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Genre & mobilisations sociales: étude de genre des mobilisations féministes radicales et LGBT à  Istanbul

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par Adèle PRUVOST
Université Rennes 1 - Master 2 Sciences Politiques 2011
  

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II) Des facteurs macro sociaux offrant des opportunités aux mobilisations féministes

A) De l'émergence de la société civile dans les années 80

Le contexte politico-culturel turc, comme nous venons de le voir présente des puissants symboles de ségrégation entre les hommes et les femmes. Cette ségrégation et cette hiérarchie des normes sociales de genre ne peuvent être les seuls facteurs d'opportunité a l'émergence des mouvements de femmes et féministes. Certes ce contexte oppresse les femmes, et ce dans toutes les sphères de leur vies publiques et

36 Nilüfer GOLE, Musulmanes et modernes : Voiles et civilisations en Turquie, Editions La découverte, réédité en 2003

privées. Mais nous allons voir que les changements politiques et économiques des années 80 sont essentiels dans l'émergence des mouvements de femmes, ils peuvent même être considérés comme l'évènement- rupture déclencheur. En effet les années 80 ont vu l'émergence de la société civile et donc en son sein l'émergence du mouvement des femmes et féministes. La société civile peut se définir comme (( une vie associative opérant sur la base des droits civils et des libertés, pouvant se positionner contre l'Etat, et étant lié a la libéralisation économique, et a l'individualisme », mais aussi entant que (( vie sociale pouvant s'organiser sans l'interférence de l'Etat, et coordonner ses activités au travers d'organisations basées sur le volontariat, et pouvant transférer des demandes à la sphère politique via cette organisation » 37 La société civile peut aussi être relié au processus de démocratisation, car elle limite le pouvoir d'un « Etat fort », en protégeant les droits et libertés des individus, tout en étant elle-même reliée au processus de démocratisation sans lequel elle n'existerait pas. Le mouvement des femmes en tant qu'il s'organise de lui-même, indépendamment de l'Etat, protégeant les libertés et les droits des femmes, et formulant des requêtes a l'Etat, donc faisant l'intermédiaire entre la société et l'Etat, est donc un mouvement de la société civile, et a un impact sur la vie sociale et politique de Turquie.

Tradition d'un Etat fort

Le contexte de la Turquie est spécifique et l'émergence de la société civile y semble bien plus tardive que dans les pays européens. Pour le comprendre, il faut reprendre le fil historique au début des fondements de la République de Turquie par Mustafa Kemal Atatürk en 1923. Atatürk voyait en les puissances européennes des modèles à suivre pour rendre la Turquie moderne, en faisant d'elle un Etat-nation, fort, laïc et (( développé )) tant au niveau de l'industrie, que des lois, du « mode de vie )) qu'il voulait à (( l'occidentale )). L'Etat était alors considéré comme un agent dominant dans le processus de modernisation de la Turquie, c'est le début de la tradition de « l'Etat fort )) en Turquie. L'Etat est alors l'acteur privilégié et souverain agissant de manière complètement indépendante de la société et assumant totalement son rôle à la changer par le (( haut )). La manière de gouverner était elle aussi centrée sur l'Etat, et marquait l'unité entre l'Etat et la nation, ainsi qu'entre les intérêts nationaux et les intérêts de l'Etat. L'idéologie développementaliste nationale devint alors l'une des principales idéologies. Et l'Etat développa l'économie selon un mode d'économie planifiée et tourné vers l'intérieur. Il n'était alors pas question de parler de la société en termes de droits et de libertés individuelles, ni d'individualisme, de pluralisme, ou encore de participation démocratique. La société devait être organique, homogène et

37 KEYMAN (( Turkish politics in a changing world: Global Dynamics Transformations », 2007, Bilgi Universitesi

monolithique afin de servir au mieux les intérêts nationaux. Pour l'élite kémaliste c'était la seule façon de rendre la Turquie moderne. Cette hégémonie de l'Etat sur la vie sociale, économique et sociale dura même après la transition démocratique de la Turquie dans les années 45, marquées par le début du système multipartiste parlementaire, alors qu'avant il n'y avait qu'un parti unique le Parti Républicain du Peuple. La société civile était donc complètement inexistante et ce jusque dans les années 80. Il y avait certes des organisations sociales (syndicats, coopératives, associations), mais existant dans le but unique de soutenir le processus de modernisation et la cohésion de l'identité nationale.

Une libéralisation économique et politique marquant l'émergence de la société civile

Les années 80 marquent réellement la rupture avec la tradition d'un Etat au pouvoir hégémonique. D'abord de part les changements économiques mondiaux, et de leurs répercussions sur la vie économique turque. L'émergence et le développement du néolibéralisme et de l'économie de libre marché ne s'accordant plus du tout avec l'idéologie développementaliste nationale turque, et une économie tournée vers l'intérieur du pays et non vers l'extérieur du pays. L'économie planifiée va donc être remplacée par des politiques de libéralisation du marché, et donc d'exportation. L'idéologie de développement national perd alors un peu de son poids, car elle n'est plus considérée comme étant la seule à dicter les règles économique, et donc à dicter toutes les règles. Avec la libéralisation économique naissent peu à peu l'individualisme, au sens ou les gens se mettent peu à peu à penser à leur intérêts propres avant de penser a celui de l'Etat, on voit par exemple se développer entres autre l'entreprenariat. Mais aussi l'idée d'Etat minimal, commence a germer, en effet selon ce concept, moins l'Etat intervient, mieux l'économie se porte. Mais la libéralisation n'est pas seulement économique, elle est aussi politique. En effet cette période correspond aussi a l'après coup d'Etat. Le coup d'Etat militaire de 1980 a 1983, dissout le parlement, des partis seraient jugés« trop à gauche )) ou « trop à droite )) comme le parti islamique, et risqueraient selon l'Armée, qui représente un véritable poids en Turquie, de mettre en péril les valeurs de la République. Après cette intervention militaire de trois ans, de nouvelles élections ont eu lieu, et les gens ont décidés de voter l'ANAP (Parti de la mère patrie), qui représentait alors la seule opposition aux interventions militaires, ce qui marque la volonté du peuple à plus de libertés et l'aspiration vers un processus de démocratisation. L'ANAP va être l'instigateur du début des politiques de décentralisation du gouvernement, de la privatisation des entreprises économiques de l'Etat, et la réorientation de l'économie nationale vers une économie de marché. Des enjeux comme la pollution, la santé publique et le tourisme commencent a être mise sur l'agenda politique, qui comporte aussi de plus en plus de politiques publiques. De plus avec l'ANAP, l'opposition n'est plus rejetée comme auparavant, ce qui permet l'émergence des débats publics sur la place publique, et le développement de l'opinion publique, qui est une condition sine

qua none de la démocratie. Emergent donc des mouvements sociaux comme le mouvement islamique se revendiquant en tant qu'important acteur culturel, politique, et économique et revendiquant la participation aux prises de décisions politiques, dénonçant la tradition de l'Etat-fort et séculaire, brimant leurs libertés de culte et culturelles. Apparaît aussi le mouvement kurde, critiquant la vision hégémonique d'une société homogène et monolithique, dans laquelle ils sont marginalisés et discriminés. Mais aussi les mouvements gauchiste, les écologistes, et notamment le mouvement des femmes.

De l'émergence de la société civile a l'émergence des mouvements de femmes

C'est donc dans ce contexte de libéralisation économique, et politique, permettant un développement de l'opinion publique et l'émergence de divers mouvements sociaux formant la société civile, que le mouvement des femmes a donc véritablement émergé, en tant que véritablement indépendant de l'Etat et luttant d'abord et avant tout pour la cause des femmes et leurs droits et non pour la cause de l'Etat, comme le féminisme d'Etat, que nous avons abordé dans la première partie. Le mouvement des femmes des années 80, influencé par l'international, et notamment par les mouvements féministes européens conteste pour la première fois les systèmes patriarcaux présents dans la famille, l'Etat, l'armée et le capitalisme. Elles défendent aussi les droits des femmes et luttent contre la violence domestique, véritable fléau qui traverse la Turquie encore a l'heure actuelle. En 1987, la première manifestation des femmes contre la violence faîte aux femmes marque le début de l'émergence et du développement de ce mouvement, qui n'aurait peut être pas encore vu le jour sans ses bouleversements économiques, politiques et sociétaux. Dans la deuxième sous partie, nous verrons que bien que la Turquie est connue de véritables changements depuis les années 80, et que le processus de démocratisation est en marche, notamment grâce au développement de la société civile et de la participation politique, la situation des femmes a l'heure actuelle est loin d'être satisfaisante. Le mouvement des femmes, dans les années 80, a en effet montré qu'une « prise de conscience » des femmes de leurs droits , et de leurs libertés avait été possible, et que celles-ci se sont dès lors organisées en coopérative, associations, indépendamment de l'Etat pour revendiquer leurs droits, qui sont aujourd'hui toujours pas appliqués. La coopération entre le mouvement des femmes et l'Etat est indispensable pour venir a bout de l'oppression des femmes turques, et de la hiérarchie des genres omniprésente dans cette société.

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