C. Jeux et enjeux
Ç Je me demande si je ne suis pas en train de jouer
avec les mots. Et si les mots étaient fait pour ça
?È Boris Vian, Les bâtisseurs d'empire.
Nous avons vu jusqu'ici que la communication était un
système, fonctionnant sur le principe d'une recherche de pertinence
optimale à laquelle coopèrent les interlocuteurs, cette
pertinence permettant une économie cognitive et un bon
déroulement de la mise en commun qu'est la communication.
Non-linéaire et imprédictible, le système
ne peut atteindre la pertinence optimale de façon continue, et au
contraire avance par Ç bonds È d'un état
d'équilibre à un autre, passant pas des stades de
déséquilibre. Or comme nous le dit Bateson (1980:45) Ç
l'erreur est toujours psychologiquement coUteuse È, et de ce fait il y
aura toujours un gain, inévitablement subjectif et relatif, à
éviter ces erreurs. C'est à ce niveau qu'intervient la
théorie des jeux. La théorie des jeux est Ç l'étude
du comportement rationnel des individus en situation de
conßit45 È, c'est-à-dire l'étude des
décisions rationnelles d'individus se trouvant dans des situations de
choix les menant à des gains. Plus particulièrement, la
communication est une situation de jeu coopératif évolutionnaire,
coopératif car il est un jeu dans lequel les interlocuteurs peuvent
s'accorder, se coordonner sur la stratégie rationnelle optimale
maximisant leurs gains et évolutionnaire car les joueurs adaptent leur
comportement tout au long du jeu en fonction de l'histoire de ce dernier.
Ainsi, le jeu est rythmé par des décisions rationnelles prises
par les individus. Une décision est dite rationnelle lorsqu'elle
maximise les intérêts de la personne qui la prend. Dans le cas de
la communication, la rationalité est collective, c'est-à-dire que
l'intérêt de chacun est de maximiser le gain de tous. Cette
optimisation du gain collectif est obtenue via la coopération pour
l'atteinte de la pertinence maximale, c'est-à-dire pour l'atteinte d'un
équilibre.
C'est cet équilibre et la régularité qui
en découle que nous verrons dans la première partie. Nous verrons
ensuite en quoi cet équilibre, obtenu par coopération et
raisonnement par régulation d'erreur(s), autrement dit par
équilibrage, peut être source de jeux à d'autres niveaux,
à savoir source de créativité et
d'interférences.
45 Un conflit existe sous trois conditions : tout joueur peut
influencer l'issue du jeu, aucun joueur ne peut contrôler
unilatéralement le jeu, et chaque joueur apprécie
différemment les résultats possibles. (Petit-Robin,1998) Cette
situation de conflit correspond aux conditions de la communication.
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