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Redéploiement industriel et grands projets structurants dans la métropole de Chennai: quelle place pour les quartiers Nord ?

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par Paul BERTIN
Université Bordeaux III - Master 2 territoires développement et cultures 2011
  

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    Redéploiement industriel et grands projets

    structurants dans la métropole de Chennai:

    Quelle place pour les quartiers Nord ?

    Paul Bertin

    Master 2 Territoires, Développement et Cultures

    Sous la co-direction de Loraine Kennedy

    Chargée de recherche CNRS et Directrice adjointe du CEIAS

    Et de Kamala Marius-Gnanou

    Ma»tresse de conférence - Université Bordeaux III

    Université Bordeaux III
    UFR Sciences des Territoires et de la Communication
    Septembre 2011

    Ce travail a été réalisé en partenariat avec le programme de recherche européen Chance 2 Sustain - www.chance2sustain.eu -

    SOMMAIRE

    Introduction 5

    1ère partie : Une métropole complexe

    1-1 De Madras la coloniale à Chennai, ville indienne du XXIème siècle 8

    1-2 Les enjeux d'une ville duale 13

    2ème partie : Modalités d'une enquête de terrain originale

    2-1 Une cartographie participative, explications 20

    2-2 Quels ajustements pour notre étude? 23

    3ème partie : North Chennai de l'intérieur

    3-1 Du Spatial au mental 29

    3-2 De la donnée au spatial 38

    4ème partie: Grands projets à venir : un rééquilibrage?

    4-1 A l'échelle de l'agglomération 47

    4-2 Au Nord, un remodelage qui pose problème 52

    Conclusion 58

    Remerciements 59

    Bibliographie 60

    Annexes 62

    Introduction

    Madras, devenue Chennai en 1996, est aujourd'hui la quatrième aire métropolitaine indienne en terme de population, avec ses 9 millions d'habitants. Capitale du Tamil Nadu, état le plus urbanisé du pays et 3ème puissance fédérale, elle est à l'heure actuelle l'un des hauts lieux du nouvel ordre mondial en Inde, et se place en première position des villes attractives en terme d'IDE au cours des 5 dernières années. Cette situation a impulsé de profonds changements dans les dynamiques urbaines de Chennai, et on tend aujourd'hui à une spécialisation croissante des espaces métropolitains, sous la forme de ce que l'on a appelé des ÇcorridorsÈ de développement. Cette stratégie ressemble étroitement à celle adoptée par les pays occidentaux depuis les années 80, et s'accompagne bien souvent de grands projets dans le domaine des infrastructures, visant à réduire l'espace-temps et à maximiser la productivité des entreprises installées autour de ces nouveaux nÏuds économiques.

    Chennai, ville réputée traditionnelle et vieux centre industriel textile, s'est ainsi transformée en une métropole plurielle, à l'économie diversifiée. Profitant d'une main d'oeuvre qualifiée et d'un environnement urbain qui la place au premier rang des villes les plus agréables à vivre, devant Delhi et Bangalore, elle a su en tirer les bénéfices pour devenir un centre économique majeur, dont l'influence dépasse aujourd'hui les frontières nationales. En l'espace de dix ans, elle est devenue un centre incontournable dans le domaine de la programmation et du software, avec l'arrivée de géants du secteur tels qu' HP, IBM, Infosys ou Sun Microsystems, menacant sérieusement le leadership établi depuis longue date par sa grande rivale, Bangalore. L'IT corridor, au Sud de la ville, permettra à terme la création de 300.000 emplois dans ce secteur d'ici à 2020. Plus récemment, par la création de vastes Zones Economiques Spéciales dans sa partie Ouest, Chennai a étendu son emprise sur l'économie high-tech en développant un ambitieux parc de production électronique, regroupant à la fois les activités d'assemblage et de R&D. Dell, Nokia, Samsung ou Motorola fabriquent désormais une partie de leurs circuits électroniques et assemblent leurs téléphones portables et leurs ordinateurs dans la banlieue de Chennai. La ville non seulement concoit, fabrique mais aussi exporte elle-même tous ces produits à forte valeur ajoutée.

    Mais la liste de ses spécialités ne s'arrête pas là, et il faut savoir qu'elle participe également à
    hauteur de 60% des exportations indiennes dans le domaine de l'automobile. A ce titre, on la

    surnomme aujourd'hui la Ç Détroit asiatique È, tant son importance atteint aujourd'hui des sommets dans ce secteur. Carrosseries, moteurs, pneumatiques, accessoires: la cha»ne complète de production est assurée, et la ville produit même les pièces détachées nécessaires au reste du pays. L'engouement économique est tel qu'on prévoit d'étendre la liste des savoirs-faire industriels au domaine de l'aéronautique au cours des prochaines années, à travers la création du Chennai Aero Park, le plus ambitieux projet dans ce secteur à l'échelle mondiale. Plus de 100.000 emplois répartis sur 16km2 regrouperont les activités de design, de production et de maintenance de systèmes civils et militaires.

    La ville reste par ailleurs un centre majeur dans les domaines de la banque et de la finance, des industries pétrochimiques, du tourisme médical, du cinéma1 et de la mode.

    Mais Chennai, c'est avant tout un port, par lequel transitent chaque jour 170.000 tonnes de marchandises, issues en partie de sa propre production, mais aussi de celle de sa voisine Bangalore et de tout le Sud de la péninsule. Dans le même temps, il confère à la ville un rTMle de poumon énergétique, puisque c'est par ses docks que les matières premières nécessaires à l'activité économique d'une partie du pays font leur entrée sur le territoire national. Le port de Chennai a connu une telle explosion de son activité qu'au cours des années 2000 a été décidée la construction d'un nouveau nÏud portuaire, à la périphérie Nord de la ville: le port d'Ennore. Celui-ci viendra prendre place dans une zone jusque là délaissée par les aménageurs, en marge des étincelants corridors concentrés dans les périphéries Sud et Ouest de Chennai. En effet, les dynamiques d'étalement et de redéploiement industriel massif qu'a connu la ville au cours des dernières années n'ont pas recouvert l'agglomération dans son ensemble, et n'ont fait qu'amplifier une fragmentation et une dualité historique entre un Sud dynamique et attractif, et des quartiers Nord plus pauvres et moins bien fournis en infrastructures. Cet espace, North Chennai, semble avoir conservé les stigmates des temps passés, et appara»t comme le reflet d'un certain laxisme de la part des politiques qui ont eu tendance à laisser la ville se constituer par elle-même, au gré des interventions et des intérêts d'un secteur privé tout puissant. En a résulté la constitution d'un espace mutant et original, mi-urbain, mi-rural, et en apparence totalement livré à lui-même.

    Pourtant, avec la création du port d'Ennore et de ses installations annexes, on peut supposer que la
    donne est en train de changer. Le Nord, quasi invisible jusqu'à une période récente, pourrait être au

    1 Kollywood, en référence au quartier Kodambakkam oü sont rassemblés les studios de cinema et de television, produit d'avantage de films qu'Hollywood en Californie, et se place en deuxième position au niveau mondial derrière l'énorme machine de Bollywood (Mumbai)

    cÏur de nouveaux enjeux, d'autant que l'espace disponible devenant rare et cher au Sud, il serait naturel que l'agglomération cherche à poursuivre sa croissance, vers le Nord. Qu'en est-il réellement? Quels projets sont achevés et quel impact ont-ils pu avoir jusqu'à présent sur le Nord de Chennai? Quels en ont sont les acteurs : publics ou privés ? L'Etat est-il à la hauteur du défi, ou préfère-t-il déléguer ses responsabilités ? Et puis, quelles sont les priorités à l'heure actuelle, et quelle place est accordée aux habitants de la zone? Car c'est bien là le cÏ ur des enjeux. Peuvent-il aspirer à une meilleure prise en compte de leurs aspirations ? Et peuvent-ils espérer de nouveaux débouchés? Assistera-t-on à un rééquilibrage, ou au contraire à un creusement des inégalités? La question des infrastructures et d e l'accessibilité sera véritablement au cÏur de nos questionnements, puisqu'il s'agit là du problème majeur duquel dépendra la réussite de l'intégration du North Chennai.

    La suite de l'exposé se déroulera en 4 parties:

    Une première partie nous permettra de mieux comprendre les enjeux actuels, en retracant l'historique des dynamiques qui ont amené la ville de Chennai à devenir ce qu'elle est aujourd'hui: une ville duale. Nous ferons le point sur la mise en place des projets déjà réalisés. (Quel est le visage de Chennai aujourd'hui ? Comment en est-on arrivé là?)

    Dans une seconde partie, nous détaillerons les outils et les méthodes qui vont nous servir au cours de l'enquête de terrain, et qui vont nous permettre de dresser le portrait du Nord de Chennai et des problèmes qui lui sont propres (Comment mettre en avant les particularités et les enjeux propres au Nord de Chennai?)

    Dans une troisième partie, nous détaillerons et analyserons les résultats de cette enquête, construite autour d'une cartographie participative réalisée auprès des habitants. Nous serons amenés à mettre en avant ses défauts, et ses atouts. (De quelle facon les populations du North Chennai percoivent-elles leur ville? Quels sont les problèmes qui émergent de ce ressenti ? Le Nord de Chennai possède-t-il vraiment une identité propre?)

    Enfin, dans une quatrième et dernière partie, nous ferons le point sur les grands projets à venir, et sur les évolutions que devrait conna»tre notre zone d'étude. Avec un regard critique, nous évalueront les impacts probables de ces aménagements. (Dans quelle mesure les futurs aménagements répondront-il au déséquilibre actuel?)

    1ère Partie - Une métropole complexe

    1-1 De Madras la coloniale à Chennai, ville indienne du XXIème siècle

    Avant d'aborder les dynamiques actuelles de la métropole qu'est devenue Chennai, un bref détour par l'histoire para»t incontournable.

    1-1-1 Un village de pêcheurs devenu capitale

    Madras, en fait le diminutif employé par les britanniques pour désigner Madraspattinam, n'est à l'origine qu'un petit port de péche parmi tant d'autres disséminés le long de la côte de Coromandel. A cette époque, la plupart des villes de taille importante se trouvent à l'intérieur des terres, comme Madurai ou Kanchipuram, qui constituent le cÏur de la culture tamoule. Capitales d'empires, centres religieux ou plate -formes commerciales ont au fil des siècles organisé un espace équilibré autour de cette logique d'impulsion par l'intérieur du territoire, comme on peut la retrouver, par ailleurs au Maroc, avec l'édification successive des fameuses villes impériales en retrait des côtes. C'est seulement avec l'arrivée des colons européens, portugais, hollandais puis britanniques et francais, que l'organisation du territoire va véritablement basculer vers les ports. Les portugais sont les premiers à établir un comptoir dans la région, le port de Sao Thome, dès 1522. Ils choisissent de s'établir sur les bords de la rivière Adyar, à l'endroit méme oü l'apôtre Saint Thomas aurait été assassiné au début de notre ère. Ce premier établissement sera au fil des années absorbé par la ville, et deviendra le quartier de Santhome à Mylapore, au Sud de Chennai. Viennent ensuite les hollandais qui s'installent à une soixantaine de kilomètres au Nord de Sao Thome, et fondent le comptoir de Pulicat en 1609. C'est seulement quelques années plus tard, en 1639, que Francis Day, agent de la Compagnie Britannique des Indes Orientales jète son dévolu sur le petit port de Madraspattinam pour y établir un comptoir. Les terres acquises au cours de cette méme année permettent la construction du Fort Saint Georges, siège de l'administration coloniale mais surtout véritable cÏur historique autour duquel se constituera la ville moderne de Madras au fil des siècles.

    Rapidement, c'est par le Nord que la ville va se constituer. Le village de Madraspattinam fusionne
    avec son voisin Chennapattanam (qui donnera finalement son nom à la ville à la fin du XXème
    siècle) pour former ce que l'on a d'abord appelé la Ç ville noire È, l'actuelle George Town, quartier

    des populations indiennes asservies par les colons. La ville va ensuite continuer sa progression le long de la côte et de facon moins marquée vers l'intérieur, et va successivement absorber les villages alentours, qui sont achetés au fur et à mesure du processus d'agglomération. C'est ainsi que Triplicane est intégrée en 1676, suivi d'Egmore, de Purassavakkam et de Tondiarpet en 1693, puis de Thiruvottiyur, Nungambakkam, Vyasarpady et Ennore au milieu du XVIIIème siècle. On remarque donc que la progression de la ville se fait d'abord principalement par le Nord, oü se concentreront de facon toujours plus intense les activités industrielles et ouvrières liées à l'émergence du Port. Les populations noires occupent cette partie de la ville, tandis que les quartiers résidentiels blancs progressent d'avantage vers le Sud, autour de noyaux villageois existants, et qui transparaissent aujourd'hui encore dans le paysage urbain contemporain. Cette situation particulière confère à Madras une hétérogénéité spatiale très marquée, qui s'exprime par l'absence d'un centreville (Oliveau 2007). Dès les origines on constate donc l'existence d'un espace fragmenté, constitué d'un multitude de centralités. L'étalement en Çtâche d'huile È viendra combler les vides au fur et à mesure de la croissance de la ville, et viendra finalement buter contre les barrières naturelles (pour Chennai les cours d'eau et les réservoirs naturels principalement).

    C'est au XIX ème siècle que cette tendance à une progression vers le Nord va atteindre ses limites, puisque l'étalement y est déjà fort important. George Town est à ce moment-là déjà très dense, et l'accès aux marges septentrionales de la ville requiert un parcours excédant les 10 km. Par ailleurs, les terrains s'y révèlent de mauvaise qualité et souvent insalubres, puisque la faible altitude les rends vulnérables aux inondations, très courantes dans cette zone marécageuse et soumise à l'oscillation des marées. La ville va donc s'étendre désormais de facon privilégiée en direction du Sud et du Sud- Ouest, le long des principaux axes de communication qui relient Chennai aux villes majeures du Tamil Nadu qui constituent l'hinterland dont dépend l'activité du port. La création des premières liaisons ferroviaires à la fin du XIXème siècle viendra accentuer le phénomène. On recherche désormais le confort et l'espace, lors de cette nouvelle poussée urbaine qui sera d'avantage résidentielle qu'industrielle.

    1-1-2 L'évolution post-coloniale

     

    1901

    1921

    1941

    1961

    1981

    2001

    Population (Chennai
    City, en millions)

    0,54

    0,56

    0,87

    1,75

    3,29

    4,34

    Densité (habts/km2)

    793

    815

    847

    1357

    1866

    2468

    Tableau n°1 - Evolution de la population au XXème siècle

    La population de Chennai, qui atteint le demi million d'habitants au tournant du 20éme siècle, n'évolue que trés peu jusqu'à l'indépendance en 1947. Au cours de cette période, l'étendue de la ville reste contenue dans le même périmétre, et c'est plus par une densification et par un comblement des Ç dents creuses È que l'évolution s'opére.

    Aprés 1947, la population explose, et Chennai conquiert sans cesse de nouveaux espaces. La creation de la CMA (Chennai Metropolitan Area) et de son organisme de gestion, la CMDA (Chennai Metropolitan Development Authority) en 1971, fixent un cadre administratif à cette croissance urbaine. La logique d'une croissance par le Sud s'amplifie, et l'amélioration des conditions de transports et d'accessibilité dans cette partie de la ville accompagne une croissance en Ç étoile È ou en « doigts de gant », le long des accés privilégiés. C'est ainsi que Mount Road, renommée en Anna Salai, devient l'artère principale de la ville, en même temps que les voies de chemin de fer en direction de Tambaram (au Sud Ouest) et d'Ambatur (à l'Ouest) se dotent de nouvelles gares et de voies supplémentaires qui permettent des debits toujours plus importants. C'est véritablement le développement de l'offre en terme de transports collectifs qui va permettre cette nouvelle dynamique d'écoulement vers le Sud et l'Ouest, à mesure que l'espace temps se réduit. A partir des années 50, cette nouvelle donne va permettre le développement de nouveaux noyaux industriels, toujours à proximité des grands axes que l'on vient de développer, dans les environs d'Ambatur principalement, puis dans une moindre mesure autour de Guindy (au delà de l'Adyar, dans la partie sud d'Anna Salai).

    Dans le Nord, en paralléle de la longue bande d'urbanisation cTMtiére préexistante depuis le XVIIIéme siècle, et là encore à proximité de la voie ferrée, va se constituer le cÏur énergétique et industriel lourd. Ces installations prennent place sur de nouveaux terrains conquis sur les marais jusque-là inoccupés. La proximité des installations portuaires permet un accés direct aux matiéres premières, qui sont transformées sur place avant d'être acheminées aux quatre coins du pays. Raffineries (Indian Oil, Bharat Petroleum), cimenteries (Dalmia, Chettinad), usines metallurgiques et petro -chimiques s'établissent dans un triangle Tondiarpet-Ennore-Manali. Au fil du temps, et au fur et à mesure que la demande énergétique va augmenter, Chennai va se doter de nombreuses unites de production electrique, qui vont egalement coloniser cet espace par lequel le charbon transite depuis le port. Les écoulements nauséabonds, les poussiéres en forte quantité et le bruit engendrés par cette massification et cette forte spécialisation empêchent le développement de quartiers résidentiels. Seul un habitat informel, et quelques essais rates d'implantation de villes nouvelles dans les années 70 (Athipattu Pudu Nagar, Manali) viendront combler de façon trés

    partielle les interstices entre cet espace et le reste de l'agglomération. Les transports, concentrés presque exclusivement sur le rail, expliquent aussi en partie le manque d'attrait de cette partie Nord de Chennai, puisqu'ils ne permettent pas une irrigation suffisante à l'établissement d'une population importante.

    Carte n°1 Ð Evolution de l'emprise spatiale de l'agglomération 1640-2001

    1-1-3 Ouverture économique et défi de la mégapolisation

    A partir de 1991, et donc de l'ouverture économique du pays aux capitaux étrangers, l'espace Chenna
    ·te va encore évoluer, se complexifier, pour donner la métropole de rang international que l'on conna»t aujourd'hui. Dans le centre, déjà dense (on dépasse désormais les 10.000 habts/km2 dans les quartiers de Kodambakkam, George Town ou T-Nagar2), on construit toujours plus en hauteur, même si la réglementation en vigueur n'autorise pas une verticalisation excessive. Pour cette raison, et gr%oce à l'amélioration des conditions de circulation (les autoroutes font leur apparition, les boulevards à grandes capacité sont créés (Inner Ring Road et Chennai Bypass), et l'on met en place une gare routière géante, la plus grande du sous-continent indien: la CMBT, à Koyambedu), le glissement vers le Sud et l'Ouest va s'intensifier. L'arrivée massive de l'automobile, surtout à partir des années 2000, participe grandement au phénomène. Dans le même temps, on assiste à l'explosion logique du péri-urbain, oü les bourgs ruraux en dehors de l'agglomération mais entretenant des relations étroites avec celle -ci, vont parfois conna»tre un doublement de leur population entre 1991 et 2001 (Chengalpet, Sriperumbudur, Tiruvallur3).

    L'arrivée massive de capitaux, par ailleurs, va complètement bouleverser la physionomie de la ville, en participant au redéploiement des activités et à la spécialisation des espaces, le long de ce qu'on a appelé des ÇcorridorsÈ de développement. Le secteur privé occupe désormais une place prépondérante dans le processus de création de nouveaux espaces, et le secteur public est relégué au rTMle de facilitateur. C'est ainsi que va émerger, au cours des années 2000, un IT corridor au sud de la ville, le long d'une nouvelle voie express, l'OMR. En l'espace de dix ans, près d'une centaine de milliers d'emplois sont créés dans le domaine des technologies de l'information, ce qui va impulser l'arrivée de nouvelles populations, plus qualifiées et plus exigeantes en matière de qualité de vie. Pour cette raison, de nouveaux quartiers sont créés, composés essentiellement de gated communities et de résidences de standing, toujours le long de cet IT corridor . L'ouverture de l'East Coast Road en 2001, qui constitue un véritable Touristic Corridor en parallèle de l'OMR, ne fera que participer à la conquête de nouveaux espaces résidentiels, toujours plus au Sud. Désormais, la distance qui sépare les marges Sud de l'agglomération au cÏur de la ville excède les 50 km, et ce n'est là qu'un début.

    Mais l'émergence de ces nouveaux espaces ne concerne pas seulement cette zone, puisque des
    corridors industriels viennent compléter la donne, le long cette fois des voies express NH 4

    2 D'après documents internes - CMDA

    3 Source: Census of India 2001

    (Bangalore) et NH 45 (Madurai), oü de vastes usines d'assemblage vont s'installer. Gr%oce à l'apparition du système de Zones Economiques Spéciales, sortes de zones franches visant à réduire les coüts de production et à fournir toutes les facilités nécessaires à une attractivité optimale, les entreprises étrangères vont affluer, notamment autour de Sriperumbudur pour la NH 4 (Nokia, Saint Gobain, L&T), ou de Mahindra World City pour la NH 45 (Ford, Renault-Nissan, Infosys...). L'ampleur de ces nouvelles structures va nécessiter la présence d'une main d'oeuvre qualifiée et abondante, ce qui va amener à l'explosion de l'offre de formation. Des écoles d'ingénieur (au nombre actuel de 250) et des universités privées vont être créées aux quatre coins de la ville, et viendront compléter le processus de création, en somme, de edge-cities suivant le modèle américain.

    1-2 Les enjeux d'une yille duale

    1-2-1 La question des centralités

    Comme on l'a largement évoqué, l'une des principales caractéristiques de l'agglomération de Chennai repose sur un glissement perpétuel vers le Sud, depuis presque deux siècles. Cette situation particulière, conjuguée à une histoire urbaine faite d'une absorption successive de bourgs pré- existants et d'un comblement des interstices plus que d'une extension en territoires vierges, confèrent à la ville un aspect particulièrement intéressant. En effet, ces dynamiques ont provoqué l'émergence d'une multitude de centralités et de nÏuds urbains, qui laissent le centre historique en marge du rTMle naturel qui devrait lui incomber. Cette réalité surprend le visiteur étranger, habitué au modèle classique d'une ville impulsée par un cÏur ancien et identifiable. A Chennai, il est très difficile de s'orienter par rapport à un centre, tant l'espace para»t homogène en tous points de la ville. Le centre historique, George Town, se trouve en fait noyé dans une masse qui le rend invisible.

    D'un point de vue économique, le constat n'est pas différent. Et même si George Town conserve un rTMle commercial, puisqu'il s'agit d'un point de transit important entre les biens manufacturés arrivés fra»chement par la mer et le reste de la ville, il s'agit là du dernier aspect qui pourrait encore faire de lui un cÏur. Mais il n'est plus qu'un quartier de grossistes, spécialisé au même titre que d'autres, comme Koyambedu (marché de gros pour l'alimentaire) ou T-Nagar (marché textile).

    L'ouverture récente de Chennai sur le monde n'a fait qu'accentuer la mise à l'écart de George Town,

    et il est aujourd'hui très facile d'identifier les points chauds de la ville au travers des marqueurs de la mondialisation, qui peuvent être considérés comme autant d'éléments de modernité et de centralité dans une métropole indienne. Pour mettre en évidence ce visage très contemporain de Chennai, nous nous sommes livrés à un exercice original, qui a consisté à cartographier ces marqueurs, que nous détaillerons plus bas.

    Carte n°2 Ð Hot-Spots de la mondialisation à Chennai en 2011

    Par le biais d'un moteur de recherche, nous avons répertorié 4 types de lieux emblématiques de ce nouvel aspect de Chennai :

    Les centres-commerciaux tout d'abord, nouvelles vitrines du rêve à l'occidentale,

    Les enseignes de supermarchés et d'hypermarchés de la grande distribution (Nilgiri's, Nuts n' Spices, Star Bazaar et Big Bazaar),

    Les cha»nes de restaurants et de fast-foods (Mc Donald's, KFC, Pizza Hut, Subway, Domino's Pizza, Marrybrown, Café Coffe Day, Barista et French Loaf),

    Enfin, les principales grandes enseignes du prêt à porter (Levi's, Reebok, Celio et Benetton). Il s'agit là de listes non exhaustives, mais qui nous donnent une idée générale de la situation.

    On remarque tout d'abord que ces enseignes ont tendance à se concentrer autour de pTMles bien distincts, répartis majoritairement au sein d'un triangle Anna Nagar West - Egmore - Thiruvanmiyur. Ces pTMles sont au nombre de 4:

    Anna Nagar au Nord-Ouest, avec le centre commercial Ampa Skywalk, Nungambakkam/Royapettah en position centrale avec les centre commerciaux Spencer Plaza et Express Avenue

    Mylapore, un peu plus au sud, avec le centre commercial Citi Centre,

    Enfin, Adyar/Thiruvanmiyur, à la limite Sud de la municipalité.

    D'autres pTMles mineurs, moins évidents à identifier et plus nombreux, font office de relais entre ces pTMles majeurs. On reconna»t par exemple le quartier de T-Nagar ou celui de Guindy. On remarque aussi une tendance à la colonisation d'un espace plus vaste, compris entre l'autoroute NH 45 et l'ECR.

    Bien sür, ces marqueurs ne reflètent que les points d'attraction propres aux classes moyennes et aisées, et il serait maladroit de penser qu'il s'agit là de nÏuds à portée universelle. Néanmoins, ils préfigurent le futur d'un mode de vie qui tend à se généraliser, c'est à ce titre qu'on peut les considérer comme les marqueurs d'une certaine idée du <<centre-ville È. Si l'on avait ajouté à cette représentation les sièges de grandes entreprises, les banques ou les équipements d'agglomération (bibliothèques, musées, lieux du pouvoir), le résultat n'aurait été que plus flagrant (mais la carte aurait été illisible). Il est clair que Chennai ne possède pas véritablement de centre-ville, mais des centres-villes, compris dans un ensemble plus vaste qu'on peut identifier sous la forme d'un triangle correspondant plus ou moins à la moitié Sud de la ville de Chennai << intra-murros È, et qui aurait tendance à déborder sur les marges les plus dynamiques, au Sud là encore. Le centre historique appara»t très clairement en marge de cet espace.

    Chennai est une ville poly-nucléaire, et victime d'un déséquilibre flagrant entre Nord et Sud. Car c'est là le cÏur de notre travail, et il n'appara»t que de façon trop visible sur notre représentation. Au delà d'une ligne qui grossierement suit la Poonamale High Road, il n'y a guere que du vide.

    1-2-2 Au Nord, un espace mutant à (re)conquérir

    Le Nord de Chennai, ou North Chennai, appara»t avant tout comme un espace méconnu, tant par la population que par la sphere de la recherche. Pour un chenna
    ·te du sud, rares sont les occasions de se rendre dans cette partie de la ville, hormis pour des raisons professionnelles. En effet, comme on l'a vu précédemment, c'est là que se concentrent les activités industrielles lourdes, une partie de l'industrie mécanique (Ashok Leyland), ainsi que les plates-formes de stockage de frêt en provenance du port de Chennai. La population n'y cro»t que tres faiblement4, et l'emprise spatiale des zones résidentielles n'y est encore que tres limitée. L'essentiel de l'espace est occupé par les industries et les espaces agricoles, même si les friches et les marais dominent encore, du fait de la forte salinité des sols qui rend impossible leur mise en culture. Mais avant de nous pencher plus en détail sur la situation,

    il est important de fixer le cadre spatial de notre étude.

    Carte n°3 - Chennai North : cadre de l'étude

    4 5,2% d'augmentation entre 1991 et 2001, contre 20,3% pour l'ensemble de la CMA - Census of India 2001

    Nous désignerons donc par Ç North Chennai È l'espace compris entre les eaux du Golfe du Bengale
    et l'autoroute NH 5 (Kolkata), partant des quartiers de Tondiarpet et Washermanpet pour la limite
    Sud, jusqu'aux limites Nord de la CMA. Il s'agit là d'un espace vaste, mais encore faiblement

    5

    peuplé. La population n'y excède pas les 400.000 habitants en 2011. Les infrastructures routiéres accusent un retard considerable en comparaison du reste de la ville, et ressemblent d'avantage à ce que l'on pourrait trouver en milieu rural, surtout d'un point de vue qualitatif. Les grands axes y sont rares, et la majorité des flux sont concentrés le long de la cTMte sur la Ennore High Road et la Thiruvottiyur High Road, ne pouvant supporter qu'un trafic réduit. Plus au Nord, la Manali High Road permet de connecter les deux axes précédents à la TPP Road (ou Minjur High Road), construite il y a une dizaine d'années pour permettre un accés direct au nouveau port d'Ennore. Enfin, cette TPP Road a été récemment connectée à l'Inner Ring Road de Chennai, grand boulevard permettant de contourner les espaces centraux pour rallier le Sud de la ville. Toutes ces voies, à l'exception de l'Inner Ring Road, ne permettent pas un raccordement au réseau des bus de ville. En effet, leur encombrement et leur étroitesse est telle qu'il leur est tout simplement impossible de circuler. Seules quelques lignes serpentent sur les routes plus tortueuses et assurent un service minimum (en principe un bus toutes les heures ou toutes les deux heures), au prix de nombreuses crevaisons et accidents6. Pour cette raison, les habitants du North Chennai circulent principalement par leur propre moyen, ou gr%oce au systeme d'auto-rickshaw (individuels) mais surtout de share-autos (collectifs) qui quadrillent le secteur. Les coûts s'en trouvent bien évidemment augmentés par rapport au bus.

    Néanmoins, la voie ferrée traverse le secteur, par la cTMte, et offre une alternative plus intéressante aux voyageurs en terme de cofit. Mais elle reste difficilement accessible aux habitants situés à l'Ouest de la longue zone industrielle qui la longe. Par ailleurs, les trains de voyageurs y circulent à vitesse réduite, et les passages sont rares (un à deux passages par heure, soit une frequence moyenne divisée par trois par rapport aux autres lignes urbaines). Pour toutes ces raisons, il est extrêmement difficile de se déplacer dans cette partie Nord de la ville. Et c'est là un aspect primordial de notre etude.

    1-2-3 Grands projets et espaces et mutation

    Depuis les années 90, le gouvernement du Tamil Nadu a initié la mise en place de nouvelles zones

    5 Chiffre approximatif base sur des discussions avec des membres du CMDA

    6 D'apres les recits recoltes aupres de chauffeurs, sur place.

    d'activités, en lien avec la creation d'un port satellite, le port d'Ennore. En effet, avec l'explosion du trafic au cours des années 80 et 907, le port historique de Chennai se trouve en situation critique, et frTMle la saturation. L'espace disponible étant limité, et les extensions par poldérisation se révélant fort coateuses, le gouvernement decide donc de transférer une partie des activités et donc des volumes vers une zone oil de nouveaux aménagements puissent prendre place sans compromettre la rentabilité. Le Sud étant déjà fortement urbanisé, et le prix des terrains particulièrement élevé, le choix se tourne tout naturellement vers la limite Nord de l'agglomération, au contact direct de la North Chennai Power Station, oil de larges parcelles de terres avaient été acquises depuis 1991. Cependant, malgré cette situation, le cofit du projet se révèle encore trop élevé, et l'Etat des finances gouvernementales ne permet pas un lancement dans l'immédiat. Pourtant, l'urgence bien réelle de la situation implique une mise à execution rapide. C'est ainsi qu'on va decider, pour la première fois en Inde, de faire appel à un fond d'investissement entiérement privé, qui sera en charge de la construction, de la gestion et de l'entretien des installations. En contrepartie, l'Etat s'engage à fournir les infrastructures nécessaires à ce développement : de nouvelles voies d'accés doivent être créées, la voie ferrée sera élargie à trois voies, et la creation de nouveaux équipements nécessaires à la fourniture en eau et électricité sera assurée. L'investissement de 400 millions d'euros, entiérement supporté par des fonds privés (principalement japonais et singapouriens) regroupés au sein d'une nouvelle compagnie, la Ennore Port Limited, n'assurera par consequent aucun revenu direct pour le gouvernement du Tamil Nadu. Il s'agit là d'une entité entiérement autonome.

    Le port d'Ennore, initialement, a été concu comme un port énergétique, chargé d'accueillir et de stocker les matiéres premières nécessaires au fonctionnement des installations électriques de la ville. Dans le même temps, on a cherché à y concentrer le trafic de marchandises Ç sales » et gourmandes en espace, telles que le charbon, le pétrole, et les produits chimiques, de façon à libérer le port de Chennai. Toute une série d'installations annexes viendront prendre place à proximité du nouveau port, telles que décrites dans le Infrastructure Development Plan for Ennore Area mis en place par le CMDA en 1999 :

    Une plate-forme charbonniére de stockage et d'acheminement (ouverte en 2009)

    Une nouvelle centrale électrique au charbon d'une puissance de 1900 MW, sous partenariat public-privé (ouverture en 2012), ainsi que le doublement de la capacité de production de la North Chennai Power Station qui verra ainsi augmenter sa puissance pour atteindre 2400 MW (à la fin 2011)

    7 Le volume de marchandises passe de 10 millions de tonnes en 1980, à 25 millions en 1992, pour atteindre 32 millions en 1998 Ð Source Chennai Port

    Un parc pétro-chimique de grande ampleur, initié par la Madras Fertilizers Limited et concentré sur la production d'engrais (en construction)

    Deux plateformes de stockage de produits pétroliers, initiées par Indian Oil et la Tamil Nadu Petro Products Limited (en partie opérationelles)

    Il faut ajouter à cela la construction d'une usine de désalinisation, décidée plus tardivement. Ouverte en 2010, elle assure l'approvisionnement en eau potable à hauteur de 100 millions de litres par jour, ce qui équivaut aux besoins de 2 millions d'individus. C'est par la mise en place d'une joint venture entre l'espagnol Befessa et l'indien IVRCL Infrastructures and Project Ltd que le projet a pu voir le jour en 2004. Par l'utilisation de nouvelles techniques économes en énergie, l'installation parvient à produire de l'eau potable pour un cofit inférieur à un euro pour 1000 litres.

    Au total, ces nouvelles installations couvrent une surface supérieure à 1.200 hectares, et prennent place pour l'essentiel sur des terrains initialement inoccupés. Les acquisitions ont été effectuées en intégralité par le biais de la Tamil Nadu Industrial Development Corporatio n (TIDCO), et n'ont impliqué le déplacement que d'une cinquantaine de familles, toutes relogées in situ par le gouvernement. Le nombre d'emplois directs et durables générés par la création du port d'Ennore et de ses installations annexes reste pour l'insta nt trts limité (moins de 500), mais les extensions à venir risquent de rapidement changer la donne. Les promesses consenties par le gouvernement en matiére de création et d'amélioration des infrastructures n'ont pas été tenues, et les travaux ne sont que trts partiellement achevés. Ces retards concernent principalement les infrastructures routiéres, et compromettent l'acces des véhicules lourds. La zone est victime d'une congestion qui affecte non seulement l'activité économique, mais surtout la vie des habitants. Cela n'a que peu compromis le succés du port d'Ennore qui est aujourd'hui classé au 12éme rang national8, et qui a permis de libérer de l'espace sur les docks du port historique. Aujourd'hui réorganisé, il peut continuer de cro»tre, et affiche une belle santé puisqu'il est à ce jour le port le plus important dans le Golfe de Bengale, et le 2éme en Inde aprés celui de Mumbai.

    Il est nécessaire de comprendre qu'à l'heure actuelle, la mise en place du port d'Ennore et d'un certain nombre d'installations « passives » n'a eu que peu d'impact sur les dynamiques propres au Nord de Chennai, mis à part, bien entendu, en terme de dégradation des conditions de transports. L'habitat, l'infrastructure en services publics ou le marché de l'emploi n'ont pour l'heure pas connu

    8 Le trafic a atteint 12 millions de tonnes en 2011

    de bouleversements notables. Cependant, les prochaines années promettent de nombreux changements, du fait du lancement progressif de nouveaux grands projets. Au contact direct du port d'Ennore a déjà été entamée la construction d'un troisieme port, le port de Kattupali. Plus ambitieux encore que son voisin, son ouverture promet de belles retombées en terme d'emploi, et ne fera que renforcer l'attrait de la zone pour les industriels qui bénéficient ici d'un accés privilégié au marché de l'exportation, à moindre cofit. Par ailleurs, le port d'Ennore poursuit son extension, et l'ouverture de nouveaux terminaux permet désormais le traitement des containers, ce qui le place en situation de concurrence directe avec le port de Chennai. Les grands groupes industriels, tels que Renault-Nissan ou Ford, ont également pour projet d'exporter leurs véhicules via Ennore. Enfin, d'une façon plus large, on note un net regain d'intérêt pour les espaces Nord de la ville, du fait de la hausse accélérée des tarifs du foncier dans les parties Sud et Ouest. Déjà, les projets immobiliers commencent à fleurir autour de Tondiarpet ou de Washermanpet, au Sud de notre zone d'étude, et l'amélioration prévue des conditions de circulation conjuguée à un contrTMle accru des rejets polluants émis par l'industrie devraient permettre de renforcer l'attractivité de ces quartiers, oil l'espace ne manque pas.

    Il para»t intéressant, dans ces conditions, de nous pencher sur le ressenti des habitants du North Chennai à la veille de ces profonds changements, qui devraient modifier en profondeur cet espace aujourd'hui si particulier.

    2eme Partie - Modalités d'une enquête de terrain originale

    2-1 Une cartographie participative, explications

    2-1-1 Intérêt de l'approche

    Avant toute chose, il convient de faire le point sur le terme même de Ç cartographie mentale È, qui
    n'est en fait qu'un outil lié à un domaine plus large, la cartographie participative ou participatory
    mapping
    , et qui doit etre absolument différencié du domaine de la cartographie mentale dans son

    sens <<heuristique >>. Il est pourtant courant en effet de nommer ainsi (<< carte mentale >>) le rendu de l'expérience que j'ai réalisé à Chennai (Gould, White, 1974). Pourtant, sous son sens premier, la cartographie mentale ou heuristique ne s'applique qu'à un type bien précis d'exercice, qui consiste à dresser en vérité un schéma des idées, sous diverses formes de diagrammes en arborescence. L'idée d'une carte heuristique repose sur la représentation des liens hiérarchiques entre différents concepts, différentes idées, de facon à les rendre plus explicites. On utilise cette technique principalement dans la mise en forme de brainstormings, d'exposés ou de structuration de projets. On peut aussi la rapprocher, dans une certaine mesure, de la systémique, dans l'apparence graphique qu'elle peut revêtir. Par conséquent, il est clair que la cartographie mentale vue sous cet angle ne possède aucun lien avec la cartographie au sens géographique du terme. Et le même paradoxe existe en anglais, oü l'on utilise aussi le terme de <<mental mapping>> indifféremment de celui de <<mind mapping >>. Nous utiliserons donc malgré tout le terme de carte mentale, puisqu'il n'existe aucun terme véritablement approprié, même s'il serait plus exact de parler de carte mémorielle ou personnelle.

    Le participatory mapping, terme que l'on hésite encore à utiliser en France, reste difficile à définir tant il recouvre des approches différentes. La littérature offre par conséquent une grande variété de définitions et de termes relatifs à cette technique d'enquête, comme la cartographie communautaire (community mapping) ou les SIG participatifs (participatory GIS). En règle générale cependant, la littérature désigne le participatory mapping comme un terme général pour la collecte et la représentation spatialisée, auprès d'un public non-spécialiste, de données relatives à la perception et à la pratique d'espaces familiers (Burini, 2008). Le plus souvent, sa réalisation requiert le concours d'organisations d'appui, notamment des gouvernements, des ONG, des universitaires ou d'autres acteurs engagés dans le développement et la planification. Il s'agit donc de représenter ou plutTMt de faire représenter un type de données qui d'ordinaire échappent à la sphère des spécialistes, des politiques et des aménageurs. En ce sens l'optique de l'exercice vise à une approche de type bottom - up, et s'avère utile dans une démarche de prise de pouvoir (empowerment) et d'implication des populations exclues du processus décisionnel qui impacte pourtant sur leur lieu de vie.

    Le participatory mapping invite donc à la discussion, à la construction d'un consensus, dans le cadre d'une prise de décision en lien avec les communautés et leurs re ssources. Simplement, il fait office de consultation. C'est pour toutes ces raisons qu'on le nomme <<participatif >>.

    Les informations recueillies peuvent être ensuite interprétées et rendues sous forme de
    représentations cartographiques qui deviennent un instrument dans la gestion du territoire. L'intérêt

    donc de ce type de cartographie s'exprime à deux niveaux, en premier lieu comme un produit social qui révèle les pratiques de construction de la connaissance territoriale d'une communauté, ensuite comme un moyen de communication en mesure de conseiller les actions de planification. Par voie de conséquence, le processus peut influer sur les dynamiques internes d'un groupe social, en contribuant au renforcement de sa cohésion, et en encourageant ses membres à s'investir. Les initiatives de cartographie participative peuvent par ailleurs jouer le rTMle de plaidoyer, dans la mesure oü elles permettent la mise en évidence de dysfonctionnements, ou la reconnaissance de territoires ancestraux par exemple dans le cadre de la fixation de nouvelles frontières. Ainsi ces initiatives jouent un rTMle d'appui envers les groupes marginalisés dans leur lutte pour la reconnaissance de leurs droits coutumiers (particulièrement dans le cas de populations autochtones, pastorales et forestières). La carte devient alors une alternative à la lutte armée dans le processus revendicatif.

    Pour synthétiser, on peut dire que la cartographie participative vise principalement à (Corbett2009) : Aider les communautés isolées politiquement à mettre en forme et à transmettre leur savoir spatial à des organismes extérieurs

    Permettre aux communautés de conserver et d'archiver un savoir ancestral local

    Aider les communautés à s'impliquer dans la planification de l'utilisation de leurs terres et la gestion des ressources

    Permettre aux populations d'organiser un plaidoyer, comme Çune Çcontre-cartographieÈ Renforcer le lien social au sein des communautés, inter -générationel notamment

    Et enfin, à traiter les conflits liés aux ressources

    2-1-2 Outils et méthode

    La cartographie participative est un outil relativement nouveau, apparu pour la première fois dans les années 80, et qui a intéressé un nombre toujours croissant de chercheurs au cours des dernières décennies, des géographes aux anthropologues, en passant par les ethnographes et les agronomes, mais aussi par les consultants de diverses institutions locales et internationales, dans les pays en développement comme dans les pays dits développés. Elles se veut donc pluridisciplinaire. Percue comme un instrument qui facilite le dialogue entre acteurs hétérogènes, elle a permis la conduite de négociations qui n'auraient pas eu lieu dans un cadre décisionnel classique. On comprend que cette approche n'a rien de neutre, puisqu'au contraire, elle vise à la persuasion en donnant à voir des

    elements territoriaux qui font sens pour une communauté et distille l'information de maniere à produire un message géographique spécifique. Elle ne représente en rien une vision fidele et objective de la réalité, et la finalité n'est pas d'en tirer des informations exactes. Il est important de comprendre que les cartes participatives, au contraire des cartes standard qui se veulent conformistes, sont en fait tout le contraire, et nous emmenent parfois aux frontieres de la psychologie tant c'est dans leur interprétation que l'on puise l'information. Le producteur de l'information possede donc un rTMle capital, tout autant que le commanditaire qui se doit de conna»tre en profondeur le contexte territorial et social auquel il a affaire, même si dans la réalité la cartographie participative est perçue comme un bon moyen de collecte de données pour des chercheurs disposant de peu de connaissances concernant l'aire géographique étudiée, et de peu de temps pour comprendre les réalités de la zone. Souvent, à ce titre, la cartographie participative est outil particulièrement adapté au « défrichage È d'une thématique spatialisée. Elle explore l'inconnu et vise à créer de la connaissance.

    Les outils lies à la cartographie participative sont divers et dependent du type de rendu et d'informations que l'on souhaite obtenir, ainsi que des moyens financiers et techniques disponibles. Parmi ces outils, on retrouve donc (Corbett 2009) :

    la cartographie mentale

    la cartographie au sol

    les croquis topographiques participatifs

    les transects

    les maquettes et la modélisation participative en trois dimensions

    Il ne s'agit là que des outils de type traditionnel, car depuis peu, on commence à utiliser des technologies de l'information géographique techniquement avancées, comme le GPS, les SIG, ou les images satellite. L'éventail de ces nouveaux outils ne cesse de s'élargir et rend possible une plus grande flexibilité et fiabilité dans les démarches en matiere d'accompagnement aux projets de développement.

    2-2 Quels ajustements pour notre etude de cas ?

    La finalité de notre etude sera de mettre en evidence les caracteristiques spécifiques qu'ont les
    habitants de notre zone d'étude dans leur perception et leurs pratiques de la métropole de Chennai.
    Les questions de mobilité, de connectivité et d'accessibilité, sont le cÏur et la raison d'être de notre

    enquête. L'utilisation de la carte mentale devra nous permettre, simplement, de donner un visage à un espace de vie. Pour être lisibles, les spécificités de notre zone d'étude devront être comparées aux réalités vécues par les habitants d'autres quartiers, que nous présenterons dans le paragraphe suivant. Au final, l'idée sera, à partir des résultats obtenus, de mesurer la force des liens qui unissent chaque quartier au reste de la ville, et de mettre en exergue certaines discontinuités qui participent, ou pas, à la mise à l'écart des quartiers nord de Chennai.

    2-2-1 Déroulement de l'exercice

    Par rapport à une cartographie participative classique, oü la réalisation de l'exercice implique plusieurs individus, nous nous concentrerons sur une perception personnelle et intime de l'espace. Il sera même important de veiller à ce que le participant ne bénéficie d'aucune aide extérieure au cours de l'élaboration de la carte mentale. Il ne s'agira donc pas d'une cartographie communautaire, mais d'une succession d'exercices individuels qui une fois mis bouts à bouts pourront être le reflet d'un ressenti global pour les habitants du quartier concerné.

    Par ailleurs, là oü la cartographie participative, en règle générale, oriente l'exercice de la cartographie mentale en précisant les éléments qui doivent appara»tre sur le papier, nous choisirons de ne donner aucune indication au participant, puisque l'on recherchera avant tout la spontanéité. Le participant, ainsi, ne fera mention que des éléments spatiaux qui lui semblent significatifs dans sa vie courante, des lieux qu'il a l'habitude de fréquenter et qu'il conna»t bien.

    Des indications, pourtant, il est indispensable d'en donner, notamment lorsqu'il est question d'expliquer les raisons et les finalités de l'enquête. Aussi, au début de chaque interview, après les présentations, on explique l'utilité de notre enquête et de l'intervention des locaux, le temps nécessaire à l'exercice ainsi que ses modalités, mais on a évite de développer sur les résultats attendus, de facon à ne pas orienter les réponses. En tous les cas, il est intéressant de valoriser le participant, en insistant sur le fait que la qualité de la réalisation cartographique importe peu, et que chaque participation nous sera utile. En effet, il est très difficile, lors des premiers contacts, de convaincre les locaux de prendre un crayon, et de dévoiler ainsi leurs faiblesses, d'autant qu'une large partie d'entre eux ma»trise mal l'écriture ou le dessin. Il est clair que la confrontation au crayon et à la feuille blanche est un élément de stress à prendre en compte. Il est aussi parfois compliqué de convaincre le participant de réaliser un travail sans compensation salariale! Enfin, une autre

    difficulté provient du fait que la carte, ses usages, ses regles, appartiennent pour une partie du public au domaine de l'inconnu. Pour toutes ces raisons, les capacités de persuasion sont soumises à rude épreuve. A partir de ces constats, une stratégie se doit d'être élaborée.

    De maniere à faciliter l'exercice, on proposera un éventail de solutions visant à mettre à l'aise le participant. Pour commencer, celui-ci aura la possibilité de visualiser, tres brievement, des exemples multiples de cartes réalisées par d'autres, sans qu'il nÕait le temps de les parcourir en detail, ce qui pourrait influencer ses representations. Il pourra egalement utiliser indifféremment le tamoul de l'anglais (beaucoup des interviewés n'osent pas dire qu'ils ne connaissent pas l'anglais et se renferment à cause de cela, c'est pour cette raison qu'il est important de les rassurer en leur expliquant que ce n'est pas un probleme). Ceux qui ma»trisent mal l'écriture, quant à eux, pourront se contenter de dessiner et d'indiquer les marqueurs spatiaux qui seront énoncés à l'oral puis reportés sur papier par l'interprete, au fur et à mesure de l'elaboration de la carte. La convivialité et le cTMte amical de l'approche importent énormément, et viennent compenser l'aspect scolaire qu'elle semble revetir de prime abord. L'énonce de l'exercice, par ailleurs, se veut clair et objectif : Ç Dessinez, sous forme de carte, la ville de Chennai dans son ensemble, d'apres ce que vous en connaissez È. Pour terminer, et c'est certainement là le point le plus important, la carte mentale n'est évoquée qu'à la fin de l'interview, apres une longue introduction par un questionnaire, qui en plus de jouer le rTMle de facilitateur de l'exercice, viendra surtout le completer et surtout combler ses imperfections.

    2-2-2 Un complément nécessaire

    Le fait, donc, de commencer l'entretien par un questionnaire, plus classique, permet d'ouvrir le dialogue et de plonger la personne sondée dans le vif du sujet, ce qui facilitera, le moment venu, la justification de l'utilisation de la cartographie mentale. Le questionnaire fixe la thématique, en posant les questions, qui, intuitivement, doivent refléter les elements devant logiquement transpara»tre sur la carte. Je vous propose de visualiser ce questionnaire disponible en annexe à la fin du mémoire. Il s'agit d'un questionnaire plutTMt court, de façon à laisser le temps nécessaire à la realisation de la carte. Le tout est concu pour durer une vingtaine de minutes.

    La grille de questions se decompose en 3 parties :

    La première partie, classique, nous renseigne sur les informations personnelles du

    participant, mais plus important, sur son occupation, son lieu de travail, et son ancienneté dans la région, ce qui devrait avoir un impact sur ses perceptions et ses pratiques.

    La deuxième partie se concentre sur l'accessibilité et la mobilité. Toutes ces données, ainsi que celles de la partie suivante, nous fournissent des renseignements à même d'être comparés à ceux d'autres localités, et qui mêlent le spatial au temporel. Le but de cette deuxième partie vise tout d'abord à nous éclaircir sur l'intensité des liens qui unissent la personne avec son environnement extérieur, par des données de récurrence sur des parcours habituels. Ces données nous renseignent aussi sur la qualité de ces liens en abordant la question des facilités offertes en terme de loisirs, de commerces, de culture, ou de services pratiques (santé, éducation, transport s...). Elles mêlent donc le quantitatif et le qualitatif. Par ailleurs, on aborde en parallèle la question des moyens disponibles, en transports privés et publics, pour que des liens puissent se mettre en place.

    Enfin, la troisième partie demande plus de réflexion de la part du participant, en l'invitant à s'exprimer sur ses manques, ses besoins, mais aussi sur ses envies, son affectif. La dernière question, quant à elle, nous servira à faire le lien entre questionnaire et cartographie. Simple, elle demande cependant beaucoup de rigueur de la part du participant, et vient compléter, et en même temps vérifier la carte mentale.

    2-2-3 Qui interroger? Cadre de l'exercice.

    Pour chaque localité, au nombre de 7, on devra choisir un échantillon de dix intervenants. Comme l'on cherche à comparer ensuite les résultats liés à chacune de ces localités, il est important que nos échantillons disposent d'une même base qualitative.

    En premier lieu, étant donné que notre enquête se concentre essentiellement sur la mesure de la mobilité, il est nécessaire d'avoir affaire à des individus possédant le même potentiel technique pour se déplacer, et d'une certaine facon, à des individus possédant des moyens financiers équivalents. Dans le même temps, la répartition des moyens de transports privés propres à nos intervenants doit refléter la proportion de ces moyens de transports à l'échelle régionale. Tout cela par souci d'égalisation et d'adaptabilité des résultats. Pour chaque localité, donc, on interrogera 1 individu possédant une automobile, 5 possédant un deux-roues motorisé, et 4 ne possédant qu'un vélo, ou rien du tout. Ensuite, la question de l'%oge est elle aussi primordiale, partant du principe que l'%oge influe sur la volonté, la capacité et la nécessité de se déplacer. Par conséquent, on préfèrera faire intervenir des actifs et des jeunes en %oge de se déplacer librement, ce qui devra nous donner une

    moyenne d'%oge par échantillon comprise entre 30 et 40 ans (entre 32 et 39 ans en réalité une fois l'enquête achevée).

    La question de l'équilibre dans le genre des intervenants, que j'avais envisagé au départ, n'est pas sans soulever quelques problèmes. En effet, au commencement de l'enquête j'avais fait le choix d'interroger équitablement (50%) hommes et femmes. Puis très vite est apparue une évidence: les femmes se déplaçaient peu, ou en tout cas beaucoup moins que les hommes, ce qui rendait nul, dans près d'un cas sur deux, les résultats de l'enquête. Sur un échantillon plus large, cela n'aurait pas posé de problème, et l'on aurait même pu comparer les différentes tendances entre hommes et femmes, mais sur un échantillon de 10 personnes seulement, l'efficacité de la démarche de notre enquête s'est trouvée fortement compromise. Ce constat reste cependant à nuancer, ca r le véritable problème, en réalité, repose plus sur le fait de l'exclusion de ces femmes de la sphère professionnelle, que sur le fait du genre, et particulièrement dans les quartiers nord, plus pauvres, par lesquels mon enquête a commencé. Il est probable que la situation diffère significativement en fonction de la zone étudiée. Toujours est-il qu'après avoir réalisé les 20 premières interviews, nous avons donc décidé avec mon interprète, non sans regret, de nous concentrer uniquement sur les hommes, ce qui nous a du même coup contraint à nous rendre de nouveau dans les premières localités sondées.

    2-2-4 Quelles localités pour une lisibilité optimale?

    Carte n°4 : Répartition des localités de l'étude

    Comme on peut le voir sur la carte ci-dessus, on a donné la priorité au nord Chennai, puisque notre but, je le rappelle, sera de mettre en avant les spécificités de cet espace singulier par rapport au reste de la ville. Dans le même temps, si l'on choisit 3 localités au sein de cet espace, c'est pour pouvoir en tirer des régularités, des points communs qui nous permettent de l'identifier potentiellement comme un espace homogène. Avant de me lancer dans l'enquête de terrain, j'avais déjà parcouru la zone à plusieurs reprises, ce qui m'avait permis d'identifier lieux. Toutes les trois ont attiré mon attention car elles m'ont paru, chacune à leur facon, représentatives du Ç north chennai È.

    Athipattu Pudu Nagar, la localité la plus septentrionale, est aussi la plus proche de la zone d'activités émergente, autour des ports d'Ennore et de Kattupali. Il s'agit d'une ville nouvelle établie dans les années 70 autour d'une nouvelle gare construite sur la voie ferrée reliant Chennai à Kolkata. Cernée de toutes part par les chantiers, elle se trouve au cÏur d'un espace en mutation rapide, il sera donc intéressant de nous pencher sur la situation de ses habitants à la veille de grands bouleversements.

    Manali New Town, elle aussi, semble être au cÏur des enjeux liés au redéploiement industrialo- portuaire qui se prépare, puisqu'elle est traversée par la TTK road, qui constitue la voie d'accès privilégiée aux nouveaux terminaux portuaires, mais aussi au port historique de Chennai en journée, lorsque la circulation des containers est prohibée partout ailleurs. Congestionnée en permanence depuis des années, on peut supposer que la situation de cette route, la seule permettant d'irriguer Manali New Town, compromet fortement l'accessibilité au lieu.

    A Sekkadu, la situation est quelque peu différente. Adossée à l'énorme complexe pétro-chimique de Manali, cette localité para»t tout à fait représentative des espaces anciennement industrialisés. Les accès y sont particulièrement limités et en très mauvais état, l'empreinte agricole y est encore très présente, et malgré une situation géographique qui la rapproche du cÏur de Chennai, on a du mal à y ressentir l' Ç urbain È.

    Les localités suivantes ont été sélectionnées de facon à être représentatives de réalités communes au tout Chennai, plus proches d'une certaine Çnormalité È, si l'on peut dire. Les trois premières appartiennent à la couronne péri-urbaine, comme nos trois localités au nord, ce qui est indispensable pour une comparaison équilibrée. La dernière, à contrario, se situe en plein cÏur du triangle qui constitue le centre économique de Chennai, à proximité des zones les plus dynamiques et les mieux

    dotées en infrastructures et facilités. Ce choix para»t nécessaire si l'on souhaite faire ressortir des tendances propres au péri-urbain.

    Mogappair West, pourtant très à l'ouest comme son nom l'indique, n'en appartient pas moins à la moitié nord de la ville si l'on s'en tient à une division par la Poonamalle High Road et l'autoroute NH4. C'est cette situation sur un espace potentiellement de transition qui nous intéresse.

    Tambaram est une ville satellite en pleine expansion (mais son cas ne fait que refléter une situation plus générale pour les localités situées au sud-est, le long de la NH45), et para»t particulièrement bien connectée au centre-ville et aux espaces périphériques, par le rail comme par la route.

    Sholinganallur ou Shozinganallur, située entre l'ECR et l'OMR ou IT Expressway, est quant à elle la localité la plus ÇneuveÈ de notre sélection, puisque son développement très récent est entièrement lié à l'émergence du corridor technologique ou IT Corridor.

    Teynampet, enfin, comme on l'a expliqué, fait partie des quartiers les plus centraux, et constitue notre point de comparaison entre centre et périphérie.

    3ème Partie Ð North Chennai de l'intérieur

    3-1 Du spatial au mental

    Pour chaque localité, il s'agira principalement de dégager des grandes tendances, qui donneront du sens aux cartes mentales que nous avons récolté sur le terrain. Pour cela, on tentera de lire le subjectif, reflété par l'utilisation de figurés particuliers, la mention récurrente de certains lieux, la forme générale de ces cartes, la richesse de celles-ci, ainsi que les limites et les discontinuités qui pourront éventuellement en ressortir. Il s'agit véritablement d'un travail d'interprétation, plus lié à la psychologie qu'à des critères de mesures cartésiens et établis scientifiquement. Hors, comme je ne peux prétendre à la ma»trise de la psychologie, l'analyse de ces résultats n'engage donc que mon propre jugement.

    A partir de ces observations et de ces interprétations, on tentera de mettre en avant, pour chaque

    localité, une typologie qui lui sera propre, et qui nous permettra de synthétiser nos observations pour faciliter, ensuite, leur comparaison.

    Athipattu Pudu Nagar

    Ici, les figurés de type linéaire dominent largement, et représentent les liens entre des localités, des pTMles d'attractivité comme les établissements industriels ou les écoles, sans qu'on puisse en déterminer la nature (rail ou route) directement sur la carte. Dans 90% des cas, c'est donc en recoupant les données obtenues avec google map qu'on parvient par déduction à en déterminer la nature, ou à partir des récits explicatifs des participants au moment de la réalisation, notés sur un carnet séparé. Mais ces linéaires ne correspondent pas forcément à des voies précises de communication, mais parfois plus simplement à des directions empruntées, comme des couloirs de mobilité. Ces constats seront récurrents pour toutes nos localités.

    Pour Athipattu , donc, le lien qui ressort de façon la plus récurrente est celui reliant notre localité à la gare centrale de Chennai, la voie ferrée. Elle appara»t souvent comme une « colonne vertébrale » sur nos cartes, et exprime donc un lien trts fort avec le centre (historique) de la ville. Par ailleurs, on remarque dans 40% des cas une bipolarité tres nette entre d'une part, les localités au contact direct d'Athipattu (Minjur, Pooneri, Ennore, Manali New Town), et celles qui représentent les pTMles d'attractivité en centre-ville (avec, en tête, Central Station, George Town, Egmore Station, Anna Salai, T-Nagar ou Koyambedu Market). Entre les deux, souvent, rien. On peut donc dire que la voie ferrée provoque tres clairement un « effet tunnel » entre les deux pTMles principaux. En réalité, cette voie ferrée appara»t comme un véritable cordon ombilical, reliant Athipattu aux zones d'approvisionnement.

    En dehors de ce type de cartes, on note une assez grande confusion, un aspect particuliérement désorganisé dans la représentation. Parfois même, les liens manquent et donnent une impression de morcellement de l'espace, et mettent en avant des zones plus inaccessibles. Cette remarque concerne surtout les espaces situés au nord, entre Athipattu et le centre-ville.

    Si l'on devait marquer les limites pour cette série de cartes mentales, on pourrait les fixer, pour le nord à Pooneri (au delà des limites de la CMA mais proche d'Athipattu), pour le sud à Anna Salai et T-Nagar (donc le cÏur économique de Chennai). A l'ouest, la limite atteint le réservoir de RedHills. Par ailleurs, à l'inverse de ce qu'on remarquera pour les localités du sud, le lieu de vie est placé au

    en périphérie de la carte, et le place en situation de « cul de sac ».

    Enfin, ce qui doit nous frapper dans cette première série de cartes mentales, c'est surtout l'aspect ramassé et minimaliste de la majorité de nos représentations, les lieux mentionnés et les connexions étant souvent peu nombreux. C'est d'ailleurs Athipattu qui posséde le plus faible score en terme d'éléments mentionnés (on comparera les données quantitatives dans la partie suivante).

    On obtient au final une typologie à deux formes dominantes :

    En étoile double Minimaliste

    Ce que l'on doit retenir pour cette première localité :

    Une predominance de la voie ferrée Ð Une forte polarisation vers le centre-ville Ð Un aspect souvent ramassé qui peut traduire l'enfermement Ð Une absence des espaces Ç nord È en dehors des localités adjacentes.

    Manali New Town

    Les cartes mentales issues de cette localité se caractérisent en premier lieu par une trés grande variété des représentations et des lieux mentionnés, au contraire d'Athipattu ou de grandes tendances pouvaient etre dégagées. Ici, c'est particuliérement délicat.

    Les liens et connexions se révélent souvent tortueux et confus, et l'orientation est souvent inexacte. Le trait manque de franchise. On perçoit une plus grande difficulté à rallier les points extérieurs, et on est frappé par les détours qui apparaissent pour relier des localités pourtant proches les unes des autres. On a ici le seul exemple d'une représentation oil la localité étudiée, donc le lieu de vie, n'appara»t pas du tout, comme si elle n'appartenait pas à Chennai. Une autre représente Manali New Town dans un rectangle, sans liens avec les points extérieurs.

    Par ailleurs, on remarque que les localités reliées par le nord à Manali N.T se retrouvent de maniere récurrente, alors qu'au sud, elles sont presque toujours différentes. La localisation de notre localité sur la carte, enfin, est très aléatoire, au contraire d'Athipattu qu'on retrouvait souvent en position de cul de sac, à l'extrémité nord.

    Ces observations nous donnent une forte impression d'isolement, et de mauvaise connaissance de l'espace de l'agglomération. Etant donnée la variété des représentations, il est impossible de faire ressortir une typologie.

    Ce que l'on doit retenir :

    Une forte confusion qui révèle une pratique limitée de l'espace métropolitain - Des choix représentatifs qui suggèrent l'enfermement - Des tracés tortueux et des détours qui semblent signifier une mauvaise connectivité.

    Sekkadu

    C'est pour cette localité que l'on retrouve les exemples des plus pauvres et les moins aboutis de toute nos séries. L'exercice de cartographie s'est révélé particulierement difficile. On retrouve ici beaucoup d'exemples de cartes en « points solitaires », c'est à dire sans aucuns liens entre eux, et en étoile simple, pourvue seulement de directions, sans bifurcations ni embranchements, ce qui laisse supposer une faible connaissance du réseau, ou peut être la prédominance de l'utilisation de transports collectifs donc passifs pour se rendre à l'extérieur.

    Là encore, aucune voie n'est nommée, comme c'était le cas pour nos localités précédentes (ce que j'avais omis de préciser), ce qui exprime sans doute un acces difficile et chaotique aux axes principaux de la ville. La désorganisation est encore une fois tres marquée.

    Peu d'éléments « centraux » sont mentionnés, ou lorsqu'ils le sont, les liens de Sekkadu vers le centre de Chennai impliquent des contournements, généralement par le Nord, l'Ouest, ou bien par le Nord-Est, comme si un obstacle majeur compromettait les liens directs. En vérité, c'est l'inexistence pure et simple de voies d'acces par le Sud qui explique ces représentations. L'écart entre les distances géographiques et les distances effectives para»t considérable et transpara»t dans les représentations.

    On observe par ailleurs la forte récurrence des éléments spatiaux industriels dans les cartes

    obtenues, qui paraissent même barrer l'espace

    à l'Est, puisque derrière eux, plus rien.

    Enfin, on retrouve

    des representations en Ç étoiles doubles È, Sekkadu se trouvant au cÏur d'une des deux. Mais là oil le centre de Chennai apparaissait au cÏur de la seconde pour Athipattu, ici, on retrouve des localités situées plus au nord, et qui font office de hub pour rejoindre d'autres parties de la ville.

    Ci-dessous, les formes dominantes que l'on retrouve de façon récurrente pour notre localité :

    Minimaliste

    Points solitaires

    Etoile simple Etoile double

    Ce que l'on doit retenir :

    Une impression d'enfermement largement dominante, surtout par rapport aux espaces centraux et au Sud.

    Mogappair West

    Une polarisation trés nette appara»t ici vers le centre-ville par Poonamale High Road via le quartier
    d'Anna Nagar, ainsi qu'une polarisation plus diffuse de part et d'autre de l'Inner Ring Road jusqu'à
    Guindy et Tambaram. La gare routiére de Koyambedu appara»t de façon systématique sur la

    majorité des cartes mentales, et semble faire partie des éléments structuraux puissants, à tel point qu'il est même parfois placé au centre de la carte tant les déplacements semblent conditionnés par ce nÏud. Mogappair, en contrepartie, est souvent représentée sur les marges extérieures de la carte.

    On observe ici les premiers exemples de hiérarchisation dans les voies de communication (elles sont représentées de facon plus ou moins large), avec des figurés ponctuels, des dessins, qui amènent plus de précision.

    Le tout se révèle plus facile à comprendre et à interpréter, d'autant que l'orientation est souvent correcte. En recoupant toutes les informations, on obtient une vision relativement large de l'agglomération, mais on observe dans le méme temps une disparition totale du Nord. Les intersections, les ramifications sont plus présentes, et révèlent une meilleure connaissance du réseau.

    Formes dominantes:

    Axe central

    Plan schématique, avec
    hiérarchisation

    Ce que l'on doit retenir:

    Le Nord de l'agglomération dispara»t totalement des cartes - Le style se veut plus précis et permet l'émergence de grands axes de communication - On percoit une plus grande facilité dans les déplacements.

    Tambaram

    Très nettement, on voit ici la richesse des transports disponibles, et des voies d'accès qui confèrent à Tambaram une qualité de hub. Les cartes sont riches et complexes, les routes sont nommées, les

    figurés variés.

    La voie ferrée et l'autoroute NH 45 apparaissent de façon claire sur la majorité des cartes, et font office de colonne vertébrale. Les autres grands axes sont aussi présents, mais de façon moins récurrente. Il est très difficile de faire ressortir des Çpoints chaudsÈ tant la variété des lieux est importante. Ce que l'on observe malgré tout, c'est la prédominance de la périphérie, les franges Ouest, Sud-Ouest et Sud dominant largement l'ensemble, ainsi qu'une percée vers le centre-ville par Anna Salai, voie d'accès privilégiée. Là encore, les localités du Nord sont inexistantes.

    Les déplacements semblent conditionnés en grande partie par la voie ferrée, qui relie Tambaram à la gare d'Egmore, tant les localités traversées par celle-ci transparaissent très clairement sur la majorité des cartes.

    A trop vouloir en mettre, cependant, les participants ont tendance à négliger l'orientation, ce qui donne souvent une impression assez confuse.

    Enfin, on retrouve deux cartes (sur un total de 10, je le rappelle) à très grande échelle, oü Chennai se résume pratiquement à la seule localité de Tambaram. On retrouvera de nouveau ce phénomène plus tard, à Teynampet . Cela peut para»tre étonnant, mais c'est vraisemblablement la profusion et la variété de l'offre présente sur place qui semble expliquer un certain enfermement, mais conséquence de l'absence de nécessité de se déplacer loin pour satisfaire à ses besoins (c'est du moins ce que j'ai conclu d'après le discours explicatifs des participants concernés).

    Formes dominantes:

    Complexe En réseau de linéaires En stations

    Ce que l'on doit retenir:

    Les styles deviennent plus complexes, et on gagne encore en précision - L'espace pratiqué s'élargit et s'enrichit, même si ponctuellement, on note un resserrement, reflet d'une autosuffisance -

    Sholinganallur

    Tout logiquement, l'ECR et l'OMR dominent les représentations et font office de colonne vertébrales. Les limites Nord s'arrêtent souvent au sud du triangle qui constitue le centre-ville, autour d'Adyar et de Thiruvanmiyur, et le cÏur de Chennai est peu représenté.

    Les lieux mentionnés apparaissent de facon très récurrente, surtout de part et d'autre des grandes pénétrantes (ECR/OMR).

    On a la sensation, comme pour Tambaram, d'une périphérie qui se suffit à elle-méme, à l'inverse d'Athipattu, par exemple, qui semble dépendre totalement du centre.

    Ce qui frappe, par ailleurs, c'est la qualité des cartes, dans leur orientation comme dans leur exactitude. Elles se ressemblent énormément. Les linéaires se coupent souvent à angle droit, et le tout forme un ensemble très géométrique, et facilement compréhensible. Les cartes en ÇH È et en plan schématique dominent largement.

    Formes dominantes :

     
     
     

    En croix ramifiée

    En "H"

    Plan en "H"

    Ce que l'on doit retenir:

    Un aspect particulièrement schématique reflet d'une perception clarifiée de l'espace - Une auto-suffisance par rapport au centre-vile -

    Teynampet

    On retrouve ici les cartes les moins étendues dans l'espace métropolitain, très resserrées sur le
    centre. Les voies de circulation sont larges, nommées, et les choix représentatifs privilégient le plan.
    Elles recouvrent d'avantage l'idée de couloirs que de liens les indications se trouvant

    majoritairement sur la voie elle-même.

    Anna Salai, ainsi que la plage de Marina Beach , font office de colonnes vertébrales de façon réguliére. Le long de celles -ci, on observe une grande precision dans les intersections. Les liens vers la périphérie sont simplement suggérés, par des directions à l'extrémité des axes mentionnés.

    De ces cartes ressortent surtout les points chauds compris à l'intérieur du triangle du centre-ville. Une faible mobilité vers les franges périphériques transpara»t donc trts clairement. Le Nord est ignore, et là oil des directions sont mentionnées à l'issue des voies en direction du Sud ou de l'Ouest, les voies buttent souvent sur George Town et forment un cul de sac pour le Nord.

    Les cartes issues de cette série se ressemblent particuliérement, dans le style comme dans l'échelle et les lieux représentés. Peut-être qu'une meilleure connaissance de la cartographie et un meilleur niveau d'éducation influent sur ces similitudes, et n'ont pas nécessairement un rapport direct avec la perception de l'espace.

    Formes dominantes :

     
     

    En plan schematique, avec hierarchisation

    Complexe

    Ce que l'on doit retenir :

    Une disparition presque totale des espaces périphériques, donc une étroitesse de l'espace pratiqué - Une précision inégalée et un aspect global particulièrement ressemblant -

    Conclusions - Observations générales

    Il appara»t difficile, j'en suis conscient, de se faire une idée des cartes récoltées sur le terrain à partir de toutes ces observations. Aussi, j'espére avoir ete suffisamment clair dans mes explications pour que vous puissiez vous rendre compte de certaines réalités evidentes qui peuvent transpara»tre par le biais de ces cartes mentales. A l'issue de ces premières observations, faisons un point rapide sur les

    grandes idées utiles pour la suite de notre exposé.

    Pour commencer, on remarque que malgré la variété des représentations, il est possible d'observer des similitudes profondes au sein de chaque localité. C'est bien là le signe d'un lien très fort entre lieu de vie et représentation mentale de l'espace. Ainsi, pour nos trois localités du Nord, Athipattu Pudu Nagar, Manali New Town et Sekkadu, on ne peut que constater un manque de précision, qui transpara»t majoritairement à travers l'utilisation privilégiée de représentations en Çétoile È. On a une idée de ce qui nous entoure et des directions, sans avoir la capacité de le situer précisément dans l'espace, dans un ordre précis, et le long de voies de communications que l'on peut nommer. Cela vient s'ajouter au nombre relativement faible d'éléments mentionnés et à un aspect mettant en avant des discontinuités majeures, lisibles à travers les coupures, les culs de sacs, les zones blanches et les contournements nombreux. On percoit un enclavement relatif, surtout pour Manali New Town et Sekkadu, qui souffrent d'un accès difficile aux autres parties de la ville du fait de l'encombrement, de l'absence ou de la mauvaise qualité du réseau disponible. Athipattu, par un accès privilégié à la voie ferrée, para»t moins isolée, mais entièrement dépendante de ce moyen de transport, pas toujours efficace (la fréquence des trains y est très critique, du fait du manque de voies et de l'augmentation du trafic de frêt). En tous les cas, si l'on compare les résultats de ces trois premières localités aux suivantes, donc au Grand Chennai, le constat ne fait qu'être renforcé, et le Nord fait véritablement figure d'espace marginalisé, puisqu'il dispara»t de facon radicale de l'espace métropolitain. L'absence d'axes pénétrants ou contournants, clairement, participent à son enclavement et à son enfermement.

    Les apports du questionnaire, que nous allons développer dans le paragraphe suivant, doivent nous permettre de compléter et confirmer nos observations.

    3-2 De la donnée au spatial

    Avant de nous pencher sur ces résultats, il est important de rappeler l'étroitesse de nos échantillons, qui nous amène à relativiser nos résultats. En effet, avec seulement dix individus pour chacune de nos localités, il serait maladroit de penser que les données récoltées sont le reflet exact de la réalité. Une étude plus large et plus approfondie nous aurait permis de gagner en légitimité, mais néanmoins, comme nous allons le voir, les résultats issus des questionnaires se révèlent être un complément efficace à même de préciser notre perception du Nord de Chennai.

    3-2-1 Nébuleuses de fréquentation

    Pour faire un lien direct avec la cartographie mentale, nous commencerons par analyser les résultats issus de la toute dernière catégorie de notre questionnaire. On a compilé pour chaque localité la totalité des lieux fréquentés par nos participants au cours du mois précédent notre enquête, qu'on a pu ensuite transférer sur une carte gr%oce à logiciel de cartomatique. Le rendu de cette expérience prend la forme de Ç nébuleuses È, plus ou moins étirées, plus ou moins denses, et nous renseigne sur les points d'attraction propres à chacune de nos 7 entités spatiales, et dans le même temps sur l'intensité des échanges avec l'extérieur. (voir page suivante)

    Carte n°5 - Nébuleuses de fréquentation

    41

    Sur la page de gauche, on reconna»t nos localités représentatives du ÇSud È et du grand Chennai, confrontées à nos localités Nord sur la page de droite. La vue de ce document ne nécessite que peu de commentaires, tant les constats paraissent évidents. Il est clair que les nébuleuses Nord comportent tout d'abord un nombre

    de points beaucoup moins important que celles du Sud et du grand Chennai. On obtient une moyenne de 19 points au Nord, contre 32 au Sud. Il est intéressant par ailleurs de remarquer que les observations issues de nos cartes mentales ressortent de facon évidente sur les cartes dont on dispose ici. Pour Athippatu, par exemple, on repère l'impact de la voie ferrée (le long de la côte et vers le Nord-Ouest), pour Teynampet un resserrement sur le centre uniquement, pour Mogappair une percée vers le centre de part et d'autre de la Poonamalle High Road, ou encore une importance marquée de la zone périphérique pour Tambaram et Sholinganallur. La fréquentation de l'espace Nord, compris entre l'autoroute NH 5 et la mer, se révèle pratiquement nul pour toutes nos localités.

    On remarque l'émergence de points qui ressortent de facon systématique pour toutes nos localités, et qu'on peut considérer comme les points de passage obligés, à savoir Parrys Corner (le quartier des grossistes), la gare routière de Koyambedu, la plage de Marina Beach et enfin le centre-commercial Spencer Plaza.

    Néanmoins, ce qui doit surtout nous intéresser dans ces représentations, c'est le retrait très marqué du Nord en terme de mobilité effective, et sa dépendance très forte au centre-ville. Avec nos cartes mentales, ces représentations en nébuleuses viennent confirmer les spécificités supposées de notre zone d'étude.

    3-2-2 Des données quantitatives précieuses

    On a ici compilé toutes les données liées à la mobilité au sens large. A partir de celles-ci (hors
    distance Domicile/Travail), on propose un Ç coefficient de mobilité È, qui repose simplement sur le

    calcul de la moyenne de ces résultats. Attention cependant, la valeur affichée pour Teynampet doit être manipulée avec précaution, en raison des résultats nuls obtenus dans deux catégories, du fait de sa situation géographique en centre-ville. En réalité Teynampet devrait obtenir le coefficient de mobilité le plus fort si l'on ne tenait pas compte de ces deux colonnes.

    Point par point, on note d'abord que la distance entre le domicile et le lieu de travail (il s'agit, comme pour le reste de la moyenne sur chaque localité) ne semble en rien représentative de tendances spécifiques. La fréquence de la mobilité vers le centre-ville non plus. Il aurait fallu interroger un échantillon plus large pour pouvoir tirer des conclusions.

    La fréquence des déplacements intra-agglomération du Nord vers le Sud, et inversement du Sud vers le Nord révèlent une très faible intensité des rapports, si on les compare aux déplacements en direction du centre-ville. On note cependant un attrait plus important du Sud (pour le Nord), que du Nord (pour le Sud), ce qui reflète tout à fait nos observations liées aux cartes mentales.

    Les tendances à l'observation des fréquences des déplacements hors de l'agglomération et hors du Tamil Nadu, quant à eux, se révèlent particulièrement similaires. Le Nord accuse des scores en retrait par rapport, notamment, à Teynampet et à Tambaram , oü ce type de mobilité appara»t comme particulièrement intense. Sekkadu, qui paraissait pourtant fortement enclavée par le biais des cartes mentales, obtient des scores tout à fait étonnants dans ces deux séries, équivalents à Mogappair ou Sholinganallur. Ce qui nous conforte dans l'idée que les résultats liés à la cartographie mentale restent à nuancer. Par ailleurs, la mobilité hors agglomération et hors Tamil Nadu n'est pas seulement liée à la qualité du réseau de tran sports, mais aussi et surtout à une question de moyens. Hors, comme on a pris soin d'équilibrer nos échantillons sur ce plan, il n'est pas étonnant de se retrouver face à une telle situation.

    Plus surprenant, dans la série suivante qui concerne le nombre d'entrées (oü d'éléments figurant) sur nos cartes mentales, les habitants de Manali New Town paraissent aussi prolifiques que ceux des localités du Sud. Cependant, si l'on se remémore les caractéristiques des cartes obtenues pour cette localité, on avait noté une très grande confusion, beaucoup de détours et de discontinuités. Plus que le nombre d'entrées sur une carte mentale, ce sont d'avantage les éléments qualitatifs qui restent significatifs. Malgré tout, les localités du Nord restent en retrait, de manière plus générale, par rapport à celles du Sud, notamment Teynampet et Tambaram, qui dominent encore largement.

    Pour notre dernière série, la tendance para»t plus nette, et les déplacements des Çgens du NordÈ se caractérisent par une plus faible variété des lieux visités.

    Enfin, la création de notre coefficient de mobilité vient gommer les inégalités et exceptions que l'on a pu noter, et vient confirmer la tendance classique d'un Nord en retrait sur le plan de la mobilité. Le cas de Moggappair, pourtant, révèle une tendance semblable à celle du Nord. Finalement, on peut dire que la mesure quantitative de la mobilité s'avère très problématique, et imparfaite. Heureusement, les données suivantes vont nous permettre d'affiner nos observations.

    On insiste ici d'avantage sur la qualité de vie que sur la mobilité. Il s'agit de mettre en avant l'intégration plus ou moins marquée dans un système urbain moderne, à travers la fréquentation de lieux représentatifs, et la perception qualitative de l'offre dans les domaines de la santé et de l'éducation. Le mixage de ces données nous permet de créer un Çcoefficient d'urbanité È, représentatif de l'intensité de cette immersion.

    Le cinéma, très populaire à Chennai, n'est visiblement pas accessible à tous. Partant toujours du principe que les personnes issues de nos échantillons disposent de moyens financiers identiques, on peut clairement énoncer que les habitants du Nord de la ville fréquentent beaucoup moins ce type de lieux. Si l'on considère que l'attrait pour le cinéma est comparable en tous points de la ville, ce faible niveau de fréquentation ne peut s'expliquer que par une accessibilité difficile.

    Le constat est sensiblement identique pour la fréquentation des restaurants, des centrecommerciaux, et des lieux dédiés aux loisirs et à la culture (musées, concerts, expositions, parcs d'attraction...etc), même si l'on note, comme pour les séries précédentes, quelques irrégularités de facon très ponctuelle. L'intensité de la fréquentation des supermarchés, qu'on doit d'avantage relier à une question pratique qu'au domaine du plaisir, reflète une même réalité: le Nord reste très en retrait, et on doute fortement de son intégration dans un mode de vie moderne, qui semble être acquis, en partie tout du moins, pour le reste de Chennai.

    Par ailleurs, lorsque les participants sont amenés à se prononcer sur la qualité des infrastructures accessibles dans les domaines de la Santé et de l'Education, l'écart se creuse de nouveau entre le Nord et le reste de la ville. Ces constats, j'ai pu y etre confronts par moi -même lors des déplacements sur le terrain, et je ne peux que les confirmer. Les écoles, hormis les écoles primaires, sont quasi-absentes du paysage du Nord de la ville. L'acces à des niveaux College et Lycée implique des déplacements sur de longues distances, comme ce pourrait etre le cas dans un cadre rural. Parfois, d'après les témoignages recueillis, plusieurs heures sont nécessaires aux étudiants pour rallier leur établissement, le matin, puis le soir. Il existe bien quelques établissements privés, mais de par leur nature, il ne sont accessibles évidemment qu'à une partie de la population. La situation est comparable sur le plan de la Santé, oil seuls de petits dispensaires publics et quelques cliniques privées existent.

    Les chiffres révélés par notre coefficient d'urbanité, finalement, apparaissent comme la consequence directe et attendue de l'enclavement mis en evidence jusque-là. Les spécificités de ce Ç Nord È de la ville se précisent. Le document suivant nous renseigne quant à lui sur les besoins exprimés par les habitants, et se propose de faire ressortir quelques priorités, telles qu'elles devraient etre prises en compte par les politiques et les aménageurs. Il a été realise à partir des réponses obtenues à la question n du questionnaire (Si vous aviez le pouvoir d'améliorer votre quartier, dans quels domaines agiriez-vous?).

    3-2-3 Des données qualitatives qui laissent la parole aux participants

    Encore une fois, Athipattu Pudu Nagar, Manali New Town et Sekkadu se distinguent des autres localités. Le nombre de requêtes y est nettement plus important, et les priorités y sont particulières. De facon logique, c'est le domaine des transports et de l'accessibilité qui domine, puisqu'il concerne environ la moitié des requêtes propres à ces trois localités. Viennent ensuite l'accès à l'eau et à l'électricité, suivi de l'accès aux soins et de la question du drainage et de l'assainissement, qui appara»t de facon moins significative. Par ailleurs, l'accès à l'éducation, même s'il n'est pas percu comme une priorité, n'appara»t que dans le cas de nos trois premières localités, ce qui concorde tout à fait avec nos observations précédentes.

    Le profil de Mogappair, de nouveau, fait office de transition, ce qui justifie d'autant plus notre idée de séparation Nord/Sud. Ce que l'on doit remarquer par ailleurs, c'est la différenciation entre les priorités. A Teynampet et Tambaram, le nombre de catégories se trouve réduit, et la question de la qualité de l'environnement et la propreté sont clairement la préoccupation majeure, là oü cette catégorie reste très largement minoritaire pour les autres localités. Les transports et l'accessibilité persistent, mais si l'on entre dans le détail des questionnaires, les requêtes sont d'un tout autre niveau. Là oü les idées restent basiques pour le Nord (construction de nouvelles routes, meilleur entretien), on évoque ici le métro, les passerelles pour piétons, et les flyovers.

    3-2-4 Quel lieu de vie rêvé?

    Je passerai rapidement sur la question des quartiers que les participants privilégieraient pour une installation future, dans la mesure oü il est très difficile d'interpréter les résultats à l'échelle d'une localité propre. En revanche, si l'on considère l'ensemble de nos résultats, le constat est très parlant.

    Quartier

    Récurrence

    Anna Nagar

    11

    ECR

    9

    Adyar - Besant Nagar - Thiruvanmiyur

    6

    Centre-ville

    4

    Hors de la ville

    4

    Guindy

    2

    Velachery

    1

    Prefère son quartier actuel

    33

    On constate ici la prédominance des quartiers les plus au sud de Chennai (ECR, Adyar, Guindy, Velachery), disposant d'une part du plus grand nombre de facilités, et d'un environnement à la fois calme et verdoyant. Les opportunités en terme d'emploi ne sont pas étrangères à cet état de fait. Plus surprenant, Anna Nagar arrive en tête, du fait, vraisemblablement, d'un urbanisme propre et ordonné, ainsi que d'une offre commerciale parmi les plus riches de Chennai. Le centre-ville au sens large séduit, surtout les plus jeunes. Les plus âgés préfèreraient, au contraire, fuir la ville et vivre à la campagne. Mais plus nombreux sont les participants à apprécier tout simplement leur lieu de vie, et à vouloir y rester, particulièrement dans le Nord, assez curieusement. Il aurait été intéressant, en parallèle, de questionner les participants sur les points les plus répulsifs.

    4ème partie - Grands projets à venir: un rééquilibrage?

    4-1 A l'échelle de l'agglomération

    4-1-1 De la nécessité d'agir rapidement

    On estime que d'ici à 2026, la population de l'agglomération de Chennai devrait atteindre les 13 millions d'habitants. Cette croissance devrait se traduire par un doublement du flot de circulation par rapport à la situation actuelle. Longtemps réputée comme étant une ville particulièrement aérée et fluide, Chennai est actuellement victime de son succès et les axes principaux ne suffisent plus à drainer une nombre de véhicules en augmentation constante, surtout depuis les années 90. Cette nouvelle donne repose principalement sur la motorisation accélérée des particuliers, permise par un accroissement considérable du niveau de revenus d'une nouvelle classe moyenne en recherche de confort. Ainsi, en même temps que le revenu moyen par foyer a été multiplié par 8 en 20 ans, le taux d'équipement en véhicules motorisés a été multiplié par 6. Avec l'expansion de la ville, la distance moyenne des trajets journaliers a pendant la même période augmenté de 25%.

    La ville de Chennai, oü les projets démesurés n'en finissent pas de fleurir, doit prévenir l'asphyxie
    qui se profile déjà si elle tient à attirer de nouveaux investisseurs. L'agrandissement et la

    48

    modernisation des ports, l'émergence accélérée des Zones Economiques Spéciales dans le domaine des technologies de l'information, l'expansion de l'aéroport puis la creation probable d'un deuxieme site aéroportuaire à Sriperumbudur dans les décennies à venir, la creation d'un Telecom Corridor le long de la NH 4 et la densification de l'IT corridor, et enfin la mise en service du metro, vont propulser la ville au rang des grandes métropoles mondiales et nécessitent une efficience maximale en terme de déplacements et d'accessibilité. Pour toutes ces raisons, la CMDA a mis en place le Chennai Comprehensive Transportation Study (CCTS) pour 2026, qui propose de grandes mesures visant à relever le défi de la mondialisation.

    Comme on a pu le voir, le réseau routier chenna
    ·te se caractérise par la predominance de quelques grandes voies radiales qui convergent vers George Town, le cÏur historique. Ces axes, au nombre de 4 (NH5 vers Kolkata, NH4 vers Bangalore, NH45 vers Madurai et NH205 vers Thiruvallur), sont reliées par deux voies Ç orbitales È, l'Inner Ring Road et le Chennai Bypass. La première de ces voies orbitales est d'ores et déjà complete, mais déjà fortement congestionnée. Le Chennai Bypass, quant à lui, est en cours d'achèvement. Cependant, ces deux voies express ne permettent pas aux véhicules transitant par Chennai du Nord vers le Sud de contourner la ville, qui viennent grossir le flot de la circulation. Par ailleurs, elles se révelent incomplètes du fait qu'elles ne bouclent pas les cadrans Nord et Sud.

    3-1-2 Articulations d'un remodelage

    (ci dessus) Carte n°7 - Vitesse moyenne de déplacement en 20079

    Voici la condition du réseau de transports en terme de fluidité à l'heure actuelle. On remarque tres clairement l'extreme congestion du centre-ville d'une part, et celle des voies permettant un acces au Nord de la ville par l'Est d'autre part. Il est important de préciser qu'en 4 ans, la situation n'a fait que s'accentuer. Pour résoudre les problemes du centre-ville, il est difficile de créer de nouvelles voies de circulation, et la seule solution en terme routier consiste à mettre en place des intersections aériennes ou souterraines, travail déjà entamé depuis 15 ans et qui se poursuivra de façon réguliere dans l'avenir. Mais la solution la plus efficace et la seule réellement valable repose sur le développement des transports collectifs. Une première phase de construction du metro est déjà en cours, et nous verrons quelle stratégie sera adoptée pour l'avenir. L'amélioration du réseau de bus est à l'étude, et nous verrons quelles en seront les modalités. Pour le reste, nous détaillerons les efforts qui devraient etre mis en Ïuvre en terme d'infrastructures routieres au niveau de l'agglomération, puis plus particulierement dans le Nord de Chennai.

    Carte n°8 - Outer Ring Road Project (source CMDA)

    9 Source CMDA

    Afin de répondre au probléme de contournement tout d'abord, on prévoit la creation d'une Outer Ring Road (ORR), qui devrait permettre aux véhicules transitant entre le Tamil Nadu et le Nord du pays de ne pas encombrer la circulation urbaine. L'acquisition des est cours 10

    terrains en , et

    l'achévement est prévu pour 2018 au plus tard. La moitié Sud de L'ORR, de Vandalur à Nemilichery, sera achevée en 2013. C'est gr%oce à la mise en place classique d'un Partenariat Public Privé (PPP) que le projet a pu voir le jour. Les prestataires privés assurent la construction et l'entretien des installations, en contrepartie d'une redevance reversée par le gouvernement, chaque annee.

    Sur une longueur de 62 km, l'ORR permettra de relier les nouveaux pTMles d'activité (construction automobile sur le NH45, assemblage electronique sur la NH4) au marché national de façon plus efficace. Il est prévu de libérer de l'espace le long des voies, de façon a permettre la construction à plus long terme d'une voie ferrée de contournement. L'apparition de l'ORR devrait permettre le développement de nouveaux hubs commerciaux et résidentiels, au niveau des points d'intersection avec les grands axes radiaux, et d'offrir par consequent une solutio n de déconcentration à moyen terme.

    L'autre grand projet en terme routier concerne la mise en place d'une nouvelle voie d'accés en radial, l'Elevated Freight Corridor (en rose sur la carte). Cependant, et comme son nom l'indique, son accés sera reserve aux véhicules lourds transportant du fret depuis le Port de Chennai. Le trace de cette nouvelle voie est directement calque sur celui de la riviére Coom, et doit permettre le transfert integral des véhicules en provenance et à destination du Port. Au débouché de l'EFC, on prévoit la creation d'une large plateforme de stockage de containers, qui jusqu'à present sont entreposés de façon désordonnée le long de la cTMte au Nord de la zone portuaire, dans une multitude de plateformes privées et non sécurisées. Ce projet de grande envergure permettra par ailleurs la liberation des axes reliant George Town et le Nord de Chennai, comme la Thiruvottiyur High Road et la Ennore High Road, seule alternative actuelle au transport de fret en journée (la nuit, les poids lourds peuvent transiter par la Poonamale High Road).

    10 Acquisition menée par le TNHD (Tamil Nadu Highway Department)

    Carte n°9 - Corridors de transports publics à l'horizon 2026

    En matière de transports publics, les projets ne manquent pas, et leur objectif est de porter la part de des trajets intra -agglomération à 46%. Le métro, dont la première phase sera achevée en 2014 (en rouge), devrait être étendu au Nord jusqu'à Ennore, le long de la voie ferrée existante (en orange). En complément, une troisième ligne sera créée entre Marina Beach et Madavaram au Nord-Ouest. A l'horizon 2020, un nouveau mode de déplacement devrait faire son apparition dans la périphérie Ouest de Chennai : le monorail (en bleu). Les modalités de sa mise en place restent encore mystérieuses, mais l'idée consisterait à concevoir une version allégée et bon marché du métro. En complément, un quadrillage par un réseau de bus en site propre viendra combler les vides au Sud et au Nord de la ville. Enfin, un grand contournement par le rail devrait permettre de relier des villes de taille moyenne situées en lointaine périphérie (dans le sens des aiguilles d'une montre: Mamallapuram, Chengalpattu, Thiruvallur et Gummunipundi). Plus qu'un contournement, ce dernier projet doit permettre, à terme, la conversion de ces villes moyennes en véritables villes satellites.

    4-2 Au Nord, un remodelage qui pose problème

    4-2-1 Le Ennore Manali Road Improvement Program

    Même si lÕon constate une prise en compte nouvelle des espaces Nord dans le cadre des futurs projets que nous venons de décrire (extension du metro, réseau de bus en site propre), on ne peut que regretter lÕabsence de plans dÕenvergures dans le domaine des infrastructures routieres et ferroviaires. Cependant, lÕapparition de lÕElevated Freight Corridor qui vise à réduire les flux urbains en provenance et à destination du port de Chennai se révelera certainement bénéfique à la situation generale de notre zone dÕétude, puisque lÕun des aspects principaux qui pose actuellement probleme, cÕest justement le flux discontinu de ces poids lourds en transit vers les terminaux. Par cette reconcentration des flux, on libere ainsi les deux axes principaux entre George Town et les quartiers Nord. On estime que le trafic pourra conna»tre une diminution supérieure à 60%. Mais cela ne suffit pas, et lÕorage gronde actuellement entre les grandes compagnies qui réclament la creation dÕun acces fiable et rapide au port dÕEnnore, et le gouvernement qui avait promis, depuis plus de dix ans, la mise en place de voies dÕacces privilégiées (cf. 1-2-3). Le projet de rehabilitation du réseau routier Nord portait un nom : Ennore Manali Road Improvement Program. Toshiba, qui vient de sÕinstaller à proximité dÕEnnore ou il a investi 120 millions dÕeuros pour la creation dÕune usine de turbines géantes destinées à la production electrique et qui devrait entrer en service en 2012, ainsi que le groupe Renault Nissan qui compte à court terme exporter ses véhicules via Ennore, tirent aujourdÕhui la sonnette dÕalarme. Ce sont eux qui des 2009 ont ressorti le dossier de lÕEMRIP des tiroirs, et sont venus relancer le gouvernement.

    LÕEMRIP a été élabore des 1998. Apres quelques premières difficultés liées à la question du financement de ce projet, on a mis en place un SPV (Fond commun de créance) en 2003 entre la National Highways Authority of India, le Chennai Port Trust, le gouvernement du Tamil Nadu et Ennore Port Ltd (privés). A lÕorigine, la mise en application aurait dil aboutir en 2007, pour un montant de 22 millions dÕeuros. Depuis, le cofit a été multiplié par quatre, et atteint aujourdÕhui les 100 millions. Le but de lÕEMRIP repose sur la transformation de voies existentes (Ennore High Road (en jaune sur la carte ci-dessous ), Manali High Road (en violet), TPP Road (en orange) et Northern Chennai Thermal Power Station Road (en bleu clair) en voies express, par leur elargissement et par la construction de nouveaux ponts adaptés au véhicules lou rds. Pour lÕheure, aucune de ces voies express nÕest achevée, et les travaux en réalité viennent tout juste de démarrer.

    C'est le ministre des transports maritimes, G K Vasan, qui a pris l'initiative de relancer le projet en février dernier, sous la pression des compagnies que l'on a déjà évoqué. L'EMRIP devrait être achevé d'ici deux ans.

    Carte n°10 - Connectivité souhaitée au Port d'Ennore (Toshiba 2010)

    4-2-2 La barrière du social : réalité du terrain

    L'exécution du projet de l'EMRIP a donc commencé, dès le début 2011. Cependant, l'avancée des travaux, réalisés par la NHAI (National Highway Authority of India), se heurte à un obstacle de taille, qui en plus des problèmes de financement et d'initiatives publiques avait sans doute déjà freiné le bouclage du projet. En effet, la Ennore High Road, qui doit être transformée en Ennore Expressway, se trouve cernée par un slum gigantesque, qui s'étire sur près de 6km. De part et d'autre de la route qui n'est pas très large à l'heure actuelle (environ 8m), se sont installées au fil des années des milliers de familles, dans des conditions extrêmement précaires. En fait, à l'époque de la construction de cet axe, on avait anticipé les besoins futurs en prévoyant l'espace nécessaire à d'éventuels élargissements. Pour cela, on avait construit une digue qui permettait de gagner du terrain sur la mer, là oü se trouvait auparavant la plage. On disposait ainsi d'une longue bande de terre, large d'une cinquantaine de mètres, qui permettrait les travaux si nécessaire. Evidemment, l'inévitable s'est produit, et les slums, principalement constitués de familles de pêcheurs, sont venus

    conquérir ce nouvel espace disponible, jusqu'à l'occuper dans sa totalité.

    Aujourd'hui, le temps presse, et la route doit être élargie à 20m. En l'espace de 4 mois, depuis janvier 2011, près de 1000 habitations ont été détruites, forcant leurs occupants à se déplacer. Les agents en charge de la construction sont venus sur place au préalable, ont pris des photos des maisons, et fourni aux habitants un document officiel attestant de leur occupation des lieux. Ce document leur donne le droit d'exiger un nouveau logement, en compensation du préjudice causé. Déjà, depuis 5 ans, le gouvernement a entamé la construction d'un complexe résidentiel qui à terme devrait fournir les logements nécessaires aux 10.000 personnes déplacées et donc résoudre le problème. Il a été convenu que chaque famille disposerait d'un appartement privatif, d'une quinzaine de m2.

    En haut à gauche, le slum d'Anna Nagar à New Washermanpet, oü les destructions on déjà commencé.
    En haut à droite, le complexe résidentiel de Netaji Nagar à Ennore, déjà investi par ses nouveaux habitants.
    En bas, paysage classique au bord de l'Ennore High Road, à Anna Nagar, New Washermanpet.

    Mais voilà, la solution de relogement proposée par le gouvernement ne convient pas à tout le monde. Tout dÕabord, celui-ci se situe à Ennore, à 7km dÕAnna Nagar (à ne pas confondre avec le quartier dÕAnna Nagar à lÕOuest de Chennai, oil les conditions de vie nÕont rien de commun avec lÕAnna Nagar de New Washermanpet), le quartier oil nous avons rencontré les habitants. Hors, les habitants du Sud de lÕEnnore High Road survivent gr%oce aux ressources issues de la seule activité praticable : la pêche. Là oil les nouveaux logements ont été regroupés, lÕacces à la mer est impossible, et un déplacement dans ce quartier implique donc lÕabandon de lÕactivité nourriciére. Les populations se retrouvent donc en situation extreme, ne disposant pas dÕun niveau dÕéducation ou dÕune condition sociale qui leur permette de sÕadapter. Par ailleurs, il a été stipulé quÕun appartement serait propose pour chaque famille déplacée. Mais la taille de ces foyers nÕa absolument pas été prise en compte, et les conditions de relogement sont les même quelque soit le nombre de membres dans celui-ci. Des familles nombreuses, parfois comprenant jusquÕà 8 ou 10 membres, se retrouvent condamnées à survivre dans un espace de 15m2. Parmi les populations qui se sont déjà installées dans Netaji Nagar à Ennore et auxquelles jÕai pu rendre visite, une grande partie nÕa dÕautre choix que de dormir dans la rue, par manque de place.

    Par ailleurs, lÕeau manque cruellement, puisque les nouveaux immeubles ne sont pas raccordés au réseau de distribution. Ils dependent entiérement des précipitations qui sont recueillies dans des cuves sur le toit, et nÕont pas dÕautre choix que dÕacheter la ressource à lÕextérieur. LÕalimentation électrique est bien présente, mais le gouvernement nÕexigeant pas le paiement dÕun loyer (il y a renoncé alors que cÕétait initialement prévu), il impose en contrepartie le reglement de factures dÕélectricité absolument exorbitantes. Les habitants ne disposant pas des moyens suffisants se voient donc coupés de leur alimentation. SÕajoute à cela lÕabsence totale de structures nécessaires à lÕinstallation des commerces, qui nÕont dÕautre choix que de sÕétablir au bas des immeubles, dans de petits cabanons construits à la h%ote. Les problémes de criminalité, par ailleurs, compromettent fortement lÕattrait de la zone, totalement à lÕécart de la couverture policiére. Ainsi, on mÕa rapporté quÕun meurtre avait eu lieu dans le quartier la nuit précédent ma visite, mais quÕil ne sÕagissait en rien dÕun fait isolé puisque ce genre dÕévénements survenait en moyenne une fois par semaine. On comprend donc les réticences des familles à venir sÕétablir à Netaji Nagar.

    Cependant, les travaux de destruction et dÕélargissement nÕont été entamé que dans la partie la plus au Sud de la Ennore High Road, au niveau dÕAnna Nagar et des quartiers voisins. Pour la partie Nord, les bulldozers se sont heurtés à des groupes de resistance, sans doute mieux organisés et donc plus virulents que ceux qui avaient été mis en place, sans succés, au Sud. Cette situation trouve son

    explication dans un éventail de population different entre les deux zones. En effet, autour dÕAnna Nagar, même si les familles de pêcheurs sont fortement représentées, elles ne constituent pas la majorité, comme cela peut etre le cas plus au Nord. Et il semblerait que la capacité des habitants à sÕunir face à la crise repose en grande partie sur une certaine homogénéité du groupe. Donc pour lÕinstant, une partie des habitants de la zone semble avoir été épargnée, malgré les interventions parfois violentes des forces de police et au prix de nombreuses arrestations.

    Pour lÕheure, 2000 personnes ont investi leurs nouvelles habitations, et 5000 logements ont été construits à Netaji Nagar. Ceux qui ont fait le choix de resister, bien conscients du fait quÕils devront tTMt ou tard ceder aux requêtes du gouvernement, demandent seulement une solution alternative, qui leur permettrait non pas d'être relogés mais simplement déplaces, à proximité, sur des terrains ou ils puissent reconstruire leur vie sans renoncer à leur moyen de subsistance.

    4-2-3 L'envolée du secteur portuaire au Nord : Kattupali

    Si la réussite de la mise en route de lÕEMRIP appara»t vitale pour les grands groupes tels que Renault ou Toshiba, elle lÕest encore dÕavantage pour un nouvel acteur qui devrait émerger des 2012 : le complexe portuaire de Kattupali. Kattupali est le nom dÕun minuscule village de pêcheurs, qui borde le port dÕEnnore sur ses marges Nord. Ce village existe encore, mais il se trouve maintenant encerclé de toutes parts par une nouvelle structure, gigantesque par son étendue, qui devrait offrir de belles perspectives de développement pour tout le North Chennai.

    Le projet a été concu conjointement par la TIDCO (Tamil Nadu Industrial Development Corporation) et le géant indien Larsen & Toubro (L&T). Kattupali sera non seulement un nouveau port, le troisieme de Chennai, mais pas seulement. En effet, au sein de la nouvelle entité qui va na»tre, on va aussi créer un chantier naval, le plus grand en Asie, et lÕun des plus importants à lÕéchelle mondiale. Pour un cofit total de 700 millions dÕeuros, cette mega-structure offrira des possibilités tout à fait inédites en Inde. Ces chantiers navals, installés sur 500 hectares, permettront la fabrication et la mise en eau de navires de toutes sortes, incluant les navires commerciaux de tres grand gabarit de types pétroliers, gaziers, mais aussi des paquebots de croisiere, des navires destines à la defense et notamment des sous-marins. La liste ne sÕarrête pas là puisquÕil sera aussi en mesure de concevoir des plateformes pétrolieres de derniere generation, de réparer et de reaménager tous types de navires, et enfin, une part de la production sera concentrée sur la production de pieces

    détachées pour le domaine maritime. Plus qu'un chantier naval, cette nouvelle entité constituera un nouveau corridor de l'ingénierie maritime, renforcant encore d'avantage la diversification économique de Chennai et du Tamil Nadu.

    Le port de Kattupali, quant à lui, sera exclusivement spécialisé dans le traitement du fret par containers, avec une capacité qui devrait atteindre 1,8 millions d'unités en 2015, ce qui le placerait en première position dans ce secteur devant le port de Chennai (1,5 millions TEUs) et le port d'Ennore (1,2 millions TEUs). A eux deux, les ports d'Ennore et de Kattupali surpasseront largement le port historique, et on comprend mieux la nécessité d'une mise en place rapide de solutions de transports. Kattupali, gr%oce à son port en eaux profondes et ses équipements permettant l'escale des navires les plus imposants, deviendra probablement une étape incontournable sur la route maritime Asie-Europe d'ici quelques années. Aussi, en complément de l'EMRIP, une nouvelle voie d'accès est actuellement à l'étude, la Northern Port Access Road, qui permettra de relier les ports d'Ennore et de Kattupali directement à l'autoroute NH 5 (Calcutta). Son coüt est estimé à 60 millions d'euros pour une longueur de 25km, et son financement devrait être supporté par la création d'une joint venture entre Ennore Port Ltd, L&T Ship Building Ltd et la TIDCO.

    Si l'on considère l'ensemble des nouvelles entités qui vont être créées au cours des 5 prochaines années dans la zone d'activité des ports d'Ennore et de Kattupali, avec la mise en service de la centrale électrique de Vallur (NTECL), le doublement de la capacité de production de la North Chennai Thermal Power Station (NCTPS à Ennore), et le lancement du complexe Toshiba, ce sont près de 18.000 emplois directs qui vont être créés.

    Conclusion

    Au terme de ce mémoire, le Nord de Chennai appara»t comme un espace original sous bien des aspects. Longtemps négligé, souvent ignoré, il semblerait qu'il soit aujourd'hui au cÏur d'enjeux décisifs, qui pourraient être la clé de son intégration dans la métropole bouillonnante qu'est devenue Chennai. Mais le chemin à parcourir promet d'être long et périlleux, tant l'ampleur de la tâche para»t démesurée. En effet, même si les perspectives d'avenir, notamment économiques, connaissent à l'heure actuelle une embellie jamais vue jusque là, on peut se poser la question de l'impact réel de ce renouveau industriel et portuaire sur les populations.

    Dans la mesure où les grands projets mis en place à la fois par les privés et par le gouvernement visent principalement à servir leurs propres intérêts, ce qui après tout n'a rien de surprenant, on ne peut que constater une relative mise à l'écart des questions profondes et sociales qui font que Chennai a été pendant longtemps, et reste toujours, une ville coupée en deux. Mais peut-on réellement parler de ville lorsqu'on évoque les quartiers Nord de Chennai? Au cours de notre enquête, on a pu démontrer à quel point le manque d'intérêt des planificateurs et des politiques à l'égard de ces quartiers a pu aboutir à l'émergence d'une poche d'urbanisation presque stérile, à l'écart de tout, et oü les services les plus fondamentaux viennent à manquer. Hors, quel est le rTMle de la ville ? Et finalement, qu'est-ce qu'une ville ? Maximisation des connexions, concentration des richesses, accroissement des opportunités et de la qualité de vie sont à mon sens les fondamentaux qui font que la ville est ville. Lorsqu'elle ne remplit pas ces fonctions, elle ne l'est plus. Et c'est ce qui se passe actuellement dans les quartiers Nord de Chennai, oü la ville n'est plus. Alors comment faire pour lui redonner du sens ? Comme un corps organique, une ville fonctionne par les flux. C'est pour cette raison que la question des transports est primordiale. Or, la politique de grands proj ets dans ce domaine ne propose qu'un renforcement des zones déjà fortement irriguées, ou le raccordement à des points stratégiques, et c'est en cela qu'elle est imparfaite. Pour qu'une réelle volonté de désenclavement puisse émerger, il faut que les aménageurs y trouvent un intérêt. C'est là l'un des derniers défis à relever pour le Nord de Chennai, et c'est sur ce point qu'il faut agir.

    REMERCIEMENTS

    Je tiens à remercier, tout d'abord, mon interprète et ami, Antoni, qui a accepté de m'aider sur ce projet en dépit de la distance qui l'a séparé de sa famille pendant plusieurs semaines. Sans lui, mon travail de terrain n'aurait pas été aussi plaisant et efficace.

    Je remercie également Kamala Marius-Gnanou et Loraine Kennedy, qui depuis la France m'ont aidé à aiguiller mes recherches et ont su me redynamiser dans les moments de doute

    Merci aussi à Eric Denis, mon responsable à l'Institut Francais de Pondichéry

    Merci à Aurélie Varrel, toujours de bon conseil et très soucieuse de la réussite de mon projet

    Merci à Karen Coelho et à M. Vijayabaskar, du Madras Institute ofDévelopment studies

    Merci au personnel de la Chennai Metropolitan Development Authotithy et de la TamilNadu Industrial Development Corporation

    Et un grand merci, enfin, à toutes les personnes croisées de près ou de loin au cours de mon enquête sur le terrain, merci pour leur accueil, leur patience et leur efficacité !

    REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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    ZENEIDI-HENRY D. (2002), Les SDF et la ville, géographie du savoir survivre, Bréal.

    ANNEXE 1 - Localités et infrastructures récurrentes

    62

    June 2011 - S SURVEY CHENNAI : A CITY CUT IN TWO?

    Name / Gender: Place of birth:

    Age: Occupation:

    Home place: Work place / Distance:

    Can read / Write: Arrival in Chennai (reason if move):

    Private vehicle :

    Mean of transport used for going to work / school:

    How many times a month do you go to ?

    - Chennai downtown: - North / South Chennai:

    - Cinema: - Family restaurant:

    - Shopping: - Supermarket:

    How many times a year?

    - Out of Chennai (precise which places):

    - Out of Tamil Nadu:

    - Cultural event/ Concert/Sporting event/Museum/Exhibition? (encircle)

    Ever gone out of India?

    Access to the i nte rnet (individual / cafe)?

    Give details about Electricity / Water facilities situation : Public transport facilities offered here (list):

    Evaluation of facilities environment (from worst, 0, to best, 5) - Hospitals:

    - Schools:

    If you had the power to change your direct environment, what would you need? ( i n terms of accessibility, transports, facilities) :

    According to you, what is the best place for living in Chennai?

    Now try to list all the places you visited in Chennai during the last month:

    ANNEXE 2: QUESTIONNAIRE (ENQUETE DE TERRAIN)

    ANNEXE 3 : Exemple de carte mentale Ç en étoile È - Sekkadu

    ANNEXE n°4 : Exemple de carte mentale Ç complexe È - Tambaram

    ANNEXE n°5 : Exemple de carte mentale Ç en stations È - Tambaram

    ANNEXE n° 6 : exemple de carte mentale Ç en points solitaires È - Sekkadu

    ANNEXE n°7 Ð Exemple de carte mentale Çen double étoile È - Manali New Town

    ANNEXE n°8 : Exemple de carte mentale Çplan shematique, en H È - Teynampet

    69

    ANNEXE n°9 : Exemple de carte mentale Ç minimaliste È - Teynampet

    ANNEXE n° 10 : Exemple de carte mentale Ç en H È - Sholinganallur

    71

    ANNEXE n°11 Ð Exemple de carte mentale Ç hors catégorie È - Manali New Town






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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand