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L'accès de la société civile à  la justice internationale économique

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par Farouk El-Hosseny
Université de Montréal - LLM 2010
  

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3) Réformes institutionnelles et zones grises quant au droit d'accès

Les préoccupations de transparence, la pression de la société civile ainsi que la conciliation des préoccupations non marchandes sont des défis majeurs pour le CIRDI502. La réforme de ses règles d'arbitrage, adoptée le 10 avril 2006, est justement une tentative d'adaptation à cette évolution de l'arbitrage commercial

497 E. KENTIN, loc. cit., note 42, p.327.

498 S. TULLY, loc. cit., note 47, p. 58.

499 Id., note 42, p.338.

500 A. VAN DUZER op. cit., note 382, p.17.

501 C. COTÉ, loc. cit., note 35, p. 405.

502 R. BUCKLEY et P. BLYSCHAK, loc. cit., note 36, p. 355.

international503. De plus, de même que dans le cadre des organes de règlement de différends à l'OMC et à l'ALENA, cette réforme a également eu pour but de défendre la légitimité et la transparence du processus. Elle évoque par ailleurs la réaction de l'institution aux pressions à la fois politiques et judiciaires de la société civile. Il s'agit d'une véritable contribution de la part de cette dernière au développement des règles de l'arbitrage des différends d'investissements.

Aucun amendement n'a cependant été effectué à l'ALENA en dépit de la permission des interventions d'amicus curiae dans de nombreuses décisions arbitrales. Ces développements procéduraux ont été entérinés dans des déclarations504 émanant des trois membres dans la Commission de libre échange de l'ALENA - NAFTA Free Trade Commission Statement on Transparency du 7 octobre 2003505. Selon un auteur, cette déclaration constitue une réforme notoire du processus arbitral506. D'autres sont cependant convaincus qu'un degré d'incertitude subsiste en dépit de l'irréversibilité probable de la transparence accrue, exigée et reconnue dans ce type de différends507.

Une crainte d'incohérence et d'imprévisibilité est effectivement soulevée par ce type de décisions arbitrales. Les précédents d'autres tribunaux et les déclarations ne constituent aucunement une obligation opposable à des tribunaux constitués dans le futur508. Il est clair qu'aucune règle de stare decisis n'existe en arbitrage de

503 Id., note 36, p. 354.

504 Les déclarations de la commission sont des notes interprétatives sur la transparence qui stipulent entre autres que : rien dans l'accord de l'ALENA n'impose aux parties une obligation de confidentialité dans le cadre du Chapitre XI, rien n'interdit les parties de divulguer au public des documents soumis ou publiés par un tribunal du « Chapitre XI », Voir A. VAN DUZER op. cit., note 382, p. 7.

505 Id., note 382, p. 2.

506 J. PAULSSON, op. cit., note 162, p.251.

507 Id., note 382, p. 7 et p. 15.

508 T. CHRISTAKIS, op. cit., note 415, p. 879.

différends économiques internationaux. De simples déclarations - telles qu'émise par la Commission de libre échange de l'ALENA - affirmant l'autorité des tribunaux arbitraux de pouvoir accepter les mémoires d'amicus curiae ne peuvent constituer des sources de droits ou des garanties procédurales.

Il s'agit d'une situation similaire à celle de l'OMC, dans le sens où au sein des deux systèmes, les États membres ne dégagent pas de volonté suffisante en faveur de la modification du texte des accords afin d'encadrer cette évolution509. La situation est toutefois à nuancer. Le Canada et les États-Unis se sont montrés très favorables à l'intervention de la société civile, tandis que la majorité des pays en développement à l'OMC se sont farouchement opposés à cette évolution.

Ainsi, tel que vu plus haut dans l'analyse jurisprudentielle, le droit par la société civile d'être entendu demeure pour l'instant entièrement soumis à la discrétion des membres de l'ORD ou des États parties. Ces derniers consentent cependant mutuellement à une telle soumission ou annexent le mémoire de l'amicus curiae aux leurs. Les organes de règlement de différends de l'OMC ne dégagent pas en effet une volonté notoire d'accepter et de considérer les mémoires d'amicus curiae (à moins que ceux-ci soient inclus dans l'argumentation des parties)510. Ces derniers sont souvent rejetés pour des motifs procéduraux, ou de répétition d'arguments ou de faits déjà énoncés par les parties ou à cause de leur futilité.

Il existe un schisme véritable entre la théorie d'une part, selon laquelle le groupe spécial ou l'organe d'appel constatent leur pouvoir d'accepter et de considérer

509 A. VAN DUZER op. cit., note 382, p. 10.

510 C. CÔTÉ, loc. cit., note 35, p. 418; H. GAO, loc. cit., note 293, p.55.

les communications d'amicus curiae et la pratique d'autre part. Ce constat démontre que ces instances sont encore loin de vouloir véritablement exercer ce pouvoir et d'en tenir compte dans leurs décisions511. La jurisprudence de l'ORD dégage également un degré fort élevé d'exigences et de conditions difficiles à atteindre pour la société civile. Accéder à la procédure de l'ORD n'est pas une mince affaire.

En dépit du fait que l'acceptation des communications d'amicus curiae soit devenue réalité, des procédures fixes et non provisoires devraient être établies pour régir ces communications. D'autant plus qu'il s'agit d'une procédure de common law, et que les États ayant une tradition juridique différente ne la connaissent forcément pas512. Dès lors, la constatation de ces changements par la jurisprudence uniquement ne suffit plus. L'absence de réformes institutionnelles pour les reconnaître pourrait être problématique. Ainsi, la société civile fait face à des zones grises quant à son accès aux juridictions de l'OMC et de l'ALENA.

Les réformes du CIRDI apportent en revanche de nouvelles innovations au système. Elles portent sur les mesures provisoires, sur la révision des procédures et sur les conditions de divulgation de conflits d'intérêts qui sont désormais plus strictes pour les arbitres513. Les amendements les plus intéressants, concernant cette étude,

511 Des décisions encore plus récentes marquent ce schisme. Dans EC- Sardines où un particulier et le Maroc, un membre de l'OMC, avaient présenté des communications d'amicus curiae : Rapport de l'Organe d'appel, Communautés européennes - Désignation commerciale des sardines, (Plaignants : Pérou), WT/ DS231/AB/R, adopté le 23 octobre 2002, Page 43, Paragraphe 161. La même question s'est posée dans Thaïlande - Droits antidumping sur les profilés en fer ou en aciers non alliés et les poutres en H en provenance de Pologne, (Plaignant : Pologne), WT/DS122/AB/R, adopté le 5 avril 2001. Également dans où une ONG canadienne-amérindienne et deux ONG américaines environnementales désiraient intervenir : Rapport de l'Organe d'appel, États-Unis - Détermination finale en matière de droits compensateurs concernant certains bois d'oeuvre résineux en provenance du Canada, (Plaignants : Canada), WT/ DS257/AB/R, adopté le 17 février 2004, Paragraphe 9. Bref, un phénomène confirmé finalement par la décision la plus récente impliquant un débat sur l'intervention d'amicus curiae. Voir Mexique - Mesures fiscales concernant les boissons sans alcool et autres boissons, (Plaignant : États-Unis), WT/DS30824 /AB /R, adopté le 6 mars 2006; Voir également «The WTO Appelate Body's Activities in 2007», Journal of International Economic Law, Oxford University Press (11 J. Int'l Econ.L.193), 2008, p. 15; Brésil -- Mesures visant l'importation de pneumatiques rechapés, (Plaignant : Communautés européennes) WT/DS332/AB/R, 3 décembre 2007 (Rapport Organe d'appel), p.6.

512 S. CHARNOVITZ, loc. cit., note 30, p. 531.

513 R. BUCKLEY et P. BLYSCHAK, loc. cit., note 36, p. 354.

portent cependant sur le pouvoir du tribunal de permettre au public et aux tiers l'accès à l'instance. Ce pouvoir ne peut être exercé qu'à la condition qu'aucune des parties au litige n'objecte. La publicité devient la règle et la confidentialité l'exception, même si celle-ci doit être retenue si elle est demandée par l'une des parties.

L'autre amendement significatif est la possibilité pour les tiers de présenter des mémoires écrits en tant qu'amicus curiae 514. Cette dernière possibilité est assujettie à trois conditions énoncées à l'article 37(2) du règlement d'arbitrage amendé de la convention du CIRDI. La première est l'assistance du tribunal à trancher une question de fait ou de droit, en apportant un point de vue distinct de ceux des parties. L'intervention doit être limitée au litige et elle ne doit donc pas porter à titre d'exemple sur la compétence du tribunal. En dernier lieu, l'intervenant doit démontrer un intérêt significatif pour le différend515.

Ces conditions soulèvent de nombreuses questions. Il n'est pas véritablement clair de savoir qui pourrait intervenir : individus ou multinationales ou société civile? Est-ce que le tribunal favoriserait l'intervention d'un << type >> ou d'un << genre >> de tiers plutôt qu'un autre? Toute personne ou entité pourrait a priori faire une telle présentation relative au différend. On pourrait cependant s'attendre à ce que ces conditions soient complétées par les critères énoncés par la jurisprudence de l'ALENA et de l'OMC, fait qui s'est déjà déroulé auparavant. Nous avons pu noter dans notre étude que les juridictions appliquant le droit international économique se référent aux pratiques des unes des autres. L'essentiel pour le tribunal serait donc

514 D. SCHNEIDERMAN, loc. cit., note 34, p.76; A. VAN DUZER op. cit., note 382, p. 11.

515 Article 37 (2), Règlement de procédure relatif aux instances d'arbitrage, CIRDI, en ligne : http://icsid.worldbank.org/ICSID/ICSID/DocumentsMain.jsp

d'examiner les caractéristiques de cette personne ou entité, plutôt que de se prononcer sur sa personnalité juridique. L'indépendance financière et la neutralité vis-à-vis des parties, le niveau de professionnalisme et d'expertise, leur transparence ainsi que leur intérêt par rapport au différend seront bien évidemment des critères décisifs pour permettre l'intervention des tiers516. Ce dernier élément d'intérêt reste soumis à la discrétion interprétative du tribunal. Si la condition d' « intérêt significatif >> nécessiterait l'existence d'un intérêt pécuniaire, les ONG, qui sont généralement des organismes à but non lucratif, seraient fortement désavantagées517.

Enfin, en dépit de l'adoption de ces amendements, il est clair que les tribunaux arbitraux du CIRDI retiendraient toujours un contrôle considérable sur la permission ou le refus d'une intervention d'amicus curiae, contrôle qui serait exercé afin de s'assurer que les interventions accomplissent leur objectif prépondérant d'assistance au tribunal dans la résolution du différend518. Le but est de s'assurer que les interventions n'auront pas pour effet d'entraver le déroulement de la procédure, sous des motifs déguisés ou d'ajouter un fardeau inacceptable aux parties519. L'idée est de ne pas permettre non plus des présentations d'amicus curiae dans l'unique but d'apaiser les préoccupations publiques520. Cette approche suivrait les jurisprudences et précédents des juridictions de l'ALENA et de l'OMC que nous avons traités plus haut.

516 R. BUCKLEY et P. BLYSCHAK, loc. cit., note 36, p. 371.

517 Id., note 36, p. 368.

518 Id., note 36, p. 355.

519 A. VAN DUZER op. cit., note 382, p. 16.

520En dépit du fait que les conditions sont cumulatives, « l'assistance au tribunal >> est la première condition énoncée. Voir Article 37 (2) (a), Règlement de procédure relatif aux instances d'arbitrage, CIRDI.

Ces amendements illustrent en revanche la reconnaissance du besoin de transparence en tant que garant de la légitimité du processus arbitral, légitimité fortement en cause vu le déni d'un droit d'accès à la justice aux parties prenantes aux litiges. Tel que nous avons pu examiner tout au long de cette étude, la société civile désireuse d'intervenir à titre d'amicus curiae représente souvent la voix des justiciables affectés par la sentence arbitrale. Ce besoin de transparence est devenu désormais un impératif. Il évoque une évolution notoire du modèle d'arbitrage commercial international initialement prévu par la Banque mondiale lors de la création du CIRDI521. Lesdits amendements au règlement se sont par ailleurs déclenchés selon les préceptes de libertés et de garanties de droits fondamentaux tels que le droit d'être entendu ainsi que le droit à un procès équitable. Ces changements procéduraux effervescents seraient-ils le début d'un véritable accès de la société civile à la justice économique internationale qui irait au-delà de l'intervention à titre d'amicus curiae? La réponse à cette question dépasse le cadre de cette étude. Toutefois, nous examinons dans les paragraphes qui suivent de nouveaux TBI signés par le Canada qui renforceraient une telle possibilité.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore