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Les enjeux géostratégiques de l'initiative pays pauvres très endettés (PPTE): le cas du Cameroun

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par Bruno ATANGANA
Université de Yaoundé II - Soa - DEA 2009
  

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Chapitre I :

Le Cameroun, comme une trentaine d'autres pays africains, fait partie du programme d'allègement de la dette des pays pauvres très endettés, autrement appelé Initiative PPTE. Au total 42 pays dans le monde ont la qualité de pays pauvres très endettés en août 2007 (IMF Survey, 2007), mais le nombre limité de pays à ce programme montre la complexité et la rigueur des critères de sélection. Cette approche a d'ailleurs fait l'objet de nombreuses critiques de la part de l'ONG Jubilé 2000 ou de la Plateforme Dette et Développement (Rapport 2005) : en substance il ressort que l'Initiative PPTE ne représente que 10% de la dette des pays en développement, et d'après la CNUCED (Rapport de 2000), l'ampleur de la dette et la manière dont elle interviendra n'auront pas d'effets directs majeurs sur la réduction de la pauvreté. Mais ces critiques, bien que pertinentes paraissent beaucoup plus générales et donc, ne permettent pas de rendre compte de la réalité ambiante dans chaque pays. L'exemple du Cameroun comme étude de cas nous permettra certainement de cerner les enjeux de l'Initiative PPTE. L'objectif de ce chapitre est de comprendre le fonctionnement de l'Initiative PPTE (I) qui s'inscrit dans une optique de réduction de la dette. Ainsi, l'examen du traitement de la dette du Cameroun nous permettra de comprendre les retombées financières que cette Initiative aura générées pour le Cameroun (II).

Section I : FONCTIONNEMENT DE L'INITIATIVE PPTE.

L'Initiative PPTE est une Initiative complexe ; pour mieux comprendre son fonctionnement, il convient d'en décrypter les rouages. Nous partirons d'abord des considérations théoriques (§1) pour élucider le concept PPTE en lui-même et les conditions d'éligibilité, ensuite nous indiquerons les modalités de mise en oeuvre qui permettent de voir comment le Cameroun a cheminé dans ce programme (§2).

Paragraphe1 : Considérations CONCEPTUELLES

Elles portent essentiellement sur la définition du concept Pays pauvres très endettés (A) et sur les conditions d'éligibilité (B).

A) L'Initiative PPTE: le concept.

D'après le Fonds Monétaire International, l'Initiative PPTE est un dispositif global de réduction de la dette des pays pauvres très endettés qui appliquent des programmes d'ajustement et de réformes appuyées par le FMI et la Banque Mondiale (FMI fiche technique, 2008). Le FMI et la Banque Mondiale ont engagé l'Initiative PPTE en 1996 à la suite de la proposition du G7 réuni à Lyon, en vue de ramener la dette des pays pauvres à un niveau « soutenable », en concertation avec les autorités nationales des pays créditeurs. Mais comment évaluer la soutenabilité d'une dette ? Le FMI considère la soutenabilité comme la situation dans laquelle un pays a la capacité de financer le solde de la balance des opérations courantes et d'assurer les obligations du service de la dette sans faillir, sans solliciter un rééchelonnement, sans accumuler les arriérés et enfin sans compromettre sa croissance (Kenkouo, 2008). Si les institutions financières veulent ramener la dette des pays pauvres très endettés à un niveau dit soutenable, c'est dire que celle-ci est jugée insoutenable. Cependant les moyens pour y parvenir sont loin d'être aussi simple qu'ils n'y paraissent. En effet en quoi consiste l'allègement de la dette ? S'agit- il d'une annulation de dette, d'un rééchelonnement, ou d' une conversion de dette ? De prime abord il est difficile d' y répondre. La première opération, qui est plus proche d' une rémission (Tamba, 2002), consiste en un effacement de créance : au sens juridique, cela renvoie à l'extinction d'un contrat obligataire entre le créancier et le débiteur, et par voie de conséquence à la fin de la relation contractuelle. Le débiteur dans ce cas se trouve dans une situation de statu quo ante, c'est à dire celle avant la contraction de la dette (relation dépourvue d'obligations financières).

Le rééchelonnement quant à lui ne met pas fin au contrat. Ce terme peut signifier consolidation (modification des conditions de remboursement d'une dette), par opposition à un refinancement (consolidation par modification des termes de contrat de la dette existante). Au final, il s'agit généralement de l'ajournement des charges relatives aux engagements afin de différer les transferts pendant une période stipulée dans l'accord de réaménagement. De son coté, la conversion consiste à transformer les titres de créance en éléments d'actifs ou en dette interne ; cette opération consiste pour un pays endetté à obtenir de rembourser sa dette en monnaie locale à condition que les sommes à rembourser soient réinvesties dans le pays soient en actifs locaux (actions, obligations), soient en projets de développement (Mouafo, 2005). Mebu assimile la conversion à la substitution (Tamba, op.cit) ; cette dernière s'opère par un changement d'obligation qui a lieu soit à travers le changement de créditeur, le changement de modalité ou le changement d'objet. Avec le changement d'objet, la substitution a pour effet de remplacer la dette précédente par un objet différent, notamment la mise en place de projets de développement .Tandis que le changement de créditeur a lieu lorsque l'obligation de développement a pour créditeur le peuple du pays débiteur plutôt que « les créditeurs payeurs ».

Certes cette lecture n'est pas dénuée de tout fondement ; elle pèche cependant par excès de juridicisation de la relation contractuelle, car elle ne permet pas de rendre compte de la marge de manoeuvre des créditeurs dont le rôle est important dans la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE, notamment dans le cas du Cameroun. De plus, la pluralité d'approches quant aux moyens de parvenir à un niveau soutenable de la dette, rend encore plus complexe le concept d'Initiative PPTE. Le FMI parle généralement d'allègement de dette ou d'annulation partielle sans que l'on sache à quoi ces termes renvoient directement. Deux hypothèses sont alors envisageables : soit l'Initiative PPTE ne renvoie à aucune de ces terminologies, c'est-à-dire annulation, rééchelonnement, conversion ; soit elle les intègre toutes. Si l'on considère la deuxième hypothèse, l'Initiative PPTE est une annulation au regard du traitement de dette qui est fait dans le cadre de l'Initiative d'allègement de la dette multilatérale (IADM).7(*) Mais cette annulation ne se limite pas à une remise totale de créance ; elle est assortie d'une gamme variée de conditionnalités ; on est donc loin de la catégorie pure du modèle décrit plus haut à savoir l'annulation sous forme de fin de contrat obligataire. Le terme rééchelonnement peut aussi s'appliquer à l'Initiative PPTE ; c'est le cas des créances commerciales dans le cadre du Club de Paris dont une partie est rééchelonnée. Enfin la conversion est l'opération la plus usitée ici ; elle s'applique à travers l'affectation des fonds PPTE « à des secteurs de développement » en rapport avec la lutte contre la pauvreté. Au final, le point commun entre ces trois modalités d'allègement de dette réside dans l'obligation de rendre compte de l'utilisation par le pays débiteur des sommes à lui allouées dans le cadre du financement de l'Initiative PPTE. Cette notion de conditionnalité est donc au coeur de l'entreprise de l'Initiative PPTE dont les modalités d'éligibilité sont à préciser.

B) L'éligibilité à L'Initiative PPTE

« Les termes de Lyon » ont consacré l'Initiative PPTE comme modalité innovante de la participation multilatérale à l'allègement de la dette des pays pauvres très endettés. Contrairement aux Initiatives précédentes, le présent programme fait intervenir les deux institutions internationales (FMI, Banque Mondiale) ; ainsi que les banques régionales (Banque Africaine de Développement et Banque Interaméricaine de Développement). La raison essentielle à cette nouvelle donne se trouve certainement dans le stock de créances important détenu par ces institutions financières. En effet l'encours des créances multilatérales s'est considérablement accru au cours des vingt dernières années. Selon Frédéric Morteau8(*), ces créances sont passées de 49 milliards de dollars fin 1980 à 208 milliards de dollars fin 1990, et à près de 350 milliards de dollars fin 1999. L'encours des créances de la Banque Mondiale est passé de 34 milliards de dollars fin 1980 à 141 milliards de dollars US fin 1990 et 210 milliards de dollars (dont 120 milliards pour les pays à faible revenu) fin 1999. L'allègement de la dette qui doit être opéré, identifie essentiellement la catégorie de pays considérés comme pauvres et très endettés : ce premier critère est cependant subordonné à une gamme variée de conditionnalités ainsi que l'illustre le tableau suivant :

Tableau 1 : Les critères d'éligibilité à l'Initiative PPTE

INITIATIVE PPTE ORIGINALE

INITIATIVE PPTE RENFORCEE

- N'être éligible qu'à une assistance concessionnelle de la part du FMI et de la Banque Mondiale (IDA only)

- PIB/habitant inférieur à 786 dollars

- Un niveau d'endettement insoutenable : D/X (VAN) supérieur à 200-250%

D/RB (VAN) supérieur à 280%

Service D/X (van) supérieur à 20-25%

- Réalisation d'un programme de réformes préconisées par le FMI et le Banque Mondiale pendant 3 ans.

- N'être éligible qu'à une assistance concessionnelle de la part du FMI et de la Banque Mondiale (IDA only)

- PIB/habitant inférieur à 786 dollars

- Un niveau d'endettement insoutenable :

D/X (VAN) supérieur à 150%

D/RB (VAN) supérieur à 250%

Service D/X (VAN) supérieur à 15%

- Réalisation d'un programme de réformes préconisées par le FMI et la Banque Mondiale pendant 3 ans.

Le tableau 1 présente les critères qu'un pays doit remplir pour être déclaré éligible à l'Initiative PPTE. Les deux colonnes indiquent les schémas applicables à chaque étape de l'Initiative PPTE. En effet l'Initiative PPTE originale représente les termes de Lyon ou les montants de réduction étaient à 80%. On y voit bien, les critères sont plus stricts ; en conséquence très peu de pays ont été retenus dans cette première phase. Voila pourquoi les critères de soutenabilité de la dette dans le cadre de l'Initiative PPTE renforcée ont été assouplis, avec une hausse du taux de réduction de la dette à 90%. A propos de la soutenabilité, on remarque un abaissement du ratio VAN du stock de la dette /exportation (D/X) de 200-250 à 150%. Cet indicateur évalue pour une année donnée le poids relatif de la dette totale du pays par rapport au montant de ses exportations en valeur de cette même année. Le ratio VAN de la dette/recettes budgétaires (D/RB) quant à lui passe de 280 à 250% ; c'est lui qui permet de mesurer pour une année donnée le poids relatif de ce pays par rapport au montant de ses recettes collectées au cours de la même année. Enfin, le service stock de la dette/exportation (D/X) qui représente le poids relatif de ce que doit rembourser le pays par rapport au montant de ses exportations en valeur de la même année, est passé de 20-25 à 15%.

De manière générale , pour qu'un pays soit éligible à l'Initiative pays pauvres très endettés sous réserve de l'application des Termes de Lyon et de Cologne, il doit être un pays pauvres dont le revenu par habitant est inférieur à 786 dollars US par an ; être éligible à une assistance concessionnelle (c'est-à-dire recevoir des prêts de l'association internationale de développement du Groupe de la Banque Mondiale), avoir une dette insoutenable après le traitement de Naples et avoir mis en place avec succès les programmes de réformes conduits par le FMI et la Banque Mondiale pendant un an. Cependant il convient de remarquer que ces critères sont des critères standards c'est-à-dire qu'ils renvoient au modèle type au sens de Max Weber. Ainsi pour mieux les appréhender, il convient de faire une étude de cas, car les conditions d'éligibilité diffèrent d'un pays à l'autre ; c'est ce que confirme l'exemple du Cameroun.

Tableau 2 : l'admission du Cameroun à l'Initiative PPTE

Initiative PPTE renforcée : modèle-type

Critères remplis par le Cameroun

- N'être éligible qu'à une assistance concessionnelle de la part du FMI et de la Banque mondiale (IDA only)

- PIB/habitant inférieur à 786 dollars

- Un niveau d'endettement insoutenable :

- D/X (VAN) supérieur à 150% D/RB (VAN) supérieur à 250% Service D/X (VAN) supérieur a 15%

- Réalisation d'un programme de réformes préconisées par le FMI et la Banque Mondiale pendant 3 ans.

- Membre agréé de l'IDA

- PIB/habitant égal à 583 dollars US

- Dette insoutenable : D/X (VAN) égal à 205% D/RB (VAN) égal à 280% Service D/X égal à 24%

- validation de la FASR en 1999 devenue FSRP en 2000 par le conseil d'administration de la Banque Mondiale et du FMI.

Source : Annuaire statistique 2000

Le tableau 2 présente les statistiques du Cameroun conformément aux critères d'éligibilité à l'Initiative PPTE. Le Cameroun est un pays à faible revenu au moment où son dossier est examiné par le FMI en 2000 ; mais le fait marquant est le niveau élevé de sa dette. En effet, la dette extérieure du Cameroun est allée croissante au cours du temps ; selon la Banque Mondiale, elle est passée de 140,4 millions de dollars à 9350 millions de dollars en 1995. Ainsi d'après ces chiffres, la dette du Cameroun est devenue insoutenable au regard des critères de soutenabilité effectifs aux Termes de Cologne. La valeur actuelle nette de son ratio dette/exportation (D/X) est très élevée (205%) au dessus de la moyenne requise à savoir 150%. La valeur actuelle nette du service de la dette/exportation est de 24%, supérieur aux 15% requis.

Dans le même ordre d'idées, le Cameroun a conduit avec succès la Facilité d'Ajustement Structurel Renforcée (FASR) signée en 1997 avec le FMI. Ce programme a été conclu en 1999 et est devenu Facilité pour la Réduction de la Pauvreté et de la Croissance (FSRP) en 2000. C'est donc logiquement à la suite de cette confirmation que le conseil d'administration du FMI et de la Banque a déclaré le Cameroun éligible à l'Initiative PPTE. Cependant cette thèse ne fait pas l'unanimité.

Selon Frédéric Morteau9(*), la France a joué un rôle décisif dans l'éligibilité de certains pays de la Zone franc, parmi lesquels le Congo Brazzaville, le Sénégal et le Cameroun. Ce constat est conforté par l'analyse d'Arnaud Zacharie pour qui la notion d'Initiative PPTE prend en compte les connotations de « pays jugés politiquement corrects » ou encore de « pays amis »10(*). Dans la même veine, Verschave tente d'établir les enjeux d'une annulation de la dette avec le caractère odieux de celle-ci : « dès qu'on commence à réclamer l'audit sur la dette d'un pays, les créanciers s'empressent d'annuler cette dette » (Verschave, 2002). En réalité, ces arguments semblent plus plausibles dans le cas de la France (au regard du stock considérable de ses créances à l'égard des pays de la Zone franc, notamment à l'égard du Cameroun), lesquels arguments ne remettent pas en cause la situation d'endettement significatif du Cameroun. Après son admission à l'Initiative PPTE, le pays doit exécuter certaines prescriptions pour la mise en oeuvre du programme.

* 7 L'IADM prévoit l'annulation de 100% de la dette des pays ayant atteint le point d'achèvement de l'initiative PPTE et des pays en voie de développement ayant un revenu par habitant inférieur ou égal à 380 dollars US. A ce titre il s'agit d'un effacement global de la dette multilatérale qui peut être assimile à une annulation.

* 8 Frédéric Morteau,» l'initiative PPTE et après...; de la dette du Tiers monde à la dette des pays pauvres très endettés» in dette et financement du développement, 2001.

* 9 Frédéric Morteau, op.cit

* 10La dette est toujours considérée comme un levier géopolitique. Arnaud Zacharie, les « dix limites de l'initiative PPTE » online file://E:limitesppte.htm

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