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La dynamique des rapports de la femme ntumu à  la forêt : cas des femmes d'Oyem et de Bolossoville (Gabon)

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par Sylvie Judith ELLA
Université Omar Bongo - Maà®trise 2006
  

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Droit foncier coutumier

Chez les essarteurs traditionnels, le droit foncier coutumier porte à la fois sur les terres de culture (y compris les jachères) et sur le terroir forestier. Partout, les vastes forêts de chaque unité clanique ou lignagère forment un tout aux limites définies par des cours d'eau ou des montagnes. En général, le droit sur la terre n'est qu'un droit d'usufruit tandis que l'attachement à la terre est de type symbolique, une priorité étant donnée aux descendants du premier défricheur. La terre appartient au lignage, et tous les membres de celui-ci ont les mêmes droit à l'utiliser et à la défricher, mais nul n'a le droit de la céder hors du lignage : qu'il s'agisse de la terre de culture ou des terres de parcours forestier, la terre est un bien collectif inaliénable et le droit d'exploitation est imprescriptible. Les lignages exercent un droit de propriété sur le territoire forestier de leur village. Les limites en sont clairement définies mais généralement maintenues par un simple respect mutuel.

A l'intérieur du lignage, c'est par la concertation, surveillée par le chef du village ou du hameau, que les parcelles sont allouées. Toutefois, dès qu'une parcelle est défrichée, le défricheur et ses descendants conservent une prééminence sur ce qui deviendra jachère, pour la défricher à nouveau une dizaine d'années après. On hérite des jachères de son père. Toutefois, quelques ethnies transmettent les jachères de mère en fille ou à défaut en belle-fille, donc de femme à femme. C'est le cas des Fang et des Ntumu (Cameroun, Gabon).

Fréquemment, une personne possède aussi des droits d'installation sur le terroir du lignage de sa mère, permettant ainsi un certain choix de mobilité. Partout, le village et ses terres (de culture et de chasse) s'inscrivent dans la terre des ancêtres : par delà les attaches économiques, existent les liens spirituels et affectifs. Cette territorialisation des terres concerne non seulement les usages agricoles, mais également les activités de prélèvement, chasse, pêche, collecte et matériaux.

La pratique de la chasse, ou la simple poursuite d'un gibier, sur l'aire forestière d'une autre communauté entraîne fréquemment des contestations. Chez la chasse et tous les problèmes qui y touchent occasionnent de fréquentes palabres entre les personnes qui possèdent des terres en commun. En cas de conflit, le propriétaire coutumier porte la dispute devant les autorités traditionnelles, tandis que le nouvel occupant remet plutôt la chose entre les mains de l'administration. Cependant, peu de litiges sont relevés entre anciens et nouveaux propriétaires car les territoires de chasse sont très vastes, ce qui permet d'éviter de chasser à proximité les uns des autres

La plupart des problèmes de propriété ne peuvent se résoudre que par référence aux généalogies et à la hiérarchie des droits (priorité des naissances). Lorsque les rapports généalogiques exacts entre deux groupes sont oubliés ou contestés, la seule solution est de se rendre autonome l'un par rapport à l'autre, en partageant les biens. Lorsqu'une unité clanique déménage à plusieurs reprises, elle restera néanmoins co-propriétaire des terres de son clan (tant que le souvenir persiste).

Actuellement, la dynamique des droits fonciers est influencée par la mobilité de certains groupes et l'insertion dans l'économie de marché avec, notamment, le payement de redevances locatives. La terre n'est plus seulement un moyen de subsistance mais aussi un moyen de rapport financier. Néanmoins, ceci ne porte que sur l'usufruit et non sur la terre en tant que telle.

Dynamique des rapports à la terre et à la forêt

Les cultures de rente

Ce régime s'est modifié à la suite de la moindre mobilité des familles, de l'augmentation démographique et surtout de l'adoption des cultures de rente c'est-à-dire d'une utilisation permanente des terres, sans jachère et sans itinérance, qui fixe les hommes pendant plusieurs générations. Celles-ci ont entraîné le renforcement du sens de la propriété, et orienté le droit foncier, en passant d'un droit né du travail à un droit sur le sol. Dans ces régions où les ethnies et les clans se mélangent de façon inextricable, le problème de l'accès aux terres pour les étrangers est très fréquent. Ces derniers sont tenus de demander une terre au chef de famille auprès duquel ils s'installent.

Celui-ci les autorise à défricher une parcelle pour les cultures vivrières (exploitation de courte durée, sans droit sur les jachères) mais il leur est interdit de planter caféiers ou cacaoyers. En dehors des personnes originaires d'un village particulier ayant le droit de cultiver les terres du lignage (sauf autorisation), on engage les autres paysans à exploiter le terroir de leur village d'origine. Ceci explique l'éloignement de certaines plantations et la création de campements de plantation isolés. Le regroupement et l'immobilisation des villages rend le régime foncier hétérogène, la tendance étant à l'individualisation et à l'apparition de terres d'appartenance familiale à l'intérieur de l'espace collectif clanique.

Conclusion

Au terme de notre recherche, la construction de notre objet nous a permis d'identifier clairement les différentes composantes du lien de la femme ntumu à la forêt. Notre objet d'étude cherche à poser plus précisément les bases théoriques d'une réflexion visant à comprendre les rapports de la femme ntumu à la forêt (agriculture, la pêche, la médecine, la cueillette, le ramassage). C'est en réalité l'objectif que nous poursuivons pour passer de l'ethnographie à l'ethnologie pour aboutir à l'anthropologie. L'anthropologie ayant pour ambition de comprendre l'unité de l'Homme à travers la diversité des moyens qu'il se donne pour objectiver un monde dont il n'est pas dissociable. Pour nous l'articulation principale est celle qui gère les rapports dialectiques entre l'Homme et la nature.

La problématique que nous avons développée dans ce mémoire s'est focalisée principalement autour de la question des rapports de la femme ntumu à la forêt. La gestion mesurée dont font les femmes dans la société traditionnelle ne fait nullement pas mention de l'existence d'une certaine cohabitation de plusieurs types d'attitudes dans un même espace pour en savoir un peu plus sur les comportements qu'elles afficheraient vis- à- vis de la nature, particulièrement de la forêt. Face à la richesse des travaux des différents auteurs, nous avons identifié une série de questions qui nous ont permis de circonscrire les aspects majeurs de notre travail à savoir, pourquoi la femme ntumu maintient toujours les rapports avec la forêt quand nous savons qu'aujourd'hui, les phénomènes externes comme le capitalisme, l'exode rural, les nouvelles technologies, les marchés ont pris une grande place dans nos sociétés ? Comment entretient-elle ses rapports avec la forêt, comment gère- t- elle la forêt de nos jours ?

La forêt est un « Internet » traditionnel où les femmes vont apprendre à échanger leurs savoir-faire. Chaque forêt correspond à un site où les femmes peuvent exploiter d'autres connaissances, une école d'apprentissage de mère à fille. La femme, contrairement à l'homme passe plus de temps dans la forêt. La forêt comme matrice de la vie des femmes ntumu, renvoie à l'idée que toute la vie des femmes, toutes les activités voire même toute leur existence n'a de sens que rattaché à ce milieu. La forêt a un fondement mystico spirituel qui lui confère le monopole de la culture vivrière.

Tous les milieux forestiers sont touchés par les mutations de notre ère. Cependant, bien que la « modernisation est une matrice qui fermente le processus de transgression sociale » les changements des modes de vie de nos sociétés n'empêchent pourtant pas à la femme ntumu de respecter la forêt. Ses prélèvements ne sont pas abusifs, ils sont proportionnels à ses besoins. Cette procédure d'exploitation qui associe la conservation est une stratégie de bon sens.

Nous rendons compte ici des théories des auteurs consultés, qui nous ont permis de juger la pertinence de nos travaux qui ont été confirmés par Claude Meillassoux (2003) Femmes, greniers et capitaux ; « fait avec promptitude une analyse en profondeur de la production et de la reproduction dans les sociétés agricoles d'autosubsistance ». Pierre Philippe Rey (1971) Colonialisme, néocolonialisme et transaction du capitalisme, montre le rapport de la femme au sol, le dynamisme qui s'opère, il montre les facteurs qui ont lancé un processus dans les rapports à l'environnement. Paul Claval (2003) Géographie culturelle :une nouvelle approche des sociétés et des milieux, analyse la construction de la société et du territoire et pense que la culture fournit aux hommes les moyens de s'orienter , de découper l'espace et d'exploiter les milieux. Il montre que les cultures fournies aux hommes les moyens de s'orienter, de découper l'espace et d'exploiter les milieux. Il montre que les cultures subissent dans leur apparente stabilité des profondes crises de restructuration.

Nous ne saurions prétendre affirmer que, ce que nous appliquons chez les femmes ntumu soit généralisable à toutes les sociétés traditionnelles, la femme occupe sur le plan social et économique une place déterminante. La femme rurale est en particulier d'un grand apport parce que sans développement rural, le développement national est impossible «le développement d'un pays passe par la Femme. Ces dernières constituant à la fois qualitativement et quantitativement une part importante de la population de nos pays ». La forêt se présente ainsi non seulement comme une source inépuisable, mais aussi comme une pépinière naturelle pour les activités de la femme.

Références bibliographiques

1. Sources orales

ABAGHA, Micheline, mars 2006, née en 1950. Les interdits de la forêt.

ABAGHA NGUEMA Emmanuel, 65 ans, Bollosoville, Esabok, retraité. Les mutations des activités en forêt. Né en 1935, clan Esabok, village Bollosoville, retraité de la gendarmerie.

MBANG Delphine, 61 ans, Esabok, Bolossoville, agricultrice. Le lien de la femme à la forêt. Née en 1957, en mariage à Bolossoville, village d'origine Konoville.

NDOGO ELLA Philomène, née en 1950, clan nkodjè, retraitée, agricultrice. La forêt, une école de la vie. Née en 1950, clan Nkodjè, retraitée de la Poste et Communication.

MBA Ondo Jean de Dieu mars 2006. Né en 1953. Le rapport de la femme à la terre. Né en 1953, clan Osesègne, ressortissant du village Bissok.

NZANG, Madeleine mars 2006. Née en 1932. La forêt comme source de vie.

OBONE, Anastasie mars 2006. Née en 1941. L'importance des campements. Clan Nkodjè, retraitée de l'Ecole des Cadres Ruraux d'Oyem.

OBONE, Madeleine, mars 2006. Les tâches difficiles de la femme ntumu en forêt. Née vers 1930, clan Esabok, village Bolossoville.

2. Sources écrites

BALANDIER, Georges. 1955 - Sociologie actuelle de l'Afrique. Paris, PUF.

DESCOLA, Philippe 1986 - La nature domestique : symbolisme et praxis dans l'écologie Achuar. Paris, Maison des Sciences de l'Homme.

CARRIERE, Stéphanie. 2003 - Les orphelins de la forêt. Les pratiques paysannes et écologie forestière. (Les Ntumu du Sud Cameroun). Paris, éd. de l'IRD.

CLAVAL, Paul. 2003 - Géographie culturelle: une nouvelle approche des sociétés et des milieux. Paris, Armand Colin.

CORVOL, Andrée et al. (dir.) 1997 - La forêt:perceptions et représentations, Paris, L'Harmattan, 401 p.

FRETIGNE, Cédric. 2003 - Article : questions à l'anthropo-écologie

LEVI-STRAUSS, Claude 1962 - La pensée sauvage. Paris, Plon.

LUTO, 2004 - ``Les formes traditionnelles de gestion des écosystèmes'' in Revue Gabonaise des sciences de l'Homme, n°5, Libreville, PUG.

Projet Forêt et Environnement. 2000 - Etude de faisabilité des forêts communautaires au Gabon, Rapport final, LUTO, Université Omar Bongo.

MEILLASSOUX, Claude. 2003, Femmes, greniers et capitaux. Paris, l'Harmattan.

REY, Pierre-Philippe. 1971, Colonialisme, néocolonialisme et transition du capitalisme, Paris.

DESCOLA, Philippe. 1989 - La nature domestique. Paris, CNRS

MEILLASSOUX, Claude. 2003 - Femmes, greniers et capitaux. Paris, l'Harmattan

REY, Pierre-Philippe. 1973. - Capitalisme et néocapitalisme et transition au capitalisme. Paris, Maspero.

3. Sources photographiques

Photographie n°1 - Utilisation des outils modernes. Cliché de Ella Judith, au village Bolossoville, avril 2006

Photographie n°2 - Mise en terre de grains d'arachide. Cliché de Ella Judith, au village Bolossoville, avril 2006

Photographie n°3 - Mise en terre d'une igname. Cliché de Ella Judith, au village Bolossoville, avril 2006

Photographie n°4 - Mise en terre d'un rejet de bananier. Cliché de Ella Judith, au village Bolossoville, avril 2006

Photographie n°5 - Transport de boutures de manioc. Cliché de Ella Judith, à Oyem, avril 2006

Photographie n°6 - Collecte des feuilles de manioc dans un champ pluricultural Cliché Photographie n°7 - Technique de portage. Cliché de Ella Judith, à Oyem, avril 2006

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"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera