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Entre convention alpine, directive territoriale d'aménagement des Alpes du nord et initiatives locales, quelles perspectives pour les politiques foncières volontaristes dans les Alpes ?

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par Nathalie MOYON
Université Joseph Fourier (Grenoble1), Institut de Géographie Alpine - Master 2 Recherche Villes, Territoires et Durabilité 2009
  

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1.3. De politique

Le troisième pilier de notre définition de l'objet foncier est la politique, c'est-à-dire comprendre le foncier comme un objet politique à part entière tout en étant lui-même l'objet de politiques publiques. Les solutions invoquées pour répondre au « problème foncier » semblent relever bien plus du champ de la politique que de celui du droit ou de l'économie : « aller vers une politique volontariste », « mener une stratégie foncière forte et déterminée », « pour une politique foncière ambitieuse et efficace ». Ces expressions recueillies durant les entretiens traduisent une croyance assez forte en la politique pour agir sur le foncier et intrinsèquement le maîtriser. Paradoxalement, ces avis cohabitent avec des désillusions passées de promesses politiques non tenues, mais surtout une conjoncture difficile dans laquelle les élus locaux disposent d'une marge de manoeuvre réduite pour agir (restrictions budgétaires, des priorités sur l'emploi et le social au détriment de la planification et de l'aménagement).

Le Conseil Général de Haute-Savoie, qui se montre actif sur la question foncière76(*), définit une politique foncière comme « l'ensemble des réglementations, moyens, outils mis en oeuvre afin d'assurer l'administration des sols, qu'ils soient urbains, agricoles ou naturels. La politique foncière a notamment pour but de maîtriser le développement urbain, de permettre aux communes la réalisation de projets importants en réservant des terrains et de contribuer à la régulation du marché foncier »77(*).

Il semble que le foncier soit devenu un élément crucial de la gestion de l'espace, à tel point que l'on confonde gestion foncière et gestion de l'espace. Au sens de Catherine Herrera, la gestion de l'espace renvoie à l'ensemble des modalités mises en oeuvre pour administrer au mieux les différents enjeux portés par les relations construites par l'homme avec son environnement (compris comme l'ensemble des réalités biophysiques)78(*). Elle recouvre une action plus globale et systémique du territoire. La gestion foncière peut se comprendre comme une action particulière de la gestion de l'espace : elle porte sur l'organisation et la mise en oeuvre de mécanismes et dispositifs institutionnels qui assurent les droits, les usages, les transmissions du sol, etc. La gestion foncière renvoie donc à des instances institutionnelles qui, pour exercer leurs responsabilités, ont besoin d'outils, de registres, de procédures, définissant les actes à réaliser et la façon de les réaliser.

La gestion foncière communale définit des tâches particulières aux communes, qui doivent alors se doter du personnel, des compétences et des moyens financiers nécessaires. En résumé, la gestion foncière qualifie tout un système qui est d'ailleurs en construction en Afrique (où l'actualité foncière relate régulièrement de nouveaux scandales et conflits fonciers). La gestion foncière, bien établie en France, vise à résoudre les problèmes de sécurisation foncière, de procédures d'identification et de validation juridique des droits et des mutations du sol.

En somme, la préoccupation de la gestion de l'espace s'effectue au niveau de la planification urbaine (là où il faut entendre « pratique de l'urbanisme ») et amène à la définition de réglementations de l'usage des sols. C'est précisément à ce niveau que le courage politique associé à une vision stratégique du développement territorial sont incontournables. Le titre de l'article de Romain Cazajous résume assez bien l'enjeu foncier en politique, « maîtriser le sol pour maîtriser son territoire »79(*) : il s'agit donc là d'élaborer une stratégie foncière.

Une stratégie foncière implique d'observer et de planifier pour mieux agir, en définissant, d'une part des objectifs généraux en matières sociale, économique, environnementale et, d'autre part, les moyens opérationnels et structurels propres à réaliser ces objectifs. Selon S. Mordaret, la stratégie foncière d'un agriculteur peut se définir comme le projet concernant le foncier et sa place dans le fonctionnement global de l'exploitation, avec un programme d'actions à réaliser pour atteindre ces objectifs80(*). Pour une collectivité, c'est la traduction opérationnelle d'un projet de territoire, un ancrage foncier indispensable, « la matière première de l'aménagement sans laquelle toute programmation ne serait qu'utopie »81(*).

La stratégie foncière est donc, ou devrait être, la déclinaison d'un projet de territoire, lui-même déclinaison d'un projet politique territorialisé. Elle précède l'action foncière que J. Comby définit comme la partie de la politique foncière locale qui consiste, pour la puissance publique, à intervenir sur le foncier par des acquisitions de terrains, soit à l'amiable, soit par préemption, expropriation ou cessions gratuites (par exemple dans le cadre d'une opération d'aménagement de ZAC ou d'un lotissement) et par différentes sortes de cessions. La conduite de l'action foncière peut être confiée par délégation à un « opérateur foncier», par exemple un établissement public foncier local.

L'action foncière, autrement dit l'acquisition de foncier en vue de l'action de la collectivité, préfigure l'aménagement foncier qui regroupe l'ensemble des opérations consistant à la fois à équiper les terrains (en particulier à les viabiliser) et à en restructurer le parcellaire afin de permettre une nouvelle utilisation des sols.

L'aménagement foncier peut être directement réalisé ou commandité par le propriétaire (potentiellement la collectivité publique) ou par un intermédiaire spécialisé (aménageur ou lotisseur, de statut privé ou parapublic type SEM82(*)).

L'aménagement foncier se réfère parfois aussi aux opérations de remembrement, ou remembrement-aménagement, autrefois initiées en vue d'une restructuration foncière des exploitations agricoles. Cette politique foncière est « un puissant outil d'aménagement du territoire »83(*). Concrètement, l'opération consiste en un échange parcellaire, dans un périmètre déterminé. Souvent qualifié comme « le meilleur outil qui puisse exister sur l'aménagement du territoire tant au niveau de la planification que de la justice par rapport aux propriétaires »84(*), les opérations menées à terme sont si rares qu'elles en sont exceptionnelles : « c'est une mesure qui existait mais qui est peu utilisée parce qu'elle fait peur aux élus. Vous imaginez bien, en Haute-Savoie, aller toucher le foncier, le champ du papa, le déplacer... le poirier de la grand-mère... vous imaginez toutes les résistances mentales qu'il peut y avoir. Il faut en connaitre les limites »85(*). La force politique semble être au coeur de la réussite d'une politique foncière globale et ambitieuse qui souhaite faire passer l'intérêt général avant les intérêts particuliers, qui sont aussi ceux des électeurs...

Le foncier est une matière première transformée à plusieurs reprises pour obtenir, au bout de la chaîne de valeur, une opération de construction. Sa valeur est progressivement augmentée par le travail de mobilisation et d'aménagement réalisé par de multiples acteurs, qui apporte une véritable valeur ajoutée. Le schéma ci-dessous permet de comprendre ce que l'on qualifie de « chaîne de transformation du foncier »86(*).

En effet, l'évolution d'une parcelle (son usage et sa valeur) va dépendre directement de la politique foncière de la collectivité, suivant son projet de territoire et donc la stratégie foncière qui doit s'exercer lors de la vente de la parcelle en question. Le modèle développé est celui de l'extensif, tout à fait opérant dans les Alpes françaises, et il attire l'attention sur le moment « logique » d'intervention de la collectivité et sur la multiplicité des choix qui s'offrent à elle, avec l'évolution des prix en ligne de mire87(*).

Figure 8.Mise en perspective de la chaîne de transformation du foncier, CLD des Vals du Dauphiné & Nord Isère 2008

En somme, la politique foncière est la résultante des politiques publiques (logement, économie, agriculture, environnement) ayant trait au développement et à l'aménagement du territoire. Deux enjeux fonciers où il est urgent d'agir semblent ressortir des entretiens : le logement et l'artificialisation des terres agricoles88(*). Faire l'impasse sur la question foncière, c'est finalement compromettre la concrétisation du projet de territoire. La responsabilité politique est donc essentielle.

Le foncier est au coeur du projet de territoire, dans sa dimension politique, économique et dans sa consistance juridique. Les définitions proposées ont balayé le vocabulaire de l'univers foncier en essayant de démontrer que ce qui fonde la question foncière relève de ces trois dimensions complémentaires et fortement liées : le juridique (le foncier, c'est du droit), l'économique (le foncier, c'est de l'argent) et du politique (le foncier, c'est un objet politique).

* 76 Le Conseil Générale de Haute-Savoie dispose d'un centre de ressources sur les questions foncières ainsi que plusieurs fiches techniques. Toutes ces données sont disponibles sur : http://www.cg74.fr/pages/fr/menu1/les-actions/amenagement-du-territoire/questions-foncieres-256.html (consulté le 16/06/10)

* 77 Conseil Général de Haute-Savoie, définition de « politique foncière » [en ligne]. Disponible sur : http://www.cg74.fr/download/site-principal/document/actions/amenagement/questions-foncieres/fiche7.pdf (Consulté le 16/06/10)

* 78 HERRERA Catherine, A la recherche de la ressource foncière territoriale sur les territoires de montagne, Revue de géographie alpine [En ligne], 98-2 | 2010, mis en ligne le 10/09/10. Disponible sur : http://rga.revues.org/index1185.html (consulté le 27/10/10)

* 79 CAZAJOUS Romain, Maîtriser le sol pour maîtriser son territoire, Territoires [en ligne]. Septembre 2007, n°480. Disponible sur : http://www.adels.org/territoires/480.htm#aun (consulté le 05/06/10)

* 80 MORDARET Sylvie, Pratiques et stratégies foncières des agriculteurs : un outil d'analyse pour l'aménagement des zones fragiles, Thèse CEMAGREF, Montpellier, 1994, p.42

* 81 TRAPITZINE Richard, Les non-dits du Grenelle, Entre oubli du foncier, nouvelle conception de l'action publique, retour de l'Etat et primat de l'environnement, Etudes Foncières, janvier-février 2010, n°143, p.9

* 82 SEM : Société d'Economie Mixte

* 83 Conseil Général de la Moselle, définition du principe de l'aménagement foncier [en ligne]. Disponible sur : http://www.cg57.fr/vivrelamoselle/Pages/Environnement/Amenagementfoncier.aspx (consulté le 29/07/10)

* 84 FACIM, La montagne, univers de tous les possibles ?, Actes de la conférence-débat CIMES 2007, Albertville. Intervention de Jean Picchioni pp :200-201, Présentation de l'opération menée à Cervens (74) par Jean-Claude Reynaud pp :145-158

* 85 Idem, présentation de l'opération menée à Cervens (74) par Jean-Claude Reynaud pp :145-158

* 86 Région Rhône-Alpes, disponible sur : http://www.rhonealpes21.fr/IMG/pdf/contribution_cld_nordisere_valsdauphine.pdf (consulté le 15/06/10)

* 87 Pour plus de détail, consulté la fiche n°21 sur la création des valeurs foncières réalisée par le CG74. Disponible sur : http://www.cg74.fr/download/site-principal/document/actions/amenagement/questions-foncieres/fiche21.pdf (consulté le 13/08/10)

* 88 Probablement en raison de la « casquette » CIPRA, mes interlocuteurs se sont plutôt attardés sur les problèmes posés par l'artificialisation des terres agricoles, ou encore l'enfrichement.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard