D.1.2. Le cas du mensonge
L'exemple ci-dessous est tiré de la série
américaine Lie to Me, dans l'épisode 2 de la saison 1,
Moral Waiver. Cette série met en scène Cal Lightman et
son équipe, tous professionnels de la détection de mensonge. Dans
cet épisode particulier, Gillian et Eli, deux membres de cette
équipe, sont engagés pour découvrir si les rumeurs
concernant un basketteur lycéen populaire sont vraies, basketteur
supposé avoir accepté un pot-de-vin d'une université.
Découvrant en analysant les images du joueur qu'il présente une
expression faciale de douleur à chaque match, le joueur leur avoue
souffrir d'arthrite érosive, et donc incapable de suivre une
carrière pro sur le long terme, ce qui explique son acceptation du
pot-de-vin, seul argent qu'il pense toucher de sa courte carrière de
basketteur.
Le mensonge par tromperie se trouve ici au niveau du contrat
passé entre le basketteur et l'université qui lui verse le
pot-de-vin. Supposé de bonne foi, le basketteur dissimule sa maladie,
lors de l'échange entre ce dernier et l'université le
désirant, la présomption de pertinence optimale à permis
au basketteur d'accepter le contrat sans pour autant aborder le sujet de sa
maladie. Si il était questionné sur ce point, il pourrait se
défendre avec la réponse Ç On ne me l'a pas
demandé. È
Cette exemple illustre la possibilité d'Ç
être optimalement pertinent sans pour autant être " aussi
informatif que le demande les objectifs de l'échange en cours " : si,
par exemple, on garde pour soi des informations dont la connaissance serait
pertinente aux interlocuteurs. È (Sperber&Wilson,1989:243) Ici,
l'échange communicationnel ayant pour résultat un contrat sous
forme de pot-de-vin résulte du contrat interactionnel sous-tendant la
présomption de sincérité maximale. Ainsi,
l'université originaire du pot-de-vin s'attend à ce que le
basketteur lui fournisse l'ensemble des informations à sa disposition,
c'est-à-dire qu'elle fait l'hypothèse que le joueur est en bonne
condition physique, hypothèse restant bien sur du domaine de
l'inférence et de la présomption, et non de la confirmation
directe du joueur, qui exploite cette hypothèse erronée à
son avantage.
D.1.3. Le jeu ludique.
Ç La langue française l'émerveillait
encore, à soixante-dix ans, parce qu'il l'avait apprise difficilement
et qu'elle ne lui appartenait pas tout à fait : il jouait avec elle,
se plaisait aux mots, aimer les prononcer et son impitoyable diction ne
faisait pas gr%oce d'une syllabe ; quand il avait le temps, sa plume les
amortissait en bouquets. È J.P. Sartre, Les mots.
Les exemples littéraires de jeux ludiques avec le
langage sont innombrables. Nous prendrons ici l'exemple des mots-valises,
néologismes forcés condensant deux ou plusieurs morphèmes
pour la création d'un nouveau signe. Nous pouvons remonter la
définition des mots-valises à Lewis Caroll et son dytique
Alice's Adventure in Wonderland et Through the Looking-Glass,
dans lequel Humpty Dumpty explique l'origine de ce mot, appelée
Portmanteau-word en anglais : Ç You see, it's like a
portmanteau - there are two meaning packed up into one word. »76
Nombreux sont les écrivains qui à la suite de
Caroll s'amuseront avec la technique du mot-valise, utilisant le jeu
régulier déÞnissant la formation de mots pour en
créer de nouveaux, forçant le néologisme pour créer
des mots inédits. Nous analyserons ici le travail d'Edward Lear, auteur
reconnu pour ses Ïuvres de nonsenses.
De gauche à droite : Le Armchairia Comfortabilis, le
Manypeeplia Upsidownia et le Bottleforkia Ladlecum.
76 Voir Lewis Caroll, Through the Looking-Glass,
chapitre VI - Humpty Dumpty
Avec ce jeu ludique de la Nonsense Botanic, Lear joue
sur les codes de l'étymologie des mots anglais à origine latine,
en inversant le processus en créant des mots latins à origine
anglaise. Nous retrouvons ici des mots-valises condensant des morphèmes
anglais à des terminaisons latines, jouant sur les codes canoniques de
la botanique utilisant des mots latins pour nommer les espèces,
détournés pour nommer des plantes inventées par l'auteur.
Nous pouvons noter le recours aux terminaisons typiques du latin que sont -ia,
-is ou -um, jointes à des mots anglais comme armchair, comfortable,
upside-down, bottle ou encore fork.
Ces jeux créatifs sont bel et bien entrepris
relativement aux règles régulières. C'est ici avec
l'étymologie que Lear joue, et, bien que création, ces nouveaux
mots sont du langage, c'est par leur ressemblance et leur quasi-appartenance
à la régularité qu'ils sont jeux, c'est parce que leurs
consonances latines font écho aux formations régulières de
mots scientiÞques qu'ils existent en tant que jeux.
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