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Le roman pour adolescents et les outils numériques, évolution d?un paysage éditorial. comment internet devient le tremplin du marketing littéraire et des grands formats jeunesse ?

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par Adriana Tourny
Université de Villetaneuse Paris XIII - Commercialisation du livre - en alternance 2011
  

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    Adriana Tourny

    Le roman pour adolescents et les outils numériques,

    évolution d'un paysage éditorial

    Comment Internet devient le tremplin du marketing littéraire et
    des grands formats jeunesse ?

    Université Villetaneuse
    Paris VIII

    Tutrice : Corinne Abensour
    Responsable d'apprentissage : Laurence Bascle-Paransky

     

    Remerciements

    Je tiens tout d'abord à remercier Corinne Abensour, ma Directrice de Master et tutrice, pour avoir cru en ce projet et m'avoir soutenue durant sa rédaction.

    Un grand merci à Laurence Bascle-Paransky, ma responsable d'apprentissage aux Editions Nathan - Le Robert, pour avoir pris le temps et le soin de me guider dans ma réflexion en partageant ses idées et son expérience de professionnelle.

    Je remercie aussi les professionnels du livre pour leur collaboration et l'intérêt porté à mon étude :

    Mireille Tyckaert, directrice marketing de Nathan Jeunesse, Céline Vial, directrice Editoriale de Flammarion Jeunesse, Antoinette Rouverand, responsable marketing des Grands Formats chez Hachette Jeunesse, Anne Clerc, rédactrice en chef de Lecture Jeune, Laurent Bouvier responsable à l'agence Cinquième de Couve ainsi que la blogueuse de Lirado.

    Enfin, je souhaite remercier toute l'équipe du service diffusion des Éditions Nathan - Le Robert, dirigé par Max Prieux, pour sa gentillesse, son soutien et son aide lors de mes recherches.

    Table des matières

    Introduction 2

    I. Le roman pour adolescents : offre éditoriale ou produit marketing répondant à une demande ? 9

    A. Un lectorat difficile à cerner. 9

    1. L'adolescent lecteur, de l'enfant à la cible commerciale. 9

    2. Evolutions de la littérature ados. Les collections qui se démarquent. 14

    B. La littérature ados, un véritable segment et non un caprice éditorial. 18

    1. De la prescription au divertissement ou comment séduire les adolescents. 18

    2. Le relooking et Internet, les outils qui rendent le roman ados « tendance » . 24

    C. Le flaire de l'éditeur subordonné par le marketing ? 30

    1. Calculer le potentiel d'un roman ados et le promouvoir. Le marketing, décideur ou boussole ? 30

    2. Le marché du roman ados soumis à une concurrence accrue. 35

    II. Internet, le tremplin du roman pour adolescents. Quelles limites, quels dangers, quels avantages ? 40

    A. Internet, un outil de sociabilité qui change le rapport des jeunes à la lecture._ 40

    1. Les réseaux sociaux : une double promotion très active. 40

    2. Les Blogs et Forums : Quel fonctionnement ? Quelles prescriptions ? 47

    B. Quand les éditeurs et les auteurs se lancent dans la promotion numérique. 54

    1. Tara Duncan: un succès flamboyant. Recette de ce « produit » marketing. 54

    2. Les tentatives cyberpromotionnelles des éditeurs. 60

    C. Etude de cas : Bayard et les livres transmedias. 69

    III. Adopter le numérique pour séduire les digitals natives, une obligation future._ 75

    A. Librairies et bibliothèques, ce qui change pour le roman ados. 75

    1. Les librairies se numérisent. 75

    2. Les bibliothèques, de nouveaux espaces physiques et numériques. 78

    B. Internet devient un baromètre utile aux éditeurs pour de futures publications. ____ 82

    1. Comptabiliser et comprendre le lectorat grâce à Internet. 82

    2. Quand Internet fait intervenir les jeunes dans la création de contenus. 86

    C. Le roman ados et les outils numériques : Promouvoir et vendre différemment. ____ 89

    1. La nouvelle promotion pour les adolescents : quelques conseils pour devenir leur « ami ». ___ 89

    2. Le community management, l'avenir de la promotion du livre et de l'éditeur. 95

    Conclusion 99

    Bibliographie 104

    Annexes 110

    Introduction

    La littérature, je l'ai, lentement, voulu montrer,
    c'est l'enfance enfin retrouvée.
    Georges Bataille
    Extrait de La littérature et le mal.

    La littérature pour adolescents, qu'est-ce donc? Une littérature << pour >> quelqu'un sous-entend qu'elle a été pensée et adressée à un lectorat en particulier et rapproche soudainement la littérature à un produit industriel fait sur mesure pour combler un besoin, une demande. Ce genre de littérature, dénoncée par le sociologue Pierre Bourdieu, s'éloignerait alors du concept de l'art pour l'art et ôterait à son artiste toute la spontanéité et l'originalité de son oeuvre. Cette littérature populaire qui remonte aux romansfeuilletons, écrite pour divertir le peuple français du XIXe siècle, provoque encore aujourd'hui de nombreuses polémiques. La littérature jeunesse, bien avant la littérature pour adolescents, a subi les mêmes attaques. Créée pour un lectorat spécifique, les enfants, cette littérature a été conçue dans l'optique de communiquer avec un destinataire et s'y est donc adaptée. Cette démarche pourrait paraître évidente aujourd'hui et pourtant elle gêne encore certains spécialistes qui ne voient en la littérature jeunesse qu'une création marketing, un segment arbitraire, dénué de capital littéraire. François Busnel, Directeur de Rédaction du magazine Lire a provoqué un tumulte la semaine précédant le lancement du Salon du livre jeunesse de Montreuil 2011. Voici ce qu'il a écrit dans sa chronique du magazine L'Express :

    << Je dois l'avouer, je n'ai jamais cru aux vertus de ce que le monde de l'édition appelle la "littérature jeunesse". Sans doute est-ce une tare, mais ce "secteur" m'est toujours apparu comme une invention marketing destinée à écouler une production souvent mièvre et à soutenir des maisons en mal de chiffre d'affaires. >>1

    La reconnaissance d'un genre, d'une oeuvre, la réception d'une littérature, la place du
    lecteur face à l'autorité de l'auteur sont aujourd'hui des topos qui ne surprennent plus. Si

    1 L' Express.fr : Chronique de François Busnel, le 24.11.2010.

    Jean-Paul Sartre défendait la nécessité d'un lecteur pour qu'il y ait livre et que la littérature ait été pensée pour un lecteur, d'autres, au contraire, continueront à penser que la littérature provient de la plume de l'auteur, sans intention de plaire. Nous n'irons pas plus loin dans ce débat interminable où chaque camp est défendable mais resterons concentrés sur le problème de la littérature << pour >> adolescents qui, parce qu'il y a cible, sous-entend un travail marketing direct. Par conséquent, ce << pour >> pourrait être un moyen de préciser que cette littérature appartient à la littérature jeunesse et non à la littérature générale. Ainsi, la littérature pour adolescents est soumise à la Loi de 1949 visant à protéger le jeune lectorat de sujets sensibles et non adaptés. Le << pour >> pourrait aussi bien être un moyen de souligner que l'essence de cette littérature ne résiderait pas dans le contenu mais bien dans le destinataire et par conséquent, dans le contenant. Par contenant, nous entendons ainsi le style de l'auteur, adapté à l'enfant, et le livre en tant qu'objet, travaillé par l'éditeur en fonction de son destinataire. Marc Soriano écrit au sujet de la littérature jeunesse : << Pour

    étudier correctement ce domaine, et peut-être pour le distinguer dans toute son ampleur, iifaut renoncer à la notion purement littéraire de « genre », et s'accrocher à un autre type

    de réalité : celle des publics concernés par cette littérature et de la fonction qui, d'une époque à l'autre, lui est assignée >>2. Car il est évident qu'un auteur, par un souci de compréhension ou de morale, n'écrirait pas pour des enfants comme il le ferait pour des adultes.

    L'article 1 et 2 de la Loi du 16 juillet 1949 stipulent ainsi que << sont assujetties aux prescriptions de la présente loi toutes les publications périodiques ou non qui, par leur caractère, leur présentation ou leur objet, apparaissent comme principalement destinées aux enfants et adolescents. Sont toutefois exceptées les publications officielles et les publications scolaires soumises au contrôle du ministre de l'éducation nationale. >>

    De plus, << les publications visées à l'article 1er ne doivent comporter aucune illustration, aucun récit, aucune chronique, aucune rubrique, aucune insertion présentant sous un jour favorable le banditisme, le mensonge, le vol, la paresse, la lâcheté, la haine, la débauche ou tous actes qualifiés crimes ou délits ou de nature à démoraliser l'enfance ou la jeunesse, ou à inspirer ou entretenir des préjugés ethniques. Elles ne doivent comporter aucune publicité ou annonce pour des publications de nature à démoraliser l'enfance ou la jeunesse. >>

    2 Lartet - Geffard Josée, Le roman pour ados, une question d'existence. Ed.du Sorbier, Paris, 2005, p.27.

    Par cette loi, l'adolescent est donc bien compris dans l'enfance. Une question se pose alors. S'il est assez aisé de définir ce qu'est l'enfance, comment définit-on l'adolescence ?

    L'adolescence est une période de la vie dont les définitions évoluent au fil du temps et varient selon les groupes. L'adolescence commencerait à la puberté mais quand finiraitelle ? Lui donner une définition sans tomber dans les clichés sociétaux serait difficile. Ne sont pas adolescents tous les fans d'Harry Potter, ne sont pas adolescentes toutes les femmes fanatiques de vampires et ainsi, ne sont pas adolescents tous les lecteurs de livres jeunesse. S'il est important de pouvoir protéger la jeunesse, il devient difficile de poser des frontières à un adolescent qui se sent infantilisé en se voyant imposer à lui une littérature jeunesse. Un événement assez récent est venu modifier et complexifier le rapport entre la littérature et l'adolescence.

    L'arrivée d'Internet dans les foyers français et sa démocratisation a radicalement changé le mode de vie des jeunes qui ont vu en cet outil une nouvelle activité pleine de divertissements et totalement adaptée à leurs besoins. Ils se seraient donc éloignés de la lecture pour se tourner vers la « grande Toile ». Celle-ci leur offre un espace moins restreint par les lois et les étiquettes. Un autre avantage à Internet est aussi celui de la communauté. L'adolescence est un âge où l'on se construit, où l'on cherche à partager ses passions avec ses pairs, à en découvrir de nouvelles, à communiquer autour de sujets qui leur sont propres et surtout à appartenir à un groupe autre que familial. Internet devient rapidement un espace privilégié pour les jeunes. Blogs, forums ou réseaux sociaux, Internet valorise la création de communautés, l'échange d'expériences personnelles et la communication instantanée. Les adolescents peuvent ainsi faire ce dont ils ont toujours raffolé mais, cette fois, sans sortir de leur chambre. Les pratiques culturelles des jeunes, comme celles des français en général, ont été modifiées par l'arrivée d'Internet. L'enquête menée par Olivier Donnat3 souligne bien l'attachement des adolescents au monde du multimédia. Car n'oublions pas que les téléphones portables et aujourd'hui les Smartphones sont aussi des vecteurs importants dans les changements des pratiques culturelles des adolescents.

    3 Donnat Olivier, Les pratiques culturelles des français à l'ère du numérique, Ed. La Découverte, Paris, 2009.

    De toutes ces interrogations découle une véritable remise en question. Le monde éditorial est en véritable ébullition de par l'arrivée du livre numérique et des liseuses. Toutefois, les éditeurs français ne semblent pas avoir pris conscience du pouvoir d'Internet en matière de promotion et de prescription de la lecture. Si les éditeurs se lancent dans de nombreuses campagnes Internet, comprennent en-t-ils le mécanisme et sont-ils suffisamment conscients des changements qu'Internet va engendrer dans leur profession même d'éditeur ? Internet a peut-être éloigné les jeunes de la lecture de par son aspect convivial et facile d'accès. Pourtant, il paraît être la solution pour rendre la littérature, pour adolescents et auprès des adolescents, plus tendance. La majorité des adolescents voient en la lecture un acte solitaire mais Internet pourrait la rendre collective, communautaire.

    Des signes d'une prise de conscience apparaissent chez de gros éditeurs de littérature jeunesse comme Hachette qui, dû à leur préoccupation de rendement budgétaire, ont rapidement compris qu'Internet serait l'espace parfaitement adapté à la promotion de la littérature jeunesse. Toutefois, Internet serait-il approprié à toute la littérature ados ? Il peut être dangereux d'accentuer le marketing via le numérique alors que cette littérature cherche une reconnaissance littéraire.

    Il y a déjà longtemps que les anglo-saxons ont saisi l'intérêt de positionner la littérature ados sur Internet afin de s'imposer comme un segment à part. Par ailleurs, Internet serait l'opportunité rêvée pour les éditeurs de comprendre ces lecteurs, considérés comme très exigeants. Ils ne se sont d'ailleurs pas arrêtés à cet avantage. Ils y ont vu le moyen d'ouvrir véritablement la littérature ados aux Young Adults, ces adultes qui ont lu Harry Potter et Twilight mais qui pourraient encore se sentir honteux de lire de la littérature jeunesse. Internet serait alors un moyen de communiquer, de promouvoir, de recruter, de fidéliser, de divertir et de faire lire...

    Ce projet est né de toutes ces interrogations qui viennent faire s'affronter le monde de la jeunesse à la littérature générale, l'éditorial au marketing et le print au numérique. Sans tomber dans une étude sociologique sur les pratiques de lecture des adolescents, nous tenterons de voir l'interaction entre le roman ados, les ados, les éditeurs et les stratégies marketing via le numérique. Ce public jeune, ouvert aux changements et actif, va permettre aux éditeurs de littérature jeunesse de prendre plus de liberté. Ils vont ainsi se lancer dans l'expérience d'un nouveau rapport à la lecture, ainsi qu'aux lecteurs, en exploitant les deux espaces de prédilection actuels que sont Internet et les portables. Un moyen pour eux d'être les éclaireurs d'une nouvelle communication.

    Cela nous mène à nous demander dans quelles mesures les nouvelles technologies, dont principalement Internet, prises comme armes marketing, ont-elles participé à imposer le roman pour adolescents sur le marché éditorial ? De même, comment le roman pour adolescents permet à l'édition de se renouveler grâce à un lectorat qui s'affirme largement dans le paysage culturel avec des pratiques innovantes ?

    Dans la première partie de cette étude nous tenterons de voir si le roman pour ados est une offre éditoriale ou un produit marketing répondant à une demande. Nous dégagerons les limites entre le marketing opérationnel et le marketing à penchant éditorial. Tout d'abord, il sera nécessaire de mieux redéfinir les caractéristiques de ces adolescents qui aujourd'hui attirent le regard des éditeurs et qui font parler les médias. Sans en retracer toute l'histoire, il sera question de comprendre quand, comment et pourquoi les adolescents sont devenus une cible commerciale pour les industries en générale puis pour l'industrie du livre. Pour cela, deux nouveaux concepts impliquant l'adolescence seront à expliquer : celui de « jeunes adultes », ce segment qui pousse le roman ados vers ses limites et celui de « digitals natives », natifs du numérique qui vont pousser le monde culturel à s'adapter à leur mode de vie. Nous étudierons aussi comment la littérature pour ados a évolué depuis les premières collections des années 70. De la réédition de titres de littérature générale aux grands formats ados en passant par les collections poches, nous montrerons que les éditeurs ont construit cette littérature en fonction des métamorphoses du lectorat. Cette partie se veut introductive à la corrélation entre évolution du genre, évolution du lectorat et évolution technologique. Je tenterai de prouver qu'il y a, en effet, un impact très important de l'émergence des digitals natives sur cette littérature.

    Dans un second temps, nous démontrerons que la littérature ados est un véritable marché et non un caprice éditorial. Accusé de n'être qu'une invention des éditeurs pour arrondir leurs fins de mois, le roman ados à de quoi se défendre. Ainsi, nous retracerons le passage du genre de la prescription au divertissement et les raisons de son succès tardif. Pour finir cette partie, Internet, centre des préoccupations actuelles, sera présenté. Si les campagnes promotionnelles ne doivent pas se reposer uniquement sur cet outil, elles ne peuvent pourtant pas s'en passer. À l'aide de chiffres et de témoignages de professionnels du livre jeunesse, le lien entre littérature ados et Internet se posera comme une évidence.

    Nous conclurons cette première partie en distinguant le flaire de l'éditeur à celui du marketing. Ainsi, nous observerons comment la concentration éditoriale, de par un besoin de rentabiliser ses ventes, va donner du poids au marketing. Nous essayerons de mieux

    visualiser le paysage éditoriale jeunesse français en comparant les différentes stratégies adoptées selon l'appartenance ou non à des groupes financiers. Entre raisons économiques et convictions réelles, nous verrons comment différents éditeurs décident de publier un roman pour ados.

    Dans une seconde partie, nous nous concentrerons sur les tentatives de lancement sur Internet effectuées, ces dernières années, par les éditeurs jeunesse français.

    Tout d'abord, nous expliquerons le rapport des jeunes avec Internet. Ici interviendront les termes de réseaux sociaux, forums et surtout de blogs. Les blogueurs sont des nouveaux acteurs avec qui l'éditeur doit absolument travailler. Nouveaux prescripteurs, de véritables communautés de blogueurs littéraires se sont créées afin de mieux défendre ce marché et de l'ouvrir à de nouveaux lecteurs. Cette partie montrera combien l'apport social d'Internet sera à exploiter par les éditeurs jeunesse mais aussi comment les jeunes entrent en contact avec la culture et même l'animent seuls sur le Net. Par conséquent, nous aborderons ici une nouvelle forme de prescription, celle des jeunes entre eux. Nous verrons comment celle-ci semble devancer la prescription des professionnels du livre et les conséquences qui en découlent.

    Dans un second temps, nous ferons une étude de cas sur la fameuse série française Tara Duncan, publiée chez Xo éditions. Cette série est un coup marketing flamboyant auquel l'auteur participe grandement. Il sera donc intéressant d'en comprendre les origines, les conséquences mais aussi de poser les limites à ce produit littéraire. Du côté des éditeurs, il sera principalement question de la découverte du marketing viral. En étudiant des sites d'éditeurs français et anglo-saxons, dédiés à la littérature ados, nous observerons comment la simple communication cache un jeu de promotion intense.

    Le troisième angle abordé dans cette partie sera une étude de cas sur les récentes publications des éditions Bayard Jeunesse, les séries Cathy's Book et Skeleton Creek. L'étude de ces publications permettra de souligner l'apport du numérique pour une lecture interactive, pour une après lecture mais aussi pour un bon référencement, du livre et de la marque, sur Google. Ici seront posées les limites du pouvoir d'Internet et nous illustrerons la demande des jeunes lecteurs concernant la qualité littéraire en complément au divertissement.

    La troisième partie de ce projet sera tournée vers l'avenir. Une fois l'importance d'un marketing numérique pour la littérature ados prouvée, nous insisterons sur ce qui reste à faire, à comprendre et surtout, à anticiper.

    Tout d'abord, nous ferons un point sur les bibliothèques et les librairies qui commencent à accorder une importance toute particulière à ce segment qu'est la littérature ados. Il est nécessaire de montrer comment le roman ados pousse tous les acteurs de la chaîne du livre à revoir leurs méthodes de travail et à s'intéresser au potentiel du numérique.

    Dans un second temps, nous mettrons en lumière Internet en tant que baromètre utile aux éditeurs pour de futures publications. En effet, Internet devient un moyen de comptabiliser et de comprendre le jeune lectorat. Parmi les fans de pages Facebook, les inscrits aux forums, les inscrits des blogs et les jeux concours, les éditeurs peuvent aujourd'hui suivre en temps réel les connexions des internautes-lecteurs et mieux cerner leurs comportements d'acheteurs. En complément à cette analyse, nous regarderons comment certains éditeurs jeunesse britanniques ont décidé d'accorder une place significative aux avis des internautes-lecteurs en amont des décisions de publications. En observant le travail de fond que permet Internet sur le roman ados, nous pourrons entrevoir ce qui va véritablement changer dans le monde de l'édition, pour le pire et pour le meilleur.

    Pour conclure cette troisième partie, nous finirons notre étude par un petit point sur les futures évolutions possibles dans le marketing littéraire numérique. Des conseils de professionnels du livre seront rassemblés pour mieux se préparer à l'avenir de l'édition numérique. Pour finir, nous nous arrêterons sur le métier de l'avenir éditorial, celui de community management. Entre marketing, service de presse et éditeur, le community manager est le métier qui permettra aux maisons d'édition d'évoluer sereinement dans l'ère numérique.

    La révolution numérique est en marche et les éditeurs doivent en comprendre les enjeux et les stratagèmes qui leurs permettront de réussir. Face au fort développement du marketing, les éditeurs devront savoir évoluer en devenant producteurs de contenus multimédias mais aussi webmarketeur.

    I. Le roman pour adolescents : offre éditoriale ou produit

    marketing répondant à une demande ?

    A. Un lectorat difficile à cerner.

    L'adolescence est un passage qui n'a pas de limite prédéterminée. Considérer les adolescents comme un groupe compact et indistinct serait une erreur fatale. Pourtant, les éditeurs se sont lancés dans une segmentation systématique en ce qui concerne la littérature jeunesse. Définir si tel ou tel livre sera << ados >> n'est pas mince affaire mais demande un travail préalable d'observation très sérieux. Avant de coller des étiquettes, nous tenterons de comprendre ce qu'est véritablement l'adolescence ?

    1. L'adolescent lecteur, de l'enfant à la cible commerciale.

    Le terme << adolescent >> vient du latin << adolescere >>, qui signifie << celui qui est en train de grandir >>. Pris comme un état de transformation, l'adolescence reste une notion très incertaine qui devient plus sombre avec le temps. La définition de l'Encyclopaedia Universalis décrit bien la difficulté d'une définition : << Enfance et adolescence peuvent être définies comme étant cette période de l'existence dans laquelle l'individu croît et se développe jusqu'au moment où il atteint l'âge de la maturité >>. La maturité est une chose arbitraire qui ne s'atteint pas obligatoirement passé les 20 ans, ce qui sous-entend que la fin de l'adolescence varie selon chaque être.

    Au début du XXe siècle, l'adolescence est synonyme d'ingratitude, d'inadaptation et d'errance. L'adolescent pris dans les torpeurs de la vie, dans la quête d'une identité apparaît déjà dans les romans du XIXe siècle comme le fameux Julien Sorel de Stendhal ou Julien de Rubempré de Balzac. Les choses commencent à réellement changer en 1975 avec la réforme Haby, mise en place en septembre 1977, qui instaure le collège unique. Elle unifie les structures pédagogiques en supprimant l'organisation de la scolarité en filière. En dix ans, 90% des élèves poursuivent leur scolarité au collège. Cette massification fait alors de l'adolescence une classe spécifique.

    << Cette appellation spécifique "d'adolescents", vexés d'être assimilés aux enfants et se démarquant par rapport à la culture traditionnelle, finie par désigner ce que les anglosaxons dénomment teenagers ou plus exactement, la jeunesse en âge d'école secondaire » écrit Daniel Delbrassine4.

    Le roman pour adolescents est un << objet culturel » très récent. Pris dans la littérature jeunesse, il faudra du temps au roman pour adolescents à s'en émanciper mais c'est en chemin. Depuis les années 80, les éditeurs tentent de cerner ce conglomérat de jeunes en formation sans pour autant comprendre réellement leurs caractéristiques. Trop mouvants, dû aux effets de mode, encore trop passifs dans la société, les adolescents vont mettre du temps à se révéler aux yeux de l'industrie du livre. Les industries de la musique, de la mode et de l'audiovisuel seront prioritaires.

    Malgré le succès de quelques collections, il faudra toutefois attendre la fin d'Harry Potter pour que l'adolescent devienne un lecteur prisé. Les éditeurs ont compris, grâce à ce succès phénoménal, que les adolescents lisent mais qu'ils ont aussi le pouvoir d'influencer les adultes à lire de la littérature jeunesse. La littérature dite transgénérationnelle s'est démocratisée avec Harry Potter. Ainsi, l'adolescent reste un enfant dans le foyer et au sein du système scolaire mais devient un acteur économique et culturel pour l'industrie du livre. La littérature dite cross age qui correspond au roman ados vient du fait que l'adolescence n'est plus cette période difficile entre l'enfant et l'adulte. Aujourd'hui, les nouveaux termes de "préadolescence", pour les enfants de 10-12 ans, et "d'adulescence", pour les plus vieux. Finalement, l'adolescence devient, comme le dit Tibo Bérard, fondateur de la collection eXprim chez Sarbacane, << un état d'esprit »5 où tout est possible, où les règles sont affranchies, où tous les sujets sont abordés, où la culture jeune se retrouve. L'adolescent ne veut pas lire des textes infantilisant. Être "jeune" rejoint la famille, l'absence de liberté et d'autonomie. Ce n'est sûrement pas ce qu'ils souhaitent trouver dans la littérature actuelle. La culture adolescente s'est éloignée de la jeunesse pour se rapprocher des valeurs adultes. On le voit au sein des familles. Les rapports entre générations ont changé et l'adolescent revendique toujours plus son autonomie, ses particularités et surtout sa liberté.

    4 Delbrassine Daniel, Le roman pour adolescents aujourd'hui : écriture, thématique et réception. Ed. CRPD Académie de Créteil, 2006.

    5 Nouvel Observateur.fr : Faut-il kiffer la littérature ados ?, Entretien de Tibo Bérard par Jonathan Reymond, 03.12.2010

    « Les jeunes adultes » : Revenons sur ce segment littéraire qui nous arrive doucement en France via Internet plus spécialement. Ce lectorat, composé de jeunes entre 17 à 30 ans environ, a été cerné dès les années 70 aux États-Unis. C'est un terme qui plaît car il grandit les plus jeunes et rajeunit les plus vieux. Un roman jeune adulte peut entrer dans un genre comme dans un autre mais, surtout, concerne quiconque qui se sent jeune d'esprit. C'est un moyen très efficace d'élargir son lectorat et son catalogue. Twilight a permis de confirmer ce qu'Harry Potter avait fait naître. Une nouvelle littérature est attendue par ces jeunes lecteurs qui commencent à exprimer leurs attentes aux éditeurs. Par ailleurs, si le contenu des livres jeunes adultes doit être différent de ce qui a été fait, la communication autour du livre même doit évoluer. L'arrivée d'Internet dans les foyers a considérablement modifié le rapport des jeunes à la lecture. Nous ne nous baserons pas sur le travail de Christian Baudelot et Christine Detrez Et pourtant ils lisent6 qui, même si très bien fait, n'est plus aujourd'hui d'actualité. Le rapport d'Olivier Donnat, Les pratiques culturelles des français à l'ère numérique7, permet de mieux comprendre les réalités sociales. En effet, en un mois, 90% des 15- 35 ans, ont passé du temps sur Internet et 60% d'entre eux admettent le faire tous les jours. Cette fréquentation d'Internet baisse radicalement passé l'âge de 35 ans. En lien avec la lecture de livres, et non de quotidiens, les résultats sont en recul dans tous les âges. Les gros lecteurs de 15 à 25 ans, c'est à dire ceux qui lisent un livre par mois au moins, sont passés de 20% à 15%. Les petits lecteurs ont aussi baissé de 10%. Ce constat n'a rien de très surprenant. Selon Olivier Donnat, d'autres études de pratiques de lecture montraient déjà la baisse constante de lecteurs, d'une génération à une autre. Internet n'a fait qu'accentuer le phénomène. Mais revenons du côté des éditeurs. Si cette enquête pourrait les faire renoncer à la littérature ados, il n'en est rien. Internet a des qualités que la presse spécialisée n'avait pas et peut permettre aux éditeurs d'aller chercher les ados et de les comprendre. Le marketing éditorial a un aspect sociologique capital. En effet, les services marketing de maisons d'édition se sont rendu compte qu'Internet pouvait ne pas devenir un ennemi du livre mais un allié.

    Les adolescents et les jeunes adultes se rendent sur Internet afin de se divertir mais aussi pour participer à des communautés très actives. Réseaux sociaux, blogs et forums sont les terrains de jeux préférés des jeunes. En Europe, 24% du temps libre des 15-24 ans

    6 Baudelot Christian et Detrez Christine, Et pourtant ils lisent. Ed. Seuil, Paris, mars 1999.

    7 Op.cit. Donnat Olivier.

    est passé sur Internet contre 10% à la lecture, sans oublier que 88% des 12-18 ans ont aujourd'hui un téléphone portable. En 2008, 82% des créateurs de blogs ont entre 11 et 25 ans8. La culture jeune est doublée d'une culture numérique que les éditeurs vont devoir adopter. Cette culture numérique rejoint un concept initié par l'américain Mark Prensky9, celui de << digital natives >>. Mark Prensky est un enseignant-chercheur qui s'est intéressé au nouveau rapport qu'ont les adolescents et jeunes adultes d'aujourd'hui envers la société, la consommation, les marques, les médias etc. Selon lui, ces jeunes sont natifs du numérique, ce qui n'est pas sans conséquence sur leur fonctionnement. Leurs aînés seraient par conséquent de simples << digital immigrants >> qui ne maîtriseraient pas aussi bien les nouvelles techniques de communication numérique et pour qui elles ne seraient pas systématiques. Évidemment, de nombreuses réponses sont apparues pour détruire cette thèse. Ce qui est intéressant pour le monde éditorial et plus particulièrement pour la littérature ados - jeunes adultes, reste que les jeunes ne sont plus les mêmes que la génération passée. S'il y a longtemps de cela, la télévision a pu apparaître comme un frein à la lecture, Internet devance désormais ce média. Les nouvelles technologies introduisent de nouveaux comportements et de nouvelles exigences. Car oui, les digitals natives sont exigeants envers les marques. Une soif de prise de parole fait rage dans le monde numérique. Comme nous l'avons vu avec les chiffres, les blogs et réseaux sociaux permettent aux jeunes une communication instantanée qui les rapproche. Par conséquent, Internet devient rapidement le meilleur outil de sociabilité. Contrairement au livre, qui est une pratique solitaire, Internet offre aux jeunes une vie sociale constante, même après l'école. L'envie d'être en groupe, d'appartenir à une bande, de partager ses coups de coeur, sont des caractéristiques propres à l'adolescent depuis des décennies. Internet a simplement facilité tout ça. Ces phénomènes engendrés par Internet posent de nombreux problèmes aux industries tout autant qu'à l'industrie du livre. Comment faire accepter ce produit face à toute la concurrence présente sur le Net ? Comment s'adresser à une cible dont les pratiques médias et les centres d'intérêt sont si fragmentés ? Les digitals natives sont de bons consommateurs mais ils sont difficiles à séduire. En effet, le concept de Mark Prensky s'est vu prolongé par d'autres chercheurs. L'University College of London s'est

    8 SNE, Conférence Que lisent les adolescents ? Toulouse, 2007.

    9 Prensky Marc, Teaching digital natives, Corwin Press, 2010.

    lancé dans des recherches approfondies sur ce qu'ils appellent la Google Generation10. Leurs conclusions se rapprochent de celles de Prensky mais sont plus pessimistes. Cette génération est une génération zapping, une génération qui passe d'un site à un autre en quelques secondes, qui ne lirait plus les contenus des sites comme nous le ferions dans un livre. Les jeunes internautes savent rapidement si oui ou non ils vont rester sur un site et pour cela tout compte. Le design, l'intitulé, la police, les critères varient mais la vitesse jamais. Attention, les jeunes ne sont pas sceptiques face à la consommation, au contraire, Internet est l'outil qui s'adapte au mieux à leur besoin de consommer rapidement. Consommer ne signifie pas acheter mais consommer des articles, de la musique gratuite, des vidéos Youtube etc. Pour que l'acte d'achat se fasse tout se complique. Comme le souligne très bien l'article du magazine économique Stratégie, << les adolescents ne sont pas dupes des discours des annonceurs >>11 . Lionel Steeve, président de ID 15-24, une agence conseil spécialisée dans les jeunes explique << qu'il ne faut pas les endormir car ils connaissent les codes publicitaires >>12. Un autre critère concernant les jeunes est leur volonté à être considérés comme être humain et non comme << parts de marché >> ou pire, simples jeunes. Béatrice Toulon, rédactrice en chef de Phosphore raconte << qu'il faut qu'on leur parle adulte en bannissant le paternalisme et le jeunisme tout en restant respectueux>>13 .

    Les industriels vont devoir retravailler leurs sites Internet et changer leurs techniques de ventes. Car si les digitals natives sont de bons consommateurs, ils ne sont pas faciles à convaincre. Nous verrons dans la dernière partie de cette étude les conseils que proposent certains professionnels afin de rendre le marketing online efficace.

    Nous comprenons donc que les éditeurs ont, en face d'eux, un véritable potentiel d'acheteur-lecteur. Toutefois, obtenir leur confiance demandera beaucoup de travail et de patience. Il leur faudra comprendre le comportement des jeunes et pour cela, investir Internet de manière amicale, de façon sociale. Quelques éditeurs français se sont déjà lancés dans ce genre d'entreprises et le succès est parfois surprenant. Il faut bien retenir que les adolescents ne sont plus des enfants mais de jeunes adultes à la quête d'une voix et d'une écoute. Anciennement passif, l'adolescent recherche aujourd'hui l'activité. Certes,

    10University College of London. The Google Generation. Information behaviour of the researcher of the future, 11 janvier 2008.

    11 Stratégie.fr : Génération Zapping, 26 février 1999

    12 Ibid. Stratégie.fr.

    13 Ibid. Stratégie.fr

    les adolescents restent versatiles et peuvent en décourager plus d'un mais l'accueil réservé à un livre qui les touchent n'est comparable à rien. À ce public particulier doit être offert une littérature particulière...

    2. Evolutions de la littérature ados. Les collections qui se démarquent.

    Ce n'est qu'à partir des années 70 que le secteur de l'édition pour adolescents a émergé pour devenir ce que l'on connaît actuellement. En effet, comme nous l'avons vu au-dessus, l'adolescent a pris une place plus importante dans la vie sociale et économique. La scolarisation et le Baby-boom ont produit un lectorat plus large et plus exigeant. Alors que l'édition jeunesse des années 50 et 60 jouait la carte de la prudence et de la tradition en réimprimant en jeunesse des titres de littérature générale, celle des années 70 se décomplexe. Les prescripteurs et parents poussent les éditeurs à proposer de nouveaux thèmes, plus jeunes et plus proches des adolescents.

    Plein Vent est la première collection à se lancer dans l'aventure en 1966. Fondée par André Kedros pour la maison Robert Laffont et destinée aux jeunes entre 12 et 16 ans, cette collection propose des romans d'aventure d'un bon niveau littéraire. Soucieux de la véracité des faits contés dans les livres, les auteurs s'appuient systématiquement sur les sciences et les techniques de leur temps. La pression des prescripteurs et les valeurs encore sévères de l'époque se ressentent bien dans la collection Plein Vent.

    En 1972, les éditions belges Duculot créent la collection Travelling. Dans un souci de répondre aux besoins spécifiques des adolescents, Travelling devient rapidement une collection audacieuse qui ose aborder des sujets comme la sexualité. En préservant une qualité littéraire digne de la littérature générale, la collection sort la jeunesse des histoires édulcorées. En 1973, la collection Les Chemins de l'amitié, dont les préoccupations sont comparables à celles de Travelling, est créée par les Editions de l'amitié - G.T.Rageot. Vient ensuite, en 1974, la collection Grand Angle de G.P Rouge et Or, toujours dans la même lignée.

    À la suite des évolutions socioculturelles des années 80, les éditeurs en viennent à la création de collections spécifiquement dédiées aux adolescents. Deux tendances sont à relever chez les éditeurs. D'un côté se trouvent les collections soutenues par les prescripteurs comme Médium de L'Ecole des Loisirs créée en 1982, DoAdo des éditions

    du Rouergue créée en 1998 ou encore Romans des éditions Thierry Magnier créée aussi en 1998. DoAdo est une collection qui plaît aux enseignants car elle a su développer ce que l'on nomme aujourd'hui le roman << miroir >>, c'est-à-dire qui soulève des problématiques réalistes pour les adolescents. DoAdo aborde les questions sous un angle social, voire militant. De l'autre côté, se trouvent des collections plus divertissantes que pédagogiques mais qui travaillent toujours dans un souci certain de qualité littéraire comme Page Blanche de Gallimard Jeunesse, Tribal de Flammarion, créée en 1999, ou encore Fictions des éditions du Seuil. << Auparavant, le lecteur passait presque directement de la Comtesse de Ségur à Mauriac ou Camus, qu'il ne comprenait pas forcément >>, raconte Christine Baker, Directrice Éditoriale de Gallimard Jeunesse, à Lecture Jeune14.

    Les collections, développées durant les années 80 et 90, sont d'une qualité supérieure à leurs prédécesseurs. Dans une volonté de légitimation du roman jeunesse et adolescents, les éditeurs se sont appuyés soit sur leur réputation auprès de prescripteurs soit sur leur réputation littéraire et ont tenté d'échapper à la production de masse. Elles ont permis à la jeunesse de s'affranchir des classiques et d'introduire des textes inédits, aux contenus éducatifs et réalistes.

    Une forte polarisation au sein du roman ados arrive dès les années 2000. En effet, certaines collections continuent dans leur élan comme DoAdo ou Thierry Magnier. De nouvelles collections sont créées avec des univers plus modernes, soucieuses d'une qualité littéraire mais ancrées dans le temps comme eXprim de Sarbacance fondée en 2006. En créant eXprim, Tibo Bérard voulait une collection << urbaine, musicale inscrite dans une vraie fiction >>. Il souhaite << déclencher un choc >>15 à la lecture, bousculer les habitudes. D'autres éditeurs entrent dans la course à la jeunesse avec des formules plus mass market. Pocket Jeunesse, par exemple, veut faire de la lecture plaisir, sortir de la prescription des enseignants et propose ainsi des textes très différents des collections passées. Albin Michel lance Wiz en 2002 et Gallimard développe Folio Junior. En 2008, Hachette Jeunesse crée la collection << Black Moon >> à l'occasion de la série phénomène Twilight. Les éditions Harlequin s'y mettent aussi avec la collection Darkiss ou encore Castelmore chez Bragelonne. Gallimard et Flammarion restent cependant très au milieu de ces deux camps. Ces collections, développées chez de grands éditeurs, ont un penchant immédiat pour ce

    14 Lecture Jeune. N°137, Les jeunes adultes et la littérature, Paris, mars 2011, p.20.

    15 Op.cit. Nouvel Observateur.fr : Faut-il kiffer la littérature ados ?

    que l'on peut appeler « l'imaginaire >>. Depuis, Harry Potter, un suivisme général s'est effectué du côté de la littérature fantaisie. Twilight a développé le genre fantastique et le thriller vient parsemer tout ça. Il faut déstabiliser les adolescents, les effrayer, les faire s'échapper de la réalité, contrairement aux autres collections qui les poussent à mieux vivre dans leur société.

    Malgré la polarisation, le contenu de chaque collection diffère selon le directeur éditorial. Alors que Gallimard Jeunesse avoue se fixer des limites « évidentes >>, en bannissant tout texte prônant le racisme, le militantisme ou la perversité, d'autres s'en posent moins comme eXprim qui a fait polémique avec le titre Je reviens de mourir. Cependant, eXprim n'a pas totalement tort de se permettre de tels contenus puisqu'elle n'est pas une collection légitimement « jeunesse >>.

    Des précisions doivent être faites concernant certaines collections. Parmi celles nommées précedemment, quelques collections ont la particularité de ne pas être soumises à la loi de 1949 sur la littérature jeunesse. Sont ainsi concernées les collections DoAdo et ses déclinaisons (Noir, Monde), 15-20, eXprim et eXprim Noir et enfin Territoires des éditions Fleuve Noir. Ces décisions font de ces collections des collections de littérature générale et non plus jeunesse. DoAdo est soutenue par les prescripteurs comme une collection jeunesse, dans un cadre scolaire réservé aux enfants de moins de 18 ans, et dont les livres ne sont pas jeunesse. Tout se complique. On comprend que les éditeurs, en faisant ce choix, se sont libérés des règles de bienséances appliquées à la littérature jeunesse. Cela ne signifie pas pour autant que les romans seront dépourvus de morale. Évidemment, les romans ados restent une littérature jeune où tout doit être abordé mais d'une certaine manière. Les choix seront donc arbitraires. Thierry Magnier critique ouvertement l'hypocrisie de la loi de 1949 : « si nous, éditeurs, décidons qu'un bouquin et bon pour les adolescents, ce n'est pas de la provocation. Et puis, un bouquin ne peut pas être dangereux. On peut l'arrêter quand on veut >>16.

    Les romans de jeunesse rencontrent une reconnaissance tardive. En 1996, cette littérature entre au collège dans le cadre d'une réforme mise en place par François Bayrou. Le principe de ce changement est de laisser une grande place à la liberté, au choix de lecture tout en conseillant la lecture d'ouvrages écrits par des contemporains. C'est une

    16 Lecture Jeune. N°137. p.20.

    véritable opportunité pour les éditeurs qui y voient un moyen de reconnaissance et de gain de capital littéraire. Toutefois, il faut garder à l'esprit que seuls quelques éditeurs seront prescrits, les autres ne proposant pas des contenus assez pédagogiques. Cette loi a renforcé la polarisation du roman jeunesse et ados. Les stratégies des grands éditeurs s'opposent à celles des petits, la course aux best-sellers fait de l'ombre aux livres à budgets plus réduits. Les libraires mêmes se divisent les productions. Les librairies spécialisées prennent les petits et les grandes surfaces et les espaces culturels récupèrent les gros. EXprim reste un très bon exemple de collection ados qui cherche encore sa légitimité. Les journalistes lui reprochent souvent l'usage d'un français courant et familier (utilisation du verlan), dont eXprim est friand, mais l'accusent aussi d'une séduction calculée pour vendre aux jeunes. Les éditeurs s'en défendent en répondant que publier des livres qui leur ressemblent n'est pas automatiquement du marketing.

    Il ne faut pas oublier le rôle crucial des bibliothèques dans la prescription des ouvrages pour ados. Certains éditeurs n'ayant pas les moyens de s'imposer face à l'Education Nationale comptent entièrement sur les réseaux de bibliothèques. Nous accorderons une attention toute particulière aux bibliothèques dans notre dernière partie.

    Finalement, eXprim, DoAdo et Territoires sont des collections précurseurs de la littérature Young Adult en France. Destinées à des grands ados, voire des adultes entre 18 à 30 ans, ces collections soulèvent alors un nouveau débat. La littérature ados - jeunes adultes a-t-elle aujourd'hui les moyens de devenir une littérature à part entière ou sera-telle reléguée au statut de littérature populaire ? Comment les éditeurs doivent-ils se rapprocher de ce lectorat si divers ? Le marketing aura-t-il le dernier mot ?

    En étudiant l'évolution de la littérature jeunesse à la littérature ados et en réactualisant le terme « d'adolescent », nous avons pu comprendre que la littérature ados s'est construite en fonction d'une demande réelle. Harry Potter a ouvert la voie vers une nouvelle littérature que les éditeurs sont bien décidés à défendre et à développer. Dans cette partie, nous tenterons d'établir les caractéristiques de cette littérature à l'heure actuelle. Pour cela, nous tiendrons compte de la volonté des jeunes lecteurs et de leur influence sur les nouvelles techniques capables de légitimer définitivement ce segment.

    Les entretiens effectués auprès des éditeurs de collections ados et jeunes adultes mènent à en conclure à l'existence d'un segment de marché. D'ailleurs, ce ne serait pas les éditeurs mais les auteurs et les lecteurs qui auraient joué un rôle décisif dans le phénomène. Toutefois, avec le temps, les éditeurs ont compris qu'il fallait sortir de l'aspect scolaire, se passer parfois du prescriptif afin de réellement parler aux jeunes lecteurs.

    B. La littérature ados, un véritable segment et non un caprice éditorial.

    Un livre sur cinq acheté en France est estampillé « jeunesse », alors qu'il y a dix ans, c'était un livre sur dix. Le chiffre en dit long sur l'explosion d'un secteur éditorial totalement transformé, à tel point que les parents ne savent plus quelle lecture conseiller à leurs enfants, surtout les plus de 10 ans. Ce sont les jeunes qui font et défont le succès d'un roman parmi des centaines d'autres et par conséquent les éditeurs vont devoir s'adapter pour les séduire.

    1. De la prescription au divertissement ou comment séduire les adolescents.

    Un article du Figaro17 rend compte de l'effervescence, à la veille de l'ouverture du Salon de Montreuil, des éditeurs autour des collections ados. L'intérêt de cet article est qu'il pose la question de quelle lecture offrir aux jeunes qui, depuis Harry Potter, ont pris goût à la lecture ? Oui, nous revenons chaque fois sur ce phénomène qui a soulevé le problème fondamental de la littérature ados jusqu'à aujourd'hui, l'absence d'une lecture de divertissement. Lire et se divertir sont deux mots à rapprocher avec précaution dans le monde de l'édition. Car se divertir en lisant mène souvent à ranger le livre dans le genre « populaire » ou pire, celui de « paralittérature ». Rendre la littérature ados divertissante serait un risque de voir celle-ci reléguée au statut de littérature mineure et de perdre ainsi le capital symbolique si longuement attendu et demandé aux prescripteurs. C'est donc à ce niveau que tout se passerait. La prescription des enseignants serait un soutien pour les éditeurs mais aussi un frein. Il est clair que depuis l'avènement d'Harry Potter au statut de « modèle », économique ou stylistique, les éditeurs veulent faire des expériences afin de se

    17 Figaro.fr : Le Roman ados : un nouveau genre ?, François Bouchon, 27.11.2008.

    faire une place dans ce marché. Ils en ont d'ailleurs la possibilité. Les sorties caisse GfK sont rassurantes : << La relève est bien là. Les lecteurs d'Harry Potter ne se sont pas évaporés mais reportés sur de nouveaux titres, preuve que le goût de la lecture a bel et bien été pris >>18.

    Les éditeurs :

    Nous avons vu précédemment que le poids des prescripteurs dans la littérature ados avait une importance bien particulière, spécialement depuis l'entrée de la littérature jeunesse dans l'enseignement secondaire en 1996. Pourtant, certains éditeurs tentent, tant bien que mal, de préserver cette prescription tout en supprimant l'aspect académique que les jeunes n'apprécient pas. Un livre soutenu par les enseignants, les parents ou les bibliothécaires n'aura pas l'effet voulu sur un jeune qui a, d'ors et déjà, du mal à lire. Le côté éducatif des anciennes collections pour adolescents n'est plus à la mode et renforce les collections ados des grands éditeurs basées sur la production de masse, grâce au genre du fantastique principalement.

    Shaïne Cassim, éditrice chez Albin Michel, aborde le sujet sensible de la prescription lors d'une rencontre autour du thème : Que lisent les adolescents ?19 Selon elle, trois prescriptions existeraient concernant la littérature ados :

    · La première serait la prescription scolaire, institutionnelle. Ici sont concernés les classiques, << ce qui doit être lu >>.

    · La seconde est la prescription par les libraires, les points de vente, les bibliothécaires, les documentalistes.

    · La dernière concernerait la prescription entre pairs, << entre adolescents de même tribu >>.

    C'est cette dernière prescription qui pose problème aux éditeurs car elle devient de plus en plus influente et leur échappe totalement. Le bouche à oreille des jeunes au cours des récréations fonctionne. L'avis d'un camarade a plus de chance d'influencer un ado qu'une autorité liée à l'école. Cette tendance des jeunes à associer littérature à scolarité est un problème dont on prend conscience dans le monde du livre. Dernièrement, à la Foire du

    18 Ibid. LeFigaro.fr, Le roman ados, un nouveau genre ?

    19 Op.cit. SNE, Conférence Que lisent les adolescents ? Toulouse, 2007.

    livre de Londres, un auteur a raconté sa rencontre avec des adolescents. Leur avis est clair, la littérature a trop longtemps été synonyme de devoirs et par conséquent, de contrainte. Le divertissement qu'aurait pu apporter ces textes de qualité a été supprimé par le trop plein de prescriptions. L'auteur en a rapidement conclu qu'il devait écrire pour combler cette attente. << Il est très important de s'éloigner de la prescription, du scolaire >>20 dit-il. << Lire ne doit pas être uniquement pour les examens>> ajoute-il en riant. Shaïne Cassim insiste, elle aussi, sur l'importance de << quitter le concept de lecture légitime prônée par l'école >>21. Ici, il est question du contenu de la littérature ados mais aussi de la communication qui est faite autour d'elle. Concernant le contenu, les éditeurs sont formels, il faut que la littérature soit plus accessible. Cette littérature est censée être le moyen de recruter des petits lecteurs, voire des jeunes qui ne lisent pas du tout. Pour les contenter, il faut éviter les caractéristiques des livres classiques comme les longues descriptions, la multiplicité des personnages etc. L'important est de capter rapidement le jeune lecteur et de ne plus lui laisser une chance de décrocher de l'histoire. Il faut des rebondissements. Le concept du page turner est omniprésent. Que l'on soit éditeur chez Thierry Magnier ou chez Pocket Jeunesse, publier un page turner est un atout considérable pour ce lectorat. Par ailleurs, le succès d'un livre ne l'exclu pas forcément de l'école. En Grande-Bretagne, Harry Potter a été traduit en latin. Il se retrouve alors propulsé dans les étagères de textes de latin classique destinés à l'enseignement de la langue. Malgré la bestsellerisation de la série, celle-ci est devenue un véritable moyen d'intégration sociale qui peut être exploité dans le cadre scolaire. Ainsi, la lecture dite << plaisir >> pourrait rendre à la littérature un formidable service, celle de << désenclaver la lecture de l'image d'acte solitaire >>, pour lui redonner << sa dimension de pratique culturelle >>22.

    20 Annexe B : Conférence Foire du Livre de Londres 2011, Through the looking glass.

    21 Op.cit. Conférence SNE Ce que lisent les adolescents.

    22 Op.cit. Le Roman pour adolescents, une question d'existence, p.54.

    Couverture du Tome 1 et 2 d'Harrius Potter :

    Les auteurs :

    Les éditeurs expliquent l'origine des collections ados par le nombre croissant de bons manuscrits en attente de publication. Ces derniers, n'entrant ni dans les normes appliquées à la littérature jeunesse ni dans celles de la littérature générale, se retrouvaient alors sans destinataire sur les étagères des éditeurs et comme l'a si bien écrit Laurence Santantonios : << Un livre qui existe quelque part, sans que personne ne le sache, est un livre mort >>23. Les auteurs n'avaient pas de lecteurs et les lecteurs n'avaient pas de livres. L'offre proposée par les auteurs n'arrivait pas à la demande qui pourtant était bien là. La demande ne s'est pas créée grâce à Harry Potter, elle s'est juste manifestée. Ainsi, Sylvie Gracia, Directrice de la collection DoAdo explique que la création de la collection remonte au jour où Guillaume Guéraud a proposé son premier roman, Cité Nique-le-Ciel. Ce texte n'avait pas été écrit pour un public visé. De là, il lui est apparu évident qu'une collection devait être faite pour ce genre de lectorat et ce genre de livres. Il est d'ailleurs courant de voir des collections ados être créées grâce à l'impulsion d'un bon manuscrit qui pose problème dans la segmentation. Twilight est un bon exemple puisqu'il est à l'origine de Black Moon, la fameuse collection Bit Lit d'Hachette Jeunesse.

    De là, nous comprenons pourquoi les éditeurs grondent lorsqu'on qualifie leur collection d'<< inventions commerciales >>. Tibo Bérard répond à cette << accusation >> dans l'entretien pour Le Nouvel Observateur24. À la fausse question du journaliste : << De la littérature simplifiée pour une génération qui ne lit plus... >>, Tibo Bérard répond avec précaution :

    23 Santantonios Laurence, Tant qu'il y aura des livres, in Lardellier Pascal et Merlot Michel, Demain, le livre. Ed. L'Harmattan, Paris, p.43.

    24 Op.cit. Nouvel Observateur.fr : Faut-il kiffer la littérature ados ?

    << Pas du tout. Ou plutôt pas seulement >>. Car pour lui, il faut différencier l' << easy Reading >>, tels que Twilight et H.Potter, à celle qu'il publie. Littérature ados ne veut pas dire littérature populaire. Comme dans la littérature générale, la littérature ados renferme des textes de qualité et de profondeur très éclectiques. L'aspect commercial que l'on associe à cette littérature vient des best-sellers de grands éditeurs. Pour Tibo Bérard, << ces termes sont très réducteurs >>. Sylvie Gracia le rejoint en expliquant que la qualité d'un texte de littérature ados pousse souvent les gens à se demander pourquoi il n'a pas été publié en littérature générale. << Comme si la littérature jeunesse était une littérature << mineure >>, ce contre quoi nous nous élevons >>25 dit-elle.

    Les auteurs ont des réactions différentes face au problème de segmentation. Si certains disent ne pas se sentir concernés par ce problème, qui est celui de l'éditeur, d'autres avouent avoir un lectorat en tête lorsqu'ils écrivent. Ce dernier cas provoque parfois des réactions péjoratives à leur encontre. Traiter des thèmes propres à l'adolescence relancerait le problème de << sous-littérature >>. Ainsi, dans Le Romans pour ados, une question d'existence26, quelques entretiens avec des auteurs de romans ados nous éclairent. Jean-Paul Nozière, par exemple, explique ne pas voir l'intérêt à imposer des étiquettes d'âges aux romans. Selon lui, l'adolescent, comme tout autre lecteur, serait libre de lire ce qui lui semble adapté. << Après tout, les adolescents ne regardent pas uniquement des films réservés aux adolescents >>27. Jean-Jacques Greif, publié chez Médium, décrit la difficulté qu'il rencontre en abordant des sujets délicats. Une autocensure se fait naturellement lorsque le livre est destiné aux adolescents. Marie Desplechin, qui écrit pour la jeunesse et la littérature générale, explique bien ce qui caractérise la littérature ados face à la jeunesse ou la générale. << La question éthique ne réside pas dans le choix des thèmes, mais dans l'écriture >>28. Finalement, pour clore ce point sur la position des auteurs, nous finirons avec cette phrase de Christian Lehmann : << Je n'écris pas pour des publics mais pour des lecteurs que je ne connais pas et dont je ne présume rien. La segmentation de l'édition est une affaire d'éditeur, de positionnement sur le marché, de classement en rayonnage de librairie>>29.

    25 Op.cit. Le romans pour adolescents, une question d'existence, p. 62.

    26 Ibid.

    27 Ibid. p.72.

    28 Ibid. p.74.

    29 Ibid. p.85.

    Affaire d'éditeur, certes, mais c'est aussi une bonne chose pour les auteurs que la littérature ados s'impose.

    Les lecteurs :

    Nous avons tenté dans la première partie de ce projet de lister les caractéristiques des adolescents et des jeunes adultes d'aujourd'hui. Il semble donc évident que la littérature ados soit légitime et une conséquence de l'évolution du lectorat. La culture jeune, dont nous avons parlé, est une culture très numérique qui consomme les biens culturels avec rapidité. La littérature ados va ainsi permettre à ces jeunes de ne plus se priver de lecture mais de la consommer comme ils le font avec la musique. Elle offre au lecteur la possibilité de lire une histoire bien ciselée dans un laps de temps raisonnable, ce qui ferait d'ailleurs son succès auprès des plus vieux, angoissés par le temps qui fuit. Quant à considérer la littérature qui leur est proche, qui les divertie, comme << marketing », les jeunes ne souhaitent pas en entendre parler. La jeune blogueuse de Lirado s'explique sur ce point. Elle a lancé ce site sur la littérature pour adolescents en 2004, à 14 ans, et continue à lire de la littérature ados, ici dirons-nous << jeune adulte », dont elle se sent plus proche. À la question : << Que pensez-vous des gens qui considère la littérature ados comme une création marketing ? », elle répond de manière incisive: << Je ne vois pas en quoi s'adresser à un public précis est marketing... Il faut bien des livres qui fassent la transition entre les premières lectures et les romans pour adultes. Non, pour moi c'est vraiment stupide et infondé »30. La littérature ados semble donc une évidence pour certains et surtout pour ses lecteurs qui ont enfin une littérature avec laquelle s'évader. Même question à une adulte et professionnelle de la littérature adolescente, Anne Clerc, Rédactrice en chef de la revue Lecture Jeune, et l'on obtient une réponse assez éloignée : << Nous estimons qu'il y a une différence entre la littérature générale et la littérature populaire (dans laquelle nous classons la littérature young adults). (...) il y a une différence notoire entre une littérature où le style prime et la littérature young adults qui préfère l'action, le visuel... »31 Que pensez de cette réaction ? Que sous-entend ce << nous » ? Un << nous » de la consécration littéraire, des hautes autorités professionnelles ?

    La littérature ados et jeunes adultes est défendue dans le dernier numéro de Lecture Jeune comme << un véritable segment »32 à part entière. Pourtant, recalée au statut de

    30 Annexe A, n°4 : Entretien Blogueuse de Lirado.

    31 Annexe A, n°1 : Entretien Anne Clerc.

    32Op.cit. Lecture Jeune, Les jeunes adultes et la littérature, n° 137, Paris, mars 2011, p.18.

    « littérature populaire », la littérature ados a encore du chemin à faire pour devenir autonome et être acceptée...

    2. Le relooking et Internet, les outils qui rendent le roman ados « tendance » .

    Afin de s'imposer, de se construire une image plus sérieuse et être reconnue, la littérature pour adolescents et jeunes adultes a dû innover. Les éditeurs ne se sont pas contentés de faire évoluer les contenus de ces romans mais se sont aussi lancés dans un relooking total, des maquettes, des formats et des illustrations et relooking des campagnes grâce à Internet.

    La course aux grands formats a commencé il n'y a pas si longtemps. Auparavant, les romans ados étaient souvent publiés en poche. La collection Tribal, par exemple, est passée du format poche au grand format en 1998, à la suite du succès d'Harry Potter. Car c'est bien Harry Potter qui a prouvé que la littérature jeunesse pouvait prétendre au même format que la littérature générale. Ainsi comme le racontent les éditeurs, avant de se lancer dans la promotion Internet, il a fallu passer par le relooking des collections.

    Gallimard s'est lancé dans les grands formats en 1998, non pas grâce à H.Potter, mais à l'un de ses contemporains, Les Royaumes du Nord de Philip Pullman. Ce roman anglais a été un véritable succès qui a ouvert les yeux à l'éditrice Christine Baker. C'était alors une évidence que de faire une collection grand format pour accueillir cet auteur et cette littérature. « Quand j'ai eu Les Royaumes du Nord, le premier texte de la série, entre les mains, en 1997, j'ai eu l'intention immédiate de le sortir en grand format. Pullman proposait un univers totalement singulier, épique (...) c'était incroyablement ambitieux »33. Mais le grand format ne va véritablement s'imposer qu'avec les 24,5 millions d'exemplaires vendus en France d'Harry Potter. Elizabeth Sebaoun, éditrice des éditions Bayard, nous explique que « les éditeurs ne publiaient que du poche, ils craignaient les textes trop épais, doutaient de la capacité des plus jeunes à lire de « gros livres ». Ils se trompaient. Les ados préfèrent lire en grand format, c'est plus confortable et surtout plus valorisant. Ils ont entre les mains le même objet que les adultes »34. C'est ce

    33 Télérama.fr : Twilight vampirise les foules, avril 2009, Michel Abescat.

    34 Ibid.

    terme qui a retenu notre attention, << valorisant ». Le grand format devient le symbole du passage de la littérature jeunesse à un niveau supérieur, plus noble et plus légitime. Au delà de ça, le grand format est aussi le moyen de montrer aux adolescents que les romans publiés en collection ados ne sont pas des livres pour enfants, qu'ils sont proches de ceux des adultes. Le passage au grand format est aussi un énorme avantage financier. En effet, les grands formats sont à des prix plus intéressants et pourvoient un rendement rapide. Vendu entre 12 et 17 euros, ils ont permis aux éditeurs de faire croître leur chiffre d'affaires et par conséquent, de publier plus. << Le déplacement des ventes jeunesse sur le grand format, en hausse de 17%, participe à l'augmentation du chiffre d'affaires »35, confirme Jean-Claude Dubost, PDG d'Univers Poche. << Notre chiffre d'affaires devrait être de 24,3 millions d'euros en 2010 en progression de 9% par rapport à 2009, où il était en hausse de 8% par rapport à 2008 »36 annonce Monique Defaifve, Directrice de Casterman Jeunesse. La littérature jeunesse devient le deuxième segment du marché de l'édition << grâce essentiellement aux succès des grands formats et donc, des romans ados », explique Colette Gagey, présidente du groupe jeunesse au Syndicat National de l'Édition dans un article de L'Express37. La décision des éditeurs à publier en grand format est signe d'une prise en compte du jeune lectorat. Comme nous l'avons expliqué précédemment, les ados et jeunes adultes attendaient une littérature qui aurait été une passerelle entre la jeunesse et la générale. Ils voulaient être pris au sérieux et c'est ce que le grand format leur offre. En complément à ce changement de format, les éditeurs ont aussi compris qu'il fallait faire évoluer leurs collections et ainsi, les couvertures. Les illustrations, la police, tout le design de la maquette devaient être retravaillés afin de plaire aux jeunes lecteurs. Pour cela, certains éditeurs se sont lancés au hasard dans de nouveaux concepts. Les illustrations choisies par Tibo Bérard, pour la collection eXprim, sont souvent des photographies retravaillées, très modernes, colorées, entre le rêve et la réalité.

    35 Ministère de la culture et de la communication : L'édition Jeunesse. Enquête et Dossier 2009.

    36 Ibid.

    37 L' Express.fr : Les ados : Et pourtant ils lisent I décembre 2006.

    Ci-dessous quelques exemples de couvertures de la collection eXprim :

    Dominique Korach, l'ancienne directrice des éditions Nathan Jeunesse explique, lors d'un entretien avec Livres Hebdo, son projet de relooking : << Nous allons revoir toute la ligne graphique, le logo, les maquettes et les formats de nos collections, car les codes visuels ont changé >>38. Il est intéressant de remarquer que même un éditeur comme Nathan, qui s'est construit sur la prescription des enseignants et des parents, se lance aussi dans le relooking de ses collections jeunesse. Le dernier grand format de Nathan est d'ailleurs l'aboutissement d'un long travail. Avec Instinct, tout juste sorti en librairie, Nathan rentre dans la course aux livres ados - jeunes adultes avec une couverture simple mais obscure qui rappelle les couvertures de polars.

    Ci-dessous la couverture du roman Instinct :

     
     

    BLAST : nouveau << label >> de Nathan Jeunesse.

    On remarque que la couverture ne donne aucune information sur la maison d'édition, ni sur l'âge ciblé. Ces caractéristiques sont celles d'un roman de littérature générale.

    38 LivresHebdo.fr : Jeunesse : L'optimisme de rigueur. Dossier PDF, 19.11.2010, Claude Combet.

    Hélène Wadowski explique que Flammarion a aussi choisi de ne << mettre aucun âge sur les collections ados » bien qu'une segmentation soit effectuée en interne. Elle insiste fortement sur le pouvoir d'une bonne couverture. << Les codes sont beaucoup plus puissants au point qu'il faut faire attention en tant qu'éditeur. Un mauvais choix de couverture peut condamner un livre. La couverture, vis-à-vis de ce public devient presque dictatoriale. Nous passons beaucoup plus de temps sur une couverture destinée aux ados qu'aux enfants plus jeunes »39. Les éditeurs ont dû rompre avec leurs codes graphiques traditionnels afin de séduire les jeunes lecteurs, pour leur montrer que la littérature peut ne pas être << ringarde ». Le cas d'Harry Potter en Grande-Bretagne est un très bon exemple pour illustrer l'impact d'une couverture sur son public. Afin d'ouvrir la série aux lecteurs de tout âge, les éditeurs d'H.Potter ont décidé de publier une version jeunesse, plus illustrée, et une version adulte qui insiste sur le côté sombre du roman.

    Ci-contre les deux couvertures proposées pour le dernier tome de la série :

    Version adulte Version jeunesse

    Les éditeurs vont encore plus loin en publiant une nouvelle version du livre en raccord avec le personnage du film. Ceux qui ont vu les films Harry Potter seront directement attirés par la couverture et seront peut-être plus tentés de l'acheter.

    39 Op.cit. Conférence Que lisent les adolescents ?

    Version film :

    Les codes graphiques des couvertures de littérature ados sont très représentatifs de ce que recherchent les adolescents. Ni trop vieux ni trop jeunes, les livres doivent être à leur image. Il faut que l'objet même du livre soit attractif et c'est avec le grand format et la couverture qu'il le devient.

    Toutefois, rencontrer les adolescents pour leur proposer cette littérature ne se fait pas uniquement grâce au relooking. Après la conception vient la promotion et c'est là que la véritable difficulté apparaît. Pour pallier le manque de visibilité de leurs livres dans les librairies et dans les médias qui ne reconnaissent pas encore la littérature pour ados, les éditeurs se sont emparés du support de prédilection des jeunes pour les promouvoir : Internet.

    Internet va devenir un outil de promotion à part entière. Collection, personnage ou grand format, les gros lancements se font sous forme de minis-sites ou << sites dédiés >>. Pour Hedwige Pasquet, Directrice Générale de Gallimard Jeunesse, Internet est << une évolution des moyens marketing >> qui permet de jouer sur l'animation numérique et l'animation en librairie. Elle précise cependant que ces deux animations visent << deux publics différents >>40. Qui sont ces deux publics ? Pour Jean-Philippe Thivet, responsable marketing de Casterman, Internet faciliterait la promotion auprès d'initiés. La communauté web se créerait donc sur une communauté déjà existante. Pourtant, même s'il est vrai que des initiés seraient les premiers à s'inscrire sur le nouveau site-dédié, certaines maisons d'édition pensent qu'Internet peut toucher tous les adolescents-internautes. Le bouche à oreille se fait vite sur le Net, les ados partagent des informations, commentent, envoient à leurs amis, créent des pages Facebook etc. Nous verrons plus loin le rôle tenu par les

    40 LivresHebdos.fr : Dossier du Salon du livre Jeunesse de Montreuil, 23.11.2007, Claude Combet.

    lecteurs dans la promotion d'un roman ados sur le Net. Ce qu'il faut comprendre ici c'est bien que les éditeurs ne peuvent plus faire l'économie d'Internet quand il s'agit de lancer un livre important à leurs yeux. Les sites-dédiés deviennent des appendices aux romans. Créer un site demande imagination mais aussi réactivité. Aujourd'hui, un site doit être constamment alimenté de nouvelles croustillantes sur les prochaines publications, sur l'auteur etc. Les internautes-lecteurs, comme nous avons pu l'observer plus haut, sont très exigeants en matière de codes graphiques mais aussi de contenus. Afin de capter leur attention et leur donner envie de revenir sur le site, les éditeurs doivent être encore plus ingénieux. C'est ici qu'interviennent les jeux-concours et les partenariats pour gagner des places de cinéma, le prochain volet d'une série en exclusivité...

    Internet est un outil capital dans l'histoire du roman pour ados. Loin de la prescription scolaire, loin de l'aspect élitiste que peut donner certaines librairies, Internet a permis à la littérature ados de trouver son public, un public qui ne lisait pas toujours beaucoup ou parfois jamais. C'est grâce à ce support que la littérature ados a continué à faire le buzz après le ras de marais Harry Potter. Internet a donc contribué à la légitimation de la littérature ados. Cet outil a révélé une véritable demande et a prouvé qu'Harry Potter n'était pas uniquement un coup du sort. Public spécifique, littérature spécifique et promotion spécifique.

    Toutefois, si Internet, en complémentarité à un relooking graphique, a aidé la littérature ados à grandir sur le marché du livre et à s'imposer aux yeux des professionnels du livre ainsi qu'à ceux des médias, il reste un outil marketing difficilement abordable pour tous les éditeurs. Si les sites-dédiés deviennent eux-mêmes un marché à envergure internationale, les petits et moyens éditeurs ont du souci à se faire. Entre marketing et marketing de masse, la littérature ados mérite-elle l'accusation qu'on lui porte, celle de soumettre la littérature au statut de « produit » industriel ?

    C. Le flaire de l'éditeur subordonné par le marketing ?

    La littérature ados est un segment très large et divers. Certaines collections s'imposent grâce à des séries à fort rendements comme Black Moon, d'autres restent en marge de la production de masse comme eXprim. Pourtant, tous les éditeurs de ce marché se rejoignent sur un point, celui d'accepter la part de marketing dans leur développement. Lorsqu'il s'agit de répondre à une demande spécifique comme celle des adolescents, avec leurs goûts et leurs moyens de communication, faut-il se passer de marketing afin d'être reconnue comme littérature? Le marketing peut être d'une aide précieuse mais quand estce que les éditeurs tombent-ils dans les griffes du marketing de masse ?

    1. Calculer le potentiel d'un roman ados et le promouvoir. Le marketing,

    décideur ou boussole ?

    La partie précédente nous a montré que les éditeurs jeunesse ont compris la nécessité de resegmenter leurs collections et par conséquent d'apporter des modifications quant aux choix des formats, des prix, des couvertures et même des thèmes. Certains diront que ces décisions sont << éditoriales », d'autres les qualifieront de << marketing ». À l'heure actuelle, les évolutions de l'offre éditoriale tendent à devenir un parfait équilibre entre réflexion marketing et éditoriale. Alors qu'il y a quelques temps de cela, les éditeurs n'y auraient jamais cru, la démarche marketing, anciennement exclue de la vie littéraire française, est de plus en plus prise en compte. Dans la majorité des maisons apparaissent des secteurs ou départements marketing qui viennent souvent remplacer le secteur autrefois dénommé << promotion ». C'est le cas, par exemple, de Gallimard Jeunesse. Le marketing s'attache à mener une réflexion globale sur les différents éléments du mix-marketing - le produit, le prix, la promotion, la distribution - en utilisant les outils habituels comme la veille concurrentielle, les études de marché..., souvent même avant la création de l'ouvrage. Et c'est là que se fait le basculement. Ce changement de dénomination témoigne d'une évolution dans le domaine : auparavant, la promotion se chargeait de promouvoir un produit fini, aujourd'hui le département marketing participe en outre à l'élaboration des caractéristiques physiques de l'ouvrage en menant une réflexion sur le format, le prix etc. Bien évidemment, ce travail se fait en lien étroit avec les éditeurs mais on observe qu'un transfert de pouvoir, aussi moindre soit il, est en route. Dans la majorité des maisons

    d'édition jeunesse, l'éditeur reste le « décideur >> d'une création, « l'accoucheur >> du livre. Chez Flammarion, les chefs de produits assurent la promotion, la valorisation du livre et sont écartés de la création du livre en tant que tel.

    L'affinement de la segmentation que nous avons abordé précédemment est l'une des diverses techniques mise en oeuvre par les éditeurs jeunesse mais que l'on pourrait qualifier de marketing. Selon l'enquête menée par le gouvernement sur l'édition jeunesse41, la segmentation s'est affinée avec l'entrée des grandes surfaces culturelles comme points de vente importants du livre. Les vendeurs ne sont pas des libraires et c'est donc aux clients qu'il revient de se repérer dans les rayons. Pour cela, il faut que les livres parlent d'eux-mêmes. La Fnac fonctionne désormais ainsi, le conseil n'est plus que superficiel et il devient difficile de se repérer face à toute l'offre proposée aux potentiels acheteurs. Si de nombreux éditeurs segmentaient par niveaux scolaires, d'autres critères, comme l'âge, sont pris en compte. Pourtant, définir quel livre appartient à quel âge de la jeunesse est un choix qui tend parfois vers l'arbitraire. L'avantage de cette segmentation est celui de mieux cibler le public, de mieux le connaître pour mieux répondre à ses demandes. Paul Garapon, qui a écrit L'imaginaire mondialisé de la littérature jeunesse, explique lors de cette enquête qu'une « telle segmentation est la marque de la complexité d'un marché où les jeunes, devenus une catégorie sociale de consommation à part entière, font l'objet d'un ciblage marketing et éducatif plus fin qu'auparavant >>42.

    Les collections à foison et les séries jeunesse remontent à 1857 quand Hachette décide de créer la Bibliothèque Rose, puis, à la suite de la Seconde Guerre mondiale, la Bibliothèque Verte et la Bibliothèque jeunesse. Si ces collections ne sont pas à proprement parlé pour adolescents, elles sont le parfait exemple de décisions marketing déguisées en décisions éditoriales. Editeur, Hachette est aussi un homme pratique, un homme d'affaire, qui fait entrer la littérature française dans une ère industrielle. L'intérêt de créer des collections était d'économiser les coûts d'impression, moins chers que titre par titre. De surcroit, cette stratégie avait aussi un aspect marketing très fort, celui de promouvoir en un coup des dizaines d'ouvrages grâce à une maquette harmonisée et visible en rayon.

    En ce qui concerne les séries jeunesse, on pense à Fantômette et au Club des cinq. Toutefois, c'est Bayard qui va véritablement faire de la série un phénomène éditorial

    41 Op.cit. L'édition Jeunesse. 2009

    42 ESPRIT, L'imaginaire mondialisé de la littérature jeunesse. Paul Garapon, Paris, mars - avril 2002.

    marquant et qui va lancer la mode dans la littérature jeunesse avec, en 1996, la série Chair de poule. La série a dépassé les 8,5 millions d'exemplaires en 1998 et a vu son chiffre d'affaires augmenter de plus de 40%. De là, Bayard s'est alors lancé dans d'autres séries comme Coeur Grenadine et Grand Galop, séries destinées aux jeunes filles. Les autres éditeurs suivent le mouvement comme Gallimard Jeunesse qui créé la série Animorphs. Laura Noesser, dans son ouvrage, Le livre pour enfants (1900-1950)43, écrit que << les éditeurs, soucieux de trouver de nouveaux marchés, vont rechercher des formules plus économiques et organiser leur production en collections tout en conservant le terme de << bibliothèques » qui présente une connotation culturelle rassurante et en camouflant au besoin les impératifs de vente derrière des arguments pédagogiques ». Cela était vrai au temps où les prescriptions, parentale et scolaire, dominaient. Aujourd'hui, la littérature ados a changé de stratégie marketing afin de se rapprocher de son lectorat qui a fortement évolué depuis les années 80. Pascale Ezan, Maître de conférences du Master de Marketing à l'Université de Droit, sciences économiques et gestion de Rouen, s'est intéressée au phénomène des collections et des séries en littérature jeunesse comme outils marketing des éditeurs. Elle écrit dans un article que << la récupération du phénomène de collection par le monde marchand peut conduire à s'interroger sur la façon dont les firmes façonnent leurs séries pour répondre aux attentes des jeunes, à la fois consommateurs et collectionneurs »44. Car pour Pascale Ezan, les jeunes sont une cible parfaite pour les entreprises de par leur volonté à posséder tous les produits d'une marque devenue << phénomène de mode ». << Les enfants se sentent valorisés par le sentiment d'appartenir à une communauté. Le fait qu'une collection apparaisse comme phénomène mondial fascine particulièrement les jeunes »45, explique-t-elle. Les collections, et maintenant les séries, participent à ce rite de socialisation que recherchent les adolescents. Une collection est une marque caractérisée par tous les critères qui définissent une marque même non culturelle. Par conséquent, elle va subir les mêmes aléas de la part de ses consommateurs. S'ils sont très sensibles aux phénomènes de mode, ce qui fait d'eux une cible facile pour les entreprises, les jeunes sont aussi très changeants. L'engouement dont font preuve les adolescents, pour une marque ou une collection, est éphémère. En effet, un phénomène de mode repose sur le principe qu'il ne va pas durer et les adolescents se détournent très

    43 Noesser Laura, Le livre pour enfants (1900-1950) in Histoire de l'édition française tome IV. Ed. Promodis, Paris, 1986.

    44 Ezan Pascale, Le phénomène de collections comme outils marketing à destination des enfants. Décisions Marketing, n°29, janvier - mars 2003.

    45 Ibid.

    rapidement de ce qui devient obsolète. Les collections, très longues à s'installer et à s'imposer sur le marché du livre, vont pousser les éditeurs à réfléchir à une autre solution. La saga, ou trilogie, est une alternative pratique qui rassemble les avantages de la collection tout en préservant l'aspect éphémère qui lui donne de la valeur. Qu'elle soit construite en trilogie ou en sept tomes comme Harry Potter, la saga a une fin que les lecteurs appréhendent. Une fois la saga finie, l'univers dont le lecteur s'est emparé s'arrêtera et c'est là que se créée la valeur ajoutée. Harry Potter a réintroduit le phénomène de saga que Tolkien avait rendu populaire. Vampire Diaries pour Hachette (2011), Eragon pour Bayard (2010), Percy Jackson pour Albin Michel (2010), Hunger Games pour Pocket Jeunesse (2009), Promises pour Gallimard Jeunesse (2011) ou encore Tara Duncan pour Seuil Jeunesse (2003) repris par Pocket Jeunesse en 2007 puis par Flammarion en 2008 puis enfin par Xo Editions en 2008 ; voilà quelques exemples des sagas lancées ces cinq dernières années. Chacune de ces sagas rencontre un succès très important pour l'industrie du livre. Cela prouve bien que les stratégies marketing appliquées à la littérature ados fonctionnent. Les éditeurs ont réussi à répondre aux attentes des jeunes en leur offrant des produits qui leur ressemblent. Cette étude nous montre donc que les réflexions éditoriales et les décisions de création dépendent, dans les gros groupes, de réflexions marketing qui sont aujourd'hui nécessaires pour survivre parmi toute cette concurrence. Antoinette Rouverand, Directrice Marketing chez Hachette Jeunesse, explique que cela fait maintenant trois ans que le marketing intervient en amont de la création du livre. << J'ai un droit de regard sur la maquette, ce qui est normal puisque cela fait parti du packaging que je doit aider à vendre. Mais j'ai aussi droit de regard sur les thèmes et les contenus des livres. >> Lorsqu'on lui demande si les éditeurs l'acceptent, elle répond simplement << oui, nous travaillons ensemble et pas les uns contre les autres >>46. Nous assistons donc, chez Hachette Jeunesse, à la naissance d'un marketing-éditorial et ce n'est sûrement pas la seule maison à travailler ainsi. Cette égalité s'explique de par la forte concurrence de ce marché. Il faut développer constamment de nouvelles stratégies afin de rester dans la course. Les éditeurs ont donc besoin du marketing pour les aider à mieux guider leurs recherches et leurs créations. La cible adolescente est très difficile à séduire avoue Antoinette Rouverand. << Les adolescents et jeunes adultes sont faciles à trouver mais quant à les convaincre de la qualité de nos produits c'est beaucoup plus compliqué. Ils sont

    46 Annexe A, n°3: Entretien avec Antoinette Rouverand. Directrice Marketing Hachette Jeunesse.

    constamment sollicités par les marques et ils sont << supers experts >> en matière de nouveautés et d'Internet... Il est de plus en plus difficile de se faire voir sur ce marché >>47.

    Les grands groupes éditoriaux sont évidemment ceux qui ont les best-sellers car se sont eux qui ont les moyens d'effectuer les études marketing et les campagnes promotionnelles nécessaires à un rayonnement national visible. La majorité de l'édition est sortie de la culture pour entrer dans l'ère industrielle de production en série, dans la production de masse. Derrière ces groupes, de petits et moyens éditeurs se battent contre ces techniques commerciales où le marketing est roi. Cependant, on en vient à se demander s'ils se battent par éthique ou tout simplement parce qu'ils n'ont pas les moyens de faire de même... Dans son dernier numéro, Lecture Jeune écrit que les changements apportés dernièrement aux collections sont le moyen de les rendre plus visibles aux yeux de nouveaux lecteurs. La littérature ados - jeunes adultes serait donc << une offre existante marketée différemment >>48. Thierry Magnier, interviewé dans cet article, assume, comme beaucoup d'autres, la part de marketing dans l'objet livre. Il est nécessaire aujourd'hui de faire appel au marketing. N'oublions pas que la littérature ados souhaite répondre à une demande exigeante.

    Le marketing devient d'autant plus crucial avec l'arrivée du numérique et le développement de la promotion sur Internet. Le webmarketing, accompagné du travail de webmasters, requiert des budgets de plus en plus importants, ce qui exclu d'emblée les petits éditeurs. Anne Clerc, la Rédactrice en Chef de Lecture Jeune, insiste sur la discrimination qui se fait avec Internet. Être visible sur le marché devient très difficile et demande plus d'argent. << Malheureusement Internet met en avant quelques livres, des séries, mais ne rend pas compte de la diversité de la littérature jeunesse. Les communautés autour du livre sont fortes pour certaines séries à grand succès mais cela reste limité >>49, dit-elle. Pour Céline Vial, Directrice Éditoriale de Flammarion Jeunesse, le marketing sur Internet est une opportunité merveilleuse pour se renouveler. Toutefois, produire en fonction d'un public est toujours risqué mais ce qui serait << pire serait d'écrire pour faire le buzz sur Internet >>50, raconte-elle. Si chez Flammarion l'éthique est encore du côté de la

    47 Ibid. Annexe A, n°3.

    48 Op.cit. Lecture Jeune, n°137, p.23.

    49 Op.cit. Annexe A, n°1.

    50 Annexe A, n°2. Entretien avec Céline Vial, Directrice éditorial Flammarion Jeunesse.

    tradition littéraire, de la création artistique, de la commande d'auteur, d'autres éditeurs se dirigent discrètement vers la commande d'éditeur, vers le romans ados comme produit purement marketing...

    Afin de saisir l'enjeu d'Internet dans la promotion d'une collection ou d'un roman ados, il nous a semblé capital de mettre en lumière ce marché à envergure international.

    2. Le marché du roman ados soumis à une concurrence accrue.

    Le marché du roman ados peut être résumé en deux mots : traduction et concurrence.

    En effet, la vague de fictions pour adolescents nous arrive principalement des pays anglosaxons dont les États-Unis et la Grande-Bretagne. << En 2006, 16,5% des 7 000 nouveautés étaient des traductions - contre 19,5% en 2005 -, dont 70% de l'anglais >>51. Par conséquent, les éditeurs français se voient obligés d'entrer dans la course aux droits étrangers. Travailler avec les auteurs anglo-saxons signifie travailler avec des agents littéraires. Ces agents, qui travaillent avec un ou plusieurs auteurs, ne dépendent pas d'une maison d'édition spécifique. Leur travail consiste à défendre au mieux les droits de leurs clients et d'assurer une bonne diffusion de leur oeuvre. Il est << l'interface entre auteurs et éditeurs, ou l'intermédiaire entre éditeurs pour la vente et l'achat de droits de traduction. Il est rémunéré à la commission >>, explique Pascale Gendrey en citant Le Motif52. Ainsi, les négociations entre éditeurs français et agents littéraires sont difficiles et parfois très longues. Les agents littéraires sont très exigeants car ils vont s'assurer que, non seulement, l'auteur soit bien rétribué mais aussi que le roman ait une promotion soutenue. Ce dernier point est ce qui va réellement compliquer les choses pour les éditeurs français. Lorsqu'une négociation concerne un roman à grand potentiel, comme Twilight ou Hunger Games, les agents littéraires et les éditeurs étrangers demandent à avoir un aperçu de la campagne de lancement marketing prévue pour l'ouvrage ou la série. Cela implique évidemment

    51 Livres Hebdo, n°682, 23 mars 2007.

    52 Gendrey Pascale, Quelle stratégie numérique pour les éditeurs de livres ? MBA Marketing & Commerce sur Internet, sous la direction de Vincent Montet, Institut Leonard de Vinci, 2010.

    beaucoup de temps de travail et d'argent pour des droits que l'éditeur français n'obtiendra peut-être jamais. Car une fois qu'un éditeur français commence des négociations, il se peut qu'un de ses concurrents compatriotes décide d'entrer lui aussi dans la course à la cession de droits. De là commence ce que l'on appelle des enchères. Les enchères concernant le monde de l'édition ne ressemblent pas à celles organisées chez Drouot. Là, encore une fois, les concurrents vont devoir se battre sur plusieurs points cruciaux aux yeux du détenteur des droits. « C'est l'agent qui joue à la fois le rôle de l'expert et du commissaire priseur, qui demande à l'un, puis à l'autre, et qui parfois décide de procéder à la best offer: toutes les parties en lice annoncent alors leur "meilleur prix", et c'est le meilleur qui gagne définitivement. Les enchères mettent en jeu une dimension financière essentielle (niveau de l'avance et de droits), mais il y a aussi toute la mise en scène marketing et promotionnelle qui joue, "comment on va publier XXX, quel lancement on va offrir à l'auteur de XXX »53, explique Céline Terouanne, Directrice Editoriale chez Hachette Jeunesse lors d'un entretien pour le blog Place to be. Ces enchères sont en quelques sortes des appels d'offres dont la dimension financière exclue rapidement les petits éditeurs ou ceux qui se lancent à peine dans le marché. Nathan, par exemple, vient de créer sa collection ados - adultes, Blast, mais n'a pas encore eu de best-seller assez conséquent pour convaincre beaucoup d'éditeurs étrangers. En comparaison avec Michel Lafon ou Hachette Jeunesse qui ont déjà publié Twilight et Les Chevaliers d'Emeraude, les autres éditeurs français doivent redoubler d'efforts. Ces gros éditeurs, bien installés sur le marché, font grimper les enchères à des prix parfois inaccessibles. Promettre des ventes entre 50 000 et 100 000 exemplaires dans la première année n'est pas du ressort de tous, cela peut prendre beaucoup de temps. La concurrence de ce marché est rude. Antoinette Rouverand avoue que, contrairement à ce que les autres éditeurs peuvent penser, même Hachette a parfois du mal à obtenir des droits.

    53 Blog, Place to be : Entretien de Cécile Térouanne, Directrice Editoriale Hachette Jeunesse.

    Dans l'entretien pour Il bouge le livre, blog du journal Le Monde, Soazig Le Bail, Directrice Editoriale de Thierry Magnier, s'exprime sur le sujet :

    « Pour la traduction anglo-saxonne, c'est très clair, généralement les auteurs que j'édite sont ceux que les autres n'ont pas voulu. La traduction est un univers très concurrentiel, avec des droits, des achats et des enchères. Je ne suis pas dans le circuit parce que ça se joue à plus de 10 000 euros d'à-valoir. De toutes manières, les agents ne pensent même pas à moi. Tant mieux parce que je serais vraiment embêtée. Enfin, en même temps c'est énervant mais quand vous achetez un livre très cher, après il faut mettre autant d'argent en promotion parce que vous ne pouvez pas vous permettre de le perdre.

    Il y a des livres qui ont un petit potentiel commercial et que les agents m'envoient très gentiment parce que je suis une petite éditrice « avare » et voilà »54.

    Avec l'arrivée d'Internet, l'achat de droits se complique encore un peu plus. Certains sites sont vendus clef en main dès l'acquisition des droits de l'ouvrage. Nathan a eu l'occasion d'expérimenter cela lors de l'achat des droits des Désastreuses aventures des orphelins Baudelaire. Le site étranger, en langue anglaise, a été cédé directement à Nathan, ôtant ainsi un long travail de promotion numérique. Cette option est un avantage mais toujours coûteux. Une petite maison d'édition n'aura pas les moyens ou le temps de gérer un nouveau petit site dédié. Encore une fois, les grosses maisons d'édition sont privilégiées. Une solution reste alors aux petites maisons, celle de trouver le livre aux droits peu coûteux qui deviendra peut-être un véritable phénomène. Pour cela, ces éditeurs auraient intérêt à se tourner vers les ouvrages de langues moins demandées que ceux de langue anglaise. Comme Actes Sud a réussi à mettre en avant la littérature nordique grâce à sa collection Actes Noirs et plus particulièrement grâce à la série Millénium, il se peut que Thierry Magnier ou un autre ait cette chance.

    La concurrence qui réside et fait vivre ce marché nous mène à se poser une question qui fâche beaucoup dans le monde de l'édition, française du moins, celle de la commande d'éditeurs. Comment expliquer la surabondance de romans sur les vampires, sur les loups-

    54 Op.cit. Blog Il bouge le livre, Le Monde, A propos du roman ados, 17.12.2009, entretien avec Soazig Le Bail.

    garous et aujourd'hui sur la Dystopie55 ? La surproduction que vit ce marché nous ramène à la réalité commerciale de la production industrielle, de masse, de série. Ce suivisme à Harry Potter puis Twilight ne tient pas uniquement des auteurs mais bien des éditeurs qui eux aussi veulent un best-seller digne de ce nom. Tout le monde s'y met, à sa manière et il semblerait que tous les coups soient permis, y compris la commande de titres aux caractéristiques bien précises. Grâce à la vague Twilight, les éditeurs ont compris que le fantastique durerait après la fin des aventures du petit sorcier. Les adolescents sont en demande de plus d'aventures de ce genre et les éditeurs doivent les contenter afin de ne pas perdre leur attention. Si l'éditeur joue un rôle de guide pour son auteur en le conseillant sur son style ou son histoire, il n'est pas traditionnellement question qu'il réécrive le roman. Dans le même entretien pour le blog Place to be, Céline Terouanne explique les exigences demandées à l'auteur et à l'éditeur étranger avant d'acheter les droits d'un ouvrage :

    « Quel est le parcours d'un roman dans cette collection, de ces débuts jusqu'à l'arrivée chez les libraires ? Par exemple 16 Lunes, Le Journal d'un Vampire, Delirium.

    Chaque roman a un parcours particulier, et ce serait raconter autant d'histoires différentes que de parler de chacun. En avril 2008, le livre 16 Lunes s'appelait, au moment de la foire du livre de Bologne, Caster Grils. Le texte était très fort, mais pas "édité", il manquait beaucoup de travail dessus. Nous avons choisi d'attendre une version plus aboutie, ce qui est toujours risqué car un autre éditeur pouvait en acquérir les droits entre temps. En septembre 2008, juste avant la foire du livre de Francfort, l'agent new-yorkais nous a envoyé une version dite "finale", et nous avons été conquises. Cela s'intitulait alors 16 Moons. Mais nous n'étions pas les seuls à aimer, et nous nous sommes battus aux enchères contre d'autres éditeurs ! Finalement c'est nous qui avons été choisis, entre autres parce que le fait de

    55 Dystopie : La dystopie est un genre littéraire s'opposant radicalement à l'utopie. Elle met en avant une société imaginaire basée sur les craintes humaines qui peuvent dériver en idéologies et avoir des conséquences néfastes sur la population. Les dystopies sont des anticipations qui mettent en exergue des évènements apportant le malheur suite à un projet politique précis. Les différents thèmes des dystopies sont intimement liés aux craintes d'une époque ainsi qu'aux préoccupations personnelles des auteurs, que ceux-ci ont besoin d'extérioriser. Mouvement qui titre ses origines des classiques 1984 de Georges Orwell ou de Sa majesté des mouches de William Golding.

    publier un titre sous la marque Black Moon était déjà une garantie de succès »56 .

    Le roman 16 Lunes a donc mis du temps à être publié en France. Un travail de réécriture a dû être effectué par l'auteur américain avant qu'Hachette n'accepte quoique ce soit. Ici, 16 Lunes n'est pas une commande d'éditeur à proprement parler. L'ouvrage a été soumis à des exigences éditoriales légitimes. Pourtant, avec un marché composé principalement de traductions, les éditeurs français ne peuvent pas nous assurer que les livres dont ils acquièrent les droits sont des commandes d'auteurs, des perles trouvées à force de longs travaux de veille et de négociations ardues. Sur ce point, Antoinette Rouverand avoue qu'elle ne peut pas nous << assurer que l'éditeur américain ou anglais n'a pas eu ce manuscrit sur commande. Cependant, il y a une véritable exigence éditoriale et littéraire chez les éditeurs d'Hachette Jeunesse ». << Nous ne sommes pas L'Oréal, nous faisons un produit unique et pas en série »57, continue-t-elle. Oui, Hachette Jeunesse ne fait donc pas de la commande. Toutefois, ils acceptent des manuscrits qui peuvent avoir été écrits sur commande. On ne peut donc pas les blâmer mais peut-être douter de la voie que prend la littérature jeunesse anglo-saxonne. Certes, elle permet de donner un nouveau souffle à ce marché mais elle remet en cause toutes les fondations et les principes de l'édition française qui nous est chère.

    56 Op.cit. Blog Place to be, entretien.

    57 Op.cit. Annexe A, n°3.

    II. Internet, le tremplin du roman pour adolescents. Quelles limites, quels dangers, quels avantages ?

    A. Internet, un outil de sociabilité qui change le rapport des jeunes à

    la lecture.

    1. Les réseaux sociaux : une double promotion très active.

    Une rapide introduction au concept de réseaux sociaux :

    << L'expression « médias sociaux » recouvre les différentes activités qui intègrent la technologie, l'interaction sociale (entre individus ou groupes d'individus), et la création de contenu. Andreas Kaplan et Michael Haenlein définissent les médias sociaux comme « un groupe d'applications en ligne qui se fondent sur la philosophie et la technologie du Web 2.0 et permettent la création et l'échange du contenu généré par les utilisateurs. »58

    Cette définition, donnée par Wikipédia, résume assez bien l'essence des réseaux sociaux. Ainsi, les réseaux sociaux ou << médias sociaux » sont basés sur l'interaction sociale et génèrent de la création de contenus par les utilisateurs mêmes. Dans cette partie, nous exclurons les forums et les blogs des réseaux sociaux traditionnels tels que Facebook ou Twitter car ils ont des caractéristiques propres qui viennent compléter la mission des réseaux sociaux.

    Toutefois, avant de se lancer dans une analyse poussée sur le rôle des réseaux sociaux dans la promotion des grands formats jeunesse, il paraît utile de faire un point sur l'utilisation et l'impact des réseaux sociaux sur le marketing en général. De nombreux professionnels tentent de voir clair quant à la bonne utilisation des réseaux sociaux pour la promotion de leurs produits.

    58 Wikipédia : Définition << Réseaux Sociaux ».

    Acxiom, leader mondial des prestations de service marketing interactif, a donc décidé de faire un bilan de l'année 201059 sur les réseaux sociaux et leurs utilisateurs.

    Facebook est le réseau social le plus attractif. Selon Acxiom, la France compte 17 millions d'utilisateurs ce qui représente 49% des internautes. Facebook dépasse largement le traditionnel réseau Copain d'Avant et est particulièrement fréquenté par les jeunes. 75% des 18-24 ans sont inscrits sur Facebook et se connectent plusieurs fois par jour.

    Pourquoi fréquenter les réseaux sociaux ? À cela, l'enquête d'Acxiom répond que 87% des inscrits souhaitent rester en contact avec leur entourage, 42% aiment partager des liens, des photos et des vidéos et 32% sont présents afin d'échanger des informations sur leurs centres d'intérêts. C'est évidemment ce dernier chiffre qui, en tant que marque, nous intéresse.

    « Une démarche proactive des utilisateurs vis-à-vis des marques60 ». En effet, 2,5 millions d'internautes sont inscrits sur des pages de marques, soit 15% des internautes inscrits à au moins un réseau. Parmi ces inscrits, 34% souhaitent exprimer qu'ils sont fans de la marque.

    Ainsi, il existe différents comportements concernant les internautes et les réseaux sociaux. Acxiom les classent en cinq catégories :

    o Les Networkers : représentent 9 millions d'internautes. Ce sont des utilisateurs réguliers des réseaux sociaux qui les utilisent afin de rester en contact avec leur entourage, partager des informations, des photos et qui n'attendent aucune communication de la part des marques.

    o Les Fans : représentent 3,4 millions d'internautes. À l'opposé des premiers, les Fans s'inscrivent sans hésiter aux pages des marques qu'ils apprécient. Ils attendent de recevoir des offres promotionnelles et exclusives de la part des marques. Ce sont de véritables consommateurs et n'hésitent pas à communiquer avec d'autres internautes à propos des marques.

    59 Marketing Professionnel.fr : Réseaux Sociaux, un vrai potentiel marketing

    60 Ibid.

    o Les partageurs de sensations : représentent 4 millions d'internautes. Principalement présents dans le but de partager des vidéos et des photos. Ils n'attendent rien des marques.

    o Les Solos : représentent 6,5 millions d'internautes. Ne sont pas inscrits sur les réseaux sociaux et pratiquent Internet comme une activité très personnelle.

    o Les Internautes Traditionnels : représentent 12 millions d'internautes. Pas encore inscrits sur les réseaux sociaux. Une grande majorité a atteint l'âge de 60 ans et sont en couple sans enfant. Utilisation limitée d'Internet.

    << Ces chiffres, qui prouvent bien l'impact des réseaux sociaux et la démarche active d'une partie de leurs membres, révèlent le fort potentiel de la publicité sur ces nouveaux médias, à condition de le travailler à bon escient >61, en conclu Frédéric Grelier, responsable du marché européen chez Acxiom. Ainsi, il insiste sur le fait que l'enjeu actuel n'est plus de choisir un canal de communication pour toucher le client mais bien << d'identifier ses canaux préférés et de créer une relation interactive entre l'annonceur et le consommateur>.

    Cette enquête peut facilement être rapprochée de la promotion littéraire. Comme tout autre produit, le livre a sa place dans les réseaux sociaux et d'autant plus que c'est un bien culturel. Nous avons vu que les internautes aiment partager leurs avis au sujet d'expériences et la lecture est une expérience. Phillip Nelson, un universitaire américain spécialiste en politique économique a introduit ce concept << d'expérience > quant à la valeur d'un produit pour le consommateur. Complémentaires des blogs, les réseaux sociaux permettent aux internautes de se regrouper par cercles d'intérêts. Il est désormais classique pour les éditeurs d'ouvrir une page Facebook et un compte Twitter. Cela ne l'était pas il y a cinq ans et des changements sont continuellement apportés afin de servir au mieux les professionnels. Un article de Livres Hebdos62 du 10 mars 2011, nous apprend que les << pages > Facebook des éditeurs peuvent s'actualiser automatiquement. Jusqu'à présent, les utilisateurs de << pages > disposaient de fonctionnalités limitées par rapport aux utilisateurs de profils. Car il ne faut pas oublier qu'avant les << pages >, les professionnels

    61 Ibid.

    62 Livreshebdos.fr : Les professionnels vont pouvoir renouveler leurs pages Facebook, 15 février 2011.

    se créaient des profils entiers. Les internautes n'étant pas << amis >>, ils ne pouvaient alors pas << liker >> ou << commenter >>. Aujourd'hui, tout est mis en oeuvre afin de casser l'aspect plus formel des << pages >> et de faciliter l'échange. Pourtant, il reste difficile de devenir << ami >> avec un éditeur de renommé, les places sont limitées, même sur le Net !

    Les réseaux sociaux deviennent rapidement un outil primordial pour l'éditeur. << Facebook est un avantage certain pour la promotion d'ouvrage jeunesse. Non seulement, c'est un moyen de communication sans frais, mais c'est aussi un outil qui cible parfaitement le public des jeunes adolescents. C'est un moyen de venir << draguer >> les lecteurs potentiels >>63 explique Mireille Tyckaert, Directrice Marketing chez Nathan Jeunesse.

    Lorsqu'on sait que les conseils fournis par les amis constituent le premier vecteur de prescription, mieux vaut favoriser les échanges. Twilight et Harry Potter sont aujourd'hui des cas d'école. Leurs pages Facebook internationales comptent 12 millions de << like >> pour la saga Twilight et 14 millions pour celle d'Harry Potter. Les internautes se sentent parfois si impliqués dans le rayonnement d'un livre qu'ils créent leur propre page Facebook pour alimenter leur communauté. Ainsi, si pour la littérature générale, la question d'être ou ne pas être sur les réseaux sociaux peut se poser, elle n'est néanmoins pas d'actualité pour le secteur jeunesse. Une étude IFOP64 montre d'ailleurs que 96% des jeunes français de 18 à 24 ans sont sur les réseaux sociaux dont 99% inscrits sur Facebook. Y être présent n'est donc plus une option mais une évidence. Une autre enquête, menée cette fois par Consojunior en 200965, révèle le rôle sans précédent des jeunes comme vecteur principal de communication depuis l'ascension du Web 2.0. Qu'elle soit positive ou négative, la communication faite par les jeunes autour d'un produit va servir au buzz puisque les réactions des internautes appellent à d'autres réactions et ainsi de suite. Pour ces jeunes, la génération Y puis la Z, la dernière, la technologie est omniprésente. Comme l'explique parfaitement Pascale Ezan, << elle représente un prolongement naturel de leur personne et comporte une dimension sociale, culturelle et affective. Certains n'hésitent pas

    63 Annexe A, n°5. Entretien Mireille Tyckaert, Directrice Marketing Nathan Jeunesse.

    64 Annexe E, IFOP. Observatoire des Réseaux Sociaux. Janvier 2010.

    65 Consojunior, Quand les digital natives s'informent I mars 2009.

    à parler << d'organe numérique >>66 pour souligner l'importance des technologies numériques dans la vie de cette population ! Les 15-25 passent ainsi en moyenne près de 13 heures par semaine sur Internet >> 67.

    La sociabilité qui s'installe sur la Toile et autour du livre change ainsi le rapport des jeunes aux marques et, par conséquent, à la lecture. Hélène Sagnet, Directrice de la revue Lecture Jeune, écrit dans l'édito du numéro sur les adolescents et la culture numérique, que << le Web favorise l' << individualisme expressif >>. Il permet à chacun de nous, sous réserve de maîtriser un minimum les technologies, de créer et de produire ses propres contenus, pour les diffuser et les partager ensuite >>68. Les réseaux sociaux comme outil à la promotion du livre vont donc replacer le lecteur au centre des préoccupations. Longuement oubliée par les éditeurs, la demande, en étant << créative >>, va devenir une préoccupation primordiale. En effet, Hélène Sagnet souligne l'avantage de cette interactivité qu'offre Internet mais elle met aussi en garde contre l'effacement de la frontière entre art, divertissement et communication. Les réseaux sociaux vont ainsi permettre de promouvoir un livre avec les informations de l'éditeur mais aussi par l'animation des internautes. Les lecteurs pourront apporter des contenus nouveaux comme des vidéos, des photos et des textes. Enfin, ils permettent de se divertir autour d'un produit. Ce qui devient donc intéressant avec les réseaux sociaux est bien la réception de la promotion. Celle-ci s'inscrit dans un processus d'enrichissement réciproque et d'interactivité. Les frontières entre consommateurs et artistes, amateurs et professionnels et même lecture et écriture sont déplacées.

    66 Ezan Pascale, Les stratégies de marque sur la blogosphère adolescente: illustration à travers le cas Hatier, 11th International Congress on Marketing Trends, Paris, 2011, p.4.

    67 Op.cit. Consojunior 2009.

    68 Lecture Jeune, Culture numérique : Nouveaux espaces d'expression et de création des adolescents. N°133, Paris, mars 2010, édito.

    Dans ce même numéro de Lecture Jeune, Nicolas Auray, Maître de Conférences à l'Ecole Normale Supérieure de Télécommunications écrit ceci :

    << Les ' audiences » se voient ainsi donner la possibilité d'être plus actives : on passe des ' audiences spectatorielles » d'autrefois, passives et sérielles, à des ' publics remixeurs », ironiques et transformateurs. À la place d'un monde marqué par l'échange d'oeuvres publiées et rattachées à un auteur, s'esquisse un rapprochement entre la publication et la conversation : la création est plus collective, et, comme un organisme vivant, évolue en synchronie avec les remarques de son public, voire fait l'objet de sélections, reprises ou détournements, qui la font se reproduire ailleurs. >>69

    Les << reprises >> et les << détournements >> dont il parle ici concernent plusieurs choses. Les fanfictions, par exemple, sont des détournements d'une oeuvre, un << travestissement >>. Le concept des fanfictions est d'inventer une suite ou un épisode possible d'un roman que l'on a aimé. Beaucoup de fanfictions ont donc été faites sur Harry Potter et Twilight. Des sites entièrement dédiés à cet exercice sont visités chaque jour par des milliers de fans qui attendent impatiemment de retrouver l'univers et les personnages qu'ils affectionnent. Car l'idée n'est pas vraiment de remplacer l'auteur mais de ne pas accepter la fin d'une histoire. Les fanfictions offrent une nouvelle vie aux romans et sont de bons exercices d'écriture. Les réseaux sociaux ont permis aux fanfictions d'être lancées. Certains éditeurs proposent eux-mêmes certains énoncés de fanfictions. Il est évident que les fanfictions permettent aux éditeurs de s'assurer une promotion prolongée, au cas où certains potentiels lecteurs seraient passés à côté de leurs romans. Mieux, les éditeurs peuvent aussi se servir des fanfictions pour comprendre les attentes des jeunes lecteurs pour de futures publications.

    Les autres << détournements >> peuvent être aussi effectués sous forme de vidéos amateurs. Beaucoup de fans se sont prêtés au jeu de faire eux-mêmes la bande-annonce d'un roman même si celui-ci n'était pas destiné à être adapté en film. Actuellement, une page Facebook en particulier est en ébullition, celle de la trilogie dystopique Hunger Games de Suzanne Collins, publiée en France chez Pocket Jeunesse. Le film du premier tome de la trilogie est en plein tournage et dans l'attente de sa sortie, les éditeurs et les fans

    69 Ibid.

    s'emparent de tous les moyens possibles afin de se divertir et de rester dans l'ambiance Hunger Games. Une vidéo de fan attire notre attention, la bande-annonce du Tome 1 entièrement réalisée sur ordinateur grâce au jeu des Sims. Cet exemple révèle l'implication énorme des fans dans la promotion de la trilogie. Ils souhaitent autant que les éditeurs qu'elle devienne un phénomène. Appartenir à la communauté est beaucoup plus stimulant lorsqu'elle grandit et qu'elle s'anime de jour en jour. Les fans pourraient presque se sentir responsables du succès d'un roman et c'est peut-être le cas. Les éditeurs proposent aussi aux fans de faire des bandes-sons, accompagnées parfois de clips musicaux, adaptées aux romans et même d'imaginer des « cosplay », c'est-à-dire des tenues de personnages. Les éditeurs américains d'Hunger Games vont d'ailleurs lancer leur propre réseau social entièrement dédié à la trilogie !

    Les réseaux sociaux ont une fonction beaucoup plus large que simplement promotionnelle. Les internautes-lecteurs et fans attendent un véritable échange avec l'éditeur, voire avec l'auteur. Faire une page Facebook sans l'alimenter constamment ne serait pas utile. Il faut susciter des réactions, même si celles-ci sont des critiques. Certains jeunes, bien qu'en contact avec des adultes et des professionnels, peuvent parfois être très directs et blessants. Pourtant, c'est bien là que réside tout l'intérêt des réseaux sociaux, celui de faire avancer les échanges, la créativité et de générer du flux. Les adolescents ne sont plus de simples consommateurs, ils sont « consomacteurs ».

    En complément aux réseaux sociaux, de nombreux blogs et forums sont créés. Que ce soit par un fan, un éditeur ou un auteur, l'objectif reste le même, celui de créer une communauté autour d'un livre, d'une collection, d'une littérature ou d'un auteur. Aujourd'hui, les blogs et les forums fourmillent sur la Toile. Toutefois, certains se distinguent de la masse grâce à leur véritable valeur ajoutée et leur effet prescriptif. Ainsi, concernant les romans pour ados, la prescription des professionnels dérivent peu à peu dans les bras de quelques jeunes lecteurs qui paraissent plus légitimes de juger de leur qualité.

    2. Les Blogs et Forums : Quel fonctionnement ? Quelles prescriptions ?

    Les adolescents sont les principaux utilisateurs mais aussi créateurs de blogs. Ces plateformes sociales sont rapidement devenues le lieu d'exposition privilégié des amitiés et des amours. Des blogs, moins intimes, sont aussi créés autour de centres d'intérêts comme la musique, le cinéma et la lecture. En complément aux blogs, il existe les forums, une autre forme de sociabilité très appréciée par les adolescents. Ces forums sont des groupes de discussions qui peuvent aller d'un intérêt précis comme la science fiction jusqu'au thème le plus large, voire totalement libre.


    · La blogosphère :

    Les adolescents, comme nous le savons, sont des êtres en construction qui recherchent une identité et une légitimité aux yeux de leurs pairs. Il n'est donc pas surprenant de constater qu'ils plébiscitent les communautés virtuelles, et notamment les blogs, car celles-ci leur permettent de s'exprimer presque sans censure, facilitent les échanges, créent du lien et les rassurent par l'appartenance à des groupes et des réseaux. << Les digitals natives, que nous avons défini précédemment, sont deux fois plus nombreux que l'ensemble des internautes à consulter des blogs << intimistes » et 40% possèdent un blog », écrit Pascale Ezan d'après la source Médiamétrie. Grâce aux plateformes telles que Skyblog (créée en 2002), des millions d'amateurs se lancent dans la blogosphère. Skyblog constitue l'une des plus grandes plateformes de blogs avec, en janvier 2010, 29 millions de blogs, 9 millions de profils et 9 000 nouveaux blogs par jour... Cette plateforme est facile d'utilisation et permet de commencer dans le Web avant de s'intéresser à des plateformes plus performantes comme Overblog. Un article de Lecture Jeune70 nous indique que sur Skyblog, uniquement, 170 000 articles font référence à Twilight et que les blogs consacrés à des séries ou des auteurs sont les plus nombreux.

    Ainsi, 35% des créateurs de blogs ont entre 11 et 15 ans et 47% des créateurs restants ont entre 16 et 24 ans. Les chiffres parlent d'eux-mêmes et il devient alors absolument évident de s'intéresser à ce domaine lorsqu'on est éditeur ou marketeur de

    70 Op.cit. Lecture Jeune, n°133, p.25.

    littérature jeunesse. Pascale Ezan s'est beaucoup intéressée au phénomène du blog71. Une récente étude lui a permis de distinguer quatre profils qui témoignent de niveaux d'implication différents et de motivations différentes. Ci-dessous est présenté le tableau de Pascale Ezan qui représente la typologie du blog pour adolescents :

     

    Mise en scène de soi du blogueur

    Intensité

    des interactions suscitée

    par le blogueur

     

    FAIBLE

    FORTE

    FAIBLE

    Fan

    Journal intime

    FORTE

    Participatif

    Prescription

    Le premier type est le << blog journal intime >> où l'adolescent va se confier sur sa vie comme il le ferait dans un carnet. Celui-ci ne nous intéressera pas vraiment concernant le roman ados.

    Vient le << blog de prescription >> dont l'objectif est de délivrer des conseils, de partager des coups de coeur et des astuces. Le créateur du blog << attend une certaine reconnaissance >> précise P.Ezan ainsi qu'une forte << interactivité avec les internautes en adoptant une posture d'influenceur >>.

    Le << blog Fan >>, montre un profil totalement opposé puisque le créateur s'efface au profit de ses centres d'intérêts et notamment, de la marque. Sa personnalité est peu connue car la mission qu'il s'est attribuée est de faire partager sa passion et obtenir une récompense en tant qu'expert. << Son ambition : que son blog devienne une référence >>.

    71 EZAN Pascale. Les stratégies de marque sur la blogosphère adolescente: illustration à travers le cas Hatier, 11th International Congress on Marketing Trends, Paris, 2011.

    Enfin, il existe le « blog participatif >> dont le but est de créer une communauté autour de conversations virtuelles que le blogueur s'attache à susciter. C'est sur l'interactivité que sera jugé le créateur car il est tenu d'animer les conversations même s'il n'apporte pas ou peu de contenu.

    Ce paysage de blogs doit motiver les marques à repenser leurs stratégies et leur moyen de communiquer si celles-ci veulent réussir à attirer les adolescents. Accessibilité, interactivité, participation, voire co-création sont les mots clés de la réussite.

    Les sociabilités littéraires des adolescents fleurissent sur Internet grâce aux blogs et aux forums. Si nous avons vu qu'il existe quatre types de blogs, concernant la littérature ados nous n'en retiendrons que deux.

    Les « blogs généralistes de lecture » :

    Ils sont créés et fréquentés par des ados qui cherchent des conseils de lecture venant de leurs pairs. C'est un espace où le créateur va partager ses goûts littéraires en donnant une critique, approfondie ou non, positive ou non, sur un roman. Le blog peut aussi fournir des informations complémentaires sur l'auteur et les personnages. Les « blogs généralistes de lecture >> sont entre la catégorie « blog de prescription >> et « blog Fan >>. L'interactivité n'est pas toujours présente mais c'est bien le créateur qui tient les rênes de son blog, de son animation et de son contenu. Il attend aussi une reconnaissance de la part de ses internautes mais aussi de la part des éditeurs et des auteurs. Aujourd'hui, quelques chanceuses sont traitées par les professionnels du livre comme de vraies prescripteurs et entretiennent des liens d'égal à égal réjouissants pour l'adolescent.

    Elodie Royer a 21 ans et tient le blog Croqueuse 2 livres depuis 2006. « Autour de moi, j'avais peu d'amis lecteurs de littérature jeunesse. En surfant sur Internet, j'ai découvert les blogs en me disant : « Pourquoi pas moi ? >>. J'ai alors rencontré des gens qui partageaient mes coups de coeur. Au départ, les critiques étaient courtes, puis je les ai étoffées. Le blog a quatre ans et il a véritablement évolué>>72 , confie la jeune blogueuse. Une autre jeune fille, qui n'a pas révélé son nom, tient un blog de lecture, Lirado. Âgée de 20 ans, son blog a lui aussi quatre ans et fonctionne très bien. Pourtant, elle n'échange que

    72 Op.cit. Lecture Jeune, n°133, p.29.

    très peu, voire pas du tout, avec ses internautes. Ils peuvent, évidemment, laisser des commentaires mais elle avoue ne pas répondre beaucoup. Cette jeune blogueuse se situe donc plus du côté des << critiques >> littéraires jeunesse que de celui d'animatrice de conversation. La valeur ajoutée qu'aborde Elodie Royer, celui des échanges entre pairs et l'appartenance à une communauté de lecteurs sensibles, est donc absente de ce blog pourtant intéressant et sûrement prescripteur. En effet, Lirado semble être devenu une plateforme relai entre l'éditeur et le client final, le lecteur. Lors d'un entretien, nous lui demandons si elle est en contact avec des éditeurs, voici sa réponse:

    << Oui les éditeurs me contactent. D'ailleurs, la quasi totalité des livres que je chronique sont des livres reçus par les éditeurs avec lesquels je suis en contact : les gros tels que Gallimard, Nathan, Hachette, Pocket comme les plus petits comme Le Rouergue. A mon avis, les blogs et sites littéraires sont l'avenir de la critique, c'est beaucoup plus simple pour l'internaute, il peut avoir accès en quelques clics à une diversité d'articles critiques sur un même livre. >> 73

    Elle ajoute :

    << Je pense que les éditeurs trouvent leur compte pour leur promotion >>.

    Ainsi, les critiques qu'elles publient sur son blog sont toutes, ou presque, issues des envois d'éditeurs. Il n'y aurait donc aucune véritable sélection personnelle faite par la blogueuse. On peut même se demander si les critiques mêmes ne sont pas des copier-coller d'argumentaires envoyés directement par les éditeurs afin de faciliter le travail de la jeune fille. Car en lien et au service de professionnels de l'édition, tels que Gallimard et Hachette, le blog peut rapidement devenir un travail à temps complet et un << pot-pourri >> d'informations vides de sens.

    La conviction d'avoir aujourd'hui un rôle à jouer dans la promotion des livres pour ados n'est sans doute pas une illusion mais un doute persiste quant à la réception de ces services par les éditeurs. Lors de notre entretien auprès d'Antoinette Rouverand, celle-ci a tenu à aborder le cas des jeunes blogueurs amateurs avec qui elle travaille ou du moins travaillait.

    73 Op.cit. Annexe A, n°4.

    << Les blogueurs ont un véritable poids de prescripteur sur le Net et parfois certains prennent la grosse tête... Il y a des risques à travailler avec les blogueurs. Celui de recevoir une mauvaise critique est incontrôlable, ils prônent la liberté d'expression et c'est vrai que l'on ne peut pas les empêcher de dire ce qu'il pense mais parfois c'est juste de la méchanceté gratuite.

    Je me souviens d'une blogueuse à qui l'on avait offert une place à l'avantpremière très hype de Twilight. Elle a eut beaucoup de choses de notre part et elle nous a descendu sur son site. Je l'ai appelé et je lui ai dit qu'elle pouvait très bien ne pas aimer mais qu'il y avait toujours une manière de dire et de faire.

    Ils pensent avoir le pouvoir, la célébrité, alors qu'ils n'ont que 18 ou 20 ans ! Ils arrivent à être blasés de recevoir des dizaines de livres gratuits par semaine. Il ne faut pas qu'ils oublient que sans nous, ils n'ont pas le matériel pour leur blog... Donc nous avons décidé de réduire le travail avec les blogueurs pour ne garder que les meilleurs et les plus corrects. » 74

    Cette expérience vécue par Antoinette Rouverand doit alerter les jeunes blogueurs et les éditeurs. Si les blogs veulent être en lien avec l'édition et les éditeurs en lien avec les blogueurs, il faudra se montrer professionnel, fiable, courtois et conscient de l'impact de l'un et de l'autre.

    Les blogs qui rencontrent du succès évoluent parfois vers des sites plus construits et plus professionnels. Elodie Royer et sept autres jeunes blogueuses livres se sont alliées afin de créer un véritable magazine littéraire pour adolescents en ligne. Mag à Lire est une jolie réussite. Ce webzine littéraire compte aujourd'hui 550 abonnés. << Nous sommes ravies car il commence à être connu et largement diffusé », explique Elodie Royer. << Il n'y avait pas de revue destinées aux ados, traitant de nos lectures, notamment dans les collections jeunesse », continue-t-elle. << Désormais, nous sommes contactées par les maisons d'édition jeunesse, qui nous envoient les ouvrages en service de presse»75, complète Lucile Favreau.

    74 Op.cit. Annexe A, n°3.

    75 Op.cit. Lecture Jeune, n°133, p.30.

    Toujours dans les << blogs généralistes de lecture », il existe Livre 4 ever ou encore Oh Book. Rédigés en écriture SMS, accompagnés d'anglicisme, ils mettent en avant la notion de plaisir de lire. Véritable invitation à la lecture, les blogueuses invitent aussi fortement les internautes à s'exprimer au sujet des romans qu'ils auraient lus. << Un nouveau blog parlant de livres. Ici, chacun peut donner son avis sur les romans et proposer de bons livres. Si vous aimez lire ou si vous êtes en manque d'idées de lecture, vous êtes au bon endroit =D », voici ce que l'on peut lire sur le bandeau introductif d'Oh Book. Ces blogs constituent un réseau social, une communauté que l'on rejoint en devenant << ami ». En terme de contenus, ils tiennent des discours sincères et spontanés, loin de l'analyse littéraire que les adolescents pourraient trouver formels. Ici, l'expression personnelle de la blogueuse et l'individualisation du jugement esthétique de chaque contributeur sont mis à l'honneur. En parcourant les blogs, nous ressentons une véritable ouverture d'esprit et de tolérance. Ces blogs littéraires, étant généralistes, ne se contentent pas d'aborder la production de littérature estampillée jeunesse ou adolescente. Au contraire, beaucoup de classiques ou de best-sellers de littérature générale sont cités comme Hugo et Zola ou Musso et Lévy. Il y en a vraiment pour tous les goûts et des sondages sont régulièrement organisés afin de recueillir des informations de la par des lecteurs. Sur Livre 4 ever, par exemple, un sondage est paru dernièrement : << Vous avez un livre favori ? Ou existe-t-il un livre qui vous a vraiment déçu ? N'hésitez pas une seconde et exprimez-vous ». 1 048 personnes se sont prêtées à l'exercice soit 105 pages de commentaires.

    Les blogs dédiés (à un auteur, une série ou une littérature) :

    Alors que les blogs << généralistes » sont dans le partage et la diversité, les blogs dédiés sont réalisés par des fans ayant un unique objet de passion. Comme nous l'avons vu avec les fanfictions, ces blogs dédiés sont une prolongation de leur lecture, une continuité auprès des personnages auxquels ils sont attachés. C'est d'ailleurs sur ces blogs ou sites que l'on trouve les fanfictions ainsi que de nombreuses autres créations telles que des fanart ou fan art.

    << Le fanart désigne en anglais toute oeuvre réalisée par un fan et s'inspirant ou reproduisant un ou plusieurs personnages, une scène ou l'univers d'une oeuvre existante, qu'elle soit littéraire, picturale ou audiovisuelle. Ce terme ne se limite pas qu'aux dessins comme beaucoup peuvent le croire mais bien à tout types et tout supports.

    Classiquement, le fanart peut n'être qu'inspiré de la description de l'auteur original du livre ou de l'image de l'acteur ou du personnage du film ou de l'animation considérée. Un exemple est celui du livre et du film Harry Potter, dont les fanarts ne ressemblent pas forcément aux acteurs mais reprennent les traits caractéristiques des personnages : lunettes et cicatrices pour Harry Potter, cheveux blonds et traits aristocratiques pour Drago Malefoy. Le prérequis d'un fanart est avant tout d'être reconnaissable.>> 76

    C'est ainsi que Wikipédia définit ce concept ancien mais très accentué grâce à Internet.


    · Les Forums :

    Ado.fr :

    Le site ado.fr n'est pas uniquement dédié à la littérature mais contient des rubriques très diverses allant de la musique au cinéma, en passant par le sport et l'actualité croustillante des people. On y trouve même une rubrique « santé >> car le site appartient à Doctissimo. Au milieu de toutes ces informations, on tombe finalement sur la rubrique « Livre-BD >>. Ce qui surprend dès le premier coup d'oeil à cette page est le Top des lectures. Alors qu'on penserait trouver des titres comme Harry Potter, Hunger Games ou Promise, on se retrouve face à un listing inattendu de classiques comme Le Rouge et le Noir, L'Etranger, Hamlet etc. Seul Cathy's Ring, le dernier tome de la trilogie Bayard, appartient à la littérature jeunesse. Mais où sont passés tous les titres que les éditeurs conçoivent à destination des adolescents ? Lorsque nous basculons sur le Forum « Vous lisez quoi en ce moment ? >> qui compte plus de 76 000 lectures, nous sommes encore une fois surpris de rencontrer sur notre chemin Nietzsche, Poe, Musset, Lévy ou Nothomb. Les romans classiques et jeunes adultes sont dominants et il faut descendre loin dans l'historique de la discussion pour rencontrer Twilight et Everworld. Nous sommes surpris de trouver les classiques quand il s'agit de plaisir et non pas de prescription. Certes, c'est une très bonne nouvelle de voir autant d'adolescents lire de grands textes de la littérature mais c'est une déception pour les éditeurs jeunesse qui tentent par tous les moyens de faire vivre la littérature ados.

    76 Wikipédia : Définition de « Fanart >>.

    Les forums dédiés semblent être les plus intéressants. On y trouve des débats animés et des analyses poussées autour des hypothèses de réception de l'oeuvre, de la psychologie des personnages. Un véritable attachement à la figure de l'auteur est prégnant. Ces forums créent des liens très forts puisque les internautes partagent un imaginaire commun. En guise d'exemple, le forum The Meadow, dédié à Twilight, est une réussite.

    Les blogs, les forums et les sites de fans sont désormais considérés comme prescripteurs. Certains éditeurs investissent des forums afin de mieux comprendre les adolescents, leurs goûts, leurs préoccupations etc. Il est désormais certain que les jeunes, avec les moyens que proposent Internet, préfèrent s'adresser à leurs pairs plutôt que de croire les arguments de vente des éditeurs. Pourtant, certains éditeurs et auteurs, plus en avance que d'autres, se sont lancés dans une nouvelle cyberpromotion qui mise entièrement sur la proximité avec les ados-internautes.

    B. Quand les éditeurs et les auteurs se lancent dans la promotion

    numérique.

    C'est sous les conseils de Céline Vial que nous allons maintenant nous concentrer sur la série Tara Duncan, le véritable produit marketing du moment chez les jeunes. Selon elle, ceci serait « l'exemple même du target marketing, d'Internet au service d'une marque » 77. Ici la marque se révèlera être l'auteur et non le roman.

    1. Tara Duncan: un succès flamboyant. Recette de ce « produit » marketing.

    Tara Duncan n'est pas simplement une longue série fantastique, c'est aussi un auteur qui tisse des liens très forts avec ses lecteurs grâce à son site officiel et son blog. Si Tara Duncan a été pensé et écrit bien avant que le succès ne frappe à sa porte, les stratégies marketing ne manquent pas pour favoriser son ascension. Elles ne sont pas intervenues dans l'écriture de la série mais bien dans sa promotion. Il a fallu attendre la vague Harry Potter pour que Sophie Audoin-Mamikonian ne soit publiée. Son monde

    77 Op.cit. Annexe A, n°2.

    correspond en effet au phénomène de fiction jeunesse du moment. Lutins, elfes, fées, vampires, trolls, gobelins, licornes, toutes les créatures qui font rêver les jeunes sont dans Tara Duncan. Il y avait donc de grandes chances pour que cette série fasse fureur. Cependant, ce succès vient aussi d'une stratégie ingénieuse développée par l'auteur grâce à Internet. Sophie Audoin a rapidement compris combien Internet pouvait jouer en sa faveur et lui permettre de créer un véritable buzz autour de Tara. Il fallait que son monde, adoré des jeunes, existe en dehors des livres, qu'il ait une prolongation. Il fallait aussi que l'auteur fidélise les lecteurs et quoi de mieux pour cela que de devenir << amis ». D'après Livres Hebdo, c'est l'auteur et non l'éditeur qui serait à l'origine de la communauté web autour de Tara Duncan. Lorsqu'elle demande à son éditeur de mettre l'adresse du site sur la 4ème de couverture de ses livres, celui-ci l'a regardée << comme une extraterrestre », ditelle.

    Le site officiel Tara Duncan78 :

    La première chose que l'on remarque sur ce site est la volonté de l'auteur à se positionner comme égale à ses lecteurs. Ainsi, le site semble avoir été créé par un adolescent. Couleurs, illustrations mangas, petites étoiles, le site est accueillant pour un ado, il ne se pose pas comme une autorité mais invite à entrer dans ses méandres. Le vocabulaire utilisé par l'auteur est aussi signe de cette volonté à se rapprocher des adolescents.

    Ainsi, voici comment se fait l'annonce d'une nouvelle concernant son nouveau roman :

    << INVITATION VIP dans mon complot diabolique pour transformer les Taraddicts en Indianaddicts, voici l'invitation à télécharger pour la Grrrrannnnde dédicace Indiana Teller, ma nouvelle série qui sort le 10 mars et que nous fêterons tous ensemble ».

    Cette technique d'écriture s'accorde à ce que nous avons observé des pratiques culturelles
    des jeunes. Si ceux-là s'intéressent à la littérature, ils ne veulent plus sentir une autorité
    d'adulte ou de marque. Ils recherchent un espace où ils seraient traités comme égaux mais

    78 http://www.taraduncan.com/

    aussi où ils se sentiraient comme appartenant à un groupe. Le site Tara Duncan offre aux jeunes lecteurs un contact facile. Le vocabulaire et le style de l'auteur est très adolescent. Elle se permet d'ailleurs des fautes d'orthographe et une écriture SMS. Le monde adolescent est mis à l'honneur, on les invite à s'exprimer comme ils l'entendent, sans peur de faire une faute. La spontanéité est dominante dans ce site ludique. La phrase de bienvenue illustre la mission du site et la stratégie employée :

    « Bienvenue dans le monde délirant de Tara Duncan ! Ce site a été magiquement, virtuellement et pixelement créé pour toi. Visite toutes les rubriques pour tout savoir sur Tara et sur Sophie Audouin-Mamikonian ! Enfin...presque tout ! ».

    Le site a donc bien été créé pour « toi » et non pas pour « vous ». Ici, l'auteur insiste sur le lien unique entre elle et son lecteur. Par conséquent, le lecteur-internaute se sentira directement impliqué, personnellement touché par ce message. Le fait de ne pas considérer les lecteurs comme une masse mais comme des individus à part entière fait partie du target marketing dont nous parlions précédemment. La cible n'est pas les adolescents mais chaque adolescent et c'est ce que souhaite tout lecteur : se croire l'unique destinataire du roman. Au commencement, elle instaure un lien direct avec ses lecteurs en répondant à tous les messages. Cette pratique fait le tour des cours d'école et des forums, un auteur répond aux e-mails, une vraie nouveauté dans le monde du livre. Sophie Audoin ne fait pas semblant, elle ne délègue pas ce travail à d'autres, jusqu'à ce que le succès devienne trop grand. La communauté grandissant de jour en jour, les fans se vexent de ne pas avoir de réponses. En effet, l'auteur ne peut plus assurer de réponse aux centaines de mails qu'elle reçoit tous les jours. Cependant, si elle explique ne plus pouvoir répondre, elle précise bien qu'elle lira tous les messages. Sur ce point, nous ne saurons jamais si elle le fait véritablement mais cette attention touche néanmoins les lecteurs.

    Le site officiel de Tara Duncan est très bien construit et ne laisse aucune information échapper à ses lecteurs. Il est donc organisé autour de douze rubriques ; les news, le lexique, le film et la série, l'auteur, les concours, les fonds d'écrans et jeux, les vidéos, le canard ensorcelé (la presse), secrets d'écritures et réponses sur Autremonde (questions fréquentes), page en anglais, Email magique (écrire à l'auteur), le jeu.

    Pour que la communauté continue à vivre, SAM a compris qu'il fallait l'alimenter. La rubrique News est actualisée tous les jours, que cela soit pour rendre compte d'une dédicace, de l'avancée d'un livre, de la parution de la série à l'étranger ou des résultats d'un jeu. L'actualité n'est jamais traitée froidement, l'auteur emploie la première personne du singulier et place toujours une phrase ou deux de dialogue comme par exemple :

    « Ensuite, je vous annonce que nous avons décalé la sortie de la Comédie Musicale à 2012. Impossible, avec mon planning trop chargé, d'y arriver en moins de 11 mois. Maintenant que nous avons plus de temps devant nous, ce sera plus facile. Que votre Magie illumine les taraddicts ! ».

    Langage courant, absence de construction syntaxique, nous ne sommes plus dans l'univers de la littérature mais dans la conversation. Cet échange est d'ailleurs fortement souligné par l'auteur qui ne cesse de remercier ses fans. Là encore, SAM a touché juste. Bien qu'elle parle d'elle très souvent, voire parfois plus que de son livre, l'auteur n'oublie jamais d'impliquer ses lecteurs dans sa réussite. C'est là tout le principe d'une communauté tenue par l'auteur ou l'éditeur. Le lecteur doit être au centre de la conversation, le destinataire mais aussi l'interlocuteur. Il n'est pas simple lecteur passif mais acteur. SAM a bien ciblé son lectorat et avec le temps, elle se permet même des « Je vous aime ». L'autorité de l'auteur est entièrement anéantie pour une amitié virtuelle étrange mais qui semble très sincère.

    La rubrique Lexique est aussi un critère fondamental pour la communauté. Le fait de mettre en ligne un dictionnaire, voire une encyclopédie, sur le monde de T.Duncan rend l'univers presque réaliste. Gallimard Jeunesse avait déjà fait un lexique de ce genre pour le monde d'Harry Potter. Le Glossaire des Sorciers offre toutes les définitions utiles pour comprendre les aventures d'H.Potter. Les moldus, le quai 9.3/4, les gobelins, le basilic, fleurck et autres sont expliqués sur le site dédié de l'éditeur. SAM reste cependant concentrée sur la faune et la flore de la planète Autremonde. Ainsi, elle donne de la consistance au monde que les fans aiment tant.

    Les autres rubriques sont davantage des animations que des informations sur les livres. Les internautes peuvent ainsi avoir accès à la bande-annonce du dessin animé ou la vidéo d'une dédicace, ils peuvent avoir des renseignements sur les jeux-concours etc.

    Encore une fois, rappelons que le site doit fournir autre chose que de simples informations sur la série. Maintenant que le dernier tome de Tara Duncan est sorti en librairie, l'auteur doit faire de son site une invitation à la lecture pour ceux qui n'auraient pas encore succombé. Elle en profite aussi pour promouvoir à ses fans la sortie de son nouveau roman, Indiana Teller qui sera le premier d'une autre série.

    Le Blog de Sophie Audoin79, auteur de Tara Duncan:

    Le blog n'est pas dédié à Tara Duncan mais bien à SAM. Alors que le site de Tara Duncan avançait déjà des signes d'une mise en avant de l'auteur, le blog confirme le besoin de faire de SAM une véritable marque. Comme Guillaume Musso, Marc Lévy ou encore Catherine Pancol, SAM mise sur son image pour exister. Il semble même que la littérature passe après elle. Véritable journal intime, ce blog dévoile à qui veut le lire, le quotidien de l'auteur, de l'écriture d'un chapitre à un réveil auprès de son mari. Elle y raconte ses joies, ses peurs, ses doutes, ses mésaventures en préservant le style rencontré sur le site officiel, c'est à dire courant, voire familier. Onomatopées, exclamations, pléonasmes, fautes d'orthographe, tous les critères sont bons pour qu'un adolescent se sente proche de cette femme qui, comme lui, n'est pas parfaite. C'est donc clair, SAM ne se pose pas comme modèle mais on se demande tout de même si elle se pose vraiment comme égale... La tendance un peu mégalomane de l'auteur avec ses « moi je » continus dévoile une stratégie purement marketing. Pour parler couramment, le message derrière toute cette mise en scène est : « aimez moi, je suis cool et mes livres aussi ». On se retrouve face à une femme quarantenaire qui dévoile sa vie comme une adolescente, sans peur d'être jugée par les médias ou ses pairs car elle sait pertinemment que ses jeunes lecteurs vont aimer suivre sa vie romancée.

    79 http://www.taraduncan.com/blog/

    Un exemple suffit à illustrer cette pensée, voici donc ce que l'on pouvait lire dernièrement sur le blog :

    « Oulà, plus de 3000 coms juste pendant le week end, vous allez vite les taraddicts ! Alors ce petit post pour que vos ordis ne buguent pas trop !

    J'étais morte de rire ce matin, mon mari m'apporte mon petit déjeuner au lit et me dit « heureusement que tu n'as pas épousé DSK ». Moi pas bien réveillée, émergeant tout juste d'un rêve super bizarre ou je voyais des ailes blanc et rouge (adjectifs qui ne s'accordent pas lorsqu'il y a « et » entre les deux, je sais, c'est bizarre mais c'est comme ça) sortir de mon dos

    - Euuh, certes, mais pour quoi DSK ? Lui : Parce qu'on l'a arrété ce matin !Moi super réveillée d'un seul coup - Quoi ?

    Bref, qu'il soit coupable de ce dont on l'accuse ou pas, j'avoue que j'ai tout de même été super surprise que le directeur du FMI soit, de nouveau, prit dans un scandale sexuel. Le premier avec son adjointe bulgare et maintenant avec la femme de chambre de son hôtel. Cela ne donne pas une très bonne image de la France, décidément !

    Dites ils ont quoi les gens le dimanche ? La semaine dernière Ben Laden, ce

    dimanche DSK, je croyais que c'était censé être le jour de repos dominical !

    HACA fans de Tara ! ».

    Si, à premier abord, on croit trouver des similitudes entre les deux auteurs et mères de famille, J.K Rowling et SAM, il devient rapidement évident qu'elles sont très différentes et en particulier envers leur public. J.K Rowling avait décidé de rester en retrait face au succès monstre d'Harry Potter, la série se suffisant à elle-même. Le site dédié est animé par l'éditeur et préserve une distance avec les lecteurs tout en étant ludique et accueillant. SAM, au contraire, fait dans l'extravagance, dans la mise en scène de soi. C'est une autre stratégie, tout à fait légitime, qu'a choisie l'auteur de Tara Duncan. Toutefois, restons conscients qu'il y a tout de même du marketing derrière tous ces messages d'amour.

    La technique mise en oeuvre par SAM est une réussite. Elle a su prouver qu'un lien très fort peut être établi avec ses lecteurs et qu'ils en sont reconnaissants. Ils le montrent en nourrissant activement la promotion des oeuvres de leur « amie auteur >>. Cette proximité n'est pas facile pour tout le monde et certains auteurs n'auront ni le temps ni l'envie de tenir un blog quotidien. Par ailleurs, il est assez difficile d'être aussi jeune d'esprit que SAM et de pouvoir ainsi mettre en confiance les adolescents. Pour ces auteurs, certains éditeurs trouvent des solutions alternatives plus naturelles.

    2. Les tentatives cyberpromotionnelles des éditeurs.

    En réaction au comportement des adolescents, face aux nouveaux modes de communication que sont les blogs et les réseaux sociaux, les services marketing des maisons d'édition jeunesse vont entreprendre une conquête de l'espace virtuel. En effet, les éditeurs ont tout à y gagner. Tout d'abord, les éditeurs souhaitent s'allier aux eprescripteurs, lecteurs et critiques, qui forment aujourd'hui des communautés influentes. Deuxièmement, en créant des pages Facebook et des sites, les éditeurs espèrent recruter une nouvelle audience, plus large, et la fidéliser. Troisièmement, faire une « communication 360° >> leur permet de s'assurer une bonne visibilité, tant physique que numérique. Les réseaux sociaux, les forums, les blogs et les sites des éditeurs sont le meilleur moyen pour améliorer le référencement de la marque et de l'ouvrage sur Google, où les places sont de plus en plus chères.

    Il ne suffira donc pas aux éditeurs jeunesse de redorer le site de leur maison. Bien qu'absolument nécessaire, le relooking du site ne serait qu'une aide minime face aux conséquences que pourraient avoir un véritable plan de communication online.

    Ainsi, certains éditeurs jeunesse, comme Gallimard et Hachette, entreprennent de grands projets webmarketing tandis que d'autres, comme Flammarion et Nathan, resteront plus discrets. Il n'est pas toujours question de budget mais bien de besoin pour ces éditeurs. Hachette et Gallimard ont des collections de grands formats ados très fournies et qui ne cessent de s'agrandir. À l'opposé, Flammarion et Nathan se lancent à peine dans la constitution de leur catalogue pour ados - adultes. Par conséquent, il paraît naturel que ces derniers n'investissent pas encore la Toile de manière conséquente.

    Voyons, pour commencer, comment des maisons d'édition jeunesse de renommée, telles que Nathan et Flammarion, connues pour leur qualité et leur engagement éthique, travaillent aujourd'hui avec les outils numériques. Il est question ici de faire un bilan sur les actions passées des éditeurs, sur l'évolution de leurs stratégies de webmarketing mais aussi de dessiner les possibilités d'améliorations futures en termes de marketing.


    · Nathan Jeunesse et les mini-sites dédiés :

    Alors que Nathan lance Blast, sa collection de grands formats pour << ado-adultes >>, on remarque une absence presque totale de la marque sur Google. Encore très récente, la collection Blast n'apparaît pas toujours automatiquement sur le site même des éditions Nathan. Premier problème... En tapant << Blast >> sur le moteur de recherche Google, la collection n'apparaît toujours pas à la dixième page. Un travail de référencement est à faire et rapidement. En effet, Nathan a prévu pour la fin d'année 2011, la sortie du premier tome de Divergent. Cette trilogie américaine sur le thème de la dystopie est un enjeu majeur pour l'éditeur français. Le succès décolle outre-Atlantique et une rumeur d'adaptation cinématographique fait son chemin. Il faut donc que le marketing de Nathan Jeunesse prépare un plan de lancement solide. Un mini-site dédié à la trilogie est prévu, ainsi que des partenariats avec Allociné.com ainsi que des radios telles que Skyrock (qui a déjà prouvé sa grande utilité pour Twilight). Toutefois, un mini-site n'est pas la solution la plus favorable pour faire connaître Divergent et la collection Blast. La cible de la collection a entre 15 et 25 ans. Ces jeunes adultes, comme nous l'avons vu, sont majoritairement sur Facebook. Il paraitrait donc évident de créer une page Facebook à l'occasion de Blast ou de Divergent. Mieux encore, à l'occasion de cette parution, Nathan pourrait entreprendre la création d'un site spécial Blast. Toutefois, il serait alors nécessaire d'accélérer la production de titres, ce qui n'est pas aisé. Une bonne idée de la part du service marketing est la création d'une bande annonce du premier tome. Le visuel est un élément primordial aujourd'hui, surtout lorsqu'il s'agit de toucher des jeunes lecteurs.

    Nathan Jeunesse n'est pas encore totalement inscrit dans la cyberpromotion. Pourtant, Editis a promis un engagement fort et rapide dans le numérique. Pocket Jeunesse le prouve avec la promotion très active d'Hunger Games.

    Nathan s'est pourtant lancé dans la promotion numérique il y a longtemps. Mireille Tyckaert nous raconte :

    « Nathan a commencé à faire des sites-dédiés en 2004 pour Gafi puis pour Les orphelins Baudelaire. Le lancement de sites-dédiés se fait de préférences pour la littérature jeunesse pré-ados et ados. Il s'agit de venir « draguer » en quelques sortes les potentiels lecteurs par la possibilité de participer à des jeux ou à des discussions sur forum. Nathan est donc débutant dans ce secteur, étant originairement tourné vers la petite enfance et les parents. Dès que la littérature jeunesse touche les 11 ans et plus, la cible n'est plus les parents mais les lecteurs mêmes. Le plan média sera par conséquent différent et évidemment, en accord avec les supports utilisés par les lecteurs. »80

    Parmi ses diverses tentatives, Nathan a vécu une expérience toute particulière à l'époque. En 2008, Nathan sort le premier tome d'une trilogie de science-fiction qui vivra un véritable succès auprès des adolescents, Méto, d'Yves Grevet. L'accueil chaleureux des lecteurs est tel qu'un fan de 16 ans décide de créer un blog en l'honneur de la trilogie. Le blog est un succès auprès de ses pairs et c'est ainsi que l'éditeur va inviter le jeune garçon à travailler directement avec eux. Les preuves de la portée d'Internet en termes de promotion amènent le service marketing Nathan à créer une page Facebook qui atteindra presque les 2 000 fans.

    Aujourd'hui, Nathan doit renforcer sa collection puis, par la suite, son support promotionnel Internet. Il faudra attendre encore un peu avant de voir la collection Blast devenir une référence mais la qualité des ouvrages semble assurer un avenir prometteur.


    · Flammarion et Les Colombes du Roi-Soleil :

    Les Colombes du Roi-Soleil n'est pas une saga mais bien une collection grand format de Flammarion Jeunesse. Composée actuellement de dix tomes, la collection signée Anne-Marie Desplat-Duc, auteur français, est un joli succès. Destinée aux jeunes filles de 10 à 16 ans, elle relate l'histoire fictive des courtisanes de Louis XIV dans le château de Versailles. Jalousie, amitié, espièglerie, amour et injustice, les aventures de ces belles

    80 Op.cit. Annexe A, n°5.

    jeunes filles font rêver les lectrices qui forment aujourd'hui une véritable communauté de fans-colombes. Afin de renforcer la proximité entre les lectrices et les personnages, Flammarion a créé un site entièrement dédié à la collection. Outre la présentation des titres, le site s'est construit dans l'optique de renforcer l'univers versaillais de l'époque. Nous pouvons ainsi découvrir les portraits descriptifs de chaque Colombe. Toutes les informations sont données à l'internaute : date de naissance, composition de sa famille, qualités, défauts et rêves. Ci-dessous vous pouvez voir un exemple de portrait fourni par l'éditeur.

    << Adélaïde de Pélissier :

    Son père, noble et illustre seigneur, Michel de Pélissier, et sa mère, Suzanne des Jouberts, possèdent des terres dans la belle campagne fertile de Normandie. L'un de ses aïeux était chevalier de Saint-Jean en 1510 et mon grand-père maternel était seigneur de Sorquainville. C'est pourquoi, par tradition, son père a levé des armées à ses frais pour batailler contre les ennemis de la France. Il y a acquis une certaine gloire, mais y a perdu tout son argent, car il a refusé de piller les terres conquises. Elle a eu une enfance heureuse avec son frère ainé Barthélemy et sa soeur Marie-Cécile, de deux ans sa cadette. Adélaïde est promise à Gabriel Ruault de La Bonnerie, depuis ses 11 ans, et elle est en très amoureuse. Elle a des cheveux roux éclatants, des yeux verts et un teint de porcelaine. Elle est bien tournée, vive et intelligente.>>81

    Cette << biographie >> fictive rend le personnage d'Adélaïde très réel. C'est ici que réside tout l'apport d'Internet comme promotion d'un titre ou d'un personnage. Il faut offrir aux lecteurs une continuité dans leur lecture, un contexte et une après-lecture pour qu'ils puissent y rester fidèles. En termes de << contexte >>, l'auteur, qui a créé le site avec l'éditeur, propose une rubrique pédagogique et ludique sur les us et coutumes de l'époque

    81 http://www.lescolombesduroisoleil.com/

    63

    en relatant les traditions et les faits historiques de la Cour de France. Un exemple amusant et intéressant est celui de La Vie Quotidienne de Louis XIV. Sur cette page, les internautes découvrent le descriptif, heure après heure, d'une journée type du Roi-Soleil. Du Petit Lever à 8h du matin jusqu'au Coucher à 23h, en passant par La Réunion du Cabinet de Conseil, les internautes peuvent désormais avoir un aperçu de la vie de château.

    En complément du site, Flammarion propose aux internautes d'adhérer au Forum de Colombes où elles pourront s'exprimer et échanger entre elles. Enfin, de nombreux jeuconcours et quizz sont organisés dans le but d'animer le site et surtout, de maintenir sa fréquentation.

    Nathan et Flammarion ont une stratégie de promotion marketing numérique modérée mais toutefois utile. S'ils n'utilisent pas tous les filons offerts par Internet, ils observent, comprennent et adaptent peu à peu les outils en fonction de leurs objectifs.

    Du côté des gros éditeurs de romans ados, Gallimard et Hachette adoptent un concept anglo-saxon qui fait ses preuves, le blog ou site éditeur. On ne se contente plus d'un mini-site dédié mais on construit une plateforme incontournable grâce à la collaboration de jeunes lecteurs-internautes.


    · Gallimard Jeunesse et On lit plus fort :

    On lit plus fort82 est créé en 2009 à l'aide d'un réseau de 200 chroniqueurs âgés entre 12 et 20 ans, majoritairement féminin et << préalablement >> recrutés. Installés sur la plateforme Skyblog, que nous avons étudié précédemment, ces jeunes internautes sont des privilégiés, des lecteurs de romans en avant-première, des juges, des blogueurs, des critiques et des rédacteurs. << Avant 2009, nous options pour une stratégie marketing assez classique : de l'achat presse, de la publicité dans la presse jeunesse (et parentale). Mais, nous nous sommes rendus compte qu'il y avait beaucoup de blogs dédiés à la littérature et nous voulions prendre la parole de manière moins institutionnelle >>83, confie Céline Dehaine. Le blog présente tous les titres ados de Gallimard Jeunesse. Deux groupes sont toutefois identifiés : << Harry Potter/fantasy >> et << 100% filles >>.

    82 http://onlitplusfort.skyrock.com/

    83 Op.cit. Lecture Jeune, n°137, p.26.

    Le blog ne bénéficie pas encore d'une très bonne fréquentation avec 7 400 visites depuis son lancement. L'un des handicaps de ce blog est sûrement sont aspect généraliste et de surcroît, peu organisé et peu pratique.

    Alors que le blog n'est pas une réussite, la page Facebook d'On lit plus fort, créée en février 2010, est très fréquentée. Le nombre de << like » a doublé de mars à juin 2011 passant de 12 639 à 25 372. Cela peut s'expliquer par la différence d'âge des internautes entre les deux les supports. Les blogs attirent plus les jeunes adolescents, âgés de 11 à 15 ans, tandis que Facebook a un public âgé de 15 à 25 ans. C'est cette dernière tranche d'âge qui est vraiment active et prescriptrice.

    L'idée de créer un blog éditeur, dédié à la promotion de ses romans grands formats ados, fonctionne pourtant très bien outre-manche. Avec Spinebreakers, l'éditeur jeunesse anglais Penguin présente un blog très complet. Une communauté animée, elle aussi, par des adolescents, par des << bookloving teenagers »84. Lors d'une conférence à la London Book Fair 2011, Anne Rafferty, Directrice Marketing de Penguin Jeunesse parle de la mission de ce site. << Les adolescents, à n'importe quelle époque, ont toujours aimé partager leurs goûts, que cela concerne le cinéma, la musique ou la littérature. Internet est pour ça un moyen formidable de faciliter ces échanges en créant un espace de discussions où l'éditeur peut aussi orienter leurs lectures vers ses livres. Les ados y sont libres de discuter et écrire ce qu'ils souhaitent tant qu'ils restent corrects »85. Car si Spinebreakers est un site dédié aux ados, il ne se cache pas d'appartenir à l'éditeur Penguin tout en proposant les livres de ses concurrents. << Spinebreakers est du target marketing, on fait ça pour pousser les jeunes à lire et donc aussi à acheter »86.

    84 http://www.spinebreakers.co.uk/Pages/Home.aspx

    85 Op.cit. Annexe B.

    86 Ibid.


    · Hachette et Lecture Academy :

    Hachette Jeunesse est peut-être l'éditeur français ayant la meilleure stratégie de promotion Internet. Industrie culturelle au rayonnement international, en lien direct avec le marché anglo-saxon et dotée d'un budget conséquent pour son marketing, le premier éditeur français va être le premier à proposer aux adolescents un véritable site de lecture.

    Antoinette Rouverand raconte comment s'est créé Lecture Academy87 :

    << Je voulais faire un site pour les grands formats et les livres de poche. On avait fait ça pour la Bibliothèque Rose et ça fonctionnait bien. Avant, on faisait beaucoup de minis-sites avec des jeux concours, on s'éparpillait. Avec Lecture Academy nous avons voulu concentrer nos efforts. » 88

    Et c'est bien dans cette dernière phrase que l'on comprend tout l'intérêt et le succès de Lecture Academy. Alors que Nathan Jeunesse créé des mini-sites à foison, que Flammarion Jeunesse passe d'une page Facebook à un blog puis à un mini-site dédié, que Gallimard Jeunesse propose un blog où l'information est difficile à trier, Hachette Jeunesse concentre tous ses efforts dans un seul canal de communication. Ce qui favorise aussi Lecture Academy est le référencement extraordinaire qui lui est réservé. Car il n'y a pas un seul moyen d'entrer sur le site. Grâce à ses best-sellers adaptés en films, comme Twilight ou Percy Jackson, Lecture Academy est associé à de nombreux mots-clés sur Google. Par ailleurs, Lecture Academy ne se contente pas d'offrir des informations sur les romans mais partagent aussi des actualités d'ados comme pour la série télé phénomène Glee.

    L'idée de créer Lecture Academy ne s'est pas fait tout de suite. Il a fallu du temps au service marketing pour mettre en place leurs besoins, leurs objectifs et enfin, leur stratégie. Antoinette Rouverand nous explique comment est venue cette idée et surtout, à quelle occasion :

    << Lecture Academy a été lancé en 2008 à un moment idéal où toutes les conjonctures étaient réunies pour que ça marche. Le lancement s'est fait juste avant le lancement du Tome 4 de Twilight en France, alors que celui-ci commencé à bien se vendre aux États-Unis. »89

    87 http://www.lecture-academy.com/

    88 Op.cit. Annexe A, n°3.

    89 Ibid. Annexe A, n°3.

    Comme la collection Black Moon, c'est bien grâce à la saga Twilight que Lecture Academy a véritablement conquis son public.

    << À l'origine, je voulais faire un site comme Allociné mais pour nos livres parce que je ne vais jamais au cinéma sans lire les critiques des gens sur ce site. Donc c'est comme ça que Lecture Academy a commencé, avec simplement des commentaires et des avis sur les romans. Pour le lancement du Tome 4 de Twilight, on a organisé un jeu concours pour un fan. Le gagnant partirait à New-York rencontrer Stephanie Meyer et devrait tout raconter sur son blog, en lien avec Skyrock. À partir de là, ça a été de la folie, ça a explosé. Le succès de du blog sur Twilight et la sortie du premier film six mois après ont vraiment participé au succès du site.

    Je veux aussi préciser que le site fonctionne encore bien grâce au service éditorial qui a eut la bonne idée de créer la collection Black Moon. Cela a assuré aux lecteurs une continuité dans leur lecture, ça a permis à la communauté de fans de rester connectée. »90

    Depuis son lancement, la plateforme n'a cessé d'évoluer pour s'adapter aux besoins et envies des internautes-lecteurs. Les éditeurs et le service marketing ont compris qu'il fallait anticiper la fin de Twilight pour amorcer la chute. << C'est comme Gallimard qui n'avait rien prévu pour l'après Harry Potter. Ils se sont retrouvés sans rien quand le phénomène s'est atténué. C'était terrible », raconte-elle.

    Aujourd'hui, Lecture Academy présente diverses << actus » sur les titres à paraître (et pas seulement ceux d'Hachette Jeunesse), de films, de musique... Il dispose également d'un forum, ouvert en 2009, afin de permettre aux jeunes de s'exprimer. Enfin, une rubrique << Autre » est aussi très fréquentée puisqu'elle touche aux sujets plus sensibles comme les peines de coeur, d'amitié etc. << Le site référence des livres mais nous voulions des fonctionnalités plus participatives, des commentaires de lecteurs. Nous avons mis en place des suggestions de lecture : << vous avez aimé (...) vous aimerez aussi » »91, souligne Antoinette Rouverand. Toujours dans la séduction des internautes, le site propose des pistes de lecture originales comme << Dis-nous de quelle humeur tu es aujourd'hui ». Ici, ce

    90 Ibid.

    91 Annexe E. Captures d'écrans. Lecture Academy.

    qui est intéressant est que la sélection est faite, non seulement grâce aux caractéristiques habituelles, mais en fonction de ce qui définit un adolescent.

    Avec tous ces apports, Lecture Academy compte aujourd'hui, en moyenne, 95 000 inscrits et 100 000 connexions par mois.

    Si le blog On lit plus fort, de Gallimard Jeunesse, se rapproche du blog Spinebreakers de Penguin Jeunesse, Lecture Academy est plus similaire au site de lecture ado créé par HarperCollins Jeunesse, Inkpop92. Dans ce site, les adolescents s'expriment sous différentes formes. Les fanfictions sont très répandues et la qualité est souvent surprenante. Le but de ce site n'est pas vraiment de faire de la pub à l'éditeur bien qu'il y ait des livres de chez Harper. L'objectif d'Inkpop serait plutôt de toucher une nouvelle audience. Internet est l'expérience du divertissement et c'est une bonne stratégie marketing que de montrer aux jeunes qu'ils peuvent s'amuser en lisant des livres93. Il en va de même pour Lecture Academy qui promeut les livres de ses concurrents afin de recruter un maximum de lecteurs pour la littérature ados. Quant aux fanfictions, les internautes de Lecture Academy en sont friands.

    Un défaut est tout de même à noter. Antoinette Rouverand nous explique que Lecture Academy est trop féminin avec des communautés telles que << Fashionistas» ou << Black Moon ». Par conséquent, de nombreux potentiels lecteurs sont perdus. La solution envisagée par la directrice marketing serait de créer un autre site qui serait moins << girly ». Il faut absolument réussir à toucher un maximum de jeunes, que cela soit grâce à l'actualité people, la sortie d'un jeu vidéo ou d'une saga.

    Entre la promotion et la lecture, l'éditeur jeunesse Bayard a développé une stratégie originale, celle du livre interactif. Ce concept met les réseaux sociaux, les blogs et les forums, non pas uniquement au service de la promotion d'un roman, mais au service de l'acte de lecture même.

    92 http://www.inkpop.com/

    93 Op.cit. Annexe B.

    C. Etude de cas : Bayard et les livres transmedias.

    Les adolescents sont des lecteurs actifs. Actifs dans le partage de ressentis, actifs dans la critique et ainsi, actifs dans le soutien promotionnel d'un roman. C'est pourquoi Bayard a pensé que les adolescents aimeraient aussi être actifs dans leur lecture. Ce concept n'est pas tellement récent. On se souvient des Livres dont vous êtes le héros, de la collection Folio Junior sortie en 1984, qui se sont écoulés à des millions d'exemplaires. L'idée de faire intervenir le lecteur dans le déroulement de l'histoire a séduit. Alors que Folio Junior proposait aux lecteurs des fins différentes selon les chemins qu'il aurait choisis au cours du récit, chez Bayard, l'auteur reste seul maître du destin des personnages et ne laisse pas le choix aux lecteurs sur la fin du roman. Toutefois, en utilisant les téléphones portables, les blogs ou les réseaux sociaux, les lecteurs vont pouvoir suivre et aider, « en direct », les personnages du roman à résoudre les intrigues.

    Prenons, comme support à notre explication, le roman à succès de Bayard Jeunesse, Cathy's Book. Premier tome d'une trilogie, ce roman interactif est le journal intime de, on l'aura deviné, Cathy. Jeune fille de 17 ans, elle vient de se faire quitter par son petit copain. Convaincue que derrière cette rupture se cache un secret, elle décide de revoir son ex petit copain pour comprendre ses motivations quand elle apprend que celui-ci a disparu... Elle se lance alors à sa recherche et disparaît à son tour. Elle laisse derrière elle son journal intime qui renferme tous les indices de son enquête. Le lecteur doit prendre le relai à cette enquête grâce au journal et va mener l'enquête sur la disparition du jeune homme et de Cathy.

    Voici, en quelques lignes, le contexte de ce premier tome. Les lecteurs ne vont pas se contenter de lire les aventures de Cathy mais vont véritablement participer à l'enquête et tenter de comprendre ce qu'a vécu Cathy, comment, avec qui et surtout où elle se trouve. Pour cela, l'éditeur fournit plusieurs outils. Dans le journal se trouve une pochette avec toutes les preuves que Cathy a pu récolter au long de son enquête94. On y trouve ainsi un mouchoir avec une marque de rouge à lèvre, une photo vieillie d'une famille, une lettre, la photo d'un jeune homme avec un numéro de téléphone, un reçu Fedex etc. Sur le journal,

    94 Annexe C. Images des romans Bayard.

    un numéro de téléphone est inscrit, celui de Cathy en cas de perte95. L'interactivité entre le roman et le lecteur commence sur le papier avec cette pochette que le lecteur va devoir soigneusement étudier. S'il se prend véritablement au jeu, il composera aussi le numéro de téléphone, le 01 70 94 49 56, qui le mènera directement sur la messagerie de Cathy où, d'une voie apeurée, celle-ci explique à son amie Emma où se trouve le carnet secret. C'est en faisant intervenir les nouvelles technologies dans la lecture d'un roman que Bayard devient ambitieux. Les adolescents ont tous, ou presque, un portable. Avec Internet, c'est sûrement leur moyen de communication préféré mais aussi l'une de leurs activités préférées. Il est évident que les lectrices de Cathy's Book appelleront ce numéro. D'abord livre objet, Cathy's Book va aussi proposer << une vie après le livre »96 grâce à Internet, explique Pascale d'Ippolito, l'éditrice de Bayard Jeunesse. En effet, le roman interactif offre une prolongation du livre car il donne une dimension réaliste en faisant vivre Cathy sur le Net comme le ferait toute adolescente. Elle tient un blog, une page Facebook et à côté de ça, un site dédié est tenu par l'éditeur. Les fans peuvent ainsi lui écrire comme s'il s'agissait d'une amie de lycée. << C'est formidable, explique Pénélope, 15 ans, sur la couverture figure le numéro de téléphone, celui de Cathy, c'est sa voix, je peux lui laisser un message, elle me parle comme une copine, ça la rend si proche... »97. Cette proximité avec le personnage de Cathy est une expérience qu'il peut être difficile à comprendre. Elle n'est pas réelle, inventée de toutes pièces et pourtant les lecteurs s'attachent à elle avec intensité et réalisme.

    - Le blog de Cathy :

    << Et voilà, les enfants, le grand jour est arrivé. C'est mon deuxième jour préféré après la sortie de Cathy's Ring, évidemment. C'était mon Noel personnel celui-ci. Voici donc le matin le plus excitant de l'année, celui oil on se rue, pressés, l'estomac noué par l'impatience, vers le sapin, seuil de tous les espoirs.

    Hier soir, Victor, Emma, Maman et moi avons décoré le sapin. Décoré est un grand mot. Je précise que j'ai voulu, cette année, m'occuper des festivités, et j'ai décrété que le sapin serait artistique. »98

    95 Ibid.

    96 France Soir.fr : Ce que les ados adorent dans les romans interactifs.

    97 Ibid.

    98 http://love-cathy.skyrock.com/

    Sur ce blog, Cathy se personnifie. Elle se concrétise en une adolescente qui n'a rien de fictif. Elle s'exprime sur sa journée de préparatif de Noël et parle de son amie, de sa mère et de son petit copain. Cependant, Cathy fait aussi la promotion de Cathy's Ring, le dernier tome de la trilogie. En faisant cela, Cathy ne joue plus son propre rôle car c'est bien l'éditrice que l'on entend derrière la phrase : << C'est mon deuxième jour préféré après la sortie de Cathy's Ring, évidemment >>. Cathy's Ring, qu'est ce que cela représente pour elle ? Est-ce un carnet intime, un roman sur sa vie ou juste un roman pour ado ? Il y a donc un problème de positionnement sur ce blog qui était censé faire la promotion de la trilogie via Cathy en tant qu'adolescente et non personnage. C'est assez confus lorsqu'on s'y attarde. Elle s'adresse aux internautes en jonglant entre << les amis >> et << les lecteurs >>. Les considérer comme des << amis >> est assez naturel. Toutefois, dans le terme << lecteur >> il faut savoir si elle entend << lecteurs du blog >> ou << lecteurs de la trilogie et fans >>.

    Ces petits exemples que nous avons soulignés sont certes mineurs et ne semblent poser aucun souci aux internautes et fans de Cathy. Cependant, ils prouvent que faire de la promotion sans en faire est un jeu difficile qui demande une grande inventivité et une grande attention. Il faut nourrir le blog constamment, ce qui n'est pas fait puisque le dernier message, posté sur le blog, date du 3 janvier 2011.

    - Le forum :

    Le forum99 sur Cathy's Book est très simple. Les discussions sont diverses. Les lectrices s'y retrouvent afin de s'entraider pour mener l'enquête, demander des indices qu'elles n'auraient pas remarqués etc. On ressent une solidarité entre ces jeunes lectrices, une communauté très forte s'est construite autour de la trilogie. Environ 30 000 membres participent régulièrement aux discussions. C'est un joli score.

    - Facebook :

    L'éditeur n'a pas choisi de créer un profil à Cathy mais a préféré faire au plus simple avec une page officielle qui concerne les trois tomes. Ici, Cathy ne s'exprime pas, c'est bien l'éditeur qui alimente la page, anime les discussions. Les internautes font des commentaires très brefs tel que << J'ai adoré les trois livres ! >>. Si le forum compte 30 000 membres, la page Facebook française n'a encore que 4 691 fans. Il semblerait que les internautes préfèrent échanger entres eux sur le forum ou être en lien << direct >> avec Cathy

    99 http://www.doubletalkwireless.net/forum/viewforum.

    grâce au blog. L'aspect formel de la page Facebook ne séduit pas car il enlève la proximité qui a plu dans le concept même de la trilogie. La page Facebook sert plutôt de relai entre les différentes plateformes dédiées à la trilogie et permet de suivre les quelques événements comme la sortie d'un nouveau tome, un jeu concours etc. Puisqu'il n'est pas nécessaire d'être fan pour accéder aux informations, le nombre de fans reste limité.

    - Les sites dédiés :

    Trois tomes, trois sites100. L'éditeur a fait les choses en grand afin d'accroître son référencement. Comme dans la plupart des sites dédiés d'éditeur, les internautes-lecteurs trouveront des clips vidéos où l'on peut apercevoir Cathy de dos triant les différentes preuves que le lecteur a aussi dans la pochette fournie avec le livre, des tests, des musiques, le feuilletage en ligne des premières pages de chaque tome et évidemment les liens vers les deux autres sites dédiés.

    Cathy's Book est une belle tentative qui a ouvert l'édition sur de nouveaux horizons. Paru en octobre 2008, il s'est vendu à 22 256 exemplaires101. L'éditeur Bayard Jeunesse ne s'arrête d'ailleurs pas à cette expérience.

    En mars 2011, un nouveau roman interactif pour adolescents est publié. Psychose, le premier tome de la trilogie Skeleton Creek, repose cette fois entièrement sur Internet et fait appel à la vidéo. Si les bandes-annonces pour livres ne sont pas encore très populaires en France, Bayard donne une autre utilité à l'audiovisuel. Encore une fois, ce n'est pas pour la promotion du livre qu'Internet intervient ou du moins pas uniquement. Le livre est présenté avec une sur-couverture à effet DVD qui introduit le concept, celui de suivre les personnages dans leur quête grâce à des films. Encore une fois, l'histoire repose sur une enquête. C'est un << Club des cinq » à la manière Blair Witch mené par deux ados où l'un rédige leurs aventures et l'autre les filment. Des mots de passe sont fournis au fil des << chapitres », ou des jours puisqu'il s'agit encore ici d'un journal, afin d'accéder aux neuf vidéos de cinq à vingt minutes. On y voit les deux ados dans des lieux étranges, sombres et angoissants. Exemple avec << LEPUITSETLEPENDULE », mot de passe à entrer sur le site sarahfincher.fr qui nous mène directement sur une vidéo de Sarah, l'une des ados, qui se

    100 http://www.cathysring.fr/ , http://www.cathysbook.fr/ et http://www.cathyskey.fr/.

    101 Annexe D, n°1. Etude GfK Bayard.

    confie sur ce qu'elle a découvert. Une ambiance assez angoissante nous entoure. Peu importe notre âge, le concept de la vidéo, caméra à l'épaule, dans le noir a un impact certain. On se laisse vite piéger par l'histoire. « On est vraiment au début de quelque chose de nouveau, avec mille possibilités. Les ados adorent parce que les héros prennent vraiment corps, ils frissonnent encore plus »102, explique l'éditrice.

    Pourtant, les ventes de Skeleton Creek ne sont en rien comparables avec celles de Cathy's Book. Paru en mars 2011, Psychose ne s'est vendu qu'à 6 136 exemplaires et le second, paru en mai 2011, à 2 033 exemplaires103. Sur les chiffres obtenus pour 2011 des romans ados grands formats, en arrêtant les ventes en juillet, Cathy's Book et Cathy's Ring sont toujours dans le Top 30 des titres104 les plus vendus. Tandis que le roman Psychose est relégué à la 97ème place et le second à la 240ème. Il semblerait que l'histoire n'ait pas touché autant de lecteurs que l'éditeur l'espérait. Ceci prouve donc qu'un bon concept n'assure pas la réussite. La qualité stylistique et la construction du récit sont des critères toujours primordiaux pour les lecteurs. Ainsi, cette tentative démontre que l'on se situe toujours dans la littérature et pas seulement dans le divertissement. Les jeunes lecteurs ne sont pas prêts à accueillir des textes qui soustrairaient la qualité pour quelques vidéos en ligne.

    Un référencement particulièrement bien fourni :

    L'introduction des outils informatiques ou téléphoniques dans la lecture d'un roman ados donne naissance à une nouvelle forme de lecture mais aussi d'écriture. Ils enrichissent les romans, leurs donnent de la profondeur, de la crédibilité. Les adolescents sont attirés par ces ajouts comme les vidéos car ils retrouvent des outils de leur quotidien dans une activité traditionnellement solitaire qu'est la lecture. De plus, l'insertion de minis films au cours de la lecture est fondamentale aujourd'hui. Les adolescents, issus de la génération Z, sont friands des séries télévisées. L'image a un rôle très fort dans la communication auprès des jeunes. L'éditeur et l'auteur étaient conscients de ces besoins d'adolescents, de cette demande qui n'avait jamais trouvé d'offre dans le marché du livre. Aujourd'hui, Internet et les Smartphones permettent de répondre à cette demande, d'expérimenter de nouveaux concepts et de faire évoluer la littérature. Une littérature hybride, certes, mais qui doit se renouveler avec le temps comme elle l'a toujours fait.

    102Op.cit. France Soir.fr : Ce que les ados adorent dans les romans interactifs.

    103 Op.cit. Annexe D, n°1 Bayard.

    104 Annexe D, n°2. Etude GfK. Top Titres 2011.

    Derrière ces soucis littéraires réside un souci marketing prégnant à l'interactivité. Tous les éditeurs savent aujourd'hui qu'il est nécessaire d'être présent sur la Toile afin d'accroître sa popularité et promouvoir un livre. Ils font des pages Facebook, des sites dédiés et autres. Tous tentent d'investir différentes plateformes numériques. Plus il y en a, mieux c'est pour le référencement. Être référencé sur Google est très cher, cela demande un véritable travail de webmarketing. C'est pourquoi Bayard a trouvé une astuce avec Cathy's Book et Skeleton Creek. L'utilisation d'Internet des jeunes au cours de leur lecture va favoriser le buzz. Le fait de se connecter sur un site pour avoir un indice ou voir une vidéo complémentaire à un chapitre va augmenter la popularité des sites et par conséquent le référencement de la marque. Ainsi, la promotion se fait grâce aux lecteurs qui, en lisant leur roman interactif, ne se rendent même pas compte qu'ils l'aident à se faire connaître.

    Cet exemple illustre parfaitement le comportement à avoir en tant qu'éditeur ou marketeur de romans jeunesse. Internet a tout bouleversé. Il ne se contente pas de faire passer l'édition papier en édition numérique mais change toutes les stratégies de vente et d'écriture. Ce sont les conséquences pour le marketing qui vont nous intéresser. L'expérience de Bayard nous fait comprendre que la promotion ne doit plus être une promotion directe mais détournée par le divertissement et l'activité de la cible marketing. Le client, le consommateur, le lecteur, peu importe son nom, sera l'acteur principal de la promotion. Nous verrons plus loin quelles techniques doivent être adoptées et quelles stratégies possibles peuvent être favorables à l'avenir de l'édition jeunesse.

    III. Adopter le numérique pour séduire les digitals natives, une obligation future.

    A. Librairies et bibliothèques, ce qui change pour le roman ados.

    Ces dernières années, et notamment de par l'arrivée de la e-plateforme Amazon, les jeunes lecteurs se sont détournés de ces lieux de ventes et d'échanges que sont les librairies et les bibliothèques. Pour combattre ce désintéressement, certains libraires et bibliothécaires n'hésitent pas à se lancer, eux aussi, dans la numérisation de leurs catalogues. Certains vont même jusqu'à revoir leur fonctionnement total en se relookant grâce à Internet et au multimédia.

    1. Les librairies se numérisent.

    L'avenir du livre change mais il ne meurt pas. Quelques professionnels, en particulier, ont compris qu'il fallait avancer et non plus regarder avec nostalgie vers l'ancien mode de fonctionnement du marché du livre français.

    Le paysage semble alarmant lorsqu'on voit de grandes librairies parisiennes déposer le bilan ou de petites librairies traditionnelles perdre leur clientèle face aux espaces culturels. Les libraires sont assaillies de nouveautés et ne peuvent plus assurer la vente des livres de fonds. Les livres doivent se vendre rapidement car, en seulement trois mois, ils peuvent être retournés chez l'éditeur. C'est d'ailleurs Amazon qui se charge aujourd'hui d'assurer la vente de ce que les libraires ne peuvent plus stocker ou mettre en place par manque d'espace. De plus, débordés par les flux allers et retours, les libraires n'ont plus véritablement le temps de conseiller leurs clients. La proximité entre vendeurs et lecteurs, les conseils de lecture d'un vrai professionnel et d'un passionné sont les valeurs ajoutées des petites librairies. Par conséquent, les clients, en voyant disparaître ces qualités, préfèrent se rendre directement sur Internet. Là-bas, ils trouveront, sans avoir à se déplacer, des conseils de lecture grâce aux « Avis des internautes » que pratiquent Amazon ou Fnac.com.

    Concernant les jeunes lecteurs, il est clair que les librairies leur apparaissent aujourd'hui comme « démodées » mais aussi éloignées de leurs pratiques. Habitués aux grands espaces où l'on trouve autant de livres que de disques, les adolescents se détournent des petites librairies pour les grandes enseignes. Les librairies n'ont pas su se renouveler à temps afin de garder cette clientèle. En effet, les éditeurs remarquent que les librairies n'ont souvent pas d'espace réservé aux adolescents et jeunes adultes. Il y a le coin Jeunesse, le coin Littérature Générale, le coin Politique, le coin Polar et enfin le coin Poche mais il est très rare de trouver un coin Ados et Jeunes Adultes. Certains libraires commencent à faire cette distinction mais cela prend du temps. Il faut sélectionner les livres et choisir si tel ou tel roman serait plutôt jeunesse ou ado. Par ailleurs, persiste le problème d'espace à accorder à un nouveau rayonnage.

    Les libraires qui perdent la jeune clientèle doivent alors se passer d'un chiffre d'affaires qui devient de plus en plus conséquent. Car si les jeunes ne sont pas les plus gros lecteurs, il est évident que les grands formats jeunesse sont un segment de l'édition en forte croissance qui fidélise un public et fait beaucoup vendre105. Les adolescents pris dans une saga ou une collection n'hésitent pas à se déplacer pour avoir leur livre le plus rapidement possible. C'est ici que les e-librairies peuvent perdre face aux points de vente physique. Librairies et grandes enseignes sont de véritables concurrents. La Fnac et, maintenant, les Espace Culturels Leclerc, attirent les consommateurs et particulièrement les jeunes. Ils ont de l'espace pour faire de bonne mise en place et pour stocker plus de produits. Ils suscitent l'achat d'impulsion. Tout est pensé et organisé afin de pousser le consommateur à acheter, telles que les PLV qui défilent dans le magasin, présentant des dizaines de nouveaux romans. Les consommateurs s'y rendent presque en famille pour se promener, voir les nouveautés en film, en musique ou en livre, parfois même sans idée particulière de ce qu'ils vont acheter. En effet, les tables, les PLV et les rayons sont étudiés pour pousser le consommateur à acheter de tout. La proximité entre clients et vendeurs n'est pas l'élément sur lequel ces enseignes reposent. Au contraire, la Fnac a aujourd'hui une réputation navrante en ce qui concerne l'espace librairie puisque ce ne sont plus des libraires qui y travaillent mais majoritairement des étudiants ou des caissiers qui ne connaissent pas plus le monde du livre que le vendeur d'ordinateurs.

    105 Annexe D. Saisonnalité des ventes des romans ados.

    Pour remédier à ces réels problèmes commerciaux et marketing, quelques gros libraires se sont lancés dans le numérique. Voyons ce qu'il se passe et qui, de tous, semble avoir la meilleure stratégie.

    Ombre Blanche, la librairie toulousaine connue de tous, a un site Internet très fourni. Les adolescents y ont d'ailleurs une place réservée dans la rubrique Jeunesse. Le fait d'avoir dissocié les adolescents des autres jeunes lecteurs est une bonne chose. Cependant, comme nous l'avons compris, les adolescents n'aiment pas être considérés comme des << jeunes » et pourraient ne pas être attirés par cette segmentation.

    C'est pourquoi la librairie bordelaise Mollat, l'une des plus grosses librairies indépendantes de France, a dédié un onglet spécialement aux adolescents sans les inclure dans le secteur jeunesse. La librairie va même plus loin dans son investissement en faisant une page << Questions d'ados » où sont présentés tous les essais et livres pratiques pouvant intéresser les adolescents comme la philosophie, la santé etc. Mollat a bien compris que les adolescents ne sont pas des enfants, qu'ils doivent être traités séparément des autres lecteurs car ils n'ont pas les mêmes envies et les mêmes préoccupations. De plus, en mettant les ados en avant sur son site, la librairie Mollat démontre que l'utilisation d'Internet est censée améliorer la communication avec les adolescents et les jeunes adultes, en priorité. Ces deux grosses librairies offrent évidemment la possibilité de commander les livres sur leur site et de les recevoir rapidement à domicile. Le principe est bien de concurrencer Amazon et Fnac.com.

    Toutefois, il manque un élément crucial sur ces deux sites : le conseil du libraire ou des internautes. L'interactivité est absente alors qu'Amazon et Fnac.com reposent principalement sur la proximité entre consommateurs, ainsi qu'entre professionnels et consommateurs, que permet Internet.

    La Fnac est donc un bon élève du numérique. Avec son site de produits multiculturels, la Fnac a toutefois cherché à mettre en avant les adolescents et les jeunes adultes. Le fait d'ajouter les jeunes adultes comme cible est un critère marketing très intelligent qui souligne une prise de conscience de ce que représente aujourd'hui le segment << adolescents » et plus largement, le segment << jeunesse ». Ainsi, la Fnac.com propose une forte actualité de la fiction jeunesse avec une rubrique Nouveautés, Meilleures ventes, Top des romans à paraître et Coups de coeur. Le reste du catalogue est classé sous différentes classifications : les vampires, les livres Girly, les livres d'aventures et de survie, les livres

    pour garçons et jeunes garçons, le Hit des séries, les éditeurs et collections phares, les essais, les livres de santé etc. La Fnac travaille sur le même concept qu'Hachette avec son site Lecture Academy, celui des communautés. Créer plusieurs communautés favorise le ciblage marketing et aide à guider et fidéliser la jeune clientèle. Il y en a donc pour tous les goûts et contrairement à ce que les éditeurs peuvent penser, la Fnac met en avant des éditeurs plus ou moins importants. Dans la rubrique des éditeurs phares on trouve par exemple Thierry Magnier aux côtés d'Hachette. Si les points de vente physiques de la Fnac insistent sur les potentiels grands acteurs, le site permet de rééquilibrer la promotion entre petits et gros éditeurs.

    Sur le même modèle qu'Amazon, la Fnac.com propose aux internautes-lecteurs de s'exprimer. Ils peuvent ainsi donner, en un clic, une note à un roman et ajouter un commentaire, négatif ou positif. L'échange entre pairs, primordial pour les jeunes lecteurs, est respecté ici. Les internautes se prêtent au jeu. Pour le Tome 1 de la longue série Journal d'un vampire, 138 internautes ont donné leur avis, construisant une réelle discussion autour du roman. Aux côtés des avis des lecteurs sont proposés des avis de vendeurs mais aussi un mot de l'éditeur. La promotion est parfaite car complémentaire. La Fnac a réussi un tour de force en donnant aux adolescents - jeunes adultes le premier rôle et le contrôle de la rubrique. Les « adonautes », comme ils sont appelés par la Fnac, ont trouvé leur repère.

    2. Les bibliothèques, de nouveaux espaces physiques et numériques.

    Les librairies ne sont pas les seules à s'ouvrir aux digitals natives. Les bibliothèques ont elles aussi décidé qu'Internet serait leur renaissance et non leur bourreau. Lecture Jeune, fondée par des bibliothécaires, s'est évidemment penchée sur le sujet106. Nous découvrons que les bibliothèques ne se contentent pas de numériser leur catalogue mais bien de faire intervenir les adolescents dans la création numérique. Les bibliothèques ont toujours organisé des activités pour les jeunes mais surtout pour les enfants. Aujourd'hui, alors que les jeunes désertent peu à peu ces lieux de lecture, les bibliothécaires ont décidé de capter l'attention des adolescents. Il s'agit ici d'établir un lien continu avec les ados et leurs pratiques quotidiennes. Pour cela, les blogs sont un support

    106 Op.cit. Lecture Jeune, n°133, p.32.

    parfaitement adapté. La bibliothèque de Saint-Raphaël, par exemple, tient un blog dédié aux adolescents. Ainsi, des actualités sur des jeux vidéo ou des films viennent alimenter l'intérêt pour la lecture. Le blog est actualisé presque quotidiennement ce qui lui permet de rester proche des habitudes et des attentes des adolescents. Dernièrement, le blog s'est intéressé à la musique et plus particulièrement à la musique en streaming. Ici, on ne condamne pas les jeunes de ne pas acheter les albums mais au contraire, on les conseille sur les sites les plus pratiques, les nouveautés américaines etc. Le blog propose donc plusieurs catégories susceptibles d'intéresser les adolescents : La Médiathèque, À lire, Art - Musique, BD, DOFUS (jeu de stratégie pour ordinateur), Geek, Info et Jeux. Une fois encore ce blog nous rappelle celui de Lecture Academy qui propose aux adolescents plus que de simples conseils de lecture mais un univers multiculturel et communautaire. Les adolescents peuvent laisser des commentaires, participer à des jeux concours et même s'entraîner à des jeux vidéo comme Tetris. La bibliothèque de Saint-Raphaël a compris que la séduction d'un adolescent passe par l'échange et par son implication dans la communauté culturelle.

    Si Internet est un moyen pour les bibliothèques de renouer des liens avec le public adolescent et jeune adulte, elles s'interrogent aussi sur les réaménagements de leurs espaces physiques. Une étude a été menée en 2008 auprès de six bibliothèques contrastives : Lille, Nanterre, Auxerre, Toulouse, Dinan et Graulhet. Cette enquête qualitative et quantitative a abordé, parmi plusieurs sujets, celui de l'espace dédié aux adolescents et jeunes adultes.

    Nous ne présenterons que deux de ces bibliothèques, dont les projets, parfois précurseurs, sont symptômes d'une volonté de changement et de modernisation.

    BM Toulouse :

    Espace Intermezzo : 500m2 créés pour attirer un public jeune, pour proposer un lieu passerelle, un espace de découverte de la lecture. Aménagement convivial, peu d'étagères, beaucoup de fauteuils, de tables, des téléviseurs et des écrans. Aucune connotation «ado» dans la déco ou le mobilier. L'équipe ne souhaitait pas flécher un espace ado, mais estomper les segmentations et les cloisonnements entre genres, âges, types de documents...et métisser les publics. Les fonds (3000 documents) sont décloisonnés : la fiction (la littérature ado, chick lit, classique, et contemporaine) côtoie les documentaires

    adultes et jeunesse mêlés (offrant une première approche de chaque discipline), DVD documentaires, livres audios, albums susceptibles d'intéresser les ados voire les adultes, presse (une trentaine d'abonnements), etc. Une douzaine de postes Internet sont proposés. Les jeux consoles sont demandés et envisagés.

    BM Auxerre :

    Un pôle « Ados » a été créé en 1984 sous l'impulsion de la municipalité et de l'association de Lecture Jeunesse. 150 m2 sont aménagés dans la salle Jeunesse mais celleci attire principalement des jeunes adolescents dès la 6° et non les lycéens et jeunes adultes qui préfèrent se rendre à l'espace adulte. Pour l'aménagement de l'espace, la bibliothèque a opté pour des couleurs vives et le confort. Les ados y trouvent des livres, des BD, des revues et du multimédia. Le parascolaire a été volontairement exclu de l'espace. En effet, le pôle « Ados » est censé être un espace de détente et non de travail. Le choix de mettre l'espace ado à proximité de celui de la jeunesse permet également aux jeunes d'aller chercher des documents jeunesse sans avoir l'impression de « déchoir ». Un groupe de réflexion s'est constitué au sein de la bibliothèque afin de mieux cibler le public. Les adolescents constituant 10% des inscrits, leur avis sera pris en compte dans la réorganisation des espaces de la bibliothèque.

    Les résultats de l'enquête sont très significatifs. Ceux qui sont pour : 78% des jeunes se positionnent en faveur d'un espace dédié, surtout les pré-ados 11-14 ans (notamment les filles).

    Raisons évoquées :

    · Il n'y a rien entre espace jeunesse et adulte.

    · Pas envie d'être avec des adultes (dans un espace sérieux) ni avec des enfants.

    · Côtoyer des jeunes qui ont les mêmes goûts, pour se retrouver entre eux, se distraire et discuter.

    · Pour trouver facilement les documents qu'ils cherchent.

    · Dans un espace fermé ou un espace décloisonné (pour circuler), un espace à l'image d'une MJC (jeux, personnel jeune) ou d'un grand magasin (Fnac) = une bulle pour les jeunes (avec des collections adaptées, un fond de livres diversifié, des bornes d'écoute musicale et une ambiance détendue).

    Une nouvelle enquête menée cette fois par la Bibliothèque Georges Pompidou107 est consacrée à la fréquentation des bibliothèques par les jeunes à l'heure d'Internet. Si l'image de la bibliothèque apparaît << globalement positive >>, faisant l'objet d'un << consensus assez général, même chez les non-fréquentants >>, l'étude met en évidence << une sorte de familiarité distante >>, parfois proche d'une certaine indifférence. << En dépit des efforts des bibliothécaires, les bibliothèques souffrent d'un déficit d'image, résume Françoise Gaudet, responsable du service des études de la BPI. Il y a une grande méconnaissance de ce qu'elles sont et de ce qu'elles offrent >>108.

    Pour les jeunes, les bibliothèques restent le lieu de l'étude, du silence, voire de la contrainte. << La médiathèque, c'est comme l'école. On a l'impression de quitter l'école pour aller à l'école >>, regrette ainsi Fahim, 17 ans. << Quand tu es là-bas, ils te disent : "Ne fais pas de bruit." Trop de restriction, ça ne donne pas envie d'y aller >>109.

    L'étude s'intéresse aussi aux raisons du << décrochage >> des jeunes, au tournant de l'adolescence. Parmi les raisons citées, on trouve le manque de temps, la perte du goût de la lecture, les horaires d'ouverture incompatibles avec l'emploi du temps scolaire, le choix d'autres sources d'information dont Internet et les grandes surfaces généralistes. Pour leurs recherches, 73 % des jeunes interrogés déclarent ainsi utiliser Internet, quand 43 % font la démarche d'aller à la bibliothèque.

    Au final, la bibliothèque reste un espace marqué par l'étrangeté. Gaëlla, 17 ans, évoque << un environnement assez mystérieux >>. Hosni, 16 ans, partage son désarroi : << J'ai eu une impression de vide, je ne savais pas quoi faire, où aller, avec qui >>.

    << La bibliothèque est encore un outil extrêmement complexe pour les jeunes, réagit Françoise Gaudet. Nous devons avant tout rendre compréhensible cet univers qui peut paraître hostile, mais un travail sur l'image des bibliothèques paraît aussi nécessaire >>. L'enquête suggère plusieurs pistes. Elle préconise de replacer le jeune public au coeur de la vie des bibliothèques, avec une offre plus diversifiée, la création d'instances lui permettant de participer aux acquisitions et à la définition des programmes d'animation, un accès facilité à l'informatique et à Internet.

    107 BPI, Enquête de la Bibliothèque du Centre Pompidou, Les 11 - 18 ans et les bibliothèques municipales. Paris, publiée en 2010, réalisée en 2009.

    108 Ibid.

    109 Ibid.

    Nous avons vu que de plus en plus d'éditeurs jeunesse créent des sites Internet et s'allient aux réseaux sociaux pour la promotion de leurs romans ou collections. Cependant, derrière cette cyberpromotion se cache aussi un moyen de mieux étudier son public, de le comptabiliser, de le suivre et de comprendre ses goûts.

    B. Internet devient un baromètre utile aux éditeurs pour de futures publications.

    1. Comptabiliser et comprendre le lectorat grâce à Internet.

    Génération Google, génération zapping, les jeunes sont difficiles à suivre, à cerner et à séduire. Internet va alors devenir un outil précieux pour l'éditeur qui y trouve le moyen d'effectuer des études marketing tant qualitatives que quantitatives. Grâce aux minis-sites, blogs et réseaux sociaux, les éditeurs vont donc non seulement suivre l'évolution de la popularité de leurs livres mais les réactions des lecteurs.

    Les études quantitatives peuvent être effectuées via les sites, les blogs et les réseaux sociaux comme Facebook. Les éditeurs peuvent ainsi savoir, grâce aux inscrits, la fréquence des connexions à leurs sites, par jour, par semaine etc. Ils ont aussi la possibilité de comptabiliser le nombre de nouveaux inscrits. C'est un très bon indice sur ce qu'il reste à faire en termes de promotion.

    L'éditeur peut aussi s'aider des Like de Facebook pour savoir si le livre ou les informations fournies satisfont les lecteurs. Ce « J'aime » de Facebook est très utile puisqu'il donne des informations tant quantitatives que qualitatives. Si 90% des adolescents sont inscrits sur Facebook et y sont très actifs, on peut alors croire qu'ils « aimeront » les pages concernant des auteurs ou romans qu'ils ont appréciés. Par conséquent, les chiffres obtenus d'après Facebook sont pris très au sérieux par les services marketing des maisons d'édition.

    Exemple avec la page Facebook de la collection Cherub chez Casterman :

    Des votes quantitatifs, tels que des Quizz, sont effectués sur les sites et blogs des éditeurs. Les votes permettent d'obtenir des informations précieuses car plus ciblées. Fait de questions fermées telles que : « Quel livre préférez-vous entre tel ou tel titre ? >> ou encore « Avez-vous lu tel livre ? >>110, cette technique évite aux éditeurs de faire appel constamment aux agences marketing externes, habituellement très onéreuses.

    Effectuer une enquête sur Internet comprend des risques de biais. En effet, l'internaute pourra être influencé par l'avis des autres internautes, si les sondages sont apparents, mais aussi par le moment et l'endroit où l'internaute répondra au questionnaire. Malgré ces biais, ces cybers études quantitatives rendent un grand service aux éditeurs pour suivre l'évolution de leurs ouvrages au sein du public et pour mieux comprendre ce qu'aime et souhaite ce public.

    Si l'éditeur souhaite réellement cerner ses lecteurs, il sera conseillé de se tourner vers les cybers études qualitatives.

    Les études qualitatives seront plus facilement effectuées sur les blogs et les sites que sur les réseaux sociaux puisqu'elles demandent un développement, voire un débat

    110 Op.cit. Annexe E. Captures d'écrans 2 et 3.

    entre internautes. Les éditeurs vont donc animer des groupes de discussions en posant une question ouverte telle que : « Donnez nous votre avis sur... », « Pourquoi êtes-vous fan de... », « Quel personnage préférez-vous dans tel livre ? ». Les internautes aiment participer à ce genre de débats qui animent la communauté. Ils peuvent s'exprimer et participer à la vie autour de leur livre. Cela concorde avec l'état d'esprit dans lequel se trouve aujourd'hui les adolescents et jeunes adultes, libres de s'exprimer sur leurs goûts et ressentis.

    Ces études deviennent des échanges très enrichissants. Les éditeurs instaurent une proximité avec leurs lecteurs que seul Internet rend possible. Les lecteurs sont en demande d'une écoute sincère et le fait de leur demander leurs avis et leurs recommandations est un point fort en faveur de l'éditeur. Les lecteurs s'expriment sur les déceptions qu'ils ont rencontrées au cours de leurs lectures, sur les personnages qu'ils préfèrent. Ce dernier exemple peut être utile si l'éditeur souhaite effectuer un roman sur l'un des personnages secondaires d'un titre déjà publié. Par exemple, on pourrait imaginer un livre sur les aventures d'Hermione Granger après sa vie auprès d'Harry Potter.

    Des études qualitatives sont parfois lancées au sein de forums par les éditeurs mêmes. Censé être un lieu réservé aux internautes, les éditeurs ont compris qu'il était utile d'animer aussi cette plateforme d'échanges.

    Les débats lancés par les éditeurs sont une source d'informations qui vient à intéresser les concurrents. Tous se rendent sur des plateformes dédiées aux romans ados afin d'observer ce que font les autres éditeurs mais aussi afin de rencontrer des publics qu'ils n'auraient pas. Ainsi, Céline Vial confie que le service marketing de Flammarion Jeunesse se rend souvent sur les forums et blogs de ses concurrents pour trouver de nouvelles idées et comprendre ce qu'il reste à développer chez Flammarion. « C'est une sorte d'espionnage industriel mais c'est légal et pas méchant. Tout le monde le fait ! »111, dit-elle. L'éditeur se crée un pseudonyme et participe aux discussions comme une adolescente le ferait. Cela sous-entend qu'il adopte un vocabulaire d'adolescent et des réactions d'adolescente. Les internautes sont en quelque sorte manipulés mais cela reste inoffensif. On se demande tout de même si certains éditeurs ne se rendent pas sur des

    111 Op.cit. Annexe A, n°3.

    forums, en se faisant passer pour des adolescentes, afin de conseiller leurs romans... Si c'est le cas, les internautes n'ont qu'à bien se méfier. Ce n'est pas faute de mettre en garde les internautes sur les dangers d'Internet. Les pseudonymes et les avatars sont tels qu'on ne sait jamais vraiment qui ce cache derrière une jolie photo.

    Les sites Internet et les réseaux sociaux permettent en outre de récolter l'avis des lecteurs. Les services marketing peuvent s'en servir pour créer des Opérations Commerciales. Prenons l'exemple de cet été où les forums se sont remplis de discussions sur les romans << de plage >>. De ces discussions se dégagent des tendances sur les thèmes, les genres, les styles d'écriture, qui vont aider les éditeurs à améliorer leur futur programme d'été ou à réfléchir sur les possibles OPE commerciales à faire. Par ailleurs, les questionnaires peuvent, tout simplement, nourrir les communautés déjà existantes, ici on parle aux Happy Few.

    Enfin, le Web permet aussi de pister ses utilisateurs. Grâce aux adresses IP des ordinateurs, les éditeurs peuvent savoir combien de pages ont été lues, lesquelles sont les plus populaires, combien de temps les lecteurs s'y consacrent, s'ils y reviennent ou non etc. C'est ainsi que les éditeurs savent si une page est obsolète et inutile ou, au contraire, très en vogue. Dans ce dernier cas, on pourra lui accorder plus d'espace et développer le sujet. Tout est bon pour améliorer son service et ses produits. Ces démarches sont marketing et uniquement marketing. Un éditeur ne peut pas pratiquer ces techniques et se dire anti-marketing, ce serait une vraie contradiction. Toutefois, sans tomber dans un marketing viral incontrôlable, il est aujourd'hui important de se rapprocher de ses lecteurs si ce n'est que pour les tenir informés et écouter leurs commentaires. << Tout est mesurable sur Internet. Nous pouvons suivre précisément l'impact d'une campagne >>112, confirme David Pavie, Directeur des sites grand public chez Hachette Livre.

    Comme l'a écrit Claude Combet, journaliste Livres Hebdo : << Sur le Net, où l'essentiel reste à inventer, toutes les idées sont bonnes à prendre >>113.

    112 SNE, Assises Professionnelles du Livre : A l'heure du numérique. Institut océanographique de Paris - 21 octobre 2010.

    113 Op.cit. Dossier Montreuil. LivresHebdos.fr

    2. Quand Internet fait intervenir les jeunes dans la création de contenus.

    Internet a fait évoluer les esprits des professionnels du livre jeunesse. Les éditeurs ont compris et accepté l'intérêt des sites et des réseaux sociaux pour la promotion de leurs ouvrages. Nous avons vu que le principe majeur est l'interaction. Les internautes-lecteurs s'expriment et alimentent les communautés. Les internautes sont donc des consommateurs car ils ne sont pas passifs face à l'information. S'ils aident à la promotion des livres qu'ils ont aimé, les internautes prennent aujourd'hui encore plus de pouvoir, jusqu'à intervenir dans la création même d'un livre. << A book is a place where readers - and sometimes authors, congregate >>114Un livre est un lieu oil les lecteurs - et parfois les auteurs se réunissent»), explique Bob Stein, Directeur de l'Institute for the future of books, au Tool of Change for Publishing en 2009. Les jeunes, difficiles à satisfaire ? Pourquoi ne pas les laisser faire?

    C'est en parcourant les sites anglo-saxons, Spinebreakers et Inkpop, que l'on prend réellement conscience de ce phénomène. En effet, le concept de Spinebreakers repose intégralement sur la création. << Be Creative >> est-il écrit sur la page d'accueil. Car sur ce site l'adolescent et l'amateur sont rois. S'ils peuvent laisser des commentaires, ils sont aussi sollicités par l'éditeur pour la création d'illustrations de maquettes, pour le choix de titres, pour la création de bandes-annonces officielles de livres etc. Les tests de couvertures auprès des internautes sont très populaires aujourd'hui. Flammarion et Hachette le pratique souvent. << Nous faisons bien plus que Flammarion ! Le titre même du Tome 4 de Twilight a été choisi par les internautes ! Nous faisons constamment des tests couvertures, pour 16 Lunes ou pour un dernier qui va sortir prochainement >>115 raconte Antoinette Rouverand. Mais il est à noter ici que ce ne sont pas les internautes qui dessinent l'illustration, ils ne font que voter pour leur préférée.

    C'est dans ce dernier point que les anglo-saxons se démarquent. Spinebreakers fait entièrement confiance à ses lecteurs au point d'utiliser leurs créations pour leurs publications. Une rubrique << Creative >> est proposée où sont listées les possibles participations des internautes. Considérés comme des professionnels, les internautes

    114 Op.cit. Pascale Gendrey, in Quelle stratégie numérique pour les éditeurs, cite Bob Stein, 2010.

    115 Op.cit. Annexe A, n°3.

    peuvent ainsi envoyer leurs poésies ou nouvelles, des vidéos et des musiques et des illustrations. Tous ces contenus seront triés et sélectionnés pour être publiés sur le site. Inkpop, le site créé par Harper Collins Jeunesse, repose aussi sur ce concept. Son slogan, Make your Mark, est très fort. L'internaute n'est pas là pour lire mais pour agir, pour laisser une trace de son passage. << Read, Write, Connect >> sont les trois actions qui animent le site Inkpop. Lire et commenter ses lectures, écrire et publier ses textes sur le site et enfin, se connecter à une communauté d'écrivains amateurs.

    Spinebreakers va même jusqu'à recruter certains des internautes en qualité de reporters. D'ailleurs, la valeur ajoutée du site est cet apport de la part des jeunes. Les sujets sont frais, à la pointe de l'actualité et des tendances et les textes sont toujours de très bons goûts. D'un coup de coeur pour un auteur à un hommage au livre papier, les sujets sont variés, correctement rédigés et solidement argumentés. Spinebreakers réussit à ne pas tomber dans le simple et le futile. Au contraire, ce site met en avant les qualités des adolescents, leur engagement, leur motivation, leurs connaissances et leur sérieux. On est loin des couleurs flashy et girly de Lecture Academy. Lors de la conférence Through the looking glass116, Anna Rafferty, responsable marketing jeunesse chez Penguin, explique que Spinebreakers aide fortement à la promotion des romans mais qu'il a aussi poussé les éditeurs à vouloir entendre la voix des lecteurs. C'est ainsi que Penguin Jeunesse organise souvent des réunions avec une dizaine d'internautes au sein même de la maison d'édition. Internet a donc installé une proximité devenue concrète et sincère. Les adolescents présents aux réunions se voient proposés des manuscrits et des illustrations qu'ils devront étudier et commenter selon leurs impressions. << Est-ce que tel livre pourrait marcher auprès des jeunes garçons ? >>, << Est-ce que cette couverture est adaptée à la tranche d'âge visée ? >>, << Qu'avez-vous ressenti au cours de la lecture ? >>, voici des exemples de questions auxquelles ils doivent répondre. Lors de ces réunions, les ados conseillent, critiquent et disent parfois très précisément ce qu'ils aimeraient lire... Anna Rafferty nous confie avoir été très étonnée par les sujets qui attirent les jeunes. L'économie, la planète, la politique sont des sujets que les éditeurs auraient gardés pour la littérature générale mais qui, après écoute les retours des ados, passent en jeunesse. La littérature du cross-age se fait ainsi.

    116 Op.cit. Annexe B. Conférence.

    Au cours de la Saison 1 du Printemps du Numérique, organisée par Editis, Nicolas Cauchy, Responsable Internet chez Univers Poche, a insisté sur la participation du lecteur. << Le lecteur peut influencer ou participer à la création du contenu. Il se sent valorisé, va travailler à la notoriété de son travail (mettre en place son propre buzz au service de la marque, du livre ou de l'auteur). Les autres lecteurs sont beaucoup sensibles à ce type de création >>117, raconte-il dans sa présentation. Nicolas Cauchy prend comme exemple le cas du blog 750 gr, une communauté d'amateurs de bonnes recettes qui ont vivement critiqué un livre des Editions Solar pour avoir présenté une recette au thon rouge. Poisson en danger d'extinction, les internautes ont demandé que la recette soit retirée, ce que l'éditeur a fait sans tarder.

    Alors à la question << Est-ce qu'Internet donne du pouvoir aux lecteurs au point d'influencer les publications? >>, nous pouvons désormais répondre << Oui >>, malgré les avis divergeants sur le sujet. Céline Vial considère que les anglais sont moins frileux que les français mais qu'ils semblent, cependant, moins attachés à la qualité littéraire que nous le sommes. Marketing sur Internet voudrait-il dire marketing de masse et par conséquent, mauvaise littérature, paralittérature ? Céline Vial me répond que << non, pas forcément, mais qu'il y a toujours un risque à vouloir écrire en fonction d'un public, selon ses goûts ou pire, d'écrire pour faire le buzz sur Internet >>118. L'édition française reste encore sceptique par rapport à ce transfert de pouvoir vers les lecteurs. Il est vrai que l'on pourrait rapidement tomber dans l'écriture de commande, soustraire la spontanéité de l'écriture qui fait de la littérature un art. Antoinette Rouverand conçoit ce rapport aux lectorat comme un guide qu'il est bon d'avoir à côté de soi pour ne pas faire fausse route et perdre des lecteurs en chemin. Elle insiste sur le fait de refuser toute commande d'éditeur, ce qui n'exclut pas l'écoute de son public. Très intéressée par les réunions organisées par Spinebreakers avec leurs lecteurs, Antoinette Rouverand raconte : << Nous ne le faisons pas encore mais il le faudrait. C'est vraiment utile de travailler avec les jeunes sans le biais d'Internet qui peut influencer les internautes entre eux >>119. Elle fera peut-être d'Hachette le premier éditeur jeunesse français à tenter l'expérience. Affaire à suivre...

    Les éditeurs jeunesse, les libraires et les autres professionnels du livre ados sont aujourd'hui confrontés aux digitals natives. Par conséquent, ils vont devoir réapprendre à

    117 Printemps du numérique, Saison 1 : Les réseaux Sociaux.

    118 Op.cit. Annexe A, n°2.

    119 Op.cit. Annexe A, n°3.

    communiquer avec les jeunes via Internet et les téléphones portables. Les stratégies ne seront plus les mêmes. Faire du socialnetworking et du webmarketing, demande de penser différemment et d'éditer différemment.

    C. Le roman ados et les outils numériques : Promouvoir et vendre différemment.

    1. La nouvelle promotion pour les adolescents : quelques conseils pour devenir leur « ami >>.

    Le socialnetworking et le webmarketing sont deux choses distinctes. Les spécialistes du marketing du Net insistent fortement sur l'importance de maîtriser le webmarketing dont le socialnetworking fait partie.


    · Le webmarketing :

    Le webmarketing, ou marketing sur Internet, englobe les actions menées sur :

    - l'éditorial :

    Constitution de catalogues de marques (sites), de collections ou de titres (mini-sites). Ici, il est question de réfléchir sur la campagne à mener selon si elle concerne un roman, une collection ou une saga. David Pavie explique qu'en France, « Google renvoie 40% de trafic vers les principaux sites d'informations et Facebook seulement 1%. Tandis qu'aux États-Unis, Facebook génère 14% de trafic des principaux sites d'informations et Google seulement 7%. Donc d'un cas de figure à l'autre, l'apport des outils n'est pas le même >>120.

    - La publicité :

    Achat d'espaces (médias et Google) et de mots-clés (Google Search), partenariats et jeuxconcours. La publicité online est très proche de celle du offline, cela prend beaucoup de temps et coûte relativement cher.

    120 Op.cit. Assises Professionnelles du livre.

    L'éditeur pourra favoriser sa publicité en achetant des espaces sur Google Search. Référencement payant, ces espaces sont des liens sponsorisés qui permettent d'obtenir une très bonne visibilité.

    Des partenariats avec d'autres médias reviennent moins chers et fonctionnent bien. Il peut s'agir d'un partenariat avec le site d'un journal ou d'un magazine.

    Le webmarketing conserve des formats proches du offline comme l'affichage. La publicité sera par exemple affichée en fond d'écran de la page d'accueil. Cette technique a un véritable impact sur l'internaute puisque qu'elle capte son regard dès la connexion.

    Enfin, l'achat de mots-clés est absolument primordial pour accroître sa visibilité. Pour cela, différentes techniques sont données par Google. La dernière est celle de Google Win/Win qui permet à la marque de faire des simulations d'achat de mots-clés afin de savoir lequel aurait le plus d'intérêt. Le logiciel donne des idées, fait un devis du coût de l'achat et du nombre potentiel de clics sur une semaine. Enfin, le logiciel permet aussi d'analyser la concurrence qu'aura le mot-clé. Nicolas Cauchy parle de << méthode révolutionnaire >>121, ce que l'on veut bien croire.

    - La relation client :

    Newsletter, emailing, animation des réseaux sociaux (Facebook, blogs et autres).

    Tout d'abord, les newsletters demandent beaucoup de travail. Le contenu doit toujours apporter quelque chose au destinataire. Une newsletter qui ressemblerait à de la publicité serait mal reçue. De plus, << il convient de choisir un hébergeur homologué capable de délivrer correctement de grandes quantités de mails qui ne seront pas considérés comme des spams (critère de << délivrabilité >>) >>122, explique Anne Assous.

    Il en va de même pour l'emailing. Alors que la newsletter est un << abonnement >> aux informations d'une marque, l'emailing est un envoi groupé de mails à une certaine quantité d'internautes pour une campagne ciblée.

    Enfin, l'éditeur doit investir les réseaux sociaux. En choisissant le socialnetworking, l'éditeur passe << de la communication descendante à la conversation >>. FlickR, Twitter, LinkedIn, Facebook et autres, sont des communautés qui grandissent de jour en jour. << Facebook est souvent désigné comme le 3e pays du monde avec 500 millions d'habitants >>123, raconte David Pavie. S'en passer semble de plus en plus difficile pour les

    121 Printemps du numérique, Saison 2. Le webmarketing et le livre. Nicolas Cauchy. 2011.

    122 Op.cit. Assises Professionnelles du livre.

    123 Ibid.

    éditeurs. << Facebook a cet avantage de reposer sur le ton du déclaratif ce qui fait de ce réseau une mine d'informations pour tous professionnels du marketing » ajoute-il.

    - Le référencement :

    Le référencement se fait via différents moyens. L'achat de mots-clés, l'affiliation à d'autres sites (partenaires, Facebook, blogs...) en font partie. Afin d'améliorer son référencement, l'éditeur peut utiliser Google Analytics qui permet de calculer l'audience de son site web. Un éditeur qui n'aurait pas beaucoup de moyens peut compter sur le référencement naturel ce qui risque de le renvoyer loin de la première page Google. Un bon référencement peut faire beaucoup pour le succès d'un livre, d'une collection, d'un auteur ou d'un éditeur. Toutefois, il faut souvent attendre plusieurs mois pour voir l'effet du référencement.

    Le webmarketing est un engagement à long terme << incontournable » pour Anne Assous. << Il y a une génération de digitals natives qui va arriver à l'âge adulte et à laquelle il faut répondre. 96% des jeunes de 18 à 24 ans sont membres d'un réseau social »124 ajoute-elle. Il y a une véritable attente de la part des adolescents et des jeunes adultes. La popularité des blogs de lecture pour ados, des pages d'éditeurs jeunesse Facebook en est la preuve. Être présent dans l'univers des jeunes est un devoir culturel pour les éditeurs qui ne doivent pas croire que les gros lecteurs ne sont pas de gros utilisateurs d'Internet. Au contraire, les jeunes d'aujourd'hui sont les deux.


    · Le socialnetworking :

    Les réseaux sociaux sont des outils utilisés quotidiennement par des millions de français. Pourtant, dès qu'une marque décide d'y faire son entrée, des règles précises, voire, une << philosophie », sont à adopter. À l'origine lieux de partage, les réseaux sociaux sont basés sur l'échange entre adhérents. Toute personne peut décider d'entrer dans un réseau et de prendre la parole en toute liberté. C'est parce que l'échange et la liberté sont les fondements des réseaux sociaux que Facebook a eu raison de nommer ses inscrits des << amis ». En effet, les internautes qui se mettent en contact peuvent agir comme il le ferait dans la vie. Ils discutent, critiquent, conseillent, jugent parfois mais le principal est qu'ils

    124 Ibid.

    soient présents et jouent le jeu de l'échange. Ainsi, les marques, comme les maisons d'édition ou les auteurs, se doivent d'adhérer eux aussi à ce concept d'échange et de liberté. Traiter le << fans>> ou l'<< ami >> en égal est une priorité. Plus important encore, l'ami ne souhaite pas être considéré comme un consommateur, comme une part de marché. Nicolas Cauchy explique lors de son intervention au Printemps du numérique, que l'éditeur doit à tout prix << se méfier des messages trop publicitaires >>. La motivation de l'éditeur en s'inscrivant dans les réseaux sociaux ne doit pas être celle de vendre mais de s'engager auprès de ses lecteurs. Utiliser les réseaux sociaux est un investissement continu, à temps réel. Il faut animer les pages, réactualiser les informations, répondre aux lecteurs et surtout tenir compte de leurs commentaires. Si entre amis il est facile de s'écouter les uns les autres, il paraît parfois peu naturel pour une marque de prendre en compte les conseils d'amateurs. Un tel comportement ferait vite basculer l'éditeur dans la ligne de mire des internautes qui ne se retiennent pas pour exprimer leur mécontentement. L'éditeur doit voir son lecteur, non pas comme un amateur mais comme un ami. C'est pourquoi l'éditeur va devoir adapter son discours. Il doit bannir le langage publicitaire mais il doit aussi adopter un langage et un comportement similaire à celui de ses << amis >>. Toutefois, l'éditeur doit garder le contrôle de la situation. Malgré << l'esprit Web >>, il faut continuer à être professionnel, c'est un équilibre à faire attentivement. S'il n'est pas là pour vendre, l'éditeur peut, par contre, servir l'image de sa marque grâce à une bonne communication.

    Une bonne communication repose sur une éthique toute simple que Nicolas Cauchy décrit en quelques points : << Fidéliser, alerter, immerger >>125.

    Les actions pour suivre cette éthique peuvent être résumées comme suit :

    L'éditeur doit absolument mettre des contenus de qualité. Les << amis >> sont des initiés qu'il ne faut jamais sous-estimer. Leur donner des informations en avant-première, par exemple, est un témoignage de reconnaissance. Il faut installer une relation de confiance privilégiée. Nicolas Cauchy emploi le terme de << désintermédier la communication >>126.

    << Solliciter régulièrement ses lecteurs pour créer une relation pérenne >>127.

    125 Op.cit. Printemps du numérique Saison 1. Les réseaux sociaux.

    126 Ibid.

    127 Ibid.

    L'éditeur doit accepter les commentaires négatifs bien que ceux-là puissent blesser. C'est souvent pour le bien de la marque que « l'ami » prendra le temps de faire un commentaire négatif. Il faudra donc en tenir compte et même remercier l'internaute de sa remarque. Il faut toujours renforcer le lien de confiance.

    Investir les réseaux sociaux est une action dans la durée. L'éditeur ou l'auteur n'aura pas intérêt de s'arrêter en cours de route au risque de décevoir des internautes et ainsi, de perdre des lecteurs.

    Permettre aux internautes de devenir des créateurs de contenus. En plus des commentaires, les « amis » doivent pouvoir partager leurs créations avec leur « ami » éditeur. Une vidéo pour un roman, une bande-son, une illustration ou une fanfiction, tous les contenus devraient être reçus par l'éditeur, comme nous l'avons vu avec le cas de Penguin Jeunesse avec le site Spinebreakers. Des éditeurs et auteurs français ont d'ailleurs entrepris d'effectuer des publications collectives à l'aide d'internautes. Nous avons tous entendu parler du projet d'Anna Gavalda, en partenariat avec Facebook et France Loisirs, basé sur le thème du cadavre exquis. Sur Facebook, l'auteur publie les pages de son roman dans son avancement et à sa droite, une page blanche est laissée aux internautes pour toutes interventions. Ils peuvent intervenir sur l'action d'un personnage, conseiller une aventure etc. Au bout d'un certains temps, l'internaute ayant obtenu le plus de votes voit son idée être intégrée au récit de l'auteur et cela jusqu'à la fin du roman.

    Il est important que l'éditeur réfléchisse au préalable sur la pertinence d'un média par rapport à l'action qu'il souhaite mener. Un lancement 100% numérique est possible mais tout dépend du produit. Dernièrement, Univers Poche a expérimenté le lancement numérique de la trilogie Hunger Games. Roman ados - jeunes adultes, le lancement Internet n'a posé aucun problème. Complétée par quelques affichages sur des bus et autres, la campagne a eu un impact très fort chez le jeune public. Sites, blogs, pages Facebook, Twitter, Hunger Games a envahi la Toile et l'éditeur ne cesse d'alimenter ses réseaux. Dans une nouvelle étude présentée lors de la seconde saison du Printemps Numérique d'Editis, Nicolas Cauchy distingue le comportement des jeunes adultes à celui des adultes. Les adultes voient le webmarketing comme « un contenu accessible autour de repères

    référents tels que la marque, l'auteur ou l'éditeur >>128. Face à cette simplicité, les jeunes adultes se présentent comme une cible exigeante mais accueillante. Selon eux, << le webmarketing doit être des contenus multimédias accessibles tout le temps et partout >>129.

    Les éditeurs français sont encore peu nombreux à utiliser Facebook à bon escient. La première raison est le travail supplémentaire que cela implique. La seconde est, selon Nicolas Cauchy, << l'acceptation différente de la manière de parler du livre >>. Internet modifie notre manière de communiquer et de s'informer. L'accès à la culture et sa réception sont altérées ou pourrait-on dire, évolues. Il est parfois difficile pour un éditeur français, encré dans la tradition éditoriale de longue date, de voir ses ouvrages promus tels des films hollywoodiens. Par ailleurs, Internet a fait basculer l'équilibre d'origine du monde éditorial de l'offre qui crée de la demande. Chris Anderson, dans son livre Longue traîne130, définit deux règles : << Make everything available >> (rendre tout disponible) et << Help me find it >> (aidez-moi à le trouver).

    Tout dépend du positionnement de la maison d'édition, de l'image qu'elle souhaite renvoyer. Il restera toujours quelques irréductibles, qui préserveront les anciennes techniques de promotion face à la folie du webmarketing.

    Le webmarketing vient donc modifier les investissements publicitaires, la relation aux lecteurs, la manière de valoriser les marques et de piloter les investissements. C'est un travail qui touche autant la communication et le marketing que l'éditorial. Tandis que certains éditeurs réussissent tant bien que mal à entreprendre des campagnes webmarketing, d'autres, dont les budgets le permettent, préfèrent créer des postes leur étant entièrement dédiés. Agence de webmarketing en free lance ou community manager en interne, de nouveaux métiers naissent de la révolution numérique éditoriale.

    128 Op.cit. Printemps du numérique, saison 2. Le webmarketing et le livre.

    129 Ibid.

    130 Anderson Chris, La longue traîne : la nouvelle économie est là, Ed. Pearson Education, Paris, 2007.

    2. Le community management, l'avenir de la promotion du livre et de l'éditeur.

    Le community manager est le porte-parole d'une ou plusieurs marques. Né de la révolution numérique, le community management consiste à soutenir des stratégies marketing sur Internet via les médias sociaux. Le webmarketing est une tâche chronophage. Il faut construire une relation de qualité et durable avec les internautes. Pour cela, le community manager doit bien connaître la marque pour laquelle il travaille afin de pouvoir répondre à toutes les questions éventuelles des internautes. De plus, une veille continuelle des nouveaux réseaux et de leurs évolutions est à faire. Le community manager doit être à la pointe de la technologie, il doit anticiper les idées des internautes.

    Il n'existe encore que très peu de formations pour le métier de community manager. L'école de commerce de l'INSEEC propose, à Bordeaux, un Master de Web Community Management et Réseaux Sociaux qui semble complet et en adéquation avec les besoins des entreprises. Toutefois, la majorité des community manager actuels sont des autodidactes, des passionnés du numérique et de la communication sur réseaux sociaux. La majorité d'entre eux sont effectivement des jeunes diplômés appartenant à la génération de digitals natives. Ces jeunes sont de grands utilisateurs d'Internet et de ses différentes formes de communication dont les blogs et Facebook. Ils connaissent le langage technique d'Internet, les outils de cyberpromotion et sont aussi conscients des différents profils des internautes, de leurs envies et de leurs comportements. En tant qu'utilisateur, ils savent ce que les marques doivent bannir afin de ne pas perdre une clientèle. Le community management n'est pas un jeu, c'est un véritable métier. Il ne suffit pas de surfer sur les réseaux sociaux. Son objectif est de laisser une trace positive de la marque sur le client. Pour cela, << le community manager doit être incitatif, interactif, attentif et intéressant >>131. La qualité d'une communauté ne se calcule pas en nombre de << fans >>. Il vaut mieux privilégier les échanges constructifs de qualité plutôt que de faire la course à la popularité. << Il faut donner les bonnes raisons à l'internaute de transmettre de l'information et de vouloir communiquer avec d'autres >>132, explique Anne Assous. Pour Nicolas Cauchy, << ce sont les personnes qui font ou non le succès d'une marque sur les réseaux sociaux >>133. On parle

    131 ConseilsMarketing.fr : Le Community Management, un nouveau métier I 04.02.2011.

    132 Op.cit. Assises Professionnelles du livre.

    133 Ibid.

    aujourd'hui de l'e-réputation d'une marque qui doit être défendue par le community manager. L'enjeu est donc tel qu'il est préférable de choisir avec grande attention celui ou celle qui la représentera. Les maisons d'édition ont le choix entre créer un poste de community manager en interne et celui de travailler avec une agence externe.

    - En interne :

    Les deux géants de l'édition française, Hachette et Editis, développent aujourd'hui des services de community management en parallèle à leurs services marketings. Les avantages d'un community manager en interne sont multiples. Il adhèrera plus facilement aux objectifs de l'éditeur et à l'image de marque à défendre. Il pourra suivre l'évolution des projets au cours de réunions internes, être en lien constant avec l'éditeur et le service marketing et peut-être même guider les éditeurs dans leurs politiques éditoriales. De plus, travailler en interne peut accentuer l'engagement du community manager envers l'éditeur qu'il représente. En effet, il ne sera pas partagé entre plusieurs clients et sera entièrement dévoué à son entreprise. Il est certain qu'un éditeur qui mise beaucoup sur les réseaux sociaux comme Pocket Jeunesse, aura intérêt à avoir son propre community manager plutôt que de faire appel constamment à une agence free-lance qui reviendrait très cher.

    - En externe :

    Pour les éditeurs qui utilisent les réseaux sociaux pour quelques grandes campagnes, les agences de communication sont encore la meilleure solution, ou devrait-on dire, « étaient » la meilleure solution. En effet, les éditeurs ont longtemps fait appel aux agences de communication pour déléguer de grosses campagnes promotionnelles. Services onéreux, les agences de communication ont l'avantage d'avoir le recul nécessaire sur le produit pour faire un travail adéquat avec la clientèle ciblée. De plus, entièrement dédiée à une campagne et non au soutien de tout un catalogue, l'agence pourra y accorder plus de temps et obtenir un résultat plus approfondi et plus propre. Le problème toutefois reste qu'une agence de communication n'est pas toujours une agence de webmarketing et qu'elle peut donc présenter des lacunes en termes de stratégies numériques. Par ailleurs, une agence de webmarketing ne sera pas spécialisée dans le monde du livre, ce qui peut poser problème quant à la communication envers les lecteurs. La promotion d'un produit culturel n'est pas à traiter comme un produit purement commercial.

    Face à ce dilemme, une agence devient particulièrement intéressante.

    Cinquième de Couve est une agence de conseil en communication et marketing sur Internet spécialisée dans l'édition du livre qui travaille tant avec les éditeurs qu'avec les auteurs. Services, conseils et techniques, Cinquième de Couve veut assurer à son client une présence à 360°, en alliant au marketing direct un marketing cross-médias. Les services proposés aux éditeurs sont très complets allant du simple référencement à la prospection ciblée ou à la conception de produits dérivés. Concernant les auteurs, les services sont aussi très réfléchis : blogs, e-réputation, site communautaire privé, vidéos ou applications I Phone. Toutes les sortes de livres sont traitées. Il peut s'agir d'un roman, d'un beau-livre ou d'une bande-dessinée. Pour chaque genre, un panel de services sera conseillé. L'agence veut éviter aux éditeurs de se perdre dans les méandres du numérique et ainsi, de ne pas maîtriser leur image et leur promotion. << Il faut externaliser ces services. Il est clair que ce n'est pas le travail d'un éditeur que de faire des lancements marketing numériques, de faire du community management. C'est un monde très vaste et il faut le connaître parfaitement et y être entièrement consacré >>134, explique Laurent Bouvier, responsable à l'agence. Cinquième de Couve ne se contente donc pas de lancer une promotion numérique. L'agence peut endosser le rôle de community manager durant l'année qui suit le lancement, selon le succès du livre ou de la collection. En effet, le plus intéressant pour l'agence sont bien les collections qui demandent plus de travail qu'un simple one shot, sans oublier les sagas. Aujourd'hui phénomènes littéraires mondiales, elles permettent de construire un véritable monde numérique parallèle au livre. << La trace numérique >>135, dont parle Laurent bouvier reste toutefois un avantage certain pour n'importe quel livre puisqu'elle favorise un potentiel succès à retardement.

    Promotion devient rapidement animation, création et même récréation. Sites compagnons, réseaux sociaux, applications et même quelques trailers sont proposés dans des limites budgétaires très intéressantes. En effet, Laurent Bouvier insiste bien sur sa volonté d'offrir des prestations accessibles tant aux gros éditeurs qu'aux petits. << Avec 200 euros, on peut faire quelque chose de très bien sur Internet alors imaginez pour 15 gros titres à l'année, ça ne revient pas si cher >>136. L'agence ne souhaite pas réserver le marketing aux gros budgets. L'avantage d'Internet c'est bien son coût, assez bas en création de site et en maintenance.

    134 Annexe A, n°6. Entretien avec Laurent Bouvier, responsable de l'agence Cinquième de Couve.

    135 Ibid.

    136 Ibid.

    L'agence a aussi un système de statistiques permettant de suivre les évolutions des audiences. Tous les quinze jours ou tous les mois sont envoyés les bilans de popularité des sites développés par l'agence. Cinquième de Couve peut aussi se greffer sur des sites déjà en fonctionnement, anciennement tenus par les éditeurs.

    Un service, un peu plus éloigné du livre est proposé, celui des produits dérivés.

    · Dédicaces autour de jeux concours : celui qui gagne le jeu, gagne une dédicace de l'auteur.

    · Gestion des tirés à part : Les tirés à part sont un relais de croissance potentiel pour les éditeurs. Organisation de la prospection et de la commercialisation des tirés à part auprès des entreprises potentiellement intéressées par ce genre de produit.

    · Gestion des tirages photographiques en série limitée : lors du lancement d'un beau livre, des tirages photographiques en série limitée peuvent être des supports efficaces pour organiser une campagne de marketing direct.

    Cinquième de Couve espère pouvoir convaincre les éditeurs que le marketing n'est pas « sale »137 et qu'il peut faire un bon travail. Encore considérée comme la bête noire dans le monde littéraire, Laurent Bouvier est conscient qu'il faut rassurer les éditeurs, surtout à l'heure de tous ces bouleversements que subit l'édition. Il faut leur montrer que leurs livres ne seront pas traités comme des produits agro-alimentaires. Pour Laurent Bouvier, le marketing a fait ses preuves dans le cinéma et l'édition a encore beaucoup de retard de ce côté-là. L'émergence de nouveaux médias est telle que le livre se doit d'exister comme une marque et ne doit plus se contenter d'un seul média, celui de l'imprimé.

    Ouverte depuis un an, l'agence est en pleine prospection et a déjà signé des contrats avec les éditions de La Martinière et les éditions Plon. L'esprit littéraire qui habite Cinquième de Couve réussit à séduire les éditeurs. En effet, l'agence a construit son équipe dans la diversité des parcours professionnels et académiques. Le community manager de Cinquième de Couve devra absolument avoir des connaissances littéraires et des compétences en édition du livre. Promouvoir un produit culturel demande qu'on le connaisse et qu'on l'apprécie tout particulièrement. C'est ce qui fait la valeur ajoutée de cette petite agence.

    137 Ibid.

    Conclusion

    La littérature ados et jeunes adultes a été marquée par le succès triomphant d'Harry Potter. Le petit sorcier est venu modifier toute la chaîne de l'édition jeunesse, installée dans ses traditions pédagogiques et prescriptives. Les jeunes s'emparent des romans grands formats, la peur de cet acte solitaire s'évapore pour faire place à une frénésie. Les éditeurs, en voyant ce lectorat s'éveiller, vont prendre conscience que des centaines de possibilités se dessinent devant eux. Plaire aux jeunes n'est pas une tâche aisée et les éditeurs acceptent de revoir leurs politiques éditoriales ainsi que leur image de marque. Ainsi, des collections entières sont relookées, arrêtées et créées. L'édition jeunesse, en étudiant de plus près ces jeunes lecteurs, a remarqué l'influence grandissante d'Internet et du téléphone portable. Les jeunes communiquent sans cesse, sur tout et à propos de tout. Des communautés se créent autour de passions communes dont évidemment, la littérature. Ainsi, la prescription traditionnelle des professionnels du livre et des parents s'estompent pour laisser la place à la prescription des pairs. Les jeunes s'influencent les uns les autres, ils préfèrent s'écouter plutôt que d'écouter les marques dont ils doutent, légitimement, de l'honnêteté. C'est ainsi que les jeunes prennent du pouvoir aux éditeurs. Les lecteurs et même les non-lecteurs vont sur le Net pour exprimer leurs envies. Envie d'un nouvel Harry Potter, envie de frissons, d'aventures, d'une histoire fantastique sans fin... Les blogs, les forums et les réseaux sociaux comme Facebook deviennent de véritables plateformes de discussions littéraires. Les internautes commentent, critiquent et conseillent les éditeurs sans se soucier si ceux-là écoutent ou non. Pourtant, les éditeurs écoutent et enquêtent. Ces jeunes, issus de la génération Google, de la génération « zapping », savent se faire entendre et intéressent les éditeurs qui voient en eux l'occasion de se renouveler et de lâcher prise. Les digitals natives obligent les éditeurs à comprendre Internet et ainsi à adhérer aux nouvelles techniques de communication. L'ère numérique a commencé, elle n'est plus un projet, une possibilité. Par conséquent, s'initier au webmarketing et au socialnetworking paraît l'une des premières choses à connaître avant même de penser produire des livres numériques. Les éditeurs jeunesse se sont donc aventurés dans la communication et la promotion online en créant des mini-sites dédiés, des pages Facebook ou des blogs. Ils ont compris que les internautes-lecteurs réclament une interactivité. La passivité est exclue. L'éditeur doit nourrir constamment ses sites de nouvelles informations (vidéos, photos, extraits...). Un véritable travail supplémentaire de création de contenus est

    ajouté au travail d'origine de l'éditeur. Il faut animer des quizz, organiser des jeuxconcours, répondre aux internautes et pour cela, lire leurs commentaires. Les services marketing voit aussi leur travail doubler, du offline au online, la communication se complexifie. Le marketing traditionnel devient rapidement du marketing viral que les éditeurs ont du mal à contrôler. Les internautes s'emparent des informations des professionnels pour animer leurs discussions d'un site à un autre. Faire remonter l'impact d'une campagne promotionnelle sur le Net peut paraître impossible aux éditeurs qui n'ont pas encore toutes les techniques pour maîtriser leur travail. De cette demande découle la création d'un nouveau métier, très en vogue aujourd'hui, celui de community manager.

    Chargé d'animer les communautés sur le Net, le community manager est un poste entre responsable marketing, éditeur et attaché de presse. Il veille au bon déroulement de la campagne Internet, tisse des liens forts avec les internautes et étudie l'impact de la campagne. La responsabilité du community manager est très lourde. La e-réputation d'une marque peut être rapidement entachée si le community manager ne fait pas correctement son travail. C'est pourquoi ces postes attirent plus particulièrement des jeunes personnes, initiées au numérique ainsi qu'à la communication via les réseaux sociaux. Il est bon signe pour les futures générations que l'édition s'ouvre sur de nouveaux métiers. Le dynamisme actuel qui habite les maisons d'édition doit être mis au service de la création. Internet est venu modifier notre communication mais aussi nos liens avec la culture. Les adolescents et jeunes adultes ont compris qu'Internet peut leur permettre de se faire entendre auprès des marques. L'édition de littérature jeunesse, qui ne connaissait que la devise : << L'offre crée la demande » doit aujourd'hui s'habituer à << La demande crée l'offre ». Et si la demande ne crée pas totalement l'offre, elle l'influence beaucoup.

    Alors, à la question : << Dans quelles mesures les nouvelles technologies, dont principalement Internet, prises comme armes marketing littéraire, ont-elles participé à imposer le roman pour adolescents sur le marché éditorial ? », nous pouvons désormais répondre que les nouvelles technologies participe grandement au succès actuel du roman ados. La reconnaissance de cette littérature n'est pas encore totale au sein du monde du livre, qui la relègue souvent au stade de littérature de divertissement. Pourtant, les chiffres

    reflètent un changement d'esprit138 au sein de la population de lecteurs français. Si les bestsellers sont en majorité des sagas anglo-saxonnes, certains éditeurs publient des romans ados - adultes français, originaux, engagés et de qualité littéraire similaire à la littérature générale. Comme cette dernière, la littérature jeunesse est faite de différents styles pour les goûts de chacun mais elle mérite une reconnaissance absolue de littérature à part entière.

    De là, nous pouvons aussi répondre à la question : << Comment le roman pour adolescents permet à l'édition de se renouveler grâce à un lectorat qui s'affirme largement dans le paysage culturel avec des pratiques innovantes ? ».

    Les jeunes lecteurs ont attiré les éditeurs sur la Toile et les ont obligés à revoir leurs politiques éditoriales et leurs stratégies marketing. Les digitals natives ont fait entrer l'édition, et non seulement l'édition jeunesse, dans une nouvelle ère. La communication n'est plus autoritaire et descendante mais horizontale. Les internautes-lecteurs communiquent avec les éditeurs, ils les remercient, les guident et parfois les critiquent. De véritables échanges se font grâce à Internet. L'interactivité réclamée par les jeunes inspire les éditeurs. Bayard prouve, avec Cathy's Book et Skeleton Creek, que le livre imprimé regorge de possibilités avec le soutien des technologies. Il ne s'agit plus seulement de promotion mais de relation et de création. Du livre papier interactif on imagine déjà ce qu'un livre numérique pourra contenir. Échanges instantanés sur un paragraphe, annotation d'une phrase, envoi d'un extrait à un ami etc.

    L'éditeur doit évoluer, devenir marketeur, community manager et << ami » des lecteurs. Le roman ados a relevé un challenge que la littérature générale commence à peine à toucher du doigt. Car si quelques éditeurs et auteurs de paralittérature générale, comme Guillaume Musso et Marc Levy, ont depuis longtemps leur site et leur blog, ce n'est que récemment que les maisons d'édition de littérature générale comme Gallimard se lancent. Les éditions du Seuil, Flammarion, Plon et beaucoup d'autres n'ont encore rien développé sur Internet. Pourtant, viendra un jour où les jeunes lecteurs, les digitals natives seront adultes et se tourneront vers la littérature générale. Que se passerait-il si les éditeurs n'étaient pas au rendez-vous ?

    138 Op.cit. Annexe D. Etudes GfK : Courbe de saisonnalité des sorties caisse GfK des romans ados de janvier à juillet 2010 et 2011 en chiffre d'affaires, avec et sans l'effet Twilight.

    L'édition du livre se modifie et il peut être difficile de prendre assez de recul pour comprendre les évolutions et en tirer des leçons. Par conséquent, les éditeurs doivent s'entourer de personnes aptes à les conseiller et les guider. Reculer ne servirait à rien. L'édition ne sera en danger que si les éditeurs ne se préparent pas aux futurs changements que les nouvelles technologies engendrent. Le passage au numérique ne se fera que si tous les acteurs de la chaîne du livre s'y mettent à leur tour. Comme nous l'avons vu pour la littérature ados - jeunes adultes, certaines librairies et bibliothèques ont déjà adopté Internet afin d'améliorer leur communication et favoriser la diffusion de la culture. Internet va rendre plus accessible la lecture à ceux qui n'avaient pas les moyens ou les reflexes de s'y intéresser. C'est un devoir pour les éditeurs, en tant que passeurs d'art et d'idées, que d'investir cet outil et de le maîtriser parfaitement.

    La ville de Paris et l'organisme Region Innovation Lab ont décidé de créer le laboratoire de l'édition numérique. En plein coeur du Quartier Latin, un immeuble de 500m2 sera entièrement consacré à l'avenir du livre numérique.

    À la fois incubateur de projets innovants et plateforme d'informations et de rencontres sur les mutations du secteur, le Labo de l'édition va accompagner les acteurs traditionnels dans leur adaptation aux enjeux du numérique. Son objectif est aussi d'aider les jeunes éditeurs à croître et à trouver leur pérennité professionnelle. Piloté par Lyne Cohen-Solal, adjointe au Maire de Paris chargée du Commerce, de l'Artisanat et des Métiers d'art et par Jean-Louis Missika, adjoint au Maire de Paris chargé de l'Innovation, de la Recherche et des Université, le Labo aura également pour vocation de s'ouvrir au grand public et de contribuer ainsi à la diffusion de l'information sur les nouveaux supports et nouveaux usages.

    Trois objectifs seront déterminants pour le rôle que ce labo veut endosser :

    · accompagner les professionnels du livre, libraires et éditeurs indépendants désireux d'accéder au marché numérique.

    · soutenir les projets innovants du secteur de la librairie et de l'édition numérique.

    · mutualiser des compétences, des espaces de réunion, de travail, de convivialité, des outils (réseau internet haut débit, banc d'essai multi supports du livre numérique, local d'enregistrement audio).

    Ce projet est signe d'un réel besoin de formation auprès des acteurs de la chaîne du livre. Si le livre papier a encore beaucoup de temps devant lui, les techniques de ventes, de promotion, de distribution et de diffusion vont peu à peu se dématérialiser. C'est grâce à ses jeunes lecteurs, issus de la génération numérique, que l'édition jeunesse a pu anticiper ces modifications. Il est certain que l'avenir de l'édition sera fait de surprises. Toutefois, nous pouvons encore nous demander qui, entre les éditeurs et les lecteurs, nous surprendra le plus ?

    Bibliographie

    I/ Ouvrages généraux sur le livre et l'édition

    · BASCLE-PARANSKY Laurence et PRIEUX Max, Le Marketing du livre, tome 2,
    promotion et outils de communication.
    Ed. Cercle de la librairie, Paris, avril 2010.

    · MOLLIER -Jean-Yves, Oil va le livre ?, Ed. La Dispute, Paris, avril 2007.

    · SANTANTONIOS Laurence, Tant qu'il y aura des livres. Ed. Bartillat, Paris, 2004.

    II/ Ouvrages sur la littérature jeunesse et ados

    · BAUDELOT Christian, Et pourtant ils lisent, Ed. Seuil, Paris, 1999.

    · DELBRASSINE Daniel, Le roman pour adolescents aujourd'hui : écriture, thématique et réception. Ed. CRPD Académie de Créteil, 2006.

    · JEAN-BART Alain et THALER Danielle, Les enjeux du roman pour adolescents. Ed. L'Harmattan, Paris, 2002.

    · LARTET-GEFFARD Josée, Le roman pour ados, une question d'existence. Ed. du Sorbier, Paris, 2005.

    · NOESSER Laura, Le livre pour enfants (1900-1950) in Histoire de l'édition française tome IV. Ed. Promodis, Paris, 1986.

    · PERRIN Raymond, La littérature jeunesse et presse des jeunes au début du XXIème siècle. Ed. L'Harmattan, Paris, réédition 2008.

    III! Ouvrages sur le numérique

    · ANDERSON Chris, La longue traîne : la nouvelle économie est là, Ed. Pearson Education, Paris, 2007.

    · PALFREY John, Born Digital, Basic Books, 2008.

    · PRENSKY Marc, Teaching digital natives, Corwin Press, 2010.

    IV! Enquêtes et études

    · DONNAT Olivier, Les pratiques culturelles des français à l'ère du numérique, Ed. La Découverte, Paris, 2009.

    · OCTOBRE Sylvie, Pratiques culturelles chez les jeunes et institutions de transmission : un choc de cultures. DEPS, janvier 2009.

    · PATINO Bruno, Rapport sur le livre numérique, Ministère de la culture, Paris, juin 2008.

    · University College of London. The Google Generation. Information behaviour of the researcher of the future, 11.01.2008.

    · Ministère de la culture et de la communication : L'édition Jeunesse. Enquête et Dossier 2009.

    · Etude IFOP. Observatoire des Réseaux Sociaux. Janvier 2010.

    · Etude CONSOJUNIOR, Quand les digitals natives s'informent ! mars 2009.

    · Enquête de la Bibliothèque du Centre Pompidou, Les 11 - 18 ans et les bibliothèques municipales. Paris, publiée en 2010, réalisée en 2009.

    V/ Revues

    · EZAN Pascale, Le phénomène de collections comme outils marketing à destination des enfants. Décisions Marketing, n°29, janvier - mars 2003.

    · LECTURE JEUNE, Culture numérique : Nouveaux espaces d'expression et de création des adolescents. N°133, Paris, mars 2010.

    · LECTURE JEUNE, Les jeunes adultes et la littérature. N° 137, Paris, mars 2011.

    · LECTURE JEUNE, Cultures adolescentes. N°125, Paris, mars 2008.

    · LECTURE JEUNE, Le marketing, un savoir-faire au service de la lecture ? N°103, Paris, septembre 2002.

    · ESPRIT, L'imaginaire mondialisé de la littérature jeunesse. Paul Garapon, Paris, mars - avril 2002.

    VI/ Thèse et conférences

    · EZAN Pascale, Les stratégies de marque sur la blogosphère adolescente: illustration à travers le cas Hatier, 11th International Congress on Marketing Trends, Paris, 2011.

    · GENDREY Pascale, Quelle stratégie numérique pour les éditeurs de livres ? MBA Marketing & Commerce sur Internet, sous la direction de Vincent Montet, Institut Leonard de Vinci, 2010.

    · SNE, Assises Professionnelles du Livre : A l'heure du numérique. Institut océanographique de Paris - 21 octobre 2010.

    · SNE, Conférence Que lisent les adolescents ? Toulouse, 2007.

    · PRINTEMPS DU NUMERIQUE, Saison 1 : Les réseaux Sociaux. Saison 2 : Le Webmarketing et le livre. Nicolas Cauchy, Paris, 2010/2011.

    · SUPEDIT, Conférence, A qui s'adresse le livre jeunesse ? Adultes, jeunes adultes, prescripteurs...quels sont les publics du livre pour enfants ? Bibliothèque Buffon, Paris, 16 avril 2011.

    VII/ Webographie

    · L' Express.fr : Chronique François Busnel, le 24.11.2010 http://www.lexpress.fr/culture/livre/lisez-jeunesse 939382.html

    · L' Express.fr : Les ados : Et pourtant ils lisent ! 01.12.2006.

    · Stratégie.fr : Génération Zapping, 26.02.1999 http://www.strategies.fr/etudes-tendances/dossiers/r6335/generation-zapping.html

    · Stratégie.fr : Génération Digital Natives, 22.04.2010 http://www.strategies.fr/etudes-tendances/dossiers/137361/generation-digital-

    natives.html

    · Figaro.fr : Le Roman ados : un nouveau genre ?, 27.11.2008, François Bouchon http://www.lefigaro.fr/livres/2008/11/27/03005-20081127ARTFIG00526-le-roman-

    pour-ado-un-nouveau-genre-.php

    · Nouvel Observateur.fr : Faut-il kiffer la littérature ados ?, Entretien de Tibo Bérard par Jonathan Reymond, 03.12.2010 http://bibliobs.nouvelobs.com/romans/20101203.BIB6027/faut-il-kiffer-la-litterature-

    pour-ados.html

    · Télérama.fr : Twilight vampirise les foules, 30.04.2009, Michel Abescat. http://www.telerama.fr/livre/twilight-vampirise-les-foules,42175.php

    · LivresHebdo.fr : Jeunesse : L'optimisme de rigueur. Dossier PDF, 19.11.2010, Claude Combet.

    · LivresHebdos.fr : Dossier du Salon du livre Jeunesse de Montreuil, 23.11.2007, Claude Combet.

    · Blog, Place to be : Entretien de Cécile Térouanne, Directrice Editoriale Hachette Jeunesse.

    http://www.place-to-

    be.fr/index.php?option=com content&view=article&id=1940:interview-de-cecile-terouanne-directrice-editoriale-chez-hachette-jeunesse&catid=79:les-salons-du-livre&Itemid=100

    · Blog Il bouge le livre, Le Monde, A propos du roman ados, 17.12.2009, entretien avec Soazig Le Bail.

    http://il-bouge-le-livre.blog.lemonde.fr/


    · Wikipédia : Définition << Réseaux Sociaux ». http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9seau social

    · Marketing Professionnel.fr : Réseaux Sociaux, un vrai potentiel marketing http://www.marketing-professionnel.fr/tribune-libre/reseaux-sociaux-potentiel-

    marketing-nouveaux-medias.html

    · Livreshebdos.fr : Les professionnels vont pouvoir renouveler leurs pages Facebook. 15.02.2011. http://www.livreshebdo.fr/actualites/DetailsActuRub.aspx?id=6125

    · Wikipédia : Définition de << Fan - art ». http://fr.wikipedia.org/wiki/Fan art

    · Site de Tara Duncan : http://www.taraduncan.com/

    · Blog de Sophie Audoin : http://www.taraduncan.com/blog/

    · Site Colombes du Roi Soleil : http://www.lescolombesduroisoleil.com/

    · Blog On lit plus fort, Gallimard Jeunesse : http://onlitplusfort.skyrock.com/

    · Site Spinebreakers : http://www.spinebreakers.co.uk/Pages/Home.aspx

    · Site Lecture Academy, Hachette Jeunesse : http://www.lecture-academy.com/

    · Site Inkpop : http://www.inkpop.com/

    · France Soir.fr : Ce que les ados adorent dans les romans interactifs. http://www.francesoir.fr/ce-que-ados-adorent-dans-romans-interactifs-61383.html

    · Blog Cathy's Book : http://love-cathy.skyrock.com/


    · Forum Cathy's Book : http://www.doubletalkwireless.net/forum/viewforum.php?f=2&sid=b41855ba42eac164

    621ccaaf79db8a65

    · Sites Cathy : http://www.cathysring.fr/

    http://www.cathysbook.fr/ http://www.cathyskey.fr/

    · Site Skeleton Creek : http://www.enqueteaskeletoncreek.fr/

    · LaCroix.fr : Les bibliothèques doivent reconquérir le public adolescent. Elodie Maurot, 16.02.2010

    · Medi@zone, Bibliothèque de Saint-Raphaël : http://www.bm-saintraphael.fr/blog/mediazone/

    · ConseilsMarketing.fr : Le Community Management, un nouveau métier ! 04.02.2011. http://www.conseilsmarketing.fr/e-marketing/le-community-management-un-nouveau-

    metier






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