différents bouleversements occasionnés par l'introduction des nouvelles politiques agricoles, les Allemands vont réussir à forcer une cohabitation entre les différents groupes sociaux camerounais, mais aussi, à contrôler à partir d'un centre unique la plus part des populations résidants sur le territoire camerounais.

Les nombreux documents archivistiques consultés permettent de comprendre se processus d'étatisation du Cameroun. Seulement, notre incapacité à entrer en possession de certains documents a quelque peu limité nos investigations. Parmi ces documents, nous avons cité quelques uns dans les annexes 5 et 7.

Malgré ces difficultés, cette recherche nous a appris qu'on ne peut comprendre les politiques agricoles du Cameroun actuel sans un retour dans la pratique de celles-ci durant la période coloniale. Nous avons pu constater que par le biais des politiques agricoles, l'Etat autorégule et autocontrôle les populations résidants sur son territoire. Puisque la construction de l'Eta suppose une colonisation de la terre et une mise en discipline des populations, l'étude de l'imposition des cultures de rente au Cameroun nous a permis de rendre compte de l'émergence de l'Etat camerounais. Ceci parce qu'au cours de nos investigations, nous avons pu constater que par le biais des politiques agricoles, les Allemands vont non seulement réussir à contrôler et réguler les populations résidents sur le territoire camerounais, mais en plus, ils vont devenir les maîtres de la terre.

A la fin de cette recherche, sont nées plusieurs préoccupations. Etant actuellement un Etat souverain et indépendant,

- Comment l'Etat camerounais s'est-il approprié ces cultures ?

- Comment ces cultures peuvent-elles être des moyens pour les Etats africains de faire naître une cohésion sociale pouvant contribuer à des régimes politiques stables ?

Autant de questions qui mérite une recherche approfondie et pouvant contribuer à la compréhension des Etats africains.

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Ø KUM'A NDUMBE III (1986),

«les traités camerouno-germaniques (1884-1907)» in KUM'A NDUMBE (sous la direction de), L'Afrique et l'Allemagne, de la colonisation à la coopération, 1884-1886 (le cas du Cameroun), Edition Africavenir, pages 42 à 68.

Ø MBASSI Joseph (1986),

«Les écoles au Cameroun en période allemande, témoignages vivants, 1884-1914 » in KUM'A NDUMBE III (sous la direction de),L'Afrique et l'Allemagne de la colonisation à la coopération (1884-1986) le cas du Cameroun éditions Africavenir, pages 246 à 268.

Ø MOMMSEN Wolfgang J., (1986)

"Bismarck, the concert of Europe and the future of west Africa, 1883-1885" in KUM'A NDUMBE III (sous la direction de), L'Afrique et l'Allemagne de la colonisation à la coopération (1884-1986) le cas du Cameroun, éditions Africavenir, pages 16 à 40.

Ø MWAYILA TSHIYEMBE (1998),

«La science politique africaniste et le statut théorique de l'Etat africain : un bilan négatif» in Politique africaine, n°71, octobre 1998, pages 109 à 132.

Ø OLOUKPOUNA YINNON Adjaï P., (1986)

« Le Togo et la colonisation allemande, fondements du mythe de La colonisation modèle » in KUM'A NDUMBE III (sous la direction de), L'Afrique et l'Allemagne de la colonisation à la coopération (1884-1986) le cas du Cameroun, éditions Africavenir, pages 94 à 119.

Ø PAYRE Renaud et POLLET Gilles (2006),

" Approches socio-historiques " in BOUSSAGUET Laurie, JACQUOT Sophie et RAVINET Pauline (sous la direction de), Dictionnaires des politiques publiques, Sciences Po les presses, Paris, pages 88 à 95.

Ø RUGER Adolf (1986),

«Le mouvement de résistance de Rudolf Manga BELL au Cameroun» in KUM'a NDUMBE III (sous la direction de), L'Afrique et l'Allemagne de la colonisation à la coopération 1884-1986 (le cas du Cameroun), Edition Africavenir, pages 147 à 178.

Ø STEINMO Sven (2006),

" Néo-institutionnalisme " in BOUSSAGUET Laurie, JACQUOT Sophie et RAVINET Pauline (sous la direction de), Dictionnaires des politiques publiques, Sciences Po les presses, Paris, pages 292 à 299.

III. THESES

Ø FARK-GRÜNINGER Michèle (1995),

«Les transitions économiques à l'ouest du Cameroun, 1880-1990,

jeux et enjeux», université de Neuchâtel, Thèse présenté par la

faculté de droit et sciences économiques pour obtenir le grade de

docteur ès sciences économiques, Zurich, 259 pages.

Ø KAYO SIKOMBE André (2007),

«Politique publique de la ville et construction de l'Etat au Cameroun»,

Université de Yaoundé II (Soa), thèse présenté à la faculté des Sciences juridiques et politiques en vue de l'obtention du Doctorat d'Etat en science politique.

Ø NKOT Pierre Fabien (2001),

«Perversion politique du droit et construction de l'Etat unitaire au Cameroun», université de Laval, thèse présenté à la faculté des études supérieures pour l'obtention du grade de Philosophiae Doctor (Ph. D), 381 pages.

IV. MEMOIRES

Ø GWANFOGBE Mathew BASUNG (1975),

«An economic history of the British Cameroons, 1916-1960 (a study in The evolution of the British Cameroon)», Dissertation submitted in Partial fulfilment for the Award of the post-graduate diploma (DES) in history, October 1975.

Ø SAHA Zacharie (1993),

«Le Bezirk de Dschang: relations entre l'administration coloniale

Allemande et les autorités traditionnelles (1907 - 1914)», mémoire de

maîtrise en histoire, Yaoundé, Avril, 123 pages.

III. SOURCES ELECTRONIQUES

Ø http://www.deutsche-schutzgegiete.del/kamerun.htm

consulté le 7 Octobre 2008.

Ø http://fr.encarta.msn.com

consulté le 10 Octobre 2008.

Ø http://fr.encarta.msn.com, `'ligue pangermaniste'' du 10 octobre 2008.

III. ARCHIVES

· Archives Nationales de Yaoundé (ANY) :

Ø ANY, FA 1/864,

rapport de l'assistant agronome BERGER sur la mission dans la région du Mungo en vue d'encourager la culture du cacao par les indigènes.

Ø ANY, FA 1/808,

« guide pour la culture du cacao par les indigènes » produit par le centre d'essais agricoles de Victoria (projet), 1913

Ø ANY, FA 1 /790,

proposition du Professeur HASS de Victoria relative à la création dans cette ville d'une école d'agriculture destinée aux indigènes, 1906.

Ø ANY, TA 23, 1910,

Amtsblatt, organisation politique des indigènes et son emploi dans l'administration et la juridiction du protectorat du Cameroun.

Ø ANY, TA 22 et bis, 1896

Législation pour le Cameroun, circulaire souveraine sur la création, la prise de possession et l'aliénation des terres de la couronne et sur l'acquisition et l'aliénation des terres dans le territoire du Cameroun du 15 juin 1896.

Ø ANY, TA 22 et bis, 1896

Législation pour le Cameroun, règlement du chancelier d'Empire concernant l'exécution de l'ordonnance souveraine du 15 juin 1896 sur la création, la prise de possession etc. des terres de la couronne et sur l'acquisition etc. des parcelles foncières au Cameroun, du 17 octobre 1896.

Ø ANY, TA 22 et bis, 1911,

Législation pour le Cameroun, textes relatifs au régime foncier, Arrêté du gouverneur touchant les terres de la couronne du 10 Octobre 1904.

Ø ANY, TA 22 et bis,

Extrait de la circulaire du Gouverneur du 10 Octobre 1904 sur l'exécution

de l'ordonnance sur le domaine de la couronne.

Ø ANY, TA 22 et bis,

Circulaire du Gouverneur touchant la procédure à suivre dans la conclusion de contrat de vente et de location de parcelles foncières du 18 avril 1910.

Ø ANY, TA 22 et bis,

Ordonnance impériale concernant l'expropriation de bien fonds dans les protectorats d'Afrique et de la mer du sud du 14 février 1903.

Ø ANY, TA 22 et bis,

Ordonnance du Chancelier pour l'exécution de la section IX de l'ordonnance impériale concernant l'expropriation de bien fonds dans les protectorats d'Afrique et de la mer du sud du 14 février 1903, du 12 novembre 1903.

· Archives Nationales de Buéa (ANB) :

Ø ANB, Oa/a-1916/12,

Travelling allowance for non officials employed on the plantations 1916-

Victoria division; Report on the collection of taxes in the Ossindinge

division, Cameroon province for the year 1916-17.

Ø ANB, Pf/h/1916/1,

German prison laws-Victoria division

Ø ANB, 22/17-KCG/1916/1,

Taxation Ossindige.

ANNEXES

Annexe 1 : Carte du Cameroun de 1885 à 1895

Source: NKOT Pierre Fabien (2001), «Perversion politique du droit et construction de l'Etat unitaire au Cameroun», université de Laval, thèse présenté à la faculté des études supérieures pour l'obtention du grade de Philosophiae Doctor (Ph. D), p. 315.

Annexe 2 : Carte du Cameroun avant 1911.

Source : NKOT Pierre Fabien (2001), «Perversion politique du droit et construction de l'Etat unitaire au Cameroun», université de Laval, thèse présenté à la faculté des études supérieures pour l'obtention du grade de Philosophiae Doctor (Ph. D), p. 316.

Annexe 3 : Carte des plantations et des réserves de la division de Victoria de 1897 à 1899

Source: ARDENER Edwin, ARDENER Shirley, WARMINGTON W. A. (1960), Plantation and village in the Cameroons, some economics and social studies, Oxford University press, p. 313.

Annexe 4: Carte des plantations et des réserves de la division de Victoria en 1914

Source: ARDENER Edwin, ARDENER Shirley, WARMINGTON W. A. (1960), Plantation and village in the Cameroons, some economics and social studies, Oxford University press, p. 312.

Annexe 5 : Bibliographie de l'ouvrage d'Azan Mbono Samba Madeleine portant sur Martin Paul Samba face à la pénétration allemande au Cameroun

- Journal l'effort camerounais (n° 0220 du 3 janvier 1960, p. 12), " Quelques grands anciens ".

- Journal Cameroun de demain (décembre 1952, p.3), rubrique "contribution à l'histoire de demain" : " Aperçu sur la bibliographie de Paul-Martin Samba ", par un capitaine d'infanterie allemande.

- Revue Afrique, mon pays (revue mensuelle n°25, spécial Cameroun, p. 7).

- L'évolution coloniale : Samba Martin-Paul, traduction française (épuisé).

- Von Hans Dominik : Kameroun (p. 148).

- Curt von Morgen : A travers le Cameroun du sud au nord (traduction française).

- Curt von Morgen : A travers le Cameroun du sud au nord (commentaires).

- Curt von Morgen, bibliographie, index, de Philippe Laburthe-Tolra.

- Dossier de l'enquête sur l'histoire " vraie " du Cameroun, de 1860 à 1884.

- Fiche de Zollo Charles, instituteur en service à l'inspection de l'enseignement primaire d'Ebolowa, (bureau pédagogique, Ebolowa, 14 juin 1967).

- Relations orales recueillies par Mme Mbono Samba Azan Madeleine, professeur de géographie et d'histoire au lycée générale Leclerc à Yaoundé.

- Archives privées familiales de m. Samba Ndutum'Obam Martin Akok Kribi.

- Manuscrit divers sur la tribu boulou de M. Nlem Ntem-Moïse Yaoundé.

- Hermann Ntonga Menye : Samba Martin-Paul (en boulou, imprimerie d'Etat, Ebolowa ; épuisé).

Annexe 6 : Le traité germano-douala du 12 juillet 1884

Nous soussignés, rois et chefs du territoire nommé Cameroun, situé le long du fleuve Cameroun, entre les fleuves Bimbia au Nord et Kwakwa au Sud, et jusqu'au 4°10' dégré de longitude Nord, avons aujourd'hui, au cours d'une assemblée tenue en la factorerie allemande sur le rivage du roi Akwa, volontairement décidé que :

- Nous abandonnons totalement aujourd'hui nos droits concernant la souveraineté, la législation et l'administration de notre territoire,

- A MM. Edouard Schmidt, agissant pour le compte de la firme C. Woermann, et Johaness Voss, agissant pour le compte de la firme Jantzen et Thormanlen, toutes deux à Hambourg et commerçants depuis des années dans ces fleuves,

- Nous avons transféré nos droits de souveraineté, de législation et d'administration de notre territoire aux firmes susmentionnées avec les réserves suivantes :

Article 1er : Le territoire ne peut être cédé à une tierce personne.

Article 2 : Tous les traités d'amitié et de commerce qui ont été conclus avec d'autres gouvernements étrangers doivent rester pleinement valables.

Article 3 : Les terrains cultivés par nous et les emplacements sur lesquels se trouvent des villages, doivent rester la propriété des possesseurs actuels et de leurs descendants.

Article 4 : Les péages doivent être payés annuellement comme par le passé, aux rois et aux chefs.

Article 5 : Pendant les premiers temps de l'établissement d'une administration ici, nos coutumes locales et nos usages doivent être respectés.

Cameroun, le 12 juillet 1884.

Ont signé : Ed. Woermann Ont signé : Roi Akwa

Témoins : Témoins :

O. Busch David Meato Johannes V j

Endene Akwa King Bell

Ed. Schniidt Joe Garaer

Coffer Angwa Big Jini Akwa

John Angwa William Akwa

Manga Akwa Jirn Joss

Scott Jost Matt Joss

Lorten Akwa David Jo83

Ned Akwa London Bell

Jacco Esqre Elame Joss

Barrow Peter Black Akwa

Lookmgglass Bell

Annexe 7 : Côte documents en allemand aux archives nationales de Yaoundé

1. FA 1/818, agriculture et plantation en pays tropical : le mais (généralités) 1895-1913.

2. FA 1/820, effort en vue de développer la culture de riz dans les protectorats allemands et en particulier au Cameroun : 1885-1914.

3. FA 1 /790, proposition du Professeur HASS de Victoria relative à la création dans cette ville d'une école d'agriculture destinée aux indigènes, 1906.

4. FA 1/791, création d'écoles d'agriculture et formation d'indigènes dans l'agriculture, 1908-1914.

5. FA 1/796, entrée des élèves à l'école d'agriculture du centre d'essais de victoria et placement à l'issue de leurs études, 1910-1914.

6. FA 1/774, arrêtés, ordonnances et décisions relatifs à l'agriculture et aux essais agricole au Cameroun (généralités), 1891-1914.

7. FA 1/777, création et activité du centre d'essais agricoles de Victoria, ex-jardin botanique (généralités), 1889-1914.

8. FA 1/846, mesures destinées à développer la culture de la banane dans le protectorat du Cameroun et informations générales sur le rapport de cette culture dans les pays producteurs, 1901-1914.

9. FA 1/808, effort de la Kamerun-kakao-gesellschaft mbh de Hambourg pour assurer la récolte de cacao du protectorat en vue de créer un produit de marque « cacao du Cameroun », 1896.

10. FA 1/807, mémoire accompagnant le budget 1912-1913 et traitant de l'état et du développement de l'agriculture du Cameroun, 1911.

11. FA 1/807, mesures destinées à faire participer les missions à l'expansion de la culture du cacao dans le protectorat du Cameroun, 1913.

12. FA 1/808, « guide pour la culture du cacao par les indigènes » produit par le centre d'essais agricoles de Victoria (projet), 1913.

13. FA 1/864, rapport de l'assistant agronome BERGER sur la mission dans la région du Mungo en vue d'encourager la culture du cacao par les indigènes.

14. FA 1/810, développement de la culture du coton dans le protectorat du Cameroun, 1908-1913.

15. FA 1/810, rapport d'activité de la station d'essais agricoles de Pitoa, près de Garoua en particulier sur les essais de la culture du coton, 1912.

16. FA 1/813, développement de la culture du café par l'ancien jardin botanique devenu centre d'essais agricoles de Victoria, 1896-1912.

17. FA 4/184, prises de position du gouverneur SEITZ et du secrétaire d'Etat DERNBURG au sujet de la culture expérimentale du tabac dans la région du Mungo et de la formation de la main d'oeuvre indigène par la plantation que la Tabakversuchsgesellschaft des Deutschen Tabakverins envisage de créer dans la région de Mémé, 1908-1909.

18. FA 1/798, rapport sur l'expédition envoyée au Cameroun et au Congo par la Kolonial-wirtschaftliches komitee de Berlin pour prospecter les régions productrices de caoutchouc (confidentiel), 1899.

19. FA 1/802, effort de réorganisation du commerce du caoutchouc et rapports sur la préparation du caoutchouc dans le protectorat du Cameroun, vol.3 :1914.

20. FA 1/684, rapport du gouvernement du Cameroun sur la situation économique dans le sud du protectorat (crise de caoutchouc, construction des routes, question ouvrière), 1913.

21. FA 1/787, activité agricole et essais agronomiques et botaniques dans le district de Bamenda, 1904-1914.

22. FA 1/963, rapport sur l'avancement des travaux d'élevage des palmiers dans la région de Dibombari, 1914.

23. FA 1/849, prospectus et autres documents sur les machines et installations permettant l'extraction de l'huile de palme, 1909-1914.

24. FA 1/826, culture expérimentale de l'arachide dans le protectorat du Cameroun, 1914.

25. FA 1/853, essais de culture de froment de l'Adamaoua et de céréales d'Allemagne (blé, seigle, orge) dans le protectorat du Cameroun, 1909-1914.

26. FA 1/756, rapport du capitaine ADAMETZ de l'armée coloniale du Cameroun au sujet d'une expédition d'information économique menée dans le district de Bamenda et destinée à évaluer la rentabilité du projet de prolongement du Nordbahn de Nkongsamba à Foumban par Dschang.

27. FA 4/328, état des propriétés foncières indigènes à Bibundi (district de Victoria) et à Douala, 1901-1910.

28. FA 4/329, dispositions, ordonnances et décisions générales concernant les propriétés foncières indigènes, 1898-1912.

29. FA 4/330, prise de position du Dr MEYER, chef du district de Victoria au sujet des droits fondamentaux des indigènes à la propriété foncière.

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 : Pourcentage des décès des populations blanches de 1890 à 1894 dans le territoire du Cameroun...............................................................................................66

Tableau 2 : Horaires des cours dispensés par les Allemands dans les écoles du Cameroun....................................................................................................................81

LISTES DES ANNEXES

Annexes 1 : Carte du Carte du Cameroun de 1885 à 1895.....................................123

Annexe 2 : Carte du Cameroun avant 1911.............................................................124

Annexe 3 : Carte des plantations et des réserves de la division de Victoria de 1897 à 1899...........................................................................................................................125

Annexe 4 : Carte des plantations et des réserves de la division de Victoria en 1914...........................................................................................................................126

Annexe 5 : Bibliographie de l'ouvrage d'Azan Mbono Samba Madeleine portant sur Martin Paul Samba face à la pénétration allemande au Cameroun.........................127

Annexe 6 : Traité germano-douala du 12 juillet 1884.............................................128

Annexe 7 : Côte documents en allemand aux archives nationales de Yaoundé......130

TABLE DES MATIERES

DEDICACE..............................................................................................................................2

REMERCIEMENT...................................................................................................................3

SOMMAIRE.............................................................................................................................5

INTRODUCTION GENERALE 7

I-LA CONSTRUCTION DE L'OBJET D'ETUDE 10

A-DEFINITIONS DES CONCEPTS 10

1. Que sont les cultures de rente ? 10

2. La formation de l'Etat 11

B- LE CHANGEMENT DU MODE DE PRODUCTION COMME ENJEU CENTRAL DANS LE PROCESSUS DE FORMATION DE L'ETAT 12

C- HYPOTHESE DE TRAVAIL 13

D- INTERET DE L'ETUDE 14

1. Renouveler la connaissance de la formation de l'Etat camerounais du point de vue de la sociologie historique de l'action publique 14

2-Les politiques agraires et la formation de l'Etat : une manière inédite de penser l'historicité de l'Etat camerounais 16

II. CADRE OPERATOIRE D'ANALYSE 16

A- CADRE GEOGRAPHIQUE DE LA RECHERCHE 16

B- BORNES CHRONOLOGIQUES 17

III. PENSER L'EMERGENCE DE L'ETAT CAMEROUNAIS 18

A. ENTRE LA SOCIOLOGIE HISTORIQUE DE L'ETAT ET LA SOCIOLOGIE DE L'ACTION PUBLIQUE 18

1. Pour une sociologie historique de l'Etat camerounais par les politiques agricoles 19

2. L'apport spécifique de la sociologie de l'action publique 20

B. APPORT DE L'ANALYSE NEO-INSTITUTIONNALISTE DANS L'ETUDE DE LA FORMATION DE L'ETAT 20

1. Le néo-institutionnalisme historique 21

2. Le néo-institutionnalisme sociologique 22

3. Au-delà de l'institution : penser les acteurs dans les politiques agricoles 22

C- APPORT DE L'APPROCHE CONSTRUCTIVISTE DANS L'ETUDE DE LA MISE EN ADMINISTRATION DE LA SOCIETE CAMEROUNAISE 23

D-LES TECHNIQUES DE COLLECTES DES DONNEES 25

1. Les raisons du choix des données 25

2. La collecte des données 26

3. Difficultés rencontrées au cours de la collecte des données. 26

PREMIER CHAPITRE: POLITIQUE AGRICOLE ALLEMANDE DU XIXÈME SIÈCLE COMME RAISON DE L'INSTAURATION DE LA SOUVERAINETE ALLEMANDE AU CAMEROUN........................................................................ 28

SECTION I : DE LA SITUATION AGRICOLE DE L'EMPIRE ALLEMAND A LA NECESSITE DE POSSEDER LES RICHESSSES DU TERRITOIRE DU CAMEROUN ............................................................................................................... 30

I- LA CRISE AGRICOLE DE L'EMPIRE ALLEMAND DU XIXème SIECLE 30

A. LES MOBILES DE LA CRISE 30

1. La révolution industrielle 30

2. La «mondialisation» du commerce 31

B- DE LA PROLIFERATION DES EFFETS POLITIQUES DE LA CRISE AUX TENTATIVES DE SA NEUTRALISATION 31

1. La prolifération des effets politiques de la crise 31

2. Le protectionnisme comme principale stratégie de la neutralisation de la crise 32

3. Penser les acteurs privés allemands dans l'investissement des capitaux hors de l'Allemagne 33

II- LES POTENTIALITES ECONOMIQUES DU CAMEROUN COMME SOLUTIONS A CERTAINS PROBLEMES AGRICOLES DE L'ALLEMAGNE 35

A. LE TERRITOIRE DU CAMEROUN DE 1884 A 1914 : UN ESPACE CONSTAMMENT REDEFINI EN FONCTION DES ENJEUX ECONOMIQUES DE L'HEURE PAR LES ACTEURS 35

B. LA FORTE ATTRACTION DES RICHESSES DU CAMEROUN SUR LES OPERATEURS ECONOMIQUES ALLEMANDS 36

SECTION II : L'INSTAURATION DE LA SOUVERAINETE ALLEMANDE AU CAMEROUN 38

I- CONFIGURATIONS POLITIQUES ET ECONOMIQUES DE CERTAINES SOCIETES PRECOLONIALES AVANT L'INSTAURATION DE LA SOUVERAINETE ALLEMANDE 39

A. LES SOCIETES PRECOLONIALES COMME ENTITES DISPOSANT D'UNE REELLE AUTONOMIE POLITIQUE 39

B. REPARTITION SPATIALE DE L'ACTIVITE ECONOMIQUE 41

1. Répartition spatiale des systèmes agricoles 41

2. Du rapport à la terre à la densification des relations commerciales et à la transformation de la notion de richesse avant l'avènement de la colonisation 42

a. Du rapport à la terre à la densification des relations commerciales 42

b. La transformation de la notion de richesse dans les sociétés traditionnelles avant l'arrivée des Allemands 44

II- DE LA CONFRONTATION DES SYSTEMES POLITIQUES TRADITIONNELS AVEC LE DROIT NOUVEAU A LA FIXATION DE NOUVELLES REGLES DANS LA COLONIE DU CAMEROUN 46

A. MISE EN PLACE D'UNE NOUVELLE ORGANISATION DES TERRES 46

B. LE CHANGEMENT DES PÔLES DE POUVOIR 48

DEUXIEME CHAPITRE : AUTORITES ALLEMANDES, DIVERSITE DES POLITIQUES AGRICOLES ET PROCESSUS DE CONSTRUCTION DE L'ETAT CAMEROUNAIS 53

SECTION I : LA LENTE CONSTRUCTION DU MONOPOLE DES POLITIQUES AGRAIRES DANS LE TERRITOIRE DU CAMEROUN PAR LES AURORITES ALLEMANDES 56

I- ENGAGEMENT PARTIEL DE L'EMPIRE ALLEMAND DANS LA PRODUCTION DES CULTURES DE RENTE : DE L'ENGAGEMENT MINIMUM A L'INTERVENTIONNISME RELATIF DES AUTORITES POLITIQUES ALLEMANDES 57

A. LA MANIFESTATION D'UN CERTAIN DESINTERET POUR L'ENTREPRISE COLONIALE PAR BISMARCK ET CAPRIVI 57

1. Le désintérêt de Bismarck (1871-1890) pour l'entreprise coloniale 57

2. Un intérêt mitigé de Léo von CAPRIVI (1890-1894) pour l'entreprise coloniale 59

B. LE BALBUTIEMENT SUBSEQUENT DE L'ENGAGEMENT DE BISMARCK ET DE CAPRIVI DANS LES CONQUETES COLONIALES 60

1. La centralisation du dispositif institutionnel 60

2. L'abandon progressive de la spéculation foncière et l'acquisition des plantations par les Allemands 61

II- DE L'INTERVENTIONNISME RELATIF DANS L'EXPLOITATION ECONOMIQUE DU CAMEROUN A LA VULGARISATION DES CULTURES DE RENTE 63

A.CHLODWIG ZU HOHENLOHE-SCHILLINGSFÜRST (1894-1900) 63

B.HOHENLOHE, LA VULGARISATION DES CULTURES DE RENTES ET LA REGULATION SOCIALE AU CAMEROUN 64

1. L'apprentissage de la culture de nouvelles plantes par ouvriers Camerounais des plantations allemandes 65

a. De la nécessité de la main-d'oeuvre indigène pour les plantations allemandes (....) 65

b-(...) à l'apprentissage de la culture des nouvelles plantes par les Camerounais 67

2. L'émergence d'une cohésion sociale 68

SECTION II: DES POLITIQUES AGRICOLES ALLEMANDES OFFENSIVES A L'EMERGENCE PROGRESSIVE DES STRUCTURES GENERATRICES DES SYSTEMES DE CONTROLE DES POPULATIONS CAMEROUNAISES 70

I- L'AVENEMENT D'UNE POLITIQUE AGRICOLE ALLEMANDE PLUS AGRESSIVE 70

A.VON BÜLOW, BERNHARD DERNBURG, Theobald von BETHMANN-HOLLWEG ET L' INTERVENTIONNISME DE L'EMPIRE ALLEMAND DANS L'EXPLOITATION ECONOMIQUE DU CAMEROUN 70

1. Bülow, Dernburg et l'avènement d'une politique agricole plus agressive au Cameroun 71

2. Théobald von Bethmann-Hollweg (1909-1914) et l'investissement des capitaux public de l'empire allemand 72

B- ACCELERATION DE L'EXPLOITATION AGRICOLE ET REGLEMENTATION DU TRAVAIL DANS LA COLONIE DU CAMEROUN : DE LA COMMISSION FONCIERE A L'INSTAURATION DE L'IMPÔT 74

1. Le renforcement des capacités institutionnelles à travers la création de la commission foncière 74

2. L'instauration de l'impôt et son impact sur le contrôle des populations camerounaises 76

a. Le taux d'imposition comme stratégie de subordination des Camerounais 76

b. Le mode de payement comme stratégie de recrutement des ressources humaines du Cameroun pour la culture des produits de rentes dans les plantations allemandes 77

II- LA REINTERPRETATION APPROPRIANTE DE LA POLITIQUE D'ENSEIGNEMENT PAR LES ACTEURS ALLEMANDS 79

A. L'ADMINISTRATION, LES MISSIONS ET L'ENSEIGNEMENT DANS LES COLONIES 79

1. Les programmes scolaires et la socialisation des colonisés 80

2. La création des instituts agricoles 82

B. LA CONTRIBUTION DES ENSEIGNEMENTS AU CONTRÔLE DES POPULATIONS 83

TROISIEME CHAPITRE : LA RECHERCHE D'UN EQUILIBRE ENTRE POUVOIR POLITIQUE ALLEMAND ET SOCIETES POLITIQUES TRADITIONNELLES POUR LA CONSTRUCTION D'UNE POLITIQUE AGRICOLE EFFICACE 86

SECTION I : UNE CONJONCTURE LOCALE  " FAVORABLE " AU NOUVEL ORDRE POLITIQUE 88

I- L'ADHESION VOLONTAIRE DES POPULATIONS INDIGENES AU NOUVEL ORDRE SOCIO-POLITIQUE INSTITUE PAR LES ALLEMANDS 89

A. DE L'IMPOSITION DES CULTURES DE RENTE A LA TRANSFORMATION DE LA NOTION DE RICHESSE ET DE PUISSANCE 89

B. IMPACT DE L'ATTRAIT DES NOUVELLES POSSIBILITES D'ENRICHISSEMENT SUR LA COHESION NATIONALE 91

II-L'INTEGRATION DES CHEFS TRADITIONNELS DANS LA STRATEGIE HEGEMONIQUE DU CENTRE 92

A. LE RECOUVREMENT DES IMPÔTS ET CONTRÔLE FINANCIER DES AUTORITES POLITIQUES TRADITIONNELLES PAR LE POUVOIR COLONIAL 92

B. COLLABORATION DES CHEFS TRADITIONNELS ET VULGARISATION DES CULTURES DE RENTE 94

SECTION II : DE LA NEGOCIATION, DE L'IMPOSITION D'UN ORDRE ALLEMAND AU PROCESSUS DE STABILISATION DU JEU POLITIQUE 96

I- LA RESISTANCE COMME MOYEN FAVORISANT LA NAISSANCE D'UNE UNITE NATIONALE 96

A. LES CHEFS TRADITIONNELS, LES POPULATIONS CAMEROUNAISES ET LE REFUS DE L'ACCEPTATION DE L'ORDRE ALLEMAND 97

1. Les résistances à la pénétration allemande 97

2. Les résistances aux abus du pouvoir allemand 98

a. Des règles générales concernant l'expropriation dans les colonies allemandes à la résistance des Doualas 98

i. Règles générales concernant l'expropriation dans les territoires allemands d'Afrique et de la mer du Sud 99

ii. De la résistance des Doualas à leur expropriation 101

b. Mebenga m'Ebono dit Martin Paul Samba et la résistance au abus de la colonisation allemande 103

B.LA NAISSANCE D'UNE COHESION SOCIALE 103

II - LES RESISTANCES COMME PASSERELLE D'IMPOSITION DE L'ORDRE POLITIQUE EXTERNE 105

A. LE DEPOUILLEMENT DES CHEFS TRADITIONNELS RECALCITRANTS DE LEURS COMPETENCES 105

B. LA RESTAURATION DE L'ORDRE PAR LES AUTORITES ALLEMANDES COMME L'UNE DES ETAPES FONDAMENTALES DU PROCESSUS DE CONSTRUCTION DE L'ETAT CAMEROUNAIS 106

CONCLUSION GÉNÉRALE 109

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 113

ANNEXES 122

LISTES DES TABLEAUX 133

LISTES DES ANNEXES 134

TABLE DES MATIERES 135

* 1.Tocqueville dans son étude sur l'Algérie rédigée en 1841, marque la différence entre domination et colonisation. La colonisation vise à remplacer les anciens habitants par la race conquérante. Différente de la domination qui consiste à mettre les habitants sous sa dépendance et à les gouverner directement ou indirectement, la colonisation du Cameroun ne fait pas ici référence à une colonie de peuplement. Bien au contraire, il s'agit plutôt d'une combinaison entre une domination totale et une colonisation partielle car, l'étude de la soumission du territoire et la mise en discipline des populations du Cameroun par les politiques agricoles allemandes suivront cette combinaison.

* 2 URL : http://www.cheminsdememoire.gouv.fr du 10 septembre 2008.

* 3. Nous avons préféré ces deux approches (néo-institutionnalisme historique et sociologique) au néo-institutionnalisme du choix rationnel. Du fait que notre travail se situe dans une perspective essentiellement constructiviste bien que centré sur les acteurs, le choix rationnel ne nous sera pas d'une grande utilité car, notre recherche porte sur une institution en train de se faire.

* 4. Les populations doualas détenaient le monopole du commerce ce qui rendait difficile les transactions entre les commerçants allemands et les populations de l'arrière pays. Par ailleurs, la qualité du sol aux abords du mont-Cameroun qui a d'abord rendu enthousiaste les colons s'est révélée très vite pauvre en calcaire et en potasse. Ce qui faisait que beaucoup de plantes que les Allemands voulaient acclimater telles le cacaoyer et le palmier à huile ne pouvaient pas y être cultivé car elles avaient précisément besoin pour leur croissance d'une quantité importante de chaux et de potasse, Etoga Eily, Sur les chemins du développement, CEPMAE, Yaoundé, 1971, p. 162

* 5. Le 13 septembre 1884, Bismarck dira que `'the extension of our colonial possessions is not an object of our policies. We are interested only to secure access to Africa for German trade at those points which up to now are not subjected to the rule of other powers''.

* 6. ANY, TA 22 et bis, Circulaire du Gouverneur touchant la procédure à suivre dans la conclusion de contrat de vente et de location de parcelles foncières du 18 avril 1910.

* 7. ANY, TA 22 et bis, Circulaire souveraine sur la création, la prise de possession et l'aliénation des terres de la couronne et sur l'acquisition et l'aliénation des terres dans le territoire du Cameroun du 15 juin 1896.

* 8. ANY, TA 23, 1910, Amtsblatt, l'organisation politique des indigènes et son emploi dans l'administration et la juridiction du protectorat du Cameroun

* 9 ANY, TA 22 et bis, 1896, Législation pour le Cameroun, circulaire souveraine sur la création, la prise de possession et l'aliénation des terres de la couronne et sur l'acquisition et l'aliénation des terres dans le territoire du Cameroun du 15 juin 1896.

* 10. ANY, TA 22 et bis, Législation pour le Cameroun, règlement du chancelier d'Empire concernant l'exécution de l'ordonnance souveraine du 15 juin 1896 sur la création, la prise de possession etc. des terres de la couronne et sur l'acquisition etc. des parcelles foncières au Cameroun, du 17 octobre 1896.

* 11. Il est à noter que la politique agricole de chaque chancelier sera influencée par le poids politiques des hommes d'affaires allemands mais aussi par la situation économique interne de l'Allemagne. On peut par exemple remarquer que le chancelier Hohenlohe (1896-1900) sous lequel les lois les plus importantes pour l'acquisition des terres au Cameroun ont été promulguées, avait pour oncle le président de la ligue coloniale. Par ailleurs, il devient chancelier à une époque où les allemands ont commencé à découvrir les possibilités agricoles que leur offre le Cameroun. Aussi, pouvons-nous dire que dans une certaine mesure, ce contexte à faciliter en quelques sortes les décisions de Hohenlohe à la différence du chancelier Bismarck (1870-1890) qui règne dans un contexte où les socialistes montants militent pour un investissement des capitaux à l'intérieur du pays.

* 12 Défendant l'idée d'une unité culturelle allemande transcendant les frontières, cette ligue contribuera dans une certaine mesure à une croissance du pourcentage des populations allemandes dans le protectorat du Cameroun.

* 13. Ce dernier aspect ne sera effectif que sur le règne du chancelier von Bülow.

* 14 . ANY, FA 1/864, rapport de l'assistant agronome BERGER sur la mission dans la région du Mungo en vue d'encourager la culture du cacao par les indigènes.

* 15. ANY, FA 1/808, « guide pour la culture du cacao par les indigènes » produit par le centre d'essais agricoles de Victoria (projet), 1913.

* 16. ANY, TA 22 et bis, Extrait de la circulaire du Gouverneur du 10 Octobre 1904 sur l'exécution de l'ordonnance sur le domaine de la couronne.

* 17. ANB, 22/17-KCG/1916/1, Taxation Ossindige.

* 18 ANB, Pf/h/1916/1, German prison laws-Victoria division

* 19. ANY, FA 1 /790, proposition du Professeur HASS de Victoria relative à la création dans cette ville d'une école d'agriculture destinée aux indigènes, 1906.

* 20. ANY, TA 22 et bis, Circulaire du Gouverneur touchant la procédure à suivre dans la conclusion de contrat de vente et de location de parcelles foncières du 18 avril 1910.

* 21. Parler de désir pouvoir ici fait référence aux mutations économiques qu'ont connues certaines sociétés traditionnelles avant l'arrivée des Allemands. Par le biais du commerce, certaines populations dans le souci de se repositionner dans l'échiquier social verront dans l'ordre allemand un moyen de s'enrichir.

* 22 ANB, Oa/a-1916/12, Travelling allowance for non officials employed on the plantations 1916 Victoria division; Report on the collection of taxes in the Ossindinge division, Cameroon province for the year 1916-17.

* 23 ANY, TA 22 et bis, Ordonnance impériale concernant l'expropriation de bien fonds dans les protectorats d'Afrique et de la mer du sud du 14 février 1903.

* 24 Le paragraphe 3 de cette ordonnance stipule : " Lors de la prise de possession des terres de la couronne dans les environs de l'installations indigènes existantes, des terrains sont à réserver dont la construction ou l'utilisation assure l'existence des indigènes, en tenant compte de l'augmentation future de la population. "

* 25 Le paragraphe 4 quant à lui dit : " La recherche et la détermination des terres sans maîtres (terres de la couronne) seront effectuées par le Gouverneur et dont fera partie le personnel de géomètres nécessaires. Ces commissions statueront sur les prétentions éventuelles des particuliers. Il pourra être appelé de ces décisions. "

* 26. ANY, TA 22 et bis, Ordonnance du Chancelier pour l'exécution de la section IX de l'ordonnance impériale concernant l'expropriation de bien fonds dans les protectorats d'Afrique et de la mer du sud du 14 février 1903, du 12 novembre 1903.






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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon