I.3. Problématique
Nous pouvons distinguer deux tâches cognitives lors de
la communication : la compréhension et la production. Le processus de
compréhension est celui permettant, via le processus de l'attention
sélective, de combiner code(s), indice(s) et contexte(s) pour arriver
à l'identification du sens, le processus de production est celui passant
du sens aux signes produits.
Afin d'aboutir efficacement au but de la communication, les
interlocuteurs doivent s'appliquer au bon déroulement de ces deux
tâches. Ce processus d'application correspond à un effort de
pertinence. En effet, si l'on reprend la définition de la pertinence de
Hjrland & Sejer Christensen (2002) Ç une chose A est pertinente pour
la tâche T lorsqu'elle augmente les chances d'arriver au but G,
luimême impliqué par T È. Ici, le but G de la communication
est la mise en commun par la création chez l'Autre d'une réaction
cognitive, entra»nant signe(s) ou acte(s). Les tâches T sont les
processus de compréhension et de production. En communication, la
pertinence est donc l'effort des locuteurs pour optimiser les chances
d'accomplissement des tâches de compréhension et de production.
Comment fonctionne le système de la communication ?
Quelles sont les conséquences de la nature de ce système sur
l'utilisation qu'en font les interlocuteurs ? C'est à ces deux questions
que cette étude va tenter de répondre.
Dans une première partie, nous partirons des
prémisses théoriques qui nous amèneront jusqu'à la
théorie que nous développerons et utiliserons ici.
La seconde partie sera consacrée à l'analyse des
mécanismes du système communicationnel en tant que système
cybernétique, ainsi que sur l'analyse des deux processus l'articulant,
c'est-à-dire les processus de compréhension et de production.
Puis, dans une troisième partie, nous étudierons
les cas de jeux dans ce système, par application et enrichissement de la
théorie des jeux.
A. Origines théoriques
A.1. Du code à la pragmatique A.1.1. L'approche
Saussurienne
Comme le disent Fuchs et LeGofÞc en ouverture de leur
ouvrage (1996:15), Ç il est traditionnel de présenter F. de
Saussure comme le "père" de la linguistique moderne. È Nous ne
manquerons pas à cette Ç tradition È. Fondateur de la
linguistique en tant que discipline, Saussure est le théoricien qui a
posé les fondations d'une science de la langue. Fondamentalement non
pragmatique, son modèle théorique repose plus
particulièrement sur la séparation de la langue et de la parole,
la langue étant un ensemble de conventions et de règles
immanentes, Ç bien déÞnies È et Ç
homogènes È (Saussure,1995:31-32) partagées par une
collectivité parlante ; la parole, à l'inverse, est une
manifestation individuelle et singulière de cette langue. Il ressort de
cette dichotomie que la langue est posée comme unique sujet de la
recherche linguistique, la parole étant relayée à un rang
Ç secondaire È de l'analyse linguistique, se basant sur
l'idée qu'il Ç faut se placer de prime abord sur le terrain de la
langue, et la prendre pour norme de toutes les autres manifestations du langage
È (Ibid:25)
De son étude, Saussure exclut le sujet parlant,
Ç la langue étant (...) indépendante de l'individu
È (Ibid:37), mais aussi toute forme de contexte, qui n'aurait une place
que dans l'étude d'une linguistique de la parole. On se retrouve donc
face à une vision de la linguistique envisagée comme
l'étude d'une langue-code idéale, immanente et
instrumentalisée, utilisée par des sujets parlants
idéalisés, excluant tour à tour le sujet parlant
ordinaire, le contexte ordinaire mondain ainsi que les usages ordinaires du
langage.13 Et, bien que la dichotomie langue/parole paraisse plus
dialectique qu'absolue (la langue n'existant qu'au travers de la parole),
l'exclusion de ces trois derniers est bel et bien présente dans le
Cours de linguistique generale. De cette conception Saussurienne
séparant langue et parole, est née la théorie du code, que
nous verrons ensuite.
13 Liste extraite de Eluerd (1995).
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