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L'accès de la société civile à  la justice internationale économique

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par Farouk El-Hosseny
Université de Montréal - LLM 2010
  

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4) Initiation des différends au sein de l'OMC

Le règlement de différends impliquant les acteurs non étatiques et les États crée une jurisprudence par laquelle le droit international évolue275. À ce titre, la contribution des acteurs non étatiques est édifiante. En réglant leurs différends, les États peuvent également recourir à des conseils privés, les principaux acteurs du commerce international étant d'ailleurs des opérateurs privés. Des accords de l'OMC tels que GATS et ADPIC leur octroient directement des droits. Toutefois, les États demeurent attachés à une procédure de règlement des différends à l'OMC strictement

273 Id., note 58, p. 225.

274 E. PETERSMANN, op. cit., note 24, p. 637.

275 S. TULLY, op. cit., note 47, p. 22.

interétatique et confidentielle276. Des acteurs non étatiques sont cependant souvent à l'origine d'un recours devant l'ORD tel que nous le verrons dans les paragraphes qui suivent.

Les personnes représentant les intérêts du secteur privé travaillent conjointement avec les responsables de nombreux États pour développer un agenda de contentieux à l'OMC en déterminant les questions à défendre et à soulever :

<< It is frequently firms, industry associations, private sector attorneys and consultants that do much of the pre-litigation and behind the scenes work forming the crux of the arguments that are litigated by US and EU government officials in Geneva >>277.

Ces personnes ont un rôle édifiant dans la recherche économique, le montage de dossiers et le rassemblement de la preuve278. L'État exerce tout de même un pouvoir de discrétion concernant sa volonté de porter plainte ou non, ce qui soulève néanmoins le risque que seuls les secteurs les plus puissants pourront compter sur leurs gouvernements afin de protéger leurs intérêts dans d'éventuels différends économiques internationaux.

Toute personne peut cependant contraindre son gouvernement, à travers l'accès à des instances judiciaires ou quasi-judiciaires, d'agir au niveau international. Aux États-Unis, un recours quasi judiciaire existe en vertu de l'article 301 du Trade Act of 1974. En vertu de ce recours, toute partie intéressée pourrait demander au US

276 Serge GUINCHARD, et al., << Droit processuel. Droit commun et droit comparé du procès équitable >>, Paris, Dalloz, 2007, p.977.

277 C. BOWN et B. HOEKMAN, op. cit., note 4, p. 869; Voir également P. ROSIAK, op. cit., note 34, p. 13.

278 S. TULLY, op. cit., note 47, p. 247.

Trade Representative d'entamer une enquête sur la pratique d'un État étranger279. Les recours devant les tribunaux fédéraux américains de droit commun pourraient également constituer le début d'une procédure américaine au niveau international. Cela a été le cas dans la fameuse affaire de «Shrimps», qui sera traitée plus en détails plus loin, où une ONG environnementale avait entamé un recours devant un tribunal fédéral américain. Dans le cadre de l'Union européenne, une procédure similaire pourrait être entamée auprès de la Commission européenne en vertu du Règlement sur les obstacles au commerce280. Au Canada, l'organisme chargé de traiter ce type de recours est le Tribunal canadien du commerce extérieur, un organisme quasijudiciaire crée en vertu d'une loi habilitante, la Loi sur le tribunal canadien du commerce extérieur281.

Nous devons noter que ces trois instances internes traitent des « questions typiques » du régime du commerce mondial telles que les subventions, les mesures de dumping et anti-dumping, les barrières techniques au commerce, etc. Ce qui expliquerait l'intervention limitée de la société civile auprès de ces organismes par rapport à celle des entreprises ou des lobbies corporatifs282. Les militants de la société civile seraient effectivement peu intéressés par les différends visant l'application du droit actuel ou par ceux qui n'impliquent pas l'établissement de précédents. Cette idée est encore plus marquée pour les organisations à vocation sectorielle ou thématique (issue-based organizations) telles que Green Peace ou Oxfam. Ces dernières sont préoccupées par des questions telles que les incidences et les impacts

279 Section 301 of the Trade Act of 1974, US Department of Commerce, en ligne: http://www.osec.doc.gov/ogc/occic/301.html; C. BOWN et B. HOEKMAN, op. cit., note 4, p. 870; C. CÔTÉ, op. cit., note 35, p. 421.

280 Règlement du Conseil N°3286/94; en ligne : http://ec.europa.eu/trade/issues/respectrules/tbr/index_en.htm

281 Voir mandat du tribunal, en ligne : http://www.citt-tcce.gc.ca/mandate/index_f.asp ; et Voir la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985, c. 47.

282 Id., note 47, p. 245.

du commerce mondial sur l'environnement et les droits de l'homme283. Par conséquent, le choix d'intervenir directement pour invoquer ces questions dans les différends de l'OMC pourrait leur être plus intéressant.

Les acteurs non étatiques impliqués dans l'initiation de la procédure ont enfin un grand rôle à jouer suite à l'adoption d'une décision internationale favorable à leur égard. Un rôle qui se concrétise par leurs campagnes de relations publiques à l'étranger ou de plaidoyer auprès des acteurs politiques étatiques afin d'obtenir la conformité à la décision en question284.

Attribué principalement aux entreprises, ce rôle prépondérant touche à la polémique suivante : l'État ne serait-il pas qu'un simple porte-parole des acteurs économiques à l'ORD285? Il faudrait se poser la question de savoir qui seraient les véritables parties dans un litige tel que CE- Bananes286. Les pays africains contre ceux d'Amérique latine ? Les États-Unis contre la Communauté européenne ? Ou plutôt les puissants groupes agricoles américains, tels que Chiquita, contre leurs concurrents européens? Selon Charles-Emmanuel Côté, cette réalité évoque un défaut de transparence affectant certainement et péjorativement le règlement de différends à l'OMC287. De plus, ces questions en entraînent logiquement deux autres: pourquoi ne pas permettre à ces groupes d'intervenir directement devant l'ORD à la place des

283 C. BOWN et B. HOEKMAN, op. cit., note 4, p. 882.

284 Id., note 4, p. 870.

285 M. DELMAS-MARTY, op. cit., note 5, p. 323.

286 Communautés européennes -- Régime applicable à l'importation, à la vente et à la distribution des bananes (Plaignants : Équateur, Guatemala, Mexique, Honduras, États-Unis), WT/DS27.

287 Face aux avantages douaniers accordés par la Communauté européenne à de nombreux pays des caraïbes et d'Afrique, Chiquita a vu son chiffre d'affaires diminué, et a exercé d'importantes pressions auprès du gouvernements américain afin d'agir au niveau de l'OMC; Voir Site web de la CNUCED, « Informations de marché dans les secteurs de produits de base : Bananes - Sociétés », en ligne : http://r0.unctad.org/infocomm/francais/banane/societes.htm, Voir également C. CÔTÉ, op. cit., note 35, p.396; P. ROSIAK, op. cit., note 34, p. 94.

États plaignants288 ? Nous nous demandons alors : pourquoi ne pas permettre également à la société civile d'intervenir dans ces différends directement afin de défendre à ce niveau international « l'intérêt collectif »?

Octroyer aux parties prenantes une capacité procédurale devant les juridictions internationales est caractéristique d'une modernisation du droit international, traditionnellement focalisé sur l'État en tant que sujet et acteur de première scène, ce qui reste véridique mais ne décrit pas la situation de manière complète. Permettre un tel accès sans une sanction étatique préalable dans un souci de gouvernance, d'équité et de transparence aura certainement un impact positif, un impact à pondérer avec la situation actuelle où les États sont perçus de façon notoire en tant que porte-paroles des acteurs économiques. En effet, dans deux différends sous le Chapitre XI de l'ALENA, les tribunaux ont dû déterminer si la mesure prise par l'État défendeur visait la protection des intérêts d'un concurrent clairement identifié par le plaignant. Selon le tribunal dans SD Myers, les mesures environnementales canadiennes désavantageant l'investisseur américain étaient principalement destinées à protéger les intérêts de Chem-Security, concurrent principal de SD Myers289. Dans Methanex, l'entreprise canadienne a soulevé que la mesure environnementale californienne en cause avantageait Archer Daniels Midland, un concurrent de Methanex. Elle accuse ce dernier d'avoir contribué à la campagne électorale du gouverneur californien qui a sanctionné la mesure en cause290. Ce rôle prépondérant des entreprises soulève ainsi de nombreux points

288 Id., note 35, p.397.

289 D. SCHNEIDERMAN, op. cit., note 34, p. 87.

290 Id., note 34, p. 93.

d'interrogations et de fortes critiques qui dénoncent un agenda de commerce mondial poussé uniquement par des considérations strictement marchandes.

L'idée selon laquelle les multinationales et la société civile seraient les véritables parties aux différends internationaux économiques ne fait que renforcer la symétrie qui existe entre les deux. Ces deux acteurs ne font que gagner du terrain sur une scène initialement et strictement interétatique. Par ailleurs, cette idée paraît troublante pour de nombreux États, poussant même certains d'entre eux à s'opposer à une quelconque participation de ces acteurs non étatiques à l'OMC.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci