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L'accès de la société civile à  la justice internationale économique

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par Farouk El-Hosseny
Université de Montréal - LLM 2010
  

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3) Quels acteurs de la société civile?

Étant donné le caractère fondamentalement hétérogène de la société civile, nombreux sont ceux qui confondent ces acteurs en leur attribuant à tort les mêmes caractéristiques. Cette grande famille de la << société civile » regroupe tant des mouvements anarchistes ou altermondialistes, que des organisations de plaidoyer hautement spécialisées et crédibles. L'idée dans cette section est de distinguer ces acteurs afin d'identifier ceux visés par cette étude. Les acteurs de la société civile auxquels nous nous intéressons ont pu développer des expertises et des spécialisations considérables dans de nombreux domaines du droit. Certains ont une haute expertise juridique qui leur permet de susciter un impact sur la création et la transformation du droit international.

Cet impact est clairement édifiant dans le domaine des droits de l'homme et du droit humanitaire. Le CICR figure parmi ces organismes hautement spécialisés et crédibles de la société civile. Le CICR a eu un rôle cardinal, tant dans la rédaction que dans l'acceptation de nombreux projets de traités portant sur les droits de l'homme22. Le dernier exemple est la convention d'Oslo pour l'interdiction de l'usage des armes à sous-munitions signée le 3 décembre 200823. Les armes à sous-munitions peuvent exploser longtemps après leur utilisation, ce qui constitue un danger énorme pour la population civile vivant dans des zones où les armes ont été déployées. Les motifs existant derrière l'interdiction sont similaires à ceux justifiant l'adoption de la

22 Voir - M. DELMAS-MARTY, op. cit., note 7, p. 165 - pour un exposé détaillé des contributions du CICR au droit international.

23 Voir Comité international de la croix rouge, << Armes à sous-munitions : Un nouveau traité pour mettre fin à des décennies de victimes civiles », 2008, en ligne : http://www.icrc.org/Web/fre/sitefre0.nsf/htmlall/p0838/$File/ICRC_001_0938.PDF!Open, p.14; voir également, Cluster Munition Coalition, << The Coalition », en ligne : http://www.stopclustermunitions.org/thecoalition/, une coalition transnationale de 200 ONG militant pour bannir les armes à sous-munitions .

convention d'Ottawa de 1997 sur l'interdiction des mines anti-personnel. Les efforts du CICR ont permis la définition et la détermination des obligations des États signataires. La notoriété de l'organisation et son pouvoir de mobilisation conséquent ont été des facteurs décisifs entraînant les nombreuses ratifications de la convention qui a été adoptée par 107 États, engagés notamment à ne pas recourir à ces armes.

L'ILA est un autre exemple d'acteur vers lequel nous tournons notre attention. L'ILA compte 4000 juristes en droit international. L'organisation offre son assistance et sa coopération afin de parvenir à une déclaration de l'OMC relative aux droits de l'homme24. Une telle offre, émanant d'une telle organisation prestigieuse, constitue une véritable pression sur l'OMC et les autres institutions de gouvernance économique mondiale. L'ILA propose des solutions crédibles, scientifiques et non démagogiques auxquelles l'OMC doit être attentive. Loin des stratégies de manifestations et d'affrontements de nombreux acteurs de la société civile, l'ILA s'impose grâce à son expertise. Les organisations telles que l'ILA ont une expertise notoire dans le domaine des droits de l'homme, du droit de l'environnement et du développement durable. Ces organisations appellent à une complémentarité entre lesdits droits et le droit international économique25. Si de nombreux États ont décidé de ne pas écouter les manifestants qu'ils ont qualifiés de « démagogues », il leur est beaucoup plus difficile de ne pas être attentif à des organisations telles que l'ILA.

La pression de ces organisations se manifeste également par les interventions d'amicus curiae. L'apport de la société civile à travers la procédure d'amicus curiae

24 Ernst-Ulrich PETERSMANN, «Human Rights, Constitutionalism and the World Trade Organization: Challenges for World Trade Organization Jurisprudence and Civil Society», Leiden, Leiden Journal of International Law, 2006, p. 663.

25 Voir Partie II - Pourquoi l'accès de la société cvile ?- Section 2 - Décloisonnement du droit international économique.

est désormais cardinal étant donné que les différends économiques internationaux sont de plus en plus complexes. La juridiction saisie est appelée à se prononcer sur des problématiques qui dépassent largement la sphère strictement économique. Des questions de droits de l'homme, d'environnement et de développement durable sont de plus en plus abordées. De là, les parties font face à l'intervention de la société civile qui a pour mandat de défendre ces préoccupations non strictement économiques. Ce mandat de défense des préoccupations non strictement marchandes semble être sui generis. La société civile intervenante s'est en effet octroyée ellemême ce mandat.

Cette notion de mandat sui generis est illustrée dans le domaine de l'arbitrage commercial international. L'International Bar Association (IBA) est une organisation non étatique qui regroupe des avocats des quatre coins de la planète. Cette organisation illustre la capacité normative dont se sont dotés de nombreux acteurs de la société civile. Les membres de l'organisation participent activement à des sessions de rédaction de normes de droit international dans divers forums et assemblées. Ses normes les plus notoires sont cependant les IBA Rules on the Taking of Evidence in International Commercial Arbitration (ci-après les « Règles »)26.

Les Règles représentent une solution établie par des praticiens et des avocats aux lacunes des lois et des règlements sur l'arbitrage en matière de preuve. Les règlements d'arbitrage de nombreuses institutions ne contiennent effectivement que des dispositions sommaires en matière de preuve. Les Règles reflètent des procédures utilisées dans de nombreux systèmes juridiques, d'où leur utilité lorsque des parties

26 IBA Rules on the Taking of Evidence in International Commercial Arbitration (2010), en ligne: http://www.int-bar.org/

proviennent de différentes traditions juridiques. À titre d'exemple, elles traitent entre autres de la divulgation et de la production de documents. Les règles de droit civil et de common law considèrent en effet cette question de manière assez différente. Les Règles sont acceptées de façon générale par les arbitres de droit civil et de common law, les parties et aussi bien que par leurs avocats car elles offrent un compromis équilibré entre les deux approches27. Les Règles s'avèrent être dès lors un instrument clé permettant de compléter les règlements d'arbitrage. Elles permettent une conduite économique et efficiente de l'examen de la preuve ce qui facilite la conduite de l'arbitrage international28.

L'American Law Institute (« ALI ») et l'Institut international pour l'unification de droit privé (« UNIDROIT ») sont également d'autres exemples d'acteurs qui nous intéressent. Ils ont adopté en 2004 les Principes d'ALI/UNIDROIT de procédure civile transnationale, un ensemble de dispositions qui régissent la procédure des litiges commerciaux transnationaux (ci-après les « Principes »). ALI est une véritable organisation privée et indépendante regroupant des juges, des praticiens et des professeurs du droit. L'organisation a un mandat autoproclamé de clarifier, moderniser et améliorer le droit. Grâce à ses membres hautement qualifiés et spécialisés, ALI a pu influencer le développement de nombreux domaines traditionnels et émergents du droit. UNIDROIT est par ailleurs une organisation intergouvernementale indépendante qui fut crée en 1926 sous l'égide de la Société des Nations (SDN) et compte 63 États membres. Son objectif est d'étudier la modernisation, l'harmonisation et la coordination du droit privé entre les États. Cette

27 Stephen BOND, «The 1999 IBA Rules on Evidence in International Commercial Arbitration», dans Stephen BOND et al. (dir.), Arbitral Procedure at The Dawn of The New Millenium, Bruxelles, Bruylant, 2005, p. 103.

28 Id., note 27, p. 105.

organisation est un forum édifiant pour la création de normes à travers la contribution de juristes provenant de divers systèmes juridiques.

Les Principes énoncent entre autres les garanties d'un procès équitable, comprennant notamment le droit à un tribunal impartial et indépendant (art.1), le droit à un avocat (art.4), le droit d'intervention des parties tierces intéressées (art.12.2) ainsi que le droit à une décision dans un délai raisonnable (art.7)29. Notons que ce sont d'ailleurs ces mêmes exigences du procès équitable qui justifieraient en partie l'accès de la société civile à la justice internationale économique. Lesdites exigences du procès équitable seront examinées plus en détail par la suite. Le préambule des Principes soulève de plus des points intéressants : les Principes seraient en fait des standards qui pourraient constituer le fondement pour de futures règles de procédure nationales en matière de litiges internationaux. Le préambule énonce ainsi que les États pourraient les transposer à travers un acte normatif tel qu'une loi ou un traité. Les divers tribunaux arbitraux peuvent également accorder leurs pratiques avec les Principes si les parties sont favorables à cet effet.

Enfin, les IBA Rules on the Taking of Evidence in International Commercial Arbitration ou les Principes d'ALI/UNIDROIT de procédure civile transnationale ne sont que des normes de soft law vu notamment leur caractère non contraignant. Leur validité découle du fait qu'elles émanent d'organisations privées, hautement spécialisées et qualifiées. Les normes de ces organisations ne constituent qu'un droit prospectif dans la mesure où elles n'ont pas été sanctionnées par l'État. La facilité de leur transposition, d'un espace normatif à un autre ou d'une juridiction à une autre

29 Les principes d'ALI/UNIDROIT de procédure civile transnationale (2004), en ligne : http://www.unidroit.org/

favorise cependant un éventuel transfert du droit prospectif vers le droit positif. Un tel transfert serait d'autant plus facilité par l'utilisation et le recours systématique à ces normes.

Que ce soit dans le domaine des droits de l'homme, du développement durable ou de la procédure internationale, le pouvoir normatif de la société civile est édifiant. En délimitant les acteurs visés par cette étude, nous relevons le haut degré d'expertise et de spécialisation de la société civile. Tout au long des propos qui suivent, de plus amples caractéristiques et fonctions de la société civile seront dévoilées, constituant ultimement des motifs à l'appui de l'accès de la société civile à la justice internationale économique.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams