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Une gestion des terres conflictuelle: du monopole foncier de l'état à  la gestion locale des Mongo (territoire de Basankusu, République Démocratique du Congo).

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par Ulysse BOURGEOIS
Université d'Orléans - Maà®trise de géographie 2009
  

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3) Les tensions entre les terres urbaines et les propriétaires coutumiers en zone péri-urbaine.

Les groupements sont des délimitations administratives plus larges que les villages ou que les concessions privées. Ils ont des relations avec l'Etat mais ils disposent aussi d'une influence coutumière dans la mesure où les chefferies sont gérées par un clan ou une famille reconnues par l'Etat.

De nombreux conflits existent dans ce sens entre les zones urbaines et les groupements. Etant donné que les villes ne cessent de s'étendre en zone rurale, deux types de droits sur les terres vont entrer en contacts. Les groupements étant gouvernés principalement par la coutume, l'annexion des villes posent de nombreuses difficultés.

Les exemples ne manquent pas, et pour chaque pôle urbain, des conflits vont opposer l'Etat et les chefferies. C'est le cas pour la ville de Basankusu, mais aussi Mbandaka, et de manière encore plus marqués pour Kinshasa. Les limites urbaines (le bornage) ont été principalement établies pour la ville de Basankusu en 1957. Ces bornes sont des limites géographiques telles que les ruisseaux, des rivières (la rivière Lulonga), et parfois des concessions privées (dans le cas de Basankusu, il s'agit des terres d'une mission catholique). Compte tenu de l'augmentation de la population urbaine liée à l'exode rural, les villes s'étendent obligatoirement au-delà des bornages anciens devenu très contraignant. Cela entraîne des conflits fonciers entre les chefs de groupements et les zones urbaines.

Par exemple, le groupement de Lisafa à Bompanga conteste dans les tribunaux provinciaux depuis plusieurs années le bornage de la ville. Un autre exemple concerne la ville de Basankusu et Bokela. La ville ayant étendu elle-même ses limites, elle perçoit l'impôt sur des terres gérées habituellement par la coutume. Le point de tension vient du non-respect des droits de jouissance que veulent continuer à exercer les autorité coutumières même vis-à-vis de l'Etat. La justice provinciale a, par ailleurs donné raison à Bokela.

Pour la ville de Mbandaka (capitale de la province de l'Equateur), l'extension urbaine pose de nombreux problèmes. Bien que la ville se soit développée sur des terres coutumières, la plupart des cessions de terres ont commencées à être remises en question à partir des années de la décennie 1960 81(*). Cela correspond souvent à l'indépendance : moment du départ des administrateurs coloniaux (Piermay J.-L., 1993). Certains chefs de terres écartés sont devenu illégitimes lors de la période coloniale. Ils revendiquent donc la légitimité sur leur patrimoine.

Lorsque la ville étend sa juridiction sur les terres d'un village, cela met un terme à l'autorité coutumière du chef de village. Il faut préciser que l'autorité d'un chef de village est bien moins importante que l'autorité de la justice et de la loi, et ce cas précis est encore plus frappant pour une mégapole telle que Kinshasa qui ne cesse de s'étendre sur les terres rurales environnantes.

4) Les différentes manières pour résoudre juridiquement les conflits fonciers.

La résolution des conflits fonciers se fait de deux manières. La première est le droit coutumier, la seconde est la justice d'Etat. Il n'y a pas forcément d'opposition entre ces deux méthodes. La première intervient en amont, et lorsque qu'aucune issue favorable est trouvée, c'est dans les tribunaux administratifs que transitent les dossiers relatifs aux conflits.

a) Les résolutions locales et coutumières.

Les conflits étant le plus souvent liés à des limites de propriétés non respectés, c'est à l'échelle du village et du groupement que vont être transmises les plaintes. Par exemple, si deux chefs de terres contestent des limites, on cherche toujours une personne neutre pour servir d'arbitre entre les deux chefs. Il peut s'agir d'un notable d'un autre clan ou d'une autre famille, mais aussi du chef de localité. Dans tout les cas un juge coutumier (un notable) sert d'intermédiaire entre les deux plaignants. Son but va être de trouver un « terrain » d'entente, le plus souvent par la discussion (plutôt une négociation)82(*). Ainsi, ces cas sont fréquents lorsque des limites de terres ne sont plus vraiment visibles dans le paysage. Etant donné que les limites sont souvent liées à un arbre, si celui-ci vient à mourir, la contestation des limites peut être l'occasion de redéfinir ces frontières. De même lors de la mort d'un propriétaire, on fait appel à l'histoire et aux ancêtres pour déterminer qui a raison. Une technique nouvelle intervient de plus en plus dans un contexte de pression accrue sur les terres. Il s'agit de planter une rangée de palmiers. Auparavant, la méthode consistait à mettre des troncs d'arbres.

Voici un exemple de résolution d'un différent entre deux propriétaires : le point de rivalité concernait une marge de terre de trois mètres de long. Plutôt que de donner raison à l'un ou l'autre des protagonistes, le juge coutumier a donc séparé en deux cette marge de terre, de manière égalitaire. Le rôle du juge va donc être d'apaiser les différents entre des propriétaires. Loin d'être une justice rudimentaire, le droit et la justice coutumière sont très organisés et ils semblent être des moyens efficaces et très adaptés à l'échelle locale83(*). Ces règles ne sont jamais figées, et c'est une des particularité du droit coutumier. Bien qu'il soit socialement peu favorable de vendre une partie de terre, il est tout à fait possible de le faire. Aussi bien avant l'arrivée des européens que maintenant, même si la pratique a subit des évolutions. De même, une femme peut être propriétaire de terres. C'est un phénomène très rare, tout comme le don de terre par héritage à un esclave (un pygmée) autrefois. Les règles ne sont pas figées, et d'une certaine manière, ce type de droit reste flexible selon les cas. Un autre exemple de ces évolutions est la mise en place d'une durée dans la cession de terre pour les palmeraies. S'inspirant de l'exemple de GAP, les propriétaires ont repris cette manière de faire dans les cessions de terres sur 25 années.

Malgré cela, de nombreux conflits ne trouvent pas de résolution au niveau du village, et c'est dans ce cas l'Etat qui intervient pour rendre la justice.

b) L'intervention de l'Etat.

Dans les cas où des différents sur les terres ne trouvent pas d'issues locales, c'est en premier lieu l'Administrateur du Territoire qui peut tenter de régler ces problèmes. Il dispose du pouvoir de l'Etat, mais il peut aussi se retrouver dans une situation trop complexe pour avoir une influence favorable. Dans ce cas, c'est aux tribunaux de convoquer les propriétaires. Pour régler ces conflits la justice procède comme ceci : elle cherche à déterminer qui est le plus ancien propriétaire terrien. Cela passe par des entretiens avec les notables, l'observation des traces anciennes d'exploitations ( surtout les arbres tels que les palmiers à huile, les bananiers, etc.). Ces traces sont souvent localisées dans le finage des anciens villages avant la politique coloniale d'alignement. Ces anciens villages sont appelés Liladji en Lomongo (Eladji au singulier). C'est un processus qui peut être très long si des documents écrits (des titres de propriétés) sont inexistants, ce qui est presque toujours le cas.

Ces enquêtes de terrains débouchent souvent sur une issue favorable, mais il y a également des cas où la justice ne parvient pas à trancher des situations conflictuelles. Cela s'explique par différents facteurs. Le premier est que la justice n'est pas gratuite. Les propriétaires ne disposant pas de revenus leur permettant, soit de se rendre dans les tribunaux, soit de s'offrir les services d'un avocat, un bon nombre de conflits fonciers restent non-réglés. Beaucoup de conflits ne vont même pas en justice car les déplacements sont important. Par exemple, pour la Province de l'Equateur, cela impose de se rendre à Mbandaka, le seul lieu où se trouve des tribunaux. Les Territoires étant dépourvu d'instances juridiques. Une solution a été trouvée pour palier à ce problème : une ONG de nationalité belge (Avocat Sans Frontière) finance la justice provinciale de Mbandaka. Ce financement permet à un tribunal de se déplacer tout au long de l'année dans les différents Territoires pour instruire les dossiers. Les problèmes financiers de l'Etat et par là même de la justice sont une des explications du recours aux institutions coutumières. En zone rurale, c'est donc la justice coutumière qui est largement prédominante. En effet, la justice est sujette à des cas de corruptions, des rançonnements que la majorité de la population ne peut payer : « le phénomène de corruption a atteint un niveau systémique (...) embrassant toute la vie nationale au niveau de l'Etat, de la société et des individus » selon Kilubi F. 84(*). Un autre facteur explicatif est la lenteur de la justice d'Etat par rapport aux tribunaux coutumiers.

Voici quelques exemples donné par Gambambo Gawiya P. qui cite les chiffres d'Unicef et du Ministère des Affaires Sociales,  illustrant l'importance du recours aux tribunaux coutumiers :

§ Les conflits fonciers sont réglés à 47% par les tribunaux coutumiers, contre 25% par le droit écrit, et 27% pour les deux types de tribunaux.

§ Les conflits liés à l'héritage sont réglés à 69% par les tribunaux coutumiers, contre 13% par le droit écrit, et 18% pour les deux types de tribunaux.85(*)

Les conflits fonciers sont majoritairement résolus par la justice coutumière. Liés à un déficit très clair de l'Etat pour rendre la justice, les populations n'ont pas d'autres possibilité. De plus, la justice coutumière est une manière conciliante concernant les conflits fonciers. Elle participe ainsi à réduire les tensions, d'une manière différente de l'Etat car elle est plus légitime pour la population. La justice de droit écrit est donc presque inexistante dans un pays où certaines régions sont très enclavés, et où l'Etat dispose de moins d'influence et de pouvoir par rapport aux instances coutumières locales.

Chapitre 2

* 81 Vangroenweghe, Lufungula & Hulstaert (1986). L'histoire ancienne de Mbandaka. Mbandaka,

pp.124-125

* 82 Autrement appelée :palabre.

* 83 Cf : Sohier A.(1935). Une branche inexplorée du droit - Le droit coutumier congolais. Revue générale

de la colonie belge, Editions Goemaere, Bruxelles, 37p.

* 84 Kilubi F. (14/01/2008). La corruption en RDC a atteint son paroxysme. Le Phare, article de presse,

Kinshasa

Source internet : http://realisance.afrikblog.com/archives/2008/07/23/index.html

* 85 Unicef et Ministère des Affaires Sociales et familles ; P. Gambambo Gawiya (consultant) (1999).

Situation des lois coutumières en RDC. Kinshasa

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus