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Les enjeux géostratégiques de l'initiative pays pauvres très endettés (PPTE): le cas du Cameroun

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par Bruno ATANGANA
Université de Yaoundé II - Soa - DEA 2009
  

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Paragraphe 2: L'initiative ppte à l'épreuve du néopatrimonialisme.

Le néopatrimonialisme comme modalité d'exercice du pouvoir au Cameroun n'épargne pas l'Initiative PPTE. C'est lui qui permet d'expliquer les dysfonctionnements qui ont jalonné le parcours du Cameroun dans ce programme d'allègement de la dette des pays pauvres très endettés (A). Même si des actions relevant de la bonne gouvernance ont été décisives dans l'atteinte par le Cameroun du Point d'achèvement, elles n'ont été que l'expression d'une logique d'opportunisme des acteurs politiques en scène (B).

A) Les raisons du dysfonctionnement de l'Initiative PPTE

La pratique néopatrimoniale survit à l'ère de l'Initiative PPTE, car les irrégularités qui ont freiné la mise en oeuvre de celle-ci sont dues en partie à l'exercice du pouvoir au Cameroun. Structurées par ses pesanteurs bureaucratiques et modelées par le spectre de la corruption, les pratiques néopatrimoniales constituent une modalité de mise en scène d'une exception camerounaise de la continuation de la politique par d'autres moyens. En effet depuis son admission au programme d'allègement de la dette des pays pauvres très endettés, le Cameroun s'est illustré par une gestion approximative de ses orientations politiques et économiques, entraînant par là même de difficiles avancées du processus d'Initiative PPTE. Deux raisons permettent de justifier ces dysfonctionnements: les insuffisances managériales et la corruption.

La gestion de l'Initiative PPTE par le Cameroun a tout d'abord été marquée par des insuffisances managériales. Dès son admission à ce programme, le pays devait mettre en oeuvre le Document de stratégie pour la réduction de la pauvreté (DSRP) pendant un an. La particularité de ce document est qu'il prévoit la participation de la société civile à son élaboration; c'est une étape décisive car elle fixe les orientations politiques et économiques dans la stratégie de lutte contre la pauvreté. En principe la finalisation du DSRP était fixée au mois de Juin 2002, pourtant ce n'est que plus tard à savoir le 9 Avril 2005 que le gouvernement le transmet au FMI et à la Banque Mondiale. Les raisons officielles de ce retard selon les autorités camerounaises se trouvent dans la complexité de la procédure requise pour l'élaboration du Document. Au contraire, la société civile et les ONG imputent cela à la qualité du processus participatif ; selon elles, il s'agit « du manque de proximité de l'Initiative avec le terrain, son manque de décentralisation et surtout la précipitation et le manque de transparence ».L'argument de la précipitation semble ainsi confirmer les imperfections de ce DSRP, car le taux de croissance prévu depuis avril 2003 n'a pas été atteint, au contraire la croissance réelle a plutôt connu une décélération depuis 2002 23(*).

En outre la faible implication de la société civile est révélatrice de la forte concentration du pouvoir. Ce qui précède permet d'évaluer l'ancrage démocratique au Cameroun, du moins pour ce qui est de la participation de la société civile à la vie politique (Dahl, 1971). On est alors amené à répondre à la question de savoir si l'Initiative PPTE est un véhicule de consolidation de la démocratie au Cameroun. Si l'on s'en tient à l'argument du courant de sociologie politique à propos de la nécessité d'asseoir la démocratie politique sur une société organisée qu'on appelle « civile » (Tocqueville, 1981:141), l'idée d'une société civile en marge du processus d'élaboration du DSRP ne sert pas de preuve à l'établissement d'une culture civique (Almond; Verba, 1963) en affinité élective avec la démocratie au Cameroun

Par ailleurs la mise en oeuvre des réformes structurelles fondées sur la Facilité pour la Réduction de la Pauvreté et de la Croissance (FSRP) applicable pendant trois ans, est également décisive dans l'atteinte du point d'achèvement. L'Accord triennal consacrant ce Document a été suspendu en 2004 pour cause de mauvaise exécution. Selon Abdoulaye Bio Tchané, ancien représentant résident du FMI au Cameroun, « les écarts par rapport au programme budgétaire qui étaient apparus à la fin 2003 semblent s'être creusés au 1er semestre 2004. Par conséquent, ces critères de réalisations budgétaires, les plus importants, ont été largement manqués à la fin Décembre et fin Juin (...). Par ailleurs, sur les dix repères quantitatifs convenus, neuf n'ont pas été respectés au cours de la période, notamment en ce qui concerne les recettes budgétaires non pétrolières, le paiement des factures aux entreprises des secteurs publics et les remboursements de la dette intérieure »24(*). A l'observation ces manquements sont dus à l'inefficacité des services publics et à une distraction des recettes publiques. C'est ainsi qu'en avril 2004, à l'occasion d'une mission de revue des services du FMI, un déficit de 66 milliards de Fcfa a été constaté dans les ressources budgétaires de l'Etat25(*). Dans le même ordre d'idées, un rapport de la Caisse Autonome d'Amortissement fait état des détournements de fonds publics, justifiant par là même l'intensification du climat de corruption

Facteur d'insécurité marchande et managériale, le phénomène de la corruption a largement contribué à la suspension du Cameroun du programme PPTE le 30 août 2004. En effet il s'affiche sous de multiples formes selon que l'on le situe à une petite ou grande échelle; c'est ainsi que peuvent être qualifiées de pratiques favorables à la corruption:

1) une société qui fait un versement non officiel à un fonctionnaire ou homme politique responsable de l'adjudication pour se qualifier ;

2) un versement non officiel à un fonctionnaire responsable de l'adjudication des marchés publics pour obtenir une information confidentielle ;

3) le paiement d'un pot de vin pour faire « sauter »une contravention dans le cas d'une infraction ;

4) une demande de faveur ou un paiement supplémentaire pour un service qui fait normalement partie du travail du prestataire ;

5) l'offre d'un travail à une personne de sa famille ou un proche qui n'a pas de qualification pour le poste ;

6) l'offre ou le paiement supplémentaire pour faciliter et accélérer une demande administrative ;

7) l'acceptation de somme d'argent ou de cadeaux en échange de faveur ;

8) la facilitation en vue de l'implantation d'un projet dans sa circonscription ou une zone où habitent ses amis.

Dans les 1er, 2e, et 8e cas, l'acte de corruption a un impact sur un plus grand nombre de personnes et peut avoir des répercussions sur la réalisation d'une politique publique, à l'instar de la construction d'un centre de santé dans une localité qui en a moins besoin que d'autres. C'est l'une des raisons évoquées par le Comité Consultatif du Suivi des ressources PPTE (CCS/ PPTE) pour justifier la faible mise en oeuvre des projets26(*) de lutte contre la pauvreté dans le cadre de la phase intérimaire de l'Initiative PPTE. De plus les lourdeurs administratives sont parfois dues à des conflits d'intérêts, la nécessaire protection de l'intérêt général se trouvant heurtée par la recherche d'intérêts privés. Cet état de fait est renforcé par l'absence de coordination et de synergie entre les ministères utilisataires chargés du suivi du programme PPTE, souvent livrés à des luttes d'intérêts27(*). Dans le même temps, le processus décisionnel est rendu compliqué par les faibles décentralisation et déconcentration; Nguihé Kanté remarque ainsi que dans le cas du processus de privatisation des entreprises publiques et parapubliques au Cameroun, toutes les décisions relèvent de l'autorité du président de la république (Nguihé, 2002). Ce qui fait naître autour de lui des réseaux d'influence d'agents hégémoniques livrés à des luttes de positionnement (Sindjoun, op.cit), qui font dériver les programmes de privatisation au gré de leurs intérêts. La primauté de la « dimension supra-individuelle », rendue effective par une gestion centrifuge du pouvoir et du processus décisionnel, permet alors de comprendre la reproduction du système de domination politique et de rigidité bureaucratique au Cameroun. D'où les difficultés relevées dans la mise en oeuvre des réformes engagées dans la première phase de l'Initiative PPTE; de cet échec, va s'opérer une tentative de redressement des politiques en vue de l'atteinte du point d'achèvement.

B) Le choix de la bonne gouvernance : une logique de situation

Après sa mise off-track du programme d'allègement de la dette des pays pauvres très endettés le 30 août 2004, le gouvernement camerounais a manifesté des signes de bonne volonté pour tenter de faire revenir le FMI sur sa décision. A cet égard le gouvernement s'est dit prêt à appliquer les prescriptions des institutions financières internationales. C'est ainsi qu'en 2005, il a approuvé le Programme national de gouvernance qui identifie six priorités:

- la modernisation de la justice ;

- la gestion de la fonction publique ;

- l'amélioration de la gestion des finances publiques ;

- l'assainissement de l'environnement des affaires ;

- la lutte contre la corruption ;

- la modernisation du cadre électoral ;

La mise en oeuvre de ce programme s'est faite par la création d'une cour des comptes, l'informatisation de la fonction publique à travers le SIGIPES, la création de la commission nationale de lutte contre la corruption (CONAC) et la ratification par le Cameroun de la convention des Nations Unis contre la corruption en Février 2006, la création d'Elections Cameroon (ELECAM).

Dans le même temps, à travers la lettre d'intention du gouvernement associé au Mémorandum de Politique Economique et Financière (MPEF) de Juin 2005 à Juin 2008, le Cameroun s'est engagé à:

- créer une agence d'investigation financière ;

- exécuter le plan de paiement de la dette intérieure ;

- lever les obstacles au développement du secteur privé ;

- rechercher de nouvelles matières imposables et améliorer les impôts existants ;

- accroître la mobilisation des ressources non pétrolières ;

- augmenter l'investissement public dans le domaine des infrastructures ;

- réaliser les audits sur la dépense publique, y compris sur l'utilisation des ressources PPTE ;

- veiller à ce que l'exécution du DSRP ressorte dans le budget de l'Etat et fasse l'objet d'une meilleure coordination avec les bailleurs de fonds.

Le pays s'est aussi engagé à entreprendre les actions suivantes:

- la mise en place effective de la chambre des comptes au plus tard au mois de décembre 2005 ;

- un plan détaillé sur l'opérationnalisation du conseil constitutionnel ;

- la privatisation de la Cameroon Airlines (CAMAIR) au plus tard fin Mai 2006 et de la Cameroon Telecommunications (CAMTEL) fin Juin 2006.

Dans le même temps le Cameroun a accepté sur recommandation des Institutions de Bretton Woods, de réviser les principaux éléments du DSRP et d'améliorer le suivi et la communication de la mise en oeuvre du DSRP. Le cadre macro-économique à moyen terme, les projections de la pauvreté et les stratégies sectorielles comptent parmi les principaux éléments à réviser.

Si ces engagements ont permis au Cameroun de réintégrer le rang des Pays Pauvres Très Endettés le 24 Octobre 2005, il convient néanmoins de garder à l'esprit le contexte de leur énonciation. En effet, le Cameroun se trouve dans une situation de pays demandeur pour qui les retombées de l'Initiative PPTE constituent un enjeu presque vital. L'adhésion du pouvoir à quelques principes de la bonne gouvernance participe donc plutôt d'un effet d'opportunisme, d'une logique de situation. L'idée de logique de situation réhabilite la logique d'action stratégico-tactique (Sindjoun, 1999:22); ce qui est en jeu, c'est la gestion de la situation. D'où sa dimension relationnelle au sens d'interaction entre la conjoncture et les acteurs: les acteurs adoptent une attitude qui sied à la situation, on a tout à gagner en coopérant pourvu qu'on ait ce qu'on veut à la fin. Il s'agit donc pour les autorités camerounaises de montrer des signes de bonne volonté aux institutions financières internationales. Cette théorie des jeux implique cependant qu'un acteur arrête de coopérer ou se montre désinvolte lorsqu'il a déjà eu ce qu'il voulait. C'est ainsi que le Cameroun, aussitôt le point d'achèvement atteint, mettra en veilleuse certaines des résolutions qu'il avait prises. A titre d'exemple, les options de privatisations promises dans son MPEF signé en 2005 n'ont toujours pas été mises en oeuvre à l'instar de la privatisation de la CAMAIR et de la CAMTEL. De même, la gestion des finances publiques a connu plusieurs imperfections à la fin 2006; d'où la demande de dérogation pour non réalisation du critère relatif au financement bancaire (en raison des dépenses extra- budgétaires) inscrite dans la lettre d'intention du gouvernement du 29 Mai 2007. Par ailleurs la modernisation du cadre électoral promise a tardé à se mettre en place; en effet malgré l'annulation partielle des législatives et municipales du 22 Juillet 2007 consécutive à la fraude électorale dans quelques circonscriptions, la mise en place d'ELECAM (Elections Cameroon) n'a pas été possible, au contraire une modification de loi a permis à l'ONEL de continuer à exister jusqu'à la mise en oeuvre progressive d'ELECAM.

Même si certaines réformes utiles ont été mises en place, le Cameroun s'est livré aux logiques de situation et d'opportunisme qui ont favorisé le renforcement de son extraversion.

Section II : INITIATIVE PPTE ET EXTRAVERSION

Les réformes préconisées par les institutions financières internationales sont souvent perçues comme des conditionnalités imposées aux pays qui sollicitent de l'aide. La caractéristique de ces conditionnalités est qu'elles sont dictées de l'extérieur et appliquées par les pays concernés. Même si les Institutions de Bretton Woods se défendent de favoriser une coopération privilégiée avec les pays pauvres très endettés dans le cadre de l'Initiative PPTE, par opposition aux anciens Programmes d'Ajustement Structurels (PAS), il n'en demeure pas moins que ces réformes sont conçues dans un cadre imaginé par le FMI et la Banque Mondiale (§1). En conséquence, les gouvernements des pays pauvres se trouvent confrontés à des pressions aussi bien internes qu'externes qui limitent leurs marges de manoeuvre dans la définition de leurs propres politiques de développement, lesquelles sont alors tournées vers l'extérieur (§2).

* 23 Les experts prévoyaient un taux de croissance annuel de 6 à 7 % entre 2004 et 2015 pour réduire le taux de pauvreté de moitié à l'horizon 2015. Mais la croissance est passée de 4,2 % en 2002 à 4% en 2003, puis à 3,5 % en 2004 et 2,8 % en 2005. Voir  Cameroon Tribune  N.9062/5261 du Jeudi 20 Mars 2008, pp 11-13.

* 24 Voir  Mutations   du 8 Septembre 2004, « point d'achèvement: la lettre du FMI au Cameroun » par Alain B. Batongué.

* 25 Voir Mutations du 9 Septembre 2004, « PPTE, FMI...le Cameroun a échoué » par Alain B. Batongué

* 26 Les paiements destinés aux projets PPTE jusqu'à la fin 2004 s'élevaient au total à 61milliards de Fcfa. Un comité consultatif a approuvé des projets susceptibles d'être financés sur ressources PPTE pour un montant total de plus de 300 millions de Fcfa, mais des retards dans l'allocation des projets approuvés aux ministères maîtres d'oeuvre et la lourdeur des procédures administratives maintiennent l'emploi des ressources à un faible niveau. Voir « FMI, Cameroun: consultation de 2005 au titre de l'article IV et programme de référence ». Rapport du FMI. 05/164, Mai 2005, p. 12

* 27 Ces conflits se manifestent par des blocages dans la mise en oeuvre des réformes structurelles; l'on explique ainsi le retard pris dans la privatisation de la CAMAIR par le conflit entre le Ministère des Transports et le Ministère des Finances ou encore l'absence de synergie entre le Ministère des Finances et le Ministère des Affaires économiques, de la programmation et de l'aménagement du territoire. Voir A. B. Batongué, op.cit

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