1ère Partie - Une métropole complexe
1-1 De Madras la coloniale à Chennai, ville
indienne du XXIème siècle
Avant d'aborder les dynamiques actuelles de la métropole
qu'est devenue Chennai, un bref détour par l'histoire para»t
incontournable.
1-1-1 Un village de pêcheurs devenu capitale
Madras, en fait le diminutif employé par les
britanniques pour désigner Madraspattinam, n'est à l'origine
qu'un petit port de péche parmi tant d'autres disséminés
le long de la côte de Coromandel. A cette époque, la plupart des
villes de taille importante se trouvent à l'intérieur des terres,
comme Madurai ou Kanchipuram, qui constituent le cÏur de la culture
tamoule. Capitales d'empires, centres religieux ou plate -formes commerciales
ont au fil des siècles organisé un espace équilibré
autour de cette logique d'impulsion par l'intérieur du territoire, comme
on peut la retrouver, par ailleurs au Maroc, avec l'édification
successive des fameuses villes impériales en retrait des côtes.
C'est seulement avec l'arrivée des colons européens, portugais,
hollandais puis britanniques et francais, que l'organisation du territoire va
véritablement basculer vers les ports. Les portugais sont les premiers
à établir un comptoir dans la région, le port de Sao
Thome, dès 1522. Ils choisissent de s'établir sur les bords de la
rivière Adyar, à l'endroit méme oü l'apôtre
Saint Thomas aurait été assassiné au début de notre
ère. Ce premier établissement sera au fil des années
absorbé par la ville, et deviendra le quartier de Santhome à
Mylapore, au Sud de Chennai. Viennent ensuite les hollandais qui s'installent
à une soixantaine de kilomètres au Nord de Sao Thome, et fondent
le comptoir de Pulicat en 1609. C'est seulement quelques années plus
tard, en 1639, que Francis Day, agent de la Compagnie Britannique des Indes
Orientales jète son dévolu sur le petit port de Madraspattinam
pour y établir un comptoir. Les terres acquises au cours de cette
méme année permettent la construction du Fort Saint Georges,
siège de l'administration coloniale mais surtout véritable
cÏur historique autour duquel se constituera la ville moderne de Madras au
fil des siècles.
Rapidement, c'est par le Nord que la ville va se constituer. Le
village de Madraspattinam fusionne avec son voisin Chennapattanam (qui
donnera finalement son nom à la ville à la fin du
XXème siècle) pour former ce que l'on a d'abord appelé
la Ç ville noire È, l'actuelle George Town, quartier
des populations indiennes asservies par les colons. La ville
va ensuite continuer sa progression le long de la côte et de facon moins
marquée vers l'intérieur, et va successivement absorber les
villages alentours, qui sont achetés au fur et à mesure du
processus d'agglomération. C'est ainsi que Triplicane est
intégrée en 1676, suivi d'Egmore, de Purassavakkam et de
Tondiarpet en 1693, puis de Thiruvottiyur, Nungambakkam, Vyasarpady et Ennore
au milieu du XVIIIème siècle. On remarque donc que la progression
de la ville se fait d'abord principalement par le Nord, oü se
concentreront de facon toujours plus intense les activités industrielles
et ouvrières liées à l'émergence du Port. Les
populations noires occupent cette partie de la ville, tandis que les quartiers
résidentiels blancs progressent d'avantage vers le Sud, autour de noyaux
villageois existants, et qui transparaissent aujourd'hui encore dans le paysage
urbain contemporain. Cette situation particulière confère
à Madras une hétérogénéité spatiale
très marquée, qui s'exprime par l'absence d'un centreville
(Oliveau 2007). Dès les origines on constate donc l'existence d'un
espace fragmenté, constitué d'un multitude de centralités.
L'étalement en Çtâche d'huile È viendra combler les
vides au fur et à mesure de la croissance de la ville, et viendra
finalement buter contre les barrières naturelles (pour Chennai les cours
d'eau et les réservoirs naturels principalement).
C'est au XIX ème siècle que cette tendance
à une progression vers le Nord va atteindre ses limites, puisque
l'étalement y est déjà fort important. George Town est
à ce moment-là déjà très dense, et
l'accès aux marges septentrionales de la ville requiert un parcours
excédant les 10 km. Par ailleurs, les terrains s'y
révèlent de mauvaise qualité et souvent insalubres,
puisque la faible altitude les rends vulnérables aux inondations,
très courantes dans cette zone marécageuse et soumise à
l'oscillation des marées. La ville va donc s'étendre
désormais de facon privilégiée en direction du Sud et du
Sud- Ouest, le long des principaux axes de communication qui relient Chennai
aux villes majeures du Tamil Nadu qui constituent l'hinterland dont
dépend l'activité du port. La création des
premières liaisons ferroviaires à la fin du XIXème
siècle viendra accentuer le phénomène. On recherche
désormais le confort et l'espace, lors de cette nouvelle poussée
urbaine qui sera d'avantage résidentielle qu'industrielle.
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