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Guerres et circulation des élites politiques en province orientale de la République Démocratique du Congo

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par Edocin Ponea Tekpibele Masudi
Université de Kisangani - Diplôme d'Etudes Supérieures (DES) 2009
  

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CHAPITRE DEUXIEME :
REDEPLOIEMENT DES ELITES POLITIQUES
ET RECOMPOSITION DE L'ESPACE POLITIQUE EN
PROVINCE ORIENTALE

Il est question à travers ce chapitre, de plancher sur la mobilité des élites politiques et la reconfiguration de l'espace politique en Province Orientale par le fait de la violence politique caractéristique vécue de 1997 à 2003.

Nous tentons d'examiner le renouvellement de l'ordre politique par la violence en Province Orientale. Et voir comment les élites politiques de la Province Orientale se sont familiarisées avec les guerres et en ont profité pour leur contrôle hégémonique.

Nous y inventorions les élites politiques de la Province Orientale qui ont tiré profit de ces guerres et conflits armés interethniques en conservant les positions de pouvoir qu'elles occupaient et ont connu l'ascension vers une position dominante.

Ces différentes guerres ont servi l'émergence des nouvelles élites et le captage par ces élites de l'«Etat» ou de son pouvoir155.

La contrainte est au coeur du phénomène de pouvoir. Le pouvoir est toujours le pouvoir de...Et le pouvoir de... est bien celui de quelqu'un, d'un groupe, d'une classe. Là où il y a rapport de pouvoir, il y a rapport inégalitaire156. Un rapport de domination donc, le pouvoir de l'Etat, c'est-à-dire celui du monopole de l'exercice de la violence légitime157. Le déploiement/redéploiement des élites politiques en Province Orientale se fait sous une forte rivalité territoriale et identitaire qui nourrit toutes les

155 Pouvoir entendu comme capacité pour un individu ou un groupe d'individus d'obtenir d'un autre un comportement qu'il n'aurait peut-être pas adopté spontanément, de lui-même.

156 P., N'da, Op. Cit., p. 10.

157 C'est nous qui ajoutons.

guerres et tous les conflits armés interethniques qu'a connus la Province.

II.1. Profils et trajectoires sociales des élites

Les élites politiques sont aussi variées que multiples, allant de l'analphabète au cadre universitaire en passant par des hommes d'affaires, des religieux, des militaires, des artistes, etc.

La sociologie des élites que nous nous employons à mener pour retracer les trajectoires socio-historiques et politiques qu'ont suivies les élites politiques en Province Orientale nous conduit à nous poser les questions suivantes : Qui est qui ? D'où vient-il ? Qui était-il ? Qu'a-t-il fait? Avec qui agit-il/a-t-il agi ? De quel milieu social est-il issu ? Etc.

Les élites politiques observées en Province Orientale pendant les guerres sont globalement nées et issues des groupements sociaux inférieurs. C'est-à-dire qu'elles appartiennent dans des familles pauvres ou mieux, modestes. Fils et filles d'enseignants, de cultivateurs ou de fermiers pour les meilleurs des cas, d'agents ou commis de l'administration publique, elles ont émergé dans des contextes socioprofessionnels et politiques particuliers caractérisés par des guerres et divers conflits armés interethniques.

Il nous faut tout de même souligner que la Province Orientale a connu une page d'histoire marquée par une gouvernance autoritaire rigide et sclérosé de ceux et celles qui ont appartenu, dès la colonisation bien sûr, aux couches sociales supérieures. C'est effectivement la période du règne de Mobutu.

La lutte pour le pouvoir devient alors une course inexorable, acharnée, pour la promotion sociale. La guerre, la violence politique et les conflits interethniques structurant les habitus et les ambitions. De ceci, Bongeli Yeikelo Ya Ato note, à la suite de Paule Bouvier et Francesca Bomboko, au sujet des acteurs (élites) politiques que: « nombre d'entre eux, ont fait des études universitaires ou supérieures et certains ont

eu à exercer des fonctions académiques. Qu'ils soient civils ou belligérants, leurs origines, leur formation, leurs parcours les rattachent à cette strate privilégiée de la société congolaise qui, par le biais des affaires, de l'administration ou de la politique, a gravité dans l'orbite du pouvoir. »158

C'est dans ce contexte qu'émergent des élites politiques de la Province Orientale, en particulier, et de la RDC, en général.

Les familles, les clans, les ethnies et les territoires, voire les communes et les quartiers jubilent en voyant leurs «fils» et «filles» (leurs natifs) occuper un poste de pouvoir politique. La détention du pouvoir politique devient alors une ressource collective à savourer par toute la communauté ou du moins, auquel s'identifie toute la communauté d'origine du promu.

Nous comprenons les chants, dictons et quolibets idiomatiques suivants comme l'expression à la fois de l'émancipation de tout le groupe social dont sont membres les élites promues ou qui se «confirment» par leurs actions. Ceci exprimant un sentiment de revanche et de domination pour le groupe social dont est membre la personne promue sur les autres groupes sociaux dont les élites viennent d'être remplacées. Il s'agit en fait des chants de victoire pour la reconnaissance du groupe social en tant qu'acteur social ayant du poids politiquement. La jubilation de l'accession à la bourgeoisie (car, la réussite économique, sociale, politique et culturelle est toujours perçue comme un capital commun et collectif en Province Orientale) :

- Oyo tango na biso ! Rendu de Lingala, ceci veut dire : Voici notre temps ! Il est temps pour nous ! Marquant l'évocation d'une présence tant convoitée et non réalisée d'un groupe social particulier à l'arène de prise de décisions ;

- Botiaki tembe, oyo tango na biso ! Ce lingala signifie en français : Vous avez tant
douté, notre temps est enfin là !
Pour signifier du même coup un défi lancé aux autres
groupes sociaux, surtout ceux qui ont toujours « régné » ou eu la prépondérance dans

158 P., Bouvier et F., Bomboko cité par Bongeli Yeikelo Ya Ato, « Le dialogue Intercongolais : anatomie d'une négociation à la lisière du chaos. Contribution à la théorie de la négociation » in Analyses sociales, Vol. IX, Numéro unique, janvier-décembre 2004, p. 196.

l'espace social et politique de la Province Orientale ;

- Kila mutu na wakati yake ! Ce Swahili porte un sens, il veut dire: A chacun son tour ! Ceci marque le sens que l'on donne au renouvellement des élites politiques. Il semble que «à chacun son temps» signifie aussi intrinsèquement que la communauté a cultivé et cultive des imaginaires collectif d'une mobilité ethnique des élites politiques. Cette réalité est de plus, alimentée par ces mêmes élites qui recourent si régulièrement aux rituels identitaires pour fêter leur «élévation» politique. Même si vraisemblablement l'ethnie ou la tribu n'a du tout rien fait pour cette élite ;

- Owosu ona. De Lokele ça voudrait dire : Voici le nôtre ! Le nôtre par rapport à l'autre toujours considéré comme adversaire ou usurpateur ou dominateur.

- Wakale wae nda bilo (Bureau). Ce Lokele voudrait dire en français: Avoir le sien au bureau. Evoque une certaine forme d'apologie au népotisme et à l'ethnie comme référent d'un service bénéfique de la part des institutions de l'Etat.

- Unatutosha haya, banasemaka siye hatuna batu. Ces propos rendus du Swahili de Kisangani signifient : Tu nous a valorisés, car il est toujours dit que nous n'avons personnes. Plus clair encore, ceci annonce les couleurs de la cohabitation entre différents groupes sociaux de la Province Orientale. Marquée par la suspicion, la peur de l'autre, le complexe à la fois de supériorité et d'infériorité, la stigmatisation, l'ethnicisation des rapports publics et au public, etc.159

Ces phrases, anodines et manifestement coquettes, sont révélatrices de prétentions, de tensions et rapports de forces caractéristiques des relations entre groupes sociaux en Province Orientale. Une réalité exploitée et «capitalisée» par les élites politiques en compétition.

Ce sont les élites politiques qui mobilisent leurs frères de tributs et patronnent les occasions où l'on voit se véhiculer de tels imaginaires. Des camions sont mobilisés pour transportés les «animateurs» paradant à travers la ville en scandant la gloire de leur fils ou la reconnaissance de leur groupe ethnique et de leur

terroir d'origine. Et du coup, les élites récupèrent la situation pour se faire valoir aux yeux de leurs alliés et présentent leurs ethnies, territoires ou groupes culturels comme acquis aux mouvements qui les nomment ainsi qu'à leurs idéologies.

L'ethnicisation des rapports à la politique conduit à la détérioration des relations interpersonnelles et engendre des tendances quasi obsessionnelles de déchirement. Il est fréquent d'entendre une personnalité imputer sa perte d'un poste politique aux autres rivaux politiques membres d'autres ethnies, territoires, districts, etc. du fait d'un combat politique déloyal ethnicisé. Par exemple, quand Lola Kisanga est nommé Gouverneur en remplacement de Théo Baruti Amisi Ikumaiyete, les originaires de la Tshopo boudent et dénoncent une machination du bloc Uélé (c'est-àdire, Bas et Haut Uélé).

Ces reflets de l'imaginaire collectif peuvent receler une forme active de participation politique qui valorise l'ethnicité ainsi que ses manifestations dans le champ politique. Mais, il nous semble plutôt que toutes ces pratiques reflètent une situation conflictuelle. Ce qui entraîne et génère des modalités aussi conflictuelles, problématiques et concurrentielles dans la circulation des élites politiques en Province Orientale.

Derrière ces adages et chants populaires énumérés supra, nous reconnaissons les attachements identitaires de certains groupes sociaux qui se sentent («toujours») marginalisés160 par rapport à la distribution du pouvoir en Province Orientale. Ainsi, chaque nomination ou élévation d'un de ses membres, représentent une satisfaction communautaire. Il est aussi vrai que certains adages, chants et boutades, reflètent plus la provocation et le défi lancé aux membres des groupes sociaux «rivaux». Bref, ceci marque le comportement prédateur et accumulateur des

160 Nous pouvons ici citer à titre d'exemple la nomination de Monsieur Justin Yogbaa Litanondoto Bazono en 2000 comme Gouverneur de Province par le RCD et la liesse que cela a suivi dans le groupe Budu de Wamba en particulier et tous les ressortissants du Haut-Uélé en général à Kisangani. De même, la nomination de Madame Adèle Lotsove comme Vice-Gouverneur avait suscité les mêmes effets dans le camp de l'Ituri en général et Hema/Gegere en particulier. Nous pouvons ainsi étendre la liste en citant aussi les cas de Messieurs Floribert Asiane (Vice-Gouverneur), Mathias Dechuvi Dz'x (Vice-Gouverneur), Maurice Abibu Sakapela (Vice-Gouverneur), Frédéric Esiso Asia Amani (Chef de Département chargé de l'ESU du RCD), etc.

élites politiques en Province Orientale ; car l'occupation d'un poste politique ou administratif signifie avoir accès libre aux ressources de l'Etat : le cadastre, le crédit sous toutes ses formes, le fisc, les investissements publics, etc.161

Les relations communautaires étant fragmentées quand il s'agit de rapport au pouvoir, de telle sorte que les autochtones de la Province Orientale semblent unis quand il n'y a aucun poste à se disputer. Au contraire, il est plus qu'habituel de voir les élites s'entredéchirer et leurs communautés d'origine, instrumentalisées bien sûr, rentrer dans des guéguerres inextricables. La phase du «doublement institutionnel» au temps de la scission du RCD-Goma en 1999, avec d'une part un Gouverneur Lokele du RCD-Goma, Théo Baruti Amisi Ikumaiyete et un autre Topoke du RCD-K, Walle Sombo Bolene nous renseigne des rapports problématiques observés entre les Lokele et les topoke.

En Ituri, nous assistons à la même récurrence des rivalités entre ethnies ou du moins entre élites des différentes ethnies qui manipulent leurs ethnies respectives. Les acteurs étrangers ont vite compris ce fait et se sont appuyés sur les rivalités ethniques existantes pour asseoir leurs hégémonies. Le Rwanda emploie plus les ressortissants de la Tshopo et surtout d'Isangi à des postes de commandement. L'Ouganda accorde diversement son soutien à toutes les milices ethniques et les oppose les unes aux autres (cela relèvant, à notre connaissance, non d'une politique de l'Etat ougandais, mais des factions ou réseaux du pouvoir (les Généraux James Kazini, Salim Saleh qui est aussi frère de Yoweri Kaguta Museveni, les Colonels Noble Mayombo, Kahinda Otafire, Peter Karim, etc.)162 et ne nomme par exemple aucun Lendu à la tête de la «Province» de l'Ituri.

161 J.-F., Bayart, L'Etat en Afrique...Passim (surtout pp. 100-153).

162 Pour une meilleure connaissance des réseaux politico-militaires ougandais ayant intervenu en RDC, lire le Rapport du Panel d'Experts de l'ONU sur l'Exploitation Illégale des Ressources Naturelles et Autres Formes de Richesse en République Démocratique du Congo, New York, 13 novembre 2001 et celui du 12 avril 2001 sur la même problématique. Voir aussi, Judicial Commission of Inquiry into Allegations into Illegal Exploitation of Natural Resources and Other Forms of Wealth in the Democratic Republic of the Congo, November 2002.

Dans ce contexte d'appropriation collective d'un pouvoir personnel des élites, le pouvoir politique devient une ressource collective ou mieux communautaire, même si cette communauté n'en profite guère.

Kuda Pombwa l'a aussi remarqué quand il note : « Bref, les coteries tribales et toutes les associations des districts concernés ont ouvertement manifesté un appui aux leurs qui ont été nommés même si beaucoup de leurs membres ne sont pas de même appartenance politique qu'eux. Et, celles qui sont oubliées ont vigoureusement réagi par un mémorandum adressé aux instances nationales »163. Tout cela est un mécanisme classique de fonctionnement de groupe et d'identité : chaque acteur est multipositionné et mobilise une pluralité d'identités soit alternativement soit cumulativement soit parallèlement. Au sein du groupe, il y a cohésion renforcée (in group) qui pousse à exclure les autres (out group) perçus comme ennemis ou menaces.

Ceci marque en fait les modalités d'action des élites politiques dans leur circulation du fait de la guerre : marginalité, automarginalité, blanchiment d'élites (comme pour le blanchiment d'argent sale, les différentes guerres qui ont marqué la Province Orientale ainsi que les différentes négociations qui s'en sont suivies ont nourri une forme de recyclage des élites politiques). Bref, leur transformation en «homme nouveau» dont le passé, même sombre, doit être ignoré, voire oublié par la mémoire collective sombrée dans l'amnésie.

Ces événements sont comme une blanchisserie164 politique ; une purification / sanctification, il s'agit ici du fait que la population accorde comme une rédemption à certaines élites de la guerre en les ennoblissant ou en les considérant comme des «libérateurs de la communauté»). Ceci a nettement enrichi la circulation des élites politiques pendant les guerres et les conflits armés interethniques en Province Orientale.

163Kuda Pombwa Lendebu Le Bagbe, Op. Cit., pp. 117-118

164 C'est-à-dire une sorte de cuve d'épuration des élites. Même celles qui ont été bannies par la population lors de certaines échéances «démocratiques» ou celles qui sont réputées comme ayant commis des crimes se voient renouvelées en «libérateurs» ou défenseurs de la cause «communautaire». Elles bénéficient par ailleurs des postes importants de commandement au sommet de l'Etat.

Le champ politique de la Province Orientale pendant les guerres est caractérisé par une lutte âpre des agents politiques, avec des forces différentes et selon des règles instituées par l'allié étranger, pour s'approprier les profits et avantages que génère ce champ, c'est-à-dire, facilités économiques et financières, prestiges, pouvoir, honneurs, estimes,...

A ce propos, il ne serait pas hasardeux d'illustrer la manifestation et la formation de l'habitus pour les élites de la Province Orientale. Habitus se comprenant comme une disposition de l'esprit et de la volonté qui fait voir les choses sous un jour déterminé. Bourdieu le définit de manière complexe, dialectique et se voulant opératoire comme «systèmes de dispositions durables et transposables, structures prédisposées à fonctionner comme structures structurantes, c'est-à-dire en tant que principes générateurs et organisateurs de pratiques et de représentations165».

Les différentes guerres ont engendré un activisme politique débordant. Les acteurs politiques locaux profitent de la violence contre l'Etat et de celle adressée aux autres groupes sociaux du fait de la faillite ou de la faiblesse de l'Etat pour réorganiser et reconfigurer l'espace politique. Cette situation suit une logique à plusieurs séquences guidées par l'histoire des guerres et conflits armés qu'a connus la Province Orientale de 1997 à 2003.

Certaines élites ont profité aux niveaux provincial et local des situations de guerres. D'autres ont saisi leur chance pour aller occuper des postes politiques supérieurs au niveau national. Cependant, il y en a également qui ont perdu le pouvoir du fait des guerres et des conflits armés interethniques166.

165 P., Bourdieu cité par C., Dubar, Op. Cit., p. 70 pour un meilleur entendement de la production, de la reproduction, du transfert de l'habitus.

166 Nous pouvons citer, parmi ceux qui ont profité de la guerre : Jean Yagi Sitolo, Noël Obotela Rachidi, Jean Pierre Bilusa Baila, Jean Pierre Lola Kisanga, John Tibasima Atenyi, Adèle Lotsove, Mohamed Bule Ngbangolo, Simon Blupi Galati, Blaise Baise Bolamba,... Et pour ceux qui n'ont profité des guerres ou ont perdu le pouvoir: Eugène Lombeya Bosongo, Noël Obotela Rachidi, Alphonse Maindo Monga Ngonga, Likulia Bolongo, Mokonda Bonza, Walle Lofungola, Walle Sombo Bolene, etc. Certains ont accédé au pouvoir et en ont été chassés par la guerre, tels sont les cas de Yagi, Obotela, Maindo Monga Ngonga, Walle Lofungola, etc.

Nous classons ces différentes élites suivant l'appartenance aux sphères du pouvoir ou leur capacité d'influence ; c'est-à-dire selon les critères fondamentaux de l'action historique et de la fonction sociale immédiate. Nous ne dressons aucunement une classification des élites, comme l'avait fait Guy Rocher167, basée sur la nature et les origines des élites.

La pratique et les actions de ces élites s'insèrent tout logiquement dans un système de gouvernementalité qui s'explique par le paradigme de recherche hégémonique qu'a utilisé J.F. Bayart168 s'articulant à travers une triple dimension d'autonomisation du pouvoir, d'accumulation des richesses et de sens commun de la domination, pour déterminer le politique. Le paradigme de la recherche hégémonique permet donc de préciser les frontières du politique dans la mesure où la qualification politique d'une pratique ou d'un mouvement social réside dans sa capacité à structurer dans sa globalité les enjeux et les questions sous-jacentes à la recherche hégémonique.

Les élites politiques en Province Orientale en étude ont, pour la majorité, une trajectoire politique identique. Elles sont presque toutes pratiquement issues des familles pauvres ou modestes et ont profité des guerres et violence politique pour capter le pouvoir de l'Etat et participer à sa gestion.

Nous nous retrouvons ici face à une situation similaire de celle qu'avait observée Robert Dahl169 au New Haven aux Etats-Unis. Dahl part d'un postulat selon lequel: l'accession à des postes politiques de direction nécessite un certain nombre de ressources: la richesse, la compétence, le prestige.

167 G., Rocher, Op. Cit., p. 4 classifie les élites en : élites d'expert (grands commis, élites d'affaires...), élites idéologiques (traditionnelles : clergé, hommes politiques, journalistes ; nouvelles : universitaires, étudiants, ouvriers), élites symboliques (artistes de la radio et de la télévision, chanteurs populaires)

168 Cette notion est richement argumentée dans les ouvrages importants suivants: J.F., Bayart, A., M'bembe et C., Toulabor, Le politique par le bas en Afrique noire: contributions à une problématique de la démocratie, Paris, Karthala, 1992. J.-F., Bayart, L'Etat en Afrique. La politique du ventre, Paris, Fayard, 1989, pp. 146-153.

169 Passim, R., Dahl, Op. Cit.

Il observe ainsi que «deux cas de figures s'offrent alors : soit un groupe ou une élite possède ces trois ressources dans ce cas nous sommes dans une oligarchie, soit plusieurs groupes ou élites possèdent chacun une (voire deux) de ces ressources. Nous sommes dans ce cas-là dans une polyarchie. Le pouvoir politique est alors partagé entre différents groupes dominants qui ne cumulent jamais les trois ressources. Les différentes élites doivent donc s'allier pour trouver des décisions communes finales. On parle donc de système de pouvoir pluraliste compétitif (puisque les élites sont en compétition pour faire accepter leurs choix, idées, etc.) et équilibré (on conçoit que les groupes ont à peu prêt les mêmes ressources).

Partant de ces explications de Robert Dahl, nous constatons qu'il y a une pluralité d'élites en Province Orientale. Ce pluralisme politique provient d'un pluralisme social (à l'image de la société) dont la différenciation sociale, la diversité d'intérêts, de profils et d'ambitions, etc. sont des marques170. En Province Orientale ceci s'observe par les milieux d'origine des élites. Elles sont issues des milieux culturel et savant (cadres universitaires et autres), des milieux commerçants et des affaires, des milieux militaires, politiques et de la société civile, etc. Pas surprenant qu'elles aussi aient des intérêts et des ambitions divers et différents.

II.2. Elites politiques : redéploiement et rapport aux autres acteurs

La guerre de l'AFDL de 1997 a généré une forme ascendante de la mobilité des élites politiques. De jeunes cadres universitaires, des membres des mouvements de jeunesse, des enseignants d'université, ont été propulsés au sommet des entités et des institutions grâce à la guerre.

Pour marquer l'espace conquis, l'AFDL choisit de remettre tous les sièges de la gestion politique et administrative en compétition populaire dans certaines régions du pays. Des membres des groupes sociaux jusque là marginalisés171 ou exclus sont happés par l'attraction magnétique de la politique poussés par les populations en quête

170 Nous empruntons ces éléments de pluralité des élites de G., Rocher, Multiplication des élites et changement social...Op. Cit., pp. 8-9.

171 Maindo Monga Ngonga, Thèse déjà cité, p. 224.

de changement politique.

Les autorités communales, municipales et provinciales sont élues à travers un mécanisme de vote insolite et inédit.172 L'AFDL organise les élections à mains levées et convie la population173. Comme des météorites, de nouveaux visages prennent le contrôle du pouvoir politique. Cela peut être interprété comme une revanche de la population sur les anciennes élites politiques «complices» du régime tortionnaire de Mobutu.

En effet, dès son occupation de la ville de Kisangani, et sa prise de contrôle du pouvoir politique, l'AFDL a innové en créant une rupture d'avec les habitudes déjà installées dans l'ordre ancien, la transition débutée le 24 avril 1990 : un multipartisme et une bipolarisation des forces politiques entre, d'une part, le bloc du pouvoir ou la mouvance présidentielle constituée de ceux qui soutenaient le Président Mobutu et, d'autre part, l'Union Sacrée de l'Opposition Radicale et Alliés (USORAS) chère à Etienne Tshisekedi. Cette époque est caractérisée par les nominations des autorités politico-administratives (Gouverneurs, Maires, Commissaires de District, Bourgmestres, Administrateurs de Territoire, etc.). Ceci a favorisé le partage du pouvoir, dans le champ politique, sur base du népotisme, du tribalisme, du clientélisme, etc.

Aussi, nous avons observé lors de l'élection des autorités locales (Gouverneur, Vice-Gouverneurs, Maire et Vice-Maire de la Ville de Kisangani) une forte mobilisation des états-majors de certaines ethnies et associations politiquement intéressées, notamment Bana Etats-Unis174, GRAMA175, Isonga songa, Lisungameli,

172 Lire à cet effet pour une meilleure compréhension : Ponea Tekpibele Masudi, La révolution et le changement politique : analyse du régime post-révolution de l'AFDL à Kisangani, TFC (inédit) en SPA, FSSAP, UNIKIS & Maindo Monga Ngonga, Voter en temps de guerre : Kisangani (RD- Congo) 1997, quête de légitimité et (con)quête de l'espace politique, Paris, L'Harmattan.

173 Il n'y a ni restriction en terme d'âge ni en terme des droits civils et politiques. Tout le monde, jeune, moins jeune, vieux, homme, femme, même le prisonnier qui venait d'être «libéré» la veille quand les militaires de l'AFDL ont cassé les portes des prisons, vote. Une démocratie dans la guerre et atypique se réalise en Province Orientale de la RDC.

174 Bana Etats-Unis est une association de la Commune de Mangobo à Kisangani très active et constamment instrumentalisée et trop vexée dans la violence. Mais tolérée et manipulée par les autorités.

les étudiants176 etc. Quelques candidats ont mobilisé de gros véhicules pour la «récolte» et le transport de «leurs bases» respectives vers le stade Lumumba, contrairement à une certaine opinion qui soutiendrait que les candidats à ces élections à mains levées organisées par l'AFDL à Kisangani ne s'étaient préparés dans le sens de la mobilisation des électeurs.177

Ce fait nous a aussi été relaté pour les mêmes élections organisées dans certains Territoires comme Banalia, Buta (pendant l'AFDL et le MLC), Isangi, Yangambi, Basoko,... où l'on pouvait plutôt observer la compétition politique prendre des allures d'antagonismes et de positionnement entre tribus.

Ces élites nouvellement promues doivent ployer dans un régime encadré par le système partisan «Chembe-chembe», apparenté aux comités locaux du MPR partiEtat de la deuxième République tant décriée, consistant à vulgariser et idéologiser les peuples «libérés».

Une structure de renseignement de l'AFDL emprunté au «nyumba kumi» de l'allié rwandais à son tour calqué à la national resistance movement (NRM) de l'Ouganda, un cadre d'action politique à la base qui est l'oeil, la bouche et l'oreille de l'Alliance. La cellule de base regroupant soit les membres d'une entreprise ou d'un service, d'une avenue, d'un quartier ou encore d'une société.

175 GRAMA aussi est une association de la même commune de Mangobo un peu rivale à la précédente mais n'utilisant pas souvent la violence comme langage d'action. Nous verrons l'apport de cette association dans la suite du déploiement des élites politiques de la Province Orientale

176 Nous étions nous même de ce groupe d'étudiants qui, aux premières heures de l'entrée de l'AFDL, paradaient à travers les grandes artères de la ville de Kisangani avec le drapeau de la République du Congo (Celui de 1967) en scandant «Yagi gouverneur». Ceci s'était déroulé bien avant même que les élections communales ne soient organisées par l'AFDL. Aussi, Willy Poyo Poye, Alain Kpoku Gbay, Christophe Baelongandi Twaotulo, Evariste Epupwa Kalenga doivent leur élection au soutien des étudiants mobilisés à leurs milieux de vote respectifs.

177 Nous nous souvenons nous être brouillé nous même avec l'une des personnalités intéressées de cette compétition le jour du vote de Maire de la ville et qui fût très versée dans cette pratique.

Le redéploiement des élites politiques de la Province Orientale se fait en trois phases principales : la première, celle que nous venons de décrire plus haut, celle favorisée par la guerre de l'AFDL, la deuxième, celle orchestrée par la guerre du RCD et les différents conflits interethniques de l'Ituri et la troisième est celle des négociations politiques.

Ces vagues successives ont chacune occasionné soit l'entrée en scène des nouvelles élites soit le retour aux affaires des anciennes élites qui, par opportunisme, se muent en hérauts des mouvements conquérants qui les gouvernent et portent leurs labels politiques soit encore l'irruption des seigneurs de guerres qui se voient comme gratifiés et promus. Car par exemple, de seize autorités élues lors des élections de l'AFDL, quinze n'ont jamais eu à gérer. La même chose se remarque en Ituri où, des onze promus commissaires de district ou gouverneurs entre 1997 et 2003, un seul avait occupé auparavant une fonction politico-administrative.

Et de toutes ces phases, les élites ont entretenu des rapports entre elles et avec d'autres acteurs externes (parrains). Ces rapports ont grandement contribué à l'émiettement de ces élites et à leurs divers alignements ayant accordé du même coup, prétexte aux forces étrangères à se livrer bataille sur le sol congolais.

Dans leurs relations réciproques (c'est-à-dire des élites en Province Orientale entre elles) et avec d'autres acteurs (les élites d'autres provinces de la RDC et avec les acteurs / commanditaires des différentes guerres), les élites de la Province Orientale sont à la fois alimentaires, satellisées, sous perfusion et vigoureusement exclusives.

Sans leadership effectif et responsable personnel, les élites en Province Orientale ne sont que des exécutants des politiques et procurateurs des entreprises importées. Ceci est remarquable, car jusqu'aujourd'hui la Province Orientale ne connaît aucune élite capable de mobiliser et de fédérer les masses autour d'un idéal ou d'une cause commune.

Globalement, dans leurs rapports avec d'autres acteurs, les élites politiques en Province Orientale en étude, que nous qualifions pour besoin de commodité d'explication et de compréhension élites de la guerre, ont été à la fois dans une position d'intermédiaires des potentats étrangers et de maîtres de leurs espaces de contrôle respectifs. Il s'agit en fait d'une adaptation à la situation pour faire triompher des intérêts personnels de contrôle d'espaces économiques ainsi que de conquérir et affermir le pouvoir politique.

Les rapports entre élites en Province Orientale n'ont pas échappé à la règle de la nature conflictuelle de la société comme l'indique Alain Touraine178 : « l'ordre n'est, finalement, qu'une traduction partielle des conflits de pouvoir et des transformations des modèles culturels. De là l'importance des mouvements sociaux, qui font apparaître les rapports sociaux les plus fondamentaux et révèlent que les institutions et les formes d'organisation sociale sont produites par les rapports sociaux, [...].» Seulement ici, du fait de la manipulation extérieure et des intérêts économicofinanciers que procuraient la violence politique ainsi que le pouvoir qu'elle générait, ces rapports ont conduit aux innombrables déchirements et peuvent expliquer la tendance fissipare des élites en Province Orientale.

178 A., Touraine, Le retour de l'acteur, Paris, Fayard, 1984, p. 113 et ss. Voir aussi, dans une vision purement fonctionnaliste, L., Coser, Les fonctions du conflit social, traduction de M., Matignon et Alii., Paris, PUF, (coll. sociologies), 1982, surtout, les pp. 27, 95.

Tableau 3 : Les élus de la guerre de 1996 à Kisangani

NOMS & POSTNOMS

NIVEAU
D'ETUDE

FONCTION
POLITIQUE
OCCUPEE

AVANT

FONCTION
TENUE

JURIDICTION

OBSERVATION

Dr Jean Yagi Sitolo

Dr en médecine

Sans

Gouverneur de

Province

Province
Orientale

Ancien Président de l'UDPS en Province Orientale, Chef de Travaux à l'UNIKIS

Noël Obotela Rachidi

Dr

Sans

Vice-Gouverneur de Province

Province
Orientale

Professeur à

l'UNIKIS, acteur de la société civile

François Lobela Alauwa

L2

Sans

Maire de la Ville

Ville de

Kisangani

Avocat au Barreau de Kisangani, membre de la DLD

Selenge wa Selenge

L2

Sans

Vice-Maire de la

Ville

Ville de

Kisangani

Employé de la

Sotexki et très actif dans le monde du football.

Evariste Yangoy Epupwa

L2

Sans

Bourgmestre

Commune de

la Makiso

Chef de Travaux à F.P.S.E/UNIKIS

Joseph Lokinda Komoy

G3

Commissaire de

Zone assistant de la commune Makiso

Bourgmestre adjoint

Commune de

la Makiso

Etudiant en L2 SPA

Willy Mpoyo Poye

L2

Sans

Bourgmestre

Commune de

la Tshopo

Il fait les petits

commerces entre

Kisangani et les sites d'extraction de diamant

Alain Kpoku Gbay

G3

Sans

Bourgmestre adjoint

Commune de

la Tshopo

Ami du précédent, il
est comme lui dans
le business entre

Kisangani et les sites d'extraction de diamant

Alphonse Maindo Monga

Ngonga

L2

Sans

Bourgmestre

Commune de

Kabondo

Assistant de

recherche à

l'UNIKIS au

département des

SPA et très actif dans les milieux de la jeunesse catholique et de la société civile

Jules Okete Longe

G3

Sans

Bourgmestre

Commune de

Enseignant

 
 
 

adjoint

Kabondo

(Professeur d'école)
au Complexe
Scolaire de l'UNIKIS

Saleh Muzelea

D6

Sans

Bourgmestre

Commune de

Kisangani

Employé à Athul

GHELANI, un

magasin de gros

implanté à
Kisangani

Ndjasi Liandja

G3

Sans

Bourgmestre adjoint

Commune de

Kisangani

 

Loela Bonone Bisonya

L2

Sans

Bourgmestre

Commune de

Mangobo

 

Christophe Baelongandi

Twaotulo

L2

Sans

Bourgmestre

Commune de

Mangobo

Il faisait le business entre la ville et les sites d'extraction de diamant de Bafwasende

Augustin Yessaya Losembe

G3

Sans

Bourgmestre

Commune de

Lubunga

Inspecteur à l'EPSP

Clément Apatchakuwa

Mikendi

G3

Sans

Bourgmestre adjoint

Commune de

Lubunga

 

Source : Ponea Tekpibele Masudi, Op. Cit. (1997), p.26

Les personnalités ci-haut ont été poussées par une pression de jeunes de leurs quartiers respectifs à briguer les postes en compétition. Parmi elles, des jeunes cadres universitaires ou encore étudiants préférés aux vieux «dinosaures» de l'ancien régime. Les élections sui generis organisées par l'AFDL ont permis un renouvellement des élites politiques en Province Orientale. Tous les postes de gestion politique ont vu leurs responsables rejetés et accusés par la population d'avoir été complices du MPR.

Une autre révélation issue de ces élections est l'élection dans plusieurs communes de certains allogènes alors que la Province était qualifiée de bastion de la « géopolitique »179. Car, pendant les derniers mois du régime Mobutu, les élites autochtones de la Province Orientale avaient machinalement adopté la «politique» de « Kila mamba na Kivuku yake » (entendez, A chaque Caïman son marigot ou sa rive)

179 La géopolitique était cette stratégie de xénophobie et d'exclusion des non originaires au profit des originaires quidevraient dorénavant occuper seuls les postes de gestion dans leur province d'origine. La Province Orientale, bien

qu'ayant à sa tête l'un des chantres les plus invétérés, n'est pas la seule en RDC d'avoir actionné cette politique du pire ; le Katanga, le Kasaï ont connu entre 1992 et 1993 des pires épisodes de crises sociales.

et entretenaient une xénophobie à l'égard des allogènes. Prétendant que cela était le reflet de la société, donc des «originaires», qui ne voulait être dirigée par les «étrangers». Mais, les élections dans la guerre, riche de la spontanéité dans leur organisation, ont démenti ces manipulations politiciennes des élites aux abois.

Les professions libérales et la proximité avec la population semblent être des éléments qui ont servi ces élites dans leur ascension180. Les jeunes élites novices en politique pour la grande partie font irruption et profitent de la guerre pour prendre le pouvoir. Seuls deux élus (le Vice-Maire Selenge wa Selenge et le Bourgmestre Adjoint de la ville de la Makiso) sont des anciens politiciens reconnus du temps du MPR. Le Gouverneur Jean Yagi Sitolo a été Président fédéral de l'UDPS, mais il n'a jamais été en contact avec le pouvoir.

Malgré la spontanéité et la moindre préparation des élections, nous observons que la population a opté pour la qualité intellectuelle, ou mieux le niveau d'instruction, comme critère de choix de ses gouvernants. Car, de tous les élus, un seul, Saleh Muzelea n'a un niveau universitaire. Ceci n'est pas surprenant si l'on considère le fait que la commune de Kisangani dont il est l'élu n'a pas beaucoup d'écoles et ne comporte, sans que cela ne soit compris comme une insulte, assez d'universitaires.181

Les élections à temps de guerre ont rompu avec le clientélisme instauré et entretenu par la pratique des nominations. C'est l'ère de la démystification et la dispersion du régime de Mobutu et de ses auxiliaires locaux. Les nouvelles figures occupent par exemple des villas jadis objet de mythes et de crainte fréquemment entretenues quoique toujours inhabitées. Leurs biens sont réquisitionnés par les

180 Passim, Maindo Monga Ngonga, Voter en en temps de guerre... pp. 105-135

181 A Kisangani, il est de notoriété commune que les Enya et les arabisés, majoritaires dans la commune Kisangani, n'envoient pas leurs enfants à l'école ou ne les poussent vers des études universitaires. Les ressortissants de ces deux communautés sont à peine identifiables dans les sphères du pouvoir en Province Orientale. Les Enya et les arabisés s'adonnent dès le plus jeune âge aux petits métiers et commerces (cireurs, vendeurs de noix de cola, vendeurs de la pacotille, crieurs au marché central, etc.) et pratiquent encore le rapt comme système de mariage. Ce qui explique la précocité de mariage chez les jeunes de ces groupes ethniques à Kisangani et de la négligence des études par ces derniers. Kisangani étant leur village, ils vivent en ville comme au village perpétuant les pratiques rurales dans une entité qui s'urbanise de plus en plus. Ceux qui atteignent le niveau supérieur préfèrent quitter leur milieu de vie pour d'autres communes de la ville.

nouveaux maîtres de jeu pour eux-mêmes ou pour le compte des alliés étrangers, etc.

A Kisangani par exemple, de toutes les autorités élues, une seule survit de l'ancien régime mobutiste : Lokinda Komoy élu Bourgmestre adjoint à la commune de la Makiso.

Tableau 4 : Les différentes élites de la guerre du RCD en Province Orientale

NOMS & POSTNOMS

NIVEAU
D'ETUDE

PERIODES

Fonctions exercées

JURIDICTION

OBSERVAT
ION

Bene Kabala

Dr

26 9 1998 - 06 12 1998

Gouverneur de

Province

Province Orientale

Tshopo

Baruti Amisi Ikumaiyete

DES

23 12 1998 - 20 6 2000 et 16 5 2004 - 15 11 2005

Deux fois

Gouverneur de

Province

Province Orientale

Tshopo

Yogbaa Litanondoto

-

20 7 2000 - 20 4 2001

Gouverneur de

Province

Province Orientale

Haut - Uélé

Bilusa Baila Boingaoli

Dr

21 4 2001 - 16 6 2004

Gouverneur de

Province

Province Orientale

Tshopo

Lola Kisanga

Dr en

Médecine

2000 - 11 2005 à 2006

Vice-Gouverneur et

Gouverneur de

Province

Province Orientale

Haut- Uélé

Asiane Bamukwiemi

L2

 

Vice - Gouverneur

Province Orientale

Haut- Uélé

Abibi Azapane Mango

Dr

2001

Président

Assemblée Provinciale

Haut-Uélé

Abibu Sakapela

L2

2001

1er Vice-Président

Assemblée Provinciale

Tshopo

Amisi Mabango Kasa

-

2001

Membre

Assemblée Provinciale

Tshopo

Amundala Bin Ramazani

L2

2001

Membre

Assemblée Provinciale

Tshopo

Baboko Jacogne

L2

2001

Membre

Assemblée Provinciale

Tshopo

Badi Amolo

-

2001

Membre

Assemblée Provinciale

-

Baolimo Lotemba

-

2001

Membre

Assemblée Provinciale

Tshopo

Basinga Batokambele

-

2001

Membre

Assemblée Provinciale

-

Batumbu Ewikio

-

2001

Membre

Assemblée Provinciale

Tshopo

Bongeli Osombetamba

Ir

2001

Membre

Assemblée Provinciale

Tshopo

Bosasele Losinge

-

2001

Membre

Assemblée Provinciale

Tshopo

Bosenge Akoko

 
 
 
 
 

Daudi Auber

-

2001

Membre

Assemblée Provinciale

-

Djassi Liandja Bofando

L2

2001

Membre

Assemblée Provinciale

Tshopo

Ekita Longomba

-

2001

Membre

Assemblée Provinciale

-

Elombo Bonyangela

-

2001

Membre

Assemblée Provinciale

-

Ekili Sefu

-

2001

Membre

Assemblée Provinciale

Tshopo

Feruzi Kimina

-

2001

Membre

Assemblée Provinciale

Tshopo

Mme Furaha Bernadette

-

2001

Membre

Assemblée Provinciale

-

Iyango Faki

-

2001

Membre

Assemblée Provinciale

-

Itha Loola

-

2001

Membre

Assemblée Provinciale

Tshopo

Kanena Louis

-

2001

Membre

Assemblée Provinciale

-

Keto Likema

-

2001

Membre

Assemblée Provinciale

-

Kilolo Kitunga

-

2001

Membre

Assemblée Provinciale

Tshopo

Kokonyange Georges

-

2001

Membre

Assemblée Provinciale

-

Laguine Dikumbo

-

2001

Membre

Assemblée Provinciale

Bas-Uélé

Libaki Idulumade

-

2001

Membre

Assemblée Provinciale

-

Lifindiki Lokengo

-

2001

Membre

Assemblée Provinciale

Tshopo

Lingofo Jacques

-

2001

Membre

Assemblée Provinciale

Tshopo

Lisuli Boni

-

2001

Membre

Assemblée Provinciale

-

Liyeye Balonga

L2

2001

Membre

Assemblée Provinciale

Tshopo

Lokawe Balabala

-

2001

Membre

Assemblée Provinciale

-

Lokwa N'koy

-

2001

Membre

Assemblée Provinciale

Tshopo

Malindo Abakisi

-

2001

Membre

Assemblée Provinciale

-

Mangubu Lotika

L2

2001

1er Secrétaire

Assemblée Provinciale

Tshopo

 
 
 

Rapporteur

 
 

Mbalaka Michel

-

2001

Membre

Assemblée Provinciale

-

Momoty Lemand'azuato

L2

2001

Membre

Assemblée Provinciale

Tshopo

Muhayirwa Baudouin

-

2001

Membre

Assemblée Provinciale

-

N'goy Musafiri Lihemba

-

2001

Membre

Assemblée Provinciale

-

Okangola Ekili

L2

2001

Membre

Assemblée Provinciale

Tshopo

Tibamwenda Basara E.

Dr

2001

Membre

Assemblée Provinciale

Ituri

Tumilali Lonyongo

-

2001

Membre

Assemblée Provinciale

Tshopo

Mme Uzele Béatrice

L2

2001

Membre

Assemblée Provinciale

Ituri

Mme Wawa Marie-Hélène

-

2001

membre

Assemblée Provinciale

-

Boondo Lotika B.

L2

1998-1999

Maire de la Ville

Ville de Kisangani

Tshopo

Tchoko Lisungi B.

L2

1999 - 2001 & 2001 - 2003

Maire de la Ville de Kisangani & Vice- Gouveneur

Ville de Kisangani &

Province Orientale

Tshopo

Bongeli Osombetamba

Ir

2001-2002

Maire de la Ville

Ville de Kisangani

Tshopo

Fumba Kambemba

-

1999-2000

Bourgmestre

Kisangani

Maniema

Bompenda Bona

G3

1999-2001

Vice Maire de la ville
en charge de

l'Economie et
Finances

Ville de Kisangani

Equateur

Deuda Mamoko

L2

1999-2000

Bourg. Adjoint

Makiso

Haut-Uélé

Mabuse Ekila

-

1999-2000

Bourg. Adjoint

Kabondo

Tshopo

Bakoy Bakunguwo

D6

1999-2000-2005

Vice Maire (Adm.) et Maire de la Ville

Ville de Kisangani

Haut Uélé

Kambili Lofemba

G3

2005-2007

Maire de la Ville

Ville de Kisangani

Tshopo

Etula Libange

-

2005-2006

Maire de la Ville

Ville de Kisangani

Tshopo

Bosenge Akoko

L2

 

Maire Adjoint

Ville de Kisangani

Tshopo

Kanena Sawamunzila

L2

2002

Maire Adjoint

Ville de Kisangani

Sud Kivu

Tabey Ngbengo

L2

2003-2005

Bourgmestre

Commune de Kabondo

Bas Uélé

Bulaya Basong

G3

2001

B/Adjoint

Commune de Kabondo

Tshopo

Djasi Liandja B.

L2

1998-2005

Bourgmestre

Commune de Kisangani

Tshopo

Selenge Sakina

D4

-

B/Adjoint

Commune de Kisangani

Tshopo

Sikoti Katenga

G3

-

Bourgmestre

Commune de Lubunga

Tshopo

Etukumalo Inola

L2

2002

B/Adjoint

Commune de Lubunga

Tshopo

Okete Longe Watuku

L2

1998

Bourgmestre

Commune de la Makiso

Maniema

Mandjeku

L2

2002

B/Adjoint

Commune de la Makiso

Tshopo

Lomoyo Iteku

L2

1998

Bourgmestre

Commune de Mangobo

Tshopo

Lolesia Botalema

L2

1998

B/Adjoint

Commune de Mangobo

Tshopo

Benda Malio

D6

1998

Bourgmestre

Commune de la Tshopo

Equateur

Batululu Kalokola

PP4

1998

Chef de Collectivité

Lubuya-Bera

Tshopo

Bulu Bobina

L2

1998

CDD

District de la Tshopo

Tshopo

Bometo Bosukwa

L2

1998

CDD/Adjoint

District de la Tshopo

Tshopo

Uvon Opara

L2

1998-2001

Directeur de Province

Province Orientale

Ituri

Lokanzola Mbeyo

-

2003

Directeur de Province

Province Orientale

Tshopo

Mme Binti Darabu

-

1998-1999

Bourgmestre

Commune de Kisangani

Tshopo

Saleh Museleya

L2

1999

Bourgmestre

Commune de Kisangani

Tshopo

Kombozi Masua

-

1999-2000

Bourgmestre

Commune de Kisangani

Tshopo

Mme Uzele

-

2000

Bourgmestre

Commune de Kisangani

Ituri

Amundala Bulozi

-

1999-2000

B/Adjoint

Commune de Kisangani

Tshopo

Ngongo Wazambila

-

1998-1999

B/Adjoint

Commune de Kisangani

Tshopo

Djassi Liandja B.

L2

2002-2005

Bourgmestre

Commune de Kisangani

Tshopo

Kamulete di Bolamba

-

2005

Bourgmestre

Commune de Kisangani

Tshopo

Ayaka

-

1998-1999

Bourgmestre

Commune de Lubunga

Tshopo

Apatchakuwa Mikendi

-

1998-1999

B/Adjoint

Commune de Lubunga

Tshopo

Limengo Liloa

-

1998-1999

B/Adjoint

Commune de Lubunga

Tshopo

Sikoti Katenga

-

2000-2004

Bourgmestre

Commune de Lubunga

Tshopo

Sikoti Katenga

-

2000-2005

Bourgmestre

Commune de Lubunga

Tshopo

Mme Saile Selenge

L2

2005-2008

Bourgmestre

Commune de Lubunga

Tshopo

Poyo Poye

L2

2000-2002

Bourgmestre

Commune de la Makiso

Kasaï Occidentale

Mme Benda Malio

G3

2002-2005

Bourgmestre

Commune de la Tshopo

Equateur

Batumbu Mungamba

A1

1998

CDD/Adjoint

District de la Tshopo

Tshopo

Bofonda

G3

2003

CPEA

Bengamisa

Tshopo

Lihaha Mona

L2

2001

AT

Basoko

Equateur

Andefelo Yenga

L2

2001

AT/Adjoint

Basoko

Tshopo

Saile Selenge

L2

1999

AT/Adjoint

Basoko

Tshopo

Akanis S.

L2

1999

AT

Opala

Tshopo

Olela Bolangi

PP5

1999

AT/Adjoint

Opala

Tshopo

Elembo Bonyangela

D6

2002

AT/Adjoint

Opala

Tshopo

Lombo Lilima

PP2

1999

CPEA

Lokito

Tshopo

Obendela Itondo

PP3

1999

CPEA

Mayoko

Tshopo

Okangola Ema

PP2

2002

CPEA

Mongo Likenge

Tshopo

Tabu Yeni

G3

2001

CPEA

Yatolema

Tshopo

Apachakua Makana

G3

1999

AT

Ubundu

Tshopo

Shokoto Mikaeli

G3

1999

AT/Adjoint

Ubundu

Tshopo

Asika

D4

1999

AT/Adjoint

Ubundu

Tshopo

Fundi Malanda

D4

1998

Chef de cité

Ubundu

Tshopo

Malungu Walipesi

D4

1999

CPEA

Kirundu

Tshopo

Tchoma Tchoma

PP3

1998

CPEA

Basusoko

Tshopo

Salumu Beki

PP5

1999

CPEA

Lowa

Maniema

Masanza

L2

2002

CPEA

Wanierukula

Haut Uélé

Bokalanga Wya

G3

1998

AT

Yahuma

Tshopo

Liendo Monga

L2

1998

AT/Adjoint

Yahuma

Tshopo

Bitie Amundala

L2

2003

AT/Adjoint

Yahuma

Tshopo

Etsike Badjoko

L2

2003

Chef de Cité

Mosite

Tshopo

Topo Bombongo

L2

2003

CPEA

Buma

Tshopo

Yangelonge Losom

D4

2003

CPEA

Koret

Tshopo

Source Source : Nos enquêtes.

Il est remarquable de voir que le RCD-Goma a abondamment utilisé les élites intellectuelles dans sa gestion des espaces contrôlés. Nous remarquons aussi que la mobilité a été très forte sous la gestion RCD-Goma. Dans un intervalle de sept ans, six gouverneurs de province ont défilé à la commande de la Province Orientale (du moins de la partie sous contrôle du RCD-Goma) par exemple. Des tentatives de démocratisation de l'espace politique par l'institution de l'Assemblée provinciale. Le district de la Tshopo est majoritairement servi par la rébellion du RCD-Goma, peut-être parce que ce mouvement ne contrôle en fait que cette partie de la Province Orientale. Ainsi se concrétise la permanence déjà observée qui consiste à utiliser chacun chez soit. Les quelques cas de présence des élites d'autres districts répondraient certainement à une logique de camouflage de la part du mouvement cherchant à se donner un semblant de cohésion provinciale, voire nationale. La tendance régionaliste dans le choix des cadres par le RCD-Goma n'a pas été si absolue. Plusieurs personnalités des provinces autres que la Province Orientale ont été aussi mobilisées dans la gestion de l'espace RCD-Goma.

Noms & Postnoms

Niveau d'étude

Période

Fonctions exercées

Juridiction

Observation

Mondenge Loota

PP5

2001

Administrateur de
Territoire (AT)

Bafwasende

Tshopo

Ngomiandji Lengo

L2

2001

AT

Opienge

Tshopo

Alotadi Makindo

D6

2001

AT/Adjoint

Bafwasende

Tshopo

Aloma Hopla

G3

2001

AT/Adjoint

Bafwasende

Tshopo

Asango Komoy

L2

2001

AT/adjoint

Opienge

Tshopo

Mbolipasiko Dalungba

D4

1999

AT

Faradje

Haut Uélé

Makusudi

G3

2002

AT

Rungu

Tshopo

Fataki Androma

D6

2002

AT

Wamba

Haut Uélé

Kpoku Gbay

G3

2003

AT/Adjoint

Wamba

Haut Uélé

Abaina Mukumwana

D4

2001

AT/Adjoint

Wamba

Haut Uélé

Azibi Mungu Kita

D6

2000

CPEA

Bobond

Haut Uélé

Mangole Mowale

PP4

2001

CPEA

Betongwe

Haut Uélé

Nganda Nzemen

D6

2001

CPEA

Ibambi

Haut Uélé

Ngamane Atinga

D6

1999

CPEA

Obongone

Haut Uélé

Kahia Madaku

D6

2001

AT

Watsa

Haut Uélé

Kwinza Dudu

PP2

2003

AT/Adjoint

Watsa

Haut Uélé

Agombe Lombondi

L2

2001

AT/Adjoint

Watsa

Tshopo

Azima Ndima

D6

2001

Chef de Cité

Watsa

Haut Uélé

Akenani A.

D4

2002

CPEA

Duruma

Haut Uélé

Bochechele Baelo

A2

2003

CPEA

Gombari

Tshopo

Adamu Mungu

-

2001

CPEA

Mungbere

Haut Uélé

Awele Azapana

-

-

CPEA

Ngovera

Haut Uélé

Source Source : Nos enquêtes.

Il ressort de ce tableau que le RCD-N s'est aussi préoccupé, dans sa gestion de l'espace, du recrutement d'une «main d'oeuvre» politique locale. Car, Roger Lumbala devait faire face à l'exigence des populations locales à gérer leurs propres espaces, sa gestion étant déjà récusée par les jeunes de Bafwasende qui se sont constitués contre lui en milice d'autodéfense maï maï. Nous retrouvons aussi parmi les élites mobilisées pour ce mouvement, un ancien de l'AFDL à Kisangani qui revient dans la scène politique après une éclipse dans son monde habituel des affaires d'or et de diamant. Aussi, Monsieur Makusudi, un ancien Administrateur de Territoire est gardé. Ceci témoigne d'une certaine assimilation réciproque des élites que nous allons voir dans les lignes qui suivent.

Noms et Post-

noms

Niveau d'études

Période

Fonctions exercées

Juridiction

District d'origine

Kwanza Bambe

L2

2002

CDD

Bas Uélé

Bas Uélé

Sende Nange

L2

2002

CDDA

Bas Uélé

Bas Uélé

Mokoto

G3

1999

AT

Aketi

Bas Uélé

Lovo

G3

1999

ATA

Aketi

Bas Uélé

Kalonda

D6

1999

Chef de cité

Aketi

Bas uélé

Litefanye Mosomali

D6

2002

CPEA

Bunduki

Bas Uélé

Kompanye Mosowali

PP4

2002

CPEA

Dulia

Bas Uélé

Mbeu

PP5

1999

CPEA

Likati

Bas Uélé

Motyobe

D6

2002

CPEA

Muma

Bas Uélé

Mamuzi Lani

L2

1999

AT

Ango

Bas Uélé

Lemalema Kisisa

L2

1999

ATA

Ango

Bas Uélé

Zanga Baye

D6

2001

CPEA

Api

Bas Uélé

Kele Belo Kana

PP5

1999

CPEA

Bweli

Bas Uélé

Segwele

D6

2001

CPEA

Dakwa

Bas Uélé

Dula Kaba

PP5

1999

CPEA

Dingba

Bas Uélé

Badele Bapage

G3

1999

AT

Bambesa

Bas Uélé

Kabemole Ngoto

PP5

1999

ATAt

Bambesa

Bas Uélé

Kanako Alula

D6

2001

CPEA

Bambili

Bas Uélé

Motangba

D6

1999

CPEA

Ganga

Bas Uélé

Tongo Bandamali

G3

2002

AT

Banalia

Tshopo

Ramazani Bin Hasan

PP5

2002

ATA

Banalia

Maniema

Bambe wa Mambo

D4

2002

ATA

Banalia

Tshopo

Lokando Ankole

PP4

2003

CPEA

Kole

Tshopo

Lomaliza wa Lomaliza

PP3

2003

CPEA

Panga

Tshopo

Ogibo Sasa

D6

2001

CPEA

Makongo

Bas Uélé

Bamwingamela Mbali

L2

1999

CPEA

Maleke

Bas Uélé

Epebato

L2

2001

CPEA

Zobia

Bas Uélé

Gasao Yangume

L2

2001

AT

Bondo

Bas Uélé

Ngbondo Nbgonda

G3

2001

ATA

Bondo

Bas Uélé

Bosila

G3

2000

CPEA

Bili

Bas Uélé

Soto Ganga

G3

1999

CPEA

mangoli

Bas Uélé

Londo Kito

G3

2003

CPEA

Monga

Bas Uélé

Isungila Selenge

D6

2001

CPEA

Ndu

Bas uélé

Ngbelo Baobia

L2

1997

CPEA

Bambili

Bas Uélé

Lomaliza Aligane

L2

1997

AT

Buta

Bas Uélé

Lokundo Komba

G3

1996

ATA

Buta

Tshopo

Gwaso Poka Lingi

A1

1999

Chef de Cité

Buta

Bas Uélé

Nenga Lisasi

-

2001

CPEA

Kumu

Bas Uélé

Mogoya Molangi

A1

2000

CPEA

Buta Sud

Bas Uélé

Abadiponi

G3

2001

CPEA

Titule

Bas Uélé

Tutu Kendeza

A2

1999

AT

Poko

Bas Uélé

Bwana Tule

D6

1999

ATA

Poko

Bas Uélé

Kopeya

PP5

1999

CPEA

Hamadi I

Bas Uélé

Betima Etitule

D6

1999

CPEA

Hamadi II

Bas Uélé

Muhamed Kileta

-

1999

CPEA

Mawa/Gare

Bas Uélé

Molinga N.

PP5

1999

CPEA

Teli

Bas Uélé

Tepatondele Nzai

PP5

1999

CPEA

Viadana

Bas Uélé

Movari M'avoba

PP2

1999

CDD (Front de

Libération du
Congo)

Haut Uélé

Haut Uélé

Sangba Lanzi

G3

1999

CDDA (Front de

Libération du
Congo)

Haut Uélé

Haut Uélé

Kpakwo Tungalani

A1

1999

CDD (Front de

Libération du
Congo)

Dungu

Haut Uélé

Source : Nos enquêtes.

La lecture de ce tableau nous renseigne que le mouvement rebelle MLC a procédé de la même manière que les autres dans la gestion des entités conquises. Ils ont massivement nommé des auxiliaires de leurs administrations respectives. C'est effectivement ces nominations qui ont généré la circulation des élites politiques locales. Il est remarquable de signaler que des 52 personnalités retenues, 12 ont fini les études universitaires (dont 9 licenciés et 3 Ingénieur A1), 10 personnalités ont un niveau de gradué dont 1 personne le grade de A2, 12 autres personnalités sont d'un niveau de D6. Les autres personnalités ont un niveau scolaire qui varie entre le D4 et le PP2 en passant par le PP3, le PP4 et le PP5. Aussi, l'appartenance régionale est capitale dans la distribution des postes aux acteurs. Chacun est nommé chez lui, sauf quelques rares cas observés notamment à Banalia et à Buta.

Nous remarquons ici le rôle déterminant de l'instruction ou niveau d'étude dans la distribution des postes pendant les guerres. Ceci témoigne bien de ce que Pierre Bourdieu a écrit : «le rôle de l'école est déterminant dans la perpétuation des

inégalités sociales.»182 On remarque en outre que les élites retenues dans ce tableau ont été mobilisées dans leurs terroirs d'origine respectifs.

Tableau 7 : Quelques élites dominantes de l'Ituri en temps de guerre

Noms et Postnoms

Niveau d'étude

Période

Fonctions exercées

Juridiction

Pouvoir de

nomination

Observation

Kamara Rwakaikara

Dr

1997

CDD

Ituri

AFDL

Hema/Irumu

Dheju Mugenyi

-

1997

CDD/Kamara

Ituri

AFDL

Hema/Djugu

Uringi Padolo

-

1998 et

2000-2001

CDD

Ituri

RCD-Goma & RCD-K

Alur/Mahagi

Lotsove Mugisa

-

1998

Gouverneur de la

Province du Kibali-
Ituri183

Kibali-Ituri

Le général

ougandais Kazini

Hema/Djugu

Bule Ngbangolo Mohamed

-

2001-
20002

Gouverneur de la

Province du Kibali-Ituri

Kibali-Ituri

Bemba/FLC

Boa/Bas-Uélé

Ruhigwa Baguma

-

2002-2003

Gouverneur de la

Province du Ituri

Ituri

Bemba/FLC

Hema/Irumu

Molondo Lobondo

-

2003

Gouverneur de la

Province du Ituri

Ituri

Bemba/FLC

Luba/Kasaï Orientale

Eneko Ngwanza

-

2003

Gouverneur de la

Province du Ituri

Ituri

Lubanga/UPC

Lugbara/Aru

Mileyo Lotiyo

-

2003

Gouverneur de la

Province du Ituri

Ituri

Lubanga/UPC

Kakwa/Aru

Leku Apuobo

-

2003-2004

CSA II

Ituri

AS II

Lese/Mambasa

Vwaweka Petronille

-

2004

CDD

Ituri

Gouvernement central

Alur/mahagi

Mbitso Joas

-

2004

CDDA

Ituri

AS II

Lendu/

Germain Katanga

-

1999-2004

Seigneur de la guerre, nommé général des FARDC en 2004184

Ituri

FRPI

Ngiti (Lendu) il

est le leader de FRPI

Jérôme Kakwavu Bukande

-

1999-2004

Chef des FAPC nommé général des FARDC en 2004

Aru

FAPC

Tutsi du Masisis
au Nord Kivu

Ancien sergent
des FAZ

Floribert Ndjabu Ngabu

D6

1999-2004

Commandant des FNI

Djugu-Irumu

FNI

Lendu

182 P., Bourdieu cité par M. De Coster, B., Bawin-Legros et M., Poncelet, Introduction à la sociologie, Bruxelles, De Boeck & Larcier, 6ième édition, 2006. p. 229. Lire aussi dans le même registre A., Prost, L'enseignement s'est-il démocratisé ?, Paris, PUF, 1986.

183 Le Kibali-Ituri est l'ensemble du District de l'Ituri plus le Territoire de Faradje qui lui est une entité du District du Haut-Uélé. Le fait d'incorporer ce Territoire dans la juridiction de l'Ituri a toujours provoqué de vives réactions de la part de nombreux natifs du Haut-Uélé qui n'apprécient pas voir leur terre, donc eux aussi être placés sous tutelle des ituriens. Par contre, certaines élites du Haut-Uélé ont tiré profit de cette situation en participant activement dans les différents gouvernements de fait de cette configuration.

184 Le 11 décembre 2004, le Président Joseph Kabila a signé un décret nommant six chefs de groupes armés de l'Ituri au rang de généraux dans les FARDC. Ce décret assurait également la nomination de trente-deux autres personnes à des postes de responsabilité.

Kahwa Panga Mandro

D4

1999-2004

Leader du PUSIC

Djugu-Irumu

PUSIC

Hema. Chef de la chefferie Bahema

Banywagi

Bosco Taganda

-

1999-2004

Chef d'opérations

militaires de UPC/L.

Nommé au rang de Général des FARDC en 2004.

Ituri

Lubanga/UPC

Tutsi (Munyamulenge)

Thomas Lubanga Dylo*185

L2 en

Psychologie

1998-2004

Seigneur de la guerre et Leader de l'UPC, UPC/L

Ituri

UPC

Hema-Gegere de Djugu

Source : Nos enquêtes.

Ce tableau reflète l'Ituri de la guerre et exprime les tendances des étapes successives de la violence politique manifestée dans ce district/province entre 1997 et 2003. Nous remarquons premièrement l'ascendance Hema sur les autres groupes ethniques de l'Ituri. Deuxièmement, nous assistons à l'irruption des nouvelles élites politiques dans la gestion politique des entités. Car, sauf Uringi Padolo et Mbitso Joas ont des passés de territoriaux. Les autres sont des produits des guerres en politique. Nous retrouvons des militaires (Molondo Lobondo et Bule Ngbangolo Mohamed) exercer les fonctions politiques. Ceci exprime le radicalisme ethnique qui s'y était développé à travers un clivage identitaire Bantou/Non Bantou importé à celui Tutsi/Hutu du Rwanda et qui raviva les anciens ressentiments communautaires préexistants. Un clivage alimenté du reste par un complot mythologique de l' « empire Hima-Tutsi» aux allures du prétendu « Protocole de sages de Sion » juif.

Quant à la diversité d'appartenance régionale ou territoriale, ceci se justifie par le fait que la «province d'Ituri» a connu plusieurs procurateurs «suprêmes» qui ont à leur tour procédé aux nominations. Ainsi, quand c'est Jean Pierre Bemba Gombo qui contrôle l'Ituri sous le girond du FLC, il nomme, outre un Hema, un Kasaïen et un Boa. Le seul Lendu ayant gravi le sommet de la gouvernance locale de l'Ituri est Mbitso Joas. Sans crainte d'être contredit, nous observons que les leaders majeurs (seigneurs de guerre ou leaders communautaires) de la violence en Ituri ont peu ou prou fait des

185 Thomas Lubanga Dylo est détenu par la Cour Pénale Internationale pour crimes de guerres et crimes contre l'humanité.

longues études. Sur ce tableau, seules deux personnalités ont un niveau universitaire. Tableau 8 : Quelques autres élites des guerres de l'Ituri

Noms et Postnoms

Niveau d'étude

Période

Fonctions exercées

Juridiction

Pouvoir de

nomination

Observation

Adheribo Pete

L2

2001

AT

Aru

FAPC

Ituri

Batamoko

G3

2001

AT/Adjoint

Aru

FAPC

Ituri

Amadri

G3

2001

AT/Adjoint

Aru

FAPC

Ituri

Mateso Bamarake

D6

2001

AT

Djugu

UPC

Ituri

Ndjonji Lossa

PP5

2000

CPEA

Blukwa

UPC

Ituri

Lolo

L2

1999

CPEA

Libi

UPC

Ituri

Walo Kpodda

D6

2000

CPEA

Nizi

UPC

Ituri

Bahimuka

PP5

2001

AT

Irumu

FNI

Ituri

Silbilio Duaka

L2

2000

Chef de Cité

Bunia

CPI

Ituri

Alezu Bakati

D6

2001

CPEA

Boga

FNI

Ituri

Sambo Avetsu

L2

1997

CPEA

Geti

FNI

Ituri

Musafiri Gbongo

PP3

2001

CPEA

Kasenyi

FNI

Ituri

Lobisobo Makanagwa

PP4

2001

CPEA

Komanda

FNI

Ituri

Kerali

L2

2004

AT

Mahagi

FAPC

Ituri

Udaga Njoozo

G3

2001

AT/Adjoint

Mahagi

FAPC

Ituri

Matata Makalamba

D4

1983

AT/Adjoint

Mahagi

FAPC

Ituri

Tumba Djaloi

D4

2003

Chef de Cité

Mahagi

FAPC

Ituri

Ukumu Lungee

D6

2002

CPEA

Djalasiga

FAPC

Ituri

Ucoum Nican

G3

2001

CPEA

Nioka

FAPC

Ituri

Urombi

G3

2001

CPEA

Niarambe

FAPC

Ituri

Lusenge

L2

1998

AT

Mambasa

RCD-K/ML à

Biakata

Nord Kivu

Sinani Bin Masudi

D6

2000

AT

Mambasa

UPC à Mambasa

Ituri

Golu Sinde

L2

2003

AT/Adjoint

Mambasa

RCD-K/ML à

Biakata

Ituri

Ndua Magaa

PP4

2003

AT/Adjoint

Mambasa

UPC à MAmbasa

Ituri

Molemba Kapinga

PP5

2002

CPEA

Bela

RCD-K/ML

Tshopo

Tolingani Baelo

PP5

2001

CPEA

Lulivu

RCD-K/ML

Tshopo

Kazoka Abatia

PP5

2000

CPEA

Nioka

RCD-K/ML

Ituri

Duduniabo Seliabo

D6

2002

CPEA

Ndue

RCD-K/ML

Ituri

Source : Nos enquêtes.

Pour ce tableau, la même régularité, en terme de niveau d'études, d'appartenance régional et de militantisme, a primé dans le choix des élites de soutien que sont les administrateurs de territoires, les chefs de postes d'encadrement administratif et autres retenus ici.

Nous notons que toutes les personnalités présentées dans le tableau ci-haut ne sont pas des «parvenus». Nombreux sont d'anciens administratifs récupérés par les mouvements rebelles ou les milices.

Nous observons la même récurrence que dans d'autres contextes analysés ci-haut. Le niveau d'étude semble avoir une importance dans le choix des élites politiques aux postes de responsabilités. Ainsi par exemple, douze personnalités sur vingt-huit retenues ont un diplôme d'université ou d'enseignement supérieur, six sont diplômées d'Etat, deux n'avaient pas obtenu leur diplôme d'Etat et les restes sont des «primairiens.»186

Aussi, il est remarquable de constater que l'appartenance au district de l'Ituri a servi les élites pour bénéficier des postes de commande au niveau local. Seules trois personnalités sur les vingt-huit ne sont autochtones de l'Ituri. Ceci est l'image de l'ethnicisation des rapports aux politiques et de la compétition politique caractéristiques de l'Ituri de la période en étude. C'est justement l'application de la triste vieille recette de «kila mamba na kifuku yake» des années 1992-1996 appliquée par les élites mobutistes en déclin (Cf. infra).

Les élites politiques en Province Orientale n'ont pas profité que de la guerre. Certaines ont aussi profité de la Transition dite 1+4 issue des négociations politiques qui ont mis fin à la situation générale de guerre. A titre indicatif, Médard Autsai Asenga député national de la Transition se voit nommé Vice-gouverneur en charge des questions économiques et financières, John Tibasima Atenyi est nommé Ministre de l'Urbanisme et Habitat, etc.

De celles-ci, il faut compter les personnalités issues des milieux de la Société Civile. De ce nombre nous pouvons par exemple citer Blaise Baise Bolamba qui devient député national, Mgr Marini Bodho préside le sénat de la transition 1+4, Faustin Toengaho Lokundo est sénateur, Béatrice Lomeya Atelite est cooptée député nationale,

Pierre-Hubert Moliso Nendolo de la magistrature est nommé Vice-gouverneur en charge de l'administration et politique, etc.

Par ailleurs, au même moment que certaines élites locales restées sur place profitaient de la guerre sous occupation du RCD/Goma, du MLC, du RCD-N, etc., certaines autres élites politiques de la Province Orientale bénéficiaient du pouvoir national à Kinshasa en représentation de la province occupée. Nombreuses ont été nommées « députés », ministres, conseillers du Président de la République,... Nous citons par exemple à titre purement illustratif: François Alauwa Lobela, ancien Maire de la ville de Kisangani (en fuite à Kinshasa à l'entrée du RCD-Goma) est nommé «député»187 par Laurent-Désiré Kabila, Marie Moke Mambangu de même est nommée «député», Jean Yagi Sitolo devient Ministre des Travaux Publics, ...

Ce chapitre nous a permis de comprendre comment les acteurs politiques en Province Orientale ont profité de la violence politique locale profondément enraciné autour de l'accès à la terre188, aux ressources économiques. Le désordre, l'insécurité et l'état général de l'impunité ont encouragé ainsi la formation de réseaux nouveaux et militarisés pour l'extraction (et l'accumulation) des bénéfices économiques, en référence à la propriété ethnique comme étant partie intégrante et centrale des tactiques de contrôle et de la «redistribution» des ressources politiques et économiques.

Il nous reste, pour bien mener à bout cette étude sur les guerres et la circulation des élites politiques en Province Orientale, de découvrir quelles ont été les modalités et tactiques de ces acteurs dans leurs actions de recherche hégémonique et comment l'espace socio-économique et politique a été réorganisé par la violence politique au point de générer une nouvelle génération des élites politiques.

187 Ils sont nommés députés de l'Assemblée Constituante-Parlement de Transition (ACPT) qui siégeait à Lubumbashi.

188 K. Vlassenroot et T. Raeymaekers, Op. Cit. pp. 209-210

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams