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La dynamique des rapports de la femme ntumu à  la forêt : cas des femmes d'Oyem et de Bolossoville (Gabon)

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par Sylvie Judith ELLA
Université Omar Bongo - Maà®trise 2006
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE OMAR BONGO

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FACULTE DE LETTRES ET SCIENCES HUMAINES

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DEPARTEMENT D'ANTHROPOLOGIE

Mémoire de maîtrise

La dynamique des rapports de la femme ntumu à la forêt : cas des femmes d'Oyem et de Bolossoville (Gabon)

Option : Anthropologie régionale

Présenté par : Sous la direction de :

Judith Sylvie ELLA Paulin KIALO

Attaché de recherche à l'IRSH/CENAREST

et du

Pr Raymond MAYER

Juillet 2006

Dédicace

L'ambition d'un être est toujours motivée par le désir d'aller de l'avant et de réaliser ses rêves et ceux des siens.

A vous mes pères,

A vous mères

A vous mes grands-pères et grands-mères

A belle-soeur Monique

Même dans la douleur des disparitions précoces, je continue à nourrir l'ambition que vous soyez fiers de moi. De-là où vous êtes, continuez à guider nos pas et regarder ce que nous sommes devenus.

REMERCIEMENTS

Nos remerciements vont d'abord à l'endroit de Dieu, le Père pour nous avoir permis de poursuivre nos études et surtout d'avoir toujours veillé sur nous dans les moments les plus durs.

Au moment où nous achevons ce rapport, nos pensées vont à l'endroit du professeur Raymond Mayer pour sa rigueur dans la recherche ainsi qu'à la qualité de ses orientations et de ses enseignements. Nos remerciements vont également à l'endroit de Monsieur Kialo Paulin qui, malgré ses multiples occupations, a toujours été disponible, quelque soit le moment.

Nos remerciements s'adressent à l'ensemble du corps professoral du département d'anthropologie pour les enseignements reçus durant ces années.

Nous tenons aussi à remercier nos parents et amis : ma mère qui a su jouer son rôle malgré la distance, mes tantes, oncles, grands-parents qui ont fait de nos études une de leur priorité. Nous n'oublions pas ma grande soeur Hortense, ma soeur jumelle Huguette, mes beaux-frères, notamment Antoine, Gabriel, Vincent, mes petits frères, mes petites soeurs, tous mes enfants pour leur soutien respectif sans cesse renouvelé. Et surtout pour l'intérêt qu'ils ont attaché à nos études.

Nos remerciements vont aussi à l'endroit de Monsieur Mbomeyo François et son épouse qui ont toujours marqué leur attention à leur égard, à mon beau- frèré Ngomba jean jacques pour son soutien matériel et sa disponibilité. Notre gratitude va l'ensemble de nos informateurs et interprètes qui, malgré leurs occupations, nous accordé leur temps. Mes amis de « route », Nadia, Jean Noël, Eddy, Annie, Yeno, Manuella, Ida, Wolgang, Eboua, Stéphane, Nadine, Essimengane, Olivier. Percevez ici l'expression de notre gratitude. Nous pensons aussi à ceux qui nous soutenu de près ou de loin.

Nos remerciements vont enfin à l'endroit de MEBALE Mathurin pour son amour, son soutien moral et affectif permanent qui nous ont aidé dans l'élaboration de ce travail.

Table des matières

Introduction

Première partie : Cadre théorique et méthodologique

Chapitre1. Cadre théorique

Section 1: Les auteurs

Section 2: Les concepts

Chapitre 2 : Enquête de terrain

Section 1 : La pré-enquête et le questionnaire

Section 2 : L'enquête et ses résultats

Deuxième partie : Les activités féminines dans la forêt

Chapitre 3 : L'inventaire des activités et la recension

Section 1 : L'agriculture

Section 2 : La pêche

Section 3 : Le ramassage et la cueillette

Section 4 : La médecine

Chapitre 4 : Le contexte culturel des activités

Section 1 : Le rapport homme/ femme

Section 2 : Le rapport religieux

Section 3 : L'exercice du pouvoir et les liens de parenté

Troisième partie : L'évolution du rapport féminin à la forêt

Chapitre5 : Les activités maintenues et la raison du maintien

Section 1. : Les constats

Section : les raisons

Chapitre6 : Les activités transformées et les activités abandonnées

Section 1: L'observation

Section 2: Les causes du changement

Conclusion.

INTRODUCTION

Notre étude porte sur l'évolution des rapports de la femme ntumu à la forêt dans la province du Woleu-Ntem, plus précisément à Oyem et Bolossoville. La question sur la femme en rapport avec la forêt avait déjà été abordée par Pierre-Philippe Rey (1971), Claude Meillassoux (1975, réed. 2003). D'autres auteurs tels que Galley Yawo Ganyo (1985), Roland Pourtier (1989), Stéphanie Carrière (2001), Andrée Corvol-Dessert (2004) se sont intéressés aux pratiques paysannes et écologiques forestières et aux activités agricoles au Woleu-Ntem et au sud du Cameroun (Stéphanie carrière). Ces textes ont traité partiellement ou totalement des rapports de la femme à la forêt.

Pour trouver des solutions et élucider notre problème, nous avons eu recours à une enquête de terrain auprès de vingt informateurs dont quatorze femmes et six hommes âgés de 40 à 70 ans. Les personnes interrogées sont du même groupe linguistique résidant respectivement à Oyem et à Bolossoville. Nous nous sommes entretenus plus précisément avec 5 femmes mariées, 5 femmes célibataires, 4 veuves, 4 hommes mariés retraités, 2 hommes célibataires. Notre enquête nous a permis de collecter les récits relatifs aux activités menées par la femme ntumu dans la forêt.

Nous avons pu constater une certaine évolution sur l'importance et la connaissance de la forêt. Malgré cette évolution, il ressort que la forêt constitue le lieu par excellence où la femme tire l'essentiel de ses ressources à la fois dans le domaine alimentaire et dans la production des biens. Elle les obtient en faisant de l'agriculture, de la pêche, du ramassage, de la cueillette, et de la médecine. Le recours à la forêt a un fondement mystico-spirituel, la femme ntumu a un « esprit » en elle qui finalement la lie à la forêt. Ce qui lui confère le monopole de la culture vivrière. Le corpus collecté nous a permis de comprendre les mutations qui s'opèrent à partir de l'arrivée des Occidentaux et « l'intrusion » de la monnaie comme étalon dans tous les échanges. Malgré ce fait, l'ambition des femmes ntumu est de préserver la coutume des pratiques culturales afin de les léguer aux générations futures. Toute la socialisation de la jeune fille ntumu en porte la marque : elle continue, comme par la passé à accompagner ses aînées en forêt. On peut donc dire que la forêt, malgré son exploitation « abusive » par les hommes, est une richesse qui occupe une place prépondérante. Ainsi, ces deux faits : femme à forêt et mutation dans ce milieu nous a permis de comprendre le recours de la femme à ce milieu qui représente un tout : garder-manger et pharmacie. La forêt, pour la femme ntumu remplie aussi des fonctions symboliques que nous avons relevées. L'analyse des interdits relatifs à la gestion des écosystèmes permet de comprendre les rapports de la société ntumu à la forêt. Ces interdits apparaissent comme fondant une attitude qui impose à cette société de se construire avec son écosystème. Elle présente la forêt comme l'alliée sans laquelle la vie de la femme ntumu n'aurait finalement plus de sens. On ne postule pas qu'elle est complètement écrasée par la forêt, elle l'exploite dans sa totalité. C'est une question de vie, ce qui justifie le respect à travers les différents interdits qui encadrent la gestion ce milieu.

Ce mémoire de maîtrise vise pour objectif l'analyse diachronique des activités que mène la femme ntumu dans la forêt. Il porte sur les rapports de la femme ntumu à la forêt dans le Woleu-Ntem, plus précisément à Oyem et à Bolossoville. La forêt constitue un lieu où la femme ntumu tire l'essentiel de ses ressources à la fois dans le domaine alimentaire que dans la production des biens. Elle les obtient en faisant de l'agriculture, de la pêche, du ramassage et de la cueillette, la médecine.

La forêt se présente ainsi non seulement comme une source inépuisable mais aussi comme une pépinière naturelle pour agriculture itinérante. L'itinérance s'applique aussi aux autres activités, par exemple la pêche. Comme le souligne à juste titre Isabelle Droy « l'évolution des conditions sociales et politiques a suscité, ces dernières années, un regain d'intérêt pour la femme comme objet de recherche. » Cela est inhérent au fait que « le développement d'un pays passe par les femme, ces dernières constituant à la fois qualitativement et quantitativement une part importante de populations de nos pays. »

Les femmes occupent, en Afrique sur le plan social et économique, une place déterminante. Les femmes rurales sont en particulier d'un grand apport parce que sans développement rural, le développement national est impossible. Par leur surplus de production, elles participent à la vie économique d'un pays, ce surplus étant vendu en vue de l'achat des produits d'autres produits de première nécessité.

Dans la société traditionnelle du Woleu-Ntem, la femme est considérée comme un bien. La puissance d'un homme, dans ce cadre, se mesure au nombre de femmes dont il dispose. En effet, la femme ntumu constitue la clé de voûte de l'économie agricole. On constate en fait que par la maternité, elle assure l'existence du capital humain. Ainsi, on peut affirmer qu'elle est la source du maintien de cette économie. D'autre part, cette femme a le monopole de la production vivrière. Cet et état de fait lui confère le rôle indéniable de responsable de tout le groupe dans lequel elle évolue.

En outre elle constitue une main-d'oeuvre d'appoint dans l'agriculture marquant son apport de travail dans la récolte des produits. Si on examine cette situation de près, on rend vite compte la femme ntumu est le pilier des activités agricoles, quelle qu'elle soit. Elle entretient de ce fait des rapports très étroits et quotidiens avec la forêt. Elle y passe toutes les journées. Si elle ne plante pas, elle collecte, ramasse, collecte, pêche, survenant ainsi aux besoins de sa famille. Son absence dans ce domaine précis aurait des conséquences « terribles » sur la vie de la famille.

Dans ce sens, le thème que nous abordons, la dynamique des rapports à la forêt, mérite une réflexion approfondie. Nous cherchons plus précisément le rapport que la femme entretient avec la forêt et ce qui sous-tend cette relation malgré les mutations que nous pouvons observer. Pour notre part, nous avons des corpus qui mettent en avant d'une part, les activités agricoles de la femme en milieu rural et d'autre part la dynamique des changements observés. Notre étude se limite à l'observation des femmes de la ville et de celle de Bolossoville. Elle s'articule autour de trois moments : L'approche théorique, L'approche méthodologique et La restitution et les premières analyses des corpus collecté.

Première partie

Cadre théorique et méthodologique

Chapitre 1. Cadre théorique

Ce chapitre rend compte des lectures effectuées pour nous saisir de notre objet d'étude. Ces auteurs vont des anthropologues aux géographes, etc. Ils nous permettent ainsi la saisie totale de notre objet d'étude.

Section 1: Les auteurs

« L'homme ne naît pas seul et ne connaît pas seul, il lui est impossible de faire l'expérience de quoi que ce soit en l'absence d'un univers de références, lequel forme le creuset de son expérience.1(*)»

Nous rendons compte ici des documents que nous avons consultés qui entrent dans les différentes rubriques de notre interrogation.

LEVI-STRAUSS, Claude 1962 - La pensée sauvage. Paris, Plon, 389 p.

Il est ethnologue de nationalité française. C'est un des penseurs importants du XXe siècle. Son nom est lié au structuralisme, dont il est un des représentants principaux. Il est né à Bruxelles en 1908 et après des études de philosophie, il s'est tourné vers l'ethnologie: en 1935, il part pour le Brésil comme professeur de sociologie à l'Université de São Paulo. Au cours des années qui vont suivre, il va étudier les tribus indiennes de l'Amazonie. C'est le récit de ses voyages à l'intérieur de ces sociétés dites «primitives» qu'il racontera, en 1955, dans le livre qui l'a rendu célèbre. Exilé à New York pendant la guerre, entre 1941 et 1945, il s'attache à une réflexion théorique sur les systèmes matrimoniaux et il en fera le sujet de sa thèse, qui paraîtra en 1949 : Les structures élémentaires de la parenté.

Après s'être imprégné des données accumulées par certains chercheurs qui ont tenté de comprendre les rapports des sociétés « traditionnelles » aux êtres de la nature à travers les représentations sociales qu'ils s'en font, Claude Lévi-strauss (1962) va critiquer la thèse selon laquelle le «sauvage est gouverné exclusivement par des raisons organiques ou économiques2(*)». Pour ce faire, il entame un travail de déconstruction de ce qui avait été dit sur les comportements et les manières d'agir des sociétés traditionnelles, pour construire ensuite une nouvelle façon de comprendre la pensée traditionnelle. Pour Claude Lévi-strauss, la pensée primitive n'est pas une ``pensée prélogique'' sous prétexte qu'elle serait noyée dans les mythes et les croyances qui semblent être irrationnelles.

Mais, il s'agit d'une pensée qui se pose des problèmes pour concilier la nature et la culture, parce qu'elle est elle même- issue d'une séparation originaire de la nature et de la culture. Autrement dit, de cette division de la nature et de la culture découle un chaos ; un désordre. Et, la pensée sauvage est manifestement cette médiation qui vient parer, par la classification de l'univers, à tout «désordre» et impose l'«ordre» puisque la nature est par essence «désordre» et l'esprit humain se réfère à la culture pour établir l'«ordre».

Ainsi, Lévi-strauss, après avoir constaté la richesse et la précision des connaissances des sociétés dites traditionnelles, société dépassent le cadre utilitaire ou éthologique, va soutenir la thèse selon laquelle: les connaissances naturelles visent d'abord à mettre de l'ordre dans la nature en instaurant un classement des choses et des êtres. Ce souci de classement, « de mise en ordre », repose sur une logique binaire qui aime les principes de contradiction et de ressemblance. La pensée sauvage n'est pas la pensée des sauvages mais toute pensée humaine qui est sujette à toute classification.

DESCOLA, Philippe 1986 - La nature domestique : symbolisme et praxis dans l'écologie Achuar. Paris, Maison des Sciences de l'Homme, 450 p.

Né en 1949, Philippe Descola est anthropologue français. Il est directeur d'étude à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (E.H.E.S.S) et membre du Laboratoire d'anthropologie sociale au collège de France. Son parcours intellectuel est parsemé par de brillantes études en philosophie, puis il découvre l'ethnologie et les sociétés exotiques auxquelles il restera attaché. Philippe Descola s'intéresse alors aux travaux d'éminents anthropologues, notamment Maurice Godelier auquel le nom est associé à l'anthropologie économique, mais surtout à l'approche structurale des mythologiques amérindiennes de Claude Lévi-strauss dont - il affirme être le disciple.

Philippe Descola se consacre à l'étude des modes de socialisation de la nature, dont il tire une analyse anthropologique comparative. Ses recherches de terrain l'ont amené en Amazonie, auprès des Jivaros Achuar. Il est marié à Anne-Christine Taylor, directrice de recherche au CNRS, qui est détachée depuis février 2005 au musée du quai Branly, où elle dirige le département de la recherche et de l'enseignement.

En 1976, il bénéficie de la mission du CNRS (centre national de recherche en sciences sociales) par le biais du laboratoire d'anthropologie à l'époque dirigé par Claude Lévi-strauss. A son retour, il rédige une thèse qui sera publiée sous le titre: la nature domestique. En sus de cet ouvrage majeur, il a publié de nombreux ouvrages par exemple, Les Lances du crépuscule. Relation jivaros, haute Amazonie (1993) ou bien Les Idées de l'anthropologie en 1988 (avec G. Lenclud, C .Severi et A.C. Taylor). Il a aussi publié plus d'une quarantaine d'articles.

Dans l'ouvrage qui nous concerne, l'auteur présente la société indienne achuar, d'Amérique du Sud, comme une société dont l'imaginaire donne à la nature toutes les apparences de la société humaine. Divisant le milieu naturel en trois espaces (la forêt, la rivière et le jardin), la société achuar, dans ses rapports à l'environnement, estime Philippe Descola, ne sépare pas « les déterminations techniques des déterminations mentales.3(*)» Aussi, montre-t-il qu'il s'agit d'une écologie symbolique qui établit une filiation entre la société et la nature. De ce fait, elle n'est pas une représentation illusoire de la réalité, car la symbiose qui existe entre cette société et la nature est influencée par cette construction sociale du milieu

Cette lecture qu'il fait des rapports d'une société et son espace, ne se démarque pas de sa ligne idéologique .Pour lui, la société se pense non pas à travers la culture, mais à travers la nature. L'homme en inventant la culture croit qu'il cesse d'être un participant de la nature. C'est le désire de s'affranchir, de se singulariser du reste de la nature, qui pousse l'homme, à se doter d'un moyen (la culture) capable de lui permettre de passer de la perception du monde à la conception du monde, du rang de chose du monde à celui de cause du monde. Or, l'analyse de Philippe Descola consiste à montrer que la culture n'est pas hors de la sphère de la nature mais à l'intérieur.

« Les cultures sont des natures », dans la mesure où c'est en référence à la nature que l'homme peut entreprendre toute construction : la culture sans la nature est vide de sens. C'est parce que l'animal existe que l'homme peut prétendre penser la société. Il n'y a pas de totems sans référence aux éléments de la nature.

Cet ouvrage nous apporte beaucoup au chapitre consacré au rapport de la femme achuar à la forêt, surtout à sa plantation. En effet, celle-ci considère la plante comme son enfant, elle lui apporte donc tous les soins possibles. Elle lui parle même, mais elle est au moins consciente que ce n'est pas elle qui a accouché de la plante.

DESCOLA, Philippe, 2004. Par-delà nature et culture, Paris, Gallimard, 630 p.

Sur les bords de la rivière Kapawi, en Haute-Amazonie, sur le territoire des Jivaros, Philippe Descola, alors jeune ethnologue, s'interroge sur le sens du mot «nature». Devant les eaux tourbillonnantes, il vient de s'installer dans un défrichement adossé à des milliers d'hectares d'arbres, de mousses et de fougères, chez les Indiens Achuar. Un monde où les bêtes sauvages viennent habiter sur le seuil des maisons de palmes, où les femmes font pousser le manioc en parlant aux plantes comme à des enfants, où les hommes partent à la chasse en s'adressant au gibier comme à des membres de leur famille.

Pour les Achuar, animaux, plantes et humains ont le même statut. Ils ne se voient pas comme des êtres tout-puissants face à une nature à dompter. Et les guerres, qui occupent une grande partie de leur énergie, ne servent pas à conquérir des territoires ou à se procurer des biens, mais à acquérir de nouvelles identités, afin de compenser les vides laissés par les morts, dans un système où circulent sans cesse les êtres de chair et les âmes. L'élève de Claude Lévi-Strauss, le père du structuralisme, tirera de cette expérience amazonienne un livre magnifique: Les lances du crépuscule (Plon). Un modèle de récit ethnographique.

Douze ans plus tard, devenu professeur au Collège de France, au poste de son ancien maître à penser, Philippe Descola publie un document fondamental qui va secouer le monde des sciences sociales. Intitulé Par-delà de nature et culture, le livre propose de nouveaux outils et une nouvelle approche pour classer les groupes sociaux. Une révolution pour l'anthropologie. L'auteur, passant au crible les récits d'autres ethnologues, ceux du passé comme ceux de ses contemporains, raconte, avec brio, comment, des Pygmées et des Bushmen d'Afrique aux Inuit de l'Arctique, des Samoyèdes de Sibérie et des Papous de Nouvelle-Guinée aux Indiens d'Amérique, nombre de peuples pratiquent le même usage du monde que les Jivaros. Un usage en totale opposition avec l'attitude occidentale, imbue de technique, affamée de domination, soucieuse de faire entrer dans le rang la face sauvage de la planète.

Certes, Descola n'est pas le premier à avoir arpenté des territoires mal connus et constaté que notre manière de considérer nature et culture comme deux pôles inconciliables de l'existence est peu répandue. Racontant l'historique de ce «grand partage» proposé par la pensée européenne, le chercheur note que la nature y est devenue progressivement muette, inodore, impalpable. Vidée de toute vie. Seulement, de ce constat, il tire une méthode d'analyse et esquisse une théorie. D'un côté, dit l'auteur, il y a les corps, la physicalité. De l'autre, l'intention, l'intériorité. Selon les relations entre ces deux éléments, les sociétés peuvent se répartir en quatre catégories: le naturalisme, l'animisme, le totémisme et l'analogisme.

Ainsi, après des années pendant lesquelles l'ethnologie, par méfiance des grandes idées, a accumulé des monographies toujours plus fouillées, Philippe Descola, qui ne renie pas son passé de structuraliste ni sa première formation de philosophe, ose se lancer dans un travail théorique que personne, actuellement, n'a entrepris. Ce travail, il l'a déjà testé auprès de ses étudiants de l'Ecole des hautes études en sciences sociales, à Paris, et de la London School of Economics, à Londres.

Ce livre vient à son heure. Voilà des siècles que les anthropologues et autres scientifiques occidentaux sont imprégnés par l'idée que l'homme est possesseur et dominateur de la nature. Voici qu'ils s'interrogent sur l'impasse où les a menés cette confiance aveugle dans la technique. En proposant d'analyser, dans d'autres sociétés, les autres arrangements avec le visible - les objets du réel - et l'invisible - l'homme, le temps, la mort, l'au-delà - Descola permet à l'anthropologie de repartir sur de nouvelles bases, et de répondre aux questions de l'époque.

Or ce penseur possède aussi un véritable talent d'écrivain pour raconter les mythes. Il restitue ainsi une pensée prétendument sauvage. Comme celle de ses amis Achuar, où tout n'est que vibrations, effleurements, reflets. Où la mort ne peut être évoquée qu'à travers une incantation: «La lance du crépuscule arrive, esquive-la. Que chacun de tes pas te déguise en palmier chonta.»

CLAVAL, Paul. 2003 - Géographie culturelle: une nouvelle approche des sociétés et des milieux. Paris, Armand Colin, 287 p.

Paul Claval, né en 1932, est géographe, professeur émérite à l'université de Paris Sorbonne. Il consacre ses recherches à l'histoire et à l'épistémologie de la géographie, à la géographie économique, sociale et politique, à la logique des systèmes territoriaux et aux problèmes culturels.

Son ouvrage repose sur une réflexion qui présente l'emprise de la culture sur la structure spatiale des sociétés. Il analyse la construction de la société et du territoire et pense que la culture fournit aux hommes les moyens de s'orienter, de découper l'espace et d'exploiter les milieux .En plus d'analyser la nature comme une composante de la culture, il montre que les cultures subissent dans leur apparente stabilité des profondes crises de restructurations. Ce qui semble être le cas d'Ekouk.

Les manières d'habiter, de travailler, de se distraire et de prier reflètent la spécificité des groupes humains. Elles changent d'un lieu à un autre et marquent profondément les paysages. L'action humaine est modelée par les codes et les représentations que les individus apprennent au cours de leur enfance et tirent de leur expérience. Les processus de transmission des savoirs, de construction des identités et d'établissement des normes conditionnent les répartitions géographiques, comme le montre l'ouvrage de Claval qui complète et approfondit les notions exposées dans La géographie culturelle paru aux Editions Nathan en 1995.

CORVOL, Andrée-Desser et al. (dir.) 1997 - La forêt : perceptions et représentations, Paris, L'harmattan, 401 p.

Andrée Corvol-Désert est la responsable du groupe de recherche sur l'histoire des forêts au CNRS français. A travers cet ouvrage, dont elle assure la coordination scientifique, la forêt est un univers aux richesses variées : c'est une source d'énergie et un espace nourricier au service de l'homme. L'histoire a évolué d'une gestion parcimonieuse à une gestion capitaliste pour finir dans une gestion parcimonieuse sous la pression des Organisation non gouvernementales. Les différentes étapes sont traversées par des relations fortes entre l'homme et la forêt.

Espace de liberté, parangon d'une nature et généreuse, source d'imaginaire pour petits et grands mais aussi mais aussi patrimoine à conserver et à valoriser, soumises aux impératifs de rentabilité économique : la forêt, dont la représentation a profondément évolué au fil du temps, est aujourd'hui l'objet d'appropriations et d'enjeux contradictoires dans tous les pays du monde. Fruits d'une approche interdisciplinaire réunissant historiens, géographes, forestiers et archéologues, cet ouvrage s'efforce d'explorer les multiples facettes de cette richesse.

Espace nourricier de l'humanité, et de bien d'autres créatures, son existence est davantage menacée par l'augmentation perpétuelle des besoins d'une population mondiale en constante croissance. Par ailleurs, ces auteurs militent dans le sens de faire accréditer l'idée d'une gestion et d'une préservation des forêts en vue de leur exploitation durable.

LUTO, 2004 - ``Les formes traditionnelles de gestion des écosystèmes'' in Revue Gabonaise des sciences de l'Homme, n°5, Libreville, PUG, 331 p.

Au cours d'un colloque organisé par le Laboratoire Universitaire de la Tradition Orale, LUTO En ce début de siècle où l'humanité dans presque sa totalité témoigne un intérêt profond à l'endroit d'une préservation plus efficiente des écosystèmes, le Gabon, par le biais de ses universités, ne s'exclu pas de cette logique. La réflexion au cours de ces débats tournaient autour des patrimoines identifiés et constitutifs de l'écosystème forestier, notamment les patrimoines botanique, animal, aquatique et halieutique, foncier et enfin humain.

Le séminaire visait plus précisément l'identification et l'inventaire des techniques traditionnelles de l'environnement mises en oeuvre par les ethnocultures gabonaises. Ces techniques visent à la préservation des patrimoines identifiés. Les croyances et les prescriptions relatives à l'application de ces techniques n'ont pas été laissées en marge. Toutefois, il ressort que les populations gabonaises semblent désormais se désintéresser de ces modes de gestion. Soulignons que ce séminaire avait réuni des spécialités diverses : anthropologie, géographie, histoire, botanique, médecine, environnementaliste, écologue, etc. La mise en commun de leurs différentes problématiques a abouti à la publication de ce numéro.

Projet Forêt et Environnement. 2000 - Etude de faisabilité des forêts communautaires au Gabon, Rapport final, LUTO, Université Omar Bongo, 156 p.

Cette étude est initiée par les experts du Laboratoire universitaire de la tradition orale (LUTO) de concert avec le Ministère de l'économie forestière. Elle était composée d'une équipe interdisciplinaire : d'un juriste (Zeh Ondoua Jean), d'un anthropologue (Kialo Paulin), de deux économistes (Okoué Metogo Fabien et Zomo Yébé Gabriel), d'un écologue (Ngoye Alfred). Elle était assistée de trois agents du Ministère des Eaux et Forêts. L'étude s'est déroulée dans cinq provinces du Gabon : Estuaire (Ekouk et certains villages de la Pointe Denis), Ngounié (Yétsou), Ogooué-Lolo (Baniati et Bassegha), Ogooué-Maritime (Idjembo-M'Pivié, Diambou) et Woleu-N'Tem (Nkang)4(*).

Elle vise à déceler, si possible, parmi les modes de gestion traditionnelle des forêts qui existent un mode de gestion qui correspondrait au concept de «forêt communautaire». Après avoir sillonnés les sites préalablement choisis, les experts constatent qu'il n'existe pas de mode de gestion répondant au modèle dit de «forêt communautaire». La mission a simplement constaté qu'il existe une diversité de modes de gestion villageois des espaces et des ressources forestières. Le premier est une gestion individualisée (Ekouk), le deuxième est gestion lignagère (Baniati et Nkang), le troisième est une association (Bassegha), le quatrième est une gestion locale mixte (Yétsou).

Ainsi, l'inexistence d'un modèle traditionnel unique de gestion rend problématique la mise en place d'une gestion de type communautaire des forêts au Gabon au sens défini par la Banque mondial : « Mon village est plus vieux que le Gabon » dit un informateur aux hommes de sciences au cours de cette enquête5(*), pour dire que l'Etat du Gabon n'a pas de prérogatives sur les terres des villages ou encore « Mon grand-père, c'est l'Etat » pour dire que les lignages n'existent plus à Ekouk comme structures qui gèrent les terres, puisqu'elles sont gérées par l'Etat. Ce qui expliquerait peut-être le « désordre » constaté dans la gestion de la forêt.

Les experts étaient confrontés au problème de l'identification d'un mode de gestion standard susceptible de garantir une gestion durable des espaces forestiers. Le texte se termine par des recommandations à l'endroit du Ministère des Eaux et Forêts et par la proposition d'un cadre juridique relatif aux forêts communautaires.

CARRIERE, Stéphanie. 2003, Les orphelins de la forêt, Paris, éd. de l'IRD.

Stéphanie Carrière est docteur ès Sciences (Ecologie, Montpellier) et chercheur (écologue, ethnobotaniste) à l'Institut de recherche pour le développement (IRD, ex-ORSTOM). Depuis près de 10 ans, elle porte une attention particulière à l'écologie des paysages forestiers tropicaux à travers, entre autres, l'étude des systèmes agricoles et de leur influence écologique sur la régénération, principalement en Afrique (Guinée Conakry, Tanzanie, Cameroun, Guyane). Elle est actuellement en affectation au sein du programme conjoint IRD-CNRE Gestion des espaces ruraux et environnement à Madagascar (GEREM-Fianarantsoa).

Dans cet ouvrage, l'auteur dénonce comment aujourd'hui certaines pratiques ancestrales comme la protection d'arbres orphelins dans les champs vivriers sont garantes de la durabilité du système. A travers les phénomènes écologiques complexes, ces arbres contribuent en effet à accélérer la régénération forestière dans les jachères, condition indispensable au maintien d'un équilibre en forêt et parcelles cultivées.

Dans notre étude la présence des gros arbres assure la protection de la forêt et de l'homme. Ce sont des représentations symbolique et même culturelle (ou même encore écologique, écologie elle-même étant culturelle au sens où c'est l'homme qui pense l'écologie) à long terme que l'homme met en place. La forêt présente la mère nourricière des orphelins. Elle constitue pour eux un environnement où se trouve la matière de leur survivance et leur vie est indispensable à ce milieu. Cet aspect peut être vérifié dans notre étude au niveau des relations que les femmes entretiennent avec la forêt. Précisons que les orphelins de la forêt sont les arbres qui n'ont pas été abattus.

Cet ouvrage, qui porte sur les Ntumu du Cameroun pose une question simple mais pas moins importante : pourquoi les hommes ntumu n'abattent-ils pas tous les arbres de leurs plantations ? L'auteur arrive à la conclusion que les arbres abandonnés ont une certaine valeur utilitaire et symbolique, elle en dresse d'ailleurs la liste. Dans la même lancée, elle présente le rôle de chaque agent dans l'exploitation de la forêt : l'homme qui s'occupe des grands travaux (la chasse, la grande pêche), la femme qui plante, ramasse, collecte, cueille, les enfants qui pratique le ramassage, la collecte et la petite chasse (aux oiseaux).

MEILLASSOUX, Claude. 2003, Femmes, greniers et capitaux. Paris, l'Harmattan, 251 p.

Claude Meillassoux est né à Roubaiv en 1975 dans une famille de la bourgeoisie textile, il obtient le diplôme de l'institut d'étude politique en 1925, puis étudie l'économie et les sciences politiques à l'université de Michigan (USA) en 1949. Il est décédé le 2 janvier 2005.

A partir d'une analyse en profondeur de la production et de la reproduction dans les sociétés agricoles d'autosubsistance, l'ouvrage de Meillassoux apporte à la fois une théorie du mode production domestique, les éléments d'une critique radicale de l'anthropologie classique et structuraliste et les base d'une critique constructive de la théorie du salaire de Marx.

Dans cet ouvrage, l'auteur fait avec promptitude une analyse en profondeur de la production et de la reproduction dans les sociétés agricoles d'autosubsistance. Dans notre étude, la femme joue un rôle influant dans le domaine agricole par la maternité, elle assure l'existence du capital humain. On peut affirmer que la femme est la source du maintien de l'économie. Elle constitue la main d'oeuvre d'appoint marquant son apport de travail dans la récolte. La femme est le moteur de l'économie agricole dans les sociétés dites traditionnelles. Mais l'introduction de la monnaie et les outils importés déstructurent plus ou moins cette organisation.

Cet ouvrage parut en 1975 Femmes, greniers et capitaux, qui examine d'une part les logiques du mode de production domestique et de l'autre les effets de sa surexploitation par le système impérialiste. Cet ouvrage ne fait que poursuivre et développer les idées pionnières de l'article de 1960 et de leur explicitation dans Anthropologie économique des Gouro. La relecture de ces textes par les autres anthropologues marxistes français leur ont assigné une qualité quasiment biblique. Le commentaire le plus fameux, et qui à lui seul symbolise cette réception des idées de Meillassoux, est celui de Emmanuel Terray (1969) qui constitue l'un des deux textes de Le marxisme devant les sociétés « primitives » : « Le matérialisme historique devant les sociétés segmentaires et lignagères ». Cette réinterprétation althusserienne confirme, malgré les désaccords mis à jour, la portée historique de l'intrusion du marxisme de Meillassoux dans l'anthropologie.

Section 2: Les concepts

1.1. Forêt

Le concept existe dans le lexique des populations ntumu et renvoie au terme afan, pour designer des forêts déjà exploitées. Nous avons ici affaire à un terme générique. Il faut préciser que les ntumu n'opèrent pas une définition théorique de la forêt, mais leur approche est plutôt fonctionnelle. D'autres termes existent : ekoro (jachère), tsi (champ en exploitation de la petite saison sèche). Mais au-delà de la simple fonction économique que lui assigne la « modernité de l'Occident »,

« la forêt est à la fois un ensemble de ressources renouvelables (bois, faune, produits forestiers non ligneux, etc.) et un espace qui, comme tel, peut faire l'objet d'utilisations différentes et alternatives6(*)».

Cependant, nous pouvons dire que le concept forêt ne se résume pas à la présence ou à l'absence de la faune et de la flore. La densité du peuplement considéré est un élément essentiel et, pour que le concept soit utilisable, il convient que les espaces ouverts restent assez limités. Aussi, la forêt sera-t-elle qualifiée de dense, ou ferme, si les arbres y sont pratiquement jointifs, alors qu'on ``la tiendra pour claire, ouverte, s'ils n'occupent qu'entre 25 et 65% de la surface totale considérée7(*). En deçà, plutôt que de notion de forêt proprement dite, on pourra alors parler de parc, de savane, voire de steppe ou recourir à d'autres appellations encore selon les latitudes des pays.

Il faut dire qu'aujourd'hui, pour arriver au concept de forêt, des mutations successives de dérivations de sens se seraient produites à travers le temps. Ainsi, ce serait

« Childebert II qui aurait, le premier, en 558, utilisé le terme forêt (qui dérive du bas latin forestare, lequel est affine lui-même à foris = en dehors) pour designer une réserve de pêche! Par contre, le premier usage dans l'acception de ``terrain couvert d'arbres ne remonterait qu'à Sigebert II, en 648 8(*)».

Si l'on se réfère à la genèse du concept, il s'agit d'un espace exclu sans doute pour le plus grand plaisir du seigneur chasseur. Par opposition à l'espace cultivé(l'ager) ou livré au bétail (le saltus ), le vocable foresta (réserve soustraite à l'usage commun) désignait à l'origine toute partie boisée, tout périmètre dont le seigneur (dès l'époque romaine) se réservait l'usage personnel. Le terme sylve trouve son origine dans le latin silva (sauvage). On le confond souvent au terme forêt. La filiation étymologique qui existe entre sylve et sauvage (ce dernier mot est fécondé par salvaticus et de silva) ne saurait souffrir d'oubli. C'est semble t-il une manière de rappeler l'attitude de l'homme de forêt des temps immémoriaux, lequel n'agressait peut-être pas son biotope, mais assez sauvage pour arriver à vivre dans un milieu hostile.

Grosso modo, la forêt est loin d'être un simple ensemble d'arbres. C'est un environnement dont la définition souffre d'une instabilité qui est fonction des données du moment et des intérêts. Chaque société définit ce concept selon les aspirations qui sont les siennes et les rapports immédiats qu'elle entretient avec le dit espace.

La forêt chez les Fang se désigne génériquement sous le terme afàn. Mais il faut aller au-delà de ce terme pour saisir la totalité de la nomenclature appliquée à cet espace. La jachère est appelée ékoro. C'est cet espace mis en exploitation pendant un certain temps, qui varie en fonction des plantes (pour la banane, la durée peut varier de 10 à 15 ans ; pour l'arachide, 5 ans). La forêt primaire est dite tsi, la savane XXX, la plaine XXXX). Ce à quoi est affectée la forêt et la végétation détermine la dénomination donc de la forêt.

Chapitre 2. Enquête de terrain

Section 1 : La pré-enquête et le questionnaire

1.1. La pré-enquête

La recherche scientifique est par excellence une recherche ordonnée. Pour cette raison, chaque science dans sa singularité, conformément à son domaine de compétence, mène son étude suivant un ordre méthodologique qui lui est particulière. Ainsi, «la méthodologie sur laquelle repose l'anthropologie est l'ethnographie9(*)». Notons toutefois, que pour structurer notre recherche nous nous sommes référé à deux rudiments méthodologiques essentiels notamment la pré-enquête et l'enquête.

Nous ne saurons nous en passer d'elle car l'objectivité de notre étude y est tributaire. C'est le point de départ de la recherche. C'est parce que nous nous sommes attelé à la respecter que nous avons commencé d'abord par voir l'état de la documentation c'est -à- dire, s'imprégner de tout ce qui existe comme travaux se rapportant à notre étude. La pré-enquête nous a donc servi sur le plan théorique à mieux cerner notre objet par le biais de la lecture des travaux existant. Autrement dit, la pré-enquête a occupé une place fondamentale dans la construction de notre objet d'étude.

Sur un tout autre plan, la pré-enquête nous a permis de préparer l'enquête avec dextérité. En effet, l'enquête de terrain est un moment délicat. De ce fait la pertinence des résultats est fonction de la préparation qui est faite au départ. Ainsi, en respectant le cadre méthodologique de la pré-enquête, des premiers contacts ont été établis, des stratégies de collecte ont été également élaborées. Parallèlement, nous nous sommes rendus sur le lieu qui nous sert de terrain d'enquête pour l'identifier, mais aussi pour évaluer les difficultés auxquelles on pourrait être confronté.

1.2. Enquête

« Il n'y a pas d'ethnologie sans terrain (...)10(*) » car le terrain constitue comme le souligne Georges Condominas11(*) « le moment le plus important de notre vie professionnelle », «notre rite de passage » « qui transforme chacun de nous en véritable anthropologue. » Dés lors que la pratique du terrain est une tradition inaliénable, alors le choix des techniques de collecte appropriées des données relatives à notre objet d'étude s'impose.

Pour notre part, la technique de collecte des données qui sied avec notre étude est l'observation indirecte où « le chercheur s'adresse au sujet pour obtenir l'information.12(*) » Il est d'une évidence certaine que l'usage d'une telle technique implique une relation de communication qui doit être soutenue par un guide d'entretien. Nul doute que le guide d'entretien qui correspond est le semi- directif. C'est le plus usité en science sociale. Il est dit semi -directif parce que « le chercheur dispose d'une série de questions guides relativement ouvertes, à propos desquelles il est impératif qu'il reçoive une information de la part de l'interviewé13(*)». Toutefois, en dépit du fait que l'observation indirecte a été la technique de collecte qui a dominé notre enquête, nous nous sommes tout de même permis d'utiliser légèrement l'observation directe pour collecter certains matériaux qui consolident les récits collectés.

Par ailleurs, la pratique du terrain au-delà de la simple collecte des matériaux permet de rendre visible des faits méconnus, parfois négligés, mais dont l'importance s'avère être significative au sortir d'une analyse scientifique méticuleuse. Cependant, l'analyse des données ne peut-être possibles que dés lors qu'elles sont enregistrées dans des supports. Ainsi, pour collecter nos données, nous nous sommes muni d'un magnétophone, d'un appareil photo, d'un cahier de notes et bien d'autres accessoires utiles pour les prises de notes.

1.2. Le guide d'entretien

- Nom

- Prénoms

- Situation matrimoniale

- Village

- Clan

- Lignage

1- Quelles sont les activités féminines en forêt ?

2- Quelle tranche d'âge pratique ces activités ?

3- A quelle période les pratiquent-t-elles ?

4- Comment choisit-on l'espace à mettre en valeur ?

5- Qui choisit l'espace à mettre en valeur ?

6- Ces activités sont-elles pratiquées de la même manière aujourd'hui qu'avant ? Si non, quel est le changement ?

7- Y a-t-il des interdits liés à ces activités ? Si oui lesquels ?

8- Quelles sont les tâches spécifiques que chacune d'elles exerce ?

9- Quels sont les différents types de champs ?

10- Quel rapport existe-t-il entre la femme et la forêt ?

11- Y a-t-il des champs pour les femmes et champs pour les hommes ?

12- Y a-t-il des produits hommes et les produits femmes ?

13- La notion d'espace est toujours respectée de nos jours ?

14- Parlent-t-elles aux animaux qui viennent détruire ces champs ? Si oui , que leur disent-elles ?

15- Parlent-t-elles aux plantes ?

16- L'utilisation des plantes pérennes pose-t-elle des problèmes particuliers aux femmes ?

17- Quels sont les espaces interdits aux femmes en forêt ?

18- Comment nomme-t-on les espaces en langue ?

19- Quelles sont les conséquences en cas de violation ?

20- Quelle est la tranche d'âge à laquelle s'applique ces interdits ?

21- Qui produit ces interdits ? (Hommes ou femmes)

22- Quelle est la fonction de ces interdits ?

23- Qui sanctionne la violation de l'interdit ? comment ?

24- Y a-t-il possibilité de réparation après sanction ? Si oui comment se fait-elle ?

25- Qu' est-ce qui a changé avec l'arrivé de l'argent dans ces activités spécifiques à la forêt ?

26- Quels sont les outils utilisés par les femmes ?

27- Qui les aiguise et pourquoi

28- Comment éviter tout accident les utilisant ?

Présentation de la zone d'étude

Situé au nord du Gabon, le Woleu-Ntem est une province essentiellement agricole. Notre enquête s'est déroulée dans deux localités de la Province du Woleu-Ntem : Oyem et Bolossoville.

Section 2. Approche théorique

2.1. Objet d'étude

L'anthropologie a pour ambition de comprendre l'unité de l'homme à travers la diversité des moyens qu'il se donne pour objectiver un monde dont il n'est pas dissociable. Dans cette perspective, notre étude a pour objet les rapports des femmes ntumu à la forêt. Plus précisément, notre objet d'étude cherche à poser les bases théoriques d'une réflexion visant à comprendre les rapports des femmes à la forêt. C'est en réalité l'objectif que nous poursuivons, pour passer de l'ethnographie à l'ethnologie pour aboutir à l'anthropologie. Pourquoi interroger spécifiquement les femmes ?

Nous avons constaté au cours de nos investigations préliminaires que les femmes ntumu étaient plus attachées à la forêt que les hommes14(*). Effet, après le débroussaillage et l'abattage, les espaces mis en valeur étaient laissés à la disposition des femmes après le brûlage. La femme va donc s'atteler à nettoyer, planter, sarcler et récolter les plantes. Toutes choses qui fondent des liens très étroits avec la forêt dans tous ses comportements. L'homme, pendant ce temps, s'adonne à d'autres activités : réfection des toitures de maisons, nettoyage des concessions, s'il ne passe son temps dans un corps de garde. Notre étude vise donc à relever les rapports spécifiques de la femme à la forêt.

2.2. Champ d'étude

Notre étude s'inscrit dans le champ d'étude appelé anthropologie écologique. Cette discipline traite des rapports de l'homme à son environnement. Elle traite plus précisément des formes de sociabilité que l'homme applique à la nature à travers des faits pratiques et théoriques. L'anthropologie interroge de plus les problèmes contemporains ce qui fait dire à Marc Augé et Jean Paul Colleyn que « Ce qui définit la contemporanéité, c'est le fait de vivre à la même époque et de partager des références communes15(*)».

Si l'on considère que le problème de l'exploitation de l'environnement est le fait surtout des femmes, il importe d'interroger les logiques en jeu dans cette exploitation. En effet, la femme contrairement à l'homme, passe plus de temps dans la forêt que l'homme. Ce qui fait d'ailleurs dire à Roland Pourtier (1989) que la femme est plus proche de la forêt que l'homme.

L'anthropologie écologique est un pan de l'anthropologie générale qui, avec le regard qui est celui de l'anthropologie, analyse les « rapports dialectiques entretenus par l'homme et la nature16(*)». Par ailleurs, les rapports d'une société à son milieu le plus immédiat ne sont pas seulement l'apanage de l'anthropologie mais ils deviennent une problématique mobilisatrice de plusieurs disciplines connexes ou annexes notamment la géographie, l'histoire, l'écologie, etc. Toutes ces sciences peuvent d'un apport fécond dans les analyses à appliquer à notre problématique.

Pour ce qui est spécifiquement de l'anthropologie, dès lors qu'on parle de dialectique société-milieu, certaines écoles de pensées sont convoquées. Dans le cas d'espèce, nous interpellons le structuralisme. En effet, Claude Lévi-strauss en parlant de structuralisme et d'écologie17(*) estime que « l'univers est objet de pensée au moins autant que moyen de satisfaire des besoins18(*)». L'un de ses successeurs, Philippe Descola19(*) qui a étudié l'écologie des Jivaro Achuar, Indiens de l'Amérique latine, s'inscrit dans le sillage. C'est donc en référence à l'existence d'une telle école de pensée que nous inscrivons notre étude.

2.3. Intérêt anthropologique

Il s'agit dans cette partie de montrer en quoi l'étude que nous entamons peut intéresser l'anthropologie. Notre réflexion sur Les rapports des femmes ntumu à la forêt revêt un intérêt majeur. En effet, nous avons constaté que la femme ntumu est de plus concurrencée par l'intrusion des hommes dans son univers forestier. Et cela se justifie par plusieurs raisons, notamment : l'introduction de la monnaie, l'utilisation des outils perfectionnée (tronçonneuse), l'usage des râteaux, etc. Ces apports technologiques sont maîtrisés partiellement ou totalement par les hommes.

D'autre part, étant donné que la « modernité » des nouvelles façons de faire, l'étude menée pourrait contribuer à fournir à l'anthropologie des connaissances nouvelles sur la dynamique des rapports des femmes à la forêt, sur les logiques et les comportements que produisent et mettent en placent des populations face à la culture du marché. Nous croyons fermement que cette étude offre à l'anthropologie l'occasion d'explorer des nouvelles pistes de réflexion qui mettront en lumière, à partir de la description ethnographique, les formes de pensées qu'élaborent des sociétés qui vivent au contact quotidien des principes qui guident le marché20(*).

La femme ntumu dispose des méthodes qui lui sont favorables dans l'exercice de ces fonctions. La pratique culturale courante va du défrichement qui est le moment après lequel le champ prend forme mais cette étape vient après le choix de l'endroit cultivable qui incombe à la femme la plus âgée de la famille qui a non seulement la maîtrise de la répartition des espaces en forêt mais aussi l'expérience du milieu. Souvent comme les aires cultivables sont en perpétuelles mutations, personne n'a le droit d'exploiter les jachères anciennes d'autrui. La jachère est une période de la mise en repos du champ, la reproduction du sol exploitable. Soulignons ici dans ces forêts, on ne peut utiliser que sur autorisation du premier occupant qui peut cependant perdre les droits de possession et d'utilisation dans le cas où il quitte définitivement le village pour aller s'implanter ailleurs ou simplement lorsqu'il meurt sans laisser de véritable proches parents.

La jachère chez les femmes fang ntumu dure de huit à quinze ans mais peut-être écourtée. Les femmes ntumu ne calculent pas le temps de jachère mais, déterminent le moment où un ancien champ redevient cultivable par observation de l'aspect du boisement ou la densité de la strate inférieure qui constitue un critère d'appréciation la jachère intervient pour laisser reposer la terre et pour lui rendre sa fertilité.

Ici la main-d'oeuvre féminine à une moyenne d'âge de 45 ans et les plus jeunes (6 à 12 ans). La femme dans les travaux champêtres n'est aidée par son mari que pour le déforestage, la femme veuve est secourue par un de ses beaux-frères qui souvent finissent par l'épouser. Dans le cas où aucune assistance masculine ne lui est apportée et qu'elle ne dispose d'aucun moyen pour le financement de l'exécution de ses travaux préparatoires, la femme est contrainte d'oeuvrer toute seule.

En outre, selon la pré-enquête, il s'avère que la femme cultivatrice se trouvait souvent soit en état de vieillesse donc de fatigue physique, soit de maladie. Il y a donc faiblesse de la population masculine. En plus de ces problèmes d'aide pratiquement dérisoire reçue de la part d'une main-d'oeuvre masculine, la femme était également confrontée aux problèmes posés par son outillage. En effet, ce dernier ne permettait pas d'optimiser la production et même le travail. On peut observer que la femme a souvent des ampoules aux mains dues à la machette.

Les moyens de production rudimentaires étaient à sa merci. Comme les autres formes d'agriculture traditionnelle, celle du Woleu-Ntem ne modifie pas la structure du sol. L'absence d'attelage et autres matériels modernes n'influençait pas encore à ce niveau. La femme utilisait ici une gamme d'outils très simples il s'agit de la machette " fa" pour nettoyer la parcelle après brûlés, les semés et la récolte. La houe à manche ebak s'utilise pour les sarclages, les semis et parfois aussi pour la récolte notamment celle de l'arachide ou il faut déraciner la plante avec ses fruits. Pour les boutures de certaines plantes comme les ignames, la pioche fang ofak est pratique. Il y a en outre la lime pour aiguiser ces différents outils. La femme adapte cependant bien ces moyens de production à des méthodes culturales auxquelles elle est confrontée.

Dans la province du Woleu-Ntem, la pratique culturale courante va du défrichement qui est le moment après lequel le champ prend le nom de tsi à ékoro, la jachère. Ici, nous ne tiendrons pas compte de la déforestation qui est une tâche reversée aux hommes.

Ce type de champ est par excellence celui qui est le plus éloigné du village ou bien dans les campements, la présence de gros arbres ou d'une végétation vieille y est nécessaire, pour la production de la forêt et de l'homme. Aussi cet excédent serait les représentations sociales, symboles que l'homme met en place. C'est la base de la vie psychique car, c'est a elle que nous faisons le plus facilement et le plus spontanément appel pour nous repérer dans notre environnement physique et humain, les arbres constituent un fond inépuisable de science et de savoir (Les orphelins de la forêt).

Au Woleu-Ntem, le paysan ne cherche pas à transformer profondément et définitivement l'écosystème naturel, il préfère le modifier en douceur, par touches successives, tout en lui conservant ses caractéristiques essentielles de biomasse, de diversité génétique, de structure verticale et horizontale. Ainsi, de génération en génération, s'édifie un système de production, qui limite autant que possible l'écosystème naturel de la région considérée.

Il existe diverses opérations champêtres et les cultures adoptées le brûlis est souvent la première technique culturale de la femme. Il consiste à mettre du feu trois semaines à un mois après le déforestation. Mais comme la végétation n'est jamais totalement bien brûlée, les femmes coupent les branches et les touffes d'herbes à demi-calcinées qu'elles entassent par endroits et qu'elles brûlent à nouveau.

Le dessouchage intervient ensuite par un labourage très superficiel du sol effectué à l'aide d'une petite houe à manche courte ebak. Cette opération que les fang appellent a tok consiste simplement à égaliser le sol et à faire disparaître les repousses d'herbes. Ce travail est ailleurs mené de pair avec les derniers feux de nettoyage.

A ce moment commence les semis qui se pratiquent généralement après les premières pluies. Durant cette période, la femme transmet à la terre sa fécondité. C'est une tâche très pénible car, elle contraint la femme à rester courbée pendant de longues heures. Suivant les plantes, il existe plusieurs types de semis. Ainsi, l'arachide owone et le maïs fon sont semés à plat dans un trou pratiqué avec l'ebak ou la femme dépose deux à trois graines qu'elle recouvre avec le même outil. Ces trous sont à intervalles de 20 à 30 centimètres. Lors de cette opération, la femme est munie d'un petit panier de pêche nkun attaché à sa hanche au moyen d'une ficelle de liane et contenant les semences.

Le manioc et la canne à sucre sont plantés par bouturage qui consiste à ouvrir le sol d'un coup de machette et de planter obliquement une bouture unique dont une extrémité sort de terre. Les cucurbitacées ou ngone sont semées en paquets à un ou deux mètres de distance. Parmi ces ngone, on distingue : l'abok appelée " citrouille" de couleur verte dont on consomme la chair après cuisson, le ndak ou calebasse fournissant de récipients en forme de bol et le ngone" concombre dont les petits fruits ovoïdes sont très appréciés pour leurs graines. Outre les arachides, le manioc, les courges, la canne à sucre, les femmes ntumu cultivent également la banane (ekone), les ignames (andia), les légumes (bilok), les tarots (ekamane), etc.

Après les semis, les femmes ne se reposent pas. Elles entrent dans une autre cycle de travail de leur champ : le sarclage et les entretiens quotidiens divers. La femme va entretenir avec son champ des rapports très forts, on dirait même des rapports d'intimité au sens où quotidiennement elle sera présente dans le champ en contact permanent avec les plantes qu'elle cajolera, à qui elle parlera parfois. Le soir venu, elle jettera un coup d'oeil pour mesurer le travail abattu et ainsi apprécier ce qu'elle fera le lendemain.

Le sarclage intervient au moment où les mauvaises herbes commencent à pousser. Généralement un premier sarclage même soigneusement fait ne suffit pas à éliminer les herbes qui prolifèrent dans les champs pendant la saison pluviale. Les femmes sont donc obligées d'exécuter plusieurs fois cette tâche (deux ou trois fois). Ceci est important pour les champs d'arachides surtout qui donnent de mauvais rendement lorsqu'ils n'ont pas été méticuleusement sarclés.

Le sarclage est une opération que les femmes effectuent en adoptant la même position que lors de semis. Elles utilisent également la même houe qui va soulever une mince couche de sol sectionnant ainsi les touffes d'herbes. Cette technique est suivie des récoltes qui différent selon les cultures. Pour les arachides, les femmes emploient toujours l'ebak avec lequel elles piochent d'une main et arrachent les touffes de l'autre pour faciliter la venue des gousses qui sont rassemblées et mises à sécher dans le champ. Ces gousses, généralement posées sur de gros troncs calcinés, sont cueillies le lendemain et transportées au village dans les paniers à dos ou des corbeilles. Ces arachides sont mises à sécher sur de larges plateaux en bambous ou " étang". Accrochés au dessus des maisonnette en forêt.

La femme les versent dans les paniers et les amènent au village pour les mettre dans de gros greniers cylindrique ou angun. Ces récoltes d'arachide s'effectuent en décembre pour les plantations d'oyon21(*) et en mai-juin pour celle d'esep22(*). Elles se font parallèlement à celle du maïs. Souvent, au moment ou les plantes commencent à donner des fruits les animaux ou les oiseaux viennent dévaster le champ. Les femmes emploient généralement des symboles23(*) pour faire fuir les oiseaux et les pièges tout autour de la plantation pour freiner les petites bêtes, sans ces stratégies les femmes ne peuvent rien récolter.

La récolte du manioc se fait durant toute l'année au fur et à mesure que les besoins se font sentir. Les femmes cueillent les feuilles les plus jeunes pour préparer une bouillie mendza'a aussi pour permettre à la plante de mieux grossir. Elles arrachent en outre les tubercules soit pour les bouillir après les avoir épluchées, soit pour les tremper dans un coin du marigot pour la préparation ultérieure des bâtons de manioc qui accompagnent la majorité des plats. Quant aux courges, elles sont récoltées vers le mois d'octobre, lorsque les ses feuilles ont séché. Les fruits sont cueillis et amassés et mises à ablatir pendant deux ou trois semaines afin de faciliter la collecte des graines. Celles-ci sont ensuite lavées au marigot à l'aide du filet de pêche féminine afin de les débarrasser de la pulpe pourrie.

Les femmes les ramèneront ensuite au village où elles sont mises à sécher au soleil. C'est le moment qu'on les saupoudre de terre rouge pour qu'elles soient moins glissantes lorsqu'on les casera pour la préparation des mets. En outre, la banane et la canne à sucre sont récoltées au fur et à mesure que les besoins se font sentir le long de l'année. Lorsqu'un champ est vidé par suite de la récolte de toutes ses cultures, les femmes l'abandonnent pour une période de huit à quinze ans qui permettra au sol de reprendre sa fertilité en régénérant une végétation exubérante.

La société ntumu se caractérise par l'esprit communautaire (ekama) et de fraternité qui s'y règne. Au moment où les travaux agricoles s'accumulent, une femme à la possibilité de faire appel à ses proches parents. La durée du temps de travail du groupe dans le champ de chacune des membres varie de quelques jours. Il s'agit généralement des femmes appartenant à un même lignage et possédant des exploitation dans le même bloc parcellaire. Elles ne sont liées par aucune obligation et cette alliance de circonstance peut-être rompue à tout moment. Or a quoi assiste-t-on aujourd'hui ? Quel est le changement qui s'opère depuis l'avènement du capitalisme et les mutations comme l'exode rurale ?

Les activités de la femme et l'avènement du capitalisme et nouvelles technologies la pratique de l'agriculture n'est plus réservée essentiellement aux femmes les plus âgées, où l'homme ne s'occupait que du déforestation et le reste du travail était essentiellement assigné à la femme. A présent dans le Woleu-Ntem, nous assistons à un changement où l'homme est de plus en plus impliqué dans tout le processus de l'activité agricole.

La terre devient, un bien marchand ou un étranger qui voulait s'installer devait s'intégrer socialement en prenant une fille ou un fils du village en mariage, ou participer à la vie communautaire etc. Il devait nécessairement parler la langue du terroir afin de ne pas troubler les esprits autochtones de ces lieux. Cette conception sous-tend une idéologie d'assimilation tranquille, car l'étranger en vertu du fait qu'il établit sa résidence, partage le même environnement que les autres habitants.

En réalité, il s'agit d'une véritable mutation dans les modes culturaux. Les anciens du village en pratiquant la jachère se soumettaient à un mode parcimonieux d'exploitation de l'environnement où la notion de recyclage était mise en valeur, c'est-à-dire qu'à l'exploitation succède le repos pour une mise en jachère. Mais depuis un certain temps il est constaté que les engrais chimiques sont de plus en plus utilisés. L'utilisation des engrais chimiques ne permet donc plus de laisser le sol au repos. Ils sont utilisés pour l'amélioration de la qualité des produits et pour la rapidité à être consommés.

Tout le monde est aujourd'hui en situation de campeur permanent tant dans son propre village que partout ailleurs. La monnaie aidant, on passe de l'exploitation parcimonieuse dont le souci était la préservation du milieu, qui garantissait aux générations futures des ressources nécessaires pour leur épanouissement, à une exploitation totale des terres dominée par le cours terme. Les interdits qui existeraient en matière de forêt ont été mis de coté, alors que Jean-Emile Mbot, du temps de nos pères :

« [ ...] domaine par domaine qu'il s'agisse de la gestion des eaux, des forêts, des sols, de l'espace habité comme de l'espace exploité, des centaines d'interdits et de prescriptions imposent des formes spécifiques de gestion des écosystèmes en dictant à la société les conduites à tenir dans des rapports avec l'environnement » (Mbot 1997 : 17).

La main d'oeuvre n'est plus essentiellement féminine, certaines femmes à présent ont des ouvriers qui travaillent à leurs champs pour un minimum de revenu. Une femme peut être salariée et avoir un champ ou elle s'y rend chaque week-end afin d'améliorer les conditions d'existence. Les hommes aussi exercent maintenant des activités agricoles dans le Woleu-Ntem. Comme les autres formes d'agriculture à présent les femmes ntumu utilisent une gamme d'outils moderne, il s'agit du déforestage qui est un travail masculin la tronçonneuse a remplacé la hache. La machette qui sert de nettoyage a été perfectionnée au niveau de la matière. Comme nous l'avons observé du paléolithique à la métallurgie en passant par le néolithique, l'homme adapte les outils en fonction du milieu. La lime est remplacée par la machine déguisement.

Dans les techniques culturales, toutes les tâchent incombent maintenant aux sexes. Les femmes ntumu abattent des arbres surtout si elles n'ont plus de mari et qu'elles ne possèdent non plus les moyens financiers. De même, à présent l'homme est impliqué dans tout le processus du brûlis, dessouchage, labourage jusqu'au semis. Il faut souligner que les types de semis sont toujours les mêmes.

Le remplacement des outils traditionnels par les outils modernes a rompu le lien spirituel existant entre la femme et ses instruments de travail, malgré ce changement la femme reste toujours au centre des activités agricoles. En outre, les femmes produisent maintenant pour un but économique. L'avènement du capitalisme (arrivée de la monnaie) et l'exode rurale (l'homme à la recherche de son mieux être) ont fait en sorte que l'activité agricole soit exploitée non plus pour une production de subsistance mais pour multiplier la production avec des méthodes qui suivent afin que le surplus soit vendu et qu'elles acquièrent d'autres produits de premiers nécessités. A présent nous remarquons au Gabon chaque année le Ministère de la Famille octroie des prix aux femmes meilleurs agricultrices. Cette innovation permet de « renvoyer la femme à son écosystème ».

2.4. Le problème et les hypothèses

2.4.1. Le problème

Ce rapport de licence à pour objet le Rapport de la femme fang Ntumu à la forêt. Dans ce travail nous voulons monter que dans la province du Woleu-Ntem, la femme contrôle presque exclusivement l'activité agricole. Cette situation apparaît nettement par l'éminence de son rôle dans les activités en forêt. Les activités en forêt se distinguent en générale dans le Woleu-Ntem par des productions rudimentaires, l'insignifiance des forces de production, l'itinérance des champs et par la faiblesse des rendements. Compte tenu de ces caractéristiques traditionnelles et celle de ses techniques culturales conduiront en dernier ressort à l'étude de la production agricole.

Les différents droits fonciers traditionnels ce sont ceux qui régissent les lois concernant la terre et la jachère entre plusieurs villages voisins à l'intérieur de ceux-ci. Ces droits sont aliénables et les ayants droit sont simplement usufruitiers. Les terres du Woleu-Ntem sont comme dans toutes les sociétés rurales du Gabon domaniales. Cependant ce caractère juridique est quelque peu fictif car, bien qu'appartenant à l'Etat, elles sont avant tout mises à la disposition des villageois qui en font usages.

Dans un village, la terre appartient à toute la « collectivité » mais, le simple fait de déchiffrer un espace inculte donne au premier occupant le " droit de propriété". Ce droit reste permanent, transmissible aussi longtemps que l'on vivra dans le village. Les membres des familles qui composent cette communauté sont considérés comme des ayants droit mais ne sont qu'usufruitiers et à ce titre. Ils ont le droit d'exploiter la partie de terre qui leur revient. Le droit de terre est lié aux fruits qu'elle porte. Toutefois, l'introduction des plantes pérennes (café, cacao) a bouleversé les conceptions du droit de propriété de la terre et implique le prolongement indéfinie du droit d'un individu sur une parcelle donnée et tend à faire de celle-ci la propriété du paysan planteur. Des groupes claniques eux-mêmes subdivisés en lignages possèdent à l'intérieur de chaque village un territoire agricole sur lequel ils étendent leurs droits. Les limites lignagères ou entre deux villages se reconnaissent par des repères souvent naturels que respecte chaque femme.

Le cas de regroupement de population en gros villages (Sougoudzaville), Bolossoville, Bissok) pose un problème de terre aux " nouveaux venus", surtout aux habitants des villages qui se sont déplacés et qui ont abandonné leur terre. Ces terres deviennent des campements que les femmes vont exploiter saisonnièrement. Les " intrus" négocient les accords d'occupation d'une parcelle avec les propriétaires des sols sur lesquels les " étrangers" n'ont pas le droit de cultiver que sur l'approbation des propriétaires. Ce droit de culture s'exerce gratuitement sous formes de prêts temporaires octroyés aux niveaux venus que ne s'approprient que des produits de leur champ et par la suite, la parcelle cultivée peut être reprise.

La dialectique société humaine-milieu naturel a souvent attiré l'attention des chercheurs en anthropologie (Steward 1956, Mauss 1993, Carrière 2003). Notre regard est orienté vers les rapports de la femme ntumu d'Oyem et de Bollossoville à la forêt. Dans son analyse des rapports société-milieu naturel, Claude Lévi-strauss (1962) estime que les sociétés traditionnelles gèrent parcimonieusement leur milieu naturel. Ce qui lui fait d'ailleurs écrire :

« Si différentes que ces dernières sociétés soient les unes les autres, elles concordent pour faire de l'homme une partie prenante, et non un maître de la création. Par des sages coutumes que nous aurions tort de reléguer au rang de superstition, elles limitent la consommation par l'homme des autres espèces vivantes, et lui en imposent le respect moral, associé à des règles très strictes pour assurer leur conservation.24(*)».

Dans la même perspective, Philippe Descola en 1986 écrivait

« la finalité d'un bon usage de la nature n'est pas l'accumulation infinie d'objets de consommation mais l'obtention d'un état d'équilibre (...).25(*)».

Cette gestion mesurée, dont font montre les sociétés traditionnelles, ne fait nullement pas mention de l'existence d'une certaine cohabitation de plusieurs types d'attitudes dans un même espace pour en savoir un peu plus sur le comportement qu'elles afficheraient vis-à-vis de la nature, particulièrement la forêt. Face à la richesse des travaux des différents auteurs, nous nous posons les questions suivantes : Quels sont les rapports spécifiques de la femmes ntumu à la forêt ? Qu'est-ce qui soutient cette relation, quand nous savons qu'aujourd'hui, les phénomènes externes comme le capitalisme, l'exode rural, les marchés ont pris une grande place dans nos sociétés ?

2.4.2. Les hypothèses

- La forêt comme matrice de la vie des femmes fang renvoie à l'idée que toute la vie des femmes, toutes les activités agricoles voire même toute leur existence n'a de sens que rattachée à ce milieu. La forêt nourrit tant sur le plan spirituel que sur le plan physique.

- La forêt est un « Internet traditionnel » ou les femmes vont apprendre à échanger leur savoir faire. Chaque forêt correspond à un site où les femmes peuvent exploiter d'autres connaissances. Une école d'apprentissage de mère à fille. La femme ntumu a une richesse qui dépasse celle de l'argent qui fini, cette richesse liée à la forêt qui est inépuisable.

DEUXIEME PARTIE :

APPROCHE METHODOLOGIQUEChapitre Résultat de l'enquête

Section 1. Les corpus

1.1. Corpus factuel

1.1.1. Les informateurs

Pour collecter les informations, nous avons opté pour un guide d'entretien. Nous l'avons administré auprès de 20 informateurs composés de 15 femmes et 5 hommes. Cette répartition se justifie par le fait que les femmes constituent l'objet de notre travail.

La première informatrice est madame Mbang Delphine que nous rencontrée à Bolossoville. Elle est veuve, âgée de 61 ans et mère d'une nombreuse famille. Elle est du clan eba'a. Elle est de confession chrétienne protestante. Son activité principale est l'agriculture. Elle est présentée en photographie 3. Elle nous a accueillie chaleureusement, nous avons même passée une nuit chez elle, dans une chambre mise à notre disposition. Le matin après le petit-déjeuner, nous l'avons accompagnée aux champs. Nous avons marché pendant une bonne heure. Aussitôt arrivée au champ, nous avons démarré notre entretien qui a duré 45 minutes. Bien entendu, cet entretien était entrecoupé de quelques tâches.

La deuxième informatrice Zang Madeleine, 74 ans, native du village Konoville, est veuve et mère de 6 enfants. Elle est du clan éba'a. Son activité principale est l'agriculture et de confession chrétienne protestante. L'enquête a été menée dans son d'arachide en situation. Nous avons expérimenté la plantation d'arachide dans une portion de terre de son champ. Cela en souvenir de notre rencontre. Elle nous édifiée sur la forêt source comme de vie. Notre entretien a duré 1 heure.

Le troisième informateur, Abagha Nguéma Emmanuel, retraité de la gendarmerie, que nous avons rencontré au village Bolossoville, est marié à trois femmes et père d'une nombreuse famille. Il est de confession chrétienne protestante. Nous avons réalisé notre entretien en présence de ses frères du village autour d'un repas. Nous avons collecté plusieurs données relatives à notre préoccupation. Notre entretien a duré 30mn.

La quatrième informatrice est madame Abagha Micheline dont l'âge est de 56 ans. Elle est du village Abame Andok, du clan esadumgo. Il est marié sans enfant. Son activité principale l'agriculture. Elle est protestante. Elle nous a reçu sans soupçon et l'entretien s'est déroulé dans des bonnes conditions malgré la chaleur et les insectes. Elle nous a exprimé sa joie et a répondu à toutes nos questions. Elle s'exprimait correctement en français. Elle nous a édifié sur les mutations relatives aux instruments utilisés par les femmes dans le cadre des leurs travaux champêtres.

De retour au village, nous avons rencontré la cinquième informatrice Esseng Jeanne du clan esabok. Elle est divorcée sans enfant. Elle fait de l'agriculture d'auto-subistance. Cette informatrice nous encadré durant notre enquête de terrain. Elle s'est montrée accueillante et ouverte. Elle nous conduisait de maison en maison afin de rencontrer d'autres informatrices. Celles-ci nous remettaient chaque fois de l'arachide, de la banane, produits de leur activité.

Le sixième informateur, Obame Cassi, de nationalité équato-guinéenne, vit avec une femme de Mebane Endama. Il est né en 1962, de religion chrétienne protestante. Il a reçu au domicile de ses beaux-parents. A cause de ses multiples activités en forêt, il a préférée ce jour-là très tôt. Peu après notre entretien, il avait regagné son campement de plantation de banane.

De retour sur Oyem, nous nous sommes rendue au domicile de Ndogo Philomène, notre septième informatrice. Elle est née en 1950, est divorcée et mère de 7 enfants. Elle est du clan nkodjè. Elle est originaire du village Methui. Retraitée de Gabon Poste, elle pratique de l'agriculture. Elle catholique pratique. Elle nous a accueillie à bras ouvert et nous avait mis un seau d'eau à la douche. Nous avons plutôt du mal à nous adapter au changement de climat. Après nous avons été conviée à un repas. Le lendemain, nous avons accompagnée notre informatrice en forêt et l'enquête s'est déroulée en situation après 1h30mn de marche. Malgré son état de santé, elle a répondu à toutes nos questions. Nous avons commencé par l'ancienne plantation, où elle collectait ses semences à la nouvelle. Notre entretien a duré toute la journée.

En forêt, nous sommes entretenu avec notre huitième informatrice, Obone Anastasie du clan nkodjè. Elle est veuve et mère 4 enfants. Elle réside au quartier Methui. Retraitée de l'Ecole des cadres ruraux d'Oyem, elle vit de l'agriculture. Elle est née en 1936. Avec elle nous sommes entré dans le vif du sujet, et n'avons rencontré aucune difficulté. Elle était informée de notre et nous attendait. Nous nous sommes entretenue avec elle autour d'un repas.

La neuvième informatrice, Obone Madeleine, elle est originaire de Bolossoville, du clan esabok. Veuve sans enfant, née vers 1930, elle vit de l'agriculture. Cette informatrice nous a édifié sur les rapports de la femme à la forêt. Elle n'arrivait pas à s'exprimer correctement parce qu'elle souffrait de la grippe.

Le dixième informateur, Mba Ondo Jean de Dieu du clan oseseigne. Marié et père d'une nombreuse famille, il est né en 1953. Nous avons rencontré cet informateur au Boulevard Triomphal à Libreville. La discussion s'est déroulée dans une bonne ambiance, sauf qu'il avait refusé de faire enregistré. Notre entretien a duré 15mn. Il nous a présenté les bananiers plantés par lui dans sa concession, preuve qu'il est resté attaché aux travaux de la terre.

Informateur 1 - Entretien en fang en mars 2006 avec Abagha Nguéma Emmanuel26(*) sur Les mutations des activités en forêt27(*).

Texte en fang ntumu

Traduction libre proposée

1. okwa aba tsi embe ésè dè. minga asum ésè eyong be nga tok tsi ye ke kwi badzi. befame ba bo bisè bi fe. embe éki na fam evole minga atsi eyong akome.

Jadis, après le débroussaillage qui était notre tâche spécifique à l'homme, la femme prenait la relève à partir du nettoyage jusqu'à la récolte. Les hommes se reposaient, mais cela n'était interdit d'apporter de l'aide à la femme quand elle en avait besoin.

2. abong di befam be nga bo mefup ane binga nkane we se ki fe miang amana zu sanle mame me. more ase a anga kube ya fave nkobe miang.

A présent les hommes exercent les mêmes activités que les femmes. Il n'y a plus d'exclusivité. L'argent a bouleversé nos façons de faire d'avant. Tout le monde parle maintenant en termes d'argent.

3. beyong benga zua some bebak mesi, ebe bia; naba bègne bake kwane bidzi bakul ékas. Bakang ki fe efu si. Bot be nga dzeng miang.

Il y a des étrangers qui viennent acheter les portions de terre chez nous pour planter ; ils vont vendre leur production au marché. Le droit foncier n'est plus respecté, l'homme est à la recherche du profit.

4. ema ma kobe myè va, mebele afube bikone. maba abong di édi menga tare ba embu yate menga dzia ya de.

Moi qui vous parle, j'ai une plantation de banane que je suis entrain d'abattre en ce moment. Celle de l'année dernière est déjà en exploitation.

5. babeme yebe bikone amuna ede da kulu abui mone. Ekone dasiliki abui ésè. eyong meke afan, makik nsa ekone mefure nkuegn mekèn adzè nbong asile abui èsè na be kwane wo

On préfère la banane parce qu'elle produit plus d'argent que les autres produits. De plus la banane n'exige beaucoup de soins. Quand je pars en forêt, je coupe le régime de banane que je mets dans mon panier et je transport au village. Alors que le manioc nécessite plusieurs étapes avant sa mise en vente.

6. na be dzi afub ekwane ene ayap. évong dafe otene otene. ekone batsik dali bone befe asi te. badzi nbong ye bidzi bivo eyong de.

La plantation de banane peut être exploitée sur une longue durée. Les rejets de bananes germent au fur et à mesure. Le régime qui a été coupé est aussitôt remplacé. Ce n'est pas le cas pour le manioc et les autres espèces.

7. mabo mefup bikone amuna ma dzeng miang ma se ki fe me bele binga bele ye bone abui ma yale. nge ma boke se, ndzang bot wome, we boye. ese ntang da mane, begna bot benga li bie akum afan. akum te da mane ki. da bir fe eyong base de.

Je fais les plantations de banane parce que je cherche de l'argent. Je suis un retraité et j'ai trois femmes et des enfants sous ma charge. Si je croise les bras, que va devenir ma famille ? En dehors du travail du Blanc qui finit, nos ancêtres nous ont laissé une grande richesse qui est la forêt. Cette richesse ne finit pas, au contraire elle se renouvelle au fur et à mesure qu'on l'exploite.

La femme entretient une relation à double dimension avec la terre. En effet, la gestion traditionnelle de la forêt par la femme ntumu dépasse le seul domaine du monde visible (champ, cueillette, ramassage, pêche, etc.) pour s'étendre au monde invisible. La vie est donc une affaire d'équilibre et d'harmonie. La femme, grâce à son esprit, fait le choix entre deux possibilités à travers le respect ou non des habitudes de la vie et des lois de la nature. Toute femme possède un principe appelé « particule spirituelle ».

Informateur 2 - Entretien en fang avec Mbang Delphine28(*) sur Le lien de la femme avec la forêt29(*)

Texte en fang ntumu

Traduction française

1. afan ene bie e nde mebiang de evem bia lere akone de eyong bia larane bilok, bia let ka ke nda biang

La forêt est pour nous un hôpital, où on trouve la guérison de certaines maladies. Le simple contact avec la forêt est un remède, sans avoir recours à l'hôpital des Blancs.

edene eyong bia kore evem we na bia evem afe, bi seki nvoa abwi mam da mak bia, bise ki fe ye misisim mie bi nga kome bulan edze de.

C'est pour cela que quand nous quittons notre milieu pour aller ailleurs, nous ne sommes pas tranquilles. Il y a plusieurs choses qui nous manquent. Nous ne sommes plus en contact avec nos esprits. Et on tendance à vouloir retourner au village.

edzam da sanle binga be ye adze ye binga beye akison enena minga ye akison asom bidzi ekas na ayale ndzang bot we, minga ye adze asom ye ngu dze afan.

La différence entre la femme du village et la femme de la ville, est que la femme urbaine achète avec de l'argent les produits qu marché pour nourrit sa famille, alors que la femme du village achète avec sa force physique dans la forêt.

afan éne ekas da mane ki. ekas ye akison bidzi, bidzi ba kwane bine mane, adzè bia dzi bi bugu akal na bia yem na bibera so okiri na bia ze dzeng dzom ya dzi. akison bidzi. Akison bakuan na ba dzeng abui miang ka faan bugu akale okiri.

La forêt est un marché qui ne finit pas. Or dans le marché de la ville, il peut avoir rupture de stocks. Au village on mange avec modération, sachant qu'on reviendra demain récolter. En ville par contre, on vend suffisamment pour gagner de l'argent sans aucun souci de réserve.

mefu me ne etsine bise binga beye adze. binga bese ba yirane mbe mbe akal bise biye afan. ebio ba ninghe bio.

L'agriculture est l'une des activités de base des femmes rurales. Toutes les femmes actives se livrent de façon permanente aux travaux agricoles parce qu'elles ne vivent que de ça.

bilgan ne mot se ye bine va abele mefup mele ebe mbu : afup bikon, afup mbong, afup awone. afup de ene mane bele bidzi bite bise.

Remarquez que chacune de nous a au moins trois champs en une année : une champ de banane, un champ de manioc et un champ d'arachide. Le plus souvent tous ces produits peuvent planter dans le même champ30(*).

Afan éne ening dè. Minga ye adzè ane ebane fave afan. Éminga aboki bisè biye afan éning adzè, ébore bevo ba dzam gne.

La forêt est pour nous une source de vie. La femme rurale n'a de sens que dans la forêt. Une femme qui n'exerce pas les activités de la forêt et qui vit au village est rejetée par les autres.

Les activités de la femme ne sont plus exclusivement liées aux femmes. De nos jours, l'introduction de la monnaie fait que tous genres s'investissent dans les activités champêtres, amenant les hommes les hommes à s'y mettre de plus de plus. Ils exercent de ce fait les mêmes tâches que les femmes, de l'abattage, au débroussaillage (activités exclusivement masculines) à la collecte des produits (activités traditionnellement féminines) sans avoir recours à une « main d'oeuvre » féminine. Les hommes les plus impliqués sont les retraités, les sans emplois rémunérés. Les activités champêtres peuvent constituer un palliatif aboutissant à l'amélioration de leurs conditions de vie.

Informateur 3 - Entretien en fang en mars 2006 avec Ndogo Ella Philomène31(*) sur La forêt : une école de la vie32(*)

Texte en fang ntumu

Traduction française

afan éne evem bayaghe sikolo ye ening minga ntumu me ne. éminga aboki bisè metsi aseki minga.

La forêt est un lieu d'apprentissage, une école de la vie de la femme ntumu que je suis. Une femme qui ne fait les plantations n'est pas normale.

benie be be mbe belong bie bone minkuegn na bia ke belere miyeng. be mbe be yanle bie bise binga babo afan bia ke sum sikolo mintang mot ato mimbu zembwe, mome ese bia tare bo ene ese ye afan.

Nos mamans, dès l'âge de six ans, nous fabriquaient des petits paniers pour les accompagner au champ. On nous initiait aux activités des femmes en forêt. On commençait l'école des Blancs un peu tard, c'est-à-dire vers l'âge 10 à 12 ans. L'activité première était la forêt.

eyong mone minga ake aluk ba fiale e ndzeng bot we ye avale akang bot, ye ngu ye egnule dze, avale abo bise bi ye afan. ye avale abelan bot beye aluk de. ke mite na mot mbo ane efonan ngura ndzeng bot ose.

Quand une fille va en mariage, on juge sa famille à travers l'éducation que manifeste la mariée et par sa force physique, la manière d'exercer les travaux champêtres et la manière se servir sa belle-famille. Donc tu vois que l'image de toute la famille est représentée à travers un seul individu.

bia yaghe ébobè bisè na babe yaghe ebobaba. Sikolo mintang ane bo ka wulu ve ba shimi sikolo ye adzè. Moneminga asese ayène yaghe sikolo té.

On apprend ces activités à nos enfants pour qu'à leur tour ils inculquent à leurs enfants la même éducation. C'est comme ça que de génération en génération l'école des Blancs peut ne pas marcher, mais on n'aura jamais « l'école du village ». Toute jeune fille doit passer par là.

éyong biake bone afan, bia baghe be efus si na be yaghe abègne. mone ase ayème edzame abo éévu niè nge vam.

En amenant les enfants aux champs, on leur donne des tâches ou une portion de terre pour qu'elles apprennent à cultiver elles-mêmes. Chacune d'elle est bien conscience de ce qu'elle fait en imitant sa mère ou sa grand-mère.

menga biè mimbias mi binga. mbo anga biale eki mbong. Eyong anga kui mimbu mome esang wome ake gne yaghe adu mbong oswigne emiène anga yam.

J'ai eu à faire deux jumelles. Dès leur naissance, une était née avec une interdiction de manger le manioc. A l'âge de 8 ans, ma marâtre avait décidé d'aller lui apprendre à tremper le manioc (dans l'eau) et à le préparer.

nyene benga mane tègne beke du medzim, bevè benga tsak nabe bo mimbo mi mbong. Betele odzi nyène mbong onga bègne a nga dzi akuane anto mimbu mome. afan énga sale mome éki ye ke gne yaghe bisè.

Après avoir déraciné, trempé dans l'eau, enlevé de l'eau, pillé et faire des bâtons, elle a mis le manioc au feu. Après la cuisson, elle a décidé de manioc 8 ans après sa naissance. L'initiation de l'enfant à la forêt lui a permis d'être en contact avec le milieu et de casser son interdit.

La forêt est un milieu où la femme ntumu échange son savoir-faire, toute sa vie tourne autour des activités forestières. Contrairement à la femme « moderne », qui exerce un métier en milieu urbain, la femme rurale exerce dans la forêt. Toutes deux ont un même objectif, la survie de leurs enfants. Aussi, la forêt constitue pour cette dernière une richesse renouvelable qui lui offre une grande variété de ressources alimentaires. Cette variété d'aliments assure l'équilibre nutritionnel des populations par rapport à leur régime alimentaire traditionnel. Toute femme active se libre de façon permanente aux travaux agricoles. Mais l'agriculture demeure l'activité dominante.

Informateur 4 - Entretien en français en mars 2006 avec Mba Ondo Jean de Dieu33(*) sur La relation de la femme avec la terre34(*).

« La relation que la femme entretient avec la terre a un fondement mystico-spirituel. La dimension spirituelle : « Quand Dieu créa l'homme et la femme, il dota à la femme un pouvoir de procréer, la femme a été la première personne a établir le contact le fruit de du jardin d'éden. De ce contact, il s'est établi une relation mystique entre la femme et la nature. C'est la raison pour laquelle lorsque la femme est en contact la terre, elle la rend fertile. Tout ce qu'elle plante de ses mains produit.

La dimension sociale, la femme est le socle d'une famille, elle est la matrice, elle nourrit non seulement de part elle-même, mais également par tout ce qu'elle produit de ses mains dans le cadre des activités agricoles. Par extension, elle est la nourrice de toute la société. Elle est au centre de toute la production agricole. Dans ses activités, elle développe l'esprit de solidarité, de cohésion, d'entente et de paix dans le groupe.

La femme rurale est aussi impliquée dans les activités commerciales. De ses récoltes, elle vend pour se procurer les produits de premières nécessité : le sel, du savon du pétrole lampant, etc. La femme rurale alimente également les centres urbains en produits agricoles (banane, manioc, tarot, etc.) Elle est également impliquée dans les coopératives agricoles35(*).

A titre d'illustration, il est de coutume que chaque vendredi, les femmes de Bolossoville quittent le village pour venir organiser une foire36(*) au marché d'Oyem. Chaque femme met ses produits à l'appréciation des clients. Elle réalise des recettes qui leur permettent de couvrir le panier de la ménagère. »

La femme est dotée d'une intelligence qui confère la possibilité de s'affirmer dans son écosystème : une école. Dès le plus bas âge, tous les enfants vont apprendre à connaître leur environnement, ce qui à l'âge adulte leur permet de s'appliquer aux pratiques de ce dernier. Cette culture se transmet de génération en génération, c'est une pratique évolutive permet à la femme ntumu de s'assumer et d'assumer ses responsabilités. Il est nécessaire de ce fait qu'elle recourt à des éléments de l'éducation traditionnelle, cela favorise une meilleure adaptation des activités à mettre en place en vue de la préservation de leur écosystème forestier.

Informateur 5 - Entretien en fang en mars 2006 avec Nzang Madeleine37(*) sur La forêt comme source de vie38(*).

Texte en fang ntumu

Traduction française

afan de ye o woleu-ntem ebele mba basi, akum dzam anga ke bie. eyong bia begne bidzi bise ki ebuk ye engrais mintang ene ndzuk na be yene de da dzimli bia eyong.

Notre forêt du Woleu N'Tem est très riche, c'est l'héritage que Dieu nous a laissé. Pour planter, on n'a pas besoin d'engrais chimique qui est difficile à trouver, et son utilisation est une perte de temps pour nous.

eminga ya dzè mene magnong ve asup nge ki ebuane ye akun na me veme bidzi élok ase ebele avale mbène wè engrais mintang dave ki elok azak.

La femme du village que je suis a juste besoin de la cendre ou des ordures du fumoir pour faire pousser les plantes. Chaque plante a sa méthode, les engrais des Blancs ne donnent pas un goût naturel à la plante.

ekane te fe one bidzi biva yame o nduane fan ye ébi beva yame nduame mintang mia bé bidzi na bi bo abui biè bia bé bidzi na bi bo mbeng

C'est la même différence qu'il y a entre une nourriture préparée au feu et celle préparée au gaz. Les Blancs aiment la quantité et nous nous aimons la qualité.

bie bianing adze bine ndzalane ye afan de dave bie emame se bia kome, ede bia ning de ayap. emam me se ntang asome mene abe. mia wu avo akale te. okwa bong be mbe ki be wu ane emu mimame ya ndzame emam betar be nga lik bie na minto mintang. mame te ma yene ki ye misut mibot.

Nous qui vivons au village, nous sommes comblés avec notre forêt. Elle nous offre tout ce qu'il nous faut, c'est pour cela que nous vivons longtemps. Tout ce que les Blancs nous apporte est mauvais. Vous mourez tôt à cause de cela. Jadis, les jeunes ne mouraient pas comme aujourd'hui. Vous avez abandonné les choses que les ancêtres nous ont laissé pour devenir des Blancs. Or ces choses ne conviennent pas avec l'organisme de l'homme noir.

mot ane mane ngura ening de vena adzi bidzi bibor mimbu abue ete. wa dzi tsit kayeme etsit ene minga ntumu adzi, eyale ndzeng bot we ye bi bidzi bivem osi keghe na besanle bio. ma begne, ma dzem, me dzi, amane.

Comment quelqu'un peut-il passer toute sa vie à manger une nourriture qui a déjà fait des années et des années dans le congélateur ? Tu manges la viande, tu ne sais même pas de quelle viande il s'agit. La femme ntumu mange et nourrit sa famille avec la nourriture qui sort de terre, sans aucune transformation. Je plante, je récolte, je mange, c'est tout.

makoro ndè dzam ekuna kiri, na ma ke afup, ma mane lot mos ye afan. afan éne me édzè bè dam eyong make ki afan. me se ki vo édene na éyong ma keki afan, ma yène ane ngura ndzma wa mak ma. Ede ma nyaghe ki make ekena. Meme voghe édzè dame ye afan dam.

Je quitte ma maison très tôt, le matin pour me rendre dans mon champ où je passe toute ma journée en contact avec le monde la forêt. La forêt est presque mon deuxième village. Quand je n'y vais pas, je sens qu'il y a quelque chose qui manque. L'esprit n'est pas tranquille. C'est pour cela que voyager, c'est difficile pour moi. Je suis très à l'aise dans mon village et avec ma forêt

La femme ntumu estime que l'usage des engrais est « compliqué » ; il constitue une perte de temps. La cendre, seule, suffit pour faire pousser la plante. De même la mise en jachère permet naturellement de se régénérer ; ce, contrairement aux engrais chimiques qui passent par plusieurs étapes avant d'être mis dans la terre. L'engrais chimique, selon informatrice, soutire à la plante toute son essence. Ces méthodes occidentales causent des préjudices à la femme rurale. Ce fait, elle perd sa valeur si elle associe dans ses activités les pratiques des Blancs.

Informateur 6 - Entretien en français en mars 2006 avec Obone Anastasie39(*) sur L'importance des campements40(*).

1. Les activités de chasse, de pêche, de cueillette et de champs nécessitent parfois l'installation des populations à côté de la ressource à collecter, (dire chasse, ramassage et pêche) ou à protéger (champ). Le campement est l'antécédent du village. Dans le campement, les produits tels que la banane, le manioc, l'arachide, etc. sont plantés.

2. Pendant la période de champ, les femmes ntumu se rendent dans les campements construit avec des matériaux durables, les familles transportent leur réserve de nourriture pour un séjour pouvant durer jusqu'à deux à trois semaines et plus.

3. Des lites de bambou et de matelas d'herbe y sont rapidement confectionnés. La femme ntumu améliore le milieu pour le petit temps qu'elle séjournera.

4. Les campements de culture sont une réponse à la distance, mais pour d'autres raisons. En période de gros travaux, il peut être avantageux de séjourner dans le champ, pour s'épargner des trajets quotidiens.

5. L'essentiel cependant n'est pas, mais c'est beaucoup plus pour assurer la sécurité de nos champs. Les champs sont toujours enchâssés dans la forêt, assez fortement isolés et d'autant plus exposés à prédateurs qu'ils sont éloignés du village. Les campements sont faits pour empêcher la destruction des champs par les éléphants.

6. Le campement est notre lieu de travail, notre bureau, aller au campement c'est comme si nous allions en mission. Et le rapport de mission c'est la récolte que nous ramenons. Moi je suis une femme de Bolossoville, je peux dire que le campement c'est mon second village. C'est lui qui me permet de vivre correctement. Le village est juste s'occuper des enfants qui vont à l'école et les biens de mon mari.

7. On ne peut pas habiter un campement sans avoir des maisons au village, c'est impossible. De toutes les façons, on est parti de la forêt pour le village. J'aime bien rester dans la forêt, pour protéger mes plantations contre les éléphants. Je gagne beaucoup d'argent quand je rentre au village avec les récoltes (plusieurs sacs d'arachide, de concombre, etc.).

Le campement est un espace d'exploitation provisoire, un lieu de résidence permanent, commandé en cela par la recherche de l'autosuffisance alimentaire et les moyens financiers. La femme ntumu trouve son compte dans cet espace. Cette double résidence a été analysée en son temps par François Gaulme (1981), qui faisait remarquer que les population de la forêt avait deux résidences : le village et le campement. Ce qui change pour certains, c'est que le campement n'existe qu'en période de grandes récoltes. Evidemment, la femme nutumu obéit au principe du campement, la gestion parcimonieuse de la forêt qui lui a permis de traverser des siècles sans endommager durablement son écosystème. Cette gestion parcimonieuse est mise au premier plan, parce que sa mise en pratique lui permet de nourrir sa famille.

On observe chez le Ntumu comme les autres populations gabonaises un habitat double : on alterne des séjours dans un hameau ou un village administratif situé en bordure de piste, et des séjours plus courts dans des campements de forêt (pour des activités saisonnières de chasse, de collecte ou de pêche), certains groupes ayant même des camps dans leurs essarts s'ils sont éloignés du village. Ainsi à la saison sèche, la saison des chenilles ou bien des "mangues sauvages" (Irvingia), également propice à la pêche au barrage, l'ensemble du village se transportera en forêt pour y passer des semaines, voire des mois. Le village (regroupement administratif de hameaux) compte en moyenne plusieurs habitants. Trois principaux types d'habitat selon les saisons et les activités : le village de bordure de piste, entouré de forêts secondaires et de cultures vivrières, composés de plusieurs lignages. Les gens y passent toute l'année. Les hameaux de forêt avec champs de manioc, composés de plusieurs segments de lignages; occupés de 3 à 4 mois par an. Les hameaux de forêt sans champs de manioc, composés des membres d'une ou plusieurs familles. Ils sont de plusieurs types : campement de chasse individuelle et piégeage; campement de chasse collective au filet.

Informateur 7 - Entretien en français en mars 2006 avec Abagha Micheline41(*) sur Les interdits de la forêt42(*).

1. La notion d'interdit a un fondement important dans de nombreuses sociétés, les rapports sexuels font partie intégrante de la reproduction humaine et doivent avoir lieu uniquement dans les villages et non dans la forêt. La femme qui transgresse les règles est sanctionnée par une mauvaise santé humaine ; la perte de la raconte peut en résulter. La femme peut devenir stérile ou la récolte mourir parce que les moments des cycles de reproduction humaine et végétale se sont mélangés de façons inappropriées

2. S'il y a un tel système d'interdit, c'est parce que la forêt est essentiellement conçue comme une forêt qui vit comme nous, elle n'est pas morte. Les règles sont établies comme dans un village. Chaque interdit rappelle des fonctions multiples de la forêt.

3. Plus il y a d'interdits, plus la forêt est riche. On peut considérer que la relation de la femme ntumu à la forêt n'est pas une relation dialectique faite de négociation. Au Woleu-N'Tem la nature est appréhendée comme un immense ensemble d'êtres vivants, visibles ou invisibles, tous assumant une responsabilité.

4. La femme ntumu occupe une centrale dans la forêt et sa position dans cette forêt est celle d'un membre des communautés d'êtres vivants. La sagesse exige le respect, elle ne cultive pas le souci de s'opposer totalement à son environnement, son comportement commandait plutôt la communion avec la forêt dont elle dépend totalement. La sagesse recommande sous une forme ou une autre le principe de la réalité qui impose la coexistence, la solidarité, la communion et la vie en symbiose avec la forêt.

L'analyse des interdits relatifs à la gestion des écosystèmes permet de comprendre les rapports de la société ntumu à ce milieu. Les interdits apparaissent comme fondant attitude qui impose à cette société de se construire et de construire avec cet écosystème. En effet, elle présente la forêt comme l'alliée sans qui la femme ntumu ne pourrait vivre, c'est-à-dire se soigner, se nourrir et mener des activités qui ont trait aux aspects spirituels. La femme est ainsi habitée par des êtres surnaturels, dont l'irrespect peut convoquer la colère, mais aussi dont le respect attire la sympathie, et finalement la réussite dans la récolte, la bonne santé physique et mentale. Ce qui justifie par ailleurs cette parcimonie dans les rapports à la forêt, les associations chargées de faire respecter les interdits et de sanctionner ceux qui ne respecteraient ces interdits.

Informateur 8 - Entretien fang en mars 2006 avec Obone Madeleine43(*) sur Les tâches de la femme ntumu en forêt44(*).

Texte en fang ntumu

Traduction française

minga ntumu ase bui. ane ese ene mbe mbe ye ndzuk. nge me fulan abim ese minga abo mitsi bevaghale ye ebi dzi akulu biyene na ebi akulu bine avitsang ye abim ese abo.

La femme ntumu a un travail qui demande beaucoup d'énergie physique. C'est un travail permanent et pénible. Si on fait la somme des travaux de la femme dans le champ vivrier, et que l'on compare à celle de la production, on constate que ces dernier sont son faible, eu égard au travail effectué.

bia gni afan ekuna, bia bera kui fave alu. ngura mos wè bia lot wo mefup. nge bika bo bisè, eza aye yale ndzang bot wè?

Nous rentrons en forêt très tôt le matin pour ressortir seulement à la tombée de la nuit. Toutes nos journées nous les passons dans nos champs. Si nous ne travaillons pas, qui va nourrir nos familles.

bia binga, bi bele bise bie, befam bebele ebiaba. afang bo na abong di bise binto nfulan afan. bise bise bia bo bine ndzuk, efonan ene ane mbong. ese mbong ene etsine ese binga bese beye owoleu-ntem babo. abim baku ene abui

Nous les femmes, nous avons nos tâches spécifiques et les hommes ont les leurs, même si ces derniers temps les tâches ont tendance à être mélangées. Toutes les activités que nous faisons sont pénibles. Prenons le cas du manioc qui est l'une des principales des femmes du Woleu-Ntem. La majorité d'entre la pratique et les quantités produites sont considérables.

ayam mbong dasum nduan bemane kom ngura vem wa bi medzim melu mebe, melu mele melor. beke tos, be mane ngnot madzim, be furu nkuegne ete abaghe mbong da lighe befuru mbaghe ete na ba tsak. minga evenghane mbong ye ve minkang ebera sum tsak ye kekui mbong wa mame bo ndanle.

La préparation du manioc commence par son « trempage »45(*) dans un coin de la rivière aménagé à cet effet et qui forme une sorte de retenue d'eau. Deux ou trois jours après, ce manioc trempé est sorti de l'eau et est pressé dans un panier. Le but est de le débarrasser de l'excès d'eau. La pâte obtenue est pilée dans un bac en bois dur. Puis la femme arrête de piler et fait passer la pâte d'une extrémité à l'autre du bac, poignée par poignée pour en ôter les fibres. Le pillage recommence au moment où la pâte est jugée suffisamment mole par elle46(*).

be nga woghe minbo minbogh yakie bevule ye ndenane. binga be ne yam mintet mi mbogh niane bia ve abim biadzi bi ke kuane abim da lighe na bidzeng edzom bi ne som de karesine, ntsap ye biom bife, biyong bizing mot azu asom mbong ye metua eke milam milam. eme embo mbong wake awome dol, ekas oyem, mbo mbong wake ntet.

Elle est mise en bâton dans des feuilles47(*) très larges et attachées à l'aide des ficelles faites avec les tiges des marantacées. Les femmes en préparent par centaines car en dehors de l'autoconsommation, nous allons vendre au marché d'Oyem pour avoir de quoi à acheter du pétrole, du savon, etc. Quelques fois, un acheteur au volant ou d'une voiture bâchée passe dans les différents villages et en achète en quantité importante. Dans les villages, le bâton de manioc coûte 50 francs et au marché d'Oyem, il coûte 100 francs.

binga bezing bakulu mintet mimbong mitan, ebe nkuan ye ebe ngone. ane yene toyini ébè ye mintet. Mitane. ébinga bene kafe ngu ye éba bebele abui mam bakulu ki abui. Ebe mbong bone bo ntet nge ki ntet ye memowome tan ébe nkwan. Mone ane kui toyine étan nge ki toyine zambwè yé étan, esiki dzom nge be daghe ésè bia bo.

Certaines femmes produisent seulement 500 bâtons par vente et par mois, ce qui fait une recette d'environ 25.000 francs. D'autres, les moins valides et les femmes empêcher font des quantités moins importantes de 100 à 150 par vente et par mois d'où un revenu total de l'ordre de 5.000 à 7.500 francs, ce qui est insignifiant par rapport à l'activité que nous faisons.

éfem waka ntet ye dol étan amudzé ? mbong wé seki tan dzè, asese ane édziga.

Le pain coûte 125 francs, pourquoi le manioc ne peut pas avoir le même prix que le pain ? Et pourtant, tous sont des compléments !

Vivant dans un cadre rural, la femme ntumu du village dans sa vie quotidienne peine sous le poids des travaux domestiques et agricoles qui lui permet d'assurer la ration alimentaire de sa progéniture. Elle travaille plus qu'elle ne se repose. Le poids de ces travaux n'est pas proportionnel au gain tirer de la vente de ses produits. Ses journées sont planifiées sur la base des tâches qu'elle exerce dans la forêt

Informateur n°9 : entretien en avril 2007 avec Mekui Hortense sur la pêche au barrage

Texte en fang ntumu

Traduction française

eyong bia ke alock y'otong,bia bellane mefè, ékana, nkun ,nkwegne

Lorsqu'on va à la pêche dans une petite rivière, on utilise une machette, une cuvette en bois, une corbeille en forme de cône et un panier

eyong mina kui oshing, minalik meta ya zum. ba beme zum oshing, be yak ya meta, ba lade na « akame miok »akor ye va'a be nga yak miok ye bibane, be fulane nving na bibane bi yeme ;ba lade na « nome miok » be nga ve adzia na'a ayeme.ba yak miok akui ya ankiène.

Arrivé à la rivière, on coupe les piquets et les branches en forme de Y. Nous plantons les piquets dans la rivière et nous les soutenons avec les branches. On appelle cela  « akame miock ».Après cela on complète la barrière en ajoutant des tourbes cela s'appelle « nome miock ». On construit la barrière en amont et aval.

niene bia mane yak miok, bi nga lo'o medzime ya bikana.bia same, bia bi kwas. niane medzime ma ve'e, bia kik etok ozang, bia bwi metane a miok, be nga lom medzime ete. bia nie kwas ankun ostini engueregue. yonte bia twa mipwere bia lare ngo'o ye becara mi mbii ete. eyong alok émaneyang, bia mane ku'u miok bia wè mintem bil oshing na bone be kos be vem.

Après la construction de la barrière, on vide l'eau à l'aide des cuvettes en bois. On plonge les nasses dans l'eau et on les retire pour saisir le poisson. Lorsqu'il n'y a presque plus d'eau, on divise la rivière en deux, on place la nasse sur le barrage et on vide entièrement la rivière en versant de l'eau dedans. Le poisson tombe dans les nasses et on le met dans la corbeille en forme de cône qui est attachée autour des reins. Lorsqu'il ne reste plus que la boue pour dégager les silures et les crabes. A la fin de la pêche, on ouvre légèrement les barrages pour laisser circuler l'eau, et on y jette des branches d'arbres pour nourrir les petits poissons.

eyong ba ke melok ba dzi ki abjing nge ki minkok, oshing oza bo'o avnegne.

Lorsqu'on va à la pêche on ne mange ni la banane douce, ni la canne à sucre sinon la rivière sera « froide » : improductive.

La pêche collective regroupe toutes les techniques pratiques, initiatiques et capture qui nécessite la coopération minimale de deux êtres humains pour la réalisation d'une même tâche. La pêche comme ayant été le point autour duquel s'est organisé pendant des milliers d'année l'ensemble des activités humaines. C'est-à-dire que les pratiques humaines coexistent à la pêche au paléolithique, l'organisation des sociétés a pu profondément marqués par cette activité. La pêche à cette époque est une activité collective, du fait de la grandeur et de la profondeur de la rivière à l'opposé de la cueillette qui si elle peut parfois être entreprise collectivement reste essentiellement une activité individuelle.

Les femmes ntumu doivent réunir ensemble leurs ressources physique et intellectuelle pour mener à bien leur activité. Elle suppose la coopération d'un nombre assez élevé d'individu, leur intégration en vue de l'accomplissement des tâches voisines, pour un but qui concerne toutes. Par ailleurs la pêche collective implique certaines conditions à remplir. L'appartenance à une communauté au sein de laquelle il y a une grande rivière. En outre dans cet entretien il ressort qu'il y a de similitudes en ce concerne les préparatifs et les interdits d'une pêche. On peut aussi noter les points de convergences au niveau du travail. Par contre les pratiques divergent au niveau des rites. Ici on prie aux esprits de l'eau et on parle aux esprits des ancêtres. On note également la différence en ce qui concerne le partage qui se fait au sein d'une maison avec le système de trois paniers appliqués. Consommation immédiate, consommation future et une réserve pour les étrangers. A travers ce partage, on lit les sociétés qui ne sont plus attachés aux principes ancestraux qui voulaient par exemple que lorsqu'une personne part à la pêche, ce soit toute la communauté qui en bénéficie. Ce sont les sociétés à perte de valeur.

Informateur n°10 : Entretien en avril 2007 avec M. EYI Huguette sur la au wolo (plante poison)

1. La veille on cueille le wolo en brousse et on le pile la nuit

2. Très tôt le matin on descend à la rivière pour commencer le travail. On barre la rivière avec les déchets qui sont dans l'eau (feuilles mortes, boue, brindilles).On laisse l'eau couler légèrement, ça permet au produit de s'étendre rapidement. C'est une pêche rapide, si le poison se dissout, il devient inefficace et le poisson peut vite pourrir ou se réanimer. On le verse dans la rivière, on attend quatre heures pour que le poisson sorte des trous. On l'attrape avec les nasses et on le met dans le nkun.

3. C'est l'aînée qui se charge du partage. On met le poisson dans une assiette et on verse à chacune une part dans sa nasse. Lorsque chacune pêche de son côté, il n'y a pas de partage, mais si c'est en groupe, on partage. Souvent, à cause de son statut d'aînée, la plus grande emporte une grosse part. Sinon les paris sont égaux. Si le produit n'est pas pour vous, vous devez d'abord allez monter le fruit de la pêche au propriétaire, ou vous lui réservez sa part.

Les techniques de pêche sont multiples et variées. Le wolo est une plante qui pousse en brousse. Le plus souvent, elle est domestiquée par les femmes qui la plantent dans leurs champs. C'est un poison que les femmes utilisent lors des parties de pêche pour tuer ou faire endormir le poisson. Arrivées en bordure de la rivière, deux anciennes passent devant et à l'aide d'un bâton mesurent le niveau de l'eau en plusieurs endroits afin de trouver le lieu propice à la nivrée Après avoir reconnu le site, les femmes profèrent une prière de bonne chance et commencent le travail. Il existe des interdits alimentaire, sexuels ou verbaux concernant les parties de pêche qui, selon les femmes ntumu, ne doivent surtout pas être évoqués sur le lieu même de la pêche ou sur le site où l'on pile poison,sous peine de ne pas capturer le poisson.

Informatrice n°11 : Entretien en avril 2007 avec Mme Avome Ninon sur la pêche au meyè

Texte en fang ntumu

Traduction françaies

eyong ba du meye, bia belane bikut bidzi, minbang melen, mbong na kwas enyi aye ete.

Lorsq'on pose le « meyè », on utilise des déchets de noix de palme, le manioc ou de la nourriture pourrie pour attirer le poisson.

niène bikua oshing, bia kik meta ya zum na bi yak moick ba be me zum oshing, be yak ye meta.ba yak miock ye bibane, be fulane ye mbwarga. ba lik ngura vom bé beme ayè, vomte wa yiène bo édock.

Arrivé à la rivière, on coupe les piquets et les branches en forme de Y. On plante les piquets dans la rivière et on les soutient avec les branches. On construit le barrage avec des déchets de feuilles et de bois qui se trouvent dans la rivière, et aussi avec de la boue. On laisse une place ou on va fixer le « meyè » cette place doit être profonde.

ayè da tebe kenegue oshing

On place l' « ayè » horizontalement dans l'eau.

ba ve meye ekuna kiri, nge okele omos de cara ye minwas be mane dzi kwas, ba tsi aye na ve kwas. meyème bing abwi biome, bitugue, bengo, be cara minwas, édzome se da tobe oshing.

On retire le « meyè » très tôt le matin, si on y va la journée les crabes et les crevettes auront déjà mangés le poisson. On détache le « meyè » pour retirer le poisson. Le « meyè » attrape beaucoup de choses, serpent, crabes, etc. Tout ce qui reste dans l'eau.

Cette technique est pratiquée par les hommes et par les femmes ntumu. De longues et lourdes nasses, à ouverture en cône inversé, composées de deux compartiments, sont déposées sur les fonds sablonneux dans des eaux calmes, profondes et ombragées. Les nasses sont attachées à la berge par une corde de rotin et sont ballottés au gré des courant. Des appâts (cossettes de manioc cuit, des feuilles de manioc, des palmes récoltées dans les jachères, des écorces et des viscères de gibiers) sont placés dans le premier compartiment. Attirés, les poissons s'introduisent dans le deuxième compartiment et y restent, pris au piège. Le contenu de la nasse est déversé dans le panier par l'ouverture du lien de rotin qui retenait le sommet conique. Pour finir la femme ntumu un appât dans la nasse et se plonge l'ensemble dans l'eau.

Informatrice n°12 : Entretien français en avril 2007 avec Mme Mbazogo Alix sur les techniques de production du ndock

1. Le chocolatier est fruit tiré d'un arbre naturel qui pousse en forêt par le biais des excréments des éléphants ; c'est un arbre saisonnier qui produit une fois dans l'année, durant les périodes de décembre à mars ; on le retrouve sur toute la surface forestière du Woleu-Ntem 

2. Lorsque ce fruit est mûr, il peut être mangé. Les fruits sont collectés une fois que l'arbre les a fait tomber ; puis fendus en deux à i'aide d'une machette (lorsque le fruit est frais) ou un bâton (lorsque les fruits sont secs ou fermentés) pour ressortir l'amande qui sera par la suite séchée.

3. Le séchage des graines peut faire plus d'un mois au soleil et au fumoir selon l'intensité du feu. Après avoir séchées les graines, on les fait frire au feu dans une marmite ou sur une tôle perforée jusqu'à ce que les amandes virent au brun foncé.

4. Une fois que les graines sont frites, on les pile dans un mortier jusqu'à ce qu'on obtienne une pâte, qui est après formée en bloc dans divers récipients.

Les femmes ntumu connaissent l'utilité des arbres. Un grand nombre de raison conduisent l'agricultrice à préserver tel ou tel arbre dans son champ. Le clivage entre un acte délibéré, motivé par l'effet bénéfique que les arbres auront sur les cultures. Les arbres les souvent protégés dans les champs peuvent être utiles sur le plan alimentaire. La graine de la mangue sauvage (andock afan) est utilisée dans la préparation d'une sauce très appréciée ; cette graine est consommée au village ou vendue à la ville à très bon prix. Les activités forestières de la femme ntumu occupent une place importante dans le savoir et le savoir faire traditionnel de la population rurale.

Informatrice n°13 : Entretien français en avril 2007 avec Mme MBA Sylvie sur médecine traditionnelle.

1. Jadis, on n'avait pas besoin de l'hôpital. Notre forêt était notre hôpital.

2. Quand quelqu'un tombe malade, on essayait d'abord de prendre de l'herbe par ci par là selon la manière dont la personne se portait. Si la santé s'empirait, on allait voir une guérisseuse ou un guérisseur pour voir si on peut la soigner. La guérisseuse n'allait nulle part en dehors de la forêt pour prendre des écorces ou de l'herbe qui constituait le traitement à suivre.

3. De nos jours, comme le noir est influencé par la peau blanche, on tourne maintenant le dos aux choses que nos ancêtres nous ont légué. La mort devient monnaie courante tout simplement parce que nos ancêtres sont nos dieux. La bible dit tu honoreras ton père et ta mère pour mieux vieillir. Si on bafoue ce que nos ancêtres nous ont laissé, cela veut dire qu'on n'a plus les pieds sur terre.

4. Dieu sait pourquoi il nous a donné la forêt, ce n'est pas pour rien. Si nous même nous ne prenons pas cette forêt au sérieux ce n'est pas quelqu'un d'autres qui viendra le faire.

Pour les femmes ntumu la forêt est sacrée, elle est gérée selon les règles régies par la tradition. Pendant longtemps l'équilibre écologique a été respecté, du fait de l'isolement relatif des peuples les uns des autres. Mais avec leur brassage et la sédentarisation, des interdits totémiques ou alimentaires s'affaiblissent, causant de ce fait la dégradation de l'écosystème. Cependant, les villages se meurent sans que beaucoup d'entre elles, soient connues des scientifiques, les savants illettrés pendant qu'on dilapide le trésor naturel. Les faits sont là : le fossé entre la ville et le village se creuse davantage ; mais le monde ne se trompe pas. Pour sauter haut, il faut d'abord mieux s'enraciner. Pour pallier cette insuffisance, il est proposé, comme alternative, pou préserver les ressources fauniques.

Informatrice n°14 : Entretien français en avril 2007 avec Mme MENGUE Blanche sur la forêt un écosystème vivant et riche

1. Dans la forêt du Woleu-Ntem, les femmes ntumu exploitent quotidiennement la diversité des espèces. Pour cuire les aliments, les femmes ntumu qui ne connaissent pas le gaz, utilisent le bois de chauffage. Pour la consommation des fruits, elles savent que la forêt est très riche. Il suffit d'y aller pendant des périodes précises pour ramasser dans les sous-bois des fruits de nombreuses espèces de nos arbres.

2. Pour se soigner, les femmes ntumu connaissent bien des centaines d'application médicinales fondées sur la flore de la forêt. Ainsi de nombreuses plantes sont utilisées. On a de nombreux exemples où les plantes sont recherchées pour la cuisine comme les feuilles de légumes ou pour étancher la soif telle que la liane à eau

3. L'exploitation des plantes médicinales se limitait à la récolte des écorces, des racines, des feuilles. Les arbres étaient recouverts de terre sur les parties blessées après extraction des écorces

4. Pour les cultures sur brûlis, pendant les opérations de défrichement, de nombreux arbres fruitiers ne sont pas abattus, ils sont plutôt préservés.

Les connaissances et les compétences développées par les femmes ntumu au cours des milliers d'années d'adaptation et manipulation de la terre, de leur flore et de leur faune, constituent une ressource inestimable. Dans les pratiques traditionnelles, les femmes ntumu détentrices du savoir ne prélevaient en forêt que ce qui leur était nécessaire ; une écorce pouvait suffire comme ingrédient. Toutes ces précautions étaient prises pour que la forêt ne subisse aucun dommage on prenait soin par exemple de mettre un peu de terre pour aider l'écorce à se regénérer.

Informatrice n°15 : Entretien fang ntumu en avril 2007 avec Mme Bilogho Margueritte sur le procès de production des arachides

Traduction en fang ntumu

Traduction française

1. Ba li sti oyone ye essep,enome ekoro

On fait le champ d'arachide pendant la grande et la petite saison sèche dans une vieille plantation

Minenga nge fame a ne fiè ekoro

Le choix du site peut se faire par la femme ou par l'homme

Etale bi nga bo bi yagale biere na bidzi biboabuine,bia bôfede abondi

Avant on priait le biéré pour que la récolte soit bonne, mais à présent on ne le fait plus

Be fame ébeba li tsi ye baà ;ye ovone,fa

Les hommes débroussent et abattent la plantation avec les haches et les machettes

Binenga ye bone ebeba begne tsi owone

Les femmes et les enfants sont chargés des semailles

Ba begne tsi owono ye muane otutune fa mikus

On cultive l'arachide avec une petite machette carrée

Eminga ane megni mabume ayane ki tebe afup eyong ba begne owono

La femme en début de grossesse ne doit pas participer aux semailles encore moins y assister

Ba wi owone eyong a mbele nguikiegne ya eba

On sarcle le champ d'arachide avec la houe lorsque les feuilles sont déjà jaunâtres

Buane ye binga ebe ba tegne owono

Les femmes et les enfants qui sont chargés de la récolte

Ngene bamane tegne bega kap owono agun été, agun badzi, agun ba barle akale beyeng, agun be ibra beign

Après la récolte, on repartit en plusieurs greniers : un grenier pour la consommation un grenier pour échange, un grenier pour la prochaine semaille

Le champ d'arachide se fait en saison sèche sur un terrain déjà cultivé dans le passé. Cette culture se fait sur des cultures en jachère. Le choix du site peut se faire sans distinction de sexe ; l'essentiel est de reconnaître le sol fertile et approprié. Après ce choix les hommes procèdent à la prière de « Biere ». Mais aujoud'hui, ce rituel a fait place aux prières chrétiennes. La division du travail se fait de telle sorte que les tâches sont reparties en fonction du sexe ; les hommes abattent et débroussent, les femmes du reste. Ce travail se fait aussi avec les enfants repartis selon les âges et les sexes. Les outils usités pour ce travail sont : la houe, machette, hache, et les machettes à bout carré pour l'enfouissement en terre des grains d'arachide. Au titre des interdictions, il faut dire qu'une femme en début de grossesse ne doit pas venir au champ pendant les semailles ; surtout aux premières, puisqu'elle présente l'impureté et apporte la stérilité au sol cultivé. Le sarclage se fait quand les feuilles prennent une teinte jaunâtre, signe de la maturité des gousses. La répartition se fait aussi au pied des greniers. On dégage la part à consommer, celle réservée aux échanges, à la vente et aux prochaines semailles.

Informateur n°16 : Entretien fang ntumu en avril 2007 avec Angonsang Pauline sur le champ de courges

1. Le bananier plantain est couramment associé à la courge. Plusuieurs possibilités sont offertes, il peut être planté dans ce champ avant l'abattage et le brûlis, soit après le semis de la couge. Ce choix dépend de la méthode de production de la femme ntumu. Le produit recherché dans la couge est sa graine, utilisée comme condiment dans les sauces ou comme constituant d'une pâte agrémenée de viande ou de poisson « le gâteau de courge », comme l'appelle les femmes ntumu.

2 .La courge est appréciée de manière très variable par les ntumu et ne constitue pas un élément essentiel de leur cuisine. Elle est donc surtout vendue en cas de surplus. Pour certaines femmes ntumu, elle fait réellement l'objet d'une culture de rente malgré une qualité trè aléatoire.

Les femmes ntumu obtiennent de la vente des graines de courge un gain monétaire qui leur revient directement alors que les hommes ne reçoivent que peu d'argent. La tactique des femmes sera d'utiliser ce produit le plus souvent possible dans l'alimentation afin d'en tirer un profit maximal avant que la récolte soit vendue. Les paramètres qui influencent la production de cette cucurbitaceae ne semble absolument pas maitriser par la femme ntumu. Pour mettre toutes les chances de leur côté, et avoir une probabilité plus grande de bénéficier d'un sol productif des femmes ont tendance à augmenter les surfaces défrichées pour la courge afin de disposer d'une production minimale pour la vente. Les cultures de bananes plantains post-courges ou post-arachides, à superficie égale ou superieure aux champs de courges, sont essentiellement destinées à la vente.

Informatrice n°17 : Entretien français en avril 2007 avec NTSAME ABA'A sur le choix du site

1. Le choix du site est important pour la production d'arachide, Le terrain doit avoir certains arbres et herbes.

2. Le champ se fait sur le terrain ancestral où on a déjà planté, après viennent le débroussaillage et l'abattage à la machette, à la hache età la tronçonneuse.

3. La division du travail : les hommes débroussent et abattent, les femmes brûlent et sèment avec les enfants.

4. Avant de cultiver, les femmes ne doivent pas aller avec leurs maris. C'est pourquoi avant, on faisait semer les enfants

5. Avant les femmes plantaient ensemble, elles commençaient par un chant (...)

6. Le sarclage s'effectue quand les feuilles des plants d'arachides sont jaunes ou mortes.

7. Pour la récolte tout le monde peut participer.

8. Dans la répartition, il y a ce que l'on mange, ce qui permet de faire des colis aux enfants qui sont loin et ce permet d'échanger avec les autres. Parfois, on donne aux soeurs qui n'ont pas beaucoup produit. Et l'année suivante, elle se doit de rendre le même nombre de sacs.

Chez les ntumu, le titre foncier joue un rôle primordial. Le champ se fait sru des terres ancestrales. Cette règle intervient dans toute la communauté ntumu.

Par ailleurs, nous avons comme outils de travail, la machette, la houe, la hache, la troçonneuse, la corbeille pour porter les graines à semer. La répartition des tâches doit satisfaire au deux sexes. Les hommes représentent la main d'oeuvre complémentaire, ils doivent débrousser, abattre. Les femmes et les enfants sèment, sarclent quand les feuilles de la plante d'arachide sont devenues jaunes, après quelques temps vient la récolte. Pour les interdis, les femmes doivent suspendre tout rapport intime avec leurs époux avant leurs époux avant la récolte. C'est ce qui explique le fait que les enfants sont appelés à semer en premier. Avant les femmes cultivaient ensemble, mais de nos jours elles le font de manière individuelle, ce qui dégrade la cohésion sociale c'est chacun pour soi. Les rapports de parenté ne priment plus chez les femmes ntumu, les familles vivent en autarcie.

La récolte peut fare intervenir tout le monde : les femmes, les hommes, les enfants. La recolte terminée, le partage suit. Il se fait par propriétaire du champ et non par l'aîné du clan, lors du partage il donne à qui il veut et selon le mode de remboussement. On peut donner ou vendre à une soeur qui n'a pas eu une bonne récolte.

Informatrice n°18 : Entretien en français en avril 2007 avec Mme MEDZA Nicole sur la médecine

1. L'apprentissage se fait dès l'âge de dix ans. Généralement il se fait sur terrain c'set à dire en forêt.

2. Les femmes ntumu prennent des écorces ou des feuilles les présentent à l'apprenti en lui donnant les conseils et partage les expériences vécues. Sur le terrain, on montre le geste qu'il faut par exemple pour tenir la machette, pour prendre l'écorce qu'est ce qu'il faut dire c'est le rôle de la femme expérimentée

3. La transmission de manière globale se fait de mère à fille ou de la grand-mère à la petite fille. C'est comme tu vois maman Madelaine, elle a appris à soigner auprès de sa grand- mère dès l'âge de 15ans, elle aussi transmet déjà aux enfants. La transmission peut varier en fonction des aptitudes de chacun et l'intérêt qu'on y accorde.

Avant à l'époque nos grand-parents lorsque la personne était admise dans ce groupe, cette femme était désormais considérée comme une femme à part entière.

Chez les femmes ntumu, la connaissance était léguée par nos parents et se transmettait de génération en génération. Une femme détentrice d'un savoir médicinal cherchait toujours à laisser cet héritage à un des siens. En forêt, elle amenait un des enfants prédisposés à faire la médecine sur les lieux pour lui apprendre à connaître à s'habituer aux espèces qu'il a à cotoyer tout le temps (écorces, feuilles, racines etc.) Comme toute société à oralité, la femme ntumu transmettait ses savoirs par la parole qui se manifestait sur l'individu.Le pouvoir de ses paroles assure de multiples fonctions qui concourent au maintien de l'équilibre social à travers les proverbes, la généléalogie, les devises, les prières. Elle perpétue les valeurs culturelles du groupe et transmet les enseignements. La gestion moderne expliquant la loi écrite remplace la loi coutumière orale pour fixer les règles de gestion durable des ressources.

Informateur n°19 : Entretien en français en Avril 2007 avec M. MBIAME Calixe sur les changements des activités.

Nous avons constaté qu'il ya un changement global de la forêt. L'année était répartie en saison mais à présent ce n'est plus le cas.

2. Nous voyons aujourd'hui que le blanc est venu gaspier notre milieu. Au niveau de la pêche, ce ne sont plus les mêmes instruments, les étangs ont remplaçé les rivières, les femmes , pour faciliter leur travail, vident maintenant l'eau avec des motopompes. On ne boit plus l'eau des rivières c'est maintenant l'eau de la pompe.

3. Quand les femmes faisaient leurs plantations, il y avait des outils adaptées, les ntumu avaient leur tronçonneuse traditionelle qui a été remplaçée par celle des blancs. Certaines femmes ntumu commencent à remplacer le panier la brouette. La canne qu'on pressait avec notre machine (ékili) a été remplaçée par la presse canne moderne.

4. La femme ntumu d'aujourd'hui n'est plus la même que celle d'hier, les femmes abandonnent le village pour aller s'installer en ville sans rien faire.Elles sont devenues paresseuses. Avant on jugeait la femme par les activités qu'elle faisait dans la forêt.

L'écosystème forestier de la femme ntumu a subi un changement. Actuellement, on se rend compte que la forêt a subi une pression considérable. L'arrivée des occidentaux a modifié toute la vie de la femme ntumu, les pratiques ne sont plus les mêmes. Les facteurs modernes dont l'émergence est liée au développement de nouvelles activités ou de nouveaux modes de vie menaçant la regénération de la ressource de la forêt. La mise en valeur du système colonial au-delà de l'introduction de la monnaie scripturale et fiduciaire a énormement influencé l'organisation des activités forestière de la femme ntumu.

Informateur n° 20. Entretien en français en Avril 2007 avec M. NKOGHE ASSOUME. Sur le rituel et les interdits de la pêche.

1. Il existe des rituels qui interviennet dans la pêche, mais pas n'importe comment. A vant de pouvoir travailler,un membre du clan ou de la famille prend la parole en s'adressant aux génies, elle fait des sacrifices, jetant des aliments ou des objets sacrés dans l'eau.

2. En ce qui concerne les interdits, une femme enceinte et une femme avec des menstrues ne doit pas pêcher.Le jour où on va à la pêche, si tu as des enfants, il ne faut pas surtout qu'ils te piétinent encore moins une des autres femmes sur le chemin sinon, tu ne vas rien tuer. Pour laver ce mauvais sort, il suffit de tirer queques cheveux de la tête et les frotte à l'endroit où on a été piétiné.

3. Il existe également des aliments que l'on ne doit pas consommer à la veille, sinon la pêche sera moins fructueuse.

La pêche (alock) peut faire l'objet du rituel. Pour que la pêche soit fructueuse, et que la partie se termine sans accident, certains rituels ont organisés avant. Par ces rituels, les femmes ntumu se concilient avec les forces de la nature, car la forêt est habitée par des génies. Dans la pratique des activités, les femmes ntumu se doivent d'observer les interdits pour le bon déroulement et un meilleur rendement de la pêche. D'abord, il ne faut pas se faire piétiner les une les autres sur la route cela porte malheur. Ensuite, li y a des interdits concernant des aliments consommés à la veille ou le jour de la pêche. Il est également interdit d'uriner dans l'eau où se déroule la partie de pêche.

1.1.2. Premières analyses

Dix informateurs d'un même groupe linguistique, nous ont permis de collecter des récits relatifs aux activités de la femme dans la forêt. Nous avons ainsi pu dégager une certaine dynamique. Qu'avons-nous pu retenir de ce corpus ? Son examen critique nous fait état de faits majeurs que nous soumettons à une analyse sommaire. En effet, la plupart des récits collectés mentionnent les rapports de la femme ntumu à la forêt. Selon nos informateurs, le recours à la forêt a un fondement mystico-spirituel. La femme ntumu a un esprit en elle qui est lié à la forêt. Ce qui lui confère le monopole de la culture vivrière.

Le corpus nous permet de comprendre les mutations qui s'opèrent à partir de l'arrivé des Occidentaux malgré cela, l'ambition des femmes ntumu est de préserver la coutume afin de génération en génération.

La forêt, malgré son exploitation abusive par les hommes, est une richesse qui est toujours renouvelable. Ainsi ces deux faits : forêt à la forêt et mutation dans ce milieu, nous ont permis de comprendre le recours systématique de ma femme à ce milieu. Il y a un effectivement un échange entre la femme et ce milieu.

La perspective dynamique consiste à montrer le changement au niveau de ses activités de hommes, des outils, de la récolte. Cet état de fait nous a permis de comprendre le dualisme écologique.

L'enquête de terrain est un moment crucial dans l'étude anthropologique. Au-delà de la compréhension des logiques qui gouvernent la vie d'une société, c'est le refus de spéculer, d'attribuer à un groupe des discours arbitraires qui fonde la méthode anthropologique. L'enquête de terrain n'est pas toujours facile quelque soit le terrain d'enquête. Il y'a des difficultés qui surgissent toujours même lorsqu'on l'a bien préparée.

Nous pouvons affirmer de façon générale que cette enquête s'est effectuée dans les conditions et la rigueur exigée par la méthode anthropologique. Evidemment, il y a des éléments en faveur de ce fait. Nos motivations avaient bien comprises par les informatrices, malgré le manque d'enthousiasme de certaines. Cette réticence s'explique par le fait que nous étions cataloguée comme étant une politique au service des hommes politiques de la ville d'Oyem ou de Bolossoville.

L'autre difficulté est liée aux aspects financiers. En effet, nous avons fait l'expérience du principe du don qui exige un contre-don. Certaines informatrices nous exigeaient qu'en retour des informations livrées, je leur verse un tribu. Les moyens financiers se sont révélés, tout au long de notre enquête, insuffisants. Il nous fallait en plus du contre-don dépensé de l'argent ou en prévoir, en plus, pour nos différents déplacements d'un village à un autre.

Au final, nous avons quand même pu collecter des données qui sont consignées en partie dans ce rapport de licence. Ces données montrent que la forêt occupe une place importante dans la vie des femmes ntumu d'Oyem et de Bolossoville. Elle pourvoit en ressources alimentaires, en ressources financières. Elle est aussi présente dans la littérature orale fang. Au-delà de ce constat, on a aussi remarqué que la forêt interpelle la femme moderne, qui y va pendant les week-ends s'adonner à des travaux champêtres non moins importantes, comparativement au travail salarié. On retrouve au village des personnes retraitées qui s'adonnent aux travaux champêtres.

C'est ainsi que la femme ntumu ne se départit pas de cette activité. Ses enfants s'en trouvent même impliqués. Toute leur éducation se repartit entre la « modernité » de produits par l'école des Blancs et la « vie traditionnelle » léguée par les « anciens ».

L'objectif que vise tout travail de la femme, qu'elle soit employée de bureau ou agricultrice est le même : assurer à sa famille (époux et enfants) « quelque chose à manger ». Cette continuité est ce qui ressort des entretiens que nous avons eu avec nos informatrices. Bien entendu, nous ne nous arrêterons pas là. Ici, nous avons tout simplement planté le décor d'une étude qui se poursuivra en master 1 l'année prochaine.

1.2. Corpus photographique

Corpus est constitué des photographies pises au village Bolossoville et à Oyem (capitale). Elles présentent les différentes étapes des travaux champêtres du point de vue des femmes.

Photographie n°1 - Utilisation des outils modernes

Cliché de Ella Judith, au village Bolossoville, avril 2006

Au premier, on peut apercevoir une forêt composée d'une diversité d'arbre qui longe le champ. Au second plan, nous avons des arbres à moitié séchés qui se dressent dans le champ, d'autres par contres sont longés sur le sol. On peut voir la cendre qui est couvre une partie du sol. A côté, il y a une femme qui se tient débout vêtue d'une robe, d'un pantalon, d'un foulard et des chaussures, tenant à la main un râteau utilisé pour nettoyer la plantation. Devant elle, il y a une machette accrochée à un tronc d'arbuste.

Photographie n°2 - Mise en terre de grains d'arachide

Cliché de Ella Judith, au village Bolossoville, avril 2006

Au premier plan nous apercevons une forêt dense avec une diversité d'arbres amassés les uns contre les autres, avec un feuillage verdâtre. Au second plan, on aperçoit des arbres de grandes tailles aux feuillages séchés et des arbres dressés les uns à côté des autres. Il y a également d'autres arbres qui ont été abattus. Sur le sol, on peut voir de la cendre, des troncs d'arbres calcinés. On peut surtout voir des jeunes filles qui s'adonnent à l'activité du moment : la mise en terre des grains d'arachide. Ces jeunes filles sont vêtues de robes longues et courtes pour certaines, avec des foulards, d'autres n'en portent pas. Elles portent des chaussures, chacune tient à la main un ébak, genre de houe à courte manche, servant à labourer la terre. Les unes adoptent une position droite et les autres sont plutôt courbés. Photographie n°3 - Mise en terre d'une igname

Cliché de Ella Judith, au village Bolossoville, avril 2006

A premier plan, on a un forêt qui présente un feuillage humide, au second plan des arbres des feuilles séchés et des troncs dressés débout et éparpillés dans le champ. Devant, il y a une femme vêtue d'un pantalon et d'une longue manche portant un collier et sa tête couvert d'un chapeau. A côté, il y a récipient en métal. Elle met en terre une igname.

Photographie n°4 - Mise en terre d'un rejet de bananier

Cliché de Ella Judith, au village Bolossoville, avril 2006

Au premier plan, on peut voir des arbres au feuillage abondant. Au second plan, on remarque des arbres à moitié et entassés sur un partie du sol. Une femme accroupit portant un foulard, un pull-over, une robe, un pantalon et des chaussures. En face d'elle, un rejet de bananier est enfoui, à moitié sous la terre. A côté d'elle, est posé à même un panier. On peut également voir un tas de cendre avec du bois calciné. C'est à cet endroit que sont plantés les légumes.

Photographie n°5 - Transport de boutures de manioc

Cliché de Ella Judith, à Oyem, avril 2006

Au premier plan, on remarque une forêt parsemée d'une multiplicité d'arbres, à côté il y a des arbres abattus couchés à même le sol. Au second, on voit deux femmes qui marchent portant des vêtements qui couvrent leur corps, exceptées les mains et les faces. Elles portent sur le dos des paniers remplis de boutures de manioc. Sur les boutures que porte la première femme est un sac de riz vide contenant des semences de légumes et des provisions. A coté de cette denier, de trouvent deux chiens suivant qui déplacent aux pas des femmes. Le long de la piste est couvert d'une forêt non encore exploitée.

Photographie n°6 - Collecte des feuilles de manioc dans un champ pluricultural

Cliché de Ella Judith, au village Bolossoville, avril 2006

Au premier plan, on remarque une pluralité d'arbres de tailles différentes, certains portant de feuilles, d'autres ayant leur feuillage. Au second plan, on peut apercevoir une femme débout dans son champ entrain de cueillir les feuilles de manioc. Dans ce champ, on peut également apercevoir des bananiers, des légumes, du maïs. Cette femme porte un foulard sur sa tête, un robe avec un pull-over longue par-dessus, un pantalon ; juste à côté d'elle il y a panier couché à même le sol qui servira à transporter les produits collectés. On peut aussi voir des adventices aux pieds des plantes.

La pluriculture est un trait caractéristique des techniques culturales traditionnelles.

Dans ce champ au premier plan nous avons des boutures d'ananas enfuies sous terre également des rejets de banane et du follong. Au second plan nous avons le maïs, des bananerais, du manioc qui ont atteint une hauteur moyenne. Certains maïs commencent déjà a montrer leur barbe, nous aussi les restes de bois séchés qui représentent une forêt vierge non exploitée.

Immédiatement après la récolte des arachides comme nous le constatons dans ce champ, chaque afup owono évolue en un champ polycultural, formé des cultures mises en terre au même moment que l'arachide et d'autres ajoutées par la suite,il est appelé kunu. Le terme « champ vivrier polycultural correspond aux champs de féculents (plantain, ananas, manioc, ignames, taro...). Il y a chaque année autant de kunu crées une saison plus tard que de champs d'arachides récoltés. La mise en terre des boutures de manioc, des dragons de plantain et plus rarement les semis du maïs marquent la fin de la saison des arachides.

Les aliments de base, la ration amylacée sont produits dans le kunu deux fois par an. La notion de vieillesse caractérise le kunu car ce n'est plus un jeune champ, contrairement au champ d'arachides, ce champ vivrier polycultural se caractérise par des cultures qui approchent de la maturité comme le macabo, la patate douce, les différentes variétés d'aubergines, les tomates, les oignons, les ignames, le maïs, les plantes ichtyotoxines... Après le bouturage du plantain et du manioc, toutes ces cultures évoluent ensemble pendant quelques années, en générale entre trois et cinq ans. Les premiers à entrer en production sont les légumes ou brèves : tomates, piments, amarantes, gombos, oignons, et le maïs. Puis suivent les tubercules (patates douces) et le manioc (mbong) qui dominent en quantité pendant deux à trois ans au maximum. Le plantain est préférentiellement planté dans les parties les plus ombragées du champ.

Photographie n°7 - Technique de portage

Cliché de Ella Judith, à Oyem, avril 2006

Au premier plan se trouvent des arbres aux feuilles vertes. Au second, une femme débout portant un foulard, un haut longe manche, un pantalon et des chaussures. Elle porte sur son dos un panier remplit de manioc. A la main droite, elle tient une machette, et à l'autre main, tient un morceau de bois. Empreinte la piste qui mène au village.

Photographie 8 - Les mutations : Les hommes deviennent des agriculteurs

Dans ce champ, au premier plan nous voyons un homme debout dans son champ pluricultural habillé avec les vêtements qui couvrent son corps de la tête au pied. Au second plan prolongement de son champ présentant une diversité de culture à une hauteur suffisamment élevée (maïs, canne à sucre, manioc, bananerais). A l'arrière plan c'est une forêt vierge avec des arbres très élevés. Ici les hommes seuls font leurs champs sans l'intervention de la femme. Généralement ils cultivent le plantain dans le champ de courges afin d'obtenir un champ de bananiers après la récolte. Dans ce cas précis, la production est principalement destinée à la vente. Ces hommes nourrissent leur famille grâce à leurs revenus. Ils court-circuitent la phase des cultures entièrement par les femmes (semis, désherbage, récolte, des arachides et du vivrier autre que le plantain), pour obtenir un champ enrichi principalement en culture de rente (plantain, fruitiers, bananes douces, macabo et quelques fois ananas). L'argent issu de la vente des cultures de rente leur permet de participer aux frais du ménage auprès duquel ils vivent et d'épargner.

Photographie 9 - La monoculture, trait du « capitalisme » fait son entrée dans les moeurs. Les villageois recherchent de plus en plus de l'argent pour satisfaire leurs besoins.

Dans ce champ nous remarquons au premier plan du maïs à une hauteur très élevé

DEUXIEME PARTIE

Les activités féminines dans la forêtChapitre 3. L'inventaire des activités et la recension

Les peuples actuels de l'Afrique bantu, leurs visions, leur représentation et leurs explications du monde, leurs cultures et leurs langues paraissent être aujourd'hui l'aboutissement d'une longue histoire, façonnée par leurs relation avec les éléments physiques et les ressources naturelles dont ces peuples tiraient tout ce dont ils avaient pour vivre.

Section 1 : L'agriculture

1.1. Organisation de l'espace agricole

Les Ntumu, l'une des branches de l'ensemble de l'ethnoculture fang, se sont installées au nord du Gabon où ils constituent sûrement le groupe ethnique le plus homogène. Par la rigueur de leur organisation sociale, ils sont parvenus, sinon a s'imposer à une nature hostile, du moins à s'y adapter et en tirer des ressources suffisantes à leur survie. L'activité agricole ntumu, sans doute fondée sur la cueillette à l'origine, s'est transformée en une agriculture tournée essentiellement vers l'autoconsommation, puis depuis l'ère coloniale, elle inclut une production marchande par l'adoption des cultures de rente à savoir le cacao. L'introduction dans le milieu traditionnel de ses nouvelles spéculations, loin de bouleverser fondamentalement et de manière négative les structures préexistantes ont été parfaitement intégrées au monde traditionnel qui n'a opéré que de légers rajustements.

A la stratégie paysanne plusieurs fois séculaire de l'occupation des sols, s'est ajoutée celle à caractère socio-économique des objectifs agricoles fixés l'une et l'autre conjuguées aux facteurs naturels et humains, ont engendré dans le terroir une triple originalité : originalité dans la propriété foncière, originalité dans la répartition des taches agricoles et enfin originalité dans l'expression spatiale des structures agraires. Partout, il s'agit d'une agriculture semi-itinérante complétée, en général, par des jardins de case agroforestiers. Le défrichage n'est pas toujours accompagné de brûlis. Chaque année, une famille défriche entre 0,18 et 3 ha de forêt, pour y créer une ou deux plantations vivrières par an, en même temps que l'on abandonne les parcelles cultivées deux ou trois ans auparavant, laissées en friche. Chez les Fang (Sud Cameroun, Nord Gabon), une femme cultive annuellement 0,52 ha pour nourrir sa famille (Carrière 2003). Dans les ménages polygynes, les co-épouses exploitent des terrains mitoyens, les terres de ces familles étant plus vastes que celles des familles monogames.

1.2. Calendrier agricole de la femme ntumu

Il est fort bien rempli, la femme ntumu du Woleu-Ntem restant chargée toute l'année par diverses opérations champêtre dont elle assure la conduite. S'agissant des travaux de désherbage de déforestage sur les champs vivriers et du débroussage sur les plantations, une mise au point s'impose, il n'en demeure pas moins vrai que certaines femmes ne bénéficient pas de ces avantages, il s'agit surtout des divorcées, veuves ou célibataires qui prennent elles mêmes en charge la direction de ces opérations. Les femmes interviennent également à plusieurs niveaux de la production commerciale dans le s travaux de nettoyage dans les corvées d'eau pour la lutte phytosanitaire, dans le ramassage dans l'écabossage et enfin dans le postage des produits des plantation jusqu'au village.

Tableau : La Dynamique des relations des femmes ntumu à la forêt

Activités

Hommes

Femmes

Choix du site

+

+

Débroussaillage

+

0

Abattage

+

0

Brûlis

+

+

Nettoyage

0

+

Plantation

+

+

Entretien de la plantation

+

+

Récolte des produits

+

+

Transport des produits

+

+

Source : Construction personnelle

Ce tableau montre que l'on passe d'une société dans laquelle ces rapports économiques sont organisés selon les deux sexes, l'exécution des travaux étaient destinés aux hommes alors qu'aux femmes il revenait les travaux qui, théoriquement, sont faciles à une sociétés indifférenciée. Ce d'autant plus que l'introduction de la monnaie et l'affaiblissement des interdits toute difference à outrance. De nos jours, pour les ntumu la répartition des tâches n'est plus pertinente. La femme ntumu peut, du fait de l'argent issu des ventes des produits, s'investir plainement, et par la même marquée son « indépendance ». Nous avons affaire de plus en plus à des femmes et des hommes qui ne sont plus différenciés sur la base du genre, mais sur celle des « revenus ». On peut certainement pas préjuger avec certitude ce que seraient les sociétés dites traditionnelles, mais on peut postuler que les femmes ntumu pourraient à terme rejoindre le cadre de leurs consoeurs urbaines. Il est vrai que les pesanteurs de la société font d'elle encore la principale productrice mais en ce qui concerne les produits commerciaux ou qui rapporteraient de l'argent.

1.3. Les cultures de rente : la femme ntumu dans la plantation cacaoyère

Comme les activités annexes constituées de la pêche, de l'élevage, de la cueillette et du ramassage des fruits et enfin de la préparation des produits destinés à la vente, la cacaoculture est un travail d'appoint que les femmes ntumu font exclusivement dans le but d'aider leur mari. Etant donné l'intensité des activités agricoles dans le vivrier, la femme ntumu n'a pas un calendrier chargé dans la cacaoculture. En effet, la première intervention de la femme dans les plantations cacaoyères se situe au moins de février et moins en mars et avril pour les travaux d'entretien. Sa part de travail à ce niveau est très insignifiante et les femmes qui le font réellement sont peu nombreuses. Ici, les femmes ntumu font le ramassage des cabosses qui sont coupées par les hommes.

Ces cabosses sont mises ensuite dans des paniers ou des hottes. De là, elles procèdent à la mise en tas qui suit tout de suite le ramassage le jour même de la récolte. Cette mise en tas se fait à un endroit précis aménagé dans le champ même ou en marge de celui-ci. Après l'opération de mise en tas, les femmes ntumu associées aux enfants procèdent à l'écabossage qui consiste d'abord à casser la cabosse à l'aide d'un bâton ou d'un « dos » de machette, ceci pour ne pas blesser les fèves très délicates, ensuite à l'extraction à la main des graines qui sont mises progressivement dans les paniers et transportées par les femmes ntumu au lieu de fermentation. Pendant les journées de récolte, quelques jours à l'avance afin de faire des provisions de nourritures, elles confectionnent des mets qui se conservent quelques jours comme les bâtons de manioc. On observe fréquemment quelque cultures vivrières (plantain macobo bananes douces et fruitiers divers) aux abords des campements dans les cacaoyères, afin aux femmes de faire un détour par les champs pour y prélever le repas. Pendant la récolte du cacao, un deuxième village s'établit dans des bassines et certains y passent la nuit dans une cabane prévue à cet effet afin de veiller sur les cabosses. A cette période, no voit augmenter la quantité de produits secondaires (feuilles et écorces médicinales, fruits sauvages, escargots achatines, champignons...) prélever dans les cacaoyères, tout comme le nombre de visites des membres de la famille. Après la récolte et la fermentation qui se déroulent dans la plantation, les planteurs font sécher les fèves au village sur des claies de séchage qu'il faut entretenir et remettre en état chaque année.

Introduites et développées pendant la période coloniale, les cultures de rente sont désormais quasi-générales : rares sont les villages qui n'ont aucune parcelle qui leur soit consacrée. Selon les régions et la pluviométrie, le café et le cacao sont les principales cultures.

Toutefois ces activités subissent le contre-coût des variations mondiales des cours des matières premières, en plus des incertitudes politiques et économiques de ces pays. Ainsi certains pays tentent-ils de monopoliser l'achat des récoltes dans les villages, fréquemment mal rémunéré aux paysans; par ailleurs l'état de dégradation des routes empêche souvent l'évacuation des récoltes. Aussi n'est-il pas rare que les paysans ne puissent pas vendre chaque année leurs produits, perdant ainsi une de leur seule source d'apport monétaire.

Tableau sur les outils de travail de la femme ntumu

Noms en français

Noms en fang ntumu

Sarcleur

Ebakh

Machette

Fa

Panier

Nkuengn

lime

Nyos

Comme les autres formes d'agriculture traditionnelle, celle du Woleu-Ntem ne modifie pas la structure du sol. L'absence d'attelage et autre matériel à caractère moderne ne doit pas surprendre. La femme ntumu utilise une gamme d'outils très simples dans les travaux champêtres, qui servent principalement à désherber la plantation, à déterrer les tubercules ignames, à fouiller les arachides, à couper, à sarcler.

Section 2 : La pêche [melok]

Dans le Woleu-Ntem, la pêche féminine se pratique en forêt surtout en saison sèche dans les rivières les mares et les marigots .la pêche dans le fleuve est quelque peu réservée aux hommes. Bien que la pêche ne mobilise pas plus de temps que les autres activités de subsistances, les femmes ntumu se disent avant tout des pêcheurs expérimentés. C'est une activité traditionnellement valorisée dans le Woleu-Ntem comme peuvent en témoigner nombre de techniques, règles, interdits et symbole qui s'y rattachent. Grâce à la proximité du fleuve,après les travaux des champs, chacun peut vaquer à ses activités de pêche, les femmes ntumu comme les jeunes et les parties de pêche s'organisent individuellement ou collectivement. Les techniques de pêche sont extrêmement variées et adaptées à des lieux et à des périodes bien précises. Elles s'adresse à des individus particuliers, et se pratiquent sur l'ensemble du territoire forestier villageois. Les femmes ntumu tirent le meilleur parti de la ressource halieutique en développant une connaissance fine des matériaux issus du milieu et du comportement des différentes espèces de poisson, et en portant une attention particulière aux variations du débit des eaux. La pêche, destinée le plus souvent à la consommation familiale, se pratique quasiment toute l'année.

1.1. La pêche individuelle

La pêche individuelle c'est celle ou la femme va pêcher seule pour quelques heures. Elle peut aller avec d'autres femmes pour ce type de pêche, mais la technique n'est pas de nature collective. Elle a comme outil un filet de pêche  tane, une machette  fa  et un récipient servant à mettre le poisson capturé appelé  nkun .ce récipient s'attache à la ceinture avec une liane. Grâce à ses petits trous il évacue l'eau et n'y laisse que des poissons capturés. La technique de ce genre de pêche consiste à faire avancer le filet dans l'eau et à soulever assez souvent pour récolter le poisson qui s'y est pris. Signalons que cette forme de pêche ne permet que la capture de très modeste qualité

1.2. La pêche collective

La pêche occupe une place de choix dans les rapports de la femme ntumu à la forêt. Fréquemment, en saison sèche, les femmes pratiquent collectivement la pêche à l'écope dans les petits ruisseaux de forêt. La pêche collective au poison est par ailleurs très répandue. Souvent aussi, des nasses sont utilisées. Les femmes ntumu qui se procurent surtout du poisson auprès de pêcheurs de la région pratiquent aussi la pêche au filet avec pirogue. Cette technique est également utilisée par les Kwele du Sud Cameroun.

Les femmes vont en groupe après avoir apprêté leur outils : petits filets (tane), paniers, (mikuegn) machettes (mefa) récipient pour vider l'eau ou ékana. Lorsqu'elles arrivent à la rivière préalablement choisie, elles font une grande digue qui entraîne l'assèchement partiel de la partie avale. Ensuite, elles descendent le long de cette rivière pour y choisir les parties réputées poissonneuses. Elles se diviseront ainsi en petits groupes en vue de vider l'eau qu'elles verseront toujours du côté de l'aval. Cette technique se fait grâce à l'ékana ou récipient en bois conçu pour cet usage.

C'est au moment ou cette partie barrée en amont et en aval commence à se vider de son eau que les femmes capturent le poisson qu'elles se partageront avant leur retour au village, le plus souvent à la nuit tombante. Cette activité est très pénible car les femmes restent courbées pratiquement pendant toute la durée de la partie de pêche. Ici les femmes peuvent obtenir une grande quantité de poisson selon les cours d'eau.

Cependant, lorsqu'elles veulent en avoir au point d'en faire des provisions, elles vont chercher des rivières très éloignées du village et très poissonneuses où elles s'installeront pendant deux ou trois semaines voire un mois en pratiquant cette pêche collective qui prend cette fois le nom de mvane melok.

Le comportement est différent ici. En effet, au campement, les règles qui régulent le comportement au village ne sont plus guère respectées. Parties de pêche obéissent à la logique du campement : prendre le maximum de poisson en utilisant des techniques reprouvées au village. Ces pratiques sont tolérées parce qu'ici les visites sont plutôt rare. La ressource peut donc se reconstituer. Cette pratique se fait surtout pendant la saison sèche après que les travaux champêtres, activité principale de cette période, aient été sérieusement entamés.

Cette technique collective peut interpeller soit toute la famille, soit la famille et les alliées. Le plus souvent la présence des hommes est nécessaire pour protéger les femmes contre les fauves. L'homme s'adonnera pour s'occuper aux activités liées à la chasse ou à la recherche des fruits ou d'autres produits de la forêt. La nuit venue, il ne dormira. Il veillera à la sécurité des femmes et des enfants parce qu'il faut signaler que ce déplacement en masse dans la forêt se fait le plus souvent avec les enfants des deux genres. Il y a derrière cette activité, un souci de pédagogie de la forêt.

La pêche à la nivrée

Les femmes ntumu comme les autres populations de l'Afrique centrale bantues utilisent les poisons de pêche. La pêche à la nivrée est une technique de pêche collective, ancienne, essentiellement féminine et pratiquée pendant la saison sèche. Elle consiste en l'aménagement d'une retenue d'eau plus ou moins grande, hermétiquement fermée en amont par un barrage puis vidée à l'écope dans laquelle des plantes aux propriétés ichtytoxiques sont déposées. Le poison ainsi empoisonné remonte à la surface où les femmes ntumu le capturent soit à l'aide de filets, soit à l'aide d'une machette ou encore à la main dans les trous d'eau et les recoins de la berge. Ce type de pêche, assez rare de nos jours, est considéré comme très efficace.

Barrages et écopes

Ces techniques donnent lieu à une pêche collective, diurne et féminine, à laquelle participent des adultes et des jeunes femmes ntumu entre deux activités agricoles. Elles consistent à créer à proximité ou dans le terroir agricole (pour limiter les déplacements) une retenue d'eau (50m² environ). Grâce à la mise en place d'un barrage principal en amont, l'eau s'écoule, faisant baisser le niveau. Les barrages secondaires sont construits en aval puis, grâce à l'écope (pièce de bois incurvée), l'eau est vidangée hors de la retenue. Le poisson pris au piège est ramassé à la machette pour les plus gros.

Nasses

Les femmes ntumu utilisent la pêche à la nasse. Le premier consiste à cumuler les effets des barrages placés en travers du cours d'eau et des nasses fermées (tane). Il se pratique en eau claire et vive mais de faible profondeur (saison sèche). C'est une technique nocturne essentiellement féminine, individuelle ou en binôme, voire en trinôme. Les nasses en rotin, placées sous l'eau, sont orientées ouverture vers l'aval (en forme de cône inversé). Le barrage (miock) a pour fonction ralentir le débit de l'eau mais également de concentrer les voies de passage possibles vers l'ouverture des nasses. Grâce à cette technique, les femmes ntumu capturent les poissons remontant le courant pour rejoindre les zones de frai.

Tableau sur les outils de pêche des femmes ntumu

Noms en français

Noms en fang ntumu

Corbeille

Nkun

nasse que l'on trempe dans la rivière

Aya

Nasse

Tane

Cuvette en bois

Ekana

Source : Construction personnelle

Les outils utilisés par les femmes ntumu à la pêche servent à vider l'eau, à mettre le poisson, capturer, à filtrer les eaux.

Section 3. Le ramassage et la collecte

Les femmes du département de la province du Woleu-Ntem, comme partout au Gabon, font entrer dans leur alimentation outre les produits de leur agriculture, ceux de la cueillette, du ramassage et de la collecte qui en constituent une part importante. Elles bénéficient du droit du premier occupant de manière définitive le défrichement du lieu de récolte lors de sa découverte et par la suite à chaque saison productive marque cette appropriation.

1.1 Le ramassage

L'activité de ramassage est une activité féminine. Elle se fait soit en groupe soit individuellement et peut nécessiter le déplacement de plusieurs personnes et même la mise en place de campement. Contrairement au ramassage qui se passe également en saison sèche, cependant la première revient à l'adzap ou arbre à beurre (Baillone toxis perma) et au ndok (Iringia gabonensis). Du premier, les femmes ntumu savent extraient une matière grasse servant à la cuisine et qui s'appelle mbôn adzap ou huile de medzap. Du second, elles font une pâte sèche, qui durcie en prenant la forme du récipient dans lequel on l'a versée, c'est le chocolat indigène dont les sauces sont beaucoup appréciées localement et font également l'objet d'une activité dite extrativiste saisonnière à production très variable.

Les fructifications étant massives et les zones à manguiers éloignées du village, les femmes se regroupent en unités résidentielles nda bot ou en familles élargies pour partir à la collecte souvent pendant plusieurs jours. La femme et à travers elle la famille propriétaire du manguier se chargera du partage àkaban et bénéficière de la part la plus important.

1.2. La collecte

Malgré les apparences, les collectes quotidiennes et saisonnières de partie végétaux (écorces, fruits, feuilles, bois, etc.) et d'insectes ou champignon sont omniprésents et représentent une part qualitative non négligeable de la ration alimentaire. La collecte améliore sensiblement la qualité de la vie en fournissant des matériaux d'appoint pour la chasse (appeaux) et le piégeage ( liane et tendeurs) des matériaux de cuisine, de construction et de vannerie, des plantes médicinales et ichtyotoxiques, des gommes pyrogènes et des pions pour le jeu ( songo) La collecte quotidienne concerne essentiellement le bois de chauffage et les feuilles destinées à confectionner les bâtons de manioc une grande part de la collecte concerne les parties végétaux (feuilles, racines, écorces, fruits, ou graines.) utilisées dans la pharmacopée traditionnelle, les escargots, les champignons et les larves de coléoptères parasites de palmier sont également prélevés dans la forêt et consommés plus ou mois tout au long de l'année. Les fruits forestiers « sauvages » saisonniers sont souvent consommés par les enfants : raisin pahouin, tricoscypha abut (Anacardiaceae), safoutier sauvage, Dacryodes edulis (Anacardiaceae). Ils sont parfois cueillis puis vendus par les femmes ntumu comme la noisette d'Afrique, coula edulis (olacaceae). Plusieurs graines protéagineuses sont à la base de sauces très appréciés localement et font également l'objet d'une activité dite extractiviste (et donc de rente) saisonnière à production très variable : mangue sauvage, irvingia gabonensis (irvingiaceae), noix, panda oleosa (Pandaceae) et Ricinodendron heudelotii (Euphobiaceae).

Elle comprend la cueillette des végétaux, le ramassage d'invertébré et la collecte du miel. Les végétaux les plus couramment collectés sont les noix d'oléagineux et de nombreux champignons, principalement les champignons de termitières. Cette cueillette se pratique par groupes de 2 à 6 femmes. Le ramassage d'invertébrés, essentiellement les chenilles, est effectué par groupes de 2 ou 3 couples, parfois même en famille, avec bivouac.

Les femmes Ntumu distinguent le ramassage à terre, la cueillette à la main, la cueillette au couteau, l'extraction du sol. Les femmes ntumu connaissent des centaines de plantes et leur cycle de reproduction. Dans le domaine des fruits, par exemple, leur connaissance est impressionnante : ainsi des centaines de fruits sont distinguées, pour lesquelles, tout, depuis l'écosytème.

Tableau - sur les produits de la collecte et du ramassage
chez les femmes ntumu

Noms scientifiques

Noms ntumu

Famille

Coula edulis baillon

Ewème

Olacaceae

Irvingia gabonensis

Ndock

Irvingiaceae

Pseudospondias microcarpa

Ofwass

Annacardiaceae

Tricoscypha abut Engl.

Amvut

Annacardiaceae

Baillonella toxisperma Pierre

Adzap

Sapotaceae

Gambeya africana

Abam

Sapotaceae

Ricinodendron heudelotü

Ezang

Euphorbiaceae

Section 4. La cueillette

La technique de cueillette est également utilisée par les femmes ntumu. Celle-ci, comme les autres techniques d'accès à la ressource, se pratique soit individuellement, soit de manière collective. Les produits de cueillette ne peuvent être considérés comme secondaire, même s'ils complètent les produits issus de champs. La cueillette de certains fait l'objet des expéditions en forêt.

La cueillette occupe une place importante dans les rapports de la femme ntumu à la forêt. Mais il nous faut signaler que les femmes ne grimpent guère aux arbres, cette activité leur est interdite. Il arrive de temps en temps que la femme s'adonne à cette activité éminemment masculine. La cueillette concerne une multitude d'activités qui va des fruits au miel. Celle qui intéresse la femme est celle relative aux fruits de tous genres.

Il existe plusieurs espèces dont nous ne parlerons que des plus utilisés. C'est pendant l'esep, la petite saison sèche et l'oyon, la grande saison sèche que la plupart des fruits mûrissent. Ainsi, les femmes accompagnées souvent des enfants vont cueillir les fruits de tom (Dacryodes macrophylla), de l'ofos (érable d'Afrique Poga oléosa), d'asas (Dacryodes edulis) qui est la forme sauvage du safoutier, etc. La cueillette est soumise a des règles d'appropriation individuelle, ele djam (transmise matrilinéaire ment aux épouses des fils). Les arbres produits inclus dans le terroir villageois font l'objet d'une exploitation de type extractive (cueillette destinée à la vente) préférentiellement au bénéfice des femmes. Le caractère prioritaire qui peut exister sur cette maîtrise « exclusive » correspond à l'impossibilité pratique de contrôler l'accès aux arbres éloignés du village (Karsenty et Marie 1997).

Ainsi la récolte et les revenus monétaires procurés par les fruits sauvages appartiennent aux femmes. Elles bénéficient du droit du premier occupant de manière définitive. Le défrichement du lieu de récolte lors de sa découverte et la suite à chaque saison productive marque cette appropriation. Les fructifications étant massives et les zones à manguiers éloignés du village, les femmes ntumu se groupent en unités résidentielles (nda bot) ou famille élargies pour partir à la cueillette souvent pendant plusieurs jours. La femme ntumu et à travers elle la famille propriétaire du manguier se chargera du partage (akaban) et bénéficiera de la part la plus importante. Cette situation recoupe partiellement des observations plus anciennes sur le droit foncier appliqué dans le terroir agricole chez les femmes ntumu du Woleu-Ntem. En effet, quelques études montrent que les terres de jachères étaient héritées de mère en fille (ou belle-fille) et donc de femmes à femmes (Nguema, 1970 ; 1985). Les autres fruits extraits de la forêt, comme la noisette d'Afrique (coula edulis) et la noix (panda oleosa), ne donnent pas lieu à un extractivisme comme la mangue sauvage mais font l'objet des mêmes modes de gestion que celle-ci.

Tableau sur les produits de la cueillette chez les ntumu

Noms scientifiques

Noms ntumu

Dacryodes macrophylla

Atom

Macaranga sp.Thouars

Assas

Tricoscypha arborca

Engong

Pour évaluer l'efficacité de l'agriculture, il faut donc au moins esquisser les autres composantes du système général de production. Il est parfois difficile de séparer culture et cueillette. Le cas de l'arboriculture est frappant. On plantait les noix d'élais mais ce palmier poussait aussi de façon subspontanée notamment près des villages et sur les anciennes jachères. Là où les conditions physiques étaient très favorables, de vastes palmeraies « naturelles » se créaient. Elles n'étaient pas vraiment naturelles puisque les gens débroussaillaient autour des jeunes palmiers et plantaient parfois.

On plantait rarement le safoutier (Pachylobus edulis G.) pratiquement jamais L'Irvingia Gabonensis, qui fournissait pourtant des matières grasses fort appréciées (le chocolat odika du Gabon), ni le canarium schweinfurthü, dont les fruits étaient appréciés. Par contre on plantait le colatier (variétés acuminata et Ballayi surtout). On a mentionné le cas des plantes subspontanées de jachère dont les feuilles servaient de légumes et qui apportaient des compléments minéraux souvent cruciaux. Ajoutons à la cueillette encore celle des termites (deux fois l'an), des champignons (parfois pendant le long du mois et des chenilles (différentes espèces à différentes dates, et protection des arbres à chenilles). Enfin, les femmes ntumu mentionnent la pratique de ne prévoir une récolte agricole que pour dix mois par an. Pendant deux mois, on se nourrissait de fruits venant en maturité à la même époque. Un peu partout dans le Woleu ntem, on partait pendant un mois en saison des eaux basses pour pêcher et récolter à partir des camps temporaires.

Tableau - Utilisation des principales essences

Noms scientifiques

Noms ntumu

Partie prélevée

Utilisation

Tricoscypha abut

 Mvut 

Fruit, écorce

alimentation, médecine

Rauwolfia macrophylla

 Esombo 

écorce, sève, fruit

médecine

Spathodea campanulat

 Evovon 

Fleurs

ornement, médecine

Ceiba pentandra

 Dum 

Bois

bois de chauffe

Canarium schweinfurthii

 Otou 

Fruit, graine, sève

alimentation, résine, pyrogène

Funtumia elastica

ndama afan

feuilles, résine

résine, sève

Dacryodes edulis

Asa

Fruit

alimentation

Terminalia supreba

Akom

feuilles, bois

chenille, bois de chauffe

Ricinodendron heudelotii

Ezang

Graine

sauce

Macaranga sp

Assas

Bois

bois de chauffe

Irvingia gabonensis

andok afan

Fruit, graine

alimentation, sauce

Desbordesia glaucescens

Alep

écorce, feuilles

médecine

Anthocleista schweinfurthii

Elolom

feuilles, fruit

médecine

Tetrapleura tetraptera

Akpwaa

Fruit, graine

alimentation, sauce

Penthaclethra

Abe

Fruit

sauce

Albizza adianthfolia

Sayema

Feuilles, écorce, fruit

Médecine

Myrianthus arboreus

Engokom

Fruit, couronne

alimentation

Musanga cecropioides

Asseng

Fruit, bois

alimentation, bois de chauffe

Chlorophora excelsa

Abang

feuilles, écorce, bois

médecine, habits

Ficus sp.

 

Fruits, sève, écorce, couronne

alimentation, médecine, habits

Pycnanthus angolensis

Eteng

Fruit, couronne

médecine

Pterocarpus soyauxii

Mbee

écorce, feuilles, bois

médecine, bois de chauffe

Zanthoxylum macrophyllum

olon

écorce, fruit, feuilles

médecine, poison de pêche

Eribroma oblongum

Ndjong

couronne, écorce, fruit, bois

médecine, bois de chauffe

Triplochiton scleroxylon

Ayos

feuilles, bois

chenilles, bois de chauffe

Une raison très souvent évoquée par les femmes ntumu pour expliquer la présence d'une espèce arborée dans un champ est son utilité extra-agricole dans le système de production (Carriere 2002). Ces arbres procurent une multitude de produits forestiers ligeux et non ligneux. En effet, ils fournissent des fruits, sons ornementaux ou encore certaines de leurs organes sont employées dans la préparation des médicaments traditionnels. Les graines de ces arbres peuvent parfois servir de base à la préparation de sauces très appréciées dans la cuisine locale de la femme ntumu comme cela est le cas pour la mangue sauvage. D'autres espèces fourniront au moment opportun des matériaux de construction, mortiers, pilons, des systèmes de piégeage, les articles de pêche. Le latex et la résine de quelques essences sont utilisés comme combustibles pour l'éclairage, comme savon ou détergent ou encore comme substance ichtyotoxiques pour les parties de pêche collective.

Certaines espèces sont appréciées pour l'attraction qu'elles exercent sur les animaux comestibles tels que les chenilles, les singes ou les oiseaux (Carriere 2002). Les « arbres orphelins » représentent également une réserve de bois de chauffe. Tous les arbres ne sont pas nécessairement utilisés pendant le cycle de culture en cours, mais ils représentent un potentiel de ressources utilisables dans le futur pour faire face à des besoins inattendus. La gestion de l'agrosystème passe donc par une attention très grande de ce capital vivant. La foret contribue en cela aux stratégies de subsistance elles-mêmes encrées au sein des cosmogonies locales «  qui préconisent » une utilisation rationnelle et modérée des ressources sauvages (Bahuchet 1997).

Le calendrier des activités de la femme ntumu

Déc.

Janv.

Févr.

Mars

Avril

Mai

Juin

Juillet

Août

Sept

Oct

Nove

Petite saison sèche

Pte saison des pluies

Grande saison sèche

Gde saison des pluies

Activités agricoles (essartage, brûlis, semis)

 
 

Activités agricoles (essartage, brûlis, semis)

 

Culture de rente (récolte, entretien cacao)

 
 
 
 

Piège

 
 
 
 

Pèche

 
 
 
 

Récolte de l'aliment de base (manioc, plantain) toute l'année

En forêt tropicale humide, l'environnement naturel est riche en ressources. Les possibilités d'exploitation du milieu sont multiples et variables au gré des contraintes inhérentes au milieu naturel et des objectifs de chaque agricultrice. Traditionnellement, les modes d'exploitation des ressources animales et végétales se limitent souvent à des méthodes extensives. En plus de l'agriculture itinérante sur brûlis, les femmes ntumu recourent à toute une gamme d'activités de subsistance. L'agriculture de subsistance (banane, manioc, patate douce, ignames, macabo...) produit la part principale de l'apport glucidique (hydrates de carbones) du régime alimentaire des agricultrices forestières. En revanche, la part qualitative (protéines, lipides, glucides, vitamines et sels minéraux) de l'alimentation provient d'activités saisonnières de prédation. Des activités de pêche, de cueillette, de collecte... se superposent dans l'espace et dans le temps pour compléter les activités agricoles.

La cueillette, la pêche, la collecte, la médecine, sont omniprésentes dans le calendrier de la femme ntumu, mais chaque ressource est prélevée selon le calendrier saisonnier spécifique. En effet, les essences forestières fructifient à différentes périodes. Par exemple le manguier sauvage, andok (irvingia gabonensis, irvingiaceae) produit des fruits pendant la petite saison sèche. Les techniques et les espèces prélevées varient au fil des saisons et des sites.Ainsi, la pêche au barrage ou au poison ne se pratique que pendant une période d'étiage la plus prononcée au cours des saisons sèches. Dans chaque cas, les activités s'interpénètrent au sein des différents espaces du terroir villageois et, de ce fait optimisent bon nombre de déplacements. La pêche, le piégeage, et la cueillette sont des activités quotidiennes auxquelles chacune s'ordonne tout au long de l'année en fonction des opportunités saisonnières. De nombreuses techniques entrent à la fois dans les sphères de la prédation et de l'agriculture. Ainsi, les piéges barrières servent à la capture du petit gibier.

Section 4 : La vannerie

La femme ntumu a le monopole de la fabrication des produits de la vannerie qui étaient utilisés pour les travaux champêtres, récoltes, voyage... Ces objets sont aussi utilisés lors des grandes cérémonies d'initiation.

Section 6 : La médecine

La forêt du Woleu-Ntem est riche en biodiversité végétale compte tenu de la diversité d'habitats existant dans cette province. Les femmes ntumu extraient à partir de nombreuses plantes, une gamme de produits nécessaires pour leurs survie : médicaments, aliments bois divers. Mais la forêt ntumu qui renferment un grand nombre d'espèces fruitières constitue de véritables vergers naturels composés d'arbres à usages multiples. Chaque espèce a son utilité spécifique. Les plantes contribuent bien aux soins de santé primaires dans un pays où les problèmes réels de santé se posent avec acuité.

Les femmes ntumu en plus de l'activité agricole, qui est l'activité dominante, pratiquent la médecine traditionnelle en utilisant les éléments de la faune et de la flore, et même le minéral. En effet pour la femme ntumu , soigner, prendre soin de, apparaît alors comme le premier art celui qui précède tous les autres arts et qui a permis à chaque société à la lumière d'une lecture symbolique de l'univers et de la nature d'instaurer au fil du temps, en vue d'assurer la survie du groupe et de l'espèce, des savoirs, des savoirs être, des savoirs faire,des façons de dire et des façons de voir qui sont à l'origine des habitudes de vie de chaque groupement humain c'est dans ce sens que Marie Françoise Collière souligne que « les soins se situent au carrefour de ce qui fait vivre ce qui permet de vivre et de ce qui fait obstacle à la vie... de ce qui l'entrave et la menace ; à la charnière de la vie et de la mort, affermissant l'une, faisant reculer l'autre, cheminant avec l'une jusqu'à s'éteindre avec l'autre ».*

D'innombrables plantes médicinales, bien connues de nos ancêtres pour leur leurs vertus qui font courir les occidentaux dans les tropicales, sont utilisées pour soigner des maladies variées. Le savoir médicinal de la femme ntumu se transmettait à des personnes prédisposées. La transmission se faisait par filiation, par voie initiatique, par habitude ou par délégation. Au départ, les plantes médicinales étaient utilisées pour aider uniquement les membres de la famille, du clan, ou du village, à faire à certaines affections. Les différents organes étaient prélevés sur les arbres de façon rationnelle. La connaissance des plantes nécessite un certain nombre de données. L'écologie de la plante, la ou les maladies soignées,les parties utilisées (racines,tiges,feuilles,fruits,graines,sève,ou latex etc.) ; les procédés d'extraction : décoction, macération, infusion, broyage, pilage, bain de vapeur, centre, etc. les voies d'assimilation : voie orale, lavement, inhalation, massage, friction au corps, scarification,etc. Dans les pratiques traditionnelles de la femme ntumu la détentrice du savoir ne prélevait que ce qui était nécessaire pour constituer son breuvage ; une écorce pouvait suffire comme ingrédient. Toutes les précautions étaient prises pour que l'arbre ne subisse aucun dommage : on prenait soin, par exemple, de mettre un peu de terre pour aider l'écorce à se régénérer.

La transmission du savoir en matière de médecine se faisait toujours en étroite harmonie avec l'environnement, aucun organe du végétal ne pouvait être prélevé sans rituel préalable. Cette façon de faire contribuait à la gestion de l'écosystème, car dans un village, il n'y avait pas mille et une tradipraticienne ; on comptait sur les doigts de la main. La femme ntumu peut aussi, après avoir jugé des aptitudes de ses enfants, choisir celui qui est apte à recevoir les recettes pour soigner certaines affections ; les recettes se transmettent aussi de bouche à oreille : si une personne a des problèmes une tierce peut lui apprendre une vraie recette de grand-mère qui souvent arrive à remédier au mal, surtout pour les maladies courantes comme le rhume, la toux, le mal de tête etc.

Tableau - Connaissances écologiques de la femme ntumu

Nom de la maladie

Nom fang

Nom scientifique

Partie utilisée

Préparation

Administration

Douleurs menstruelles

Atom

Dacryodes macrophylla

écorce

bouillie

Boire

Les problèmes rhinites

Eteng

Pycnanthus angolensis

écorce

décoction

Boire

Infection pulmonaire du nouveau-né

Eteng

Pycnanthus angolensis

écorce

décoction

Boire

Infections

Ebeng

Cordia plathithyrsa

écorce

décoction

Boire

Maux de dents, autres infections de la bouche

Okwa

Lophira alata

écorce

décoction

Boire

Douleurs mentruelles

Tom

Pachypodanthium barteri

Ecorce + pierre taillée

Décoction

Boire

dysenterie

Akom

Terminalia superba

écorce

décoction

Boire

Traitement des vers

Dum

Ceiba pentandra

feuilles

décoction

Boire

cicatrisan

Eteng

Pycnanthus angolensis

sève

 

pose

Source : Construction personnelle

La culture de la femme ntumu est diversifiée. En forêt, l'environnement naturel est riche en ressources. Les possibilités d'exploitation du milieu sont multiples et variables au gré des contraintes inhérentes au milieu naturel et des objectifs de chaque femme.

En effet, l'histoire des civilisations nous enseigne qu'un des premiers besoins ressentis par nos ancêtres était la nécessité d'assurer leur survie, le but de la vie étant , de se prolonger, de se reproduire, et de reculer l'échéance de la mort c'est-à-dire qu'il existait déjà des soins avant toute maladie. Ceux-ci étaient mélés à l'expression même de la vie avec laquelle les femmes ntumu se confondaient, car il fallait prendre soin de la vie, de l'enfantement à la mort, en participant au mystère de la vie qui se cherche.

Ces objectifs sont à l'origine des besoins de survie à satisfaire, ces besoins de survie à satisfaire, ces besoins donnant eux-mêmes naissance à des formes d'organisation en réponse aux besoins de santé qui se sont progressivement développés avec la lutte contre les maladies.

Mais pour satisfaire ses besoins vitaux, la femme ntumu a commencé par s'interroger et interroger la nature en lien avec l'univers dans lequel il était inséré et, par tâtonnement, essais et erreurs, cette intérrogation lui a permis de déccouvrir ce qui est bon pour entretenir la vie et ce qui peut lui être nuisible. C'est la prise de conscience du bien et du mal, à partir de laquelle se sont élaborés les habitudes de vie et les croyances qui sont devenues plus tard les coutumes, les traditions, les lois etc.

Tout s'est donc organisé à partir d'une lecture symbolique de l'univers en cherchant à comprendre les forces poteuses de mort donc de maladie. Cette necessaire relation  « femme-nature » a amené chaque femme ntumu à doter chaque facette de l'univers d'attributs qui sont porteurs de significations symboliques, participant à la désignation du sacré, c'est-à-dire ce qui donne un sens au monde et impose à la nature et aux relations humaines une transformation par rapport à son sens originel dans les représentations sociales et les mythes qui restent intimement liés à l'écosystème de chaque groupe ntumu.

Chapitre4. La forêt source de connaissance

Section 1. Le contexte culturel des activités

1.1.

De nombreux aspects assurent de multiples fonctions qui concourent au maintient de l'équilibre social. Ils perpétuent les valeurs culturels du groupe et transmettent des enseignements portants non seulement sur la langue, la morale sociale en vigueur, les pratiques sociales, les coutumes, les croyances mais aussi sur le milieu naturel dans lequel évoluent les individus. Les connaissances très fines des femmes ntumu ne se limitent pas aux relations entre processus écologiques et production agricole.

Nées et accumulées par la tradition et l'expérience quotidienne, ces connaissances empiriques sont spécifiques à la forêt, elles sont souvent relatives aux caractéristiques des espèces et aux relations qu'elles entretiennent avec le milieu biotique et physique. La société ntumu dépendant pour sa survie de la chasse de la pêche de la cueillette et la médecine était régie par le respect d'un ensemble de règles coutumières. L'écrit n'étant pas un support de communication pour les femmes ntumu, un ensemble d'us et coutumes acquis par les anciennes était admis, pratiqué et transmis aux jeunes filles. Depuis des millénaires la femme ntumu puise dans les ressources de sa forêt pour satisfaire le premier de ses besoins : se nourrir. Les habitudes alimentaires sont les mêmes dans tout le Woleu-Ntem, les femmes ntumu exploitent quotidiennement la diversité des espèces. Elle ne cherche pas transformer profondément et définitivement la forêt, elle préfère la modifier en douceur, par touches successives, tout en lui conservant ses caractéristiques essentielles de biomasse, de diversité génétique, de structure verticale et horizontale.

Même quand on abat et brûle des arbres, elle ne fait qu'un accroc dont elle sait qu'il se cicatrisera. Il ne substitue pas son ordre à celui des choses naturelles, sa fille fera de même, et sa petite fille après elle. Ainsi de génération en génération, s'édifie un système de production qui imite autant que possible la forêt. C'est fort de ces considérations que les femmes ntumu ont agi en exploitant rationnellement leur forêt. La recherche du bois de chauffage par exemple se limitait essentiellement au bois mort ; la collecte de fruits se limitait au ramassage ; l'exploitation des plantes médicinales se limitait à la récolte des écorces, des racines, de feuilles. Les arbres étaient recouverts de terre sur les parties blessées après extraction des écorces ; pour les cultures sur brûlis, pendant les opérations de défrichement, de nombreux arbres fruitiers ne sont pas abattus, ils sont plutôt préservés.

1.2. L'influence des méthodes modernes sur les pratiques traditionnelles

Le passage d'une société traditionnelle à une société moderne qui se traduit par l'acceptation de nouvelles règles qui obéissent aux lois de l'économie de marché et non plus à celles de l'économie de subsistance. Pour répondre à l'appât du gain, les activités traditionnelles deviennent des activités commerciales. Pour ces raisons, les femmes ntumu considèrent que les activités de subsistance sont en voie de disparition dans le Woleu-Ntem. D'après notre étude, la chute du cours de cacao aurait poussé la majorité des femmes ntumu à se reporter à l'exploitation de la forêt comme première source de revenu.

Les connaissances et les compétences développées par les populations traditionnelles au cours des milliers d'années d'adaptation et de manipulation de leur terre, de leur flore et de leur faune, constituent une ressource inestimable. C'est un fait. Mais aujourd'hui, il y a un problème. Les campagnes se meurent, et avec elles, les savants illettrés pendant qu'on dilapide le trésor naturel. Les faits sont là : le fossé entre la ville et la campagne se creuse davantage ; mais le monde ne se trompe pas. Pour sauter haut, il faut d'abord mieux s'enraciner. C'est pourquoi, nous reconnaissons tous aujourd'hui que la connaissance des stratégies et des pratiques locales d'utilisation des ressources naturelles peut contribuer à l'élaboration des politiques de conservation ainsi qu'au développement de nos pays.

Section 2. La symbolique

2.1. Relation de la femme à son milieu

Si la relation avec la forêt nous apprend à connaître l'environnement et définit les rapports de la femme avec son milieu naturel, elle apparaît aussi comme un outil de gestion de l'environnement. Nombreux récits parlent du respect de la femme à la forêt .C'est le cas du mythe fang de l'evus (maux, sorcellerie). On serait tenté de comprendre ici que cette abondance est une conséquence du respect de l'interdit qui vise la préservation de la forêt de toutes actions socioculturelles de la femme ntumu. Certains contes conduisent les femmes qui pratiquent par exemple à certaines périodes de l'année (saison sèche) et qui assurent à travers leurs différentes activités des fonctions nourricières, à préserver les ressources du milieu naturel pour le bien être de leurs progénitures et de toutes la société. Le respect des règles de gestion des écosystèmes apparaît également dans l'histoire de la forestière qui extermine la forêt à préserver la faune.

2.2. Le respect des interdits

Dans le domaine des interdits qui touche la femme ntumu, les clans que les groupes ethniques. La littérature orale qui est le mode transmission de la connaissance chez les femmes ntumu explique et justifie l'origine de l'interdit au moyen d'un récit. Cette méthode consiste à faire comprendre l'interdit afin d'amener les femmes à y adhérer et à y conformer aux respects des interdits. Cela fonde des rapports de solidarité qui entraîne un lien affectif qui garantit de fait le respect des interdits de la forêt.

Il existe également toute une symbolique à travers les outils que la femme utilise en forêt. La hache, symbole de la force et du pouvoir judiciaire. La symbolique rituelle de la hache est associée à la force d'action et du savoir pour trancher un conflit. Lors du mariage, le mari doit offrir au lignage de sa femme une hache, par laquelle il s'assure de la fécondité de son foyer. Pour punir son mari, une femme qui se sent négligée, se dénude devant sa hache pour la maudire. D'après la conviction populaire, le mari se blessera au travail avec cette hache envoûtée. Avant de couper l'arbre à sorciers, la hache doit passer par une préparation spéciale chez le chef du village.

La houe, outil principal du travail agricole, symbolise la femme. La houe est considérée comme un neuve représente une femme en pleine force, une houe très usée est appelée « grand-mère ». Dans le rituel de transmission de l'outil de labourage, c'est avant tout la grand-mère qui donne la houe à sa petite-fille, lui donnant en même temps le courage et l'efficacité du travail. La mère également peut assurer ce rituel de transmission de l'outil à sa fille, lui donnant la chance et la force dans le travail agricole. Lors du mariage, le lignage maternel offre une houe à la mariée avec tous les voeux pour un bon rendement dans les travaux de champs.

Une série de rites sert à bénir la houe : laver la houe, y frotter les ingrédients d'une statue, y appliquer de la terre du cimetière, de la cendre du foyer ou y cracher. Certaines cultivatrices déposent la houe pour une nuit chez le chef du village, chez un chargé de culte, sur le fumier ou sous le lit. Elles y versent du vin de palme, font toucher la joue par les jumeaux ou par le benjamin de la famille considéré comme quelqu'un qui possède la chance. Tous ces gestes servent à rendre la houe efficace pour le labourage.

Augmenter le rendement du champ à d'une houe usée. Enterrer une houe usée (qui a déjà servi à des récoltes abondantes) dans son champ permettrait d'augmenter le rendement du champ. Il est interdit de toucher la houe d'une cultivatrice ou de la jeter par terre. Une femme qui désire accoucher d'une fille, met sous le lit conjugal une houe, symbole de la femme. Une houe envoûtée par une rivale jalouse doit être purifiée avant l'usage, sinon son travail ne donnerait aucun résultat valable.

On connaît une épreuve de vérité, au cours de laquelle la femme accusée doit enjamber une houe pour prouver son innocence. A la mort d'une femme, la cadette pleure son aînée en portant une houe et en montrant comment elle labourait de son vivant. Pour empêcher la décomposition du corps d'une femme morte, on place parfois sur son ventre une houe, l'outil qui déracine les mauvaises herbes. Avant l'enterrement d'une grand-mère, sa petite-fille peut s'asseoir sur son cercueil en demandant la houe et la chance de cette cultivatrice célèbre.

La corbeille, symbole de la femme. La symbolique de la corbeille s'associe à l'idée d'une femme féconde. Lors du mariage, la belle-mère offre à son beau-fils une corbeille de pâte de manioc en disant « Ma fille ressemble à cette corbeille ». Les corbeilles utilisées pour pêcher sont parfois fustigées avec un fouet d'herbes vertes, afin d'en expulser la malchance. On les fait toucher par des jumeaux ou par le de la famille, pour leur donner la chance d'une pêche heureuse. Il en est de même pour les corbeilles de cueillette.

Section 3. La fabrication de la femme chez les Ntumu

3.1. La transmission du pouvoir

La femme ntumu est détentrice d'un savoir qu'elle transmet de génération en génération. La transmission du savoir en matière des activités se faisait toujours en étroite harmonie avec la forêt. Les jeunes filles sont initiées à la forêt dès le bas âge (6 à 10 ans). Les femmes ntumu sont pilliers de la société ntumu, elles sont responsables des activités agricoles, de la collecte des fruits sauvages et de certaines techniques de pêche sans pour autant négliger leur rôle de mère. La forêt obéissant à une répartition, des regroupements claniques subdivisés en lignage possèdent à l'intérieur de chaque village un territoire agricole sur lequel ils étendent leurs droits.Les limites lignagées ou entre deux villages se reconnaissant par des repères souvent naturels que chaque paysan accepte. Les jeunes filles ont le droit de maîtriser ces espaces. Ces enseignements donnés aux jeunes filles assurent de multiples fonctions qui concourent au maintien de l'équilibre social.

Les femmes ntumu perpétuent les valeurs culturelles du groupe et transmettent des enseignements portant non seulement sur la langue,la morale sociale en vigueur, les pratiques sociales, les coutumes,les croyances mais aussi le milieu naturel dans lequel évoluent ces jeunes filles. Elles sont assujetties aux exercices (chants, contes, proverbes). Par la littérature orale l'enfant apprend à connaître l'environnement et définit les rapports de la femme ntumu avec son milieu naturel, elle apparaît également comme un outil de gestion de l'environnement. La forêt est présentée pour la jeune fille comme lieu d'abondance. Cette abondance entraîne le respect des interdits qui vise la préservation de toutes actions socioculturelles de la femme ntumu. Cette méthode consiste à faire comprendre l'origine des interdits afin d'amener les individus à y adhérer et à s'y conformer.

3.2. Le pouvoir de la parole

La littérature orale sert ainsi d'arguments en fondant le respect des interdits. Il y a un lien affectif qui garantit de fait le respect de l'interdit portant sur la forêt. Toutes les voies de transmission de savoir sur les activités de la femme ntumu exigent une certaine forme de filiation. En effet, comme pour tous autres savoirs, il faut être « l'enfant » ou pour prétendre recevoir un quelconque savoir ; tout simplement parce que les anciennes ne peuvent pas léguer leur savoir au commun des mortels qui ne fait pas partie de la famille. Les jeunes filles, à force de vivre autour des femmes ntumu, et de voir utiliser telle plante pour telle affection, finissent par s'y référer dès qu'elles se trouvent dans une situation similaire, et le geste, facile à accomplir, suit ;

Troisième partie:

L'évolution du rapport féminin à la forêt

Chapitre 5. Les activités transformées et les activités abandonnées

Les sociétés, les cultures et les langues se sont influencées au cours d'une histoire longue et compliquée dont on connaît relativement peu de choses. Les cultures en rapport étroit avec les valeurs sociales, ont évolué tout comme les sociétés, sous l'influence d'un dynamisme interne qui modèle sans cesse les rapports du passé, en les transformant, en les adaptant et en les complétant. Les valeurs quant à elles sont les résultantes complexes et évoluées de l'histoire et du milieu écologique, économique, social et psychologique.

Section 1. Les causes du changement

Il n'est plus à rappeler que chaque jour toute société humaine connaît des évolutions tant sur le plan social, économique, technologie, etc. Que ce soit d'une manière lente, brusque ou imperceptible.

Avec la colonisation, cet instrument important pour le processus vers la modernité, beaucoup de choses vont changer. Le capitalisme apporte la scolarisation et le travail salarié qui va permettre une certaine autonomie à la femme. Aujourd'hui, on parle d'émancipation de la femme, chose toujours mal perçue par les hommes. En effet, une femme peut se retrouver Ministre, chef de service, etc. En fait, les femmes occupent maintenant des postes de responsabilité.

La mise en valeur du système colonial, au delà de l'introduction de la monnaie scripturale et fiduciaire a énormément influencé l'organisation des activités forestières. Avec la modernité de nos sociétés, la société traditionnelle est intégrée dans une forme d'échange. Les produits consacrés à la consommation directe sont désormais l'objet d'un échange monétaire qui vise le profit et sont vendus sur le marché de l'offre et de la demande. L'introduction de la monnaie a permis d'étendre le marché et d'amplifier la consommation. On part donc de la consommation domestique à la consommation de masse. Une telle mutation nécessite de nouveaux modes de consommation et de production.

Les modifications qui s'exercent dans la société ntumu à un rythme croissant depuis plus d'un siècle (notamment avec l'introduction du cacao et du café), ont bouleversé les rapports entre les populations et leur milieu, ralentissant sur les sociétés et leurs cultures. Sous l'influence des circonstances, des groupes vivants de la cueillette, ont pu devenir cultivateurs ou pasteurs. D'autres éleveurs de gros bétail, ont pu adopter des activités agricoles ou se livrer à la cueillette. Il n'y a pas d'immobilisme, mais bien une suite ininterrompue de changements en fonction des circonstances historiques notamment et de l'évolution du milieu biologique. Mais dans le passé, ces changements étaient lents, on assiste à l'heure actuelle à des bouleversements brutaux, nous amenant à considérer dans l'analyse des rapports écosystèmes/cultures, non seulement le facteur temps mais encore la vitesse et l'intensité de ces changements.

Face à l'occidentalisation, leur système social subit actuellement des changements importants, qui se répercutent sur leurs rapports à la nature. Ainsi, pêche et chasse sont parfois pratiquées pour la vente à Maripasoula, où les Aluku, ne chassant plus guère eux-mêmes, sont très demandeurs de tels produits. De même la pêche à la nivrée -- une technique traditionnelle et collective utilisant des poisons végétaux qui asphyxient les poissons et facilitent leur prise à l'épuisette ou à la flèche-harpon -- est souvent pratiquée à des fins commerciales, provoquant un grand gâchis : elle n'engage souvent que deux ou trois adultes, seules les grosses prises étant ramassées. Couplés à la sédentarisation des villages, ces changements provoquent une surexploitation du milieu naturel, dont les effets commencent à se faire sentir. Ainsi Amérindiens et Aluku estiment qu'il faut aller plus loin pour chasser, que la pêche est moins fructueuse, et que les terres fertiles pour pratiquer l'agriculture sont moins accessibles [ 6]. Il faut donc de plus en plus d'essence pour alimenter les pirogues à moteur afin de pratiquer ces activités, qui sont à la base de l'économie domestique des Amérindiens. Ceux-ci dépendent alors de manière croissante de ressources monétaires.

Cependant, malgré ces problèmes d'accès aux ressources, les habitants du futur Parc ne ressentent absolument pas la nécessité d'une protection environnementale : « La forêt est immense, et il suffit d'aller un peu plus loin pour la retrouver intacte. » La plupart des habitants ont donc beaucoup de mal à comprendre les enjeux écologiques du Parc national. Si certains en espèrent des retombées positives, particulièrement en termes de créations d'emplois -- une soixantaine de postes sont attendus --, beaucoup craignent que les réglementations n'entravent leur libre circulation et leur accès aux ressources : chasse, pêche, abattis -- ces parcelles de forêt abattues, brûlées, cultivées puis mises en jachère -- mais aussi orpaillage, selon les locuteurs. La perception par les habitants de la création d'un Parc est donc ambivalente et empreinte de scepticisme.

Quant aux collectivités locales, elles la perçoivent comme une réappropriation du territoire par l'État, une sorte de retour au statut du territoire de l'Inini, en vigueur de 1930 à 1969, qui plaçait l'intérieur, donc la majorité du territoire de la Guyane, sous l'autorité directe du gouverneur, au nom du développement économique. Elles ont exigé la rétrocession des terres de l'État vers les collectivités comme préalable à la mise en place du Parc ; de plus, elles souhaitent un parc multipolaire qui serait réparti sur l'ensemble du territoire. L'actuel projet est donc loin de faire l'unanimité en Guyane, et a été refusé en octobre 2005 par le Congrès des élus régionaux et départementaux.

Section 2. L'observation

2.1. La nouvelle division du travail

Les bouleversements sociaux que la colonisation va entraîner auront un impact important sur la division du travail. Ici, la spécialisation du travail se retrouve un tout petit peu altérée. Les femmes peuvent désormais faire des centaines d'activités qui, autrefois étaient réservées uniquement aux hommes. Certaines femmes sont d'ailleurs en mesure d'employer d'autres femmes et /ou hommes dans des tâches rémunérées. Désormais, les hommes peuvent planter.

Sur le plan agricole, l'on peut passé d'une agriculture de traite à celle de plantation en passant par l'agriculture paysanne. Dans l'agriculture de trait, on vend (le cultivateur) ses produits contre ceux des industries. Ici on retrouve des cultivateurs et cultivatrices. Dans l'agriculture paysanne on vend une partie des produits agricoles sur le marché. A cet effet, nous avons le cas du café, du cacao, etc. Dans ce cas, on parle de complémentarité des tâches entre les hommes et les femmes et non de spécialisation des tâches selon une division sexuée.

Sur le plan artisanal, nous remarquons la disparition de la vannerie, la poterie et du travail des produits occidentaux. L'exemple du raphia est très parlant à cet effet. Il est remplacé en effet par les vêtements venus d'occident. De même les vases en argile ont disparu pour faire place aux marmites en aluminium ou aux cocottes.

Ici, la dynamique est synonyme de mouvement, de changement ou d'évolution, mais conçue comme un processus naturel. Il s'agit alors d'une évolution suivant un sens déterminé : c'est un progrès dont toutes les sociétés parcourent successivement les étapes. Le changement social est pensé comme un processus d'adaptation continu aux diverses contraintes technologiques ou comme un processus d'innovation contenue. Le changement est aussi un mécanisme sa cohésion morale et son unité profonde

Il est utile de dire en définitive que les sociétés traditionnelles ont connu beaucoup de mutation au cours de ces dernières années avec l'intervention de la monnaie. Ces sociétés qui avaient une économie de subsistance, connaissent aujourd'hui les échanges monétaires. La division du travail par genre n'existe pratiquement plus car on est dans la complémentarité des tâches. On assiste non pas à une spécialisation des tâches mais plutôt à une contribution mutuelle des deux sexes dans toutes les activités.

Chapitre 6. Contexte économique

Section1. Les constats

Dans la province du Woleu-Ntem, la femme ntumu contrôle presque exclusivement l'economie agricole. Cette situation apparaît nettement par l'éminence de son rôle dans les activités de la forêt. La femme ntumu est toujours attachée à la forêt, toute leur vie tourne autour de ce milieu.

Section2. Les raisons

2.1. Endogène

Pour des raisons d'ordre économiques, les femmes ntumu, dans leurs activités se préoccuppent de trois moments lors de la récolte de leurs produits (arachide, concombre, chocolat) à savoir la consommation, les échanges, la reserve.

D'abord, les femmes ntumu font leurs activités pour les besoins de consommation, elles doivent nourrire leur progéniture. La première préoccupation de la femme ntumu c'est d'avoir un grenier qui permet de subvenir au besoin de la famille des enfants et des parents éloignés.

Ensuite, ses activités ayant un calendrier cyclique font l'objet d'une resrve aux prochaines semailles pour l'année suivante. Ce qui permettra de reproduire à nouveau et de respecter l'adage qui dit « on ne sait jamais ». Il faut envisager tous les contours sachant que l'année suivante peut ne pas être fructueuse, dans ce cas, la reserve pourra compenser ce déficit. Enfin la femme ntumu n'exclue pas le grenier pour l'entraide, l'échange, qui permettrait de troquer entre alliées. Le produit échangé permettait aux femmes de varier les produits de leurs repas.

2.2 Exogènes

Le passage d'une société traditionnelle à une société moderne se traduit par l'acceptation des nouvelles règles qu'obéissent les lois de l'économie de marché et non plus à celles de l'économie de subsistance. Pour répondre à l'appât du gain, des activités de la femme ntumu deviennent des activités commerciales. Pour ces raisons, on remarque que les activités de subsistance sont en voie de disparition. D'après notre étude, la chute du cours de cacao aurait poussé la femme ntumu à se reporter sur l'agriculture comme première source de revenus. Parmi les femmes interrogées, l'agriculture demeure l'activité principale. Elles ajoutent que la majorité des femmes vendent des produits provenant de leurs activités. Ce phénomène est probalement plus grand dans les zones rurales qui ravitaillent la ville. D'autres considèrent que c'est la demande croissante émanant d'une urbanisation galopante qui a entrainé le développement des activités commerciales.

Avec la disparition progessive de l'apprentissage et de l'initiation des enfants, les activités ne sont le privilège des femmes ntumu. Elles sont ouvertes à quiconque pouvant les exercer peu importe ses qualifications dans le domaine et son rapport aux valeurs de gestion durable. Ces nouveaux adhérants (hommes) participent à l'introduction de nouvelles techniques (outils, méthodes etc) qui sont une complémentarité aux techniques utilisées par les activités de subsistance.

Droit foncier coutumier

Chez les essarteurs traditionnels, le droit foncier coutumier porte à la fois sur les terres de culture (y compris les jachères) et sur le terroir forestier. Partout, les vastes forêts de chaque unité clanique ou lignagère forment un tout aux limites définies par des cours d'eau ou des montagnes. En général, le droit sur la terre n'est qu'un droit d'usufruit tandis que l'attachement à la terre est de type symbolique, une priorité étant donnée aux descendants du premier défricheur. La terre appartient au lignage, et tous les membres de celui-ci ont les mêmes droit à l'utiliser et à la défricher, mais nul n'a le droit de la céder hors du lignage : qu'il s'agisse de la terre de culture ou des terres de parcours forestier, la terre est un bien collectif inaliénable et le droit d'exploitation est imprescriptible. Les lignages exercent un droit de propriété sur le territoire forestier de leur village. Les limites en sont clairement définies mais généralement maintenues par un simple respect mutuel.

A l'intérieur du lignage, c'est par la concertation, surveillée par le chef du village ou du hameau, que les parcelles sont allouées. Toutefois, dès qu'une parcelle est défrichée, le défricheur et ses descendants conservent une prééminence sur ce qui deviendra jachère, pour la défricher à nouveau une dizaine d'années après. On hérite des jachères de son père. Toutefois, quelques ethnies transmettent les jachères de mère en fille ou à défaut en belle-fille, donc de femme à femme. C'est le cas des Fang et des Ntumu (Cameroun, Gabon).

Fréquemment, une personne possède aussi des droits d'installation sur le terroir du lignage de sa mère, permettant ainsi un certain choix de mobilité. Partout, le village et ses terres (de culture et de chasse) s'inscrivent dans la terre des ancêtres : par delà les attaches économiques, existent les liens spirituels et affectifs. Cette territorialisation des terres concerne non seulement les usages agricoles, mais également les activités de prélèvement, chasse, pêche, collecte et matériaux.

La pratique de la chasse, ou la simple poursuite d'un gibier, sur l'aire forestière d'une autre communauté entraîne fréquemment des contestations. Chez la chasse et tous les problèmes qui y touchent occasionnent de fréquentes palabres entre les personnes qui possèdent des terres en commun. En cas de conflit, le propriétaire coutumier porte la dispute devant les autorités traditionnelles, tandis que le nouvel occupant remet plutôt la chose entre les mains de l'administration. Cependant, peu de litiges sont relevés entre anciens et nouveaux propriétaires car les territoires de chasse sont très vastes, ce qui permet d'éviter de chasser à proximité les uns des autres

La plupart des problèmes de propriété ne peuvent se résoudre que par référence aux généalogies et à la hiérarchie des droits (priorité des naissances). Lorsque les rapports généalogiques exacts entre deux groupes sont oubliés ou contestés, la seule solution est de se rendre autonome l'un par rapport à l'autre, en partageant les biens. Lorsqu'une unité clanique déménage à plusieurs reprises, elle restera néanmoins co-propriétaire des terres de son clan (tant que le souvenir persiste).

Actuellement, la dynamique des droits fonciers est influencée par la mobilité de certains groupes et l'insertion dans l'économie de marché avec, notamment, le payement de redevances locatives. La terre n'est plus seulement un moyen de subsistance mais aussi un moyen de rapport financier. Néanmoins, ceci ne porte que sur l'usufruit et non sur la terre en tant que telle.

Dynamique des rapports à la terre et à la forêt

Les cultures de rente

Ce régime s'est modifié à la suite de la moindre mobilité des familles, de l'augmentation démographique et surtout de l'adoption des cultures de rente c'est-à-dire d'une utilisation permanente des terres, sans jachère et sans itinérance, qui fixe les hommes pendant plusieurs générations. Celles-ci ont entraîné le renforcement du sens de la propriété, et orienté le droit foncier, en passant d'un droit né du travail à un droit sur le sol. Dans ces régions où les ethnies et les clans se mélangent de façon inextricable, le problème de l'accès aux terres pour les étrangers est très fréquent. Ces derniers sont tenus de demander une terre au chef de famille auprès duquel ils s'installent.

Celui-ci les autorise à défricher une parcelle pour les cultures vivrières (exploitation de courte durée, sans droit sur les jachères) mais il leur est interdit de planter caféiers ou cacaoyers. En dehors des personnes originaires d'un village particulier ayant le droit de cultiver les terres du lignage (sauf autorisation), on engage les autres paysans à exploiter le terroir de leur village d'origine. Ceci explique l'éloignement de certaines plantations et la création de campements de plantation isolés. Le regroupement et l'immobilisation des villages rend le régime foncier hétérogène, la tendance étant à l'individualisation et à l'apparition de terres d'appartenance familiale à l'intérieur de l'espace collectif clanique.

Conclusion

Au terme de notre recherche, la construction de notre objet nous a permis d'identifier clairement les différentes composantes du lien de la femme ntumu à la forêt. Notre objet d'étude cherche à poser plus précisément les bases théoriques d'une réflexion visant à comprendre les rapports de la femme ntumu à la forêt (agriculture, la pêche, la médecine, la cueillette, le ramassage). C'est en réalité l'objectif que nous poursuivons pour passer de l'ethnographie à l'ethnologie pour aboutir à l'anthropologie. L'anthropologie ayant pour ambition de comprendre l'unité de l'Homme à travers la diversité des moyens qu'il se donne pour objectiver un monde dont il n'est pas dissociable. Pour nous l'articulation principale est celle qui gère les rapports dialectiques entre l'Homme et la nature.

La problématique que nous avons développée dans ce mémoire s'est focalisée principalement autour de la question des rapports de la femme ntumu à la forêt. La gestion mesurée dont font les femmes dans la société traditionnelle ne fait nullement pas mention de l'existence d'une certaine cohabitation de plusieurs types d'attitudes dans un même espace pour en savoir un peu plus sur les comportements qu'elles afficheraient vis- à- vis de la nature, particulièrement de la forêt. Face à la richesse des travaux des différents auteurs, nous avons identifié une série de questions qui nous ont permis de circonscrire les aspects majeurs de notre travail à savoir, pourquoi la femme ntumu maintient toujours les rapports avec la forêt quand nous savons qu'aujourd'hui, les phénomènes externes comme le capitalisme, l'exode rural, les nouvelles technologies, les marchés ont pris une grande place dans nos sociétés ? Comment entretient-elle ses rapports avec la forêt, comment gère- t- elle la forêt de nos jours ?

La forêt est un « Internet » traditionnel où les femmes vont apprendre à échanger leurs savoir-faire. Chaque forêt correspond à un site où les femmes peuvent exploiter d'autres connaissances, une école d'apprentissage de mère à fille. La femme, contrairement à l'homme passe plus de temps dans la forêt. La forêt comme matrice de la vie des femmes ntumu, renvoie à l'idée que toute la vie des femmes, toutes les activités voire même toute leur existence n'a de sens que rattaché à ce milieu. La forêt a un fondement mystico spirituel qui lui confère le monopole de la culture vivrière.

Tous les milieux forestiers sont touchés par les mutations de notre ère. Cependant, bien que la « modernisation est une matrice qui fermente le processus de transgression sociale » les changements des modes de vie de nos sociétés n'empêchent pourtant pas à la femme ntumu de respecter la forêt. Ses prélèvements ne sont pas abusifs, ils sont proportionnels à ses besoins. Cette procédure d'exploitation qui associe la conservation est une stratégie de bon sens.

Nous rendons compte ici des théories des auteurs consultés, qui nous ont permis de juger la pertinence de nos travaux qui ont été confirmés par Claude Meillassoux (2003) Femmes, greniers et capitaux ; « fait avec promptitude une analyse en profondeur de la production et de la reproduction dans les sociétés agricoles d'autosubsistance ». Pierre Philippe Rey (1971) Colonialisme, néocolonialisme et transaction du capitalisme, montre le rapport de la femme au sol, le dynamisme qui s'opère, il montre les facteurs qui ont lancé un processus dans les rapports à l'environnement. Paul Claval (2003) Géographie culturelle :une nouvelle approche des sociétés et des milieux, analyse la construction de la société et du territoire et pense que la culture fournit aux hommes les moyens de s'orienter , de découper l'espace et d'exploiter les milieux. Il montre que les cultures fournies aux hommes les moyens de s'orienter, de découper l'espace et d'exploiter les milieux. Il montre que les cultures subissent dans leur apparente stabilité des profondes crises de restructuration.

Nous ne saurions prétendre affirmer que, ce que nous appliquons chez les femmes ntumu soit généralisable à toutes les sociétés traditionnelles, la femme occupe sur le plan social et économique une place déterminante. La femme rurale est en particulier d'un grand apport parce que sans développement rural, le développement national est impossible «le développement d'un pays passe par la Femme. Ces dernières constituant à la fois qualitativement et quantitativement une part importante de la population de nos pays ». La forêt se présente ainsi non seulement comme une source inépuisable, mais aussi comme une pépinière naturelle pour les activités de la femme.

Références bibliographiques

1. Sources orales

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ABAGHA NGUEMA Emmanuel, 65 ans, Bollosoville, Esabok, retraité. Les mutations des activités en forêt. Né en 1935, clan Esabok, village Bollosoville, retraité de la gendarmerie.

MBANG Delphine, 61 ans, Esabok, Bolossoville, agricultrice. Le lien de la femme à la forêt. Née en 1957, en mariage à Bolossoville, village d'origine Konoville.

NDOGO ELLA Philomène, née en 1950, clan nkodjè, retraitée, agricultrice. La forêt, une école de la vie. Née en 1950, clan Nkodjè, retraitée de la Poste et Communication.

MBA Ondo Jean de Dieu mars 2006. Né en 1953. Le rapport de la femme à la terre. Né en 1953, clan Osesègne, ressortissant du village Bissok.

NZANG, Madeleine mars 2006. Née en 1932. La forêt comme source de vie.

OBONE, Anastasie mars 2006. Née en 1941. L'importance des campements. Clan Nkodjè, retraitée de l'Ecole des Cadres Ruraux d'Oyem.

OBONE, Madeleine, mars 2006. Les tâches difficiles de la femme ntumu en forêt. Née vers 1930, clan Esabok, village Bolossoville.

2. Sources écrites

BALANDIER, Georges. 1955 - Sociologie actuelle de l'Afrique. Paris, PUF.

DESCOLA, Philippe 1986 - La nature domestique : symbolisme et praxis dans l'écologie Achuar. Paris, Maison des Sciences de l'Homme.

CARRIERE, Stéphanie. 2003 - Les orphelins de la forêt. Les pratiques paysannes et écologie forestière. (Les Ntumu du Sud Cameroun). Paris, éd. de l'IRD.

CLAVAL, Paul. 2003 - Géographie culturelle: une nouvelle approche des sociétés et des milieux. Paris, Armand Colin.

CORVOL, Andrée et al. (dir.) 1997 - La forêt:perceptions et représentations, Paris, L'Harmattan, 401 p.

FRETIGNE, Cédric. 2003 - Article : questions à l'anthropo-écologie

LEVI-STRAUSS, Claude 1962 - La pensée sauvage. Paris, Plon.

LUTO, 2004 - ``Les formes traditionnelles de gestion des écosystèmes'' in Revue Gabonaise des sciences de l'Homme, n°5, Libreville, PUG.

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MEILLASSOUX, Claude. 2003, Femmes, greniers et capitaux. Paris, l'Harmattan.

REY, Pierre-Philippe. 1971, Colonialisme, néocolonialisme et transition du capitalisme, Paris.

DESCOLA, Philippe. 1989 - La nature domestique. Paris, CNRS

MEILLASSOUX, Claude. 2003 - Femmes, greniers et capitaux. Paris, l'Harmattan

REY, Pierre-Philippe. 1973. - Capitalisme et néocapitalisme et transition au capitalisme. Paris, Maspero.

3. Sources photographiques

Photographie n°1 - Utilisation des outils modernes. Cliché de Ella Judith, au village Bolossoville, avril 2006

Photographie n°2 - Mise en terre de grains d'arachide. Cliché de Ella Judith, au village Bolossoville, avril 2006

Photographie n°3 - Mise en terre d'une igname. Cliché de Ella Judith, au village Bolossoville, avril 2006

Photographie n°4 - Mise en terre d'un rejet de bananier. Cliché de Ella Judith, au village Bolossoville, avril 2006

Photographie n°5 - Transport de boutures de manioc. Cliché de Ella Judith, à Oyem, avril 2006

Photographie n°6 - Collecte des feuilles de manioc dans un champ pluricultural Cliché Photographie n°7 - Technique de portage. Cliché de Ella Judith, à Oyem, avril 2006

* 1 Pierre Paillé et Alex Mucchielli. L'analyse qualitative ... Paris. Armand Colin.2003, p. 38

* 2 Claude Lévi-strauss, La pensée sauvage. Paris, Plon, 1962, p. 6

* 3 Philippe Descola, La nature domestique, p. 12.

* 4 Page 126 bis du rapport.

* 5 P.F.E.

* 6 Paulin Kialo. `'Les formes traditionnelles de gestion de l'écosystème du village de Moutouyeni (Ogooué-Lolo)'' in Revue gabonaise des sciences de l'Homme. Actes du séminaire les formes traditionnelles de gestion des écosystèmes au Gabon, Libreville, LUTO, Université Omar Bongo, n°5, juin 2004, p. 160.

* 7 Bernard Boullard. Petite encyclopédie de la forêt. Paris, Ellipses, 1992, 12.

* 8 Bernard Boullard. Petite encyclopédie de la forêt. Paris, Ellipses, 1992, p. 12

* 9 Marc, Augé, Jean.paul, Colleyn, .p. 19

* 10 Jean, Copans, L'enquête ethnologique de terrain, Paris, Nathan, coll. 128, 1998, p. 106.

* 11 Cité par François Laplantine in La description ethnographique, Paris, Nathan, 1996. p. 14

* 12 Raymond, Quivy et Luc van Campenhoudt, Manuel ... Paris, Dunod, 1995, p. 16

* 13 Raymond Quivy et Luc van Campenhoudt. Manuel ... Paris, Dunod, 1995, p. 16

* 14 Roland Pourtier (1989) le signale déjà.

* 15 Marc Augé et Jean Paul Colleyn. L'anthropologie. Paris, PUF, Coll. « Que sais-je ? », 2004, p. 19.

* 16 Cédric Frétigné, article. Questions à l'anthropo-écologique, vol. 05, n 1 dossier thématique, hiver 2003.

* 17 Catherine Clément. Claude Lévi-strauss. Paris, PUF, coll. « Que sais-je ?», 4e éd. 2003, p. 85

* 18 Claude Lévi-strauss. La pensée sauvage, Paris, Plon, 1962, p. 5

* 19 Philippe Descola. La nature domestique. Paris, MSH, 1986.

* 20 Voir Les Gouro de Côte d'Ivoire.

* 21 La grande saison sèche.

* 22 La petite saison sèche.

* 23 Les morceaux d'étoffe de couleur rouge, ou des bande cassette. Le but est faire fuir les oiseaux. Ce sont des espèces d'éventail.

* 24 Claude Lévi-strauss cité par Catherine Clément. Claude Lévi-Strauss. Paris, PUF, 2003, p. 91

* 25 Philippe Descola, La nature domestique. Paris, MSH, 1986, p. 380.

* 26 Né en 1935, clan Esabok, village Bollosoville, retraité de la gendarmerie.

* 27 Collecté par Ella Judith, le 30 mars 2006 à laide d'un magnétophone.

* 28 Née en 1957, clan éba'a en mariage à Bolossoville, village d'origine Konoville.

* 29 Collecté par Ella Judith, le 31 mars 2006 à l'aide d'un magnétophone.

* 30 C'est dans l'ekoro (faite dans la jachère) qu'il est planté plusieurs produits.

* 31 Née en 1950, clan Nkodjè, retraitée de la Poste et Communication.

* 32 Collecté par Ella Judith, le 31 mars 2006 à l'aide d'un magnétophone.

* 33 Né en 1953, clan Oseseigne, ressortissant du village Bissok.

* 34 Collecté par Ella Judith, le 31 mars 2006 à l'aide d'un magnétophone.

* 35 Il existe au sein du village Bolossoville, une coopérative agricole.

* 36 Les produits sont exposés en vue de leur vente. C'est véritablement un grand marché.

* 37 Née en 1932, du clan éba'a, en mariage à Bolossoville, village d'origine Konoville.

* 38 Collecté par Ella Judith, le 31 mars 2006 à l'aide d'un magnétophone.

* 39 Née en 1941, clan Nkodjè, retraitée de l'Ecole des Cadres Ruraux d'Oyem.

* 40 Collecté par Ella Judith, le 31 mars 2006 à l'aide d'un magnétophone.

* 41 Née en 1950, clan Esadumngo, femme en mariage à Bolossoville, retraitée de la société Electo Hall.

* 42 Collecté par Ella Judith, le 31 mars 2006 à l'aide d'un magnétophone.

* 43 Née vers 1930, clan Esabok, village Bolossoville.

* 44 Collecté par Ella Judith, le 31 mars 2006 à l'aide d'un magnétophone.

* 45 Rouissage.

* 46 Le terme exact en langue est ndanlé.

* 47 Dans des feuilles de marantacées.






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