La popularité des séries
télévisées
causera-t-elle leur fin ?
Une analyse du modèle économique des
séries télévisées par
l'étude de leur réseau et
une approche sur leurs perspectives dans un
univers digitalisé
Héléna Ly
Université Paris-Dauphine
Master 2 Management
Parcours Business Unit Management Année 2011/2012
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Mémoire de fin d'étude Sous la direction de
Jean-Marc Ayme
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Note :
Pour des raisons de confidentialité, cette version en
ligne ne contient pas les annexes, dans lesquelles les entretiens ont
été retranscrits en intégralité.
Des remarques, commentaires ? Ou simplement me contacter
? Par e-mail :
helena.ly@live.fr
Sur Linkedin :
http://www.linkedin.com/in/helenaly
Sur Viadeo :
http://www.viadeo.com/fr/profile/helena.ly
Remerciements
Une page de remerciement pour les personnes qui contribué
à la réalisation de ce mémoire. Jean-Marc Ayme pour son
encadrement et ses conseils.
Timothée pour son aide indispensable sur la
dernière ligne droite.
Lise Barembaum pour m'avoir dévoilé les secrets de
fabrication des séries.
Toutes les personnes qui ont participé à mon
étude et qui resteront anonymes :
S., S., T., N., J., M., N., pour avoir pris le temps de
répondre à mes questions dans les entretiens qualitatifs
individuels qu'ils m'ont accordé
Et les fans de séries rencontrés sur les
différents forums :
Shiriiru, bobaja77, Bistr_Yeah-Yeahiii_103, Nerzhul,
Virginie12, Nanac 103, LauraP, Jack's, LILOUDEPLUTON, Skellig, evilmy,
zaza3945, gros minette06, Slypherny, Antoon, Yumi Chan, Pdikuno, Miss-Ch, Alex
Gleek, Jeannounet, Snowglobe, Parce que je suis classeur, Camouch, Isidore
Seldon, Sawyer Forever, Dragonado, Sparky, Anthonym84, Carogne 62, DavidS,
Poupounaite, Misspagaille, Floflo
J'espère n'avoir oublié personne
Index
Remerciements 1
Introduction 6
Chapitre 1. Amour, Gloire et Trahisons
Partie 1. Séries TV : un « produit »
attractif en soi 11
A. Success Story : les trois périodes majeures de la
télévision américaine 11
1) Années 50 : le « Premier âge d'or » de
la télévision aux Etats-Unis 11
2) Années 80, le « deuxième âge d'or
» 13
3) Années 2000, un « troisième âge d'or
» ? 15
B. La série fidélise 16
1) Une structure fidélisante 16
2) Une proximité avec le public 17
3) La série en tant qu'extension de soi 19
C. La série socialise 20
1) La série en tant qu'outil d'intégration 20
2) La série dans les tribus 21
Partie 2. La télévision : un lieu
d'actions collectives traditionnel dont font partie les séries
TV 22
A. Les fondamentaux du réseau des séries
télévisées 22
1) La définition de réseau d'après l'Actor
Network Theory 22
2) Le rôle de la télévision dans le
réseau : mobilisation d'un lieu d'actions collectives
traditionnel 23
3) La chaîne : le principal centre de traduction 24
B. Première problématisation de la chaîne de
télévision : satisfaire le téléspectateur - la
production ou l'achat de la série
télévisée 24
1) La demande : la chaîne de télévision est
la première cliente de la série 25
2) Le processus de production 27
3) La série peut aussi être achetée 29
C. Deuxième problématisation de la chaîne de
télévision : satisfaire l'annonceur - la
diffusion de la série télévisée 31
1) La gestion de l'espace publicitaire 31
2) Les annonceurs : l'autre client a satisfaire 33
D. Deux problématisations interdépendantes 36
1) Quand les deux problématisations sont résolues
36
2) Si la mobilisation de la première
problématisation n'est pas suffisante pour résoudre la
deuxième 38
Partie 3. L'apparition de nouveaux actants innovants
dans un nouveau lieu d'action
collective : le digital 40
A. La naissance d'un nouveau genre d'actant : l'usager actif
40
1) Le rôle de l'usager actif dans le réseau 40
2) Les usagers actifs comme innovateurs 43
B. L'organisation des usagers actifs est sujette a controverses
44
1) La notion de controverse dans l'Actor Network Theory 44
2) Attaquer le lieu d'action collective des usagers actifs avec
les mêmes armes : les actions
digitales légales 46
3) La création d'outils pour réguler ou
empêcher les actions des usagers actifs 48
C. Bilan de la controverse digitale 50
1) L'autorité étatique peut-elle régner sur
internet ? 50
2) Sites Internet : nouveaux centres de traduction dominant ?
52
Chapitre 2. Mac Guyvers 2.0
Méthodologie 56
1) Usagers 56
2) Fournisseurs (illégaux) 57
3) Créateurs 57
4) Limites des méthodologies employées 58
Partie 1.Profil de l'usager actif et son utilisation
d'internet 59
A. Le lien entre la série et son spectateur 59
1) Sentiment « d'ailleurs » 59
2) Sentiment de proximité entre la série et son
public 59
3) Les apports personnels de la série 61
4) L'investissement personnel du public envers une série
: le fan art 61
B. Rapport social entre la série et ses spectateurs 62
1) Tantôt, la série isole 62
2) Tantôt, la série crée du lien 63
C. Un spectateur non plus fidèle, mais « addict
» 65
1) Une reconnaissance de cette addiction par les spectateurs
65
2) Une addiction a la limite de l'obsession pour certains 66
3) La fin d'une série 66
4) Pour assouvir cette addiction : détournements et
bidouillages 67
Partie 2. La diffusion illégale des séries
télévisées sur internet, un processus bien
rôdé 70
A. De la chaîne à la toile 70
1) Les plateformes de téléchargement direct et de
streaming 70
2) Le peer-to-peer 72
B. De la « VO » à la « VOSTFR » :
démocratisation du contenu 73
1) Qui est le fansubber ? 73
2) Le travail d'un fansubber 74
3) L'organisation des fansubbers 76
C. Les annuaires : l'usager n'a plus qu'à faire son
marché 81
1) Les annuaires pour les sites de streaming et de
téléchargement direct 81
2) Les annuaires pour les torrents 83
Partie 3. Légalité vs
illégalité 86
A. Perception sur les moyens légaux 86
1) La télévision 86
2) La VOD 87
3) Le DVD 88
B. Sentiments sur l'usage de moyens illégaux 89
1) Du point de vue des usagers 89
2) Du point de vue des professionnels de l'audiovisuel 91
C. Avis sur les autorités de régulation 93
D. Comment définir un système efficace 95
1) Le point de vue des usagers 95
2) Le point de vue d'une professionnelle 97
Recommandations 99
A. Construire une offre légale adaptée aux besoins
clients sur internet 99
1) Les bénéfices indispensables d'une offre
internet 99
2) Une mise à disposition rapide sur internet 99
3) La traduction des contenus : innover dans l'organisation
101
B. Système traditionnel qui doit évoluer 102
1) La télévision 102
2) Le DVD 105
3) La VOD : la tradition déguisée en
modernité ? 105
4) La surveillance 106
Conclusion 107
Bibliographie 109
Introduction
Nous, créateurs, considérons notre travail comme
de l'art, mais objectivement, c'est du commerce. Il s'agit de vendre un
produit. D'attirer le plus de monde devant la télé, pour vendre
des pubs plus chères. C'est un mélange bizarre entre l'art et le
commerce.
Shawn Ryan, créateur de The Shield et Chicago
Code
La marche a été longue. Il y a encore une
dizaine d'année en France, regarder une série
télévisée n'était pas quelque chose que l'on
avouait publiquement, en tout cas en France. Et pourtant, la série
télévisée est aujourd'hui considérée comme
un art. Parfois un art populaire, parfois un art réservé à
un public d'une certaine élite. C'est en tout cas ce qu'affirme un
article du Monde Diplomatique apparu en Juin 2011, dont le titre annonce le ton
: Séries télévisées pour public
cultivé.
Et l'on devrait se revirement de situation a la chaîne
HBO, avec ses séries Sex and the city et Les Sopranos.
Car se seraient ces séries qui auraient marqué une nouvelle
ère, celle des années 2000. Les innovations majeures dans les
programmes télévisés ont d'ailleurs été de
tout temps liées a la production américaine. C'est pourquoi une
grande partie de ce mémoire se focalisera sur le modèle
américain, qui se trouve être particulièrement riche. Mais
cela n'empêchera pas quelques comparaisons avec le système
existant en France.
La série est donc promue au rang d'oeuvre d'art. Et
pour preuve : la série télévisée est devenue un
objet d'étude académique.
A propos d'étude : qu'est-ce qu'une série ?
Reprenons la définition de Wikipedia : « Une série
télévisée (en abrégé « série ~,
ou familièrement « série télé ~) est une
oeuvre de fiction télévisuelle qui se déroule en plusieurs
parties d'une durée généralement équivalente,
appelées « épisodes ~. Le lien entre les épisodes
peut être l'histoire, les personnages ou le thème de la
série. Elle se distingue du téléfilm qui est une oeuvre de
fiction télévisuelle unitaire ou singulière. »1
Et la série est devenue un objet d'étude pour la
maison d'édition Presses Universitaires de France, qui a inauguré
cette année sa première collection dédiée aux
séries télévisées avec des ouvrages
consacrés à Desperate Housewives (Virginie Marcucci), aux Experts
(Gérard Wajcman), à The Practice (Nathalie Perreur), à 24
heures chrono (Jean-Baptiste Jeangène Vilmer), à Six Feet Under
(Tristan Garcia) et à Grey's Anatomy (Laurent Jullier et Barbara
Laborde).
Dans le même temps, l'Université de Rouen organise
son propre colloque de quatre jours spécifiquement dédié
aux séries.
1
http://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%A9riet%C3%A9l%C3%A9vis%C3%A9e
Et il y aurait, en 2011, une soixantaine de thèses sur
les séries en cours d'écriture en France2. La
série est donc une discipline à part entière qui fascine,
car elle a su capter une large audience.
Cet engouement est certainement lié au deuxième
visage assumé de la série : un produit commercial.
La série est commerciale car elle doit attirer le plus
grand nombre, pour ensuite vendre de la publicité. Et la série
plaît au point que l'on parle aujourd'hui de sériephilie. A ce
propos, le sociologue Jean-Pierre Esquenazi se pose même cette question :
Les séries télévisées : l'avenir du
cinéma ? (2010, Armand Colin).
L'affection pour une série étant
désormais affichée, le public n'hésite plus a parler de
séries avec son entourage. Certains se considèrent même
comme (( Series Addict ». Comme son nom l'indique, le series
addict, ne peut plus se passer de sa série
préférée (généralement américaine) ;
c'est-à-dire qu'il ne peut pas se permettre de rater un seul
épisode, et l'attente de la saison suivante est pour lui infernale.
Mais c'est précisément cette addiction qui risque
d'annuler la fonction commerciale de la série.
En effet, le series addict, surtout quand il n'est
pas américain, ne veut plus dépendre de son (( dealeur » :
sa télévision.
Car dépendre de sa télévision est un
état particulièrement contraignant, puisque la
télévision force à être présent, à
heure fixe, devant son poste. Et le moindre empêchement risque de faire
rater un épisode, ce qui est inadmissible.
Autre contrainte, pour un spectateur français, la
série regardée est généralement américaine.
Mais entre la date de la première diffusion américaine et la date
de première diffusion française à la
télévision, il s'écoule parfois un an, parfois plus. Et
pendant ce laps de temps, les séries américaines sont
déjà disponibles en ligne... Il est donc difficile pour le series
addict de ne pas succomber à la tentation !
Et pourtant, il ne se rend pas compte qu'en regardant ses
séries préférées de cette façon, il
contribue à lui diminuer son audience télévisée. Et
cette diminution enlève un gain potentiel a la chaîne de
télévision. Ce revenu en moins risque d'être aussi un
revenu en moins pour le producteur de la série. Et il est possible que
cela ait, en bout de chaîne, des conséquences graves sur les
séries elles-mêmes.
Mais cet enchaînement n'est pas évident, ce qui nous
mène a traiter la problématique suivante dans ce mémoire :
la popularité des séries télévisées
causera-t-elle leur fin ?
Chapitre 1
Dans le premier chapitre de ce mémoire, intitulé
(( Amour, gloire et trahisons », consacré à la revue de
littérature, on tentera d'expliquer l'émergence de ce paradoxe.
On verra alors comment, du point de vue des chaînes de
télévision, les points forts commerciaux des séries, sont
devenus des points faibles commerciaux a l'ère de l'Internet.
Pour cela, on développera notre raisonnement autour de
trois parties.
2 Olivier Joyard, Series Addict, Canal Plus,
première diffusion 30 novembre 2011
La première partie sera consacrée à la
série elle-même, en tant que produit attractif, aussi bien du
point de vue du client que du point de vue de la chaîne de
télévision.
Cette partie permettra de savoir quelles sont les trois
périodes phares de la télévision, et les
éléments ayant contribué à son succès. Pour
reconstituer cette épopée, on se basera essentiellement sur le
livre Les séries télé pour les nuls, de
l'historienne Marjolaine Boutet. Par la suite, on tentera de se mettre à
la place des téléspectateurs, et de comprendre pourquoi les
séries télévisées fidélisent. Pour cela, on
se basera principalement sur les ouvrages des sociologues Jean-Pierre
Esquenazi, Les séries télévisées : l'avenir du
cinéma ? et de Dominique Pasquier, La culture des sentiments.
L'expérience télévisuelle des adolescents.
Pour clôturer cette partie, on verra que la série
détient aussi une fonction de socialisation, car elle devient un objet
fédérateur. Pour cette étude, on se basera sur les
mêmes ouvrages cités précédemment de Jean-Pierre
Esquenazi et Dominique Pasquier.
Dans la deuxième partie de la revue de
littérature, on se consacrera a l'étude du réseau ((
traditionnel » des séries télévisées. La
notion de réseau sera celle décrite par les auteurs de l'Actor
Network Theory (ANT).
Dans un premier temps, on expliquera quels sont les
fondamentaux du réseau. On définira donc ce qu'est un
réseau, et en quoi peut s'appliquer cette notion pour les chaînes
de télévision. Pour cela, on fera appelle a l'ouvrage Les
Nouvelles approches sociologiques des organisations (de Henri Amblard,
Philippe Bernoux, Gilles Herreros, Yves-Frédéric Luvian,
pp.127-140) et a l'article Sociologie de l'acteur réseau (Michel
Callon).
Puis, on décrira le réseau lui-même, sous
la tutelle de deux problématisations. La première est la
satisfaction client. La seconde est la satisfaction des annonceurs. Pour cette
description, on continuera a se baser sur les notions de l'ANT expliquée
par Michel Callon dans l'article cité plus haut, et l'on s'aidera de
l'ouvrage de Marjolaine Boutet, déjà utilisé en
première partie, ainsi que de La Télévision pour les
nuls, de Marie Lherault et François Tron. En complément, on
se référera au dossier La diffusion de la fiction à la
télévision en 2011, publié par le CNC, ainsi
d'articles de presse.
Enfin, la troisième partie sera consacrée a
l'émergence d'un nouveau réseau digital.
On étudiera d'abord l'émergence des nouveaux
actants formant ce réseau, les raisons de cette émergence, et en
quoi ils sont innovants. Pour cette étude, l'article Les
utilisateurs, acteurs de l'innovation, de Madeleine Akrich, sera une
référence essentielle, complété par des articles
des presses.
Puis on verra en quoi cette évolution du réseau
est sujette à controverse, et comment cette controverse change le
comportement des actants. Cette analyse sera principalement basée sur
l'étude d'article de presse.
Pour finir, on fera un bilan de cette controverse, selon les
informations données par des articles de presse.
Chapitre 2
Le deuxième chapitre, intitulé (( Mac Guyvers
2.0 », aura pour but d'approfondir la dernière partie du premier
chapitre. En effet, l'offre illégale de séries
télévisées sur internet étant un
phénomène encore récent, et il existe peu de
littérature à ce sujet.
C'est pourquoi dans ce chapitre, la problématique a
été recentrée sur le sujet suivant : pourquoi l'offre
illégale de séries télévisées est-elle
généralisée aussi librement, alors que la loi l'interdit
?
Pour cela, une recherche a été menée,
basée sur deux méthodologies.
L'une, consiste en des entretiens qualitatifs en groupe,
menés sur des forums, et individuels, réalisés en face
à face.
L'autre, historique, consiste en l'analyse de sites internet,
forums et blogs.
La combinaison de ces deux méthodologies permettra de
répondre à la problématique de recherche posée
autour de trois axes d'étude.
Avant tout, il est nécessaire de connaître l'usager
actif décrit dans la revue de littérature, et de définir
son utilisation d'internet.
Et si l'usager arrive a se procurer ses séries
télévisées de façon illégale, c'est parce
qu'il existe derrière un réseau organisé pour
répondre a son besoin. L'étude de cette organisation permettra
alors de comprendre le degré de facilité d'accès a divers
contenus audiovisuels. Enfin, la troisième partie permettra de comparer
l'impression que les usagers ont de l'offre légale, comparée a
l'offre illégale, ce qui permettra de comprendre pourquoi ils se
permettent de braver l'interdit, et ce que serait, selon eux, une offre
adaptée.
Chapitre 1
Revue de littérature
Amour, gloire et trahisons
Comment les points forts commerciaux des séries sont
devenus des points faibles commerciaux pour les chaînes de
télévision, a l'ère de l'Internet ?
Partie 1
Séries TV : un « produit » attractif
en soi
A. Success Story : les trois périodes majeures de la
télévision américaine
1) Années 50 : le « Premier âge d'or
» de la télévision aux Etats-Unis
a) La télévision, un équipement
courant
Les années 1950 sont un tournant dans l'histoire de la
télévision, avec un taux d'équipement des ménages
qui explose aux Etats-Unis. En effet, en 1949, il n'y a encore que 2% des
foyers américains qui possèdent une télévision,
mais en 1956, ils sont déjà 70% à être
équipés3.
Et pendant ce temps, l'Europe ne compte que 5 millions de
postes au total. Cette nette avance des Etats-Unis en équipement de
téléviseurs peut donc expliquer le fait que ce pays sera le
berceau de la production télévisuelle.
Fait intéressant, dès ces
années-là, les Américains passent quatre heures en moyenne
par jour devant leur poste de télévision. Ce divertissement
s'avère être déjà un phénomène de
société !
Cette technologie encore nouvelle va alors s'inspirer du
modèle radiophonique, mais va aussi faire preuve d'innovations pour
créer son propres modèle. La télévision s'apparente
donc à un grand laboratoire. Pour cette raison, cette décennie de
bouillonnements créatifs de la télévision est
qualifiée, par les historiens, de « Premier âge d'or de la
télévision » où naîtront ce que l'on peut
qualifier de « grands classiques ».
b) Un modèle inspiré de la
radio
L'organisation de la diffusion télévisuelle est
calquée sur celle de la radio, et les grands réseaux historiques
radiophoniques deviennent les quatre premières chaînes
américaines, dites « Networks » : NBC, CBS, ABC et DuMont (la
dernière ayant fait faillite).
Définition de Network
« Un Network est une chaîne hertzienne
privée américaine, que tout Américain peut capter
gratuitement sur son poste de télévision. Ces networks sont
entièrement financés par la publicité, qu'ils diffusent
abondamment. »4
|
3 Les séries télé pour les nuls,
Marjolaine Boutet, Editions Générales First 2009
4 Les séries télé pour les nuls,
Marjolaine Boutet, Editions Générales First 2009, p.12
Il existe cinq networks aujourd'hui aux Etats-Unis. En plus des
trois chaînes historiques évoquées plus haut, Fox et CW
sont créés respectivement en 1986 et en 2006.
Les Networks sont aussi contraints de suivre les règles
de la Federal Communications Commission (FCC), qui est l'équivalent, aux
Etats-Unis, du CSA en France. En bref ces règles comprennent
l'interdiction de diffuser des gros mots, et certaines parties du corps des
acteurs, pouvant heurter la sensibilité du public, ne peuvent être
révélées en intégralité (seins, fesses,
sexes), etc.
De même, les grilles de programme de ces networks sont
inspirées de la radio. Ainsi, programmes et heures de diffusion sont
similaires. La programmation de jour, destinée aux femmes foyer se veut
légère et peu exigeante ; à 18h démarrent les
informations ; et à 20h (heure de « prime time ») est
diffusé le programme de meilleure qualité, pouvant être une
fiction ou une rencontre sportive.
Comme à la radio, ces programmes sont entrecoupés
par des annonces publicitaires.
c) L'apparition des séries
télévisées
A leurs débuts, les programmes familiaux
télévisés s'inscrivent dans la tradition du spectacle de
vaudeville, et sont faits pour plaire aux familles de classe moyenne
américaines.
« Les américains nomment « vaudeville ))
[...] un spectacle composé de séquences courtes et diverses : au
jongleur succède au chanteur, puis viennent des dresseurs d'animaux ou
comiques » p.155
La première star de ce type de programme est Milton Berle,
animant l'émission Texaco Star Theater.
Néanmoins, les familles se lassent du style et
réclament des programmes où serait intégrée une
continuité narrative. Apparaissent alors les premières sitcoms
familiales, une sitcom étant une série comique tournée en
studio, devant un public, et avec trois caméras fixes.
Les problématiques rencontrées par ces familles
étant proches du vécu quotidien des familles spectatrices,
l'audience est conquise.
The Ruggles est une des premières sitcoms.
Elle apparaît en 1949. Le modèle de tournage de cette série
est encore calqué sur le modèle radiophonique et
théâtral, puisque la sitcom est tournée en public et
diffusée en direct. The Ruggles n'exploite donc pas encore
toutes les possibilités techniques qu'offre la télévision,
notamment la possibilité d'enregistrer et de retransmettre en
différé. De plus, les scripts étaient écrits au
jour le jour. Pour cette raison, ce modèle était
particulièrement complexe à maintenir. Malgré cela,
The Ruggles a réussi à se maintenir pendant trois
saisons.
Cela mène à une nouvelle évolution du
genre, avec la création de I love Lucy en 1951, qui est la
première sitcom enregistrée au préalable de l'histoire. I
love Lucy est en fait la transposition du programme radiophonique My
favorite husband, transmis par CBS, à la télévision.
Les épisodes sont ainsi écrits et tournés en amont,
allégeant la pression que l'on
5 Les séries télévisées :
l'avenir du cinéma ?, Jean-Pierre Esquenazi , 2010, Armand Colin
retrouve sur les tournages en direct, mais garde le traditionnel
tournage en présence d'un public, pour garder la sensation de direct.
Le modèle de la série à suspens fera
aussi son apparition, avec Alfred Hitchcock Presents. Elle est
qualifiée d' « anthologie » : les épisodes ne se
suivent pas, et elle ne porte aucun personnage récurrent. La ligne
conductrice de cette série sera l'intervention d'Alfred Hitchcock au
début et à la fin de chaque émission.
Notons que, dès ses débuts, la
télévision fait appel à des professionnels du
théâtre, du cinéma, de la radio et de la
littérature. Cela a donc pour effet de favoriser la naissance de
programmes de qualité, qui réussissent à tenir en haleine
son public. Les méthodes d'écriture en groupe par les
scénaristes font d'ailleurs leur apparition dès ces
années-là.
Un autre genre, très plébiscité au
cinéma, fait aussi son arrivé sur le petit écran : celui
du western. D'autant que, comme pour le Cinéma, Hollywood est l'endroit
oü sont tournées les séries, une situation
géographique qui permet de réutiliser facilement les
décors. Ces séries Western ont d'ailleurs fait connaître
des grands noms du cinéma : Rawhide révèle Clint
Eastwood, tandis que Wanted dead or alive [Au nom de la loi]
fait découvrir Steve MC Queen auprès du public.
Enfin, le fantastique est le dernier genre à
naître à la télévision. Parmi les grandes
séries de ce genre, on citera la naissance de La quatrième
dimension. Cette dernière sera le fruit d'un fin travail d'auteurs
; l'un d'eux étant Rod Sterling, qui plus tard sera, notamment,
scénariste pour La planète des singes.
2) Années 80, le « deuxième
âge d'or »
a) Une décennie qui change le paysage
télévisuel du fait de ses innovations
Les années 80 donnent naissance à ce qui est
désigné par les historiens comme le « deuxième
âge d'or » de la télévision. Cette période
correspond à l'expansion de trois innovations techniques majeures.
La première révolution est celle l'expansion de
la télévision par le câble. Ainsi, aux EtatsUnis, un foyer
sur cinq est équipé du câble en 1980, un sur deux en 1985,
et ils sont presque 90% au début des années 906.
Cette multiplication des chaînes favorise la
généralisation de la télécommande, qui prend tout
son sens pour l'américain bénéficiant du câble,
puisqu'il a désormais accès a entre 12 et 50 chaînes de
télévision (Jacques Mousseau, 1985)7. D'autant que la
télécommande fonctionne désormais a infrarouge, ce qui
est, techniquement, le format qu'elle possède encore aujourd'hui. Par
ailleurs, elle est aussi systématiquement vendue de pair avec les
téléviseurs.
6 Les séries télé pour les nuls,
Marjolaine Boutet, Editions Générales First 2009
7 Mousseau Jacques. La télévision aux USA. In:
Communication et langages. N°63, 1er trimestre 1985. pp. 99- 117. doi :
10.3406/colan.1985.1667 url :
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/colan_0336-1500_1985_num_63_1_1667
Consulté le 26 août 2012
Enfin, a cela vient s'ajouter l'innovation phare des
années 1980, qui est celle du magnétoscope. Car, bien qu'existant
depuis les années 1970, c'est pendant cette décennie qu'il se
démocratise et prolifère, surtout avec l'invention de la VHS, qui
deviendra la norme des cassettes par la suite.
Cette triplette d'innovation, dont on notera la synergie,
contribue a ce qu'on pourrait appeler une « libération » du
téléspectateur, qui a désormais un éventail de
choix de programmes agrandi, la possibilité de passer d'une chaîne
a l'autre très facilement, mais aussi de ne pas avoir à choisir
entre deux programmes diffusés en simultané sur deux
chaînes différentes, puisqu'il pourra en regarder un, pendant que
l'autre sera enregistré et regardé plus tard.
Démographiquement, il faut aussi souligner que le
téléspectateur n'est plus le même, puisqu'il a toujours
connu la télévision, et est devenu, par conséquent,
particulièrement exigeant.
Aux Etats-Unis le public que se partageaient jusqu'à
alors les trois networks historiques est donc fortement dilué, du fait
de la féroce concurrence, et devient difficile, ce qui s'accompagne
d'une chute des recettes publicitaires.
C'est pourquoi les chaînes, pour être
compétitives, devront faire preuve de créativité pour
proposer des programmes suffisamment attractifs pour capturer leur audimat.
C'est ainsi que de nouvelles façons d'écrire les séries
sont inventées.
b) Dallas, symbole de la réinvention des
séries
Pour captiver l'attention du spectateur libre et ennuyé,
la série passe un nouveau cap, dont le symbole sera la série
Dallas.
Dallas innove tout d'abord dans son format. Pour la
première fois, on propose au téléspectateur une
série dont les épisodes se suivent de façon hebdomadaire.
Car jusque-là, si les épisodes devaient se suivre, ils devaient
être diffusés de façon quotidienne.
C'est grâce à ce nouveau format que les
scénaristes américains acquièrent une parfaite
maîtrise du « cliffhanger ». Le cliffhanger est «
une scène située a la fin d'un épisode et dans laquelle
les personnages restent en suspens [...]. Le season finale [NB :
dernier épisode de la saison] des séries feuilletons se
clôt souvent sur un cliffhanger pour s'assurer le retour des
spectateurs au début de la saison suivante. »8.
C'est aussi la première série dont le personnage
principal (JR), n'est pas un modèle de virtuosité, bien au
contraire.
Dallas va aussi montrer a quel point les scénaristes
d'une série peuvent s'adapter a l'audience. En effet, la fin de la
saison 7 signe la mort d'un des personnages principaux de la série,
Bobby (la face vertueuse de la série). Or, cette mort a
été particulièrement mal accueillie par le public, et la
saison 8 est celle des mauvais scores d'audience pour la série. C'est
ainsi que les scénaristes décident de révéler au
public, que toute la saison 8 n'était qu'un rêve de la femme de
Bobby. Et la saison 9 pourra alors reprendre son cours normal et son audience
normale, avec Bobby.
8 Les séries télé pour les nuls,
Marjolaine Boutet, Editions Générales First 2009, p.327
c) L' « Ensemble show », l'autre innovation de
format
Dans ce deuxième âge d'or, les scénaristes
inventent un autre nouveau format, qui est celui d' « Ensemble show
». Ce genre de série n'est pas focalisé sur un personnage en
particulier, mais sur un groupe de personnages, d'importance égale ;
chacun n'étant pas obligatoirement présent à chaque
épisode. Ainsi, une ligne narrative est consacrée à chaque
personnage, lignes qui s'entrecroisent.
Hill street blues est un modèle de cette nouvelle
formule.
3) Années 2000, un « troisième
âge d'or » ?
Les chaînes câblées commencent elles-aussi
à diffuser des séries à partir des années 1990.
Mais c'est surtout durant la décennie suivante que ces chaînes
produiront des séries de façon régulière. La
pionnière en la matière sera la chaîne HBO, suivie de
très près par Showtime, entre autres.
Ce qui marque le style de ces nouvelles séries «
câblées ~, c'est le « politiquement incorrect » (M.
Boutet, 2009), faisant naître des « séries
télévisées pour public cultivé », si l'on
reprend le titre d'un article du Monde Diplomatique à propos des
séries des chaînes câblées9.
Quelles sont ces séries souvent qualifiées de chefs
d'oeuvre ? Citons-en quelques-unes.
HBO a notamment produit The Sopranos (qui raconte le
quotidien d'un parrain de la mafia), Six feet under (portrait
empathique d'une famille de croque-morts), sans oublier The Wire
(l'évolution de policiers et criminels, décrite dans un
environnement réaliste), cette dernière ayant même
été utilisée comme un outil pédagogique à
Harvard pour un cours sur les inégalités sociale, et à
l'Université de Nanterre, qui a consacré un séminaire
dédié à cette série du 13 janvier au 1er
juin 2012.
Showtime, quant à elle, donne la parole aux homosexuels
dans The L world et Queer as folk. Mais elle va aussi
décrire de manière empathique la vie de criminels, en en faisant
des héros sympathiques et courageux, avec Weeds (dont le
personnage principal est une dealeuse de drogue) et Dexter (dont le
héros est un tueur en série).
Les chaînes câblées osent créer ces
séries « politiquement incorrectes » pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, elles sont plus libres dans leur écriture, du fait
qu'elles ne subissent pas la même régulation que les networks de
la part de la FCC. Ensuite, le public des chaîne n'est pas le même,
puisqu'il est généralement de catégories
socio-professionnelles supérieures, pouvant s'offrir le câble. Les
chaînes peuvent donc offrir un contenu « premium » plus
ciblé.
Pour produire ce contenu de haute qualité, les
chaînes font des investissements élevés dans la production.
Ainsi, HBO aurait déboursé environ 4,5 millions de dollars par
épisode pour sa série « Deadwood », alors que, à
titre de comparaison, un épisode de Lost produit par ABC ne
coûtait « que » 2,5 millions de dollars à produire.
9 Séries télévisées pour public
cultivé, Dominique Pinsolle et Arnaud Rindel, Le Monde diplomatique juin
2011
Ces programmes de haute qualité ayant été
particulièrement bien reçus par le public et par les critiques,
cela a influencé les networks. Le fameux (( politiquement incorrect
» est alors aussi devenu la règle pour les networks, dans la mesure
du possible.
Dans cet esprit sont apparues les fameuses séries
Dr House (tournant autour d'un anti-héros cynique) et
Desperate Housewives (critique de la vie en apparence parfaite des
femmes au foyer des banlieues chics).
Ce fort développement de la série de qualité
a mené la presse à qualifier cette décennie de (( mini
âge d'or télévisuel »10.
B. La série fidélise
L'intérêt pour les chaînes de diffuser une
série au lieu d'une fiction dite « unitaire ~ (c'est-àdire
un téléfilm) est de pouvoir fidéliser son
téléspectateur. En effet, quand l'unitaire doit reséduire
à nouveau le spectateur lors d'une nouvelle diffusion, la série,
elle, n'a besoin de séduire qu'une fois son public, qui reviendra huit
semaines d'affilées.
Mais pourquoi, justement, la série fidélise-t-elle
le spectateur ?
1) Une structure fidélisante
a) Dans la narration
Aujourd'hui, on ne différencie plus le feuilleton de la
série, car le terme « série » est devenu
générique et englobe toutes les fictions sérielles. Cette
différenciation n'a plus lieu d'exister car les séries ne suivent
presque plus de structure (( bouclée ~, c'est-à-dire dont
l'intrigue démarre au début de l'épisode et se termine a
la fin de l'épisode.
Les séries comportent généralement,
aujourd'hui, un minimum de procédé (( feuilletonnant »,
inséré dans une structure (( modulaire ». Dans ce type de
structure, une ligne narrative secondaire est insérée dans
l'histoire, qui sera à suivre sur plusieurs épisodes (un (( arc
narratif »), en complément de la ligne narrative principale de
l'épisode qui débutera et se terminera pendant
l'épisode.
Pour illustrer cela, prenons l'exemple de Desperate
Housewives. A chaque épisode démarre une ou plusieurs
intrigues qui seront résolues a la fin de l'épisode. D'autres
courront sur plusieurs épisodes. Mais pour faire le lien entre tous les
épisodes, à chaque saison règne un mystère
principal, qui démarrera au début de la saison, et se terminera
seulement à la fin de la saison.
Ce procédé permet au spectateur à la fois
de suivre une histoire finie et structurée sur un épisode pour ne
pas trop le frustrer, mais aussi de le faire revenir sur l'épisode
suivant pour résoudre les questions non résolues et satisfaire sa
curiosité.
Et pour ne pas prendre le risque de perdre le spectateur dans
cette marre d'informations, chaque épisode est introduit par un ((
Previously on ... ~ récapitulant l'essentiel de ce qu'il faut savoir des
épisodes précédents pour comprendre l'épisode qui
va suivre.
10 Séries télévisées pour public
cultivé, Dominique Pinsolle et Arnaud Rindel, Le Monde diplomatique juin
2011
b) Dans le générique
Le générique est la base commune de tous les
épisodes d'une série. Il présente les personnes qui
travaillent sur la série (acteurs, producteur, réalisateur...),
et l'atmosphère de la série, sur un fond sonore, qui deviendra un
élément de reconnaissance. Le générique permet de
construire l'identité d'une série.
Il a tendance à se raccourcir, jusqu'à parfois
devenir un simple panneau avec le nom de la série, permettant de laisser
plus de place à la narration. Cette tendance est inversée pour
les génériques de séries des chaînes
câblées, qui sont longs, et sont parfois de véritables
courtmétrages, a l'instar du générique de Dexter,
décrivant les gestes, pourtant simples, de la routine matinale du tueur
en série d'une façon répulsive.
Le générique permet au spectateur d'identifier la
série immédiatement, et le générique s'entend comme
un signal.
On peut associer l'exercice du générique a
l'expérience de Pavlov consistant a associer un stimulus
conditionné (le son d'une cloche) à un stimulus non
conditionné (le morceau de viande pour le chien) pour une même
réponse comportementale (la salive du chien).
La série suit le même procédé : le
générique (stimulus non conditionné) est associé
à chaque épisode (stimulus conditionné). Dès lors,
la réponse du spectateur à ce signal est une réponse
affective à la production de ce son.
Ariane Hudelet-Dubreil, dans un exposé dans le cadre du
festival Séries Mania, compare cette réponse positive au
générique à la madeleine de Proust. En entendant le
générique on éprouve le sentiment de joie des
retrouvailles.
2) Une proximité avec le public
a) L'attachement aux personnages
L'attachement aux personnages de séries est une des
raisons pour laquelle les spectateurs restent fidèles à leur
poste. Le spectateur étant absorbés par les aventures
traversées par les personnages d'une série, il se sent alors
affecté émotionnellement par ce qu'il voit, ce qui le lie aux
personnages.
Une étude réalisée par Dominique Pasquier
illustre très bien cet attachement aux personnages dans La culture
des sentiments. L'expérience télévisuelle des
adolescents. Pour mener son analyse, l'auteure a étudié les
lettres de fans d'Hélène et les garcons envoyées
à la production.
Dominique Pasquier nous explique que les fans
différencient bien le personnage de fiction de l'acteur. Ceci
n'empêche pas les fans d'exprimer, dans leur courrier, a la fois leurs
sentiments par rapport a ce qu'il se passe dans la série. Ces sentiments
peuvent être positifs ou négatifs.
Ainsi, une fan écrit « Il faut admettre que j'ai un
problème vraiment grave : je suis amoureuse d'un type qui n'existe
pas. Je l'ai connu il y a quelques mois et je l'ai trouvé
superbe. Je l'ai vu s'amuser, jouer de la musique, aimer,
parfois pleurer. Et après ça ? J'étais amoureuse de lui,
c'était inévitable !... Je vais lui dire que je veux le
rencontrer mais je sais que cette rencontre est une illusion elle aussi. Cet
homme n'existe pas ! Christian n'existe pas. Seulement Sébastien.»
(D. Pasquier, p. 53) à propos du personnage Christian
interprété par Sébastien Roch.
Ce sentiment d'attachement aux personnages est tel qu'il
permet aux fans de s'identifier aux personnages de la série (ici,
à Hélène) : (( Moi aussi je suis une Hélène
et les garçons. Tu as apparemment les mêmes goûts que moi.
D'après ce que j'ai lu sur toi tu aimes : les enfants (j'en garde), la
campagne (j'y habite), les animaux (je fais du cheval, j'ai un chat sauvage et
un chien). » (D. Pasquier, p. 54).
b) Une deuxième famille
J-P Esquenazi11 évoque le plaisir de
regarder la série. Il développe son analyse en s'opposant
à la thèse selon laquelle la série est un moyen d' ((
évasion », de penser à autre chose, d'échapper aux
réalités du quotidien.
Il explique alors que la régularité de la
série, qui est un élément stable dans la vie d'un
téléspectateur, contribue a l'attachement : elle revient, et on
retrouve à chaque diffusion les mêmes personnages. Pour cette
raison, on se sent proche de la série, car une familiarité se
crée.
C'est après avoir interrogés des fans de
séries qu'il se rend compte que les séries font partie de la vie
de leurs spectateurs. Les séries et leurs fans entretiennent une
relation intime.
(( Une jeune fille évoque les larmes aux yeux ses
discussions passionnées avec sa meilleure amie au sujet des
Frères Scott. Une autre me dit que lorsqu'elle a des
difficultés ou des ennuis, elle se passe des épisodes de
Friends qu'elle conserve en fond sonore. Un jeune homme me parle de sa
vie avec l'Inspecteur Colombo, une sorte de modèle pour lui qui
fait des études de droit tout en venant d'un milieu modeste. »
De même, les fans d'Hélène et les
garçons sentent qu'elles font partie de la vie des personnages, car
elles côtoient si souvent ces personnages, désormais familiers
pour elles (par la télévision et autres magazines), qu'elles ont
l'impression de les connaître, d'être amies avec eux.
(( Si tu as besoin de parler a quelqu'un je suis là.
Sache que je serai toujours là, quoiqu'il puisse arriver. Tu as su me
donner un coin de paradis lorsque j'en avais besoin, alors à mon tour de
te donner toute ma force par la pensée. Tu peux compter sur moi. Si tu
as un problème, n'hésite pas a m'en parler, je suis là a
tes côtés. Je te donne une photo de moi, cela te fera un bon
souvenir. Garde cette lettre précieusement. » (p.80).
J-P Esquenazi remarque d'ailleurs que la
fidélité des fans de séries est telle qu'ils deviennent
des défenseurs, presque gardiens de la forme originelle de la
série. Alors, lorsqu'un changement dans la série se produit, et
que celui-ci ne correspond pas à la structure normale de la
série, cela peut susciter de vives réactions de la part des fans,
parfois avec
11 Les séries télévisées :
l'avenir du cinéma ?, Jean-Pierre Esquenazi, 2010, Armand Colin
haine envers les scénaristes. Ce changement inacceptable
peut être un changement d'acteur ou la mort d'un personnage par
exemple.
Certains fans n'hésitent pas, d'ailleurs, a
réinventer eux-mêmes des épisodes de leur série
préférée.
Ainsi, bien qu'il semble excessif de généraliser
ces réactions fortes exprimées souvent par des adolescents, il
est tout de même intéressant de comprendre les sentiments que
peuvent générer les séries. Ces sentiments existent et ne
peuvent donc être niés, mais ils se manifestent à
différents degrés en fonction de l'implication des
spectateurs.
3) La série en tant qu'extension de soi
Les deux paragraphes précédents rappellent la
notion de comportement du consommateur qui est la notion d'extension de soi. On
développera ce paragraphe d'après l'ouvrage Comportement du
consommateur, de Denis Darpy, Dunod, 3e édition, 2012.
a) Le concept de soi
Avant de parler d'extension de soi, rappelons la
définition du concept de soi. Le concept de soi est une notion
subjective à laquelle un individu va se référer pour
modifier son comportement, ce qui peut aussi modifier son comportement de
consommation. Cette réflexion sur soi est une réflexion
dynamique.
Le concept de soi influe alors l'estime que l'on a de
soi-même. L'estime de soi représente la valeur qu'une personne a
d'elle-même. Il s'agit en fait d'une évaluation et d'un jugement
affectif que l'on a de soi-même.
L'estime de soi repose sur trois piliers :
- la confiance en soi
- la vision de soi
- l'amour de soi
Ces trois piliers sont interdépendants. En effet,
l'amour de soi permet d'entretenir le respect de soi, qui lui-même
contribue à développer une vision positive de soi, ce qui
renforce la confiance en soi.
Si l'un de ces trois piliers se fragilise, cela joue d'une
façon néfaste sur l'estime globale de soi-même.
Attardons-nous maintenant sur le développement de soi. Il
est composé de trois éléments :
- le soi réel : il s'agit de l'image que l'individu a de
lui-même dans la réalité, c'est-à-dire l'ensemble
des caractéristiques qu'un individu considère qu'il
possède
- le soi social : c'est le résultat des interactions que
l'on entretient avec son entourage, ainsi que du rôle que l'on joue dans
la société
- le soi idéal : c'est la réponse que l'on donne
à la question « comment voudrais-je être dans l'idéal
? », c'est-à-dire l'ensemble des qualités qu'un individu
souhaiterait posséder.
Dans cette théorie du concept de soi le consommateur
choisit un produit en fonction de l'image qu'il a de lui-même, et qui
serait un intermédiaire entre ce soi réel et son soi
idéal. On peut donc penser, d'après ce qui a été
observé par J-P Esquenazi et D. Pasquier, que le
téléspectateur est confronté au même choix lorsqu'il
décide de regarder telle ou telle série.
b) L'extension de soi vers les autres et les
objets
Le principe d'extension de soie vers les autres et les objets
valident l'affirmation (( je suis ce que je consomme ».
Ainsi, (( le soi étendu intègre les objets,
lieux, groupes définis comme (( miens ». Les possessions nous
servent a cultiver et développer le sens de soi et que ce dernier
s'étend a tous les objets ou êtres vivants contrôlés
ou auxquels nous sommes attachés » (Darpy, 2012,
p.4412).
Cette théorie peut s'appliquer aux séries
télévisées, en considérant que la série se
situe entre l'objet et l'être vivant. Objet car à la fois il
s'agit bel et bien d'un produit ; être vivant car la série
télévisée raconte l'histoire de personnages qui semblent
parfois réels. Objet ou êtres vivants, le résultat reste le
même, on s'y attache.
Ajoutons à cela que l'objet en tant qu'extension de soi
participe à la construction de soi. La série
télévisée devient donc un élément de
construction à la fois émotionnel et psychologique.
C. La série socialise
1) La série en tant qu'outil
d'intégration
La série télévisée est aussi un
moyen de socialisation. J-P Esquenazi évoque ce pouvoir des
séries qui créent des références communes entre
individus, qui ont un centre d'intérêt commun, des sujets de
discussion communs, ou même des façons d'agir communes en
référence à la série suivie. La série
crée du lien et devient un référent culturel.
Cet effet de socialisation est aussi étudié par
Dominique Pasquier13 chez les adolescents. On peut citer la
série, dire qu'on la regarde, ou la classer en tant que série
préférée. Elle est ensuite une référence
dans les styles vestimentaires ou dans les pratiques imitatives.
Dans une étude quantitative, Dominique Pasquier
remarque cet usage particulier des séries par les jeunes pour quatre
séries : Beverly Hills et Parker Lewis pour les jeunes
provenant d'un milieu aisé ; Le prince de Bel-Air et
Sauvés par le gong pour les jeunes d'origine
défavorisée. Cette différence provient de deux
critères. Pour que la série devienne sociale, elle doit
correspondre a l'identité que le groupe souhaite se donner, et aux
caractéristiques des personnes qui vont utiliser la série.
Dominique Pasquier explique alors ce clivage origine
aisée / origine populaire de la façon suivante : d'une part,
Beverly Hills est centrée sur les histoires
(généralement les malheurs) que rencontrent des adolescents
dont les parents sont fortunés, alors que le Prince de Bel
12 Comportement du consommateur, de Denis Darpy,
Dunod, 3e édition, 2012
13 La culture des sentiments. L'expérience
télévisuelle des adolescents, Dominique Pasquier, 1999
Air suit les aventures d'un jeune issu d'un milieu
populaire qui emménage chez son oncle riche vivant à Bel Air ;
d'autre part, Parker Lewis est une série un peu plus
sophistiquée que Sauvés par le gong, usant toute sorte
de gadgets, ce qui expliquerait la préférence des jeunes de
milieu aisée pour celle-ci.
2) La série dans les tribus
L'institut d'étude Opinion Way identifie en 2004 les
« TV addict » comme étant une tribu : (( Charmed, Buffy contre
les vampires, Smallville, Urgences, Mutant X ou encore Alias, les membres de
cette tribu aiment particulièrement les séries télé
et fictions »14.
On peut même émettre la théorie que chaque
série rassemble autour d'elle sa propre tribu.
(( La tribu est parfois en groupe primaire (des gens proches
avec qui l'individu peut (( vivre des choses ») et parfois, un groupe
d'identification (des gens avec qui l'individu n'a pas de contacts directs,
mais dont ils partagent une même passion, les mêmes centres
d'intérêt). » (Darpy, 2012, p.232).
Ce qui importe donc dans les tribus, ce sont les émotions
vécues par les membres de ladite tribu.
Les séries racontant l'histoire, et faisant vivre des
émotions, une expérience particulière, aux spectateurs qui
les regardent, il paraît donc cohérent de parler ici de tribus
lorsque l'on parle de spectateurs suivant une même série. À
noter qu'un même individu peut appartenir à plusieurs tribus.
Il existe plusieurs degrés d'intégration à
une tribu :
- l'adhérent : il participe aux activités
institutionnelles, par exemple, une association
- le participant : il participe au rassemblement de la tribu
- le pratiquant : il pratique régulièrement les
rituels et les activités de la tribu
- le sympathisant : ils partagent le même imaginaire que
celui des membres de la tribu Le membre d'une tribu peut correspondre à
un ou plusieurs de ces critères d'intégration.
On peut donc observer que la série joue le rôle de
lien entre individus. Elle ne s'adresse pas uniquement à des individus
isolés.
Ainsi les personnes appréciant une même
série peuvent se retrouver de différentes façons. La
série peut alors intervenir dans une simple conversation ; des personnes
plus fans pourront créer des blogs ou des forums dont le sujet sera
leur(s) série(s) préférée(s) ; certaines
séries pourront même donner lieu à des regroupements
physiques, voire des actions communes.
C'est le cas de la série Star Trek, autour de laquelle
il existe de nombreux blogs et forums internet, des fanzines ou fanfics sont
édités (fiction écrite par un fan autour de l'univers de
la série). La série a aussi donné naissance à une
convention officielle Star Trek annuelle où les fans se regroupent et
peuvent voir les acteurs jouant dans leur série
préférée.
14 Les tribus sous le microscope, Marketing Magazine
N°91 - 01/12/2004 - Rita Mazzoli
Partie 2
La télévision : un lieu d'actions
collectives traditionnel dont font partie les séries TV
Si les séries télévisées ont du
succès, c'est aussi parce qu'elles sont ancrées dans un
réseau où de nombreux acteurs sont appliqués. En effet,
lorsqu'un spectateur regarde une série, il ne s'agit pas en fait pas
d'un acte individuel mais d'un acte collectif, car il mobilise un réseau
entier avec lui.
Pour comprendre cette notion de réseau nous allons,
dans la suite de ce mémoire, faire appel a l'Actor Network Theory (ANT),
traduit en français de différentes façon : «
sociologie de la traduction », « sociologie de l'acteur réseau
», ou encore « théorie de l'acteur réseau ». Ce
concept à la fois anthropologique et sociologique a été
principalement développé par les chercheurs de l'école des
Mines Michel Callon, Bruno Latour et Madeleine Akrich, sans oublier John Law,
principal théoricien anglo-saxon de l'ANT.
A. Les fondamentaux du réseau des séries
télévisées
1) La définition de réseau d'après
l'Actor Network Theory
L'ANT naît lorsque des chercheurs centrent leurs
études sur l'émergence des faits scientifiques. Ces chercheurs
observent que chaque fait est ancré dans une organisation
composée d'éléments humains et d'éléments
non-humains qui interagissent entre eux, et la notion de réseau devient
clé dans cette analyse du « fait ».
« Reconstituer le réseau, c'est éviter de
découper la question en tranches, c'est chaîner toutes les
entités qui participent du problème. » 15 (p.135).
Soulignons l'intervention des éléments
non-humains, constituant toute l'originalité de cette théorie :
même des éléments techniques peuvent agir sur un
réseau. C'est pourquoi, chaque entité constituante du
réseau est nommée « actant » par Michel
Callon16. Le mot « actant » permet ainsi de ne pas
humaniser les entités étudiées du réseau, et
d'accorder une importance égale aux intervenants humains et
non-humains.
Du fait de sa forme hybride que l'on vient de décrire, le
réseau est qualifié de « sociotechnique ».
Dans ce réseau se transmettent diverses informations
(des messages, des faits, etc.) entre les différents actants. Ce sont
les « inscriptions ». Ces inscriptions sont émises par les
nombreux actants du réseau, et émergent de toute part. C'est
pourquoi, a certains points du réseau, on retrouve des « centres de
traduction ». Ces centres de traduction sont les lieux où
15 Les nouvelles approches sociologiques des
organisations, Henri Amblard, Philippe Bernoux, Gilles Herreros,
Yves-Frédéric Luvian, pp.127-140
16 Sociologie de l'acteur réseau, Michel
Callon, Sociologie de la traduction. Textes fondateurs, Presses de l'Ecole des
Mines, 16 novembre 2006
les inscriptions sont recoupées, combinées et
évaluées. Et en fonction de leur analyse, les centres prennent
des décisions stratégiques adaptées à la situation,
décisions qui mobiliseront le réseau. C'est pourquoi ils sont le
lien entre les différents actants du réseau. « De telles
actions stratégiques ne sont possibles que parce que le réseau
sociotechnique existe fournissant les lignes d'action possibles et autorisant
leur accomplissement. L'action et le réseau sont ainsi les deux faces
d'une même réalité : d'oü la notion
d'acteur-réseau. )) (p. 270)17.
2) Le rôle de la télévision dans le
réseau : mobilisation d'un lieu d'actions collectives traditionnel
Chaque fait s'inscrit donc dans un réseau. Aussi actifs
qu'ils peuvent être, les actants d'un réseau sont
généralement invisibles. On dit que cette activité
collective que constitue le réseau est mise dans une boîte
noire.
Dans le cas des séries télévisées,
l'action collective est enfermée dans la boîte noire que
représente la télévision, considéré comme un
artéfact des interactions du réseau. Pour justifier la
définition de la télévision comme un artéfact, on
reprendra la définition de l'automobile comme artéfact
d'après M. Callon « L'automobile [....] permet a tout moment de
mobiliser un grand nombre d'éléments
hétérogènes qui participent de manière active,
silencieuse et invisible au transport du conducteur )) (p.271). De la
même façon, la télévision mobilise une action
collective de façon « silencieuse et invisible )) pour divertir le
téléspectateur.
La télévision fait donc le lien entre le public
et le reste des actants du réseau. Et la télévision permet
de mettre en marche ce réseau à tout moment de la journée,
sans quoi le réseau ne pourrait survivre, car c'est son public qui
permet au flux financiers de circuler.
La télévision est aussi l'artéfact de ce
qu'on peut appeler un lieu d'actions collectives traditionnel. Car la partie du
réseau que la télévision mobilise autour d'elle a un mode
de fonctionnement qui a trouvé son modèle et qui n'évolue
presque plus. Mais on le verra en troisième partie, cette partie du
réseau dit traditionnel n'est plus seule.
Mais cela ne veut pas dire que la télévision et
le réseau qui l'accompagne n'a pas innové depuis sa
création. D'ailleurs, comme on l'a vu en première partie de ce
mémoire, ce sont les innovations apportées par cette technologie
qui marquent les deux premiers âges d'or américains de la
télévision.
En effet, le premier âge d'or correspond a la forte
hausse du taux d'équipement des ménages en
télévisions, dans les années 1950. On peut donc
corréler ce premier âge d'or a l'apparition de la
télévision elle-même.
Quant au deuxième âge d'or, on l'associe a la
création de la télécommande, du magnétoscope et du
câble, qui sont des innovations faisant suite à la
télévision, et qui connaissent une forte expansion dans les
années 1980.
Cette association du réseau à la
télévision depuis plus de soixante ans permet donc de qualifier
la télévision comme étant son artéfact
historique.
17 Sociologie de l'acteur réseau, Michel
Callon, Sociologie de la traduction. Textes fondateurs, Presses de l'Ecole des
Mines, 16 novembre 2006
3) La chaîne : le principal centre de
traduction
Dans le réseau qui se cache derrière la
télévision et lui donne naissance, un type d'actant joue un
rôle central : la chaîne de télévision. Son
rôle est clé, puisque la chaîne est le principal centre de
traduction de ce réseau, et réunit les inscriptions essentielles
de ce réseau : les programmes de télévisions (émis
par les producteurs), la publicité (proposée par les annonceurs),
les chiffres d'audience (que produisent les téléspectateurs et
qui sont communiqués par les instituts d'étude).
Callon définit la traduction en quatre phases : la
problématisation, l'intéressement, l'enrôlement, et la
mobilisation.
La traduction procédée par la chaîne
mènera ces inscriptions vers une double
problématisation18 qui influencera ses prises de
décision.
La première problématisation portera sur les
programmes qu'elle sélectionnera ou produira (parmi eux, les
séries télévisées) : quels programmes choisir
pour augmenter mon audience ? La chaîne convaincra ensuite des
producteurs de l'intérêt qu'ils ont dans cette
problématisation (phase d'intéressement), puis le producteur
s'entourera de nouveaux actants qui rejoindront à leur tour le
réseau pour répondre au besoin de la chaîne (phase
d'enrôlement).
La deuxième problématisation porte sur le
coût auquel elle vendra ses espaces publicitaires en fonction du taux
d'audience qu'elle estime : à quel taux d'audience est-ce que
j'estime ce programme, et à quel coût vendre mon espace
publicitaire associé au taux d'audience de ce programme ?
La chaîne repasse alors par les mêmes phases
précédemment évoquées. Pour la phase
d'intéressement, elle doit convaincre les agences média qu'elles
ont intérêt a acheter de l'espace publicitaire pour leurs clients,
en s'appuyant sur les chiffres d'audience. Lors de la phase d'enrôlement,
les agences média apporteront leur portefeuille de clients à la
chaîne, et travailleront en partenariat avec des instituts
d'étude.
Précisons que cette partie du réseau qui tourne
autour du centre de traduction qu'est la chaîne, est un lieu d'actions
collectives que l'on nommera traditionnel dans la suite de ce mémoire ;
de même, les actants de cette partie du réseau seront
qualifiés de traditionnels. Dans la suite de cette deuxième
partie, on décrira en détail les mécanismes mis en place
qui mobiliseront les actants traditionnels.
B. Première problématisation de la
chaîne de télévision : satisfaire le
téléspectateur - la production ou l'achat de
la série télévisée
La première problématisation de la chaîne
est d'obtenir de bons scores d'audience. Pour cela, elle doit diffuser ou
produire des programmes qui attitreront le plus grand nombre. Pour comprendre
le processus de production de programmes, on restera focalisé sur les
séries télévisées, qui sont des programmes
attractifs pour les chaînes de télévision comme le
18 METHODS FOR RE-IMAGINING SOCIAL TOOLS IN NEW
CONTEXTS Clare J. Owens, David E. Millard, Andy Stanford-Clark, University of
Southampton & IBM, UK
montre le tableau ci-dessous sur la structure des
soirées de fiction par chaîne en France. Les séries
télévisées sont donc préférées aux
fictions unitaires pour les raisons déjà
développées en première partie de ce mémoire, et
sur lesquelles on ne reviendra pas.
Figure 1 La diffusion de la fiction à la
télévision en 2011, CNC p.22
1) La demande : la chaîne de
télévision est la première cliente de la série
Dans le terme série télévisée, le
mot « télévisée » tient une place centrale. Car
comme son nom l'indique une série télévisée est
conçue spécialement pour être diffusée sur le petit
écran. Ce sont donc les chaînes de télévision qui
sont commanditaires de la série. C'est pourquoi dans l'analyse des
actants traditionnels que la télévision mobilise autour d'elle,
on commencera par l'étude des chaînes de télévision,
en tant que point de départ.
a) Formulation du besoin
Une chaîne repose sur cinq piliers permettant de
gérer son activité quotidienne : - le directeur d'antenne
- les unités artistiques de programme
- la direction de la production
- la régie de diffusion
- La programmation
Pour décrire l'organisation d'une chaîne, Marie
Lherault et François Tron (2010)19 utilisent l'image du
voilier pour métaphore.
19 L'analyse des actants traditionnels sera essentiellement
basée sur les informations fournies par l'ouvrage La
télévision pour les nuls, de Marie Lherault et François
Tron, Ed. First Gründ, 2010
« Une chaîne est un immense voilier qui se barre
à l'aide de plusieurs copilotes : des équipiers
expérimentés ayant chacun une spécialité, les
directeurs d'unités de programmes, les vigies qui étudient les
flux et du courant-direction des études et du marketing-, un bon
navigateur qui choisit les routes les plus favorables, le programmateur. La
direction de la Production s'apparente à un armateur qui contrôle
en permanence le tonnage pour prendre le meilleur vent sont trop données
de gîte. » p. 80.
Les unités artistiques de programmes sont des
équipes organisées par genre. Il y aura, par exemple, une
équipe dédiée à la jeunesse, une autre
dédiée à la fiction, ou encore aux achats de films et de
séries, etc. chacune de ces équipes est experte dans son
domaine.
Ce sont ces unités de programmes qui formuleront le besoin
de la chaîne. Elles définissent une ligne éditoriale
qu'elles vont faire connaître aux producteurs partenaires.
b) Développement d'une série
Un brief artistique et financier est alors défini, un
appel d'offres est lancé auprès des producteurs.
A l'inverse, la chaîne, sans appel d'offre ou sans brief
particulier, peut recevoir des propositions de scénarios.
Le projet va généralement être
présenté a la chaîne au cours d'une réunion, dans
laquelle le scénariste ou le producteur a environ dix minutes pour
convaincre. Cette présentation du projet est un « Pitch », qui
doit décrire, selon Ellen Sandler, une scénariste de CBS et NBC
20 : le décor, ce à quoi aspire le personnage principal et qui le
conseil pour l'aider a réaliser ses désirs, quels sont les
risques et les moments décisifs.
Dans le système américain, une fois que le pitch
est sélectionné, un synopsis sera demandé, qui
décrira plus en détail l'histoire de la série, ses
personnages, la situation. Et parmi ces synopsis, la chaîne en
sélectionnera quelques-uns, pour lequel un scénario « pilote
» est écrit, c'est-à-dire le scénario d'un premier
épisode.
Si le projet plaît a la chaîne, l'épisode
« pilote » est tourné (une pratique coûteuse, peu
répandue en dehors des Etats-Unis). Cet épisode pilote permet de
prévisualiser ce à quoi ressemblera la série, donnant
ainsi une meilleure vision sur le projet que sur sa version « papier ~. Ce
pilote sera ensuite diffusé auprès d'un groupe test. Chacun des
membres de ce groupe est alors équipé d'un boîtier qui
permettra de mesurer leur degré de satisfaction tout au long de
l'épisode. A la fin c'est ce groupe qui annoncera la sentence. En
fonction de l'attrait exprimé pour la série, le projet sera
accepté, ajusté en fonction des remarques (supprimer un
personnage par exemple), ou refusé. La partie n'est donc pas
gagnée une fois le pilote tourné, puisque « un network
achète 25 scripts de comédie, en tourne 12 comme pilote, et n'en
retient que 2 parmi ces 12. »21
Une fois que le pilote est validé (pour les Etats-Unis),
la série peut être mise en production.
20 D'après "The TV Writer's Workbook." repris par
le site How stuff work, dans l'article How Getting Your Show on TV Works
http://electronics.howstuffworks.com/tv-pitching1.htm
21 How Getting Your Show on TV Works, How stuff
work
http://electronics.howstuffworks.com/tvpitching1.htm
En France, le processus va être différent. La
pratique des pilotes n'étant pas adaptée au budget
inférieur des chaînes, c'est lorsque le scénario est
validé par la chaîne qu'un projet est sûr de
naître.
Dans tous les cas, la chaîne aura toujours son mot à
dire sur les séries en cours de développement.
2) Le processus de production
a) A la tête de la production
Le producteur est un (( petit entrepreneur qui rassemble des
talents, des moyens financiers pour fabriquer un (( prototype »
»22.
C'est donc un pari que le producteur fait lorsqu'il investit
dans un projet. Si son pari ne trouve pas d'audience, il risque de ne pas avoir
sa place dans les grilles de programmes des chaînes pendant plusieurs
mois.
Aux Etats-Unis, on fait la distinction entre deux types de
producteurs :
- Les majors studios : ils ont leurs propres
structures de production, leur permettant d'assurer des productions lourdes. Le
personnel est aussi employé a l'année. Warner Bros et Disney en
sont des exemples.
- Les independents : leurs structures sont
légères. Pour les tournages, ils sous-traitent les
infrastructures techniques. Pour exemple, on peut citer MTM et Aaron
Spelling.
Mais celui qui tiendra une position centrale dans la production,
lorsque le projet d'une série télévisée est mis en
marche, c'est le showrunner, qui va en être le chef d'orchestre.
Le métier de showrunner est une création
américaine, qui n'est pas encore arrivée en France. (( Sorte de
superproducteur, il supervise l'écriture, recrute les comédiens
et les équipes techniques, s'installe en salle de montage et
détient le précieux «final cut». Il est, en outre,
l'unique interlocuteur de la chaîne ayant acheté la série.
Le réalisateur ne fait que passer pour assurer le bon déroulement
du tournage »23.
Le showrunner, pouvant aussi être le créateur de
la série, assume donc la double casquette de producteur et de
réalisateur - même si ces derniers existent bel et bien dans la
chaîne de production, de façon plus effacée.
A la fois artistes et gestionnaires pointus, eux-seuls peuvent
expliquer leur métier difficile à comprendre. Dans une interview
accordée à The Hollywood Reporter, les showrunners s'expliquent
:
(( Matthew Weiner: Je dis aux gens que je suis
scénariste - chef scénariste, parfois. Je leur dis qu'en fait mon
boulot est de superviser l'écriture du scénario et de
vérifier tous les aspects physiques de la production, du casting au
montage et au mixage du son. Sur chaque production, des centaines de personnes
travaillent ensemble et je me considère comme celui qui donne la
tendance de la série.
22 La télévision pour les nuls, de Marie
Lherault et François Tron, Ed. First Gründ, 2010
23 Les séries se taillent désormais la
part du lion dans les programmes télévisés, Le nouvel
économiste, Journal numérique, 16/11/2011
http://www.lenouveleconomiste.fr/tv-success-stories-12768/
Jenji Kohan: Nous sommes des agents de recrutement. On recrute
les scénaristes. On recrute le personnel. On recrute les responsables de
chaque département. Il faut une certaine compétence pour savoir
qui va convenir à chaque poste. » 24
La supervision de l'écriture étant un axe central
du métier de showrunner, voyons de plus près qui sont les
scénaristes.
b) Les scénaristes, le coeur de la
série
Un projet de série est aussi le fruit du travail des
scénaristes. Ils ont, littéralement, la vie de la série
entre leurs mains, puisque ce sont eux qui vont inventer les aventures des
personnages. Ils travaillent en équipe. Cette méthode de travail
de groupe est généralisée aux Etats-Unis. Entre huit et
vingt scénaristes peuvent travailler sur une seule série.
Le travail peut être réparti de
différentes manières : une personne peut être
chargée de l'évolution d'un seul personnage, certains vont
uniquement travailler sur l'écriture des dialogues comiques, tandis que
d'autres vont être chargés de vérifier que la forme que
prend un épisode sera bien adaptée aux coupures publicitaires
etc.25
C'est cette technique qui est adoptée par les
scénaristes travaillant sur Plus belle la vie, qui sont
répartis sur trois équipes : séquences, dialogues,
équipe littéraire. Cette méthode est indispensable pour la
production d'un feuilleton quotidien.
Ainsi, l'équipe de Plus belle la vie arrive
à soumettre cinq épisodes par semaine, trois mois avant leur
diffusion.
Le travail en équipe étant courant aux
Etats-Unis, on comprend alors mieux pourquoi la supervision par le showrunner
est indispensable, chacun devant se coordonner selon une « tendance ~, si
l'on reprend le terme de Matthew Weiner mentionné plus haut. Des
allerretours ont alors lieu entre les scénaristes, le showrunner, qui
aura des échanges avec la chaîne. Si la chaîne n'est pas
satisfaite, elle peut refuser un script, voire demander au producteur de
changer de scénariste. Cette insatisfaction peut être le fait de
contraintes économiques, d'incompatibilité avec les horaires de
diffusion, ou avec la ligne éditoriale de la chaîne.
Les séries dépendent d'autant plus fortement des
scénaristes aux Etats-Unis, que ces derniers sont tous
syndicalisés auprès de la Writer's Guild of America. Les
chaînes ont d'ailleurs été confrontées a deux crises
majeures dues a des grèves de scénaristes.
La grève la plus longue menée par les
scénaristes jusqu'à ce jour s'est déroulée en 1988.
Pendant vingt-deux semaines, les scénaristes ont protesté pour
réclamer une rémunération sur la vente des cassettes VHS
et des produits dérivés des séries.
La deuxième grève des scénaristes la plus
longue est celle qui a démarré le 5 novembre 2007 et qui s'est
achevée le 12 février 2008. L'objet de cette grève, qui a
duré plus de trois mois, était de réclamer plus de droits
d'auteur sur les recettes liées a la diffusion en DVD et sur
internet.
24
http://seriestv.blog.lemonde.fr/2009/07/16/showrunners-les-vraies-stars-dhollywood/
25 Les séries télé pour les nuls,
Marjolaine Boutet, Editions Générales First 2009, p.327
c) Les acteurs, liens fondamentaux entre la série
et le public
En France, on différencie les « acteurs »,
qui jouent au cinéma, des « comédiens », qui eux jouent
à la télévision, contrairement aux Etats-Unis oü l'on
ne fait pas la différence entre les deux. En effet, le cinéma et
la télévision sont des milieux qui ne se mélangent que
très rarement en France.
Les comédiens restent cependant des personnalités
populaires, puisque les séries télévisées
retiennent entre six et onze millions de téléspectateurs par
semaine.
Les comédiens sont d'ailleurs si populaires que l'on
associe souvent leur image à celle du personnage de fiction joué
souvent plusieurs années. Et ces personnages, au fil des années,
deviennent des symboles de la chaîne qui les diffuse, au point que cette
dernière ne veut généralement pas céder de
rediffusion aux autres chaînes.
3) La série peut aussi être
achetée
Au lieu d'être développée par la
chaîne, la série peut être directement achetée, comme
un « produit fini ~. C'est la pratique générale des
chaînes françaises, qui achètent la plupart de leur
série directement auprès des maisons de production
américaines.
a) Un prix d'acquisition abordable
Cette pratique est particulièrement avantageuse, tout
d'abord parce qu'elle est intéressante financièrement.
Un épisode d'une série américaine
coûte entre 2 et 4,5 millions26 de dollars pour être
produit. Or, une chaîne française peut acquérir un
épisode de série américaine à un prix faible
comparé à son coût de production : entre 50 000 et 200 000
€27 pour un blockbuster comme Mentalist. Ce prix varie en
fonction de l'épisode et de l'horaire auquel il est diffusé. Or,
lorsqu'une chaîne française décide de produire sa propre
série, un épisode peut lui coûter entre 500 000 et 950
000€28, ce dernier montant correspondant au coût de
production de séries comme Braquo et Mafiosa, qui ne sont pas
représentatives de l'ensemble des séries françaises,
puisqu'elles bénéficient d'une enveloppe budgétaire
supérieure par rapport à la moyenne.
b) Des audiences élevées
assurées
De plus, en faisant l'acquisition d'une série
américaine, une chaîne française s'assure une audience
confortable.
26 Les séries se taillent désormais la part du lion
dans les programmes télévisés, Le nouvel
économiste, Journal numérique, 16/11/2011
http://www.lenouveleconomiste.fr/tv-success-stories-12768/
27 Les séries se taillent désormais la part du lion
dans les programmes télévisés, Le nouvel
économiste, Journal numérique, 16/11/2011
http://www.lenouveleconomiste.fr/tv-success-stories-12768/
28 Les séries se taillent désormais la part du lion
dans les programmes télévisés, Le nouvel
économiste, Journal numérique, 16/11/2011
http://www.lenouveleconomiste.fr/tv-success-stories-12768/
Figure 2. Source : La diffusion de la fiction à la
télévision en 2011, CNC (p.36)
Comme en témoigne le tableau ci-dessus, le top 5 des
fictions diffusées par les cinq chaînes publiques est
généralement atteint par des séries américaines en
2011 (11 séries américaines au total sont présentes dans
le top 5 de chaque chaîne).
Et si l'on se réfère au top 100 des audiences en
2010 communiqué par Médiamétrie, 64 programmes sont des
fictions, et parmi eux, 57 sont américaines (les fictions
mélangeant téléfilms et séries
télévisées). En 2009, ce chiffre étaient
supérieur : les fictions américaines étaient au nombre de
64 dans ce palmarès29.
L'avantage d'acquérir et de diffuser des séries
américaines étant double, avec un rapport audience/prix
défiant toute concurrence, les chaînes sont sont donc de plus en
plus friantes de diffuser ces programmes. Le tableau ci-dessous
récapitulant la structure des soirées de fiction par chaîne
et par nationalité en témoigne.
29 Télévision française. La
saison 2011. Une analyse des programmes du 01/09/09 au 31/08/2010.
Figure 3 La diffusion de la fiction à la
télévision en 2011, CNC, p.25
Même si la part des séries américaines est
en légère baisse dans la grille des programmes de soirée
en 2011 par rapport a 2010 (sauf pour M6), l'empreinte américaine reste
très marquée, et même dominante sur les chaînes
privées (sauf Arte).
Une fois la série produite ou achetée, il est
temps de la diffuser. C'est le succès d'une série en termes
d'audience qui pourra résoudre la deuxième
problématisation de la chaîne : les recettes publicitaires.
C. Deuxième problématisation de la
chaîne de télévision : satisfaire l'annonceur - la
diffusion de la série télévisée
Une fois a l'antenne, la série métamorphose le
rôle de la chaîne. Elle n'est plus cliente mais fournisseur «
du temps de cerveau disponible ».
1) La gestion de l'espace publicitaire
a) La programmation
La programmation tient une place stratégique dans la
chaîne. Si bien que les programmateurs font partie de la direction de
l'antenne.
C'est le programmateur qui détient la grille de
programmation. Cette grille est divisée en cases horaires, auxquelles
sont attribués différents programmes, entre autres les
séries.
Ce métier fait face à plusieurs contraintes. Un
programmateur doit pouvoir planifier ses grilles en fonction des programmes
qu'il a a disposition, de la population qui forme
l'audience en fonction des horaires, tout en essayant de
maximiser le prix des espaces publicitaires qui peuvent être vendus sur
chaque case. Par ailleurs, il doit aussi être capable de s'adapter aux
changements ou imprévus que subissent les programmes, telle que
l'annulation d'une série.
Il est important d'apporter quelques précisions sur les
programmes dont disposent les programmateurs. En effet, de fortes contraintes
sont liées à ces programmes. Contractuellement, la chaîne
doit respecter un certain quota de diffusion (qui peut être compté
en heures) avec par exemple un nombre limité à une rediffusion.
Mais la principale contrainte est celle du coût que représente un
programme. Car les programmateurs doivent aussi faire attention à ne pas
dépasser les budgets de diffusion prévus par la chaîne.
Ainsi, des coûts moyens sont attribués aux cases, permettant ainsi
de corriger les dépassements, le cas échéant.
De même, les programmateurs doivent être capables
de proposer un produit attirant par rapport à ce qui est proposé
au même moment sur les chaînes concurrentes, dans le but d'attirer
le plus d'audience possible. C'est d'ailleurs pour cette raison que les grilles
de programme prévisionnelles ne sont révélées que
très tardivement. Car les chaînes ne peuvent pas se permettre de
laisser leurs rivales connaître leur contenu, et leur donner ainsi
l'occasion de contre-attaquer.
b) Connaître son audience : le rôle des
baromètres
Pour connaître la performance d'un programme, des
instituts d'études sont spécialisés dans la mesure des
audiences télévisées. La référence en France
est Médiamétrie, et aux EtatsUnis, Nielsen.
L'indicateur principal est la part d'audience (ou part de
marché). « Il s'agit de la part que représente le volume
d'écoute d'un média (chaine de télé, station de
radio, etc.) dans le volume d'écoute global. La PDA d'une
émission est le rapport du nombre moyen de spectateurs devant le
programme au nombre moyen de spectateurs devant le média pendant le
même moment » 30.
Ces mesures sont faites a partir d'un échantillon
représentatif de la population. Chaque foyer participant a ces mesures
est équipé d'un boîtier relié au
téléviseur. Ce boîtier est ainsi directement informé
de la chaîne regardée, et des changements de chaînes s'il y
en a, sans que le spectateur n'ait a le déclarer. Le boîtier est
aussi relié a une télécommande, laquelle permet aux
membres du foyer de faire connaître a partir de quel moment il est a
l'écoute de la télévision, et a quel moment il abandonne
l'écoute. Chaque membre du foyer a donc un bouton sur la
télécommande qui correspond à son profil.
Ces instituts prennent aussi en compte le visionnage de
programmes en différé (depuis 2005 aux Etats-Unis et depuis 2011
en France).
En analysant la performance de leurs programmes, les
chaînes peuvent savoir s'ils ont tenu leur promesse vis-à-vis de
leurs autres clients : les annonceurs.
30
http://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9diam%C3%A9trie#R.C3.A9sultatspourl.27ann.C3.A9e2011
2) Les annonceurs : l'autre client a satisfaire
Les recettes publicitaires sont une source de financement
indispensable pour les chaînes. On estime qu'elles représentent
entre 90 % et 55 %31 de leur chiffre d'affaires (pour les
chaînes françaises) ; elles génèrent donc
l'essentiel du revenu d'une chaîne.
Pour les séries télévisées, les
annonces vont prendre deux types de forme de présence : le spot
publicitaire (coupure publicitaire) et le placement de produit (dans le
programme luimême).
a) Coupure publicitaire
Diffuser de bons programmes qui vont attirer de l'audience,
c'est donc attirer l'investissement des annonceurs, puisque ces derniers vont
faire leur choix d'achat d'espaces de façon quantitative (être vu
par le plus grand nombre) et qualitative (être vu par sa cible) pour
intégrer leurs spots. En d'autres termes, le choix d'un espace
publicitaire est fonction du programme diffusé (est-ce qu'il correspond
a la cible du diffuseur ?), et de la case horaire correspondante (est-ce qu'il
y aura suffisamment de monde devant le poste de télévision
à ce moment ?).
Les coupures publicitaires sont de l'achat d'espace. Cet achat
passe généralement par des agences média. Elles permettent
de mettre en relation la chaîne avec tout un réseau d'annonceurs.
Ceci permet aux annonceurs de se fier a l'avis de spécialistes qui leurs
permettraient de réaliser un achat d'espace qualitatif, ainsi que
d'obtenir de meilleures négociations de prix d'achat.
« Ce sont des entreprises spécialisées,
originellement dans l'achat d'espace (les agences médias sont issues des
centrales d'achat), et dont la création a répondu au besoin
croissant des annonceurs de rationaliser leurs achats d'espace et de
négocier de façon groupée les budgets de leur
différentes marques. Les centrales d'achat se sont donc
installées dans le paysage en se dédiant a l'achat d'espace et a
la négociation avec les médias, puis elles ont progressivement
intégré des prestations de stratégie médias, de
moins en moins couvertes par les agences de publicité. » p. 611
(Publicitor)32.
Si l'on se réfère au Publicitor33, les
spots publicitaires représentent 95% des recettes publicitaires a la
télévision. C'est donc encore le format dominant.
Le média télévision a pour avantage de
couvrir une grande partie de la population. Ainsi, un français passe en
moyenne 15% de son temps devant la télévision (ce temps incluant
le jour et la nuit). De plus, grâce aux instituts mesurant les audiences
télévisées, les chaînes ont une très bonne
connaissance de leur audience, ce qui permet un ciblage en fonction des
caractéristiques des spectateurs et de leurs centres
d'intérêt (déduit du programme regardé).
31 La télévision pour les nuls, de Marie
Lherault et François Tron, Ed. First Gründ, 2010
32 Publicitor, Jacques Lendrevie, Arnaud de Baynast,
Catherine Emprin, 7e éd. Dunod, Paris, 2008
33 Publicitor, Jacques Lendrevie, Arnaud de Baynast,
Catherine Emprin, 7e éd. Dunod, Paris, 2008
Néanmoins, la multiplication des chaînes (notamment
avec le câble) contribue à la fragmentation de l'audience, diluant
ainsi les investissements publicitaires.
De plus, les téléspectateurs ont l'impression de
subir les coupures publicitaires à la télévision. Le spot
publicitaire télévisé est donc associé à un
moment désagréable.
Cela mène les annonceurs à faire appel à de
nouveaux modes de communication à la télévision.
b) Placement de produit un modèle à suivre
?
Parmi ces nouveaux modes de communication en expansion
utilisés par les annonceurs, on retrouve le placement de produit.
L'avantage de ce mode de communication est que la marque ne
donne pas (ou moins) l'impression de s'imposer auprès du spectateur.
D'après
Pro.p.ag.anda, agence de placement de
produit : « Le placement de produits n'est pas et ne sera jamais une
opération d'achat d'espace publicitaire. On place une marque ou un
produit en situation réelle en l'intégrant dans une histoire,
dans une action. La légitimité et la force du placement sont
liées au fait qu'il intègre le produit dans le film et non qu'il
adapte le film au produit. » (Publicitor, p.303).
Cette pratique est déjà très répandue
dans les séries américaines. Il est difficile d'obtenir des
chiffres sur cette façon de communiquer, et son coût est
estimé entre 3000 et 200 000 €34.
Figure 4 Subway dans la série Chuck Figure 5. Apple
dans la série Dr House
Cela peut varier en fonction de plusieurs
éléments : si la marque du produit est simplement
mentionnée par un personnage, si le produit fait son apparition, ou si
la marque a droit, en plus de cela, a un discours promotionnel de la part du
personnage. L'article Série Télévisée :
où en est le placement de produit en France ? du Nouvel Observateur,
datant du 10 décembre 2011, donne plusieurs exemples de type de
placements de produit35.
34 L'art délicat du placement de produits, Iris
Mazzacurati (Studio Ciné Live), publié le 19/11/2010
http://www.lexpress.fr/culture/cinema/l-art-delicat-du-placement-de-produits937555.html
35 Séries télé : où en est
le placement produit en France ? Amandine Prié, Le Plus Nouvel Obs,
10/12/2011
http://leplus.nouvelobs.com/contribution/221594-series-tele-ou-en-est-le-placement-produit-en-france.html
Si le placement de produit paraît moins intrusif qu'un
spot publicitaire, il peut être difficile a intégrer, car ceci
nécessite un travail d'harmonisation avec le scénario. Les
scénaristes américains peuvent témoigner de cette
difficulté :
(( Comment gérez-vous les nouvelles exigences de la pub et
du marketing à la TV ?
Jacobs: C'est un problème délicat qu'il faut
surveiller de près. Je me souviens que la Fox avait passé un
accord avec ITunes pour préciser aux téléspectateurs
qu'ils pouvaient acheter en ligne la bande originale de la série. On a
laissé les gens découvrir les choses, on n'a pas essayé de
leur faire de la retape.
Weiner: Les relations avec les annonceurs ont toujours
été sensibles. Je pourrais vous citer des tas d'exemples
où les annonceurs ont eu la peau d'une série. Faire une
série centrée sur le monde de la pub est assez paradoxe. Mais je
n'admets pas qu'on vienne me dire quel type de produits doit être
présenté. Si vous laissez faire ça, vous risquez de faire
dérailler votre histoire.
Rhimes: Nous n'avons pas vraiment réfléchi
à l'intégration de produits. Mais cela serait difficile à
faire dans notre série. On est tout le temps en train de soigner des
patients ou d'opérer. Les personnages sont rarement chez eux. Je me
moque de savoir quel dentifrice utilise Meredith. Je doute qu'elle dise un jour
combien elle adore se brosser les dents avec du Colgate. »36
Bien qu'autorisé depuis 2010 par le CSA, la
législation concernant le placement de produit reste assez stricte en
France, ce qui limite son développement.
Les programmes télévisés autorisés
à utiliser ce procédé sont les oeuvres
cinématographiques, fictions audiovisuelles et clips, sauf si ces
derniers sont destinés aux enfants.
Lorsqu'un placement de produit est inséré, le
téléspectateur doit en être informé par un
pictogramme, qui apparaît pendant une minute : au début du
programme, après chaque coupure publicitaire et à la fin du
programme pendant toute la durée du générique. Par
ailleurs, les chaines doivent aussi informer de façon ((
régulière » de la signification du pictogramme en diffusant
un bandeau énonçant que : (( Ce programme comporte du placement
de produit. »
Pourtant, financièrement, le placement de produit est
avantageux, car il permet à une série, dès sa phase de
production, d'obtenir un apport d'investissement. Cela permet aussi a la marque
qui place un produit d'investir dans une sorte de spot qui sera diffusé
autant de fois que l'épisode sera diffusé, soit lors de
rediffusion, d'exportation a l'étranger, ou de visionnage en DVD.
36
http://seriestv.blog.lemonde.fr/2009/07/16/showrunners-les-vraies-stars-dhollywood/
Le placement de produit est donc en plein
développement. Mais ce n'est pas pour autant qu'il remplacera le spot
traditionnel, car les objectifs du placement de produit ne sont pas les
mêmes. Une marque « placée » aura ainsi plutôt un
impact d'image alors qu'un spot aura un impact de ventes.
L'exemple de Subway : quand le placement de produit sauve
une série
En 2009, la série Chuck risque d'être
annulée à la fin de sa deuxième saison. Cette rumeur
suscite la mobilisation de fans qui se réunissent par le biais du forum
Television without pity37. Ces fans remarquant que la marque Subway
est souvent placée dans Chuck, ils décident de lancer un appel
à toutes les personnes souhaitant voir la série continuer : aller
acheter un Footlong (produit star de la chaîne de restaurant) chez Subway
le soir de la diffusion du dernier épisode de la saison. Cette vaste
campagne de sauvetage portera le nom de « Finale & Footing ».
Subway, voyant cette forte mobilisation, fait un apport
d'investissement pour le retour de la série, et
bénéficiera en contrepartie d'« une intégration
significative dans la série en plus de la publicité
traditionnelle » 38
|
D. Deux problématisations
interdépendantes
1) Quand les deux problématisations sont
résolues
a) La durée de vie de la série est
prolongée sur le petit écran
Quand le succès est au rendez-vous pour une
série, on la prolonge sur une nouvelle saison, car elle devient une
valeur sûre : elle attire de l'audience et attire les annonceurs en
conséquence. Son audience étant fidélisée, il sera
normalement aisé de la faire revenir sur une saison suivante.
La série peut aussi multiplier les chaînes sur
lesquelles elle est diffusée.
Pour multiplier ces canaux, il existe le principe de la
rediffusion. Aux Etats-Unis, pour pouvoir utiliser ce procéder, les
séries doivent atteindre leur 100e épisode avant
d'être rediffusées sur leur marché local. Cela s'appelle la
« syndication », selon quoi les séries sont rediffusées
« par paquet ~ d'épisodes sur des chaînes
spécialisées39.
Si les producteurs ne veulent pas attendre la syndication pour
multiplier les chaînes de diffusion, ils peuvent se reporter sur la
vente de droits de diffusion aux chaînes étrangères,
37
http://www.michaelpierlovisi.me/post/6245893669/series-tv-le-pouvoir-aux-fans
38 NBC renews 'Chuck,' embraces Subway money, Daniel
Fienberg, Hitfix, 09/11/2009
http://www.hitfix.com/articles/nbc-renews-chuck-embraces-subway-money
39 Les séries télé pour les nuls,
Marjolaine Boutet, Editions Générales First 2009, p.327
ce qui peut être une alternative particulièrement
intéressante, avec un modèle de rentabilité rapide. C'est
par exemple le cas des Experts, qui s'est vendu dans plus de 100
pays40.
Le spin-off ou la série dérivée est une
autre technique qui permet de prolonger la série. Elle est une sorte de
dédoublement d'une série a succès.
Le spin-off consiste en la reprise d'un concept de
série, que l'on transpose dans un contexte un peu différent, pour
le mettre en parallèle avec la série originale de laquelle il est
tiré. C'est le cas par exemple de la série Les Experts (qui se
déroule originellement à Las Vegas) qui donnera naissance aux
spin-off Les Experts : Miami et Les Experts : Manhattan.
La série peut aussi être dérivée a
partir du départ d'un personnage de la série originale. On peut
alors regarder la suite des aventures de ce personnage. Ainsi, Angel
raconte la suite de l'histoire du personnage portant le même nom, qui
était l'un des héros de la série Buffy contre les
vampires.
Dans cette pratique du spin-off, la série Beverly
Hills 90210 (abrégée Beverly Hills en France) qui
commence en 1990 est même qualifiée de « franchise
»41. Ainsi, Melrose Place (démarrée en
1992) reprend la suite d'un personnage non récurrent (Jake) de
Beverly Hills. De même, Models Inc.
(démarrée en 1994) se centre sur Hillary, directrice d'une agence
de mannequin apparue à la fin de la deuxième saison de Melrose
Place. En 2008, 90210 fait son apparition. Elle récupère
le concept de Beverly Hills et remet en scène une bande de
lycéens, avec l'intervention de quelques anciens personnages de
Beverly Hills (la série originelle). Enfin, on tente de
relancer Melrose Place en 2009 (sans en changer le nom cette fois-ci),
qui se situe au même endroit, mais avec des personnages
différents.
La dernière pratique permettant de prolonger la
durée de vie d'une série est celle du remake. Cela consiste en la
reprise d'un scénario original et de le réadapter, pour une
diffusion plus appropriée au niveau local par exemple. Dans cette
pratique, Ugly Betty et Le destin de Lisa sont des
adaptations respectivement Américaine et Allemande de la colombienne
Yo soy Betty, la fea.
b) La série fait l'objet de commercialisation de
produits dérivés
Le principal produit dérivé est la
commercialisation de la série elle-même en DVD. La fiction
établit en effet les meilleurs chiffres de vente de DVD « hors film
», avec 64,1 % des ventes en volumes des DVD hors film (lui-même
représentant 36,1% du marché) en 201142.
En dehors du DVD, la série
télévisée fait l'objet de vente de toute sorte de produits
dérivés. Cela peut être des tee-shirts, des porte-clefs, le
générique sous la forme de sonneries de portable, etc.
40 Pourquoi l'industrie des séries TV ne
connaît pas la crise, L'expansion, Gaétan Supertino -
publié le 06/10/2011
http://lexpansion.lexpress.fr/economie/pourquoi-l-industrie-des-series-tv-ne-connait-pas-lacrise264254.html
41
http://en.wikipedia.org/wiki/BeverlyHills,90210franchise#MelrosePlace
42 Le marché du DVD a perdu 15 millions
d'unités en un an, zdnet, 08/02/2012
http://www.zdnet.fr/blogs/digital-home-revolution/le-marche-du-dvd-a-perdu-15-millions-d-unites-en-un-an39768389.htm
L'intérêt de la vente de produit
dérivé est double : d'une part, il génère un revenu
lié a la vente de ces produits ou la vente du nom de la série
sous forme de licence exploitable par des fabricants de produits
dérivés ; d'autre part ils sont un support de communication pour
la série télévisée.
c) La série change d'écran : adaptation au
cinema
Les séries à succès peuvent aussi être
adaptées au cinéma. La série devient alors un film, voire
une série de films.
Drôle de dames sera adaptée au
cinéma dans Charlie et ses drôles de dames en 2008, de
même pour la série animée française Les
Lascars en 2009.
Si ces adaptations rencontrent une popularité forte, on
assiste a la production d'une suite de films. En témoignent les deux
longs métrages adaptés de Sex and the City, et
Missions : impossible qui a été adapté au
cinéma par quatre fois.
2) Si la mobilisation de la première
problématisation n'est pas suffisante pour résoudre la
deuxième
Si la chaîne se rend compte qu'une série ne
réunit pas suffisamment d'audience pour que cela soit intéressant
pour la vente de ses espaces publicitaires, elle annule cette série. Le
téléspectateur est donc le seul juge de l'avenir d'une
série, en particulier pour les séries américaines. Car
bien que ces dernières génèrent des recettes liées
à leurs exportations ou leurs ventes en DVD, c'est l'audience obtenue
par la diffusion télévisée qui compte dans le business
model actuel des séries.
Ce mécanisme mis en place peut être
interprété de la façon suivante : si une série ne
rencontre pas le succès attendu sur le marché
télévisuel local, elle a peu de chance de connaître un
meilleur succès sur les marchés étrangers, que ce soit en
diffusion télévisée ou vente de DVD.
L'annulation d'une série au terme de sa première
saison concerne ainsi la majorité des cas aux Etats-Unis, où, en
2011, seules 25% des séries sont reconduites pour une deuxième
saison43. Mais il existe tout de même quelques cas très
exceptionnels où une série est « sauvée » par
ses fans malgré de mauvaises audiences.
La série ne suit pas toujours la dure loi de
l'audience : le cas de Star Trek
La série Star Trek est aujourd'hui un symbole phare de
la série de science-fiction. Cette série représentait, de
manière symbolique, la pression exercée par le maccarthysme de
l'époque44. Star Trek était donc un lieu oü les
scénaristes pouvaient s'exprimer de façon libre, d'oü leur
attachement. Pourtant, sans la persistance de ses créateurs, et de ses
fans, elle aurait pu être très vite oubliée.
En effet, lorsque la chaîne NBC décida de ne pas
renouveler la série pour une deuxième saison, Gene
Roddenberry, créateur de la série, fit appel à plusieurs
écrivains pour lancer
|
43 Donnée issue de la 9e
journée de la création TV du 5 juillet 2012
44 Les séries télévisées :
l'avenir du cinéma ?, Jean-Pierre Esquenazi, 2010, Armand Colin
une campagne de soutien pour le maintien de la série.
Les membres de « Save Star Trek » appelèrent les personnes
souhaitant voir Star Trek continuer, à envoyer des lettres de soutien
pour la série.
Pari réussi, la série survécu deux
saisons de plus. Mais pas seulement. Seront créées par la suite
quatre nouvelles séries Star Trek, qui constitueront la suite de la
série originale : Star Trek Next Generation, Star Trek Deep Space Nine,
Star Trek Voyager, Star Trek Enterprise45. A cela s'ajoute une
série animé Star Trek, ainsi que onze films.
45
http://fr.wikipedia.org/wiki/Star_Trek
Partie 3
L'apparition de nouveaux actants innovants dans un
nouveau lieu d'action collective : le digital
A. La naissance d'un nouveau genre d'actant : l'usager
actif
1) Le rôle de l'usager actif dans le
réseau
Avec internet apparaissent de nouveaux actants que l'on
nommera « usagers actifs ». Ils sont usagers car ce sont des
spectateurs avant tout, mais actifs, car ils font la démarche de mettre
en ligne ou d'aller chercher en ligne un contenu bien précis.
En effet, ces usagers actifs diffusent ou visionnent des
contenus audiovisuels sur Internet, faisant des séries
télévisées, entre autres, un produit à la
disposition de tous en libre-service. Les spectateurs ont alors plusieurs
moyens pour regarder leur série.
a) Le streaming illégal Principe
général
Un premier système de diffusion est le streaming, qui peut
être comparé, en un sens, à la diffusion
télévisée.
Ce système donne la possibilité aux spectateurs de
regarder une vidéo directement sur Internet, sans avoir à la
télécharger.
Dans des termes plus techniques, on reprendra la
définition du streaming donnée par Wikipedia :
« Le streaming [...] désigne un principe
utilisé principalement pour l'envoi de contenu en « direct »
(ou en léger différé). On peut également songer
à la locution lecture seule, déjà utilisée en
informatique. Très utilisée sur Internet, elle permet la lecture
d'un flux audio ou vidéo (cas de la vidéo à la demande)
à mesure qu'il est diffusé. Elle s'oppose ainsi à la
diffusion par téléchargement de fichiers qui nécessite de
récupérer l'ensemble des données d'un morceau ou d'un
extrait vidéo avant de pouvoir l'écouter ou le regarder.
Néanmoins la lecture en continu est, du point de vue théorique,
un téléchargement car il y a un échange de données
brutes entre un client et un serveur, mais le stockage est provisoire et
n'apparaît pas directement sous forme de fichier sur le disque dur du
destinataire. Les données sont téléchargées en
continu dans la mémoire vive (RAM), sont analysées à la
volée par l'ordinateur et rapidement transférées dans un
lecteur multimédia (pour affichage) puis remplacées par de
nouvelles données. »46
46
http://fr.wikipedia.org/wiki/Streaming
À la fin de son visionnage, le spectateur ne
possède donc pas l'épisode qu'il vient de regarder, de la
même façon que lorsqu'un épisode est diffusé
à la télé, le spectateur n'en conserve pas le contenu par
la suite. Ce point commun avec la télévision sera en fait le seul
point comparable entre ce média et le streaming.
Différences entre le visionnage en streaming et
à la télévision
A la différence de la télévision, la
vidéo en streaming va être mise en ligne sur des plateformes
spécialisées dans la diffusion de ce type de vidéos par
des personnes anonymes. Cet acte de mise en ligne n'étant pas a
l'origine d'une action que l'on pourrait qualifier
d' « officielle ~, une partie des contenus diffusés
n'est pas légale, c'est-à-dire que les droits de diffusion n'ont
pas été achetés par le diffuseur47.
De plus, la disponibilité d'une vidéo n'est pas
limitée dans le temps, le spectateur peut donc regarder sa vidéo
quand il le souhaite, il n'a pas à être présent à
heures fixes devant son poste d'ordinateur.
Le modèle économique des plateformes de
streaming illégales
Ces sites Internet sont sponsorisés par la
publicité48. En contrepartie, lorsque le spectateur regarde
sa série, il n'est pas interrompu par la publicité.
Le visionnage fait aussi l'objet d'une souscription a un
abonnement (obligatoire ou non). Ainsi, sur certaines plateformes, l'internaute
a une durée de visionnage limité, qui est
généralement d'une heure environ. Après ce délai
passé, il doit attendre un certain laps de temps
(généralement d'1h à 1h30) avant de pouvoir continuer son
visionnage. A l'inverse, d'autres plateformes n'autorisent aucun visionnage
tant que l'internaute n'a pas souscrit à un abonnement.
Ces abonnements sont mensuels, trimestriels, semestriels ou
annuels, et permettent à l'abonné de regarder les vidéos
disponibles sur le site en illimité pendant toute la durée de son
abonnement.
b) Le téléchargement
illégal
Le deuxième outil de diffusion des séries par
les usagers actifs est le téléchargement. Comme pour le
streaming, ce qui qualifie le téléchargement d' «
illégal » est le fait que le contenu est diffusé sans
l'acquisition préalable de droits.
Deux modes de téléchargement sont à la
disposition des spectateurs : le téléchargement direct et le
téléchargement en peer-to-peer.
47 Le streaming illégal difficile à
pister, Marion Sauveur, Europe 1, 22/11/2011
http://www.europe1.fr/France/Le-streaming-illegal-difficile-a-pister-828297/
48 Les sites de streaming illégal gagnent
beaucoup d'argent, Benjamin Ferran, Le Figaro, 01/12/2011
http://www.lefigaro.fr/hightech/2011/12/01/01007-20111201ARTFIG00567-les-sites-de-streaming-illegalgagnent-beaucoup-d-argent.php
Le téléchargement direct
D'une part il est possible de télécharger des
vidéos sur le principe du « téléchargement direct
». Pour cela, la personne souhaitant télécharger se connecte
sur un site Internet hébergeant la vidéo en
question49. La personne doit alors simplement cliquer sur un lien
qui actionnera le téléchargement.
Comme pour le streaming, « les internautes peuvent y
télécharger des fichiers qui y ont été
stockés par eux-mêmes ou par d'autres utilisateurs. Ces fichiers
sont hébergés par MegaUpload [NB : encore actif au moment oü
l'article a été publié, mais le fonctionnement est valable
pour les autres sites de ce genre], ce qui permet à l'entreprise de
proposer des vitesses de téléchargement importantes - mais la
rend partiellement responsable des contenus qu'elle abrite. »50
Le téléchargement en peer-to-peer
D'autre part, il est possible de télécharger via
le mode peer-to-peer. Il permet de regrouper un ensemble de personnes sur un
même réseau partageant leurs informations. Ainsi, dans ce
modèle, la personne qui télécharge (le client) devient
aussi émettrice (le serveur). Car les « morceaux » de fichier
qu'elle a déjà téléchargé sont disponibles
sur le réseau en téléchargement51.
Le peer-to-peer fonctionne en fait comme un puzzle, dont les
pièces sont distribuées à plusieurs personnes. Une fois
les pièces obtenues, ces personnes dupliquent leurs pièces, et
redistribuent leurs « doubles » sur le réseau. Le peer-to-peer
permet à la fin, comme un travail de groupe, de reconstituer
entièrement le puzzle qui est l'épisode en
téléchargement. Par exemple, si une personne est en train de
télécharger un épisode de série de 30 minutes, et
que seules les 5 dernières minutes de l'épisode lui manquent, les
25 premières minutes qu'elle a téléchargées sont
émises sur le réseau, et peuvent être
téléchargées par d'autres personnes.
Pour illustrer ce fonctionnement, ci-dessous des schémas
tirés de Wikipedia.
Figure 6 Illustration d'un réseau de type
client-serveur Figure 7 Illustration d'un réseau de type
peer-to-peer
49
http://fr.wikipedia.org/wiki/Directdownload
50 Megaupload, icône du
téléchargement direct, Le Monde.fr, 20.01.2012
http://www.lemonde.fr/technologies/article/2012/01/20/megaupload-icone-du-telechargementdirect1632264651865.html
51
http://fr.wikipedia.org/wiki/Pair%C3%A0pair#Principeg.C3.A9n.C3.A9ral
L'élément novateur que l'on tire de ce nouveau lieu
d'action collective qu'est internet, est le caractère non professionnel
de ses nouveaux actants.
Certes, ce réseau existe grâce aux actants
professionnels que sont les hébergeurs de vidéo, ou encore les
développeurs de logiciels peer-to-peer, mais il est fortement soutenu
par l'investissement d'amateurs de séries qui réalisent un
travail important pour enregistrer les séries, puis les mettre en
ligne.
C'est donc un réseau fort et solidaire,
représenté par tous ces usagers actifs, qui s'est mis en place.
On approfondira l'étude sur la force de l'organisation des actants
pirates dans la partie recherche de ce mémoire.
c) L'ordinateur : nouvelle boîte noire d'un nouveau
lieu d'actions collectives
Après avoir décrit les différentes
façons dont il est possible d'avoir accès a des séries
télévisées sur internet, cela montre qu'internet est un
nouveau lieu d'actions collectives, oü professionnels comme amateurs
peuvent s'organiser.
Cette partie du réseau n'est plus enfermée dans la
même boîte noire (dont le concept a été défini
en deuxième partie du mémoire) que celle du réseau
traditionnel.
Ce réseau est enfermé dans plusieurs
boîtes noires : l'ordinateur, la tablette, le smartphone, et la
télévision connectée. Cette multiplication des
boîtes noires favorise l'activation de ce nouveau lieu d'actions
collectives : il est encore plus simple de faire appel à cette partie du
réseau de façon régulière. Car si la
télévision n'était vouée qu'à un usage
domestique, les nouveaux terminaux permettent un usage à la fois
domestique et mobile.
2) Les usagers actifs comme innovateurs
Avec cette exploitation, ou optimisation du canal digital
(selon que l'on donne un sens positif ou négatif à ces modes de
diffusion des séries), on peut se poser la question de savoir quelle est
la place de l'usager dans l'innovation, d'autant que celui-ci semble avoir une
position centrale dans la nouvelle composition du réseau.
Pour développer cette thèse de l'utilisateur en
tant qu'acteurs de l'innovation on se basera sur l'article Les utilisateurs,
acteurs de l'innovation, Madeleine Akrich, Sociologie de la traduction.
Textes fondateurs, Presses de l'Ecole des Mines, 2006.
a) Le déplacement
Ainsi, lorsque l'on parle de streaming ou de
téléchargement, l'utilisation d'un ordinateur associé
à Internet peut renvoyer au terme de « déplacement » de
l'objet ordinateur par l'utilisateur. Le processus de déplacement de la
part des usagers consiste en l'exploitation de « la flexibilité
relative des dispositifs : cette flexibilité est liée au fait que
le concepteur produit en même temps que son dispositif un scénario
de ses usages possibles. [...]
L'utilisateur peut explorer d'autres possibilités que
celles strictement prévues » (pp 255- 256)52.
Dans ce cas, les producteurs de séries ou les
chaînes de télévision n'avaient pas prévu cette
utilisation particulière de l'ordinateur, et donc d'Internet. Ces
actants traditionnels n'ont donc pas pu agir de façon proactive, en
inventant, par exemple, un modèle similaire au modèle
inventé par les usagers actifs.
b) L'extension
Cette utilisation de l'ordinateur associée à
Internet par les usagers ressemble aussi au processus d' (( extension »
décrit par M. Alkrich. (( On parlera d'extension lorsqu'un dispositif
est à peu près conservé dans sa forme et ses usages de
départ et qu'on lui adjoint un ou plusieurs éléments qui
permettent d'enrichir la liste de ses fonctions » (p.259).
Le processus d'extension est donc tout aussi adapté
à l'utilisation que les usagers actifs ont fait d'Internet : un lieu
où il est possible de partager des vidéos d'un bout à
l'autre du globe. Dans cette perspective d'extension, M. Alkrich ajoute que ((
même lorsque le dispositif est assez fermé, les utilisateurs
trouvent le moyen de le rouvrir et de l'étendre d'une manière qui
modifie assez profondément ses capacités globales et qui est
susceptible, du coup, de transformer son insertion dans une organisation qu'il
contribue à redéfinir. » (p.260) Transposé aux
séries, on observe de la même façon que les contraintes
légales ont du mal à freiner la diffusion en ligne des contenus
audiovisuels.
c) Des usagers insatisfaits
Il est intéressant de constater que les usagers, ici
les spectateurs, ne trouvant pas de réponse adaptée à
leurs besoins sur le marché, sont capables de s'unir et de
réorganiser leur environnement, pour développer les innovations
dont ils sont les inventeurs et utilisateurs. Cette organisation est à
la fois professionnelle ou amatrice.
Dans ce cas, on voit que les usagers deviennent concepteurs.
Les usagers ont réussi à prendre ce rôle en créant
leur propre système parallèle. Mais ce lieu d'action collective
n'étant pas construit en toute légalité, il est source de
controverse.
B. L'organisation des usagers actifs est sujette a
controverses
1) La notion de controverse dans l'Actor Network
Theory
Un autre élément fondateur de sociologie de
traduction est celui de la controverse. Selon les sociologues de cette
école, les faits émergent toujours d'une controverse. Or le fait
lui- même ne donnant que peu d'informations sur lui-même, il est
intéressant de se focaliser
52 Les utilisateurs, acteurs de l'innovation,
Madeleine Akrich, Sociologie de la traduction. Textes fondateurs, Presses de
l'Ecole des Mines, 16 novembre 2006
davantage sur la controverse, qui est un lieu de
négociations. En s'intéressant a la controverse, on obtient des
informations sur la façon dont va naître un fait. Ainsi, la
richesse d'informations données par la controverse permet de comprendre
la réussite ou l'échec d'un fait, car la controverse permet de
retracer le chemin parcouru.
« Ce n'est pas l'état de la nature qui dicte la
clôture d'une controverse autour d'un fait, d'une découverte, d'un
changement, mais l'accord sur le fait qui dicte l'état de la nature ; de
même, ce n'est pas l'état d'une société qui dicte
l'accord entre acteurs mais l'accord qui stabilise la société et,
ce faisant, la dicte. » p.13753
Pour illustrer ce propos, on peut citer un exemple du
raisonnement selon le principe de la controverse énoncée par
Latour : l'affirmation « une fois que la machine marchera tous les gens
seront convaincus » peut ainsi être remplacée par
l'affirmation suivante : « la machine marchera quand tous les gens seront
convaincus » p.13854.
Ainsi, si un fait naît à partir d'une
controverse, il doit aussi être porté par le réseau dans
lequel il est ancré. Un fait ne peut donc pas émerger sans
réseau. Alors, plus il y a de cohésion dans un réseau,
plus celui-ci est solide, et plus un fait à de chances
d'apparaître, ou de survivre.
Il est intéressant d'étudier ce nouveau lieu
digital comme un lieu de controverses. En effet, il y a, d'un
côté, les usagers actifs, dont le réseau est suffisamment
solide pour maintenir leurs actions collectives ; et de l'autre, des actants
faisant partie d'un lieu d'action collective traditionnel, qui contestent les
actions des usagers actifs, qui se font de façon illégales.
L'espace digital comme espace d'échange est d'autant
plus controversé que les autorités ont encore peu de pouvoir sur
internet. Par exemple, une des actions qui ont été
envisagées par les autorités françaises était de
bloquer l'accès aux sites de diffusion audiovisuelle illégale. Or
« Bloquer l'accès, c'est ni plus ni moins que de la censure.
L'oeuvre existe mais on va empêcher aux gens d'y accéder »
selon Jérémie Zimmermann, un des fondateurs du site La
quadrature du net dédiée à la défense des
droits et des libertés des citoyens sur internet.
Cette faible possibilité de marge de manoeuvre
associée a la solidité du réseau des usagers actifs
conduit l'ensemble des acteurs vers une situation
d'irréversibilité forte.
L'action collective des usagers actifs est pourtant
inacceptable par les producteurs et les diffuseurs, puisque les sites
hébergeurs de vidéos ne paient non seulement aucun droit pour
diffuser ces vidéos, mais, en plus de cela, perçoivent un revenu
en diffusant de la publicité, et en proposant des offres
d'abonnement.
Pour ces raisons, les actants traditionnels doivent faire preuve
d'innovation pour contrer les nouvelles méthodes illégales.
53 Les nouvelles approches sociologiques des organisations, Henri
Amblard, Philippe Bernoux, Gilles Herreros, Yves-Frédéric Luvian,
pp.127-140
54 Les nouvelles approches sociologiques des organisations, Henri
Amblard, Philippe Bernoux, Gilles Herreros, Yves-Frédéric Luvian,
pp.127-140
2) Attaquer le lieu d'action collective des usagers
actifs avec les mêmes armes : les actions digitales légales
Face aux innovations apportées par les usagers actifs, le
système traditionnel doit s'adapter aux nouvelles technologies et
à ses nouveaux concurrents. Il paraît nécessaire pour les
actants traditionnels de se recentrer sur les besoins des usagers pour
réadapter leur offre. Des actions digitales sont donc entreprises, avec
la création de la vidéo à la demande (VoD, de Video on
Demand). Ceci implique la participation de nouveaux actants, ou d'actants
traditionnels reconvertis, que l'on qualifiera de digitaux officiels.
Pour comprendre le fonctionnement de la VoD, on se basera sur le
dossier Economie de la VoD, publié en Mars 2008 par le CNC.
a) Le fonctionnement de la VoD
Pour définir le concept de vidéo à la
demande, on reprendra la définition donnée dans ce rapport :
« La « Vidéo à la Demande )) (VoD) est
entendue comme la mise à disposition des programmes au consommateur
final, à sa demande et à l'heure de son choix, par tous
réseaux de communications électroniques et notamment, via le
réseau Internet, par voie hertzienne terrestre, par câble, par
satellite et par réseaux de télécommunications, par tous
procédés de diffusion cryptée, tels que « streaming
)) (diffusion linéaire) ou « downloading ))
(téléchargement), et pour visualisation sur tout matériel
de réception, par tout mode de sécurisation, et ce après
paiement d'un prix, pour une représentation dans le cadre du «
cercle de famille ~ ainsi que dans les circuits fermés (c'est à
dire dans une unité de lieu spécifique accessible au public,
telles que les collectivités dans lesquels les usagers effectuent des
séjours temporaires, hôtels et résidences de tourisme,
prisons, établissements de santé, bureaux, armées, les
bars, cafés, restaurants et les lieux accueillant du public de passage,
notamment les boutiques, commerces, salles d'attentes, etc.). Le consommateur
final ne peut en aucun cas agir sur les images du programme, ni visionner ce
programme sans s'acquitter au préalable d'un droit correspondant aux
conditions commerciales fixées par l'opérateur en cas d'offre
payante, ni retransmettre le programme à destination de tiers par
quelque procédé que ce soit. )) (p.5).
La VoD est donc un contre modèle du streaming ou du
téléchargement illégal. Ce système se
développe sous quatre formes :
- le téléchargement temporaire (ou location
dématérialisée), qui permet, comme son nom l'indique, de
disposer d'une vidéo dans un laps de temps limité
- le téléchargement définitif (ou vente
dématérialisée), qui donne le droit a l'acheteur
de disposer de sa vidéo autant de fois qu'il le souhaite
et sans limite de temps
- l'abonnement (ou Subscription VoD), qui consiste en la mise
à disposition d'un choix de vidéo en échange de la
souscription à abonnement mensuel. Cette forme de VoD est
généralement proposée par des opérateurs de
télécommunication ou des fournisseurs d'accès à
Internet
- la diffusion de vidéo gratuite sponsorisée par
la publicité (ou Free-ad VoD), permettant de profiter des vidéos
de façon gratuite, comme ce serait le cas à la
télévision. Néanmoins, ce format de VoD n'ayant pas encore
trouvé son modèle du
fait des difficultés rencontrées pour qualifier
son audience, les annonceurs ne sont pas encore très attirés par
ce format ne permettant pas un ciblage précis. C'est pourquoi ce
modèle est encore peu développé.
Ce modèle commence tout de même à
être utilisé par les chaînes55, sous le nom plus
commun de « télévision de rattrapage ». La série
télévisée est diffusée sur Internet non plus une
seule fois comme à la télévision, mais pendant une
durée limitée tout de même, qui est
généralement de sept jours après la diffusion à la
télévision. Ce modèle est très similaire à
celui de la télévision, car les programmes disponibles sont
entrecoupés par des pages de publicité, et la
disponibilité des programmes est limitée dans le temps.
Le modèle de la VOD, et en particulier le format de
téléchargement définitif, est un modèle rentable.
Du fait de sa structure simplifiée, les frais de distribution sont
largement diminués. Ainsi, la vente d'une vidéo
dématérialisée, bien que 50 % inférieurs à
la vente de la même vidéo en DVD, rapporte 3,92 € contre 2,63
€ pour la vente en DVD.
Mais la VoD est généralement le dernier canal de
distribution et arrive après la diffusion à la
télévision, ce qui peut la rendre moins attrayante pour
l'usager.
b) Les actants digitaux officiels
Figure 8 Economie de ía VoD, Mars 2008, CNC,
p.12
Dans son étude, le CNC identifie les cinq acteurs qui
figurent dans le schéma ci-dessus.
55
http://fr.wikipedia.org/wiki/T%C3%A9l%C3%A9visionderattrapage
A l'origine, il y a les détenteurs de droit. Ce sont
les personnes ou entités qui détiennent les droits sur l'oeuvre
audiovisuelle en elle-même. Il détient les droits sur ces oeuvres
de façon patrimoniale, ou parce qu'ils sont leurs producteurs.
Ces acteurs peuvent distribuer eux-mêmes les droits qu'ils
possèdent. S'ils ne le font pas directement par eux-mêmes, ils
font appel à des mandataires.
Puis les droits sont distribués par des mandataires.
Leur relation avec les détenteurs de droits généralement
exclusive. Ils sont aussi en charge de distribuer les droits sur des canaux
différents : vente a la télévision, vente vidéo,
vente internationale...
Les agrégateur prennent ensuite le relais en
acquérant les droits (non exclusifs) de diffusion. Avec ses
acquisitions, ils constituent un « stock » d'offres audiovisuelles
qui pourront être exploitées VoD.
Une fois ce stock acquis, les agrégateurs peuvent, soit
commercialiser les contenus dont ils disposent sur leur plate-forme de VoD
s'ils en ont une, soit à un éditeur de plate-forme, tel un
grossiste à un commerçant détaillant.
Le rôle de l'éditeur de plate-forme et de
services de VoD, quant à lui, est d'éditer l'oeuvre audiovisuelle
dont il a acquis les droits, c'est-à-dire d'adapter son format pour le
rendre exploitable. Il propose ensuite la vidéo au public, sur Internet
ou à la télévision. Il versera ensuite une partie de ses
recettes aux ayants droits.
Pour assurer le lien entre l'éditeur et le consommateur
final, le distributeur intervient dans l'échange. C'est en fait celui
qui permettra la mise en relation ou la connexion entre les deux. Il peut donc
s'agir du fournisseur d'accès à Internet par exemple.
Enfin, les fabricants de matériel permettent le
visionnage et le stockage des vidéos. Ils font en fait le lien entre le
distributeur et le client. Il s'agit ici des fabricants d'ordinateurs, de
télévision, de téléphone, et tout autre terminal
par lequel le consommateur aura accès aux services de VoD.
3) La création d'outils pour réguler ou
empêcher les actions des usagers actifs
a) Lois et institution
Pour compléter et soutenir ce nouveau réseau
digital officiel, les actions des usagers actifs deviennent une affaire
d'État. Du côté de la France, une loi est adoptée
dans le but de lutter contre le téléchargement illégal :
la loi Hadopi du 12 juin 2009, complétée par la loi Hadopi 2 du
15 septembre 2009. De cette loi est créée une institution dont
l'objectif est de protéger le droit d'auteur sur les oeuvres
audiovisuelles. Cette institution est « la haute autorité pour la
diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet », dite la
Hadopi. Elle est créée le 31 décembre 2009.
Cet institut a quatre missions56 :
- Encourager le développement de l'offre légale
- Protéger le droit d'auteur en rappelant au citoyen ses
droits et ses devoirs - Sensibiliser l'internaute à un usage responsable
de l'Internet
- Privilégier l'innovation avec une approche
adaptée à l'univers de l'Internet
Mais sa mission phare (et faisant polémique) est la
deuxième de cette liste. Elle donne naissance a une catégorie
d'actants que l'on nommera surveillants digitaux.
b) Processus mis en place pour « Protéger le
droit d'auteur en rappelant au citoyen ses droits et ses devoirs
»
Pour sa deuxième mission qui est de protéger le
droit d'auteur en rappelant au citoyen ses droits et ses devoirs, un processus
de surveillance, assez complexe, est mis en place. Ce processus n'étant
pas communiqué de façon transparente par la Hadopi, on se
référera aux articles publiés par le site La loi
Hadopi57 pour décrire son mécanisme.
La Hadopi ne se charge pas directement de la surveillance de
la circulation de contenus audiovisuels sans autorisation. L'institution
travaille en étroite collaboration avec l'entreprise Trident Media Guard
(TMD).
L'industrie audiovisuelle fournit a TMD, de façon
périodique, une liste d'oeuvres faisant partie de leur catalogue,
constitué de plusieurs milliers de références. Cette liste
sert alors de référence pour rendre la surveillance possible.
TMD va alors tracker les échanges de fichiers en
prenant comme base cette liste de contenu audiovisuel soumis a des droits
d'auteurs. Pour surveiller ces mouvements, TND va surveiller les principaux
réseaux de peer-to-peer. Elle identifie alors les adresses IP à
partir desquelles se font les échanges. Ces adresses IP sont ensuite
transmises à la société civile des producteurs
phonographiques (SCPP), qui contrôlera à nouveau l'infraction. Si
elle est validée, la liste d'adresses IP est transmise à la
Hadopi.
Ces adresses IP une fois collectées sont
communiquées aux fournisseurs d'accès Internet, qui recoupent ces
adresses avec les informations qu'ils ont dans leurs bases de données.
C'est ainsi que la Hadopi peut retrouver les coordonnées de
l'abonné qui correspondent à l'adresse IP. A partir de ces
informations personnelles, la Hadopi peut alors lancer des avertissements.
Un premier avertissement est envoyé par mail.
Si, suite à cet avertissement, on constate qu'il n'y a pas
de récidive sous six mois, les données personnelles de
l'internaute concerné sont supprimées.
Si, à l'inverse, il y a récidive, un second
avertissement est envoyé par mail et par lettre recommandée. A
nouveau, s'il n'y a pas de récidive sous 12 mois après ce second
avertissement, les données personnelles de l'internaute sont
effacées.
56
http://www.hadopi.fr/la-haute-autorite/lhadopi-en-bref
(tiré de Hadopi en bref)
57
http://www.la-loi-hadopi.fr/procedure-hadopi/14-controle-hadopi.html
http://www.la-loi-hadopi.fr/procedure-hadopi/13-telechargement-illegal-hadopi.html
http://www.la-loi-hadopi.fr/procedure-hadopi.html
Et s'il y a récidive, l'abonné reçoit une
nouvelle lettre l'informant qu'il risque d'être poursuivi en justice.
Après ce troisième et dernier avertissement, la Hadopi fait une
nouvelle délibération sur sa position de poursuivre ou non
l'internaute. Si la délibération est positive, le dossier est
transmis au parquet. La condamnation est alors entre les mains du juge.
Les sanctions possibles sont les suivantes : l'internaute
poursuivi peut encourir une amende allant jusqu'à 1500 €, et son
accès Internet peut être suspendu pendant un mois.
C. Bilan de la controverse digitale
1) L'autorité étatique peut-elle
régner sur internet ?
a) L'exemple de la fermeture de MegaUpload est-il une
réussite ou un échec des autorités ?
Les réussites de cet exemple
MegaUpload était l'un des principaux sites de streaming et
téléchargement direct illégal, jusqu'au 19 janvier 2012,
date a laquelle la justice est parvenue a le fermer58.
Cette fermeture est une réussite de la justice, dans le
sens oil elle a normalement peu de marge de manoeuvre sur internet, comme nous
l'avons vu précédemment. La fermeture de ce site était une
opération délicate à mener du fait du caractère
international de cette affaire : les mandats d'arrestation étaient
émis par la justice américaine, alors que le site était
basé à Hong Kong, et que son fondateur, Kim « Dotcom »
Schmitz, vivait en Nouvelle Zélande. Malgré toutes ces
difficultés, le nom de domaine de MegaUpload a été saisi,
fruit d'un long travail mené par le FBI.
L'arrestation du fondateur symbolise la fin du site. Il est
non seulement accusé de violation de droits d'auteur, mais aussi de
crime organisé. Pour cette dernière accusation, les
enquêteurs ont constitué un dossier dans le but de
démontrer que derrière MegaUpload se cachait une entreprise de
contrefaçon et de blanchiment d'argent59.
Les échecs de cet exemple
La fermeture de ce site emblématique du streaming et du
téléchargement illégal n'a pourtant pas fait basculer ses
usagers vers les offres légales60.
58 Le FBI ferme Megaupload, la contre-attaque
s'organise, 20/01/2012, Le Parisien
http://www.leparisien.fr/high-tech/en-direct-le-site-megaupload-ferme-les-anonymous-ripostent-20-01-2012-
1820800.php
59 La législation antimafia utilisée
contre Megaupload, Par Damien Leloup, Le Monde.fr, 20.01.2012
http://www.lemonde.fr/technologies/article/2012/01/20/contre-megaupload-la-legislationantimafia1632579651865.html
60 La fermeture de MegaUpload bouscule les habitudes
des internautes, Le Monde.fr, 27.01.2012
http://www.lemonde.fr/technologies/article/2012/01/27/la-fermeture-de-megaupload-bouscule-leshabitudes-des-internautes1635618651865.html#xtor=EPR-32280229-[NLTitresdujour]-20120128-[titres]
L'article du Monde La fermeture de MegaUpload bouscule les
habitudes des internautes datant du 27 janvier 2012, montre ainsi que la
saisie de MegaUpload a salué le grand retour du peer-to-peer, qui
était de plus en plus délaissé.
Le 19 janvier 2012 marque aussi la forte croissance des trafics
sur les sites de téléchargement direct, jusqu'alors concurrents
de MegaUpload, tel que Rapidshare.
Quant au streaming illégal, les vidéos ont
simplement été migrées vers de nouveaux serveurs. Ce sont
principalement les sites PureVid et MixtureVideo qui ont profité de la
situation puisque « ces deux sites se partagent aujourd'hui 90 % des liens
présents sur les annuaires référençant les
vidéos diffusées illégalement en streaming sur les moteurs
et annuaires spécialisés »61.
Et pour couronner cet échec, la justice
Néo-zélandaise a déclaré que l'arrestation du
fondateur de MegaUpload était en fait illégale, car les mandats
étaient imprécis62. Kim « Dotcom » Schmitz a
d'ailleurs annoncé le retour de son entreprise avant la fin de
l'année 2012.
b) Analyse du processus de surveillance mis en place par
la Hadopi
On peut relever deux défauts majeurs dans le processus de
surveillance établi par la Hadopi.
Tout d'abord, les procédures a suivre sont très
complexes, car la surveillance passe par au moins deux acteurs, avant d'arriver
dans les bureaux de la Hadopi. Il y a tout d'abord la TMD, prestataire assurant
la surveillance de la circulation de contenus illégaux. Puis
interviennent les fournisseurs d'accès à internet, dont le
rôle est de communiquer les coordonnées des internautes
procédant aux échanges de fichiers. C'est uniquement au bout de
cette chaîne que la Hadopi peut avertir les usagers. Or, la
complexité de ce processus risque de rendre les actions peu
réactives, rendant le système peu efficace.
De plus, le champ d'action de la Hadopi est assez restreint.
En effet, il ne concerne que les échanges de fichiers en peer-to-peer.
D'autres moyens de visionnage illégaux existent pourtant, comme cela a
été décrit plus haut.
Ce champ restreint d'action contribue alors a une certaine
confusion de l'usager, pour qui la notion de légal et d'illégal
ne devient pas claire.
L'action en justice n'est donc pas la meilleure solution, en
tout cas actuellement, pour démanteler le réseau des usagers
actifs, la justice ayant encore peu de pouvoir dans le domaine digital, et les
lois étant complexes à appliquer.
61 Après la fermeture de MegaUpload, le
streaming illégal a muté en profondeur, Damien Leloup, Le
Monde.fr, 17.04.2012
http://www.lemonde.fr/technologies/article/2012/04/17/apres-la-fermeture-de-megaupload-lestreaming-illegal-a-mute-en-profondeur1686497651865.html
62 MegaUpload : la perquisition et la saisie de
biens de Kim Dotcom jugées illégales, Le Monde.fr avec Reuters,
28.06.2012
http://www.lemonde.fr/technologies/article/2012/06/28/megaupload-la-perquisition-et-la-saisiede-biens-de-kim-dotcom-jugee-illegale1725729651865.html
2) Sites Internet : nouveaux centres de traduction
dominant ?
a) La notion de destruction créatrice
D'après Schumpeter (1942), l'économie est
constituée de cycles industriels dépendant d'innovations
majeures. Ainsi, a la suite d'une innovation majeure, une économie
connaît d'abord une phase de croissance qui aura pour effet la
création d'emplois. Cette économie rencontre ensuite une phase de
dépression, liées aux nouvelles innovations. Dans cette phase,
l'économie devenue obsolète est dépassée par les
économies innovantes et se voit détruire des emplois.
« En conséquence, la croissance est un processus
permanent de création, de destruction et de restructuration des
activités économiques »63
Cinq types d'innovation sont ainsi identifiés par
Schumpeter : - la fabrication de nouveaux biens;
- les nouvelles méthodes de production ;
- l'ouverture d'un nouveau débouché ;
- l'utilisation de nouvelles matières premières
;
- la réalisation d'une nouvelle organisation du
travail.
Dans le cadre de notre étude, on s'intéressera
plus particulièrement aux nouvelles méthodes de production, a
l'ouverture de nouveaux débouchés, et a la réalisation
d'une nouvelle organisation de travail.
b) Les innovations communes entre l'offre digitale
officielle et l'offre des usagers actifs
Les offres conçues par les actants digitaux officiels et
les usagers actifs ont en commun le fait qu'elles suivent une nouvelle
méthode de production et ouvre de nouveaux débouchés.
Ainsi, la série ne suit plus son schéma
traditionnel en ne restant que sur les supports télévision et
DVD, mais se dématérialise pour circuler librement sur
internet.
Cela nécessite de faire appel à de nouveaux moyens
pour diffuser la série et entraîne la naissance d'éditeurs
et de diffuseurs en ligne.
Néanmoins, une partie du processus de production reste
inchangé dans le cas des séries télévisées :
elles sont, à la base, produites pour la télévision et
cofinancées par ces dernières. La base de la production reste
donc traditionnelle, ce qui n'est pas le cas des web séries que nous
étudierons par la suite.
Avec ce nouveau mode de production, la série trouve
aussi de nouveaux débouchés, en étendant son
marché. En effet, son marché s'agrandit géographiquement
en s'adressant a autant de pays qu'internet peut couvrir (ou autant de pays que
les droits achetés peuvent couvrir dans le cas de l'offre digitale
officielle). Mais ce marché s'agrandit aussi du fait de la
63
http://fr.wikipedia.org/wiki/Innovation
diversification des modes de distribution auprès des
usagers. Ces derniers peuvent alors visionner leur série depuis leur
téléviseur, leur ordinateur, leur tablette ou leur mobile. Cette
diversification peut donc à la fois augmenter le nombre d'usagers et le
temps de visionnage par usager.
c) Une nouvelle organisation du travail, l'innovation
majeure des usagers actifs
On l'a vu, les usagers sont devenus actifs et ont appris a
s'organiser pour faire circuler leurs séries, et on étudiera de
plus près la façon dont ces usagers s'organisent dans la partie
recherche de ce mémoire. Cette organisation permet aux usagers
d'atteindre deux bénéfices majeurs : ils obtiennent leur
série gratuitement et rapidement après leur diffusion, d'un pays
a l'autre. La rapidité des échanges permet donc aux usagers,
devenus très fidèles a une série (comme on a pu le voir en
première partie de ce mémoire), de ne pas avoir à attendre
sa diffusion officielle plus tardive, en fonction des accords entre pays.
Car en effet, selon une étude de l'Ifop
réalisée en février 2012, auprès de 1249
internautes sur le site Clubic.com64, 85 % des sondés
déclaraient que les offres légales étaient trop
chères et 69 % déclaraient qu'elles étaient trop
limitées.
En réponse aux évolutions de cet environnement
oil le digital s'impose de plus en plus, certains producteurs vont jusqu'a
concevoir des séries produites pour internet avant tout : il s'agit de
la web série. Dans ce modèle aussi, l'organisation du travail
subit des modifications. Après sa production, la série n'est plus
diffusée sur une chaîne, mais sur une plateforme proposant du
contenu en streaming. C'est donc le producteur qui va gérer sa
diffusion.
En termes de financement, la web série a besoin d'un
sponsor, qui peut être65 :
- La plateforme de diffusion elle-même comme Dailymotion
qui propose des investissements de départ allant de 10 000 à 20
000 €
- Une institution favorisant le développement de ce type
de contenu tel que le CNC
- Une entreprise désireuse de communiquer sur sa marque a
l'instar de la BNP qui a financé la web séries Mes
Collocs
D'autres web séries parient aussi sur des revenus
générés par la vente de DVD et de produits
dérivés. C'est le cas du Visiteur du futur, vendue en
DVD, et dont le site vend des tee-shirts et les bandes originales de la
série.
Cependant, la web série est encore en plein
développement et n'a pas encore trouvé un modèle
économique tout à fait performant, et les séries dont le
développement reste traditionnel (pour les chaînes de
télévision) sont encore les plus sollicitées.
On ne peut donc pas dire que les sites internet sont, à
ce jour, devenus le principal centre de traduction des séries
télévisées, car le processus de production
intégralement digitalisé n'a pas encore trouvé un
modèle économique stable. La partie digitale du réseau des
séries - qu'il s'agisse du relai par les usagers actifs que de celui des
actants digitaux officiels - dépend encore fortement de la partie
traditionnelle du réseau.
64
http://pro.clubic.com/legislation-loi-internet/telechargement-illegal/actualite-478704-fin-megaupload-48-
internautes-auraient-cesse-telecharger-illegalement.html
65
http://www.npaconseil.com/blog/2010/12/09/dailymotion-investir-pour-disposer-de-contenusprofessionnels-propres/
C'est d'ailleurs ce que l'on observe quand on voit le principe
selon lequel une série est arrêtée ou non. Si l'on prend
l'exemple de la série Heroes, cette dernière a été
annulée au bout sa quatrième saison, en mai 2010, car son
audience télévisée locale (américaine), avait
continuellement chuté depuis sa deuxième saison (le dernier
épisode de la première saison avait rassemblé 13,2
millions de téléspectateurs, alors que le dernier épisode
de la quatrième saison, n'en avait rassemblé que 4,43
millions)66. Et pourtant, cette chute du nombre de
téléspectateur ne semblait pas signifier que la série
n'était plus appréciée. Car en parallèle de ces
scores d'audiences devenus très faibles, Heroes était pourtant la
deuxième série la plus téléchargée
(illégalement) en 2010 d'après ToorentFreak.com67.
Ce n'est donc pas le spectateur digital qui décide de
l'avenir d'une série, mais encore le spectateur «
télévisé ». Il semble donc que les chaînes
restent le centre de traduction dominant pour les séries.
Une exception à la règle : quand les
usagers actifs sauvent leur série préférée
grâce à internet68
En mai 2007, NBC annonce la fin de la série Jericho,
après seulement une première saison décevante, avec en
moyenne 9,5 millions de téléspectateurs par épisode, et
une diminution de l'audience au fil des épisodes.
Mais grâce à internet, les fans ont su se
mobiliser pour sauver cette série. Sur divers sites internet et forums,
l'appel était lancé : envoyer le plus de noix possible au
siège de la chaîne. La noix était une
référence a un mot prononcé durant le dernier
épisode par l'un des personnages principaux de la série : «
Nuts ».
20 tonnes de noix plus tard, la série a
été prolongée d'une saison supplémentaire de 7
épisodes. Une deuxième saison qui cette fois sera
définitivement la dernière, l'audience (6 millions de
téléspectateurs en moyenne) l'emportant sur le dévouement
des fans.
66
http://www.ozap.com/actu/nbc-annule-officiellement-serie-heroes-fini-saison/340678
67 Et les 10 séries les plus
téléchargées en 2011, sont..., Première,
21/12/2011
http://seriestv.premiere.fr/News-Series/Et-les-10-series-les-plus-telechargees-en-2011-sont-3049154
68 Les séries télé pour les nuls,
Marjolaine Boutet, Editions Générales First 2009, p.327
Chapitre 2
Recherche
Mac Guyvers 2.0
Pourquoi l'offre illégale de séries
télévisées est-elle généralisée
aussi
librement, alors que la loi l'interdit ?
Méthodologie
Pour répondre à notre problématique de
recherche, différentes méthodologies ont été
utilisées. La démarche de recherche de ce mémoire est
qualitative, car le but est de comprendre le réseau de l'usager actif.
On ne cherche donc pas ici a tirer des données représentatives de
la population française.
En ce sens, cette étude comporte trois volets, chacun
prenant un point de vue différent et donnant une vision complète
du réseau : l'usager, le fournisseur, et le créateur.
1) Usagers
Le premier volet de l'étude a été
réalisé au moyen d'entretiens qualitatifs de deux types.
D'abord, des groupes de discussion ont été
menés avec des internautes, sur des forums regroupant des fans de
séries. Il était intéressant d'utiliser ce type
d'entretien, d'une part parce qu'il permettait de cibler la population à
laquelle on souhaite se référer dans le cadre de cette recherche,
c'est-à-dire l'usager internaute. D'autre part, en ciblant des fans de
séries, on pouvait aussi mieux comprendre l'affection des spectateurs
pour une série particulière.
Au total, sept forums ont été choisis pour
réaliser cette
étude. lost-site.com,
car Lost a été la série la plus
téléchargée, jusqu'au jour oü elle a
été arrêtée. C'est ensuite Dexter qui a pris la
relève dans le classement des séries les plus
téléchargées, c'est pourquoi on s'est
intéressés au forum
dexter-serialforum.com. Puis
on a étudié le comportement des fans de Glee, qui, étant
une série racontant la vie de lycéens, devait a priori
rassembler une population plutôt adolescente. Et il était
intéressant de porter un intérêt particulier sur cette
cible, puisque l'on peut penser que l'engouement émotionnel peut
être plus fort au sein de cette population, cette dernière pouvant
être potentiellement particulièrement active dans l'utilisation
nouvelle technologies. C'est pourquoi on est allé voir ce que pensaient
les membres de
glee.forumactif.org et
forum.glee-france.fr. Enfin,
un intérêt a été porté sur les populations
plus enclines à regarder leurs séries
préférées à la télévision, tout en
étant actives sur internet. Le choix de forums s'est donc porté
sur les fans de Plus Belle La Vie, car étant une série
française quotidienne, le visionnage sur internet n'est pas, en
principe, un besoin. Deux forums de Plus Belle La vie ont donc fait l'objet de
cette étude :
plusbellelavie.org et
samiaand-boher.forumactif.org.
Toujours pour la même cible, un groupe de discussion a été
mené sur le forum de la série Doctor Who de la chaîne
France 4, a priori utilisé par les spectateurs de France 4.
Ces groupes de discussion ont permis d'avoir l'avis d'un grand
nombre de personnes : au total, 35 personnes ont apporté leur
témoignage par ce canal de discussion : 15 femmes, 17 hommes et 3
personnes dont le sexe reste indéterminé ; l'âge
n'était pas déclaré a chaque fois, mais pour les personnes
qui le déclaraient, la tranche d'âge des personnes
interrogées allaient de 15 à 42 ans.
Ces groupes de discussion ont été
complétés par des entretiens qualitatifs réalisés
de façon individuelle, et en face à face, auprès de
spectateurs regardant des séries télévisées
grâce à la technologie internet. Il était important pour
cette étude d'obtenir ces témoignages pour au moins deux raisons
: si les internautes s'expriment très facilement sur les forums sur les
raisons pour lesquelles ils aiment une série, la question de l'obtention
d'un épisode de série par le biais d'internet peut être
délicate a aborder publiquement, car le moyen utilisé est
généralement illégal ; de plus, il était aussi
intéressent d'avoir le témoignage de personnes qui utilisent
internet pour regarder leurs séries, sans pour autant être fan au
point de discuter sur des forums, ce qui était un complément
nécessaire pour montrer pourquoi l'utilisation d'internet n'est pas un
« marché » de niche.
Au total, 7 personnes ont été
interrogées, lors d'entretiens dont la durée variait entre 20 et
40 minutes. La tranche d'âge de ces personnes est assez restreinte,
puisqu'elle varie entre 23 ans et 27 ans. Parmi ces personnes, 3 sont
étudiants, 2 sont employés et 2 sont cadres supérieurs.
2) Fournisseurs (illégaux)
Le deuxième volet de cette étude porte sur la
façon dont s'organise la communauté internet pour pouvoir
diffuser rapidement les épisodes de séries. Pour cela, une
méthodologie d'étude historique a été menée,
basée sur différents supports.
D'abord, l'étude de sites internet, blogs et forums,
dans le but de comprendre le fonctionnement de l'activité de fansub, et
celui des annuaires de séries. Pour le fansub, on s'est basé sur
l'étude des communautés U-Sub et Addic7ed, et pour les annuaires,
on s'est concentré sur le fonctionnement de la communauté DP
Stream et du site Pirate Bay.
Par « étude ~, on entend la lecture des discussions
sur les forums, et l'observation du fonctionnement des sites
étudiés.
En complément, le reportage Series Addict
d'Olivier Joyard (première diffusion le 30 novembre 2011 sur Canal Plus)
a fourni des informations intéressantes sur le développement du
marché illégal en ligne de la série.
3) Créateurs
Enfin, le dernier volet d'étude avait pour but d'avoir
le point de vue d'une professionnelle de la création audiovisuelle. Pour
cela, un entretien a été mené avec Lise Barembaum,
chargée de développement chez Thalie-Images Production. Cet
entretien a permis de comprendre les secrets de fabrication des séries,
de mettre en reliefs les différences de fonctionnement entre l'univers
traditionnel télévisuel et celui des utilisateurs actifs en ligne
; cet entretien avait aussi pour avantage d'avoir l'avis d'une professionnelle
de l'audiovisuel sur la question de l'influence de l'internet dans ce
secteur.
Cet entretien a aussi été complété
par des témoignages de professionnels de la télévision
apparus dans le reportage Series Addict, cité plus haut.
4) Limites des méthodologies
employées
Du coté des usagers, il aurait été
intéressant d'obtenir l'avis d'un plus grand nombre de personnes dont
l'accès a l'offre illégale leur est familière, sans pour
autant être particulièrement fan d'une série
précise, lors d'entretiens individuels réalisés en face a
face. Deux ou trois personnes de plus dans cet échantillon aurait pu
apporter une analyse plus profonde sur le sujet.
Concernant les entretiens réalisés, parmi les 7
personnes, 4 m'étaient étrangères (personnes D, E, F, G en
annexe), et c'est certainement pour cette raison que ces entretiens ont
été moins approfondis que les autres. Car les émotions
vécues devant une série télévisée peuvent
être un ressenti intime, qui ne s'avoue pas forcément. De plus, la
question du visionnage illégal reste une question sensible, que l'on ne
souhaite pas forcément aborder avec une personne
étrangère.
Quant a l'étude de l'organisation de l'offre
illégale, il aurait été intéressant de
compléter l'étude historique avec des entretiens qualitatifs. Car
cela aurait pu clarifier certains points de l'organisation, qui n'est pas
toujours claire depuis un forum. Et il aurait aussi été
intéressant de connaître les motivations des différents
administrateurs des sites. Mais n'ayant pas eu de réponses de la part de
ces personnes (ce qui peut se comprendre étant donnée la
sensibilité de la question), ces entretiens n'ont pas pu avoir lieu.
Enfin, du point de vue professionnel, il aurait aussi
été intéressant d'avoir l'avis d'une personne travaillant
dans une chaîne de télévision. Car le regard d'une personne
de ce métier aurait peut-être été plus hostile
vis-à-vis de l'offre illégale, comparé au regard que peut
porter un créateur. Cette vision aurait ainsi pu apporter des
recommandations supplémentaires à la fin de cette
étude.
Partie 1
Profil de l'usager actif et son utilisation
d'internet
A. Le lien entre la série et son spectateur
1) Sentiment « d'ailleurs »
Pour certains adeptes, la série permet de penser a autre
chose, d'être purement diverti.
« La série est intéressante parce que tt
le monde rêve de voyager d'être quelqu'un d'important enfin moi
c'est cette sensation que j'ai quand je regarde la série »
« Ce qui me plait dans la série c'est la grandeur
et l'infinité de l'univers de cette dernière. »
Ce sentiment n'a cependant été observé
qu'auprès de deux personnes, fans de Dr Who. Il paraît donc
logique que cette impression survienne sur ces personnes en particulier,
puisque cette série appartient au genre de science-fiction. Ceci n'a
pourtant pas été observé auprès des fans de Lost,
série qui aurait pu se prêtée à de tels sentiments,
étant fantastique. On peut donc supposer que l' « évasion
» est un phénomène assez minoritaire.
2) Sentiment de proximité entre la série
et son public
a) Attachement
« C'est un peu des amis de qui on prend des nouvelles
»
La série est longue, et elle s'étale
généralement sur plusieurs années. A force de revoir les
mêmes visages chaque jour ou chaque semaine, les personnages deviennent
des présences attachantes, simplement parce qu'on apprend a les
connaître.
« Dans les séries, tu vois les gens grandir,
grandir eux-mêmes, par rapport aux épreuves qu'ils subissent dans
la vie, et je trouve que c'est un bon sentiment le fait de regarder. Ça
crée de bons sentiments. De voir qu'ils s'en sortent. Bon après,
c'est pas toi qui t'en sors, mais t'es contente pour eux »
« Et, notamment lors de la saison 6 que nous
découvrions ensemble, je me souviens de notre émotion
partagée notamment lors des retrouvailles de Sun et Jin (pourtant deux
persos dont je n'étais pas fana à la base) ou lors du final
(même s'il y a à redire... et on en a causé des pages et
des pages sur ce forum !!). »
(( C'est une série qui te permet de
réexaminer ta vie. Elle t'ouvre de nouvelles possibilités, de
nouvelles manières de voir le monde, d'interpréter l'existence.
Ses personnages deviennent plus que simplement des personnages : ils rentrent
dans ta vie, et tu apprends à rentrer en relation avec eux. Ils font
partie de toi. Lors de la mort de certains personnages, c'est comme une partie
de toi qui meurt. Pas parce que tu t'identifies à eux, mais parce que tu
avais fini par être attaché à eux, malgré parfois
leurs états d'âmes débiles, leurs réactions connes,
et une certaine tendance des scénaristes à les utiliser comme des
marionnettes au service d'une intrigue (notamment dans certaines scènes
de la saison 2 ou les dernières saisons). »
Cet attachement n'est pas toujours dû aux personnages. Il
peut émerger du fait qu'il soit lié a une époque de sa
vie. Une jeune femme raconte :
(( Mais je pense que les Frères Scott c'est
particulier parce que ça me rattache un peu a mon adolescence. C'est un
peu... je m'identifie pas du tout aux personnages, mais c'est juste que c'est
un signe, c'est.... C'est quelque chose qui a marqué mon adolescence et
que j'ai suivi jusqu'a la fin parce que voilà, ça faisait partie
de... C'est plus je dirai sentimental. Et je rattache ça a des bons
souvenirs et tout ça, Mada, ma vie de Lycée à Mada et tout
ça, donc voilà, j'ai regardé jusqu'a la fin.
»
Cet attachement, c'est la raison pour laquelle un spectateur se
sent rassuré lorsqu'il regarde sa série. Et à
l'attachement peut suivre le sentiment d'identification.
b) Identification
Les spectateurs expriment généralement la
sensation qu'une série est proche d'eux, qu'elle leur parle. Le fait de
voir leurs personnages affronter des problèmes qui ressemblent à
leur quotidien permet une certaine identification.
L'identification a plus particulièrement été
observée chez les fans de Glee, dont le public est plutôt
adolescent.
(( Glee ce n'est pas une série nunuche où
les mecs sont tous super sexy & où les filles sont super canons,
okay, ils sont beau & mignons mais je veux dire que tout le monde peut
s'identifier à l'un d'eux (: »
(( J'ai été complètement
touché par les histoires de ces jeunes lycéens opprimés
raillés etc. Ils connaissent les problèmes que chacun d'entre
nous peut connaître (j'ai moi-même été opprimé
au collège) du coup l'identification s'est faite naturellement.
»
(( J'avoue que particulièrement dans Glee, il m'est
arrivé d'avoir la gorge serrée car je revivais des instants de ma
vie à travers la série. »
Mais le sentiment d'identification n'est pas
réservé aux seuls adolescents. Une jeune femme s'explique
(( Il y a des événements qui se passent, et
ça le fait se remettre en question sur sa vie, de qui il est, d'ot) il
vient, etc ; Et je trouve qu'on peut vachement s'identifier ~ ses
réflexions sur lui-même. Du coup ça me permet aussi de me
remettre en question tu vois ! Et dans les limites... c'est jamais notre vie
qu'on voit en série bien sûr, mais j'aime bien le fait que je
puisse m'identifier. »
Et une autre exprime son attachement envers un personnage, a la
condition qu'il lui ressemble :
(( Des fois y a un personnage auquel tu t'attaches. Enfin
si tu te reconnais dedans. Ce n'est pas forcément un personnage
principal. Mais bon tu ne veux pas qu'il lui arrive du mal quoi. Tu te dis a sa
place j'aurais fait ça ou alors la même chose. »
3) Les apports personnels de la série
Les spectateurs ont aussi l'impression de changer,
d'évoluer avec leur série. Cette sensation est surtout
exprimée par les fans de Lost.
(( Last but not least : l'impression que cette
série m'a appris des tas de choses dans ma façon de voir la vie
(oui, je sais, ça fait bêbête mais j'assume), ce qui fait
que je l'ai vue et revue et que je continue d'y penser... »
(( Dans une série, au final, on a beau aimer les
références, les théories, ou n'importe quoi, ce qui
importe, ce sont les personnages. Et LOST a réussi à me fournir
des personnages qui font partie de moi. Charlie (malgré ses
égarements en saison 2), Desmond, Hurley, Locke, Nikki et Paolo (non, je
déconne !), Sawyer, et même ce couillon de Jack. Ce sont des gens
qui font partie de mon existence, au loin. Ils m'ont marqué, et je leur
suis redevable. »
(( J'en suis venu a me demander quel genre de personne je
serai devenu si LOST n'avait jamais existé. Mais ça c'est une
réflexion typiquement lostienne ^^. Je pense que je ne serai pas le
même : quelqu'un de moins réfléchi peut-être car LOST
a très grandement participé a m'éveiller ! »
Et la série leur a parfois permis d'affronter des moments
difficiles
(( J'avais 12 ans, ça s'est terminé j'avais
17 ans, j'ai grandi, j'ai vécu mon adolescence avec Lost comme petite
"lumière", comme message qui me disait "ça va aller, tu sais
»
(( Glee est une source de plaisir & de bonheur pour moi
(: dès que je ne me sens pas bien ça me remonte le moral
»
4) L'investissement personnel du public envers une
série : le fan art
Face à cet attachement, le public ressent le besoin de
s'investir personnellement pour une série.
L'une des répondantes, fans de Dr Who, fait ses propres
créations basées sur les personnages de sa série
préférée. Ci-dessous, un « K-9 », un chien-robot
accompagnant le personnage principal dans ses aventures. Elle confectionne
aussi des vêtements inspirés des personnages de la
série.
Diverses créations peuvent être consultées
dans les forums de fans. Elles peuvent être des réalisations
d'échelles variables et de types très différents. Ainsi,
en navigant sur internet, on peut trouver des fanfics (fictions écrites
par les fans), des montages photos, des dessins, etc. Parmi les
réalisations les plus originales trouvées sur internet, un fan de
Dexter a même pour ambition de reconstituer une réplique de salle
d'exécution type utilisée par le sympathique tueur en
série.
B. Rapport social entre la série et ses
spectateurs
1) Tantôt, la série isole
Pour la majorité des répondants, regarder une
série est une activité qui se fait seul. Car le public aime vivre
sa série à son propre rythme.
« C'est vraiment un truc que tu fais tout seul ou a
la limite avec ta copine. Mais il faut être au même épisode.
Si tu dois l'attendre, au bout d'un moment c'est compliqué.
»
« J'aime bien regarder a mon rythme aussi. Parce que
voilà, quand j'ai beaucoup de temps libre par exemple, je vais
enchaîner, enchaîner, enchaîner les épisodes. Alors
que là quand j'ai pas beaucoup de temps, si les épisodes sont
sortis, j'ai pas forcément le temps, je vais m'en faire un. C'est pas
une activité que je vais faire avec quelqu'un. Par exemple j'ai des amis
qui aiment beaucoup Dexter, mais je vais
jamais prendre l'initiative de regarder avec eux. Parce qu'on
regarde pas au même rythme en fait. »
Parfois, le spectateur n'a personne avec qui partager son
engouement pour une série, ou s'il le peut, c'est avec
modération.
(( Après faut savoir à qui tu t'adresses
parce que les passions ça se partage avec modération, on connait
tous quelqu'un qui a une passion pour un sujet qui ne nous touche pas et qui
même nous emmerde quand il revient à chaque fois sur la table (si
non vous ne connaissez pas assez de monde sortez et rencontrer un peu des gens,
même des péripatéticiennes) »
(( J'en ai parlé à mon boulot et j'ai eu
l'impression d'être une ovni. »
Ces difficultés ont été observées
dans les forums uniquement. C'est pourquoi, pour ces personnes, c'est un
plaisir de pouvoir partager leur passion sur des forums. Ils deviennent une
sorte de refuge.
(( En ce qui me concerne, je n'en parle pas à
l'extérieur parce que j'ai comme l'impression que la majorité des
gens s'en fiche royalement. Mais comme mes camarades du dessus, je suis content
d'en parler et d'échanger ici entre fans. »
(( Mes parents s'en fichent royalement, mes amis disent
que Glee craint, et que par conséquent JE crains, et ma seule amie qui
regarde Glee, "regarde" juste, elle n'est pas fan au point d'en parler (et puis
mon perso préféré est celui qu'elle déteste le plus
donc ...). Mais si j'avais quelqu'un avec qui en parler, ça serais cool!
Et d'ailleurs c'est pour ça que je me suis inscrite sur le forum, pour
pouvoir parler avec des gens qui ne me prennent pas pour une folle quand je dis
O combien Chris Colfer est parfait xD ! Le forum me permet de dire tout ce que
je ne peux pas dire aux autres! Ça fait du bien de pouvoir parler avec
des gens qui partage la même passion que toi =) ! »
2) Tantôt, la série crée du
lien
La série est un centre d'intérêt commun avec
l'entourage pour tous les répondants des entretiens qualitatifs
individuels et pour certains participants de forum.
D'ailleurs, c'est généralement sur les conseils
d'amis que l'on commence a suivre une série.
(( Alors c'est parce que ma famille, mes parents
regardaient. Parce que j'ai commencé a regarder les séries quand
j'avais 5 ans. Donc j'ai commencé comme ça, après
c'était par les amis. »
(( C'est souvent quelque chose que quelqu'un m'a dit,
« tiens regarde ça, c'est sympa ~, ou alors que j'ai
découvert par hasard avec quelqu'un mais moi je vais pas m'aventurer a
chercher une série parce que sinon c'est mort. »
(( L'avis des gens aide à regarder certaines
séries, tu ne vas pas forcément aimer, mais au moins ça
t'aide a t'orienter. Et comme ça tu sais s'il faut s'accrocher. Tu sais
s'il faut regarder un, deux, trois, voire plus d'épisodes pour
accrocher. »
Bien que les séries se regardent seul, elles deviennent
ensuite un objet social, autour duquel on discute, parfois pour
s'intégrer.
(( Alors a la base j'étais pas du tout série
et c'est en discutant avec des gens, et notamment a l'école, ça
tournait beaucoup autour... enfin pour nouer des contacts avec des gens, c'est
bien de discuter de séries, donc j'ai commencé pour avoir des
choses a raconter, et j'ai accroché a certaines d'entre elles en fait.
[...] Et puis c'est pour paraître normal ! Parce que si tu fais pas
ça, si t'as pas de Facebook tu passes pour un fou. »
(( Même si tu n'as pas vu la série, les
personnes avec qui tu discutes peuvent te la raconter et ça fait un
sujet de conversation amusant. Les gens qui regardent des séries sont
des passionnés, ils te disent que tu dois absolument regarder cette
série... Et après pendant le week-end, tu les regardes, et
t'essaye de rattraper ton retard. »
(( Tout le temps. Il y a un point oC,, a la fin d'une
conversation, tu arrives toujours ~ parler de série. Je crois que
maintenant c'est hyper rare d'avoir des conversations sans parler de
série. Surtout quand il y a un nouvel épisode qui vient de sortir
c'est (( t'as vu le dernier épisode de machin ? C'est fou ! ~ C'est
toujours comme ça. »
Pour certains, la série est plus qu'un sujet de
conversation et peut être une source d'actions collectives, imitative de
la série. Ainsi, un adolescent raconte la création d'une chorale,
a l'instar de la série Glee.
(( Et la création du Glee club s'est faite toute
seule, on a remarqué que chanter nous faisait oublier le stress du
lycée (même si on chante comme des gros nuls, mais bon, Glee est
plein de gros nuls, qui savent juste chanter, eux !) Et chaque semaine nous
avons un thème et nous chantons, par exemple à la rentrée
le thème est vacances d'été donc il est toujours en marche
»
Quant aux membres de forums, la série leur a permis de
faire de nouvelles rencontres.
(( Pour moi, une bonne série ne doit pas se vivre
seul. Une bonne série, on a envie d'en parler, de
réfléchir dessus ensemble, de rencontrer des gens qui, comme
nous, aiment cette série et vibrent un peu pour elle. Et là
où LOST a pleinement réussi sa mission, pour moi, c'est
là-dessus. LOST a rapporté des gens dans ma vie qui y resteront
pour toujours. C'est ici, sur ce forum Lost-Site, que j'ai rencontré mon
amoureuse fameuse (aka Camouch, zoubisoubisou), et beaucoup de gens qui sont
devenus mes amis, avec lesquels j'aime passer du temps, discuter, et partager
des choses. »
(( J'ai découvert une communauté de Lost
assez énorme (ça se voit surement moins aujourd'hui ). J'ai
rencontré des gens de divers endroits (de tous les coins de la France,
du Québec et même de Belgique), de tous les âges, de
diverses cultures, avec des caractères différents, etc, qui
partageaient tous un avis différents, une histoire différentes
par rapport à Lost. Et donc, ça me semble très important
de souligner que Lost est aussi une expérience humaine assez
fantastique. »
(( Concernant ce forum je m'y suis inscrite et je ne
regrette pas une seconde. Les membres y sont adorables. C'est comme une 2nde
famille où l'on vient lire les news et se changer les idées.
»
C. Un spectateur non plus fidèle, mais « addict
»
1) Une reconnaissance de cette addiction par les
spectateurs
Le spectateur admet qu'il ressent une certaine dépendance
envers la série qu'il suit.
(( LOST est une véritable drogue au sens propre du
terme. On ne peut plus s'arrêter. La saison 6 est en elle-même une
cure de désintoxication à LOST et le but du dernier
épisode consiste à (( lâcher prise ». »
(( Pour la première fois depuis longtemps
j'étais accro vraiment à une série. Pourquoi ? Les
personnages (le côté "choral" : beaucoup de persos), le
système des flash backs (évolution de chaque perso, tout le monde
a un côté sombre, tout le monde a eu un passé
douloureux...), la "seconde chance" donnée sur l'île, le tout
saupoudré de mystère (qui étaient ces Autres ? c'est quoi,
cette fichue fumée noire ? et Danielle, elle est juste dingue ?).
»
(( Voilà, ça a commencé à
l'adolescence avec Hartley Coeurs a Vif et Urgences... puis j'ai
découvert la VO, la VOSTF et là, c'est le drame...tout s'est
accéléré et, sans que je le réalise j'étais
devenue accro... et maintenant, c'est arrivé au point ou, si j'ai pas ma
dose minimum d'épisodes journalière, je compense le manque en
m'achetant des boucles d'oreilles et/ou des fringues... (Vous voyez un peu dans
quel état je suis!). »
Malgré cette dépendance, certains essaient de se
modérer se limitant à un certain nombre d'épisodes.
(( J'essaie pour faire durer le plaisir parce que sinon
ça va trop vite. »
(( Même si j'avais tous les épisodes sur mon
PC, je me forçais en n'en regarder que 2 par semaine : le même
soir à chaque fois, comme un rituel auquel je ne pouvais jamais
déroger. »
D'autres, au contraire, préfèrent pratiquer le
« Beach watching », soit enchaîner les épisodes d'une
saison le plus possible, et parfois d'une traite.
(( Je peux pas attendre genre une semaine pour
connaître la suite. Quand t'es trop à fond t'as envie
d'enchaîner. En plus comme ça t'arrive mieux a suivre l'histoire,
tu te souviens mieux de tout. »
Et il y a ceux qui souffrent de leur addiction : ils se sentent
forcés de continuer à suivre leur série, malgré les
déceptions des derniers épisodes.
(( Il y a eu des épisodes un peu inutiles, des
personnages fades, mais je ne sais pas, c'était + fort que tout aussi.
»
(( Je me souviens, à la fin de chaque saison,
m'être emballé dans des discours de "C'était bon, mais quel
gâchis !"... Avoir trouvé ça très inégal,
parfois chiant (notamment en milieu de saisons, en général),
parfois génial, mais j'étais quand même toujours
embarqué par un petit quelque chose »
(( 9 saisons oui. 9 saisons c'est dur ! Parfois je
regardais les épisodes et je me demandais pourquoi est-ce que je
continue a regarder ça ? Ca n'avait absolument aucun
intérêt quoi ! Et il y a même une saison ou j'ai même
délibérément pas regardé la saison au fur et a
mesure. [...] je trouvais que ça avait tellement plus de sens qu'au bout
du 3e épisode d'une saison, je sais plus laquelle, j'ai plus
regardé et j'ai attendu que la saison se finisse complètement
pour pouvoir enchaîner les épisodes plus vite. »
2) Une addiction a la limite de l'obsession pour
certains
Pour les adeptes de Lost, la série doit être revue
pour en comprendre tout son sens.
(( Chaque rediffusion oblige à remarquer des
éléments nouveaux invisibles au premier abord. Qui plus est, une
grande partie de la mythologie Lostienne est laissée à notre
imagination et à notre interprétation de ce que l'on nous dit.
Ainsi, les débats éclatent, les théories germent et les
guerres (froides) explosent entre les fans qui cherchent à obtenir les
réponses laissées en suspens. »
D'ailleurs, cette même série suscite encore des
débats, bien que déprogrammée depuis deux ans.
(( Deux ans après, il nous arrive d'en parler
encore pour revoir certains points encore obscurs, et d'en débattre.
C'est la preuve que nous n'en avons pas encore terminé, et que cette
série malgré quelques défauts, nous passionne toujours
.... »
Pour certains fans, la série de suffit plus, et le besoin
d'aller plus loin se fait ressentir.
(( C'est l'épisode Original Songs (2x16) qui a
été LE déclic c'est à partir de là que je
suis devenue vraiment accro, que je me suis intéressée aux
acteurs en eux-mêmes et plus seulement aux personnages, que je suis mise
à lire des fanfics et mettre des musiques de Glee sur mon iPod (Et
éventuellement que je suis devenue une fangirl complètement
hystérique de Chirs Colfer xD)! »
Parfois, la série fait trop réfléchir au
point de ne plus être un plaisir.
(( Il y a des moments c'est même plus un plaisir, tu
te prends la tête pendant des heures à essayer de comprendre. Tu
te demandes si c'est le paradis, si c'est ailleurs, s'il y a Dieu, à
quelle époque ils sont... Chronologiquement tu ne comprends plus rien.
Mais si tu es lié aux personnages tu peux continuer »
3) La fin d'une série
Si la série rend addict, lorsqu'elle prend fin, cela
suscite diverses réactions.
Elle peut être un déchirement pour les fans, surtout
si ces derniers la trouvent décevante.
(( Bien sûr, comme beaucoup, j'ai été
premièrement déçu par le manque de réponses
APPARENT apporté par le dernier épisode. Mais je ne voulais pas
le trouver décevant. Pour moi LOST était tellement importante
que je ne pouvais pas
dire « la fin c'est nul ~. Aujourd'hui, j'adore la
fin de LOST car j'ai appris ~ l'apprécier. C'est grâce a cet
épisode que j'ai compris qu'il fallait « lâcher prise ~ et je
me suis rendu compte qu'il y avait des choses bien plus importantes que LOST
dans la vie mais finalement, je ne regrette rien. Ces six années (enfin
plutôt cinq pour nous fans francophones qui ne connaissions pas la VOSTFR
au début) sont et resteront mémorables. »
Mais cette fin peut aussi être un soulagement, quand la
personne se sentait « obligée » de suivre les derniers
épisodes ou dernières saisons.
One Tree Hill qui vient de se finir - Oh c'est fini ! C'est
triste mais j'ai envie de dire enfin !
4) Pour assouvir cette addiction : détournements
et bidouillages
L'attente de la diffusion française devenant insoutenable,
l'utilisation d'internet devient, tôt ou tard, incontournable.
(( La saison 3, je l'ai suivi à la
télé également. Les 3 dernières, je ne pouvais plus
attendre et je les ai regardé directement sur Internet et en plus en
VOST (ce qui est largement mieux selon moi). »
(( A l'époque de la saison 3 et avec un anglais
bien meilleur que 2 ans auparavant, j'ai commencé à ne plus
attendre la diffusion belge à la télévision et à la
regarder en vostfr »
(( Quand on est accro à une série, on n'a pas
le courage d'attendre que la prochaine saison sorte en français, donc
j'ai regardé les saisons 2 et 3 en VO. »
Ces anciens téléspectateurs font alors appel
à différentes astuces.
Tout d'abord, le téléchargement reste
d'actualité ; pour cela, plusieurs solutions :
(( Moi je télécharge illégalement des
torrents, dès la sortie de l'épisode aux USA... »
(( J'utilise Google, je tape le nom précis d'un
épisode, le n° de l'épisode, la saison, et puis VOSTFR et il
balance toute une série de page et après je fais mon choix. C'est
du direct download, c'est pas du Torrent. »
D'autres préfèrent se rabattre sur le streaming
(( Moi j'utilise un site qui s'appelle TV
links. TV-links.eu.
Je trouve ça très bien. Je trouve ça très bien
fait. Il y a beaucoup de liens, ça répertorie les séries
c'est le, la façon dont c'est... le display est vraiment très
esthétique, et ça te permets de regarder plusieurs séries.
Et pour télécharger j'utilise des trucs de Torrent.
»
(( J'utilisais souvent MegaVideo. Mais depuis sa fermeture
j'ai dû chercher de nouveaux sites comme Project TV ou DP streaming. Le
problème avec ces sites c'est que la durée de streaming est
limitée, mais on trouve des systèmes pour pouvoir regarder plus
et ne pas être coupé au milieu de sa série. Voilà
comme ça je
peux regarder mes séries et c'est gratuit, même
si certains sites ne sont pas très chers »
Cette pratique est jugée pratique pour plusieurs
raisons
(( Le streaming c'est plus pratique quand c'est juste un
épisode par semaine parce que du coup, moi les liens streaming que j'ai
ça va assez vite, c'est juste pour un épisode. Déjà
t'as pas besoin... tu prends pas de place sur ton disque dur etc.
«
(( Je regarde en streaming je n'ai pas honte. Je ne
télécharge pas, je n'aime pas télécharger. J'ai
peur d'attraper des spams ou des virus, et de toute façon je ne regarde
les séries qu'une seule fois donc pas besoin de les
télécharger je préfère le streaming. »
D'autres techniques permettent d'accéder aux
télévisions étrangères ou a leurs sites
(( Pour la bbc à un moment j'avais un logiciel qui
s'appelait TVO mais la dernière fois que j'ai voulu l'essayer il ne
fonctionnait plus pour la bbc, et a une époque je regardais grâce
au site Filmon qui offrait des minutes de vues gratuites (il suffisait
d'actualiser et de prier pour que la recharge de page ne tombe pas dans un
moment important xD) mais maintenant je n'ai plus aucun moyen de voir la bbc
j'attends la sortie de la nouvelle saison pour en rechercher un =)
»
(( Un moment je sais que je suivais sur les sites des
chaînes américaines parce qu'elles passent leur série sur
internet après. Mais c'est ouvert qu'aux américains. Du coup, du
peux télécharger un truc qui brouille ton adresse IP, et tu peux
regarder sur les sites de chaînes US. Mais en même temps ça
te supprime tout ton historique donc c'est pas pratique. Donc c'est pour
ça que j'ai arrêté de le faire en fait. »
Et même pour une série quotidienne comme Plus Belle
La Vie, certains fans préfèrent aller sur les sites de
chaînes étrangères qui ont de l'avance
(( Tous les soirs je suis devant ma Tv sur fr3. Je regarde
aussi la chaîne suisse qui a une semaine d'avance sur la France car je
veux suivre les péripéties de nos chouchous. »
Mais certains ne sont pas très familiers avec ces
techniques et préfèrent demander à leur entourage.
(( Et je suis pas très... enfin les seules fois ot)
j'ai essayé de télécharger des trucs, en fait je trouvais
jamais ce que je voulais, et puis ça commençait à me
désespérer, et au bout d'un moment j'ai commencé a
demander aux autres de télécharger pour moi. »
Une autre alternative, lorsqu'on ne maîtrise pas ces
techniques, est d'acheter des DivX
(( Avant on pouvait regarder sur MegaVideo, je les regardais
sur MegaVideo. Et maintenant que MegaUpload n'est plus, j'achète les
DivX en fait. »
En plus d'avoir l'avantage de mettre a jour le public rapidement
sur les nouveautés, l'offre illégale présente des
avantages supplémentaires non négligeables.
- Le premier avantage est que l'offre est gratuite
« Mais d'un côté, il est difficile de
mettre à jour nos séries US sans payer cher, et, il n'y a pas de
secret : je n'en ai pas l'argent x) Bref »
« Si je télécharge illégalement,
c'est pas pour payer ! En fait c'est des habitudes de crevard
d'étudiant. Maintenant que j'ai un salaire, je pourrais payer, mais
pourquoi payer si je peux les avoir gratos. »
- L'avantage le plus souvent cité, en particulier dans
les forums, est que les séries sont proposées en version
originale sous-titrée en Français :
« Et effectivement, une fois la VOSTFR
découverte, on ne peut que déclarer que la VF est bien moins
agréable à regarder. Je ne la critique pas, loin de là,
mais ma préférence va sans conteste à la VO car on perd
énormément lors de la traduction et de l'interprétation
des doubleurs »
« Et sincèrement, même s'il faut un
petit temps d'adaptation, on se rend vite compte que la VO est vraiment mieux
que la VF [...J Quand on est habitué a la VO, on ne retourne sous AUCUN
prétexte à la VF, pace que le doublage français est
AFFREUX! Sérieux, les voix ne correspondent pas du tout aux personnages,
et puis la traduction est parfois horrible. Par exemple, certains moments que
j'avais trouvé trop mignons en VO, étaient un massacre une fois
traduit en Français! Donc maintenant je ne regarde que sur internet pour
avoir la VO. Et puis internet permet de regarder encore et encore ses
épisodes préférés »
- Un autre avantage est la facilité d'accès aux
séries : internet est donc un moyen sûr de ne rater aucun
épisode.
« J'avais loupé des épisodes, j'ai
découvert la série vers la moitié de la saison 1, donc
j'ai re-regardé la saison depuis le début sur internet pour mieux
comprendre l'histoire (logique!). »
« L'intérêt du
téléchargement c'est que tu peux l'avoir chez toi directement.
Ça reste ton ordinateur. Et tu peux le dégager quand tu veux en
fait. Disons que ça ne prend pas forcément trop de temps a
télécharger. Et puis ça permet de suivre... comment
dire... ça permet de télécharger tous les épisodes
un par un en fait. C'est plus facile. »
« Et sur internet je peux regarder quand je veux, si je
veux regarder à 3h du mat c'est bon. Et je peux faire pause au milieu.
»
Partie 2
La diffusion illégale des séries
télévisées sur internet, un processus bien
rôdé
Dans la partie précédente, on a vu que les
spectateurs usent d'une multitude d'astuces pour pouvoir regarder leur
série, a l'heure américaine. Ces astuces peuvent paraître,
plutôt techniques et complexes à mettre en place au premier abord.
Cela signifie-t-il que tous ces usagers actifs sont des hackers ? Pas tant que
ça. Car l'environnement permettant d'obtenir une série de
façon illégale est, malgré son apparence, très bien
organisé et assez ergonomique pour l'utilisateur.
A. De la chaîne à la toile
La première étape de migration clandestine d'une
série vers son public est le chargement d'une série qu'un
spectateur lambda aura enregistré (par exemple sur son disque dur
rattaché à sa télévision) sur une plateforme de
diffusion, dont on a déjà défini le type dans la revue de
littérature : le streaming, le téléchargement direct, le
peer-to-peer.
Ces plateformes de partage de fichiers sont faites pour
être simples à utiliser.
1) Les plateformes de téléchargement
direct et de streaming
Les plateformes de téléchargement direct
assurent aussi, généralement, la fonction de streaming. Pour
charger un fichier sur ce genre de plateforme, il suffit de s'inscrire pour
bénéficier d'un espace de stockage. Cet espace varie en fonction
de la formule sous laquelle on décide de s'inscrire. Il y a en
général simplement deux offres : une offre basique gratuite
permet d'accéder a un espace de stockage limité, et une offre
illimitée payante qui, comme son nom l'indique, permet de
bénéficier d'un espace de stockage sans limite.
Une fois cette inscription réalisée, on peut
décider de partager le fichier à un nombre limité de
personne, ou ouvrir l'accès a ce fichier a tout public. C'est
grâce a cette dernière fonction que les vidéos peuvent
être faciles d'accès sur internet.
Depuis la fermeture de MegaUpload, les principales plateformes
utilisées pour diffuser ce type de contenu sont MixtureCloud et
PureVid.
Mais la plateforme PureVid va plus loin, car elle propose de
rémunérer les personnes qui publieront du contenu sur son site
selon une grille de critères bien précis.
La rémunération se fait en fonction : du nombre
de vues par vidéo, de la durée des vidéos publiées,
et du pays d'origine (de la vidéo ou de l'internaute : ce point
n'étant pas précisé, on pense qu'il s'agit de l'origine de
la vidéo en question).
Ci-dessous, un aperçu de cette grille de
rémunération :
On notera que cette grille porte une attention
particulière aux contenus anglo-saxons venus des Etats-Unis, du
Royaume-Uni, ou du Canada (correspondant tous à la catégorie (( A
» de cette grille), qui sont les pays d'origine des séries les plus
populaires.
Ce système de rémunération est donc
particulièrement attractif pour les usagers, qui prennent aussi un
risque juridique lorsqu'ils diffusent du contenu illicite. Cela permet donc de
rendre la plateforme particulièrement attractive par une offre riche en
contenus et d'augmenter, de cette façon, son trafic. A cette hausse de
trafic suit, en toute logique, une hausse des recettes publicitaires et des
ventes de forfait.
2) Le peer-to-peer
Pour cette méthode, l'usager doit simplement glisser
son fichier ou dossier qu'il souhaite partager sur l'interface de partage
proposée sur son logiciel Torrent. Le logiciel fourni ensuite simplement
un lien, dit (( torrent ~, qui donnera accès au contenu. L'usager n'a
ensuite qu'à partager ce lien avec autant de personnes qui souhaiteront
télécharger ce contenu.
Mais pour que ce contenu soit attractif pour le plus grand
nombre, il est nécessaire de mettre en ligne des séries traduites
en français.
B. De la « VO » à la « VOSTFR »
: démocratisation du contenu
Tout le monde ne parle pas anglais ; et pourtant, ce sont
généralement les séries américaines qui connaissent
une forte popularité, et qui sont, en conséquence
téléchargées. Toute cette structure n'a donc de sens que
si les utilisateurs finaux comprennent les séries qu'ils regardent, et
cela grâce aux sous-titres.
Mais comment ces sous-titres sont-ils fabriqués ?
1) Qui est le fansubber ?
Les sous-titres des séries disponibles sur internet
sont créés par des fansubbers, littéralement : des (( fans
sous-titreurs ». Ils ne sont donc pas des professionnels de la traduction
et réalisent les sous-titres de façon amateur.
D'après un traducteur interrogé dans le
reportage Series Addict (Olivier Joyard), dans cette communauté il y a
(( des étudiants, des professeurs, des gens d'une trentaine
d'années. Et puis on a même des gens d'une soixantaine
d'année, des gens a la retraite. »
Des profils différents viennent ainsi rejoindre la
communauté des fansubbers :
« Je suis une fan de série, et regarde plusieurs
de vos traductions (anglais français) en vostrfr et je suis aussi...
prof de français,
« Je suis français et possède une licence
(bac+3) en anglais, et ai voyagé pendant plusieurs années dans
des pays anglophones, US compris! »
« Je suis donc française et étudiante en
Master de Marketing (avant ça j'étais en Master 1 de LEA), donc
mon niveau d'anglais est plutôt bon. »
« Bonjour je suis Dpaulp, Daniel pour les intimes et
62 ans passés sur terre. Ma kyrielle de prénoms m'a induit mon
pseudo et j'hiberne dans le Quercy après 25 ans passés en
Picardie. Un ours moi ? Mais non, si peu. Câlin et tranquille pour me
remettre de 44 ans de boulot. Un peu de sang régulateur utile ? Si oui,
je suis dispo tant qu'on ne me charrie pas plus que nécessaire !
»
« J'ai 26 ans, toutes mes dents (ou presque), je
travaille mais c'est moi le patron (restauration de meubles) alors je peux
donner un peu de mon temps et de ma patience infinie à cette bonne cause
qu'est le sous titrage. »
Le fansubber peut donc être n'importe qui, l'essentiel
étant d'être motivé.
Cette motivation pour s'atteler a la traduction vient
généralement de leur passion pour les séries :
« Après, pour avoir fait de la traduction en
cours pendant près de 4 ans, je sais que je suis pas super douée
en ça, néanmoins, je me suis permis de participer à la
traduction du dernier épisode de NCIS Los Angeles, voyant que ça
faisait quelques
jours que la traduction était au point mort
(certainement un manque de traducteurs) »
« J'ai décidé de prendre le taureau par
les cornes et de vous écrire, non pas pour m'en sortir et pour mettre
fin à ma dépendance mais au contraire pour la rendre productive
et vous aider dans le sous titrage!!! »
« Après des années de consommation de
séries j'ai envie de mettre à profit ma formation en anglais, de
donner en retour quoi. »
Mais certains s'y mettent pour tenter de relever le niveau des
sous-titres :
« C'est la 1ère fois que je m'inscris sur un
forum quelconque, mais en tant que fan de séries américaines je
ne supportais plus de voir des erreurs de traductions dans les vostfr, alors je
viens proposer un petit coup de main ! »
« Il m'arrive de trouver des VOSTFR dont les
traductions laissent un peu à désirer et je me disais que je
pourrais parfois faire mieux et éviter des drames linguistiques. C'est
pour ça que je vous écris ! »
2) Le travail d'un fansubber
La réalisation de sous-titres consiste en trois
tâches distinctes : la traduction, la relecture, et la synchronisation.
Ces tâches sont soumises à des règles, qui sont
écrites dans des tutoriels postés sur les forums de fansub.
a) La traduction
La traduction est l'étape initiale. Elle se fait a partir
d'un fichier retranscrivant les sous-titres télétextes faits pour
les sourds et malentendants, dans la langue d'origine de la série.
Cette étape exige que certaines règles soient
suivies : un nombre caractères limités par sous-titre, le respect
d'une certaine typographie, prêter attention a l'orthographe, adapter le
discours au vouvoiement ou tutoiement en fonction du contexte, traduire ce que
l'on sait, retirer des informations d'utilité faible (comme la
retranscription des sons, faite spécifiquement pour les personnes
sourdes). Enfin, il est conseillé au traducteur de voir
l'épisode, avant de démarrer une traduction.
b) La relecture
Cette partie du travail est plutôt assumée par
des personnes expérimentées. Il s'agit de vérifier si des
erreurs n'ont pas été laissées par le traducteur, ces
erreurs pouvant être des fautes d'orthographes, des oublis de mots ou des
contresens. De plus, le relecteur vérifie que les sous-titres sont bien
adaptés a ce qu'il se passe sur la vidéo. Au passage, il peut
modifier certains passages pour une traduction qu'il estime, plus fluide ou
plus simple a intégrer dans la synchronisation, qui est la
troisième étape.
c) La synchronisation
Elle consiste à faire en sorte que les sous-titres
soient accordés (ou synchronisés) avec les dialogues. Le
synchronisateur permet en fait de simplifier au maximum la lecture des
sous-titres pour le spectateur. Il peut donc, si nécessaire, couper une
phrase en plusieurs morceaux pour ne pas faire apparaître un texte trop
chargé, ou fusionner des sous-titres si cela paraît
cohérent dans un contexte ou le débit de parole peut être
assez rapide. Mais en aucun cas il ne peut faire de modification sur la
traduction.
Ce travail technique et de précision peut même
respecter des normes de sous-titrages, établies par des
fansubbers69 :
Cette tâche peut être réalisée en
première, deuxième, ou troisième partie, sachant qu'il
peut encore y avoir des resynchronisations après modifications des
traductions si nécessaires.
d) Un investissement de temps
Pour réaliser ce travail, le sous-titreur doit faire
preuve de beaucoup de patience, car fournir un travail de qualité, c'est
faire un investissement important de temps.
Ainsi, pour les estimations de temps, une bloggeuse70
fournies quelques estimations :
69
U-Sub.net
70
http://leblogdemaud.wordpress.com/2009/08/11/fansub-teams-comment-font-elles/
(( Pour traduire une heure de sous-titres, entre 10 à
15 heures de travail » Et la relecture :
(( Pour une heure de vidéo entre 2h et 5h de check
».
Mais ces durées peuvent être très variables
selon les personnes :
(( Il est vrai que quand on traduit tout seul, ça
prend énormément de temps, surtout si on veut être
précis. Par exemple, rien que pour faire un épisode des Simpsons
(que je faisais seule à un moment) je mettais plus de 4heures avant d'en
voir le bout ^^ »
(( Pour un épisode de 45min il faut compter 1 bonne
journée je pense et encore ... »
(( Je suis en train de corriger un sous-titre sorti il y a
à peine 4h, ça fait 2h30 que je bosse dessus et je suis loin
d'avoir fini. »
Quant au temps de synchronisation, il peut être variable en
fonction des dialogues et de l'expérience que l'on a de cette
activité.
(( Il faut prévoir qu'une synchro peut aller de 40
minutes à 2h pour 10 minutes d'un épisode, selon la
densité de celui-ci. »
L'activité de traduction étant
particulièrement prenante, les fansubbers doivent être
organisés pour sortir des sous-titres de façon efficace.
3) L'organisation des fansubbers
a) L'organisation historique : les teams
Ce fonctionnement est le plus courant. Son principe est de
rassembler les sous-titreurs en petites équipes, dites « team ~,
oü chacun se verra attribué l'une des tâches décrites
plus haut.
Pour décrire ce fonctionnement, on peut prendre l'exemple
de la communauté U-sub.
Elle propose un large éventail de séries à
sous-titrer. Lorsqu'un membre est intéressé par une série
en particulier, il peut monter une team et en devenir le responsable ou
co-responsable.
Pour recruter des membres, il passe une annonce sur le forum
U-Sub :
Le nombre de membres par team peut être très
variable. D'après les observations que l'on a pu faire sur le site
U-Sub, le nombre de membres peut être de cinq à une quinzaine.
Chaque team décide ensuite de la façon dont elle
souhaite s'organiser, et de la répartition du travail en interne (tous
les membres d'une même équipe ne travaillent pas obligatoirement
sur tous les épisodes, et ne sont pas obligés d'assumer le
travail sur un épisode entier lorsqu'il participe).
Lorsqu'un membre est encore débutant, il peut apprendre le
« métier » avec un parrain ou une marraine.
L'organisation d'une team est facilitée par la mise a
disposition par U-Sub d'espaces de travail :
- L'atelier du Sub
« Le lieu de travail des subbers. Il vous permettra
de postuler pour des tâches, de télécharger les parties sur
lesquelles vous devrez travailler et de poster votre travail. Il est accessible
via le petit onglet en bas à droite de votre écran qui est
symbolisé par une clé et un tournevis, passez la souris dessus et
le menu s'affichera. »
- Le Fabriksub
« Une section de forum strictement
réservée à ceux qui font les sous-titres, c'est une zone
d'échange et de communication entre les membres d'une
team. Chaque semaine, un sujet est créé sur
l'épisode à venir et vous pouvez alors prévenir les autres
membres de votre disponibilité pour l'épisode en
question.
Ils sont accessibles dans l'index du forum dans la
catégorie "fabriksub". Il est très
important d'y être actif: de poster si vous êtes
disponible, si vous prenez une partie et surtout quand vous la prenez, quand
vous comptez la rendre.
Afin que la team puisse suivre la progression à
venir du sous-titre. Enfin n'hésitez pas à y poster des questions
si vous en avez concernant la traduction par exemple ou toute autre question
sur votre tâche. »
De plus, des outils techniques sont à la disposition des
membres :
- Un convertisseur permettant de passer les sous-titres sous
différents formats de compatibilité
- « Typo », utile pour procéder à des
modifications qui seront synchronisées
simultanément sur trois versions différentes d'un
épisode (HDTV, 720p, web-dl)
L'avantage du travail sous forme de teams est qu'il permet un
travail de qualité, du fait que la structure de chaque équipe est
limitée, et que chacun sait donc ce qu'il a a faire. De plus, le nom de
la team est systématiquement intégré dans les sous-titres
au début ou à la fin de chaque épisode, ce qui motive les
membres à créer des sous-titres de qualité : le nom de la
team devient une marque de confiance, et une fierté pour ses membres.
L'inconvénient de ce mode de traduction est qu'il peut
être parfois long, par exemple sur des séries un peu moins
populaires, où le nombre de membres par team peut ne pas être
élevé. Pour pallier à cet inconvénient, une
deuxième méthode existe.
b) Le principe du crowdsourcing : une traduction «
industrialisée »
La deuxième méthode de sous-titrage, que l'on
peut qualifier d' « industrielle », reprend le principe de
crowdsourcing. Pour mieux comprendre cette méthode, on se basera sur
l'étude de la communauté Addic7ed.
Un membre s'explique :
« Sur ce site, c'est davantage une communauté
qu'une team. Qui veut participe à ce qu'il souhaite, en gros, ce qui a
ses avantages et ses inconvénients. Une fois la série
diffusée aux Etats-Unis, il y a le sous-titre anglais qui sort,
synchronisé, puis une traduction en Français est
créée par le premier traducteur qui passe par là, et il
n'y a alors plus qu'à rejoindre la traduction pour apporter son aide,
suffit juste de cliquer sur le lien. On peut aussi améliorer des
sous-titres déjà existants en les éditant. »
Le modèle addic7ed est une plateforme de travail «
géante », où la traduction se fait en ligne, et où
chacun peut aller où il veut. Analysons ce système plus en
détail en faisant une visite guidée de ce site.
Comme expliqué plus haut, les sous-titres
télétexte pour malentendants arrivent sur le site, directement
synchronisés. Les synchroniseurs n'interviennent donc qu'au début
du processus.
Une page du site Addic7ed est alors complètement
dédiée aux derniers sous-titres (dans leur langue originale)
chargés. Elle permet aux traducteurs (qui sont à la fois
traducteurs et relecteurs) de choisir l'épisode sur lequel ils
souhaitent travailler.
Les subbers peuvent aussi choisir leur épisode en tapant
le nom de la série souhaitée dans la barre de recherche mise
à disposition, et voir sur quel épisode il peut travailler.
Après avoir sélectionné un
épisode, plusieurs options sont proposées aux traducteurs : ils
peuvent rejoindre un travail déjà démarré et en
cours, ou créer une nouvelle traduction (dans une langue
différente par exemple).
Ils arrivent alors sur un espace de travail, où ils
peuvent traduire le texte en ligne directement :
Les dialogues étant pré-synchronisés, les
traducteurs ont juste à choisir sur quels morceaux de dialogue ils
souhaitent travailler. Ils peuvent ainsi créer des traductions sur des
morceaux non traduits (lignes en rose sur le tableau ci-dessus) ou recorriger
les traductions déjà réalisées (lignes grises).
A chaque ligne est enregistré le pseudo du sous-titreur
(colonne de gauche), ce qui permet de réaliser des statistiques, et
connaître le pourcentage de travail réalisé par chaque
membre. Au bout d'un certain temps, un statut est donné au subber : s'il
fait beaucoup de corrections, il obtient un statut de correcteur, et si son
activité est majoritairement la traduction, il obtient le statut de
traducteur.
Le principal avantage de cette organisation est la
rapidité à laquelle un sous-titre peut sortir. En effet, il n'est
pas nécessaire de faire partie d'une équipe pour commencer une
traduction, et il suffit de s'inscrire sur le site pour démarrer la
traduction de l'épisode que l'on souhaite. Chaque épisode peut
donc être ouvert à un très grand nombre de personnes.
(( Le fait de pouvoir traduire ce que l'on veut à
l'heure que l'on veut, c'est vraiment un bon fonctionnement. »
(( Tout se passe en ligne sur Addic7ed, où chacun
traduit un peu ce qu'il a envie (un peu comme il a envie aussi des fois ^^), du
coup c'est assez simple »
De cette façon, des sous-titres traduits peuvent
être disponibles dans les 24h, et parfois moins.
Mais cette organisation a aussi un inconvénient majeur
: lorsque les traductions atteignent un taux de sous-titres traduits proche de
100 %, les sous-titres sont automatiquement déclarés comme «
Complets ». Ils sont immédiatement téléchargés
en masse. Or, de cette façon, ces sous-titres risquent de ne pas avoir
été corrigés avant leur diffusion. Et c'est parfois une
mauvaise traduction qui circule ensuite sur internet.
(( Des personnes n'étant pas capables de traduire
correctement des sous-titres "s'incrustent" et gâchent réellement
le travail de certains traducteurs. »
(( J'en suis passée à ne même plus
traduire, ça ne sert à rien, je trouve, alors maintenant, je ne
fais plus que de la correction pendant qu'ils traduisent. Je recoupe leurs
phrases gigantesques, je modifie les tu et les vous car j'écoute la
vidéo téléchargée en VO en même temps, et je
corrige l'orthographe immonde pour ne pas gâcher le plaisir de tous les
gens qui regardent leurs séries favorites. »
(( Ce qui est dommage c'est que la moitié des
modifications auraient pu être évitées si lors de la
traduction les instructions données par le site avaient
été respectées et si les personnes avait pris le temps de
relire un minimum leur phrase. Du coup, ça fait fast-sub, c'est dommage
»
Cela mène certains à se demander si cette
organisation ne peut être améliorée en intégrant
certains principes du sous-titrage en team.
(( Je pense que ce qu'il faudrait c'est être dans
l'incapacité de télécharger les sous-titres avant qu'un ou
plusieurs correcteurs/relecteurs aient pu "valider" la traduction, mais je ne
pense pas que ça soit possible sur ce site. Mais cela permettrait
d'éviter les premières traductions faites à la va-vite de
se retrouver sur les sites de streaming, torrent etc. »
Avec une organisation aussi pointue, on comprend mieux comment
les sous-titres sont diffusés de façon rapide. Une fois
disponibles, ils peuvent être directement intégrés dans les
vidéos, mais ils peuvent aussi être gardés à part
pour que le spectateur fasse son choix de sous-titres, dans le même temps
que son choix dans le mode de visionnage.
C. Les annuaires : l'usager n'a plus qu'à faire son
marché
Une fois ces vidéos (sous-titrées) en ligne, la
simple recherche de vidéos par Google peut être laborieuse,
étant donnée la quantité importante d'informations
recueillie par le moteur de recherche. Alors que l'annuaire est
spécialiste du référencement de vidéo, ce qui
facilite la recherche de l'usager. Mais ces sites n'hébergent en aucun
cas les fichiers : ils ne font que rediriger vers les sites diffusant les
vidéos.
1) Les annuaires pour les sites de streaming et de
téléchargement direct
Les vidéos peuvent être chargées sur
plusieurs sites. Ainsi, une seule plateforme peut ne pas contenir toutes les
vidéos que souhaitent voir les usagers. Cela peut donc le contraindre de
naviguer de site en site, pour trouver sa vidéo. Et cette
opération est d'autant plus complexe que les plateformes de diffusion ne
proposent parfois pas un répertoire de vidéo avec un classement
par série et par saison par exemple. A l'extrême, MixtureCloud ne
propose même pas de barre de recherche, et si l'on n'a pas le lien direct
vers la vidéo, on ne peut pas y accéder.
D'oü la création d'annuaire, oü il y a
généralement catégories de trois répertoires : les
films, les séries, les mangas. Ils donnent généralement la
possibilité aux usagers de rechercher leurs vidéos par ordre
alphabétique, par genre, ou en utilisant une barre de recherche.
Prenons l'exemple de DP Stream, cité par l'un des
répondants aux entretiens qualitatifs, pour illustrer le
déroulement d'une recherche de série.
L'usager peut saisir directement le nom de la série qui
souhaite voir dans la barre de recherche :
Il est ensuite rediriger vers une liste de choix de
séries, dont les noms correspondent à la requête.
En sélectionnant la série désirée,
l'usager n'a plus qu'à choisir la saison et l'épisode qu'il
souhaite regarder.
Ces bases de données sont créées par des
amateurs, lesquels touchent certainement un revenu lié aux
publicités ou dons, mais on peut penser que cela couvre les frais
d'entretien du service. Ajoutons que ces sites ne sont pas de simples bases de
données, mais des sites communautaires. En effet, ces sites abritent
aussi des tchats et forums, rendant le tout convivial.
Ces communautés d'internautes sont en fait
nécessaires a la survie de ces sites. Car les bases de données
sont alimentées par les membres du site. Et plus il y a de membres
actifs, plus le site pourra proposer des liens de références.
2) Les annuaires pour les torrents
Une fois les torrents créés, ils peuvent
être partagés. Mais encore faut-il que les personnes
désirant télécharger puissent retrouver les liens. C'est
pourquoi ils sont ensuite partagés sur des sites, qui sont des bases de
données centralisant les torrents.
De même, ces sites sont équipés d'une
plateforme ergonomique pour l'usager a la recherche d'un fichier
particulier.
Ci-dessous, l'interface de The Pirate Bay, l'une des bases de
données les plus connues :
Son accueil est particulièrement simple d'utilisation,
puisqu'il reprend le principe de Google. Il suffit donc simplement de saisir le
nom du contenu que l'on cherche, et une liste exhaustive s'affiche :
L'utilisateur n'a plus qu'à choisir le lien qui
correspond a ce qu'il recherche. S'il souhaite obtenir plus de détail
sur un des liens, il clique dessus, ce qui le redirige vers une page
détaillée l'informant du contenu.
C'est sur cette page que l'usager peut décider, de
procéder ou non au téléchargement.
D'après les entretiens réalisés
auprès d'usagers, cette méthode peut être assez rapide et
peut prendre une dizaine de minutes, ce temps dépendant du nombre de
personnes émettrices du fichier.
Partie 3
Légalité vs illégalité
A. Perception sur les moyens légaux
1) La télévision
Une personne avoue trouver la télévision
complémentaire à internet. Pour elle, la télévision
s'apparente a un moment convivial, c'est un rendez-vous.
(( Pour le rendez-vous. C'est l'habitude, ça a
toujours été comme ça. S'ils modifiaient la plage horaire
de Sex and the City ça chamboulerait tout. C'est hyper important. Et
puis c'est sympa, on regarde ça en famille du coup. Comme c'est un
rendez-vous qui est préétabli, je sais qu'on va regarder
ça à la télé le vendredi soir. »
Cela peut aussi être l'occasion de revoir un épisode
déjà vu
(( Ensuite lorsque la série est passée
à la télé, j'ai re regarder les épisodes car je
m'en lassais pas et comme ils étaient diffusé en Vo,
c'était un plaisir que je ne pouvais pas me refuser. »
(( Moi aussi, je regarde tout d'abord lors de la
première diffusion aux USA puis par la suite à la
télé. »
Mais l'opinion des usagers sur le réseau historique des
séries télévisées qu'est la
télévision est unanime : il est impossible de suivre une
série sur ce media.
Tout d'abord, parce que la télévision a trop de
retard par rapport a la première diffusion aux Etats-Unis, ce qui annule
le côté social de la télévision.
(( C'est pas possible de suivre a la télé.
En plus si tu veux en parler avec les gens, avec la télé t'es
sûr d'être ~ l'Ouest parce que tout le monde aura toujours une
saison ou plus d'avance sur toi. C'est mort ! Ça sert plus à rien
de regarder dans ce cas. »
(( Je vais te donner un exemple avec des (( Desperate
Housewives ». Ça sortait le lundi à la télé
américaine, avec le streaming je pouvais le voir le même jour, ou
dans la semaine. A la télévision française ça ne
sortait qu'un an après. Certes le doublage du streaming n'était
pas forcément très bon, mais j'avais pas envie d'attendre un an.
On peut même les regarder en VO. Donc voilà je n'avais pas envie
d'attendre. »
De plus, la programmation a la télévision n'est
jamais très claire, ou adéquate.
(( Ils ont les saisons 6 mois, 1 an après... tu sais
jamais qui rachète les droits, ils sortent une date et en fait
c'était juste une simul de date quoi. Tu dépends
beaucoup plus de ça, du coup après ça
me saoule et je zappe carrément quoi en fait. Tu vois, une fois que t'es
pris dedans et qu'après t'es coupé pendant 6 mois de la
série, en fait je regarde plus après. »
(( How I met il hors de question... je sais même pas
quand ça passe en France. Je crois que ça passe mais je sais pas
quand, je sais pas à quel moment, ni les chaînes. Ça doit
être des chaînes spécialisées je crois. Sur W9, des
conneries comme ça. Et puis justement, les séries c'est souvent
vers 18h. C'est pourri comme horaire. Tu travailles à 18h, tu peux pas
regarder. La télé je trouve que c'est plus pour regarder les
vieilles séries. C'est plus pour regarder les redifs. Je vais tomber par
hasard sur un chouette épisode qui m'a plu. »
(( En plus le système français est bizarre,
ils te passent trois épisodes de la saison puis celle d'avant ou
d'après, ils mélangent tout et c'est fatigant. En plus les
grandes chaînes peuvent arrêter de diffuser du jour au lendemain
sous divers prétextes et sans prévenir. Alors tu te retrouves
là au milieu de ta série et c'est fini. Des fois la France
achètent des séries qui ne sont pas reconduites, alors qu'ils le
savent, alors encore une fois tu te retrouves tout seul au milieu de ta
série sans suite. Je ne comprends pas. »
Ensuite, suivre une série à la
télévision est très contraignant : l'usager ne souhaite
plus s'adapter au rythme de la télévision
(( Que avant, quand ça passait à la
télé, tu vois j'étais plus petite, je subissais un peu le
rythme de la télé, et du coup ça me permettait pas de...
du coup je zappais des épisodes, parce que j'étais pas tout le
temps dispo, et c'est pour ça que voilà, je pense qu'en les ayant
sous la main, je peux plus suivre quoi. Parce que je regarde à mon
rythme. »
2) La VOD
Au sujet de la VOD, deux des répondants ne savaient
même pas en quoi consistait ce principe.
(( Heu... c'est quoi VOD ? C'est les trucs de
téléchargement ? (( (( VOD c'est quoi déjà ?
»
Même quand cette offre est connue, elle n'est pas
considérée comme solution.
Car elle n'est pas adaptée aux besoins, notamment parce
que les séries arrivent généralement trop tard.
Il y avait aussi à la télé un truc
d'Orange ou de Free, c'était un truc de Free je pense... C'était
une offre Orange série où ils offrent des séries en
illimité. Mais quand j'ai regardé les offres j'ai eu l'impression
que l'on se moquait de moi, il n'y avait que des vieilles séries, ou
ça commençait au milieu de la saison, ou encore de vieilles
saisons. Donc je me disais que ça ne valait pas le coup. J'avais
l'impression de me faire avoir. Payer pour être en retard, oui c'est
ça ... Et du coup ça ne m'encourage pas du tout, même si je
suis prête à payer il n'y a pas d'offre intéressante. Et
l'autre possibilité c'est d'attendre un an pour aller acheter un DVD
c'est long et cher, surtout quand c'est la série dont tout le monde
parle.
Mais aussi parce qu'il paraît absurde de payer pour quelque
chose qui est proposé gratuitement par ailleurs.
Je dis la VOD, qui veut nous faire payer, même si
c'est pas grand-chose, de nous faire payer pour regarder quelque chose qui est
accessible gratuitement c'est pas adapté.
De plus, l'objet dématérialisé payant n'est
pas un concept qui plaît. Quitte a payer, autant acheter les DVD. Un
répondant témoigne :
Parce qu'il faut l'acheter. Et la seule chose qui me
ferait acheter une série c'est vraiment pour l'avoir. Pour la collection
on va dire. Et la qualité visuelle du support. Donc se serait en DVD.
Pas en VOD. Si j'achète, je préfère l'avoir en vrai. Sinon
ça sert à rien de payer.
3) Le DVD
Contrairement à la VOD, l'achat de DVD n'est pas
incompatible avec le visionnage sur internet.
Moi je télécharge illégalement des
torrents, dès la sortie de l'épisode aux USA... Et ensuite
j'achète les DVD. En VO bien sûr!
Les fans d'une série précise se
démarquent des autres spectateurs. Pour eux, la question de l'achat des
DVD ne se pose pas. Ils doivent être collectionnés, et ils
symbolisent leur reconnaissance envers les créateurs.
(( Mais bien évidemment, une fois une saison
terminée, l'achat en DVD s'impose et ce pour plusieurs raisons: - une
âme de collectionneur - acheter le produit légalement car le
travail fourni est grandiose et se doit d'être mérité
»
(( A chaque sortie en DVD j'ai acheté chaque saison.
Aujourd'hui il m'arrive encore de me regarder des épisodes par moment.
»
Et si le DVD a plus de succès que la VOD, c'est pour son
support physique.
(( J'ai tout acheté en DVD sauf la saison 6 que
j'ai en numérique payant. Ce qu'il me plait dans le support DVD, c'est
qu'il est physique avant tout ! C'est un objet de collection que l'on
protège et chérit. ^^ »
(( Je voulais les acheter parce que quand j'aime beaucoup
une série (ou de la musique) j'ai envie de l'avoir "
matériellement ", qu'elle soit en ma "possession". Que ça
devienne "à moi " et plus à tout le monde comme quand on visionne
à la TV ou sur internet. »
(( J'achète les DVD tout simplement parce qu'en
tant que fan incontesté de Dexter et collectionneur de surcroît,
j'aime savoir que je possède chaque saison dans un packaging
plutôt correct avec quelques bonus assez intéressants.
»
Mais pour des personnes qui ne sont pas particulièrement
fans, l'achat de DVD n'est pas une démarche évidente. Mais si
elle a lieu, la raison d'achat est la collection.
(( Mais 20 € le DVD c'est trop cher en plus souvent
c'est nul. S'il y avait des tarifs plus honnêtes je serais prête
à payer... Voilà ça s'apparente à de l'arnaque pour
moi. »
(( Je sais qu'il y a des séries que
j'achèterai bien même si je l'ai déjà
regardée, ce sont mes classiques. Comme tu me demandais tout à
l'heure, il y a Friends j'ai grandi avec, et même si c'est une vieille
série je m'achèterai bien tous les coffrets pour les souvenirs.
Il y a aussi Grey's anatomy, je sais que quand je travaillerai j'aimerais bien
me les acheter, même si je ne pense pas que je les re-regarderai.
»
(( C'est un achat coup de coeur quoi. C'est vraiment s'il
y a une offre promo, et que j'ai vraiment aimé la série, que
c'est pour découvrir et qu'on m'en a beaucoup parlé. C'est un bel
objet en fait un coffret DVD. »
B. Sentiments sur l'usage de moyens illégaux
1) Du point de vue des usagers
Dans cette étude, seuls les fans pensent que la diffusion
illégale de la série est un risque pour les artistes ayant
contribué à la création de la série.
(( Bonjour, je vais te répondre par MP car je sens
que ça me gêne un peu de parler du problème des droit
d'auteur. [...) Oui en effet ça me gêne cette histoire car, avant
tout, je me dis que les acteurs (même si dans beaucoup de cas ils gagnent
des sommes astronomiques) ne peuvent pas gagner d'argent si je
télécharge ou regarde en Streaming gratuitement... et je sais que
ça peut être problématique vu que je veux devenir acteur et
ça me met mal à l'aise. »
C'est pourquoi l'achat de DVD paraît normal pour un fan,
car c'est un acte compensatoire.
(( Au rayon des détails, j'ai regardé la
saison 1 de LOST à la télé, puis j'ai continué en
ligne. J'ai systématiquement acheté les DVDs (quand je pouvais au
niveau de mes moyens), parce que je pense que c'est normal d'honorer le travail
de l'artiste quand il en vaut la peine. »
(( Ça ne me gêne absolument pas de regarder sur
Internet. J'achète les DVDS et je télécharge les chansons
^^ »
Pour les autres, la question du droit d'auteur ne se pose pas,
contrairement à la musique ou au cinéma.
(( Après si j'ai un sentiment de culpabilité
c'est moins que sur les films, parce que c'est souvent des grosses productions
américaines. [...JLe seul truc c'est pour les artistes comme les
musiciens ou à la limite je peux me sentir coupable. »
(( Moi je comprends que ça porte préjudice
dans l'industrie de la musique, mais après dans l'industrie des
séries, je trouve que non, je trouve que c'est un discours un peu
ambivalent, c'est un peu hypocrite leur discours parce que la plupart des
chaînes télévisées mettent la série sur leur
site après les avoir diffusé, en tout cas aux Etats-Unis et la
plupart du temps en France, et le mettent en libre-service un certain nombre de
temps sur le site web de leur chaîne. Et je trouve que c'est un peu
hypocrite de dire qu'il faut empêcher le streaming de façon
illégale. Parce que dans ce cas tu mets pas ta série en ligne sur
ton site web accessible à tout le monde. »
(( Mais moi je télécharge que des
séries, c'est pas comme si c'était des films. Je considère
peut-être que les séries ont moins de droits de
propriétés intellectuelles. »
Car c'est un système ambigu. En effet, la série
est faite, au départ, pour être diffusée a la
télévision, et donc, gratuitement. C'est pourquoi les spectateurs
ne comprennent pas le principe de la série payante.
(( Sachant que l'audience initiale n'a pas payé pour
le faire quoi, donc pourquoi on le ferait ? »
(( Moi ça ne m'a jamais gênée de
suivre la série sur internet car de toute façon, je re-regarde
les épisodes quand ils repassent sur des chaînes gratuites donc
que je regarde à la TV ou sur internet en premier ne change pas
grand-chose je pense. Et il y a tellement de monde qui regarde Glee sur
Internet que je ne pense pas qu'il puisse m'arriver quoi que ce soit !
»
D'autant que l'offre illégale est si simple d'accès
qu'on ne pense pas aux droits d'auteur.
(( Pour moi c'est un délit mineur. C'est comme,
imagine, quelqu'un qui t'envoie le lien par mail pour télécharger
la vidéo. Tu fais quoi ? Tu cliques dessus ou pas ? Tu te poses pas la
question »
(( il y a tellement de sites qui sont de mieux en mieux
faits, qui te donnent accès gratuitement en streaming etc pour les
séries, ou même télécharger, il y a tellement de
sites de téléchargement etc. que c'est devenu un mode de
consommation qui est devenu courant et qui nous parle à nous
normalement, qui pose peu ou pas de problème. »
(( Euh...Moi je regarde tout en streaming ou en DivX. Pour
moi ça change rien. Pour moi de toute façon c'est tellement
facile d'accès en général que... C'est pas quelque chose
qui me passe par l'esprit. »
Et on note parfois une certaine amertume de la part des
utilisateurs, qui pensent que la question des droits d'auteur est
exagérée, puisqu'ils estiment que les revenus
générés par les séries, même avec le
téléchargement illégal, sont (trop)
élevés.
(( Moi je m'en fous en fait. Ils gagnent tellement d'argent
que... »
(( Et franchement je m'en balance carrément des droits
qu'ils peuvent avoir. Parce qu'ils font déjà pas mal de thunes
sur notre dos. »
Certains usagers n'ont d'ailleurs pas l'impression de faire
quelque chose d'illégal.
(( Le streaming, en tant qu'utilisateur final c'est aussi
entre guillemets moins risqué. Ceux qui peuvent avoir des
problèmes c'est ceux qui mettent les liens, enfin, les vidéos.
Donc toi, c'est comme si tu regardais une vidéo sur YouTube et sur
YouTube celui qui se fait taper sur les doigts s'il y a un truc avec des
Copyright c'est celui qui a mis la vidéo. »
(( C'est pas illégal le streaming ! »
(( C'est pas comme si je mettais du contenu en ligne. Je
mets pas de contenu en ligne, c'est pas complètement illégal.
Enfin oui, mais pas complètement quoi. J'ai une copine qui a eu un
avertissement Hadopi et puis voilà, maintenant elle fait gaffe. Enfin
elle télécharge plus de chez elle quoi ! »
2) Du point de vue des professionnels de
l'audiovisuel
Le visionnage illégal n'est pas forcément
quelque chose mal vécu par les professionnels de la série, et
notamment les créateurs. Tim Kring, créateur de la série
Heroes, exprime son sentiment vis-à-vis du téléchargement,
alors que sa série a été l'une des plus
téléchargée, mais annulée pour mauvaise audience
à la télévision71.
(( Elle était téléchargée
illégalement, piratée. Moi j'ai pris ça comme un honneur.
C'est exactement le genre de fans dont on a envie. Ceux qui vont rechercher
activement notre série ».
Pour Lise Barembaum, la circulation des séries
télévisées sur internet n'est pas gênante pour les
maisons de production d'origine (américaine), car quoiqu'il arrive, les
chaînes réussissent à vendre leur contenu partout dans le
monde. Ce commerce reste donc malgré tout profitable, en particulier
pour les Américains.
(( Même si on télécharge eux ils s'en
fichent. Prends Lost. Ils le vendent à 300 ou 400 chaînes dans le
monde. Et comme ils le vendent à plein de gens, ils ne le vendent pas
trop cher. »
Elle pense même que la disponibilité des
séries sur internet contribue à leur développement.
(( Les séries françaises on ne peut pas les
télécharger, ce qui est un problème, et un frein à
leur diffusion [...]. Les Français ont tort de faire ça par ce
que même le téléchargement permet de faire connaître.
Mais bon... »
D'autant qu'il lui paraît difficile d'interdire aux gens
d'aller sur internet, car les modes de consommation ont changé.
(( Comment dire à quelqu'un que tu peux tout avoir
gratuitement en cinq minutes, qu'il faut payer ? Surtout que notre
génération regarde la télé de façon
délinéarisée. Alors aujourd'hui qui se pose la question de
ce qu'il va regarder à 20:50 ? Il n'y a plus de grands rendez-vous.
»
71 Series Addict, Olivier Joyard, première
diffusion 30 novembre 2011, Canal Plus
Et elle assure d'ailleurs que le téléchargement est
essentiel pour les professionnels de l'audiovisuel.
(( D'ailleurs tous les jeunes dans notre métier ne
s'en cachent pas non plus. Tout le monde télécharge. Ce n'est pas
possible d'acheter toutes les séries américaines. Alors que les
gens qui ont 40 ou 50 ans sont plus frileux. Mais quand tu leur proposes de
télécharger les huit saisons de Dr House et de les installer en
10 minutes sur leur PC, ils ne disent pas non. Donc tout ça c'est un
grand jeu d'hypocrisie. Mais disons que dans notre métier c'est
impossible de ne pas télécharger. À moins d'être
très très riche. »
Les inquiétudes se porteraient donc, selon elle, sur
les chaînes de télévision importatrices, et plus
précisément les chaînes Françaises qui ont
bénéficié d'une attention particulière dans notre
étude. En effet, ces chaînes dépendent beaucoup de la
fiction américaine et préfèrent généralement
ne pas investir dans la création originale, qui est plus coûteuse,
rassemble moins d'audience, et est difficile à exporter.
(( Regarde TF1 ils ont payé un épisode de Dr
House 150000 € alors que pour un épisode de Joséphine ils
vont payer 1 000 000 €. Et si on prend les flopes. Par exemple Inquisitio
pour un épisode, France 2 va investir 800 000 euros alors que quand ils
diffusaient Urgence, ça leur coutait 150 000 l'épisode. Et tout
ça pour une audience 5 fois supérieure. Donc c'est sûr que
la fiction Française a beaucoup de mal à rivaliser.
»
(( Les diffuseurs ne font rien d'autre que diffuser, ils
distribuent le produit. Et aujourd'hui les gens se passent de ce point de
distribution. [...) TF1 je ne les vois pas vendre Joséphine à
l'étranger. C'est difficile, c'est très franco-français
»
A ce propos, elle admet le retard des chaînes dans la
diffusion, et elle émet quelques hypothèses sur ce retard.
(( Ils achètent en mai. C'est diffusé en
septembre aux États-Unis. Et ils commencent au mois de mai
d'après. Peut-être qu'ils ont l'obligation d'attendre que
ça passe aux États-Unis. De toute façon leurs programmes
sont faits avant. Je ne vois pas M6 acheter en mai et diffuser en juin [...).
Et je pense aussi que les Américains veulent le privilégier de la
première diffusion. »
Les professionnels de la traduction ont aussi leur mot
à dire sur ce point. Selon eux, le fansubbing est un danger pour la
profession. Et l'ATAA (Association des Traducteurs / Adaptateurs de
l'Audiovisuel) réagit vivement au reportage Series Addcit d'Olivier
Joyard, qui faisait un portrait élogieux des fansubbers dans son
reportage. Voici un extrait du billet critique publié sur le site de
l'association72.
(( Là où le bât blesse, c'est
qu'Olivier Joyard donne uniquement la parole aux fans et aux fansubbers, ce qui
produit un discours assez surprenant, car ce documentaire affirme sans
argumenter, sans remettre en question un seul instant l'éloge
inconditionnel des fansubbers, et sans s'interroger sur les conditions de
réalisation du fansubbing, que ce soit en termes de qualité ou de
légalité.
72
http://www.ataa.fr/blog/retour-sur-series-addict/
Pas un mot sur le droit d'auteur, une notion reconnue
internationalement a travers la Convention de Berne, ni sur le Code de la
Propriété Intellectuelle [...] ou sur l'illégalité
dans laquelle oeuvrent les fansubbers. [...] »
(( Si cette complaisance dans la présentation du
fansubbing est un choix du réalisateur, qui est libre de donner la
direction qu'il souhaite a son documentaire, elle nous amène a poser
d'autres questions. Que pense donc Olivier Joyard du phénomène
illégal qu'il encense ainsi ? Lui-même auteur, comprend-il le
risque que représentent pour la création le fansubbing et le
piratage ? Pourquoi n'a-t-il pas l'honnêteté de reconnaître
que la majorité des sous-titres de fansubbing sont de piètre
qualité, remplis de fautes et de contresens, mal synchronisés,
repérés à la hache, rédigés en dépit
du respect de la lisibilité du spectateur ? »
(( Certes, certaines plaintes avancées par les fans
sont légitimes. Il est vrai que le retard entre les diffusions
américaines et françaises est considérable. Et quand les
chaînes font l'effort de mettre les épisodes a disposition
très rapidement, c'est ~ des prix prohibitifs. De plus, les
téléspectateurs qui souhaitent se tourner vers les
éditions DVD sont souvent confrontés à des sous-titrages
catastrophiques, payés au rabais et réalisés par des non
professionnels engagés par de grandes multinationales de la
localisation. Mais, d'une part, le droit de se plaindre ne donne pas le droit
de voler, et, d'autre part, les fans ne pousseront pas les chaînes ~
faire davantage d'effort en les volant. Deux évidences qui semblent
avoir échappé à Olivier Joyard. »
C. Avis sur les autorités de régulation
Les inquiétudes vis-à-vis de la surveillance sur
internet étaient très rares parmi les répondants.
(( Alors alors... Moi personnellement, j'ai un peu peur
d'Hadopi mais ne sais pas comment je ferais sans téléchargement,
alors pour le moment je croise les doigts... »
(( Après, il est vrai que parfois j'ai peur de me
faire attraper par la cyber-police car les sanctions sont lourdes, mais je me
dis qu'il y a tellement de millions de téléchargeurs rien qu'en
France, qui téléchargent des dizaines voire des centaines de Go
de document chaque jours, que j'ai encore du temps jusqu'à ce qu'ils
remontent à moi, misérable petit streamer de temps en temps.
»
Pour la majorité des répondants, Hadopi n'est pas
un système efficace. Déjà, parce que la surveillance de
cette institution couvre un domaine assez peu étendu.
(( Concernant Hadopi, quand il y avait MegaUpload, on s'en
foutait complètement puisque Hadopi cible le peer to peer uniquement (le
gouvernement avait un temps de retard quand ils ont créé cette
merde) mais il reste quand même des sites similaires à MegaUpload,
comme Rapidshare c'est ce que j'utilise. »
(( Concernant Hadopi, il ne m'a jamais effrayé pour
2 raisons : d'une, il ne concerne que les sites de peer to peer comme l'a
mentionné Jack's et je ne les utilise pas et de deux les personnes qui
pourraient se faire attraper sont de gros téléchargeurs, ce qui
est loin d'être mon cas (plus on télécharge, plus le risque
est important même si le risque 0 pour les téléchargeurs
occasionnels n'existe pas non plus). »
Les processus de surveillance mis en place paraissent aussi trop
complexes, et donc difficiles à appliquer.
(( Même s'ils peuvent retrouver l'adresse IP, je
sais pas s'ils ont moyen de retrouver qui tu es si l'accès internet est
pas a ton nom quoi. Et puis surtout je télécharge rarement, et
c'est plus le téléchargement qui est puni que de regarder en
streaming. Parce que regarder en streaming, c'est plus simple en France ou
même en Australie at) tu risques absalument rien, tant que tu es pas la
persanne qui a mis la série en ligne. »
(( Je fais attentian, en général je fais
attentian aux fichiers, je les déplace dans un autre dassier. Et puis de
taute façan Hadapi ils cammencent par envayer un avertissement et
ensuite tu peux modifier ta conduite. Tant que j'ai pas reçu
d'avertissement j'avoue... »
La surveillance est donc facile à contourner.
(( Je me suis toujours renseigné, mis au courant
sur ce truc, et dès le départ, j'ai trouvé la parade,
c'est-à-dire le téléchargement direct, sachant qu'Hadopi
ça cancerne que le peer-ta-peer et le torrent, et moi ça fait
longtemps que j'utilise plus le peer-ta-peer ou le torrent. Donc ça m'a
jamais fait peur. De toute façon le gauvernement a taujaurs un train de
retard là-dessus. Donc c'est moyen. »
(( Je cannais d'autres mayens de
téléchargement qui sant indétectables apparemment.
Ça inclut de payer 4 euras par mais mais ça ne me dérange
pas vraiment. Temps que j'en ai paur man argent. Au pire si je reçais la
lettre d'Hadapi je peux taujaurs partir sur autre chase. Il y a plein de mayens
de télécharger »
Certains usagers évoquent tout de même leurs
nouvelles difficultés rencontrées, liées à la
fermeture de MegaUpload par le FBI, ce qui montre une certaine
efficacité du processus.
(( Depuis qu'ils ont fermé MegaUpload c'est de plus
en plus dur. Avant quand je faisais ça, ça me prenais franchement
5-10 min. Là maintenant je dais fauiller un peu plus, ça prend
vite 1/2 heure. »
Mais cela n'a pas arrêté l'offre illégale :
la façon de regarder ses séries de façon illégale a
plutôt été reportée sur d'autres moyens
illégaux.
(( De taute façan ils ne peuvent pas savair cambien
an regarde de temps, sur quel site an va et ce que l'an regarde aussi. Et le
téléchargement an n'a pas encare réussi a arrêter.
Je veux dire ce n'est pas Hadopi qui va nous faire arrêter de regarder
que ce sait téléchargé au en streaming. Ils ne sant pas
vraiment à la painte de la technalagie, ils veulent faire en sarte que
les gens arrêtent de télécharger mais tant qu'il y aura
taujaurs un mayen, les gens téléchargerant. Mai le streaming je
cantinuerai tant que je paurrai. Il y aura taujaurs des sites paur ça.
»
(( De toute façon regarde, ils ont stoppé
MegaUpload et c'est pas pour ça que j'ai arrêté de
téléchargé. Et il y a d'autres sites qui ont pris la
relève, c'est un peu plus lang, mais ban, ça cantinuera taujaurs.
»
(( Non, non, c'est vraiment pas une contrainte. Enfin si,
il a fallu que je me réadapte, au mament at) ils ant fermé
taus les sites de téléchargement, il a fallu
que je me réadapte, et je suis revenue au Torrent.
J'ai changé ma manière de télécharger.
»
Et les méthodes employées ne paraissent pas justes,
ce qui n'aide pas les usagers a les approuver, et donc d'aller dans le sens de
la loi.
(( C'est aux autorités d'instaurer un
système qui interdit le téléchargement gratuit
illégal et mettre en place un système raisonnable pour tous en
fait. Et utilisable facilement en fait. »
(( Non je ne pense pas que Hadopi arrivera à
arrêter le téléchargement ce n'est pas la bonne
méthode. Il ferait mieux de trouver quelque chose de plus justes.
Voilà. »
(( Ils ont beau fermer les grands sites ils ne pourront
pas fermer indéfiniment tous les sites, surtout les plus petits. Et puis
à chaque fois qu'ils en ferment, la communauté des internautes se
regroupe et elle trouve d'autres moyens parce qu'on considère que c'est
injuste. »
D. Comment définir un système efficace
1) Le point de vue des usagers
Dans les entretiens réalisés, les usagers donnent
plusieurs idées sur ce à quoi devraient ressembler l'offre
légale.
Une seule répondante propose une solution qu'elle
souhaiterait voir appliquée a la télévision : une
transmission très rapide des Etats-Unis vers la France, en version
originale sous-titrée.
(( Dans un monde idéal il y aurait les sous-titres
qui seraient faits par les gens qui mettent leurs sous-titres en ligne, qui
arriveraient à la télé, vu que de toute façon les
traductions de la télé sont généralement
très mauvaises donc tant qu'à faire autant en avoir très
rapidement, plutôt que de passer des mois à réaliser les
sous-titres. Faut prendre un mec qui soit plus rapide, qu'on paye plus, ou je
sais pas, un truc comme ça et le passer le lendemain. C'est
diffusé le lundi aux Etats-Unis, que le mardi soir ce soit en France. Je
sais pas, un truc bien quoi ! »
Une autre propose une solution de sortie en DVD rapide,
dès la fin de la saison, à un prix raisonnable. Cela se ferait
avec une très forte communication sur les réseaux sociaux en
parallèle.
(( L'idéal, si c'est 10€ une saison,
j'achète. [...J Moi idéalement, ce serait qu'une fois que la
saison est finie, que les DVD soient disponibles, accessibles, etc. Parce que
moi le truc c'est quoi : c'est que quand je regarde une série, j'en
parle a tout le monde. Mais c'est un truc de ouf ! Du coup, si tu fais des
pages Facebook, si tu fais des réseaux etc. Bah en fait ils peuvent
gagner de l'argent par d'autres moyens en fait. Enfin... ils peuvent le
récupérer quelque part. Ou sinon c'est que ça multiplie
quelque part leur gain. Parce que tu as déjà payé les DVD,
et en plus tu vas les aider à gagner de l'argent, par exemple sur
Facebook, il y a de la pub comme pas possible, et par là ils vont gagner
plein d'argent. »
Tous les autres répondants proposent des solutions
internet. Pour certains, la solution est une taxe additionnelle au forfait
internet.
(( Ils ont déjà fait une taxe, je sais pas
si tu te souviens sur les CD, DVD et toutes les mémoires, disques durs
externes, clés MP3 USB, etc. De quelques centimes, soidisant taxe de la
copie privée. C'était 5-6 ans, genre 10 centimes pour tous les
supports qui te permettent de stocker les données, soi-disant pour les
droits d'auteur. Ils l'ont fait, mais les droits d'auteur sont toujours
là pour faire chier. Alors, après, ils ont continué, ils
ont parlé d'Hadopi. Et l'époque il avait été
question d'un abonnement internet un peu plus cher, je sais pas, genre 5€
de plus par tête pour l'abonnement internet, mais qui permettrait de
télécharger tout et n'importe quoi, a volonté. Bon
ça, ça s'est pas fait, parce que forcément les majors ont
mis leur nez dedans, (( ouais, ça va disparaître, bla bla...
». Ils ont fait Hadopi, ça marche toujours pas. Donc pour moi
l'offre idéale, je sais pas, Free m'augmente mon abonnement internet de
5€, et plus personne me fais chier avec le téléchargement
illégal. C'est ça mon rêve si tu veux. Et tout le monde est
content. Parce que 5€ par tête, réparti après par
droit d'auteur, etc., ça je pense qu'il y a de l'argent a se faire. De
toute façon les gens qui aiment vraiment ils achètent. Donc il y
a pas vraiment de manque à gagner. C'est en plus. »
(( Qu'on me donne le droit de télécharger tout
simplement. Si on donne une cotisation, par exemple annuelle, une taxe.
»
Dans la même idée, une répondante parle
d'un abonnement mensuel a des plateformes de VOD permettant de visionner des
vidéos en illimité, a l'instar de sites musicaux en streaming
comme Deezer ou Spotify.
(( Moi ça me dérangerait pas de payer
9€ par mois pour écouter autant de musique que je veux. 9€ je
ne trouve pas que c'est abusé. S'il y avait la même chose pour les
séries, et les films, surtout pour les films ça serait bien
»
Une autre personne prône plutôt l'ouverture les
sites de télévision américains au reste du monde, pour que
leur vidéo de rattrapage puisse profiter a tous. Cela permettrait
d'autant plus un meilleur contrôle de la diffusion des contenus, et ainsi
éviter que les sites de diffusion de contenus illégaux profitent
de la situation pour en tirer des profits. Cette solution permettrait ainsi aux
chaînes américaines d'augmenter leurs revenus publicitaires en
élargissant leur audience.
(( Les recettes je trouve qu'ils devraient arrêter
d'en faire une montagne quoi et les recettes ils devraient plutôt trouver
d'autres façon de tirer profit de leurs séries, en se focalisant
sur l'audience, négocier avec les chaînes TV pour les diffusions,
la publicité bien évidemment, le sponsorship dans les
séries, quand t'as des séries o t'as des HP partout bah
voilà. [ ...] Pour moi, pour des raisons légales, ouvrir les
sites, même les sites de télé américaine à
tout le monde. Parce que du coup, eux ils auraient aussi un meilleur
contrôle. Au lieu d'avoir je sais pas combien de milliers de sites qui te
donnent, qui vont te mettre le streaming, ajouté à ça le
nombre de sites qui vont proposer des liens vers ce streaming, tu peux pas
gérer. [...) Si tu fais ça, tous les milliers de sites qui se
font du bénef sur le streaming parce qu'eux aussi ils ont trouvé
des moyens de se faire du bénéfice en mettant de la
publicité sur leur site, donc au lieu de voir ces milliers de gens se
faire de l'argent sur le dos de ta série, tu contrôle mieux en
ouvrant ta série au monde entier quoi. »
2) Le point de vue d'une professionnelle
Selon Lise Barembaum, la création originale de
qualité est déterminante pour les chaînes, qui sont les
premières victimes de l'offre illégale.
(( C'est pour ça qu'il y a des chaînes comme
Canal+ qui anticipe. Canal+ produit des produits de qualité qu'elle
vend. Parce que c'est le produit qui a de la valeur, qui se vend.
»
Car la création originale de qualité permet ensuite
de s'exporter.
(( Moi je trouve que Israël c'est très
intéressant. Parce que déjà c'est un très petit
pays. Parce qu'ils ont autre chose a faire que d'écrire des
séries, mais qu'ils y arrivent très bien. Alors pourquoi, comment
je ne sais pas. En tout cas ils ont compris un truc. C'est qu'ils n'ont pas un
marché intérieur très important. Donc ils ne vont pas
gagner de l'argent en vendant chez eux. Donc ils essayent de faire des
séries qui soient visibles à l'étranger. Et ils y arrivent
car les Américains adaptent leur série. »
Mais la création originale en France n'en est qu'à
ses débuts en France dans l'univers des séries.
(( C'est pas très gentil pour la France mais bon
quand tu vois des pays comme Israël ou les pays du Nord de l'Europe. Des
petits pays qui arrivent à faire de la très bonne qualité.
Je ne parle pas de l'Angleterre où il y a un niveau similaire à
celui des États-Unis. Tu te dis... Pourquoi en France on n'a pas ce
niveau de qualité ? »
(( En France on est toujours à essayer de faire des
histoires potables. »
Une des raisons pour laquelle la création originale
n'atteint pas encore un niveau de qualité suffisant pour être
exportée est qu'il n'y a pas de formation de scénariste
solide.
(( Moi je trouve qu'en France il y a un problème au
niveau des scénaristes. En fait il n'y a pas vraiment de formation. En
France il n'y a qu'un site de formation ça s'appelle le CEEA
(Conservatoire Européen d'écriture audiovisuelle). Alors qu'aux
États-Unis il y a des facs de cinéma. »
Et d'ailleurs, elle explique que le scénariste en
France tient encore un statut d'artiste, alors qu'aux Etats-Unis, ce sont des
professionnels de la télévision, régis sous la loi du
Copyright appartenant aux producteurs.
S'en suit une relation conflictuelle entre scénaristes,
producteurs et chaînes de télévision.
(( Et après oui il y a de très mauvaises
relations entre les différents acteurs. [...) Les uns se prenant pour
des artistes opprimés, luttant contre les grands méchants
capitalistes des chaînes les empêchant de s'exprimer... [...) Au
lieu de travailler main dans la main. Il y a une hostilité qui fait que
ça empêche d'avancer, que ça prend du temps. »
(( Parce qu'entre scénaristes et chaînes des
fois il y a de grosses fâcheries. La chaîne exige que tout soit
écrit avant que l'on tourne. Donc il faut que les scénaristes
se soient mis d'accord. Les textes sont réécrits,
réécrits et corrigés,
corrigés. Et puis il y a des histoires d'argent. Ce
n'est pas aussi facile que ce que l'on peut se l'imaginer. »
Cette situation conflictuelle conduit vers une mauvaise
organisation du milieu de la création fictionnelle.
(( Dans Engrenage en une saison ils ont complètement
changé l'équipe et c'est très déstabilisant.
»
(( Donc tu vois en France ce n'est pas une industrie, et
ils mettent longtemps à créer d'autres saisons. En
Amérique ils font 24 épisodes d'année en année. En
France pour avoir 6 épisodes d'une même série tu dois
attendre 2 ans, parfois 3. Donc tu vois c'est long. »
A cette organisation conflictuelle s'ajoute le fait que les
chaînes sont encore frileuses d'investir dans un contenu risquant
d'être choquant, même si parfois elles diffusent du contenu
américain plus « choquant »
(( Ça ne les dérange pas d'acheter un truc
choquant, mais ils ne veulent pas produire quelque chose de choquant. Et encore
choquant entre guillemets. »
(( Les chaînes sont un peu schizophrènes,
elles ont peur d'investir pourtant elles se rendent compte que leur audimat se
casse la figure. Elles ne prennent pas vraiment de risque, pour le moment. Mais
les problèmes vont arriver vite, il y a de plus en plus de
chaînes. En fait c'est un monde en transition. »
A cela s'ajoute une autre recommandation qui permettrait
d'éviter l'offre illégale, et qui rejoint l'avis des utilisateurs
plus haut : proposer une offre internet répondant aux besoins des
utilisateurs
(( Faire des forfaits a 10 € par mois en tout
illimité et rapide. On veut tout en illimité partout dans le
monde, et tout ça en temps réel. Personne ne veut attendre un an
pour pouvoir voir une série avec une VF bâclée sur M6.
»
La websérie pourrait d'ailleurs être un
modèle intéressant a l'avenir.
(( D'où l'apparition de websérie mais elles
sont encore très expérimentales. On ne sait pas très bien
comment gagner de l'argent sur ça. Les publicistes ne savent pas
vraiment comment faire. Par exemple sur YouTube, il me semble qu'ils lancent
des chaînes mais je ne sais pas du tout quel modèle
économique est utilisé. Je pense qu'il y a d'immenses acteurs
comme Google qui sont les diffuseurs des annonces. »
Néanmoins, la définition d'un modèle
économique basé sur l'Internet reste un exercice complexe.
(( Donc je ne me fais pas de souci pour les séries.
Par contre j'ai du mal à voir comment elles vont être
payées et diffusées. Mais je suis sûr que ce sera Google et
Apple qui vont se débrouiller. Ou quelque chose comme ça. [...)
C'est les américains qui auront tout. Parce qu'ils comprennent le
problème de diffusion et qu'ils ont le contenu. »
Recommandations
Le media internet est donc devenu incontournable pour suivre une
série, pour sa praticité (voir ce que l'on souhaite, quand on le
souhaite) et pour son coût faible ou inexistant. Certains
répondants ont même affirmé que c'est grâce a
internet qu'ils ont commencé a suivre les séries
télévisées.
On ne peut donc plus nier le rôle essentiel que joue
internet, car étant le support le plus adapté aux séries
télévisées, il est devenu aujourd'hui un média,
voire le média principal pour regarder des séries
télévisées.
Cependant, aujourd'hui, sur internet, ce sont les offres
illégales qui répondent aux besoins client, au détriment
de l'offre légale, encore peu innovante.
A. Construire une offre légale adaptée aux
besoins clients sur internet
1) Les bénéfices indispensables d'une
offre internet
Pour contrer la prolifération des offres illégales,
les actants digitaux doivent être en mesure de proposer un modèle
aussi bien, sinon mieux adapté.
Elle doit donc pouvoir proposer les mêmes avantages que
l'offre illégale, évoquées par les usagers actifs :
- Une sortie simultanée (a un ou deux jours près)
avec la sortie du pays d'origine (cela concernant dans quasi-totalité
des cas les Etats-Unis).
- Cette sortie doit aussi s'accompagner de sous-titres, au
minimum anglais, et de façon optimale en français.
- Cette offre est idéalement gratuite ; si elle est
payante, elle doit être jugée raisonnable par l'usager.
Ces avantages, devenus des « bases )) incontournables pour
l'usager actif nécessitent bien sûr une refonte complète du
réseau digital officiel actuel.
2) Une mise à disposition rapide sur
internet
L'organisation digitale légale est encore très
en retard comparée a l'organisation illégale. Cette
dernière se montrant particulièrement innovante, demandons-nous
s'il est possible de s'en inspirer.
a) A quel coût les vidéos peuvent-elles
être mises en ligne rapidement sur internet ?
Dans un premier temps, arrêtons-nous sur le principe du
site internet PureVid (imitant le concept que MegaUpload avait inventé),
à savoir une rémunération des membres pour poster des
vidéos, rémunération variable en fonction de divers
critères.
Ce système ne serait-il pas adaptable de manière
légale ? Cela ne paraît pas impossible.
Au lieu de rémunérer des membres, les
producteurs seraient rémunérés directement, plutôt
que de passer par la chaîne longue et complexe de la VOD décrite
en revue de littérature. Et l'on peut très bien imaginer les
producteurs vendre leur contenu en streaming à des plateformes
opérant sur différents pays.
L'achat de contenu serait, lui, bien supérieur au prix
d'achat proposé par le site PureVid en contrepartie, et le coût
pourra aussi être fonction du nombre de vue par vidéo, en plus
d'une base d'achat fixe.
Ce genre de démarche a d'ailleurs déjà
été amorcé par la plusieurs société. Ainsi,
la chaîne HBO travaille en partenariat avec Parsif International,
société spécialiste de la VOD. HBO pourra alors vendre son
contenu directement sur internet dans les pays du nord de
l'Europe73.
De son côté, Netflix, la société
n°1 en SVOD n'hésite pas a négocier des contrats
d'exclusivité. Elle innove en étant la première
chaîne a diffuser une série sur internet, avant sa diffusion
télévisée, avec House of Cards de David Fincher, moyennant
un coût de 100 millions de dollars pour 24
épisodes74.
Il n'y aurait donc pas d'obstacle a ce que ce genre de
modèle naisse, si ce n'est l'investissement financier
particulièrement élevé. Seules de très grandes
entreprises digitales pourraient donc se permettre proposer ce type d'offre.
b) Quel revenu pour ce type de modèle
?
Les plateformes doivent aussi pouvoir élaborer un
modèle de revenu qui serait à la fois rentable pour lui et
abordable pour l'usager.
On l'a vu dans cette étude, beaucoup d'usagers sont
prêts a payer pour regarder leurs séries. Le prix n'est donc pas
un obstacle, a condition que celui-ci reste raisonnable.
Pour beaucoup, le modèle idéal est celui d'un
abonnement fixe, permettant un accès en illimité aux contenus de
la plateforme. Dans les entretiens réalisés, le prix que les
usagers sont prêts a mettre pour ce genre d'offre varie autour de
10€. Mais pour avoir une idée plus précise de ce prix, il
faudrait réaliser une étude quantitative.
Néanmoins, il faut encore voir si ce prix peut
être compatible avec les coûts engendrés par l'achat de
contenus. C'est pourquoi, le prix d'achat variable en fonction du nombre de
vues, comme suggéré précédemment, paraît
être un bon moyen pour mesurer ses coûts.
Une autre possibilité peut être l'achat a la
saison, et non a l'épisode, comme c'est actuellement proposé. Car
lorsque l'on décide de suivre une série, on s'engage
73
http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/tech-medias/actu/0202223590251-l-americain-hbo-vendrases-series-directement-aux-telespectateurs-europeens-354683.php
74
http://www.cinechronicle.com/2011/04/netflix-elargit-ses-activites-avec-mad-men-et-house-of-cards23351/
généralement pour une saison entière. Et
pour que l'usager n'ait pas peur de s'engager pour une saison entière,
il est encore possible de lui proposer de voir les deux premiers
épisodes de façon gratuite.
Pour d'autres usagers, la notion de payer pour regarder une
série peut être inconcevable. Car la série
télévisée est un produit fait pour la
télévision, et de fait, proposé gratuitement. Pour
proposer une offre compatible à ce besoin de gratuité, les
plateformes pourraient proposer des vidéos sponsorisées par de la
publicité, comme c'est le cas aujourd'hui sur You Tube.
On a vu cependant, dans la revue de littérature, que la
capacité de ciblage des annonces digitales peut parfois être
complexe a réaliser. C'est pourquoi il est essentiel que les plateformes
de streaming donnent la possibilité a l'usager de se s'identifier sur
son site, comme c'est le cas pour Deezer. Cette étape peut même
être obligatoire, comme le fait Spotify. Et comme ce dernier, il peut
aussi être intéressant de relier les identifiants à ceux de
Facebook, ce qui permettrait de récupérer un certain nombre
d'informations intéressantes à exploiter pour un ciblage
publicitaire.
Les plateformes seraient ainsi capables de satisfaire les
annonceurs en procédant à un ciblage précis.
Notons que le principe de l'offre payante et celui de l'offre
gratuite ne sont pas incompatibles, et il est possible de proposer a l'usager
de s'inscrire de façon gratuite ou de souscrire à une offre
payante qui lui conférerait des avantages supplémentaires. Ce
principe peut aussi s'inspirer des plateformes illégales, qui
n'autorisent qu'un temps restreint de visionnage gratuit toutes les deux ou
trois heures. Au-delà, l'usager doit souscrire a une offre payante.
3) La traduction des contenus : innover dans
l'organisation
Pour que le modèle précédemment
décrit puisse fonctionner, il faut que le contenu puisse s'adresser au
plus grand nombre. Pour cela, il doit être compris, et donc
sous-titré.
Là encore, on peut imaginer une adaptation du fansubbing
pour un modèle économique légal et
professionnalisé.
On peut donc tout à fait imaginer que des
communautés de sous-titreurs professionnels soient constituées,
et dont l'accès serait fermé au moyens de codes
d'accès.
Le recrutement y serait par ailleurs très
sélectif. Il pourrait être basé sur les formations des
personnes souhaitant s'inscrire, sur la preuve d'un diplôme en langue ou
le passage d'un test de traduction par exemple.
La traduction pourrait, de même, être basée
sur les sous-titres télétexte pour sourds et malentendants. Mais
cette fois, ces sous-titres seraient transmis à la communauté
plus en amont, au lieu du jour même de la diffusion à la
télévision.
Quant à la confidentialité, en plus de constituer
une charte de confidentialité, il pourrait être possible de faire
en sorte de bloquer toute possibilité de copier les dialogues par
exemple.
L'organisation de ces communautés pourrait être
basée selon les mêmes principes que l'on a pu étudier
précédemment : le crowdsourcing ou le travail en
équipe.
Pour assurer la qualité d'une traduction
professionnelle, on peut penser à un système de vote par les
usagers. Ce dernier aurait la possibilité, a la fin d'un épisode
par exemple, de recommander ou non les personnes ou l'équipe ayant
réalisé les sous-titres.
Autre possibilité, l'usager se verrait proposer
différentes versions de sous-titres, portant chacun le nom des
équipes ou personnes ayant travaillé dessus. Et au fil du temps,
les statistiques donneront tort ou raison à certains traducteurs, ce qui
permettrait une sélection naturelle.
La rémunération quant à elle peut
être basée sur un taux variable, par exemple en fonction du nombre
de mots ou de lignes traités, et ce en fonction des statuts des
personnes (traducteur, relecteur, synchroniseur).
Et plus un traducteur obtiendrait de bons résultats
(ses traductions obtiennent de bons commentaires ou sont
systématiquement choisies), plus son taux horaire pourrait augmenter
selon son ancienneté.
B. Système traditionnel qui doit évoluer
Cette offre internet n'est pas incompatible avec les supports
traditionnels que sont la télévision et les DVDs.
Comme on l'a vu dans cette étude, par la suite,
l'usager ne pose aucune objection a revoir sa série à la
télévision (ces rediffusions étant jugées comme
étant des moments agréables, et ils sont parfois
considérés comme des rendez-vous).
La série peut aussi être revue en DVD, cette offre
étant plutôt adaptée à des personnes
particulièrement fan d'une série.
Notons cependant que bien que les usagers comprennent en
général les questions de droits d'auteurs, les institutions de
surveillance, en particulier Hadopi, ne sont guère
appréciées.
1) La télévision
a) Redonner le goût de la télévision
au spectateur
Un désamour pour la télévision a
été exprimé par la plupart des répondants en
entretien qualitatif.
La principale raison de cette désertion est le fait que
les séries télévisées ne sont proposées que
très tardivement par rapport a l'heure américaine. Il
paraît cependant difficile pour la télévision de programmer
une série selon les désirs du public (le lendemain de leur
diffusion), d'autant qu'il faut un certain temps pour doubler les
épisodes. Nos recommandations ne porteront donc pas sur ce point.
Mais si l'offre illégale connaît un succès
auprès des spectateurs, c'est aussi parce que la
télévision les y a en quelque sorte poussés, sur des
points qu'elle pourrait pourtant corriger. En effet, beaucoup de
répondants ont reproché aux chaînes de ne pas proposer les
séries télévisées en anglais sous-titré
français. Les spectateurs se retrouvent ainsi contraints de regarder un
mauvais doublage français, ce qui le pousse a donner sa
préférence pour l'offre illégale.
Pourtant, aujourd'hui, les programmes sont
généralement bien disponibles en version originale
sous-titrée avec la généralisation de la TNT. Mais le
téléspectateur n'est simplement pas averti de cela. On pourrait
donc suggérer aux chaînes de bien préciser, au début
d'un programme, si ce dernier est disponible en version original ; cet
avertissement pouvant être une annonce sonore ou un simple bandeau
informatif.
L'autre reproche fait par deux anciennes
téléspectatrices, et qui pourrait aussi être
amélioré, est celui de la programmation.
En effet, les chaînes ont la fâcheuse tendance
à avoir une programmation étrange, parfois
incompréhensible. Ainsi, la date de démarrage d'une série
n'est pas toujours très claire, ce qui parfois mène le
téléspectateur a rater le début d'une série. De
plus, les épisodes de séries télévisées sont
souvent proposés dans le désordre, dans le but de remplir les
cases horaires. On peut alors voir, a l'heure de prime time, un épisode
d'une saison inédite, couplé avec un épisode la saison
précédente (moins coûteux) a l'heure suivante. Cela porte
le spectateur dans une confusion totale, puisque toutes les séries
télévisées sont, au moins en partie, «
feuilletonnantes ~, et lorsque les épisodes ne s'enchaînent pas,
le spectateur risque de perdre le fil de l'intrigue, et par conséquent,
d'abandonner la série.
Les chaînes de télévision devraient donc
innover dans la forme de leurs cases horaires. On peut ainsi se demander
pourquoi la chaîne n'essaierait pas de faire des cases d'une heure
plutôt que deux. Dans ce contexte, elle ne serait plus obligée
d'enchaîner les épisodes d'une même série par deux ou
trois fois, avec, une ou deux rediffusions parmi eux.
Elle pourrait ainsi envisager des soirées (ou autres
créneaux) thématiques, avec la diffusion d'épisodes de
séries différentes, mais du même genre (par exemple
séries comiques amicales avec Friends et How I met your mother). Et dans
ce cas, le mélange entre inédit et ancien ne dérangerait
plus, car le téléspectateur comprendrait que la suite logique
aurait lieu la semaine suivante.
b) Une légalisation en masse des séries
télévisées sur internet : une menace forte ?
Dans cette partie, on prendra le point de vue des chaînes
de télévision française.
Pour diverses raisons évoquées dans ce
mémoire, les séries télévisées restent des
produits particulièrement séduisants pour les chaines. C'est
pourquoi la diffusion illégale sur internet des séries
télévisées est une menace grandissante ; et on peut bien
comprendre que les chaînes risqueraient de ne pas apprécier que
ces programmes deviennent consultables sur internet de façon
légale, car cela risque de diminuer leur audience.
Mais cela peut aussi jouer en leur faveur : si la diffusion
des séries a la télévision n'est plus la première
officielle, cela pourrait augmenter son pouvoir de négociation, ce qui
permettrait aux chaînes de diminuer les coûts d'acquisition de
programmes. Alors qu'aujourd'hui, la diffusion illégale sur internet ne
peut être réellement considérée comme un argument
dans les négociations.
On peut d'ailleurs se demander si l'offre digitale rapide et
de façon légale diminuerait réellement de façon
considérable l'audience télévisuelle. Car on peut supposer
que le seul report d'audience serait celui des spectateurs de l'offre
illégale vers l'offre légale. En effet, les
téléspectateurs ne regardent-ils pas la télévision
pour justement ne pas avoir à chercher un contenu particulier et pour se
laisser porter par ce que la télévision propose ? La
télévision n'a-t-elle pas déjà perdu l'audience
préférant le support internet ?
Mais cela n'est qu'une supposition. Car ces comportements
potentiels ne sont pas visibles sur cette étude, et pourrait aussi faire
l'objet d'une étude quantitative.
Si cette dernière hypothèse se vérifie,
la mise à disposition des séries sur internet de manière
légale deviendrait d'autant plus avantageuse. Car non seulement le
coût d'acquisition des programmes diminuerait, mais en plus, leur
audience, et donc leur revenus publicitaires, resteraient les mêmes.
c) La création originale comme facteur clé
de succès pour les chaînes
Les chaînes de télévision restant un
élément indispensable dans le modèle des séries
télévisées, puisque c'est encore elles qui financent la
très grande majorité des séries
télévisées, elles pourraient ainsi profiter de ce nouvel
excédent de revenu hypothétique pour investir dans des
créations originales de qualité.
Et pour que la création originale soit un
investissement plutôt qu'un coût, les chaînes doivent faire
en sorte de favoriser des créations qui sont considérées
comme des rendezvous par les spectateurs, et qui seront par la suite
exportables, a l'instar de Canal Plus avec Les Borgia ou Braquo. Ainsi, la
fiction française générerait des revenus additionnels : il
y aurait d'un côté les recettes publicitaires, et de l'autre les
revenus liés aux reventes a l'international.
Mais pour favoriser la création originale de
qualité, plusieurs mesures sont à prendre.
Tout d'abord, demandons-nous si les quotas obligatoires de
programmes français à diffuser sont un avantage dans ce
modèle économique. Car ils sont peut-être une fausse bonne
idée. En effet, même si les quotas forcent les chaînes
à produire un minimum de programmes français, permettant de
soutenir les entreprises de l'audiovisuel françaises, ils risquent de
diluer les investissements sur la création française. Et cette
dilution peut pousser les chaînes à investir dans un grand nombre
de programmes, avec un budget restreint pour chaque programme.
Or, il faut se demander si un système sans quota aurait
ses qualités. Car dans ce cas, on pourrait supposer que les chaines
produiraient certes moins de fiction française, mais on peut penser que
ces dernières pourraient bénéficier d'un plus grand
investissement. Ainsi, les contenus seraient moins nombreux, mais de meilleure
qualité et donc exportables, ce qui les rendraient plus rentables.
Ensuite, comme l'a souligné Lise Barembaum, il faut que
les actants du réseau de la série télévisée
apprennent à collaborer ensemble.
D'une part, il faudrait que les chaînes de
télévision n'aient plus peur de produire des contenus avec des
côtés subversifs. Car les bonnes séries ne sont pas
nécessairement les
séries lisses et familiales. Et cela veut dire faire plus
confiance aux producteurs et scénaristes dans leur création.
D'autre part, les scénaristes doivent aussi apprendre a
travailler de plus en plus en équipe. Cette méthode étant
particulière, elle doit pouvoir s'apprendre grâce à des
formations spécialisées dans l'écriture de scénario
a plusieurs. Et cela s'accompagnerait d'un changement de statut du
scénariste, qui deviendrait, comme aux Etats-Unis, non plus un artiste
ayant un droit complet sur les oeuvres qu'il produit, mais un professionnel de
la télévision, qui apprend a partager ses oeuvres avec un
collectif, et qui par conséquent cède ses droits d'auteur.
Les producteurs pourraient aussi apprendre à profiter
de plus en plus de cette nouvelle source de revenu qu'est le placement de
produit. Cela pourrait être une aide non négligeable à la
création.
Pour pouvoir utiliser ce procédé, la
série doit créer des héros auxquels le public a envie de
s'identifier et qu'il apprécie. La télévision a donc
besoin de personnages forts et emblématiques avant de pouvoir user du
placement de produit. Cette source de financement n'est applicable qu'à
la condition qu'une série atteigne un certain niveau de qualité,
ce qui suppose donc que les conditions précédemment
énumérées se réalisent.
Mais cette technique n'est pas encore très
répandue en France, même si elle est désormais
autorisée, car les contraintes sont encore assez nombreuses. En effet,
les actants ont peur de se voir refuser une scène par le CSA. Ce
modèle est donc encore expérimental en France, et il faut
apprendre à lui faire confiance.
2) Le DVD
Le DVD est un objet de collection très convoité
de la part des personnes particulièrement fans d'une série. Son
achat est donc un rituel bien ancré pour ces spectateurs particuliers.
Et son existence n'est pas incompatible avec celle de l'offre illégale
sur internet, même si le prix d'un DVD semble excessif pour certains
répondants.
Cependant, la vente de DVD n'est pas, aujourd'hui, prise en
compte dans le modèle économique de la série
télévisée, en particulier pour les séries
américaines. Et c'est un manque, puisque cette vente est une source de
revenu intéressante, et de plus en plus importante.
De plus, une répondante a déclaré que la
découverte d'une série en DVD lui plairait. Mais elle trouve que
la sortie d'un DVD est trop tardive, ce qui est un frein a son achat. On peut
donc se demander si sa sortie ne peut être
accélérée, ceci dépendant certainement des
négociations de contrat d'exclusivité entre producteurs et
chaînes.
3) La VOD : la tradition déguisée en
modernité ?
C'est un constat frappant : les répondants n'utilisent pas
la VOD. Et ils ne la connaissent parfois pas.
Elle est trop chère, elle est disponible trop tard.
En fait, lorsqu'on analyse le modèle économique de
la VOD, les genres de VOD les plus répandus sont : la vente, la
location, ou la diffusion gratuite en télévision de
rattrapage.
Mais ces trois genres ne sont pas plébiscités
par le public, car finalement, alors que la VOD se veut être innovante,
elle suit encore un schéma trop traditionnel. C'est en particulier le
cas de la vente et de la diffusion gratuite.
En effet, la vente de VOD est encore très
coûteuse, et s'apparente a la vente de DVD, sans pourtant posséder
les bénéfices pour lesquels une personne souhaite acheter un DVD
: sa présence physique.
De même, la VOD gratuite n'est pas
appréciée, car son modèle est basé sur la
télévision de rattrapage. Or, on l'a vu, le public
s'intéresse de moins en moins a la télévision, a cause du
retard de son contenu. Etant de « rattrapage », cette VOD ressemble
trop à la télévision pour pouvoir plaire.
D'après les réponses récoltées, ce
serait plutôt sous forme de SVOD que la VOD aurait de l'avenir. Mais a
condition de proposer un contenu suffisamment fourni pour que l'usager puisse
le trouver riche.
4) La surveillance
Les instances de surveillance et de régulation de
l'offre illégales ne sont pas appréciées pour la
majorité des répondants, car elles sont considérées
comme injustes. Mais elles ne sont de toute façon pas contraignantes,
puisqu'elles ne font pas peur et peuvent être détournées
dans la majorité des cas.
Ces instances ne sont-elles donc pas mauvaises pour l'image du
gouvernement, d'autant qu'elles sont particulièrement coûteuses
?
Cela nous mène à nous poser cette autre question :
la Hadopi ne devrait-elle pas changer de stratégie ?
Par « changer de stratégie », on peut entendre
plusieurs pistes à creuser :
- Travailler sur une législation flexible, en faveur de la
diffusion des contenus audiovisuels
- Favoriser la création de plateformes VOD, et leur «
alimentation » en contenus de manière efficace
- Sans oublier de travailler main dans la main avec les
chaînes de télévision, pour qui les deux points
précédents font certainement peur ; peut-être le
gouvernement peut-il aider les chaînes vers une transition digitale ?
Conclusion
« La popularité des séries
télévisées causera-t-elle leur fin ? ~ c'est a cette
question que l'on a tenté de répondre tout au long de ce
mémoire.
On a vu que chaque âge d'or de la
télévision était lié à une innovation
technologique. Le premier âge d'or correspondait a l'expansion de la
télévision, alors que le deuxième correspondait à
la généralisation de la télécommande et des
chaînes câblées.
Cela mène à se demander à quelle innovation
technologique correspond le mini-âge d'or qu'a été celui
des années 2000.
Et l'on arrive a cette constatation paradoxale : ce dernier
âge d'or a certainement vu le jour justement grâce a internet. Car
c'est bien a la généralisation de cette technologie que
correspondent les années 2000. Grâce à cette technologie,
les séries ont pu faire le buzz, et c'est grâce a leur partage
qu'elles sont devenues a la fois connues et populaires.
Mais les années 2000 étaient des années
de transition et l'usage de la télévision était encore
courant. Le système de diffusion digitale n'était pas encore
aussi complet qu'il ne l'est aujourd'hui.
L'usage d'internet est plus développé
aujourd'hui qu'il ne l'était durant la décennie
précédente, et ce phénomène risque de s'amplifier a
l'avenir. C'est pourquoi internet peut être un danger pour les
séries télévisées sur le long terme. Car
l'utilisation d'internet a des chances de s'intensifier avec des
générations de plus en plus a l'aise avec les nouvelles
technologies de l'information. Mais ce danger est réel uniquement si
l'offre digitale adaptée aux besoins des consommateurs reste une offre
illégale.
Pour éviter cette utilisation de l'offre
illégale, la solution mise en place aujourd'hui est l'interdiction
d'utiliser cette offre. Mais ceci n'est pas efficace. D'abord parce que le
principe de surveillance, et l'interdiction elle-même semblent être
des mesures injustes. Ensuite parce que malgré cette interdiction,
l'offre illégale reste très facile d'accès.
En fait, pour convaincre les usagers de ne plus utiliser
l'offre illégale, la solution ne se situe pas dans la loi (puisqu'elle
ne fait pas peur et qu'elle ne présente aucune barrière
technologique). Elle se situe dans l'innovation. Et ce sont les entreprises
digitales qui auront le pouvoir de détourner les clients de l'offre
illégale vers une offre légale.
En effet, on l'a vu lors des entretiens, les usagers ne sont
pas réticents a payer pour une offre légale, tant que celle-ci
correspond à leur mode de visionnage et que son prix n'est pas
excessif.
Mais pour cela, les entreprises digitales devront être
activement a l'écoute des usagers. Comment cette offre pourrait-elle
être adaptée ? Ce mémoire fournit quelques pistes à
étudier.
Cependant, cette transition risque de ne pas être
appréciée par les chaînes de télévision.
Ce serait donc plutôt à ce niveau que les
gouvernements pourraient agir de manière efficace : aider les
plateformes digitales légales à se construire de façon
efficace, tout en accompagnant les chaînes de télévision
dans cette transition. Et ce ne serait pas la première fois que le
gouvernement interviendrait dans un univers de l'audiovisuel en transition ;
n'oublions pas que la naissance de la télévision est en grande
partie le fruit d'un travail gouvernemental en France. La radio y a d'ailleurs
survécu.
Pour aider cette transition, il faut aussi que la
considération pour les séries télévisées
françaises change. Car bien que la série américaine soit
de plus en plus considérée comme un objet culturel, on ne porte
généralement pas le même regard sur la série
française. Et ce changement de culture française est essentiel
pour que la série devienne un produit intéressant dans lequel on
souhaite investir, ce qui permettra aux chaînes de s'intéresser de
plus en plus a la création originale, pour qu'elles aient dans leur
programmation un contenu attractif. Et le changement de culture peut passer par
des choses de simples, comme arrêter de différencier le «
comédien ~ de l' « acteur ».
L'issue de cette histoire incluant des nouveaux enjeux
digitaux ne sera donc pas nécessairement fatale aux séries
télévisées. Car des solutions digitales émergeront,
et les séries trouveront un modèle économique basé
sur les plateformes digitales, peut-être de façon exclusive un
jour.
Bibliographie
Ouvrages
Les séries télé pour les nuls, Marjolaine
Boutet, Editions Générales First 2009
Les séries télévisées : l'avenir du
cinéma ?, Jean-Pierre Esquenazi, Ed. Armand Colin, 2010
La culture des sentiments. L'expérience
télévisuelle des adolescents, Dominique Pasquier, 1999
Les nouvelles approches sociologiques des organisations, Henri
Amblard, Philippe Bernoux, Gilles Herreros, Yves-Frédéric Luvian,
pp.127-140
La télévision pour les nuls, de Marie Lherault et
François Tron, Ed. First Gründ, 2010
Publicitor, Jacques Lendrevie, Arnaud de Baynast, Catherine
Emprin, 7e éd. Dunod, Paris, 2008
Articles scientifiques
Mousseau Jacques. La télévision aux USA. In:
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Les utilisateurs, acteurs de l'innovation, Madeleine Akrich,
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16 novembre 2006
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de la traduction. Textes fondateurs, Presses de l'Ecole des Mines, 16 novembre
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2011
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01/12/2004 - Rita Mazzoli
Les séries se taillent désormais la part du lion
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Fin de Megaupload : 48% des "pirates" cessent de
télécharger... pour l'instant,
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Ressources en ligne
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http://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9diam%C3%A9trie#R.C3.A9sultatspourl.27ann.C3.A
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http://www.hadopi.fr/la-haute-autorite/lhadopi-en-bref
http://www.la-loi-hadopi.fr/procedure-hadopi/14-controle-hadopi.html
http://www.la-loi-hadopi.fr/procedure-hadopi/13-telechargement-illegal-hadopi.html
http://www.la-loi-hadopi.fr/procedure-hadopi.html
http://fr.wikipedia.org/wiki/Innovation
Dossiers thématiques
La diffusion de la fiction à la télévision
en 2011, CNC
METHODS FOR RE-IMAGINING SOCIAL TOOLS IN NEW CONTEXTS Clare J.
Owens, David E. Millard, Andy Stanford-Clark, University of Southampton &
IBM, UK
Conférences
9e journée de la création TV du 5 juillet 2012
Les génériques : un art en soi ? d'Ariane
Hudelet-Dubreil, Series Mania saison 3, Forum des images
Documentaires
Series Addict, Olivier Joyard, première diffusion 30
novembre 2011, Canal Plus Tous au Mistral !, première diffusion le 21
février 2012, France 3
Sites internet utilisé/analysé pour la
recherche de ce mémoire
lost-site.com
dexter-serialforum.com
glee.forumactif.org
forum.glee-france.fr
plusbellelavie.org
samia-and-boher.forumactif.org
forums.france4.fr
dpstream.net
thepiratebay.se
u-sub.net
addic7ed.com
http://leblogdemaud.wordpress.com/2009/08/11/fansub-teams-comment-font-elles/
http://www.ataa.fr/blog/retour-sur-series-addict/
Podcasts
http://seriestv.blog.lemonde.fr/2010/02/17/postcast-8-la-france-nest-pas-un-desert/
http://www.franceculture.fr/emission-place-de-la-toile-etudier-le-web-2011-10-01
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