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Femme ou fée? Mélior dans "Partonopeu de Blois"

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par Julie Grenon-Morin
Université Sorbonne-nouvelle - Master 1 2010
  

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PREMIÈRE PARTIE

Mélior

I. Généralités

1) Présentation du personnage

Quand on sait que le nom «Mélior» signifie «meilleure» en latin, cela donne quelques indices sur le personnage féminin principal de Partonopeu de Blois. En effet, la fée Mélior se démarque dans de multiples domaines. Elle est riche, sa beauté, bien qu'un temps cachée, est sans égale. Elle est aussi puissante, possède un bon coeur, est impératrice, etc. Il faut également souligner que Mélior porte le même prénom qu'une des deux soeurs de Mélusine, dont il sera davantage question plus en amont. Cependant, cela est le cas seulement dans la version de Jean d'Arras et non dans celle de Coudrette. De plus, en langue bretonne, le nom «Mélior» pourrait venir de «meler», qui signifie le fabricant de miel. Dans une certaine mesure, cette nourriture correspond à Mélior, car elle est un être doux, offrant à Partonopeu tout ce qu'il désire sans exception : son corps, ses richesses et ses titres. Cependant, «miliour» en breton signifie aussi «flatteuse». «Mélior» contient également le mot «or», qui pourrait faire référence à la grande fortune du personnage. Enfin, le nom de la fée ressemble de très près à celui de Mélion, dans un des lais anonymes des XIIe et XIIIe siècles2(*). Ce rapprochement est d'autant plus intéressant lorsqu'on sait que le chevalier Mélion de la cour du roi Arthur avait comme particularité de se transformer en loup. Il a donc d'une appartenance double, tout comme Mélior qui appartient à la fois aux mondes des fées et des humains (l'annexe XI montre les récurrences du terme «Mélior» ou «Melior» en ancien français dans l'oeuvre de Partonopeu de Blois).

Le prénom de l'impératrice d'Orient se rapproche un peu de celui de Morgane, une autre fée. En effet, les deux commencent par un «m», contiennent un «r», un «e» et un «o». Phonétiquement, ce nom est fort, particulièrement celui de Morgane. Il est important de remarquer que Mélusine aussi porte un prénom commençant par la même lettre, ce qui est donc le cas pour ces trois fées d'importance à l'époque du Moyen âge. De son côté, le prénom de la fée Morgane a aussi des origines variées. Dans Historia regum Britanniae, Geoffroy de Monmouth la désigne, en ancien français, par «Morgen». Edmond Faral, dans son article «L'Île d'Avalon et la fée Morgane»3(*) explique que l'origine de ce prénom pourrait venir de «Muirgen» en gaélique ou bien de «Morgen» en gallois, qui est, par contre, un nom d'homme. Mais, aucune de ces deux options ne fonctionne parfaitement. Faral, lui, conclut donc : «Qu'est-ce à dire, sinon qu'il a toute l'apparence d'un nom simplement fabriqué à la bretonne ?4(*)». Jean Markale, quant à lui, tranche entre ces opinions et stipule que la fée Morgue tire son nom de «Morigena», qui veut dire «Née de la Mer»5(*). D'ailleurs, dans Vita Merlini, Morgue soigne un naufragé apparu sur les berges de son île d'Avalon. Un lien ténu subsiste donc entre cette fée et l'eau, à cause tout d'abord de nombreuses références aux lacs, à la mer et à son île et ensuite des motifs reliés à la terre, aux montagnes et aux volcans, entre autres. Il en va de même pour Mélior. En effet, elle vit sur un domaine gigantesque avec d'innombrables terres et Partonopeu traverse une mer pour venir la rejoindre. En plus de cette double appartenance de Morgane à la mer et à la terre également observable chez Mélior, on constate que l'impératrice de Constantinople n'est ni tout à fait humaine, ni tout à fait fée.

S'il est si difficile d'établir avec certitude l'origine des noms de la fée Mélior et de ses semblables, c'est surtout parce que les auteurs du XIIe siècle voulaient sauvegarder une matière de Bretagne riche et déjà partiellement oubliée. Ces héritages bretons leur étaient parvenus majoritairement de manière orale, ce qui explique certains mystères. Les mêmes interrogations se posent au sujet d'une autre fée tutélaire, Mélusine. On attribue parfois la déformation du prénom à cause de «Lusignan» (famille du Poitou qui aurait servit à nommer des villages, des cours d'eau, etc., par exemple comme à Lézignan-Corbières, Lusigny-d'Or ou Lusigny-sur-Ouche). D'autres fois, elle serait due à «Mère Luisant», «Mère Lusine» ou bien à «Mélissa», un des surnoms de Diane-Artémis. Quoi qu'il en soit, les fées Mélusine et Mélior ont en commun la première syllabe de leur prénom. Lorsqu'il est question de Mélusine, il a peut-être trouvé son sens avec la théorie de Claude Lecouteux. Selon lui, le château de Lusignan est situé près de Melle-sur-Belonne, ville appelée «Metallum» par les Romains de l'Antiquité. Fidèle à l'image de la bâtisseuse Mélusine, «cette petite ville a encore de nos jours une vocation industrielle en plein coeur d'un pays agricole6(*)». Cette théorie va encore plus loin : on attribuerait une parenté entre la fée du Poitou et Kékrops, fondateur d'Athènes et dont le symbole est un serpent. Il est possible que le «Melle» à Mélusine le soit aussi pour Mélior. On peut donc dire que Mélior porte un prénom qui se rapproche à différents niveaux de celui de ses semblables, Mélusine et Morgane, mais que ce nom qui la désigne possède néanmoins des caractéristiques qui s'apparentent aussi aux êtres humains. Ces fées, qui ont marqué l'imaginaire médiéval, ont également autre chose en commun : une superbe apparence physique.

Mélior est dotée d'une beauté exceptionnelle. Cependant, cette apparence possédant les plus hautes qualités ne peut pas être dévoilée à Partonopeu. Les éditeurs Collet et Joris, dans l'introduction au roman, font d'ailleurs référence à l'apparence de la fée / femme : Mélior est à l'image de Partonopeu de Blois, car ce texte a longtemps été en marge de la littérature médiévale, se soustrayant à la vue du public comme l'héroïne à son amant avant de nous révéler sa beauté. Ainsi, Mélior le somme formellement de ne pas tenter de la voir, sinon elle perdra tout et lui de même. C'est néanmoins ce qui se passe après que le héros se soit muni d'une lanterne donnée par sa mère :

Le covertor a lonc jeté,

Si l'a veüe od la clarté

De la lanterne qu'il tenoit.

Mirer le puet et veoir bien

Q'ainc ne vit mais tant bele rien.7(*).

Sans même la voir lors de leur première rencontre, alors qu'il s'est couché dans le lit de la dame sans le savoir et avant que celle-ci ne l'aie découvert, Partonopeu imagine Mélior très belle (p. 129). En effet, la beauté de la fée répond tout à fait aux canons esthétiques de l'époque. Cela la rapproche davantage d'une humaine que d'une fée. Malgré tout, comme le souligne Alfred Maury, une beauté qualifiée de «merveilleuse» est généralement un attribut des fées8(*). Bien que sa beauté soit rayonnante, elle n'est pas dénuée de réalisme. À l'approche de son mariage, Mélior se pare magnifiquement pour célébrer l'occasion. Une longue description en fait état, de même que pour les autres dames. Il est dit que les dames mirent longtemps à étudier leurs tenues, ce qui est tout à fait propre à une femme qui va se marier de même qu'aux invités. L'humanisation de la fée se fait sentir du fait que les dames et Mélior mettent beaucoup d'effort à se vêtir de la meilleure manière qui soit. Ainsi, les habits de Mélior auraient tout aussi bien pu être ceux d'une femme humaine de l'époque médiévale, n'étant pas décrite comme une fée. Certes, il est dit dans le texte qu'elle est plus belle que toutes les autres, mais cela peut s'expliquer par son mariage et non pas seulement par le fait qu'elle soit une fée. Les vêtements n'ont rien du caractère merveilleux du Moyen âge en soi :

Bien fu vestue Melior

De siglaton a cercle d'or.

Par roies entor les aigleaus

Fu trestos parés li maneaus

De pieres de pluisors manieres,

Molt presiosses et molt chieres.9(*).

Cependant, douze vers plus loin, un renseignement laisse penser que l'auteur ou les auteurs de l'oeuvre se sont progressivement détachés de l'idée que Mélior est une fée. Le vers 11 936 est très clair : Mélior a l'air d'une fée, mais n'en est pas une («Tant est bele, bien samble fee10(*) »). Cet indice ne passe pas inaperçu, car il survient vers la fin du roman, qui plus est au mariage du personnage, ce qui constitue l'apothéose du récit.

L'apparat de Mélior lors de son mariage évoque, tout au plus, son appartenance à la royauté, étant donné sa richesse et ses titres. Elle porte un manteau fait d'une fourrure d'un animal rare la salamandre (qui crache le feu selon les récits du Moyen âge). Néanmoins, on ne peut pas prouver que l'impératrice de Byzance soit une fée. Son habit est également composé de rubis finement taillés et alignés sur le tissu ainsi que d'un col était retenu par des lionceaux en or. Bien que ce genre de manteau coûte une fortune, à l'époque, Mélior apparaît toujours plus en tant que femme que fée. Les détails concernant sa coiffure vont dans le même sens, sinon moins, car l'ornement est plus simple. Ses cheveux sont tissés d'un fil d'or, ce qui semble plus plausible encore qu'un manteau bordé de pierres précieuses et fait d'une peau très rare. D'ailleurs, dans Érec et Énide de Chrétien de Troyes, la reine Énide fait don d'un vêtement plus somptueux encore que celui de Mélior à une pauvre fille de vavasseur11(*). Ceci prouve donc que «la fée» a belle et bien des caractéristiques humaines, car la femme de ce roman n'est jamais décrite comme étant une fée. Plus encore que le vêtement donné par Énide, celui que porte Érec à la fin du roman est merveilleusement bien fait, plus encore que celui de Mélior. On ne peut plus douter ici de la non appartenance au monde du merveilleux des personnages de ce texte de Chrétien de Troyes, car le manteau, cela est bien stipulé, a été fabriqué par quatre fées. Donc, cette spécificité marque une nette séparation entre le monde des fées et celui des humains. Malgré ces habits plus riches que celui de Mélior lors de son mariage, cette dernière est une femme très fortunée et qui possède un château majestueux.

Lorsque Partonopeu se fait conduire par la nef merveilleuse qui le dirige, il parvient, à la tombée du jour, à un palais luxueux, entouré d'une ville tout aussi belle, décrits ainsi : «C'est une vile et uns casteau / Qui molt est buens et molt est beaus12(*)». À bien des égards, la cité et le palais de Mélior appartiennent plus au monde de la féérie qu'au monde humain. L'auteur insiste sur le fait qu'il n'existe nulle part ailleurs de merveille comparable, ce qui renforce l'idée du caractère féérique de Mélior : «La veïssiés tant bele entaille, / N'a nule el monde qui miols vaille13(*)». Ce passage de l'arrivée du héros à chef d'Oire met l'accent sur le fait que Partonopeu est ébloui par tant de beautés. Le palais qu'il a devant les yeux sort de l'ordinaire par rapport à toutes les autres constructions. Cela le rapproche du féérique, mais ne le rejoint pas tout à fait : «Li palais sont tresto d'un grant ; / Ainc n'avoit veü de teus tant14(*)». Un autre exemple qui montre à quel point ce que voit le héros sort de l'ordinaire survient des vers 860 à 862. Dans ceux-ci, le narrateur lui-même dit que la tâche est ardue pour décrire les lieux, en parlant à la première personne du singulier. Il s'exprime alors avec beaucoup de dynamisme :

Que nel tenissiés a falue ;

Mais nus ne set tant de favele

Qui pardesist con ele est bele.

(...)

Ne cherriés por nule rien

La mervelle ne le grant bien

Que de ceste cité vos cant; 15(*).

Plus loin, le texte est encore plus clair concernant la nature magique des splendeurs qui s'offrent aux yeux de Partonopeu. Cependant, il faut encore noter qu'il n'est pas dit explicitement que les constructions de Chef d'Oire possèdent un caractère merveilleux, car elles le «paraissent» seulement :

Tant voit li enfes grans beautés

Que molt cuide estre mesalés,

Et cuide que soit faerie

Quanqu'il voit de manadie16(*).

Tout comme c'était le cas pour les vêtements et la coiffure de Mélior, on peut dire que ses richesses font davantage d'elle une richissime aristocrate, donc humaine, qu'une fée. D'ailleurs, il est dit que la décoration du château est d'inspiration mauresque, autrement dit du monde des humains. Cependant, l'habitation de Mélior n'est pas un château normal. Partonopeu s'en rend rapidement compte. Il ne voit personne aux alentours et il n'y a aucune musique comme cela est de coutume dans ce genre d'endroit. L'éblouissement extraordinaire que procure les lieux l'en éloigne aussi d'un bâtiment normal : «Un palais i a principel, / En tot le siecle nen a tel17(*)». De même, les richesses à l'intérieur du palais sont hors norme. Ainsi, la coupe dans laquelle boit Partonopeu lors de son premier repas est décrite comme étant faite de pierres précieuses : «Li covercles est d'un rubi / [Qui bien i pert a sa mesure / Que hom ne le fist fors Nature]18(*)».

Ce que Partonopeu voit à l'intérieur du palais ne peut cependant laisser planer aucun doute sur la nature merveilleuse des lieux appartenant à Mélior. En effet, comme c'est le cas dans le film d'animation La Belle et la Bête des studios Disney, des objets sont enchantés. La première de ces manifestations merveilleuses se produit lorsque le visiteur se fait laver et essuyer les mains par des bassins et une serviette animés. Ensuite, sa table se garnit sans l'aide de personne de victuailles à la place du jeune homme et à celles qui sont vides. Partonopeu est surpris de constater qu'un cortège d'aliments passe devant lui. L'eau se verse également toute seule, de même qu'une serviette est tendue à l'invité à la fin du repas. Puis, tables et couverts disparaissent. De plus, ce sont des candélabres merveilleux qui conduisent le héros à sa chambre :

Et quant il volt aller coucier,

Les camdelarbres voit drecier

Quil vont dusque a son lit servir,

Et puis pensent del revenir.19(*).

Ces mêmes objets serviront toujours Partonopeu lorsqu'il songera à aller se coucher durant son séjour.

Une des conversations nocturnes de Partonopeu avec Mélior laisse entrevoir une autre preuve de la nature féérique de la dame. Une nuit, elle confie au jeune homme que tout Chef d'Oire a été bâti en son honneur :

Li casteaus est ci por vos fes,

Li bors et tos li beaus atrés ;

Por ço fu fais en cest bel liu

Qu'en eüssiés deduit et giu20(*).

Si l'on part du fait que Partonopeu a treize ans au moment de l'histoire et que les constructions prennent plusieurs années à se bâtir, au Moyen âge (Bas Moyens âge, pour être plus précis, car Partonopeu est le neveu de Clovis Ier, né en 465 et mort en 51121(*)) le fait semble impossible. Il relève donc de la féérie que la splendide cité de Mélior se soit construite aussi rapidement. Même si les travaux avaient commencé alors que le héros était encore un enfant, il paraît plutôt improbable qu'elle soit tombée amoureuse d'une personne aussi jeune. Le récit laisse donc entendre que la ville fût édifiée dans un temps record, impossible à réaliser sans l'aide de la magie, que possède d'ailleurs l'héroïne.

Les histoires du Moyen âge qui mettent en scène une fée reprennent, le plus souvent, l'un ou l'autre des schémas de deux des fées françaises les plus connues, soit Mélusine ou Morgane. Partonopeu de Blois emploie partiellement le schéma morganien (voir annexes III et IV). En effet, il s'agit d'une fée qui emmène l'élu de son coeur dans son monde à elle, déconnecté de celui des Hommes22(*). Dans ce cas-ci, il s'agit de Chef d'Oire, ville imaginaire du royaume de Constantinople et, dans le cas de Morgane, de l'île d'Avallon où elle entraîne Lancelot. Dans un schéma morganien, on dénote trois étapes principales. D'abord, le héros voyage jusque dans le monde de la fée. Pour cela, comme le montre l'annexe III, il l'aura préalablement rencontrée et elle lui aura offert son amour. Ensuite, le héros séjourne dans l'au-delà. Il peut y demeurer aussi longtemps qu'il respecte l'interdit, consigne présente sans exception dans les histoires de fées de l'époque médiévale. Cette période hors du monde des Hommes est due au fait que le héros en a perdu le souvenir. Finalement, le héros transgresse la prohibition, ce qui ne lui permet pas de revoir la fée. Partonopeu de Blois est un récit morganien, mais qui ne va pas jusqu'au bout : Partonopeu revoit Mélior à plusieurs reprises, subit des épreuves et le couple se marie.

Le schéma morganien implique une union qui demeurera stérile, puisque le héros meurt d'avoir transgressé la directive imposée par la fée. Dans cette optique, Partonopeu de Blois ne constitue pas un tel schéma. La fée qui y est présentée crée une grande pression de la part de l'Autre monde, dont elle fait partie. Morgue ou Morgane est donc en conflit avec le monde des humains : son seul but est de le priver de ses champions, surtout Lancelot. Elle essaie par la ruse de s'en faire aimer, ce qui échouera. Dans les romans arthuriens et autres récits de l'époque, Morgue et les autres fées, ont une nature ambiguë. Le problème se pose à propos de leur nature double quant au christianisme : «La tentative de conciliation a pris deux formes : la christianisation - la fée conserve à ce prix son caractère surnaturel - et la rationalisation - la femme fantastique devient une simple mortelle qui pratique la magie noire ou blanche23(*)». Dans le cas de Mélior, il s'agit d'un cas de rationalisation. On le constate lors de ses explications à Partonopeu quant à son cheminement intellectuel. Ce long discours survient d'ailleurs après l'ordre bafoué par le héros.

À l'inverse, le roman de Partonopeu de Blois ne fait pas partie des textes ayant un schéma mélusinien (voir annexes I et II). Bien que possédant quelques caractéristiques de ce schéma, le roman anonyme n'inclut pas la venue d'une fée dans le monde des humains. Dans le Roman de Mélusine de Jean d'Arras, Raimondin et Mélusine se rencontrent à la Fontaine de la Soif, est en présence de Palatine et Mélior, ses deux soeurs. Leur mère Présine leur a toutes jeté un sort. Comme nous le savons, l'enchantement de Mélusine est de se transformer en serpent / dragon tous les samedis. C'est à ce moment qu'elle prend son bain. Elle offre sa main et sa large dot à Raimondin, à condition qu'il respecte l'ordre de ne pas la voir lors de sa transformation. Des années plus tard, le roi ne le respecte pas et perd tout, y compris son épouse qui s'envole de la tour du château familial.

De plus, la fée Mélior est présentée de manière ambiguë... ou prudente. Pour ne pas s'attirer le mauvais oeil de l'Église, elle est une fée qui a appris ses enchantements et une chrétienne très croyante. On ne peut donc pas la classer comme une créature diabolique. Pour Alfred Maury, les figures des fées «nous apparaissent comme le dernier, le plus persistant de tous les vestiges que le paganisme a laissé empreints dans les esprits.24(*)». Il n'est donc pas étonnant d'en retrouver à de très nombreuses reprises dans les histoires médiévales et que d'établir des parallèles entre Mélior et d'autres de ses semblables soit aisé. Encore aujourd'hui, les fées sont l'emblème du paganisme vaincu par les religions, dont quelques symboles à peine subsistent dans le folklore. Cela se remarque par les noms désignant les monuments druidiques ou sur des emplacements qualifiés comme tel, car ils contiennent le mot «fée». Ces désignations proviendraient du monde celte. En effet, à l'époque où les druidesses étaient chassées par la montée du christianisme, elles se réfugiaient dans ces endroits. Tout comme cela avait été le cas avec les Parques de l'Antiquité, ces lieux ont été nommés en fonction de leur légende.

* 2 Lais féériques du XIIe et XIIIe siècles. Présentation, traduction et notes par Alexandre Micha, Paris, GF-Flammarion, 1992, 347 p.

* 3 Edmond Faral. «L'Île d'Avalon et la fée Morgane» , Mélanges Alfred Jeanroy, Genève, Droz, 1928, pp. 243-253.

* 4 Ibid., p. 251.

* 5 Jean Markale. Mélusine, Paris, Albin-Michel, 1993, p. 221.

* 6 Ibid., p. 155.

* 7 Le roman de Partonopeu de Blois. Édition, traduction et introduction de la rédaction A (Paris, Bibliothèque de l'Arsenal, 2986) et de la Continuation du récit d'après les manuscrits de Berne (Burgerbibliothek, 113) et de Tours (Bibliothèque municipale, 939) par Olivier Collet et Pierre-Marie Joris, Librairie générale française (Livre de poche. Lettres gothiques, 4569), 2005, pp. 308-310.

* 8 Alfred Maury. «Les fées au Moyen Âge» in Croyances et légendes du Moyen Âge, Genève, Slatkine, 1974, pp. 1-40.

* 9 Partonopeu de Blois, op. cit., p. 804.

* 10 Ibid., p. 806.

* 11 Chrétien de Troyes. OEuvres complètes, Paris, Gallimard, 1994, p. 40.

* 12 Partonopeu de Blois, op. cit., p. 108.

* 13 Ibid., p. 110.

* 14 Ibid., p. 112.

* 15 Ibid., p. 114.

* 16 Ibid., p. 110.

* 17 Ibid., p. 118.

* 18 Ibid., p. 122.

* 19 Ibid., p. 156.

* 20 Ibid., p. 158.

* 21 «Clovis 1er», La France pittoresque. [en ligne] [http://www.france-pittoresque.com/rois-france/clovis-Ier.htm] [4 mai 2010].

* 22 L'annexe XII, relate des étapes de l'histoire, puisqu'il s'agit d'un schéma présentant le découpage narratif en détails.

* 23 Laurence Harf-Lancner. «Fées marraines, fées amantes», Fées, elfes, dragons & autres créatures des royaumes de féerie, Paris, Hoe·beke, 2002, p. 22.

* 24 Alfred Maury. «Les fées au Moyen Âge», Croyances et légendes du Moyen Âge, Genève, Slatkine, 1974, p. 30.

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