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Approche systémique des jeux pragmatiques communicationnels.

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par Colin FAY
Université de Rennes 2 - Master LCER 2012
  

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A.2.3. La pertinence

De Grice, Sperber et Wilson, garderont plusieurs principes : le principe d'expression et de reconnaissance de l'intention communicative, le principe d'inférence ainsi que celui de coopération. Cependant, ils ne reconnaissent pas à ce principe de coopération un ensemble strict de maximes qui seraient partagées par les interlocuteurs, mais au contraire voient ces maximes comme pouvant se résumer à une seule d'entre elle : Ç Soyez pertinent È. De plus, on ne retrouve pas dans leur travaux une distinction aussi nette entre le modèle du code et le modèle de l'inférence. En effet, Ç la communication verbale met en jeu à la fois des processus de codage et des processus inférentiels. È (ibid:13) Dans leur théorie, ils reprennent le modèle inférentiel de la communication développé par Grice, afin de l'insérer dans une théorie qui reconnait la communication comme intégrant du code, mais en tant que partie intégrante d'un système inférentiel, et donc un système oü la compréhension est une phase de décodage d'une forme logique linguistiquement codée, livrant des possibilités d'interprétation, qui, une fois enrichies par le contexte, permettent à celui qui comprend d'inférer des conclusions hypothétiques sur l'intention communicative du locuteur19. Comme ils l'écrivent (ibid:55) : Ç les hypothèses de Grice peuvent constituer le point de départ d'une telle analyse théorique. Ë cet égard, la principale faiblesse des hypothèses de Grice n'est pas de définir la communication de manière trop vague, mais d'en proposer une explication trop pauvre. È En effet, le modèle gricéen, bien qu'entièrement pragmatique, est toutefois lui aussi critiquable, puisqu'il revient à considérer qu'un joueur joue en analysant uniquement les intentions de jeu de son partenaire. La théorie de la pertinence remet aussi en cause la nécessité de suivre des maximes aussi strictes, ainsi que l'utilisation délibérée d'une violation ou d'une déviance d'une ou plusieurs maxime(s) afin de produire du sens. Ce qui fait sens, ce n'est pas le respect ou non

19 Sperber&Wilson (2004) :Ç An utterance is a linguistically coded piece of evidence, so that verbal comprehension involves an element of decoding. However, the linguistic meaning recovered by decoding is just one of the inputs to a non-demonstrative inference process which yields an interpretation of the speaker's meaning. È Wilson&Sperber (1993:1) : Ç a modular decoding phase is seen as providing input to a central inferential phase in which a linguistically encoded logical form is contextually enriched and used to construct a hypothesis about the speaker's informative intention. È

Il est important de constater ici que le décodage ne concerne pas un signe-étiquette, mais bien une forme logique. L'inférence suppose une capacité humaine méta-représentationnelle : les interlocuteurs sont capables de se représenter les représentations mentales de l'Autre.

de ces maximes, mais plutôt la coopération mutuelle pour signifier de façon optimale la pertinence d'un énoncé.20

La communication humaine est donc un processus guidé par une recherche de la pertinence optimale. La recherche de la pertinence n'est pas propre à la communication, mais à l'ensemble des processus cognitifs humains. Dans l'ensemble, tout processus cognitif humain cherche à optimiser sa pertinence. Un input est maximalement pertinent lorsqu'il crée un maximum d'effets pour un minimum d'effort cognitif. Ce qui fait la pertinence d'un stimulus au sein de la masse de stimuli disponibles est ce rapport effet/effort, à savoir que plus un stimulus a d'effets et moins il nécessite d'effort cognitif de traitement, plus celui-ci sera pertinent. Pour qu'un stimulus soit pertinent, il faut que l'effort cognitif qu'il entraine soit justifié par l'effet cognitif qu'il crée. Ainsi, tout système cognitif humain cherche à optimiser la pertinence, non pas par choix, mais suite à son évolution. La communication, processus majoritairement cognitif, ne déroge pas à cette règle. Lors d'un échange interlocutif, est considéré comme pertinent tout input dans le système qui, après avoir été mis en relation avec son arrière plan cognitif ainsi qu'avec le contexte d'énonciation, permet une inférence chez un interlocuteur et crée les effets cognitifs désirés, également appelé Ç effets cognitifs positifs È. Lorsqu'ils communiquent, les interlocuteurs sont dans un système coopératif oü chacun fait un effort pour comprendre et pour se faire comprendre. Ainsi, connaissant la tendance de chacun à maximiser la pertinence, ils sont amenés à produire un signe qu'ils considèrent comme assez pertinent pour permettre à l'Autre de faire appel aux informations d'arrière-plan de la situation d'interlocution et d'inférer la conclusion souhaitée, c'està-dire qu'un interlocuteur est supposé produire un stimulus assez pertinent (à l'intérieur de ses limites d'aptitudes et de préférences) pour être relevé et traiter cognitivement le plus simplement possible par l'Autre. En même temps, un interlocuteur, sachant que l'Autre coopère pour fournir un stimulus aussi pertinent que possible, va en contrepartie choisir celui qui lui semble le plus pertinent dans la situation de communication comme indice des conclusions à inférer, en suivant un chemin de moindre effort. La compréhension s'effectue donc à travers l'inférence de conclusions depuis un nombre de reconstructions à partir d'hypothèses qui tiennent

20 Sperber&Wilson (2004) : Ç The central claim of relevance theory is that the expectation of relevance raised by an utterance are precise enough, and predictable enough, to guide the hearer towards the speaker's meaning. È

au contenu de la production, mais aussi aux prémisses contextuelles et à ses conclusions. De ce fait, tout énoncé produit dans la communication communique avec lui la présomption de sa pertinence optimale. Selon Sperber et Wilson (1989:11), le but de la communication est de modifier l'environnement de l'Autre, en amenant Ç le second dispositif à construire des représentations semblables à certaines des représentations contenues dans le premier È, son ressort principal reposant sur la reconnaissance par l'interlocuteur de l'intention communicative du locuteur. En d'autres termes, une communication est une communication lorsqu'elle sous-tend un désir d'être ostensiblement inférentielle, i.e. lorsqu'elle est Ç ostensivo-inférentielle È. Ainsi, une communication est réussie lorsque l'interlocuteur reconnait que le locuteur produit des signes ostensivo-inférentiels.

Pour poursuivre l'analogie, l'analyse du jeu de deux tennismen doit prendre en compte ce que les joueurs envoient, mais aussi la façon dont ils l'envoient, le terrain sur lequel ils jouent, les handicaps de chacun, etc., toute Ç passe È d'un joueur étant la combinaison de ces différents facteurs. Certaines communications sont codées, d'autres existent sans qu'aucun code ne puisse les déchiffrer : l'ensemble étant guidé par le processus d'inférence, optimisé par la recherche d'une maximisation de la pertinence, le contenu communiqué par une production allant au delà de ce qui est linguistiquement encodé21. Dans le modèle de Sperber et Wilson, ce qui est linguistiquement codé ne fait pas appel à un codage-décodage comme nous pouvions le trouver dans les théories du code : les deux interlocuteurs ne possèdent pas chacun une copie identique d'un code dont ils se serviraient pour coder et décoder un signe. Ce qui est codé dans ce modèle, c'est un signe faisant appel à un savoir encyclopédique propre à chacun, ainsi, chaque signe fait potentiellement appel au savoir encyclopédique de l'interlocuteur qui, à l'aide du contexte, va réduire ces informations encyclopédiques de façon à ne faire ressortir que le sens qui sera pertinent en contexte.

Dans ce modèle, la communication est guidée par le processus de pertinence, qui se définit comme la recherche de l'optimisation des processus intrinsèques à la

21 Sperber&Wilson,2004 : Ç The explicitely communicated content of an utterance goes well beyond what is linguistically encoded. È

communication, à savoir la compréhension et la production. La communication est vue comme essentiellement collaborative, c'est-à-dire que chaque interlocuteur est supposé fournir un effort relativement maximal afin de pouvoir s'inter-comprendre. Cet effort d'inter-compréhension va donc amener le locuteur à produire un stimulus qui est optimalement pertinent (dans les limites de ses capacités et de ses aptitudes), et l'Autre, s'attendant à ce que l'interlocuteur lui fournisse un stimulus optimalement pertinent, va inférer du stimulus qu'il reçoit que la conclusion qui lui semble la plus pertinente est celle que l'interlocuteur a voulu lui communiquer, la pertinence optimale d'un stimulus se trouvant dans un effort cognitif se justifiant par un effet cognitif équivalent. On y retrouve un rappel de la théorie du code, en ce sens que la théorie de la pertinence prend le code comme une partie des inputs du processus inférentiel, mais, au contraire de la théorie du code dans laquelle le signe est vu comme une étiquette, ce qui est encodé dans la théorie de la pertinence est une forme logique permettant de renvoyer à une entrée d'informations contenue dans le savoir encyclopédique d'un interlocuteur, et c'est une fois cette forme encyclopédique enrichie par le contexte que le sens apparait.

Le point essentiel pour notre propos, traitant de la communication et de ses jeux, est l'importance de l'inférence dans l'échange interlocutif. En effet, envisager la communication comme dirigée par le processus d'inférence permet d'envisager que les résultats des processus cognitifs à l'oeuvre dans la communication ne sont pas identiques chez les deux interlocuteurs : la compréhension consiste à une reconstruction d'hypothèses sur l'acte de production, une reconstruction des processus cognitifs de l'Autre selon des critères qui sont propres à chacun. Ainsi, une représentation mentale par un interlocuteur ne sera jamais reproduite à l'identique chez l'Autre. Ce qu'engage la communication, c'est d'oeuvrer à fournir des indices afin d'optimiser la reconstruction par l'autre d'hypothèses sur ses représentations mentales, mais malgré tout le soin que peut prendre un locuteur pour optimiser cette pertinence, il ne sera jamais certain de la réussite de la communication, c'est-à-dire certain que la conclusion à laquelle arrivera l'Autre est exactement celle qu'il voulait lui faire inférer.

A.3. L'économie cognitive

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand