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Approche systémique des jeux pragmatiques communicationnels.

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par Colin FAY
Université de Rennes 2 - Master LCER 2012
  

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Conclusion

Une certaine confusion règne chez le chercheur qui entreprend d'entamer une étude dite Ç linguistique È. Devant faire face à diverses écoles, fournissant avec abondance des études théoriques et empiriques aussi diverses que divergentes sur le sujet, il peut parfois para»tre difficile de se positionner au sein de ces écoles. Cette confusion est propre à la matière, faute d'une ambiguité que l'on peut retrouver au sein même du mot Ç linguistique È. Nos dictionnaires eux-mêmes nous perdent, lui donnant à parts égales le rTMle de l'étude de la langue ou du langage. Une encyclopédie donnera la linguistique comme la Ç science qui a pour objet l'étude du langage et des langues È74, faisant reposer la base de leur définition sur l'étymologie latine lingua, elle-même aléatoirement traduite langue ou langage.

Or, nous savons que la langue n'est pas le langage. L'étude du langage concerne l'étude des moyens d'expression et de communication que peuvent partager deux êtres intelligents, l'étude de la langue concerne un supposé code formel que partagerait les hommes, étant une partie du langage, celui qui peut être écrit ou parlé. Comme le résume Blanchet dans son ouvrage La pragmatique, Ç (serait) langage tout mode de communication, c'est-à-dire tout échange. (...) Parmi ceux-ci, on admettra que le langage articulé propre à l'humanité et nommée "langue" est une constituante majeure de la communication. È Dans notre étude, nous n'avons pas suivi la vision des héritiers de Saussure d'une langue-code idéale, transitant le long d'un canal entre un émetteur codant et un récepteur décodant. Bien à l'inverse, notre étude, s'attachant à l'école pragmatique, a étudié le langage en tant que discours utilisé par deux interlocuteurs, c'est-à-dire que nous avons considéré la base de la communication dans l'interaction ainsi que dans le processus d'inférence : il est impossible pour un interlocuteur de se représenter à l'identique les représentations mentales de l'Autre, ainsi, chaque interlocuteur ne peut que faire des hypothèses sur les choix qui ont mené l'Autre à communiquer de la manière choisie, et ce gr%oce à une interaction continuelle du système et de son environnement. Ces choix sont guidés par la recherche de la pertinence, à savoir la recherche de création d'un équilibre entre économie cognitive et efficacité.

74 Nouveau Larousse Encyclopédique, 1994

C'est de cette conception que nous avons nourri notre réßexion, puisant au sein de l'école pragmatique, insistant sur la linguistique comme l'étude du langage utilisé par des interlocuteurs dans un contexte interactionnel particulier. En d'autres termes, notre vision de la linguistique a été l'étude de la communication, celle-ci étant l'ensemble des moyens qui existent aÞn de Ç mettre en commun È ce qui ne saurait être mis en commun sans communication, communication utilisée et partagée par deux ou plusieurs êtres intelligents, pour le ou les Autre(s) autant que pour soi, d'une manière qui relève parfois du code, mais bien souvent d'une toute autre sphère.

Ainsi, en définitive, le système de la communication n'a pas été considéré comme une partie de tennis mais comme une partie de squash, en ce sens que la communication ne réside pas dans l'échange alterné de tour de parole comme le tennis réside en un échange tour à tour. En effet, la communication est un système cybernétique, c'est-à-dire que tout élément sortant redevient immédiatement un élément entrant ; tout comme sur un court de squash, tout output est un nouvel input. La compréhension du signe produit n'est donc pas effectuée par un Ç auditeur È uniquement mais aussi par l'interlocuteur qui l'a produit, permettant donc au système de fonctionner via un feedback, et de s'autoréguler lorsque le système a du jeu (pour diverses raisons, les interlocuteurs peuvent ne pas avoir une connaissance adéquate de leurs propres capacités ou de celles de l'Autre, et donc ne pas arriver à l'efficacité cognitive consécutivement à leurs productions) : si un interlocuteur s'aperçoit qu'il a été insuffisamment efficace (c'est-à-dire trop économique) pour l'Autre, il peut Ç réinjecter È un indice dans le système pour le réguler, tout comme le joueur de squash peut renvoyer sa balle s'il se rend compte qu'il ne l'a pas correctement envoyée. Ce système cybernétique est également utile à l'économie cognitive : réinjecter dans le système tout élément qui en sort permet à celui-ci de créer un environnement cognitif direct commun manifeste aux interlocuteurs, ce qui leur permet, puisque chaque signe n'est pas sans relation avec ce qui précède, d'économiser l'effort cognitif d'avoir à retraiter chaque stimulus de nouveau, tout en gardant la même efficacité. Le traitement des éléments récents est donc présent dans cet environnement cognitif direct afin de permettre d'augmenter l'économie cognitive. Pour résumer, communiquer engage les interlocuteurs dans une partie de

squash, cette partie pouvant être match ou échange. Deux interlocuteurs (ou plus) sont face au même mur, au même monde, jouant sur la même surface de jeu, bien que possédant des compétences différentes. Un joueur joue et s'adapte en fonction de la balle qu'il reçoit, mais aussi de la manière dont il reçoit cette balle, des handicaps qu'il connait ou non de l'autre joueur, appris par le passé, ou tout au court du jeu.

Ensuite, nous avons montré en quoi l'approche systémique pouvait être utile à l'étude du fonctionnement de la communication. Le système communicationnel, permettant de produire et de comprendre inférentiellement par mise en relation d'informations sur des stimuli environnementaux appartenant aux environnements cognitifs direct et indirect, est un système autopo
·étique, c'est-à-dire un système qui est autonome, auto-référentiel, auto-organisé et auto-régulé. Ainsi, le système existe par et pour lui-même, se produit et s'organise par des éléments qui lui sont internes et selon des règles déÞnies par lui, communiquant de l'information sur son environnement, et non pas par son environnement. Son environnement étant composé d'informations, le système communicationnel est donc fondamentalement cybernétique, c'est-à-dire un système oü tout output est un nouvel input. Son autonomie fait que ce système ne peut accepter d'observateur qui lui soit externe, à savoir que tout observateur voulant observer le système ne pourra le faire qu'en intégrant le système, et donc pour une observation qui ne pourra se faire de façon absolue. Malgré tout, son autonomie en reste relative, puisque le système est adaptatif, c'est-à-dire que son organisation interne s'adapte par autorégulation aux conditions de son environnement, le système étant somme de sous-systèmes et partie de macro-systèmes. Ce statut, dit Ç socialÈ, est nécessaire à la pérennité du système, puisqu'en tant que partie d'un méta-système spatio-temporel, il peut fonctionner de façon optimale par apprentissage continuel de patterns de sens pertinents.

Lorsque des interlocuteurs sont engagés dans un processus interactionnel de communication, chaque interlocuteur cherche Ç à se faire comprendre È, c'est-à-dire que tout interlocuteur cherche à ce que sa production soit assez pertinente pour que l'Autre trouve du sens à cette production, et c'est dans l'obtention d'un sens dans la

production de l'Autre que le système trouve son équilibre : c'est lorsque les interlocuteurs sont en accord relatif sur le sens que le système obtient son efficacité et son équilibre, et lorsque les interlocuteurs ne se comprennent pas qu'il existe un déséquilibre, quand chacun trouve que la communication de l'Autre Ç n'a pas de sens. È Idéalement, l'équilibre entre le sens voulu et le sens compris existerait continuellement. Cependant, ce n'est pas le cas. La communication est un système non-linéaire dirigé par la loi de l'imprédictibilité dans lequel il est impossible qu'existe un constant équilibre. Ë l'inverse, la communication se fait par Ç bonds È d'un équilibre à un autre, en passant par des paliers de situations de déséquilibre, régulées et contrôlées par la nature autopo
·étique du système. Chaque interlocuteur, en recevant de l'information en retour sur ses productions, peut juger de celles-ci afin de rectifier la dynamique du système et le rediriger vers un état d'équilibre. En d'autres termes, lorsque, subjectivement, un interlocuteur ne comprend pas le sens que veut donner l'Autre à ses productions, les deux se trouvent dans une situation de déséquilibre, situation créatrice de nouveaux signes afin de réguler le mouvement du système et de le ramener à un équilibre, équilibre précaire puisque mis en danger par la continuité temporelle du système. Ainsi le système évolue-t-il par Ç bonds È d'un équilibre à un autre, passant par des situations de déséquilibre, se contrôlant par autorégulation, processus d'auto-équilibrage.

C'est cette dynamique de déséquilibre et d'équilibrage que nous avons appelé Ç jeux È et que nous avons vu dans le troisième chapitre, en définissant dans un premier temps ce qu'il convient d'appeler Ç équilibre È. Ainsi dans ce travail la conception de la théorie des jeux a été élargie, conception qu'il est nécessaire d'avoir pour une définition complète du système communicationnel. Nous avons vu l'importance du jeu régulier, créateur de normes, indispensable à l'existence même d'un système de communication, suivant la définition traditionnelle du jeu, ainsi que le paradoxe qu'entraine sa nature fractale. Nous pourrions imaginer que l'existence d'un langage ne suivant que ce jeu régulier soit possible, à travers l'utilisation d'un langage purement logique et dont tous les signes seraient relevés de leur ambigu
·té, utopie suivie par nombreux penseurs et théoriciens de la langue en quête de cette conception uniquement logique. Bien qu'idéal puisqu'il éliminerait tous les jeux interférants vus dans la troisième partie, ce langage logique existerait au dépend de

tout jeu créatif vu dans la partie deux, ce qui signiÞerait sacriÞer également tout ce qui fait la beauté d'une langue, la poésie, la littérature, la rhétorique, etc., ainsi que l'attrait relationnel que la communication possède. Une langue logique, idéal de la théorie du code et se détachant de l'usage ordinaire qui est fait du langage, aurait pour ambition de se séparer de toute ambigu
·té, de tout jeu interférant possible. Cette disparition de tout jeu interférant reste cependant impossible, de par la nature inférentielle, hypothétique et complexe du système communicationnel, et donc ne pouvant jamais adopter le schéma de la transmission, schéma canonique de la théorie du code. De plus, de par la nature dynamique du système, aucune norme ne pourra s'imposer aux signes, puisque ce sont ces signes qui créent la norme et non l'inverse. EnÞn, de par la complexité extrême du système et de son auto-production par itérations d'utilisations de signes en contextes d'interactions communicatives, le jeu interférant conversationnel et culturel ne pourra jamais être évité, deux interlocuteurs ne pouvant jamais avoir un arrière plan et une mémoire semblable, ainsi ne pourront-ils jamais avoir un Ç dictionnaire des sens È, une Ç copie du code È qui leur serait égale à tous points de vues.

Cette utopie d'une langue logique, Ç bien faite È et vivant uniquement par le jeu régulier, est un idéal qui remonte aux logiciens du siècle des lumières avec Descartes ou la Logique de Port-Royal, et que nous retrouvons jusqu'à aujourd'hui dans les idéaux de langues comme le Simple English. Selon les propos de Descartes dans sa Lettre à Mersenne, le langage logique serait Ç une langue universelle fort aisée à apprendre, à prononcer et à écrire, et, ce qui est le principal, qui aiderait au jugement, lui représentant si distinctement toute choses qu'il lui serait presque impossible de se tromper. È (Cité dans Eluerd,1985,19) Cependant ce rêve d'une langue logique idéale est illusoire, les trois formes de jeu étant profondément inter-dépendantes et inséparables, permettant à la communication d'exister, et source de toute sa beauté comme de ses faiblesses. Au sein d'un jeu régulier, le jeu interférant reste le prix à payer pour l'existence du jeu créatif.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo