WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'accès de la société civile à  la justice internationale économique

( Télécharger le fichier original )
par Farouk El-Hosseny
Université de Montréal - LLM 2010
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

2) Rapprochement au statut de « sujet » de droit international public

Au-delà de leur attribut de participant à un processus, la société civile et les multinationales se rapprocheraient du statut de sujet de droit international. Elles pourraient dans plusieurs domaines entrer dans des relations juridiques internationales avec des États. Cela leur permettrait de pouvoir opposer et de réclamer des États des droits et des obligations internationaux, un tel pouvoir reposerait sur les caractéristiques d'un sujet de droit international. Dans son avis consultatif sur la Réparation des dommages subis au service des Nations Unies, la CIJ a décrit les caractéristiques d'un sujet de droit international en déterminant si l'ONU était ou non un tel sujet:

« Cela signifie que l'organisation est un sujet de droit international, qu'elle a capacité d'être titulaire de droits et devoirs internationaux et qu'elle a capacité de se prévaloir de ses

droits par voie de réclamation internationale »170.

168 Id., note 47, p. 5.

169 Id., note 47, p.4.

170 Avis consultatif sur la Réparation des dommages subis au service des Nations Unies, 11 avril 1949, en ligne : http://www.icjcij.org/docket/files/4/1835.pdf, p. 179.

Tel que mentionné plus haut, le recours direct prévu par la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) figure parmi les nombreux développements qui ont bouleversé la vision classique du droit international. L'article 34 de la CEDH octroie effectivement un droit d'accès à sa justice à tout individu, groupe ou organisation non-gouvernementale. Ce mécanisme permet à ces entités de poursuivre tout État signataire pour toutes violations de la CEDH et d'obtenir réparation171. À cet effet, le professeur Theodor Meron déclare ce qui suit : << To the extent that international law acts on individuals per se, they become subjects of international law >>172. Jan Paulsson souligne ainsi la désuétude de la vision classique décrite plus haut, selon laquelle les États sont les seuls à pouvoir être des sujets de droit international:

<< Against this background, once axiomatic declarations to the effect that only states may be subjects of international law fall on modern ears like an echo of an incomprehensible

ancient dogma>>173.

Le constat de Jan Paulsson est illustré dans le domaine du droit international de l'investissement où des acteurs non étatiques, notamment les multinationales ou les investisseurs, se rapprochent du statut de sujet plutôt que d'objet de droit international174. En vertu des TBI, ils bénéficient de droits, d'obligations ainsi que de la capacité de poursuivre directement l'État qui violerait ses obligations telles

171 Id., note 162, p.54.

172 T. MERON, op. cit., note 66, p. 276.

173 Jan PAULSSON, «Denial of justice in international law», Cambridge, Cambridge University Press, 2005, p.55.

174 Outre le droit de l'investissement étranger direct, certains auteurs citent également ADPIC pour soutenir cet argument. L'article 1(3) accorde, explicitement et directement à des personnes privées, le droit au traitement national en référant aux << ressortissants >> des États membres. La notion de << ressortissants >> inclurait les personnes physiques, en tant qu'inventeurs ou créateurs, et les personnes morales en tant que détenteurs de brevets par exemple. Voir P. ROSIAK, op. cit., note 34, p. 203.

qu'énoncées par les traités en question175. Une relation d'égalité s'est établie entre les investisseurs et les États - les véritables sujets de droit international - par l'entremise des TBI176. L'égalité instaurée entre les investisseurs et les États est emblématique de la concurrence qui existe entre ces derniers pour attirer les facteurs de production et les débouchés commerciaux, et ultimement du poids économique conséquent des investisseurs177.

En effet, d'importants mouvements de concentration d'entreprises, de fusions et d'alliances économiques entre des grands groupes corporatifs constituent de véritables << pouvoirs privés économiques >>. Ces derniers disposent d'un pouvoir comparable à celui de la puissance publique, soit l'État178. En toute évidence, ce poids leur octroie la latitude, la capacité et le pouvoir de s'auto-règlementer notamment vis-à-vis de leur responsabilité sociale, qui découlerait éventuellement de leurs activités commerciales et économiques179. Certaines multinationales sont aussi puissantes et prospères que des États. Elles déclarent également leur respect à des conventions et des traités internationaux au même titre que les États: << Barclays has endorsed the UN universal declaration of human rights >>180. C'est essentiellement à travers cet énorme poids économique que les multinationales parviennent à exercer à l'égard des États un pouvoir de pression et de plaidoyer conséquent181.

Le poids des multinationales ainsi que leur statut émergent de sujet de droit international évoquent un appel à la redirection des obligations de droits de l'homme

175 T. MERON, op. cit., note 66, p.325; A. MANIRUZZAMAN, op. cit., note 140, p.79.

176 P. DUMBERRY, op. cit., note 45, p.109.

177 M. JACQUEMAIN, op. cit., note 58, p.272.

178 M. DELMAS-MARTY, op. cit., note 5, p. 107.

179 J. ZERK, op. cit., note 34, p.7.

180 C'est également le cas pour British Petroleum et Rio Tinto; Voir Id., note 34, p. 34 et p.42; M. KRUGER et D. WEISSBRODT, op. cit., note 56, p. 199.

181 S. TULLY, op. cit., note 47, p. 101.

de l'État vers les multinationales. La problématique est la suivante : le Fonds monétaire international et la Banque mondiale ont incité, de façon systématique durant le début des années 1990, la privatisation de secteurs clés tels que les services sanitaires ou de distribution d'eau potable et d'électricité182. Ces secteurs sont primordiaux car ils relevaient autrement de l'État et de sa responsabilité de veiller au bien-être de ses citoyens. Suite à ces vagues de privatisation, les multinationales seraient devenues les remplaçantes des États. Nombreux sont ceux qui soulèvent qu'elles devraient, à ce titre de « remplaçantes », être assujetties aux obligations des droits de l'homme découlant du droit international. Ces obligations étaient dirigées vers les États et visaient à protéger initialement les individus des défaillances et des abus étatiques183. Cet argument a été soulevé par la société civile agissant à titre d'amicus curiae dans le différend de BGT c. Tanzanie. Les amici curiae ont soulevé notamment que BGT, opératrice privée d'eau potable de la ville de Dar Es Salam en Tanzanie, était liée par le droit de toute personne d'accès à l'eau. Nous examinerons ce différend plus en détail par la suite.

Le fait que les multinationales soient toujours considérées comme des objets de droit international soulève donc une préoccupation quant à leurs responsabilités par rapport aux droits de l'homme et quant à leurs obligations socioenvironnementales184. Cette préoccupation est justement soulevée car l'opposabilité desdits droits non marchands est quasiment inexistante face aux multinationales. L'octroi du statut de sujet de droit international serait un véhicule permettant ultimement la sanction internationale des abus des multinationales.

182 J. ZERK, op. cit., note 34, p.13.

183 J. ZERK, op. cit., note 34, p.76; P. ROSIAK, op. cit., note 34, p. 255.

184 P. MUCHLINSKI, op. cit., note 56, p. 221.

Enfin, les droits et les obligations des acteurs non étatiques ne découlent pas directement et entièrement, du moins pas encore, du droit international au même titre que les États185. Ce rapprochement du statut de la personnalité juridique doit être nuancé. Il découle en effet d'un instrument juridique, d'un traité d'investissement ou d'une mesure qui sont sanctionnés ultimement par l'État186. La multitude de points de vue divergents quant au statut des acteurs non étatiques en droit international public rend les conclusions difficiles187. La société civile et les multinationales surgissent tout de même en tant que partenaires dans le développement du droit international économique vu ce « tête-à-tête » avec les États188. Eu égard à leur rôle décrit précédemment, les acteurs non étatiques seraient aptes et capables d'accéder, éventuellement et véritablement à la justice internationale économique. Ce dernier constat ne permettrait pas de masquer le fait que les États, surtout les membres de l'OCDE, demeurent les acteurs principaux au sein de l'ordre juridique international où ils y ont, de surcroît, un rôle cardinal et édifiant189.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite