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Adriana Tourny
Le roman pour adolescents et les outils
numériques,
évolution d'un paysage
éditorial
Comment Internet devient le tremplin du marketing
littéraire et des grands formats jeunesse ?
Université Villetaneuse Paris
VIII
Tutrice : Corinne Abensour Responsable
d'apprentissage : Laurence Bascle-Paransky
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Remerciements
Je tiens tout d'abord à remercier Corinne Abensour, ma
Directrice de Master et tutrice, pour avoir cru en ce projet et m'avoir
soutenue durant sa rédaction.
Un grand merci à Laurence Bascle-Paransky, ma
responsable d'apprentissage aux Editions Nathan - Le Robert, pour avoir pris le
temps et le soin de me guider dans ma réflexion en partageant ses
idées et son expérience de professionnelle.
Je remercie aussi les professionnels du livre pour leur
collaboration et l'intérêt porté à mon étude
:
Mireille Tyckaert, directrice marketing de Nathan Jeunesse,
Céline Vial, directrice Editoriale de Flammarion Jeunesse, Antoinette
Rouverand, responsable marketing des Grands Formats chez Hachette Jeunesse,
Anne Clerc, rédactrice en chef de Lecture Jeune, Laurent
Bouvier responsable à l'agence Cinquième de Couve ainsi que la
blogueuse de Lirado.
Enfin, je souhaite remercier toute l'équipe du service
diffusion des Éditions Nathan - Le Robert, dirigé par Max Prieux,
pour sa gentillesse, son soutien et son aide lors de mes recherches.
Table des matières
Introduction 2
I. Le roman pour adolescents : offre éditoriale
ou produit marketing répondant à une demande ? 9
A. Un lectorat difficile à cerner. 9
1. L'adolescent lecteur, de l'enfant à la cible
commerciale. 9
2. Evolutions de la littérature ados. Les collections qui
se démarquent. 14
B. La littérature ados, un véritable
segment et non un caprice éditorial. 18
1. De la prescription au divertissement ou comment
séduire les adolescents. 18
2. Le relooking et Internet, les outils qui rendent le
roman ados « tendance » . 24
C. Le flaire de l'éditeur subordonné par le
marketing ? 30
1. Calculer le potentiel d'un roman ados et le promouvoir. Le
marketing, décideur ou boussole ? 30
2. Le marché du roman ados soumis à une
concurrence accrue. 35
II. Internet, le tremplin du roman pour adolescents.
Quelles limites, quels dangers, quels avantages ? 40
A. Internet, un outil de sociabilité qui change le
rapport des jeunes à la lecture._ 40
1. Les réseaux sociaux : une double promotion très
active. 40
2. Les Blogs et Forums : Quel fonctionnement ? Quelles
prescriptions ? 47
B. Quand les éditeurs et les auteurs se lancent
dans la promotion numérique. 54
1. Tara Duncan: un succès flamboyant. Recette de
ce « produit » marketing. 54
2. Les tentatives cyberpromotionnelles des éditeurs.
60
C. Etude de cas : Bayard et les livres transmedias.
69
III. Adopter le numérique pour séduire les
digitals natives, une obligation future._ 75
A. Librairies et bibliothèques, ce qui change pour
le roman ados. 75
1. Les librairies se numérisent. 75
2. Les bibliothèques, de nouveaux espaces physiques et
numériques. 78
B. Internet devient un baromètre utile aux
éditeurs pour de futures publications. ____ 82
1. Comptabiliser et comprendre le lectorat grâce à
Internet. 82
2. Quand Internet fait intervenir les jeunes dans la
création de contenus. 86
C. Le roman ados et les outils numériques :
Promouvoir et vendre différemment. ____ 89
1. La nouvelle promotion pour les adolescents : quelques
conseils pour devenir leur « ami ». ___ 89
2. Le community management, l'avenir de la promotion du livre et
de l'éditeur. 95
Conclusion 99
Bibliographie 104
Annexes 110
Introduction
La littérature, je l'ai, lentement, voulu
montrer,
c'est l'enfance enfin retrouvée.
Georges
Bataille
Extrait de La littérature et le mal.
La littérature pour adolescents, qu'est-ce donc? Une
littérature << pour >> quelqu'un sous-entend qu'elle a
été pensée et adressée à un lectorat en
particulier et rapproche soudainement la littérature à un produit
industriel fait sur mesure pour combler un besoin, une demande. Ce genre de
littérature, dénoncée par le sociologue Pierre Bourdieu,
s'éloignerait alors du concept de l'art pour l'art et ôterait
à son artiste toute la spontanéité et l'originalité
de son oeuvre. Cette littérature populaire qui remonte aux
romansfeuilletons, écrite pour divertir le peuple français du
XIXe siècle, provoque encore aujourd'hui de nombreuses
polémiques. La littérature jeunesse, bien avant la
littérature pour adolescents, a subi les mêmes attaques.
Créée pour un lectorat spécifique, les enfants, cette
littérature a été conçue dans l'optique de
communiquer avec un destinataire et s'y est donc adaptée. Cette
démarche pourrait paraître évidente aujourd'hui et pourtant
elle gêne encore certains spécialistes qui ne voient en la
littérature jeunesse qu'une création marketing, un segment
arbitraire, dénué de capital littéraire. François
Busnel, Directeur de Rédaction du magazine Lire a
provoqué un tumulte la semaine précédant le lancement du
Salon du livre jeunesse de Montreuil 2011. Voici ce qu'il a
écrit dans sa chronique du magazine L'Express :
<< Je dois l'avouer, je n'ai jamais cru aux vertus
de ce que le monde de l'édition appelle la "littérature
jeunesse". Sans doute est-ce une tare, mais ce "secteur" m'est toujours apparu
comme une invention marketing destinée à écouler une
production souvent mièvre et à soutenir des maisons en mal de
chiffre d'affaires. >>1
La reconnaissance d'un genre, d'une oeuvre, la réception
d'une littérature, la place du
lecteur face à
l'autorité de l'auteur sont aujourd'hui des topos qui ne
surprennent plus. Si
1 L'
Express.fr : Chronique de
François Busnel, le 24.11.2010.
Jean-Paul Sartre défendait la nécessité
d'un lecteur pour qu'il y ait livre et que la littérature ait
été pensée pour un lecteur, d'autres, au contraire,
continueront à penser que la littérature provient de la plume de
l'auteur, sans intention de plaire. Nous n'irons pas plus loin dans ce
débat interminable où chaque camp est défendable mais
resterons concentrés sur le problème de la littérature
<< pour >> adolescents qui, parce qu'il y a cible, sous-entend un
travail marketing direct. Par conséquent, ce << pour >>
pourrait être un moyen de préciser que cette littérature
appartient à la littérature jeunesse et non à la
littérature générale. Ainsi, la littérature pour
adolescents est soumise à la Loi de 1949 visant à protéger
le jeune lectorat de sujets sensibles et non adaptés. Le << pour
>> pourrait aussi bien être un moyen de souligner que l'essence de
cette littérature ne résiderait pas dans le contenu mais bien
dans le destinataire et par conséquent, dans le contenant. Par
contenant, nous entendons ainsi le style de l'auteur, adapté à
l'enfant, et le livre en tant qu'objet, travaillé par l'éditeur
en fonction de son destinataire. Marc Soriano écrit au sujet de la
littérature jeunesse : << Pour
étudier correctement ce domaine, et peut-être
pour le distinguer dans toute son ampleur, iifaut renoncer à
la notion purement littéraire de « genre », et s'accrocher
à un autre type
de réalité : celle des publics
concernés par cette littérature et de la fonction qui, d'une
époque à l'autre, lui est assignée
>>2. Car il est évident qu'un auteur, par un souci de
compréhension ou de morale, n'écrirait pas pour des enfants comme
il le ferait pour des adultes.
L'article 1 et 2 de la Loi du 16 juillet 1949 stipulent ainsi
que << sont assujetties aux prescriptions de la présente loi
toutes les publications périodiques ou non qui, par leur
caractère, leur présentation ou leur objet, apparaissent comme
principalement destinées aux enfants et adolescents. Sont toutefois
exceptées les publications officielles et les publications scolaires
soumises au contrôle du ministre de l'éducation nationale.
>>
De plus, << les publications visées à
l'article 1er ne doivent comporter aucune illustration, aucun récit,
aucune chronique, aucune rubrique, aucune insertion présentant sous un
jour favorable le banditisme, le mensonge, le vol, la paresse, la
lâcheté, la haine, la débauche ou tous actes
qualifiés crimes ou délits ou de nature à
démoraliser l'enfance ou la jeunesse, ou à inspirer ou entretenir
des préjugés ethniques. Elles ne doivent comporter aucune
publicité ou annonce pour des publications de nature à
démoraliser l'enfance ou la jeunesse. >>
2 Lartet - Geffard Josée, Le roman pour ados, une
question d'existence. Ed.du Sorbier, Paris, 2005, p.27.
Par cette loi, l'adolescent est donc bien compris dans
l'enfance. Une question se pose alors. S'il est assez aisé de
définir ce qu'est l'enfance, comment définit-on l'adolescence
?
L'adolescence est une période de la vie dont les
définitions évoluent au fil du temps et varient selon les
groupes. L'adolescence commencerait à la puberté mais quand
finiraitelle ? Lui donner une définition sans tomber dans les
clichés sociétaux serait difficile. Ne sont pas adolescents tous
les fans d'Harry Potter, ne sont pas adolescentes toutes les femmes
fanatiques de vampires et ainsi, ne sont pas adolescents tous les lecteurs de
livres jeunesse. S'il est important de pouvoir protéger la jeunesse, il
devient difficile de poser des frontières à un adolescent qui se
sent infantilisé en se voyant imposer à lui une
littérature jeunesse. Un événement assez récent est
venu modifier et complexifier le rapport entre la littérature et
l'adolescence.
L'arrivée d'Internet dans les foyers français et
sa démocratisation a radicalement changé le mode de vie des
jeunes qui ont vu en cet outil une nouvelle activité pleine de
divertissements et totalement adaptée à leurs besoins. Ils se
seraient donc éloignés de la lecture pour se tourner vers la
« grande Toile ». Celle-ci leur offre un espace moins restreint par
les lois et les étiquettes. Un autre avantage à Internet est
aussi celui de la communauté. L'adolescence est un âge où
l'on se construit, où l'on cherche à partager ses passions avec
ses pairs, à en découvrir de nouvelles, à communiquer
autour de sujets qui leur sont propres et surtout à appartenir à
un groupe autre que familial. Internet devient rapidement un espace
privilégié pour les jeunes. Blogs, forums ou réseaux
sociaux, Internet valorise la création de communautés,
l'échange d'expériences personnelles et la communication
instantanée. Les adolescents peuvent ainsi faire ce dont ils ont
toujours raffolé mais, cette fois, sans sortir de leur chambre. Les
pratiques culturelles des jeunes, comme celles des français en
général, ont été modifiées par
l'arrivée d'Internet. L'enquête menée par Olivier
Donnat3 souligne bien l'attachement des adolescents au monde du
multimédia. Car n'oublions pas que les téléphones
portables et aujourd'hui les Smartphones sont aussi des vecteurs importants
dans les changements des pratiques culturelles des adolescents.
3 Donnat Olivier, Les pratiques culturelles des
français à l'ère du numérique, Ed. La
Découverte, Paris, 2009.
De toutes ces interrogations découle une
véritable remise en question. Le monde éditorial est en
véritable ébullition de par l'arrivée du livre
numérique et des liseuses. Toutefois, les éditeurs
français ne semblent pas avoir pris conscience du pouvoir d'Internet en
matière de promotion et de prescription de la lecture. Si les
éditeurs se lancent dans de nombreuses campagnes Internet, comprennent
en-t-ils le mécanisme et sont-ils suffisamment conscients des
changements qu'Internet va engendrer dans leur profession même
d'éditeur ? Internet a peut-être éloigné les jeunes
de la lecture de par son aspect convivial et facile d'accès. Pourtant,
il paraît être la solution pour rendre la littérature, pour
adolescents et auprès des adolescents, plus tendance. La majorité
des adolescents voient en la lecture un acte solitaire mais Internet pourrait
la rendre collective, communautaire.
Des signes d'une prise de conscience apparaissent chez de gros
éditeurs de littérature jeunesse comme Hachette qui, dû
à leur préoccupation de rendement budgétaire, ont
rapidement compris qu'Internet serait l'espace parfaitement adapté
à la promotion de la littérature jeunesse. Toutefois, Internet
serait-il approprié à toute la littérature ados ? Il peut
être dangereux d'accentuer le marketing via le numérique alors que
cette littérature cherche une reconnaissance littéraire.
Il y a déjà longtemps que les anglo-saxons ont
saisi l'intérêt de positionner la littérature ados sur
Internet afin de s'imposer comme un segment à part. Par ailleurs,
Internet serait l'opportunité rêvée pour les
éditeurs de comprendre ces lecteurs, considérés comme
très exigeants. Ils ne se sont d'ailleurs pas arrêtés
à cet avantage. Ils y ont vu le moyen d'ouvrir véritablement la
littérature ados aux Young Adults, ces adultes qui ont lu
Harry Potter et Twilight mais qui pourraient encore se sentir
honteux de lire de la littérature jeunesse. Internet serait alors un
moyen de communiquer, de promouvoir, de recruter, de fidéliser, de
divertir et de faire lire...
Ce projet est né de toutes ces interrogations qui
viennent faire s'affronter le monde de la jeunesse à la
littérature générale, l'éditorial au marketing et
le print au numérique. Sans tomber dans une étude sociologique
sur les pratiques de lecture des adolescents, nous tenterons de voir
l'interaction entre le roman ados, les ados, les éditeurs et les
stratégies marketing via le numérique. Ce public jeune, ouvert
aux changements et actif, va permettre aux éditeurs de
littérature jeunesse de prendre plus de liberté. Ils vont ainsi
se lancer dans l'expérience d'un nouveau rapport à la lecture,
ainsi qu'aux lecteurs, en exploitant les deux espaces de prédilection
actuels que sont Internet et les portables. Un moyen pour eux d'être les
éclaireurs d'une nouvelle communication.
Cela nous mène à nous demander dans quelles
mesures les nouvelles technologies, dont principalement Internet, prises comme
armes marketing, ont-elles participé à imposer le roman pour
adolescents sur le marché éditorial ? De même, comment le
roman pour adolescents permet à l'édition de se renouveler
grâce à un lectorat qui s'affirme largement dans le paysage
culturel avec des pratiques innovantes ?
Dans la première partie de cette étude nous
tenterons de voir si le roman pour ados est une offre éditoriale ou un
produit marketing répondant à une demande. Nous dégagerons
les limites entre le marketing opérationnel et le marketing à
penchant éditorial. Tout d'abord, il sera nécessaire de mieux
redéfinir les caractéristiques de ces adolescents qui aujourd'hui
attirent le regard des éditeurs et qui font parler les médias.
Sans en retracer toute l'histoire, il sera question de comprendre quand,
comment et pourquoi les adolescents sont devenus une cible commerciale pour les
industries en générale puis pour l'industrie du livre. Pour cela,
deux nouveaux concepts impliquant l'adolescence seront à expliquer :
celui de « jeunes adultes », ce segment qui pousse le roman ados vers
ses limites et celui de « digitals natives », natifs du
numérique qui vont pousser le monde culturel à s'adapter à
leur mode de vie. Nous étudierons aussi comment la littérature
pour ados a évolué depuis les premières collections des
années 70. De la réédition de titres de littérature
générale aux grands formats ados en passant par les collections
poches, nous montrerons que les éditeurs ont construit cette
littérature en fonction des métamorphoses du lectorat. Cette
partie se veut introductive à la corrélation entre
évolution du genre, évolution du lectorat et évolution
technologique. Je tenterai de prouver qu'il y a, en effet, un impact
très important de l'émergence des digitals natives sur cette
littérature.
Dans un second temps, nous démontrerons que la
littérature ados est un véritable marché et non un caprice
éditorial. Accusé de n'être qu'une invention des
éditeurs pour arrondir leurs fins de mois, le roman ados à de
quoi se défendre. Ainsi, nous retracerons le passage du genre de la
prescription au divertissement et les raisons de son succès tardif. Pour
finir cette partie, Internet, centre des préoccupations actuelles, sera
présenté. Si les campagnes promotionnelles ne doivent pas se
reposer uniquement sur cet outil, elles ne peuvent pourtant pas s'en passer.
À l'aide de chiffres et de témoignages de professionnels du livre
jeunesse, le lien entre littérature ados et Internet se posera comme une
évidence.
Nous conclurons cette première partie en distinguant le
flaire de l'éditeur à celui du marketing. Ainsi, nous observerons
comment la concentration éditoriale, de par un besoin de rentabiliser
ses ventes, va donner du poids au marketing. Nous essayerons de mieux
visualiser le paysage éditoriale jeunesse
français en comparant les différentes stratégies
adoptées selon l'appartenance ou non à des groupes financiers.
Entre raisons économiques et convictions réelles, nous verrons
comment différents éditeurs décident de publier un roman
pour ados.
Dans une seconde partie, nous nous concentrerons sur les
tentatives de lancement sur Internet effectuées, ces dernières
années, par les éditeurs jeunesse français.
Tout d'abord, nous expliquerons le rapport des jeunes avec
Internet. Ici interviendront les termes de réseaux sociaux, forums et
surtout de blogs. Les blogueurs sont des nouveaux acteurs avec qui
l'éditeur doit absolument travailler. Nouveaux prescripteurs, de
véritables communautés de blogueurs littéraires se sont
créées afin de mieux défendre ce marché et de
l'ouvrir à de nouveaux lecteurs. Cette partie montrera combien l'apport
social d'Internet sera à exploiter par les éditeurs jeunesse mais
aussi comment les jeunes entrent en contact avec la culture et même
l'animent seuls sur le Net. Par conséquent, nous aborderons ici une
nouvelle forme de prescription, celle des jeunes entre eux. Nous verrons
comment celle-ci semble devancer la prescription des professionnels du livre et
les conséquences qui en découlent.
Dans un second temps, nous ferons une étude de cas sur
la fameuse série française Tara Duncan, publiée
chez Xo éditions. Cette série est un coup marketing flamboyant
auquel l'auteur participe grandement. Il sera donc intéressant d'en
comprendre les origines, les conséquences mais aussi de poser les
limites à ce produit littéraire. Du côté
des éditeurs, il sera principalement question de la découverte du
marketing viral. En étudiant des sites d'éditeurs français
et anglo-saxons, dédiés à la littérature ados, nous
observerons comment la simple communication cache un jeu de promotion
intense.
Le troisième angle abordé dans cette partie sera
une étude de cas sur les récentes publications des
éditions Bayard Jeunesse, les séries Cathy's Book et
Skeleton Creek. L'étude de ces publications permettra de
souligner l'apport du numérique pour une lecture interactive, pour une
après lecture mais aussi pour un bon référencement, du
livre et de la marque, sur Google. Ici seront posées les limites du
pouvoir d'Internet et nous illustrerons la demande des jeunes lecteurs
concernant la qualité littéraire en complément au
divertissement.
La troisième partie de ce projet sera tournée
vers l'avenir. Une fois l'importance d'un marketing numérique pour la
littérature ados prouvée, nous insisterons sur ce qui reste
à faire, à comprendre et surtout, à anticiper.
Tout d'abord, nous ferons un point sur les
bibliothèques et les librairies qui commencent à accorder une
importance toute particulière à ce segment qu'est la
littérature ados. Il est nécessaire de montrer comment le roman
ados pousse tous les acteurs de la chaîne du livre à revoir leurs
méthodes de travail et à s'intéresser au potentiel du
numérique.
Dans un second temps, nous mettrons en lumière Internet
en tant que baromètre utile aux éditeurs pour de futures
publications. En effet, Internet devient un moyen de comptabiliser et de
comprendre le jeune lectorat. Parmi les fans de pages Facebook, les inscrits
aux forums, les inscrits des blogs et les jeux concours, les éditeurs
peuvent aujourd'hui suivre en temps réel les connexions des
internautes-lecteurs et mieux cerner leurs comportements d'acheteurs. En
complément à cette analyse, nous regarderons comment certains
éditeurs jeunesse britanniques ont décidé d'accorder une
place significative aux avis des internautes-lecteurs en amont des
décisions de publications. En observant le travail de fond que permet
Internet sur le roman ados, nous pourrons entrevoir ce qui va
véritablement changer dans le monde de l'édition, pour le pire et
pour le meilleur.
Pour conclure cette troisième partie, nous finirons
notre étude par un petit point sur les futures évolutions
possibles dans le marketing littéraire numérique. Des conseils de
professionnels du livre seront rassemblés pour mieux se préparer
à l'avenir de l'édition numérique. Pour finir, nous nous
arrêterons sur le métier de l'avenir éditorial, celui de
community management. Entre marketing, service de presse et éditeur, le
community manager est le métier qui permettra aux maisons
d'édition d'évoluer sereinement dans l'ère
numérique.
La révolution numérique est en marche et les
éditeurs doivent en comprendre les enjeux et les stratagèmes qui
leurs permettront de réussir. Face au fort développement du
marketing, les éditeurs devront savoir évoluer en devenant
producteurs de contenus multimédias mais aussi webmarketeur.
I. Le roman pour adolescents : offre éditoriale
ou produit
marketing répondant à une demande ?
A. Un lectorat difficile à cerner.
L'adolescence est un passage qui n'a pas de limite
prédéterminée. Considérer les adolescents comme un
groupe compact et indistinct serait une erreur fatale. Pourtant, les
éditeurs se sont lancés dans une segmentation systématique
en ce qui concerne la littérature jeunesse. Définir si tel ou tel
livre sera << ados >> n'est pas mince affaire mais demande un
travail préalable d'observation très sérieux. Avant de
coller des étiquettes, nous tenterons de comprendre ce qu'est
véritablement l'adolescence ?
1. L'adolescent lecteur, de l'enfant à la cible
commerciale.
Le terme << adolescent >> vient du latin <<
adolescere >>, qui signifie << celui qui est en train de
grandir >>. Pris comme un état de transformation, l'adolescence
reste une notion très incertaine qui devient plus sombre avec le temps.
La définition de l'Encyclopaedia Universalis décrit bien la
difficulté d'une définition : << Enfance et adolescence
peuvent être définies comme étant cette période de
l'existence dans laquelle l'individu croît et se développe
jusqu'au moment où il atteint l'âge de la maturité
>>. La maturité est une chose arbitraire qui ne s'atteint pas
obligatoirement passé les 20 ans, ce qui sous-entend que la fin de
l'adolescence varie selon chaque être.
Au début du XXe siècle, l'adolescence est
synonyme d'ingratitude, d'inadaptation et d'errance. L'adolescent pris dans les
torpeurs de la vie, dans la quête d'une identité apparaît
déjà dans les romans du XIXe siècle comme le fameux Julien
Sorel de Stendhal ou Julien de Rubempré de Balzac. Les choses commencent
à réellement changer en 1975 avec la réforme Haby, mise en
place en septembre 1977, qui instaure le collège unique. Elle unifie les
structures pédagogiques en supprimant l'organisation de la
scolarité en filière. En dix ans, 90% des élèves
poursuivent leur scolarité au collège. Cette massification fait
alors de l'adolescence une classe spécifique.
<< Cette appellation spécifique "d'adolescents",
vexés d'être assimilés aux enfants et se démarquant
par rapport à la culture traditionnelle, finie par désigner ce
que les anglosaxons dénomment teenagers ou plus exactement, la
jeunesse en âge d'école secondaire » écrit Daniel
Delbrassine4.
Le roman pour adolescents est un << objet culturel
» très récent. Pris dans la littérature jeunesse, il
faudra du temps au roman pour adolescents à s'en émanciper mais
c'est en chemin. Depuis les années 80, les éditeurs tentent de
cerner ce conglomérat de jeunes en formation sans pour autant comprendre
réellement leurs caractéristiques. Trop mouvants, dû aux
effets de mode, encore trop passifs dans la société, les
adolescents vont mettre du temps à se révéler aux yeux de
l'industrie du livre. Les industries de la musique, de la mode et de
l'audiovisuel seront prioritaires.
Malgré le succès de quelques collections, il
faudra toutefois attendre la fin d'Harry Potter pour que l'adolescent
devienne un lecteur prisé. Les éditeurs ont compris, grâce
à ce succès phénoménal, que les adolescents lisent
mais qu'ils ont aussi le pouvoir d'influencer les adultes à lire de la
littérature jeunesse. La littérature dite
transgénérationnelle s'est démocratisée
avec Harry Potter. Ainsi, l'adolescent reste un enfant dans le foyer
et au sein du système scolaire mais devient un acteur économique
et culturel pour l'industrie du livre. La littérature dite cross
age qui correspond au roman ados vient du fait que l'adolescence n'est
plus cette période difficile entre l'enfant et l'adulte. Aujourd'hui,
les nouveaux termes de "préadolescence", pour les enfants de 10-12 ans,
et "d'adulescence", pour les plus vieux. Finalement, l'adolescence devient,
comme le dit Tibo Bérard, fondateur de la collection eXprim chez
Sarbacane, << un état d'esprit »5 où tout
est possible, où les règles sont affranchies, où tous les
sujets sont abordés, où la culture jeune se retrouve.
L'adolescent ne veut pas lire des textes infantilisant. Être "jeune"
rejoint la famille, l'absence de liberté et d'autonomie. Ce n'est
sûrement pas ce qu'ils souhaitent trouver dans la littérature
actuelle. La culture adolescente s'est éloignée de la jeunesse
pour se rapprocher des valeurs adultes. On le voit au sein des familles. Les
rapports entre générations ont changé et l'adolescent
revendique toujours plus son autonomie, ses particularités et surtout sa
liberté.
4 Delbrassine Daniel, Le roman pour adolescents aujourd'hui :
écriture, thématique et réception. Ed. CRPD
Académie de Créteil, 2006.
5 Nouvel
Observateur.fr : Faut-il kiffer
la littérature ados ?, Entretien de Tibo Bérard par Jonathan
Reymond, 03.12.2010
« Les jeunes adultes » : Revenons sur ce segment
littéraire qui nous arrive doucement en France via Internet plus
spécialement. Ce lectorat, composé de jeunes entre 17 à 30
ans environ, a été cerné dès les années 70
aux États-Unis. C'est un terme qui plaît car il grandit les plus
jeunes et rajeunit les plus vieux. Un roman jeune adulte peut entrer dans un
genre comme dans un autre mais, surtout, concerne quiconque qui se sent jeune
d'esprit. C'est un moyen très efficace d'élargir son lectorat et
son catalogue. Twilight a permis de confirmer ce qu'Harry Potter
avait fait naître. Une nouvelle littérature est attendue par
ces jeunes lecteurs qui commencent à exprimer leurs attentes aux
éditeurs. Par ailleurs, si le contenu des livres jeunes adultes doit
être différent de ce qui a été fait, la
communication autour du livre même doit évoluer. L'arrivée
d'Internet dans les foyers a considérablement modifié le rapport
des jeunes à la lecture. Nous ne nous baserons pas sur le travail de
Christian Baudelot et Christine Detrez Et pourtant ils
lisent6 qui, même si très bien fait, n'est plus
aujourd'hui d'actualité. Le rapport d'Olivier Donnat, Les pratiques
culturelles des français à l'ère
numérique7, permet de mieux comprendre les
réalités sociales. En effet, en un mois, 90% des 15- 35 ans, ont
passé du temps sur Internet et 60% d'entre eux admettent le faire tous
les jours. Cette fréquentation d'Internet baisse radicalement
passé l'âge de 35 ans. En lien avec la lecture de livres, et non
de quotidiens, les résultats sont en recul dans tous les âges. Les
gros lecteurs de 15 à 25 ans, c'est à dire ceux qui lisent un
livre par mois au moins, sont passés de 20% à 15%. Les petits
lecteurs ont aussi baissé de 10%. Ce constat n'a rien de très
surprenant. Selon Olivier Donnat, d'autres études de pratiques de
lecture montraient déjà la baisse constante de lecteurs, d'une
génération à une autre. Internet n'a fait qu'accentuer le
phénomène. Mais revenons du côté des
éditeurs. Si cette enquête pourrait les faire renoncer à la
littérature ados, il n'en est rien. Internet a des qualités que
la presse spécialisée n'avait pas et peut permettre aux
éditeurs d'aller chercher les ados et de les comprendre. Le marketing
éditorial a un aspect sociologique capital. En effet, les services
marketing de maisons d'édition se sont rendu compte qu'Internet pouvait
ne pas devenir un ennemi du livre mais un allié.
Les adolescents et les jeunes adultes se rendent sur Internet
afin de se divertir mais aussi pour participer à des communautés
très actives. Réseaux sociaux, blogs et forums sont les terrains
de jeux préférés des jeunes. En Europe, 24% du temps libre
des 15-24 ans
6 Baudelot Christian et Detrez Christine, Et
pourtant ils lisent. Ed. Seuil, Paris, mars 1999.
7 Op.cit. Donnat Olivier.
est passé sur Internet contre 10% à la lecture,
sans oublier que 88% des 12-18 ans ont aujourd'hui un téléphone
portable. En 2008, 82% des créateurs de blogs ont entre 11 et 25
ans8. La culture jeune est doublée d'une culture
numérique que les éditeurs vont devoir adopter. Cette culture
numérique rejoint un concept initié par l'américain Mark
Prensky9, celui de << digital natives >>. Mark Prensky
est un enseignant-chercheur qui s'est intéressé au nouveau
rapport qu'ont les adolescents et jeunes adultes d'aujourd'hui envers la
société, la consommation, les marques, les médias etc.
Selon lui, ces jeunes sont natifs du numérique, ce qui n'est pas sans
conséquence sur leur fonctionnement. Leurs aînés seraient
par conséquent de simples << digital immigrants >> qui ne
maîtriseraient pas aussi bien les nouvelles techniques de communication
numérique et pour qui elles ne seraient pas systématiques.
Évidemment, de nombreuses réponses sont apparues pour
détruire cette thèse. Ce qui est intéressant pour le monde
éditorial et plus particulièrement pour la littérature
ados - jeunes adultes, reste que les jeunes ne sont plus les mêmes que la
génération passée. S'il y a longtemps de cela, la
télévision a pu apparaître comme un frein à la
lecture, Internet devance désormais ce média. Les nouvelles
technologies introduisent de nouveaux comportements et de nouvelles exigences.
Car oui, les digitals natives sont exigeants envers les marques. Une soif de
prise de parole fait rage dans le monde numérique. Comme nous l'avons vu
avec les chiffres, les blogs et réseaux sociaux permettent aux jeunes
une communication instantanée qui les rapproche. Par conséquent,
Internet devient rapidement le meilleur outil de sociabilité.
Contrairement au livre, qui est une pratique solitaire, Internet offre aux
jeunes une vie sociale constante, même après l'école.
L'envie d'être en groupe, d'appartenir à une bande, de partager
ses coups de coeur, sont des caractéristiques propres à
l'adolescent depuis des décennies. Internet a simplement facilité
tout ça. Ces phénomènes engendrés par Internet
posent de nombreux problèmes aux industries tout autant qu'à
l'industrie du livre. Comment faire accepter ce produit face à toute la
concurrence présente sur le Net ? Comment s'adresser à une cible
dont les pratiques médias et les centres d'intérêt sont si
fragmentés ? Les digitals natives sont de bons consommateurs mais ils
sont difficiles à séduire. En effet, le concept de Mark Prensky
s'est vu prolongé par d'autres chercheurs. L'University College of
London s'est
8 SNE, Conférence Que lisent les adolescents ?
Toulouse, 2007.
9 Prensky Marc, Teaching digital natives, Corwin Press,
2010.
lancé dans des recherches approfondies sur ce qu'ils
appellent la Google Generation10. Leurs conclusions se rapprochent
de celles de Prensky mais sont plus pessimistes. Cette génération
est une génération zapping, une génération qui
passe d'un site à un autre en quelques secondes, qui ne lirait plus les
contenus des sites comme nous le ferions dans un livre. Les jeunes internautes
savent rapidement si oui ou non ils vont rester sur un site et pour cela tout
compte. Le design, l'intitulé, la police, les critères varient
mais la vitesse jamais. Attention, les jeunes ne sont pas sceptiques face
à la consommation, au contraire, Internet est l'outil qui s'adapte au
mieux à leur besoin de consommer rapidement. Consommer ne signifie pas
acheter mais consommer des articles, de la musique gratuite, des vidéos
Youtube etc. Pour que l'acte d'achat se fasse tout se complique. Comme le
souligne très bien l'article du magazine économique
Stratégie, << les adolescents ne sont pas dupes des
discours des annonceurs >>11 . Lionel Steeve, président
de ID 15-24, une agence conseil spécialisée dans les jeunes
explique << qu'il ne faut pas les endormir car ils connaissent les codes
publicitaires >>12. Un autre critère concernant les
jeunes est leur volonté à être considérés
comme être humain et non comme << parts de marché >>
ou pire, simples jeunes. Béatrice Toulon, rédactrice en chef de
Phosphore raconte << qu'il faut qu'on leur parle adulte en
bannissant le paternalisme et le jeunisme tout en restant
respectueux>>13 .
Les industriels vont devoir retravailler leurs sites Internet
et changer leurs techniques de ventes. Car si les digitals natives sont de bons
consommateurs, ils ne sont pas faciles à convaincre. Nous verrons dans
la dernière partie de cette étude les conseils que proposent
certains professionnels afin de rendre le marketing online efficace.
Nous comprenons donc que les éditeurs ont, en face
d'eux, un véritable potentiel d'acheteur-lecteur. Toutefois, obtenir
leur confiance demandera beaucoup de travail et de patience. Il leur faudra
comprendre le comportement des jeunes et pour cela, investir Internet de
manière amicale, de façon sociale. Quelques éditeurs
français se sont déjà lancés dans ce genre
d'entreprises et le succès est parfois surprenant. Il faut bien retenir
que les adolescents ne sont plus des enfants mais de jeunes adultes à la
quête d'une voix et d'une écoute. Anciennement passif,
l'adolescent recherche aujourd'hui l'activité. Certes,
10University College of London. The Google
Generation. Information behaviour of the researcher of the future, 11
janvier 2008.
11
Stratégie.fr :
Génération Zapping, 26 février 1999
12
Ibid.
Stratégie.fr.
13
Ibid.
Stratégie.fr
les adolescents restent versatiles et peuvent en
décourager plus d'un mais l'accueil réservé à un
livre qui les touchent n'est comparable à rien. À ce public
particulier doit être offert une littérature
particulière...
2. Evolutions de la littérature ados. Les collections
qui se démarquent.
Ce n'est qu'à partir des années 70 que le
secteur de l'édition pour adolescents a émergé pour
devenir ce que l'on connaît actuellement. En effet, comme nous l'avons vu
au-dessus, l'adolescent a pris une place plus importante dans la vie sociale et
économique. La scolarisation et le Baby-boom ont produit un lectorat
plus large et plus exigeant. Alors que l'édition jeunesse des
années 50 et 60 jouait la carte de la prudence et de la tradition en
réimprimant en jeunesse des titres de littérature
générale, celle des années 70 se décomplexe. Les
prescripteurs et parents poussent les éditeurs à proposer de
nouveaux thèmes, plus jeunes et plus proches des adolescents.
Plein Vent est la première collection à se
lancer dans l'aventure en 1966. Fondée par André Kedros pour la
maison Robert Laffont et destinée aux jeunes entre 12 et 16 ans, cette
collection propose des romans d'aventure d'un bon niveau littéraire.
Soucieux de la véracité des faits contés dans les livres,
les auteurs s'appuient systématiquement sur les sciences et les
techniques de leur temps. La pression des prescripteurs et les valeurs encore
sévères de l'époque se ressentent bien dans la collection
Plein Vent.
En 1972, les éditions belges Duculot créent la
collection Travelling. Dans un souci de répondre aux besoins
spécifiques des adolescents, Travelling devient rapidement une
collection audacieuse qui ose aborder des sujets comme la sexualité. En
préservant une qualité littéraire digne de la
littérature générale, la collection sort la jeunesse des
histoires édulcorées. En 1973, la collection Les Chemins de
l'amitié, dont les préoccupations sont comparables à
celles de Travelling, est créée par les Editions de
l'amitié - G.T.Rageot. Vient ensuite, en 1974, la collection Grand Angle
de G.P Rouge et Or, toujours dans la même lignée.
À la suite des évolutions socioculturelles des
années 80, les éditeurs en viennent à la création
de collections spécifiquement dédiées aux adolescents.
Deux tendances sont à relever chez les éditeurs. D'un
côté se trouvent les collections soutenues par les prescripteurs
comme Médium de L'Ecole des Loisirs créée en 1982, DoAdo
des éditions
du Rouergue créée en 1998 ou encore Romans des
éditions Thierry Magnier créée aussi en 1998. DoAdo est
une collection qui plaît aux enseignants car elle a su développer
ce que l'on nomme aujourd'hui le roman << miroir >>,
c'est-à-dire qui soulève des problématiques
réalistes pour les adolescents. DoAdo aborde les questions sous un angle
social, voire militant. De l'autre côté, se trouvent des
collections plus divertissantes que pédagogiques mais qui travaillent
toujours dans un souci certain de qualité littéraire comme Page
Blanche de Gallimard Jeunesse, Tribal de Flammarion, créée en
1999, ou encore Fictions des éditions du Seuil. << Auparavant, le
lecteur passait presque directement de la Comtesse de Ségur à
Mauriac ou Camus, qu'il ne comprenait pas forcément >>, raconte
Christine Baker, Directrice Éditoriale de Gallimard Jeunesse, à
Lecture Jeune14.
Les collections, développées durant les
années 80 et 90, sont d'une qualité supérieure à
leurs prédécesseurs. Dans une volonté de
légitimation du roman jeunesse et adolescents, les éditeurs se
sont appuyés soit sur leur réputation auprès de
prescripteurs soit sur leur réputation littéraire et ont
tenté d'échapper à la production de masse. Elles ont
permis à la jeunesse de s'affranchir des classiques et d'introduire des
textes inédits, aux contenus éducatifs et réalistes.
Une forte polarisation au sein du roman ados arrive dès
les années 2000. En effet, certaines collections continuent dans leur
élan comme DoAdo ou Thierry Magnier. De nouvelles collections sont
créées avec des univers plus modernes, soucieuses d'une
qualité littéraire mais ancrées dans le temps comme eXprim
de Sarbacance fondée en 2006. En créant eXprim, Tibo
Bérard voulait une collection << urbaine, musicale inscrite dans
une vraie fiction >>. Il souhaite << déclencher un choc
>>15 à la lecture, bousculer les habitudes. D'autres
éditeurs entrent dans la course à la jeunesse avec des formules
plus mass market. Pocket Jeunesse, par exemple, veut faire de la
lecture plaisir, sortir de la prescription des enseignants et propose ainsi des
textes très différents des collections passées. Albin
Michel lance Wiz en 2002 et Gallimard développe Folio Junior. En 2008,
Hachette Jeunesse crée la collection << Black Moon >>
à l'occasion de la série phénomène
Twilight. Les éditions Harlequin s'y mettent aussi avec la
collection Darkiss ou encore Castelmore chez Bragelonne. Gallimard et
Flammarion restent cependant très au milieu de ces deux camps. Ces
collections, développées chez de grands éditeurs, ont un
penchant immédiat pour ce
14 Lecture Jeune. N°137, Les jeunes adultes
et la littérature, Paris, mars 2011, p.20.
15 Op.cit. Nouvel
Observateur.fr : Faut-il kiffer
la littérature ados ?
que l'on peut appeler « l'imaginaire >>. Depuis,
Harry Potter, un suivisme général s'est effectué
du côté de la littérature fantaisie. Twilight a
développé le genre fantastique et le thriller vient parsemer tout
ça. Il faut déstabiliser les adolescents, les effrayer, les faire
s'échapper de la réalité, contrairement aux autres
collections qui les poussent à mieux vivre dans leur
société.
Malgré la polarisation, le contenu de chaque collection
diffère selon le directeur éditorial. Alors que Gallimard
Jeunesse avoue se fixer des limites « évidentes >>, en
bannissant tout texte prônant le racisme, le militantisme ou la
perversité, d'autres s'en posent moins comme eXprim qui a fait
polémique avec le titre Je reviens de mourir. Cependant, eXprim
n'a pas totalement tort de se permettre de tels contenus puisqu'elle n'est pas
une collection légitimement « jeunesse >>.
Des précisions doivent être faites concernant
certaines collections. Parmi celles nommées précedemment,
quelques collections ont la particularité de ne pas être soumises
à la loi de 1949 sur la littérature jeunesse. Sont ainsi
concernées les collections DoAdo et ses déclinaisons (Noir,
Monde), 15-20, eXprim et eXprim Noir et enfin Territoires des éditions
Fleuve Noir. Ces décisions font de ces collections des collections de
littérature générale et non plus jeunesse. DoAdo est
soutenue par les prescripteurs comme une collection jeunesse, dans un cadre
scolaire réservé aux enfants de moins de 18 ans, et dont les
livres ne sont pas jeunesse. Tout se complique. On comprend que les
éditeurs, en faisant ce choix, se sont libérés des
règles de bienséances appliquées à la
littérature jeunesse. Cela ne signifie pas pour autant que les romans
seront dépourvus de morale. Évidemment, les romans ados restent
une littérature jeune où tout doit être abordé mais
d'une certaine manière. Les choix seront donc arbitraires. Thierry
Magnier critique ouvertement l'hypocrisie de la loi de 1949 : « si nous,
éditeurs, décidons qu'un bouquin et bon pour les adolescents, ce
n'est pas de la provocation. Et puis, un bouquin ne peut pas être
dangereux. On peut l'arrêter quand on veut >>16.
Les romans de jeunesse rencontrent une reconnaissance tardive.
En 1996, cette littérature entre au collège dans le cadre d'une
réforme mise en place par François Bayrou. Le principe de ce
changement est de laisser une grande place à la liberté, au choix
de lecture tout en conseillant la lecture d'ouvrages écrits par des
contemporains. C'est une
16 Lecture Jeune. N°137. p.20.
véritable opportunité pour les éditeurs
qui y voient un moyen de reconnaissance et de gain de capital
littéraire. Toutefois, il faut garder à l'esprit que seuls
quelques éditeurs seront prescrits, les autres ne proposant pas des
contenus assez pédagogiques. Cette loi a renforcé la polarisation
du roman jeunesse et ados. Les stratégies des grands éditeurs
s'opposent à celles des petits, la course aux best-sellers fait de
l'ombre aux livres à budgets plus réduits. Les libraires
mêmes se divisent les productions. Les librairies
spécialisées prennent les petits et les grandes surfaces et les
espaces culturels récupèrent les gros. EXprim reste un
très bon exemple de collection ados qui cherche encore sa
légitimité. Les journalistes lui reprochent souvent l'usage d'un
français courant et familier (utilisation du verlan), dont eXprim est
friand, mais l'accusent aussi d'une séduction calculée pour
vendre aux jeunes. Les éditeurs s'en défendent en
répondant que publier des livres qui leur ressemblent n'est pas
automatiquement du marketing.
Il ne faut pas oublier le rôle crucial des
bibliothèques dans la prescription des ouvrages pour ados. Certains
éditeurs n'ayant pas les moyens de s'imposer face à l'Education
Nationale comptent entièrement sur les réseaux de
bibliothèques. Nous accorderons une attention toute particulière
aux bibliothèques dans notre dernière partie.
Finalement, eXprim, DoAdo et Territoires sont des collections
précurseurs de la littérature Young Adult en France.
Destinées à des grands ados, voire des adultes entre 18 à
30 ans, ces collections soulèvent alors un nouveau débat. La
littérature ados - jeunes adultes a-t-elle aujourd'hui les moyens de
devenir une littérature à part entière ou sera-telle
reléguée au statut de littérature populaire ? Comment les
éditeurs doivent-ils se rapprocher de ce lectorat si divers ? Le
marketing aura-t-il le dernier mot ?
En étudiant l'évolution de la littérature
jeunesse à la littérature ados et en réactualisant le
terme « d'adolescent », nous avons pu comprendre que la
littérature ados s'est construite en fonction d'une demande
réelle. Harry Potter a ouvert la voie vers une nouvelle
littérature que les éditeurs sont bien décidés
à défendre et à développer. Dans cette partie, nous
tenterons d'établir les caractéristiques de cette
littérature à l'heure actuelle. Pour cela, nous tiendrons compte
de la volonté des jeunes lecteurs et de leur influence sur les nouvelles
techniques capables de légitimer définitivement ce segment.
Les entretiens effectués auprès des
éditeurs de collections ados et jeunes adultes mènent à en
conclure à l'existence d'un segment de marché. D'ailleurs, ce ne
serait pas les éditeurs mais les auteurs et les lecteurs qui auraient
joué un rôle décisif dans le phénomène.
Toutefois, avec le temps, les éditeurs ont compris qu'il fallait sortir
de l'aspect scolaire, se passer parfois du prescriptif afin de
réellement parler aux jeunes lecteurs.
B. La littérature ados, un véritable
segment et non un caprice éditorial.
Un livre sur cinq acheté en France est
estampillé « jeunesse », alors qu'il y a dix ans,
c'était un livre sur dix. Le chiffre en dit long sur l'explosion d'un
secteur éditorial totalement transformé, à tel point que
les parents ne savent plus quelle lecture conseiller à leurs enfants,
surtout les plus de 10 ans. Ce sont les jeunes qui font et défont le
succès d'un roman parmi des centaines d'autres et par conséquent
les éditeurs vont devoir s'adapter pour les séduire.
1. De la prescription au divertissement ou comment
séduire les adolescents.
Un article du Figaro17 rend compte de
l'effervescence, à la veille de l'ouverture du Salon de Montreuil, des
éditeurs autour des collections ados. L'intérêt de cet
article est qu'il pose la question de quelle lecture offrir aux jeunes qui,
depuis Harry Potter, ont pris goût à la lecture ? Oui,
nous revenons chaque fois sur ce phénomène qui a soulevé
le problème fondamental de la littérature ados jusqu'à
aujourd'hui, l'absence d'une lecture de divertissement. Lire et se divertir
sont deux mots à rapprocher avec précaution dans le monde de
l'édition. Car se divertir en lisant mène souvent à ranger
le livre dans le genre « populaire » ou pire, celui de «
paralittérature ». Rendre la littérature ados divertissante
serait un risque de voir celle-ci reléguée au statut de
littérature mineure et de perdre ainsi le capital symbolique si
longuement attendu et demandé aux prescripteurs. C'est donc à ce
niveau que tout se passerait. La prescription des enseignants serait un soutien
pour les éditeurs mais aussi un frein. Il est clair que depuis
l'avènement d'Harry Potter au statut de « modèle
», économique ou stylistique, les éditeurs veulent faire des
expériences afin de se
17 Figaro.fr : Le Roman ados : un nouveau genre
?, François Bouchon, 27.11.2008.
faire une place dans ce marché. Ils en ont d'ailleurs
la possibilité. Les sorties caisse GfK sont rassurantes : << La
relève est bien là. Les lecteurs d'Harry Potter ne se
sont pas évaporés mais reportés sur de nouveaux titres,
preuve que le goût de la lecture a bel et bien été pris
>>18.
Les éditeurs :
Nous avons vu précédemment que le poids des
prescripteurs dans la littérature ados avait une importance bien
particulière, spécialement depuis l'entrée de la
littérature jeunesse dans l'enseignement secondaire en 1996. Pourtant,
certains éditeurs tentent, tant bien que mal, de préserver cette
prescription tout en supprimant l'aspect académique que les jeunes
n'apprécient pas. Un livre soutenu par les enseignants, les parents ou
les bibliothécaires n'aura pas l'effet voulu sur un jeune qui a, d'ors
et déjà, du mal à lire. Le côté
éducatif des anciennes collections pour adolescents n'est plus à
la mode et renforce les collections ados des grands éditeurs
basées sur la production de masse, grâce au genre du fantastique
principalement.
Shaïne Cassim, éditrice chez Albin Michel, aborde
le sujet sensible de la prescription lors d'une rencontre autour du
thème : Que lisent les adolescents ?19 Selon elle,
trois prescriptions existeraient concernant la littérature ados :
· La première serait la prescription scolaire,
institutionnelle. Ici sont concernés les classiques, << ce qui
doit être lu >>.
· La seconde est la prescription par les libraires, les
points de vente, les bibliothécaires, les documentalistes.
· La dernière concernerait la prescription entre
pairs, << entre adolescents de même tribu >>.
C'est cette dernière prescription qui pose
problème aux éditeurs car elle devient de plus en plus influente
et leur échappe totalement. Le bouche à oreille des jeunes au
cours des récréations fonctionne. L'avis d'un camarade a plus de
chance d'influencer un ado qu'une autorité liée à
l'école. Cette tendance des jeunes à associer littérature
à scolarité est un problème dont on prend conscience dans
le monde du livre. Dernièrement, à la Foire du
18
Ibid. LeFigaro.fr, Le
roman ados, un nouveau genre ?
19 Op.cit. SNE, Conférence Que
lisent les adolescents ? Toulouse, 2007.
livre de Londres, un auteur a raconté sa rencontre avec
des adolescents. Leur avis est clair, la littérature a trop longtemps
été synonyme de devoirs et par conséquent, de contrainte.
Le divertissement qu'aurait pu apporter ces textes de qualité a
été supprimé par le trop plein de prescriptions. L'auteur
en a rapidement conclu qu'il devait écrire pour combler cette attente.
<< Il est très important de s'éloigner de la prescription,
du scolaire >>20 dit-il. << Lire ne doit pas être
uniquement pour les examens>> ajoute-il en riant. Shaïne Cassim
insiste, elle aussi, sur l'importance de << quitter le concept de lecture
légitime prônée par l'école >>21.
Ici, il est question du contenu de la littérature ados mais aussi de la
communication qui est faite autour d'elle. Concernant le contenu, les
éditeurs sont formels, il faut que la littérature soit plus
accessible. Cette littérature est censée être le moyen de
recruter des petits lecteurs, voire des jeunes qui ne lisent pas du tout. Pour
les contenter, il faut éviter les caractéristiques des livres
classiques comme les longues descriptions, la multiplicité des
personnages etc. L'important est de capter rapidement le jeune lecteur et de ne
plus lui laisser une chance de décrocher de l'histoire. Il faut des
rebondissements. Le concept du page turner est omniprésent. Que
l'on soit éditeur chez Thierry Magnier ou chez Pocket Jeunesse, publier
un page turner est un atout considérable pour ce lectorat. Par
ailleurs, le succès d'un livre ne l'exclu pas forcément de
l'école. En Grande-Bretagne, Harry Potter a été
traduit en latin. Il se retrouve alors propulsé dans les
étagères de textes de latin classique destinés à
l'enseignement de la langue. Malgré la bestsellerisation de la
série, celle-ci est devenue un véritable moyen
d'intégration sociale qui peut être exploité dans le cadre
scolaire. Ainsi, la lecture dite << plaisir >> pourrait rendre
à la littérature un formidable service, celle de <<
désenclaver la lecture de l'image d'acte solitaire >>, pour lui
redonner << sa dimension de pratique culturelle >>22.
20 Annexe B : Conférence Foire du Livre de
Londres 2011, Through the looking glass.
21 Op.cit. Conférence SNE Ce que
lisent les adolescents.
22 Op.cit. Le Roman pour adolescents, une
question d'existence, p.54.
Couverture du Tome 1 et 2 d'Harrius Potter
:
Les auteurs :
Les éditeurs expliquent l'origine des collections ados
par le nombre croissant de bons manuscrits en attente de publication. Ces
derniers, n'entrant ni dans les normes appliquées à la
littérature jeunesse ni dans celles de la littérature
générale, se retrouvaient alors sans destinataire sur les
étagères des éditeurs et comme l'a si bien écrit
Laurence Santantonios : << Un livre qui existe quelque part, sans que
personne ne le sache, est un livre mort >>23. Les auteurs
n'avaient pas de lecteurs et les lecteurs n'avaient pas de livres. L'offre
proposée par les auteurs n'arrivait pas à la demande qui pourtant
était bien là. La demande ne s'est pas créée
grâce à Harry Potter, elle s'est juste manifestée.
Ainsi, Sylvie Gracia, Directrice de la collection DoAdo explique que la
création de la collection remonte au jour où Guillaume
Guéraud a proposé son premier roman, Cité
Nique-le-Ciel. Ce texte n'avait pas été écrit pour un
public visé. De là, il lui est apparu évident qu'une
collection devait être faite pour ce genre de lectorat et ce genre de
livres. Il est d'ailleurs courant de voir des collections ados être
créées grâce à l'impulsion d'un bon manuscrit qui
pose problème dans la segmentation. Twilight est un bon exemple
puisqu'il est à l'origine de Black Moon, la fameuse collection Bit Lit
d'Hachette Jeunesse.
De là, nous comprenons pourquoi les éditeurs
grondent lorsqu'on qualifie leur collection d'<< inventions commerciales
>>. Tibo Bérard répond à cette << accusation
>> dans l'entretien pour Le Nouvel Observateur24.
À la fausse question du journaliste : << De la littérature
simplifiée pour une génération qui ne lit plus...
>>, Tibo Bérard répond avec précaution :
23 Santantonios Laurence, Tant qu'il y aura des
livres, in Lardellier Pascal et Merlot Michel, Demain, le livre.
Ed. L'Harmattan, Paris, p.43.
24 Op.cit. Nouvel
Observateur.fr : Faut-il kiffer
la littérature ados ?
<< Pas du tout. Ou plutôt pas seulement >>.
Car pour lui, il faut différencier l' << easy Reading
>>, tels que Twilight et H.Potter, à celle
qu'il publie. Littérature ados ne veut pas dire littérature
populaire. Comme dans la littérature générale, la
littérature ados renferme des textes de qualité et de profondeur
très éclectiques. L'aspect commercial que l'on associe à
cette littérature vient des best-sellers de grands éditeurs. Pour
Tibo Bérard, << ces termes sont très réducteurs
>>. Sylvie Gracia le rejoint en expliquant que la qualité d'un
texte de littérature ados pousse souvent les gens à se demander
pourquoi il n'a pas été publié en littérature
générale. << Comme si la littérature jeunesse
était une littérature << mineure >>, ce contre quoi
nous nous élevons >>25 dit-elle.
Les auteurs ont des réactions différentes face
au problème de segmentation. Si certains disent ne pas se sentir
concernés par ce problème, qui est celui de l'éditeur,
d'autres avouent avoir un lectorat en tête lorsqu'ils écrivent. Ce
dernier cas provoque parfois des réactions péjoratives à
leur encontre. Traiter des thèmes propres à l'adolescence
relancerait le problème de << sous-littérature >>.
Ainsi, dans Le Romans pour ados, une question
d'existence26, quelques entretiens avec des auteurs de romans
ados nous éclairent. Jean-Paul Nozière, par exemple, explique ne
pas voir l'intérêt à imposer des étiquettes
d'âges aux romans. Selon lui, l'adolescent, comme tout autre lecteur,
serait libre de lire ce qui lui semble adapté. << Après
tout, les adolescents ne regardent pas uniquement des films
réservés aux adolescents >>27. Jean-Jacques
Greif, publié chez Médium, décrit la difficulté
qu'il rencontre en abordant des sujets délicats. Une autocensure se fait
naturellement lorsque le livre est destiné aux adolescents. Marie
Desplechin, qui écrit pour la jeunesse et la littérature
générale, explique bien ce qui caractérise la
littérature ados face à la jeunesse ou la générale.
<< La question éthique ne réside pas dans le choix des
thèmes, mais dans l'écriture >>28. Finalement,
pour clore ce point sur la position des auteurs, nous finirons avec cette
phrase de Christian Lehmann : << Je n'écris pas pour des publics
mais pour des lecteurs que je ne connais pas et dont je ne présume rien.
La segmentation de l'édition est une affaire d'éditeur, de
positionnement sur le marché, de classement en rayonnage de
librairie>>29.
25 Op.cit. Le romans pour adolescents,
une question d'existence, p. 62.
26 Ibid.
27 Ibid. p.72.
28 Ibid. p.74.
29 Ibid. p.85.
Affaire d'éditeur, certes, mais c'est aussi une bonne
chose pour les auteurs que la littérature ados s'impose.
Les lecteurs :
Nous avons tenté dans la première partie de ce
projet de lister les caractéristiques des adolescents et des jeunes
adultes d'aujourd'hui. Il semble donc évident que la littérature
ados soit légitime et une conséquence de l'évolution du
lectorat. La culture jeune, dont nous avons parlé, est une culture
très numérique qui consomme les biens culturels avec
rapidité. La littérature ados va ainsi permettre à ces
jeunes de ne plus se priver de lecture mais de la consommer comme ils le font
avec la musique. Elle offre au lecteur la possibilité de lire une
histoire bien ciselée dans un laps de temps raisonnable, ce qui ferait
d'ailleurs son succès auprès des plus vieux, angoissés par
le temps qui fuit. Quant à considérer la littérature qui
leur est proche, qui les divertie, comme << marketing », les jeunes
ne souhaitent pas en entendre parler. La jeune blogueuse de Lirado s'explique
sur ce point. Elle a lancé ce site sur la littérature pour
adolescents en 2004, à 14 ans, et continue à lire de la
littérature ados, ici dirons-nous << jeune adulte », dont
elle se sent plus proche. À la question : << Que pensez-vous des
gens qui considère la littérature ados comme une création
marketing ? », elle répond de manière incisive: << Je
ne vois pas en quoi s'adresser à un public précis est
marketing... Il faut bien des livres qui fassent la transition entre les
premières lectures et les romans pour adultes. Non, pour moi c'est
vraiment stupide et infondé »30. La littérature
ados semble donc une évidence pour certains et surtout pour ses lecteurs
qui ont enfin une littérature avec laquelle s'évader. Même
question à une adulte et professionnelle de la littérature
adolescente, Anne Clerc, Rédactrice en chef de la revue Lecture
Jeune, et l'on obtient une réponse assez éloignée :
<< Nous estimons qu'il y a une différence entre la
littérature générale et la littérature populaire
(dans laquelle nous classons la littérature young adults).
(...) il y a une différence notoire entre une littérature
où le style prime et la littérature young adults qui
préfère l'action, le visuel... »31 Que pensez de
cette réaction ? Que sous-entend ce << nous » ? Un <<
nous » de la consécration littéraire, des hautes
autorités professionnelles ?
La littérature ados et jeunes adultes est
défendue dans le dernier numéro de Lecture Jeune comme
<< un véritable segment »32 à part
entière. Pourtant, recalée au statut de
30 Annexe A, n°4 : Entretien Blogueuse de
Lirado.
31 Annexe A, n°1 : Entretien Anne Clerc.
32Op.cit. Lecture Jeune, Les jeunes
adultes et la littérature, n° 137, Paris, mars 2011, p.18.
« littérature populaire », la littérature
ados a encore du chemin à faire pour devenir autonome et être
acceptée...
2. Le relooking et Internet, les outils qui rendent le
roman ados « tendance » .
Afin de s'imposer, de se construire une image plus
sérieuse et être reconnue, la littérature pour adolescents
et jeunes adultes a dû innover. Les éditeurs ne se sont pas
contentés de faire évoluer les contenus de ces romans mais se
sont aussi lancés dans un relooking total, des maquettes, des formats et
des illustrations et relooking des campagnes grâce à Internet.
La course aux grands formats a commencé il n'y a pas si
longtemps. Auparavant, les romans ados étaient souvent publiés en
poche. La collection Tribal, par exemple, est passée du format poche au
grand format en 1998, à la suite du succès d'Harry
Potter. Car c'est bien Harry Potter qui a prouvé que la
littérature jeunesse pouvait prétendre au même format que
la littérature générale. Ainsi comme le racontent les
éditeurs, avant de se lancer dans la promotion Internet, il a fallu
passer par le relooking des collections.
Gallimard s'est lancé dans les grands formats en 1998,
non pas grâce à H.Potter, mais à l'un de ses
contemporains, Les Royaumes du Nord de Philip Pullman. Ce roman
anglais a été un véritable succès qui a ouvert les
yeux à l'éditrice Christine Baker. C'était alors une
évidence que de faire une collection grand format pour accueillir cet
auteur et cette littérature. « Quand j'ai eu Les Royaumes du
Nord, le premier texte de la série, entre les mains, en 1997, j'ai
eu l'intention immédiate de le sortir en grand format. Pullman proposait
un univers totalement singulier, épique (...) c'était
incroyablement ambitieux »33. Mais le grand format ne va
véritablement s'imposer qu'avec les 24,5 millions d'exemplaires vendus
en France d'Harry Potter. Elizabeth Sebaoun, éditrice des
éditions Bayard, nous explique que « les éditeurs ne
publiaient que du poche, ils craignaient les textes trop épais,
doutaient de la capacité des plus jeunes à lire de « gros
livres ». Ils se trompaient. Les ados préfèrent lire en
grand format, c'est plus confortable et surtout plus valorisant. Ils ont entre
les mains le même objet que les adultes »34. C'est ce
33
Télérama.fr :
Twilight vampirise les foules, avril 2009, Michel Abescat.
34 Ibid.
terme qui a retenu notre attention, << valorisant
». Le grand format devient le symbole du passage de la littérature
jeunesse à un niveau supérieur, plus noble et plus
légitime. Au delà de ça, le grand format est aussi le
moyen de montrer aux adolescents que les romans publiés en collection
ados ne sont pas des livres pour enfants, qu'ils sont proches de ceux des
adultes. Le passage au grand format est aussi un énorme avantage
financier. En effet, les grands formats sont à des prix plus
intéressants et pourvoient un rendement rapide. Vendu entre 12 et 17
euros, ils ont permis aux éditeurs de faire croître leur chiffre
d'affaires et par conséquent, de publier plus. << Le
déplacement des ventes jeunesse sur le grand format, en hausse de 17%,
participe à l'augmentation du chiffre d'affaires »35,
confirme Jean-Claude Dubost, PDG d'Univers Poche. << Notre chiffre
d'affaires devrait être de 24,3 millions d'euros en 2010 en progression
de 9% par rapport à 2009, où il était en hausse de 8% par
rapport à 2008 »36 annonce Monique Defaifve, Directrice
de Casterman Jeunesse. La littérature jeunesse devient le
deuxième segment du marché de l'édition <<
grâce essentiellement aux succès des grands formats et donc, des
romans ados », explique Colette Gagey, présidente du groupe
jeunesse au Syndicat National de l'Édition dans un article de
L'Express37. La décision des éditeurs
à publier en grand format est signe d'une prise en compte du jeune
lectorat. Comme nous l'avons expliqué précédemment, les
ados et jeunes adultes attendaient une littérature qui aurait
été une passerelle entre la jeunesse et la
générale. Ils voulaient être pris au sérieux et
c'est ce que le grand format leur offre. En complément à ce
changement de format, les éditeurs ont aussi compris qu'il fallait faire
évoluer leurs collections et ainsi, les couvertures. Les illustrations,
la police, tout le design de la maquette devaient être
retravaillés afin de plaire aux jeunes lecteurs. Pour cela, certains
éditeurs se sont lancés au hasard dans de nouveaux concepts. Les
illustrations choisies par Tibo Bérard, pour la collection eXprim, sont
souvent des photographies retravaillées, très modernes,
colorées, entre le rêve et la réalité.
35 Ministère de la culture et de la
communication : L'édition Jeunesse. Enquête et Dossier
2009.
36 Ibid.
37 L'
Express.fr : Les ados : Et pourtant
ils lisent I décembre 2006.
Ci-dessous quelques exemples de couvertures de la collection
eXprim :
Dominique Korach, l'ancienne directrice des éditions
Nathan Jeunesse explique, lors d'un entretien avec Livres Hebdo, son
projet de relooking : << Nous allons revoir toute la ligne graphique, le
logo, les maquettes et les formats de nos collections, car les codes visuels
ont changé >>38. Il est intéressant de remarquer
que même un éditeur comme Nathan, qui s'est construit sur la
prescription des enseignants et des parents, se lance aussi dans le relooking
de ses collections jeunesse. Le dernier grand format de Nathan est d'ailleurs
l'aboutissement d'un long travail. Avec Instinct, tout juste sorti en
librairie, Nathan rentre dans la course aux livres ados - jeunes adultes avec
une couverture simple mais obscure qui rappelle les couvertures de polars.
Ci-dessous la couverture du roman Instinct :
|
|
BLAST : nouveau << label >> de
Nathan Jeunesse.
|
On remarque que la couverture ne donne aucune information sur la
maison d'édition, ni sur l'âge ciblé. Ces
caractéristiques sont celles d'un roman de littérature
générale.
38
LivresHebdo.fr : Jeunesse :
L'optimisme de rigueur. Dossier PDF, 19.11.2010, Claude Combet.
Hélène Wadowski explique que Flammarion a aussi
choisi de ne << mettre aucun âge sur les collections ados »
bien qu'une segmentation soit effectuée en interne. Elle insiste
fortement sur le pouvoir d'une bonne couverture. << Les codes sont
beaucoup plus puissants au point qu'il faut faire attention en tant
qu'éditeur. Un mauvais choix de couverture peut condamner un livre. La
couverture, vis-à-vis de ce public devient presque dictatoriale. Nous
passons beaucoup plus de temps sur une couverture destinée aux ados
qu'aux enfants plus jeunes »39. Les éditeurs ont
dû rompre avec leurs codes graphiques traditionnels afin de
séduire les jeunes lecteurs, pour leur montrer que la littérature
peut ne pas être << ringarde ». Le cas d'Harry Potter
en Grande-Bretagne est un très bon exemple pour illustrer l'impact
d'une couverture sur son public. Afin d'ouvrir la série aux lecteurs de
tout âge, les éditeurs d'H.Potter ont
décidé de publier une version jeunesse, plus illustrée, et
une version adulte qui insiste sur le côté sombre du roman.
Ci-contre les deux couvertures proposées pour le dernier
tome de la série :
Version adulte Version jeunesse
Les éditeurs vont encore plus loin en publiant une
nouvelle version du livre en raccord avec le personnage du film. Ceux qui ont
vu les films Harry Potter seront directement attirés par la
couverture et seront peut-être plus tentés de l'acheter.
39 Op.cit. Conférence Que lisent
les adolescents ?
Version film :
Les codes graphiques des couvertures de littérature
ados sont très représentatifs de ce que recherchent les
adolescents. Ni trop vieux ni trop jeunes, les livres doivent être
à leur image. Il faut que l'objet même du livre soit attractif et
c'est avec le grand format et la couverture qu'il le devient.
Toutefois, rencontrer les adolescents pour leur proposer cette
littérature ne se fait pas uniquement grâce au relooking.
Après la conception vient la promotion et c'est là que la
véritable difficulté apparaît. Pour pallier le manque de
visibilité de leurs livres dans les librairies et dans les médias
qui ne reconnaissent pas encore la littérature pour ados, les
éditeurs se sont emparés du support de prédilection des
jeunes pour les promouvoir : Internet.
Internet va devenir un outil de promotion à part
entière. Collection, personnage ou grand format, les gros lancements se
font sous forme de minis-sites ou << sites dédiés >>.
Pour Hedwige Pasquet, Directrice Générale de Gallimard Jeunesse,
Internet est << une évolution des moyens marketing >> qui
permet de jouer sur l'animation numérique et l'animation en librairie.
Elle précise cependant que ces deux animations visent << deux
publics différents >>40. Qui sont ces deux publics ?
Pour Jean-Philippe Thivet, responsable marketing de Casterman, Internet
faciliterait la promotion auprès d'initiés. La communauté
web se créerait donc sur une communauté déjà
existante. Pourtant, même s'il est vrai que des initiés seraient
les premiers à s'inscrire sur le nouveau site-dédié,
certaines maisons d'édition pensent qu'Internet peut toucher tous les
adolescents-internautes. Le bouche à oreille se fait vite sur le Net,
les ados partagent des informations, commentent, envoient à leurs amis,
créent des pages Facebook etc. Nous verrons plus loin le rôle tenu
par les
40
LivresHebdos.fr : Dossier du Salon
du livre Jeunesse de Montreuil, 23.11.2007, Claude Combet.
lecteurs dans la promotion d'un roman ados sur le Net. Ce
qu'il faut comprendre ici c'est bien que les éditeurs ne peuvent plus
faire l'économie d'Internet quand il s'agit de lancer un livre important
à leurs yeux. Les sites-dédiés deviennent des appendices
aux romans. Créer un site demande imagination mais aussi
réactivité. Aujourd'hui, un site doit être constamment
alimenté de nouvelles croustillantes sur les prochaines publications,
sur l'auteur etc. Les internautes-lecteurs, comme nous avons pu l'observer plus
haut, sont très exigeants en matière de codes graphiques mais
aussi de contenus. Afin de capter leur attention et leur donner envie de
revenir sur le site, les éditeurs doivent être encore plus
ingénieux. C'est ici qu'interviennent les jeux-concours et les
partenariats pour gagner des places de cinéma, le prochain volet d'une
série en exclusivité...
Internet est un outil capital dans l'histoire du roman pour
ados. Loin de la prescription scolaire, loin de l'aspect élitiste que
peut donner certaines librairies, Internet a permis à la
littérature ados de trouver son public, un public qui ne lisait pas
toujours beaucoup ou parfois jamais. C'est grâce à ce support que
la littérature ados a continué à faire le buzz
après le ras de marais Harry Potter. Internet a donc
contribué à la légitimation de la littérature ados.
Cet outil a révélé une véritable demande et a
prouvé qu'Harry Potter n'était pas uniquement un coup du
sort. Public spécifique, littérature spécifique et
promotion spécifique.
Toutefois, si Internet, en complémentarité
à un relooking graphique, a aidé la littérature ados
à grandir sur le marché du livre et à s'imposer aux yeux
des professionnels du livre ainsi qu'à ceux des médias, il reste
un outil marketing difficilement abordable pour tous les éditeurs. Si
les sites-dédiés deviennent eux-mêmes un marché
à envergure internationale, les petits et moyens éditeurs ont du
souci à se faire. Entre marketing et marketing de masse, la
littérature ados mérite-elle l'accusation qu'on lui porte, celle
de soumettre la littérature au statut de « produit »
industriel ?
C. Le flaire de l'éditeur subordonné par
le marketing ?
La littérature ados est un segment très large et
divers. Certaines collections s'imposent grâce à des séries
à fort rendements comme Black Moon, d'autres restent en marge de la
production de masse comme eXprim. Pourtant, tous les éditeurs de ce
marché se rejoignent sur un point, celui d'accepter la part de marketing
dans leur développement. Lorsqu'il s'agit de répondre à
une demande spécifique comme celle des adolescents, avec leurs
goûts et leurs moyens de communication, faut-il se passer de marketing
afin d'être reconnue comme littérature? Le marketing peut
être d'une aide précieuse mais quand estce que les éditeurs
tombent-ils dans les griffes du marketing de masse ?
1. Calculer le potentiel d'un roman ados et le promouvoir.
Le marketing,
décideur ou boussole ?
La partie précédente nous a montré que
les éditeurs jeunesse ont compris la nécessité de
resegmenter leurs collections et par conséquent d'apporter des
modifications quant aux choix des formats, des prix, des couvertures et
même des thèmes. Certains diront que ces décisions sont
<< éditoriales », d'autres les qualifieront de <<
marketing ». À l'heure actuelle, les évolutions de l'offre
éditoriale tendent à devenir un parfait équilibre entre
réflexion marketing et éditoriale. Alors qu'il y a quelques temps
de cela, les éditeurs n'y auraient jamais cru, la démarche
marketing, anciennement exclue de la vie littéraire française,
est de plus en plus prise en compte. Dans la majorité des maisons
apparaissent des secteurs ou départements marketing qui viennent souvent
remplacer le secteur autrefois dénommé << promotion ».
C'est le cas, par exemple, de Gallimard Jeunesse. Le marketing s'attache
à mener une réflexion globale sur les différents
éléments du mix-marketing - le produit, le prix, la promotion, la
distribution - en utilisant les outils habituels comme la veille
concurrentielle, les études de marché..., souvent même
avant la création de l'ouvrage. Et c'est là que se fait le
basculement. Ce changement de dénomination témoigne d'une
évolution dans le domaine : auparavant, la promotion se chargeait de
promouvoir un produit fini, aujourd'hui le département marketing
participe en outre à l'élaboration des caractéristiques
physiques de l'ouvrage en menant une réflexion sur le format, le prix
etc. Bien évidemment, ce travail se fait en lien étroit avec les
éditeurs mais on observe qu'un transfert de pouvoir, aussi moindre soit
il, est en route. Dans la majorité des maisons
d'édition jeunesse, l'éditeur reste le «
décideur >> d'une création, « l'accoucheur >> du
livre. Chez Flammarion, les chefs de produits assurent la promotion, la
valorisation du livre et sont écartés de la création du
livre en tant que tel.
L'affinement de la segmentation que nous avons abordé
précédemment est l'une des diverses techniques mise en oeuvre par
les éditeurs jeunesse mais que l'on pourrait qualifier de marketing.
Selon l'enquête menée par le gouvernement sur l'édition
jeunesse41, la segmentation s'est affinée avec
l'entrée des grandes surfaces culturelles comme points de vente
importants du livre. Les vendeurs ne sont pas des libraires et c'est donc aux
clients qu'il revient de se repérer dans les rayons. Pour cela, il faut
que les livres parlent d'eux-mêmes. La Fnac fonctionne désormais
ainsi, le conseil n'est plus que superficiel et il devient difficile de se
repérer face à toute l'offre proposée aux potentiels
acheteurs. Si de nombreux éditeurs segmentaient par niveaux scolaires,
d'autres critères, comme l'âge, sont pris en compte. Pourtant,
définir quel livre appartient à quel âge de la jeunesse est
un choix qui tend parfois vers l'arbitraire. L'avantage de cette segmentation
est celui de mieux cibler le public, de mieux le connaître pour mieux
répondre à ses demandes. Paul Garapon, qui a écrit
L'imaginaire mondialisé de la littérature jeunesse,
explique lors de cette enquête qu'une « telle segmentation est la
marque de la complexité d'un marché où les jeunes, devenus
une catégorie sociale de consommation à part entière, font
l'objet d'un ciblage marketing et éducatif plus fin qu'auparavant
>>42.
Les collections à foison et les séries jeunesse
remontent à 1857 quand Hachette décide de créer la
Bibliothèque Rose, puis, à la suite de la Seconde Guerre
mondiale, la Bibliothèque Verte et la Bibliothèque jeunesse. Si
ces collections ne sont pas à proprement parlé pour adolescents,
elles sont le parfait exemple de décisions marketing
déguisées en décisions éditoriales. Editeur,
Hachette est aussi un homme pratique, un homme d'affaire, qui fait entrer la
littérature française dans une ère industrielle.
L'intérêt de créer des collections était
d'économiser les coûts d'impression, moins chers que titre par
titre. De surcroit, cette stratégie avait aussi un aspect marketing
très fort, celui de promouvoir en un coup des dizaines d'ouvrages
grâce à une maquette harmonisée et visible en rayon.
En ce qui concerne les séries jeunesse, on pense
à Fantômette et au Club des cinq. Toutefois,
c'est Bayard qui va véritablement faire de la série un
phénomène éditorial
41 Op.cit. L'édition
Jeunesse. 2009
42 ESPRIT, L'imaginaire mondialisé de la
littérature jeunesse. Paul Garapon, Paris, mars - avril 2002.
marquant et qui va lancer la mode dans la littérature
jeunesse avec, en 1996, la série Chair de poule. La
série a dépassé les 8,5 millions d'exemplaires en 1998 et
a vu son chiffre d'affaires augmenter de plus de 40%. De là, Bayard
s'est alors lancé dans d'autres séries comme Coeur
Grenadine et Grand Galop, séries destinées aux
jeunes filles. Les autres éditeurs suivent le mouvement comme Gallimard
Jeunesse qui créé la série Animorphs. Laura
Noesser, dans son ouvrage, Le livre pour enfants
(1900-1950)43, écrit que << les éditeurs,
soucieux de trouver de nouveaux marchés, vont rechercher des formules
plus économiques et organiser leur production en collections tout en
conservant le terme de << bibliothèques » qui présente
une connotation culturelle rassurante et en camouflant au besoin les
impératifs de vente derrière des arguments pédagogiques
». Cela était vrai au temps où les prescriptions, parentale
et scolaire, dominaient. Aujourd'hui, la littérature ados a
changé de stratégie marketing afin de se rapprocher de son
lectorat qui a fortement évolué depuis les années 80.
Pascale Ezan, Maître de conférences du Master de Marketing
à l'Université de Droit, sciences économiques et gestion
de Rouen, s'est intéressée au phénomène des
collections et des séries en littérature jeunesse comme outils
marketing des éditeurs. Elle écrit dans un article que <<
la récupération du phénomène de collection par le
monde marchand peut conduire à s'interroger sur la façon dont les
firmes façonnent leurs séries pour répondre aux attentes
des jeunes, à la fois consommateurs et collectionneurs
»44. Car pour Pascale Ezan, les jeunes sont une cible parfaite
pour les entreprises de par leur volonté à posséder tous
les produits d'une marque devenue << phénomène de mode
». << Les enfants se sentent valorisés par le sentiment
d'appartenir à une communauté. Le fait qu'une collection
apparaisse comme phénomène mondial fascine
particulièrement les jeunes »45, explique-t-elle. Les
collections, et maintenant les séries, participent à ce rite de
socialisation que recherchent les adolescents. Une collection est une marque
caractérisée par tous les critères qui définissent
une marque même non culturelle. Par conséquent, elle va subir les
mêmes aléas de la part de ses consommateurs. S'ils sont
très sensibles aux phénomènes de mode, ce qui fait d'eux
une cible facile pour les entreprises, les jeunes sont aussi très
changeants. L'engouement dont font preuve les adolescents, pour une marque ou
une collection, est éphémère. En effet, un
phénomène de mode repose sur le principe qu'il ne va pas durer et
les adolescents se détournent très
43 Noesser Laura, Le livre pour enfants
(1900-1950) in Histoire de l'édition française tome IV. Ed.
Promodis, Paris, 1986.
44 Ezan Pascale, Le phénomène de
collections comme outils marketing à destination des enfants.
Décisions Marketing, n°29, janvier - mars 2003.
45 Ibid.
rapidement de ce qui devient obsolète. Les collections,
très longues à s'installer et à s'imposer sur le
marché du livre, vont pousser les éditeurs à
réfléchir à une autre solution. La saga, ou trilogie, est
une alternative pratique qui rassemble les avantages de la collection tout en
préservant l'aspect éphémère qui lui donne de la
valeur. Qu'elle soit construite en trilogie ou en sept tomes comme Harry
Potter, la saga a une fin que les lecteurs appréhendent. Une fois
la saga finie, l'univers dont le lecteur s'est emparé s'arrêtera
et c'est là que se créée la valeur ajoutée.
Harry Potter a réintroduit le phénomène de saga
que Tolkien avait rendu populaire. Vampire Diaries pour Hachette
(2011), Eragon pour Bayard (2010), Percy Jackson pour Albin
Michel (2010), Hunger Games pour Pocket Jeunesse (2009),
Promises pour Gallimard Jeunesse (2011) ou encore Tara Duncan
pour Seuil Jeunesse (2003) repris par Pocket Jeunesse en 2007 puis par
Flammarion en 2008 puis enfin par Xo Editions en 2008 ; voilà quelques
exemples des sagas lancées ces cinq dernières années.
Chacune de ces sagas rencontre un succès très important pour
l'industrie du livre. Cela prouve bien que les stratégies marketing
appliquées à la littérature ados fonctionnent. Les
éditeurs ont réussi à répondre aux attentes des
jeunes en leur offrant des produits qui leur ressemblent. Cette étude
nous montre donc que les réflexions éditoriales et les
décisions de création dépendent, dans les gros groupes, de
réflexions marketing qui sont aujourd'hui nécessaires pour
survivre parmi toute cette concurrence. Antoinette Rouverand, Directrice
Marketing chez Hachette Jeunesse, explique que cela fait maintenant trois ans
que le marketing intervient en amont de la création du livre. <<
J'ai un droit de regard sur la maquette, ce qui est normal puisque cela fait
parti du packaging que je doit aider à vendre. Mais j'ai aussi droit de
regard sur les thèmes et les contenus des livres. >> Lorsqu'on lui
demande si les éditeurs l'acceptent, elle répond simplement
<< oui, nous travaillons ensemble et pas les uns contre les autres
>>46. Nous assistons donc, chez Hachette Jeunesse, à la
naissance d'un marketing-éditorial et ce n'est sûrement pas la
seule maison à travailler ainsi. Cette égalité s'explique
de par la forte concurrence de ce marché. Il faut développer
constamment de nouvelles stratégies afin de rester dans la course. Les
éditeurs ont donc besoin du marketing pour les aider à mieux
guider leurs recherches et leurs créations. La cible adolescente est
très difficile à séduire avoue Antoinette Rouverand.
<< Les adolescents et jeunes adultes sont faciles à trouver mais
quant à les convaincre de la qualité de nos produits c'est
beaucoup plus compliqué. Ils sont
46 Annexe A, n°3: Entretien avec Antoinette
Rouverand. Directrice Marketing Hachette Jeunesse.
constamment sollicités par les marques et ils sont
<< supers experts >> en matière de nouveautés et
d'Internet... Il est de plus en plus difficile de se faire voir sur ce
marché >>47.
Les grands groupes éditoriaux sont évidemment
ceux qui ont les best-sellers car se sont eux qui ont les moyens d'effectuer
les études marketing et les campagnes promotionnelles nécessaires
à un rayonnement national visible. La majorité de
l'édition est sortie de la culture pour entrer dans l'ère
industrielle de production en série, dans la production de masse.
Derrière ces groupes, de petits et moyens éditeurs se battent
contre ces techniques commerciales où le marketing est roi. Cependant,
on en vient à se demander s'ils se battent par éthique ou tout
simplement parce qu'ils n'ont pas les moyens de faire de même... Dans son
dernier numéro, Lecture Jeune écrit que les changements
apportés dernièrement aux collections sont le moyen de les rendre
plus visibles aux yeux de nouveaux lecteurs. La littérature ados -
jeunes adultes serait donc << une offre existante marketée
différemment >>48. Thierry Magnier, interviewé
dans cet article, assume, comme beaucoup d'autres, la part de marketing dans
l'objet livre. Il est nécessaire aujourd'hui de faire appel au
marketing. N'oublions pas que la littérature ados souhaite
répondre à une demande exigeante.
Le marketing devient d'autant plus crucial avec
l'arrivée du numérique et le développement de la promotion
sur Internet. Le webmarketing, accompagné du travail de webmasters,
requiert des budgets de plus en plus importants, ce qui exclu d'emblée
les petits éditeurs. Anne Clerc, la Rédactrice en Chef de
Lecture Jeune, insiste sur la discrimination qui se fait avec
Internet. Être visible sur le marché devient très difficile
et demande plus d'argent. << Malheureusement Internet met en avant
quelques livres, des séries, mais ne rend pas compte de la
diversité de la littérature jeunesse. Les communautés
autour du livre sont fortes pour certaines séries à grand
succès mais cela reste limité >>49, dit-elle.
Pour Céline Vial, Directrice Éditoriale de Flammarion Jeunesse,
le marketing sur Internet est une opportunité merveilleuse pour se
renouveler. Toutefois, produire en fonction d'un public est toujours
risqué mais ce qui serait << pire serait d'écrire pour
faire le buzz sur Internet >>50, raconte-elle. Si chez
Flammarion l'éthique est encore du côté de la
47 Ibid. Annexe A, n°3.
48 Op.cit. Lecture Jeune, n°137,
p.23.
49 Op.cit. Annexe A, n°1.
50 Annexe A, n°2. Entretien avec Céline
Vial, Directrice éditorial Flammarion Jeunesse.
tradition littéraire, de la création artistique,
de la commande d'auteur, d'autres éditeurs se dirigent
discrètement vers la commande d'éditeur, vers le romans ados
comme produit purement marketing...
Afin de saisir l'enjeu d'Internet dans la promotion d'une
collection ou d'un roman ados, il nous a semblé capital de mettre en
lumière ce marché à envergure international.
2. Le marché du roman ados soumis à une
concurrence accrue.
Le marché du roman ados peut être
résumé en deux mots : traduction et concurrence.
En effet, la vague de fictions pour adolescents nous arrive
principalement des pays anglosaxons dont les États-Unis et la
Grande-Bretagne. << En 2006, 16,5% des 7 000 nouveautés
étaient des traductions - contre 19,5% en 2005 -, dont 70% de l'anglais
>>51. Par conséquent, les éditeurs
français se voient obligés d'entrer dans la course aux droits
étrangers. Travailler avec les auteurs anglo-saxons signifie travailler
avec des agents littéraires. Ces agents, qui travaillent avec un ou
plusieurs auteurs, ne dépendent pas d'une maison d'édition
spécifique. Leur travail consiste à défendre au mieux les
droits de leurs clients et d'assurer une bonne diffusion de leur oeuvre. Il est
<< l'interface entre auteurs et éditeurs, ou
l'intermédiaire entre éditeurs pour la vente et l'achat de droits
de traduction. Il est rémunéré à la commission
>>, explique Pascale Gendrey en citant Le Motif52.
Ainsi, les négociations entre éditeurs français et agents
littéraires sont difficiles et parfois très longues. Les agents
littéraires sont très exigeants car ils vont s'assurer que, non
seulement, l'auteur soit bien rétribué mais aussi que le roman
ait une promotion soutenue. Ce dernier point est ce qui va réellement
compliquer les choses pour les éditeurs français. Lorsqu'une
négociation concerne un roman à grand potentiel, comme
Twilight ou Hunger Games, les agents littéraires et
les éditeurs étrangers demandent à avoir un aperçu
de la campagne de lancement marketing prévue pour l'ouvrage ou la
série. Cela implique évidemment
51 Livres Hebdo, n°682, 23 mars 2007.
52 Gendrey Pascale, Quelle stratégie
numérique pour les éditeurs de livres ? MBA Marketing &
Commerce sur Internet, sous la direction de Vincent Montet, Institut Leonard de
Vinci, 2010.
beaucoup de temps de travail et d'argent pour des droits que
l'éditeur français n'obtiendra peut-être jamais. Car une
fois qu'un éditeur français commence des négociations, il
se peut qu'un de ses concurrents compatriotes décide d'entrer lui aussi
dans la course à la cession de droits. De là commence ce que l'on
appelle des enchères. Les enchères concernant le monde de
l'édition ne ressemblent pas à celles organisées chez
Drouot. Là, encore une fois, les concurrents vont devoir se battre sur
plusieurs points cruciaux aux yeux du détenteur des droits. «
C'est l'agent qui joue à la fois le rôle de l'expert et du
commissaire priseur, qui demande à l'un, puis à l'autre, et qui
parfois décide de procéder à la best offer:
toutes les parties en lice annoncent alors leur "meilleur prix", et c'est le
meilleur qui gagne définitivement. Les enchères mettent en jeu
une dimension financière essentielle (niveau de l'avance et de droits),
mais il y a aussi toute la mise en scène marketing et promotionnelle qui
joue, "comment on va publier XXX, quel lancement on va offrir à l'auteur
de XXX »53, explique Céline Terouanne, Directrice
Editoriale chez Hachette Jeunesse lors d'un entretien pour le blog Place to
be. Ces enchères sont en quelques sortes des appels d'offres dont
la dimension financière exclue rapidement les petits éditeurs ou
ceux qui se lancent à peine dans le marché. Nathan, par exemple,
vient de créer sa collection ados - adultes, Blast, mais n'a pas encore
eu de best-seller assez conséquent pour convaincre beaucoup
d'éditeurs étrangers. En comparaison avec Michel Lafon ou
Hachette Jeunesse qui ont déjà publié Twilight et
Les Chevaliers d'Emeraude, les autres éditeurs français
doivent redoubler d'efforts. Ces gros éditeurs, bien installés
sur le marché, font grimper les enchères à des prix
parfois inaccessibles. Promettre des ventes entre 50 000 et 100 000 exemplaires
dans la première année n'est pas du ressort de tous, cela peut
prendre beaucoup de temps. La concurrence de ce marché est rude.
Antoinette Rouverand avoue que, contrairement à ce que les autres
éditeurs peuvent penser, même Hachette a parfois du mal à
obtenir des droits.
53 Blog, Place to be : Entretien de Cécile
Térouanne, Directrice Editoriale Hachette Jeunesse.
Dans l'entretien pour Il bouge le livre, blog du journal
Le Monde, Soazig Le Bail, Directrice Editoriale de Thierry Magnier,
s'exprime sur le sujet :
« Pour la traduction anglo-saxonne, c'est très
clair, généralement les auteurs que j'édite sont ceux que
les autres n'ont pas voulu. La traduction est un univers très
concurrentiel, avec des droits, des achats et des enchères. Je ne suis
pas dans le circuit parce que ça se joue à plus de 10 000 euros
d'à-valoir. De toutes manières, les agents ne pensent même
pas à moi. Tant mieux parce que je serais vraiment embêtée.
Enfin, en même temps c'est énervant mais quand vous achetez un
livre très cher, après il faut mettre autant d'argent en
promotion parce que vous ne pouvez pas vous permettre de le perdre.
Il y a des livres qui ont un petit potentiel commercial et
que les agents m'envoient très gentiment parce que je suis une petite
éditrice « avare » et voilà
»54.
Avec l'arrivée d'Internet, l'achat de droits se
complique encore un peu plus. Certains sites sont vendus clef en main
dès l'acquisition des droits de l'ouvrage. Nathan a eu l'occasion
d'expérimenter cela lors de l'achat des droits des
Désastreuses aventures des orphelins Baudelaire. Le site
étranger, en langue anglaise, a été cédé
directement à Nathan, ôtant ainsi un long travail de promotion
numérique. Cette option est un avantage mais toujours coûteux. Une
petite maison d'édition n'aura pas les moyens ou le temps de
gérer un nouveau petit site dédié. Encore une fois, les
grosses maisons d'édition sont privilégiées. Une solution
reste alors aux petites maisons, celle de trouver le livre aux droits peu
coûteux qui deviendra peut-être un véritable
phénomène. Pour cela, ces éditeurs auraient
intérêt à se tourner vers les ouvrages de langues moins
demandées que ceux de langue anglaise. Comme Actes Sud a réussi
à mettre en avant la littérature nordique grâce à sa
collection Actes Noirs et plus particulièrement grâce à la
série Millénium, il se peut que Thierry Magnier ou un
autre ait cette chance.
La concurrence qui réside et fait vivre ce
marché nous mène à se poser une question qui fâche
beaucoup dans le monde de l'édition, française du moins, celle de
la commande d'éditeurs. Comment expliquer la surabondance de romans sur
les vampires, sur les loups-
54 Op.cit. Blog Il bouge le livre, Le Monde,
A propos du roman ados, 17.12.2009, entretien avec Soazig Le Bail.
garous et aujourd'hui sur la Dystopie55 ? La
surproduction que vit ce marché nous ramène à la
réalité commerciale de la production industrielle, de masse, de
série. Ce suivisme à Harry Potter puis Twilight
ne tient pas uniquement des auteurs mais bien des éditeurs qui eux aussi
veulent un best-seller digne de ce nom. Tout le monde s'y met, à sa
manière et il semblerait que tous les coups soient permis, y compris la
commande de titres aux caractéristiques bien précises.
Grâce à la vague Twilight, les éditeurs ont
compris que le fantastique durerait après la fin des aventures du petit
sorcier. Les adolescents sont en demande de plus d'aventures de ce genre et les
éditeurs doivent les contenter afin de ne pas perdre leur attention. Si
l'éditeur joue un rôle de guide pour son auteur en le conseillant
sur son style ou son histoire, il n'est pas traditionnellement question qu'il
réécrive le roman. Dans le même entretien pour le blog
Place to be, Céline Terouanne explique les exigences demandées
à l'auteur et à l'éditeur étranger avant d'acheter
les droits d'un ouvrage :
« Quel est le parcours d'un roman dans cette
collection, de ces débuts jusqu'à l'arrivée chez les
libraires ? Par exemple 16 Lunes, Le Journal d'un Vampire,
Delirium.
Chaque roman a un parcours particulier, et ce serait
raconter autant d'histoires différentes que de parler de chacun. En
avril 2008, le livre 16 Lunes s'appelait, au moment de la foire du
livre de Bologne, Caster Grils. Le texte était très
fort, mais pas "édité", il manquait beaucoup de travail dessus.
Nous avons choisi d'attendre une version plus aboutie, ce qui est toujours
risqué car un autre éditeur pouvait en acquérir les droits
entre temps. En septembre 2008, juste avant la foire du livre de Francfort,
l'agent new-yorkais nous a envoyé une version dite "finale", et nous
avons été conquises. Cela s'intitulait alors 16 Moons.
Mais nous n'étions pas les seuls à aimer, et nous nous sommes
battus aux enchères contre d'autres éditeurs ! Finalement c'est
nous qui avons été choisis, entre autres parce que le fait
de
55 Dystopie : La dystopie est un genre
littéraire s'opposant radicalement à l'utopie. Elle met en avant
une société imaginaire basée sur les craintes humaines qui
peuvent dériver en idéologies et avoir des conséquences
néfastes sur la population. Les dystopies sont des anticipations qui
mettent en exergue des évènements apportant le malheur suite
à un projet politique précis. Les différents thèmes
des dystopies sont intimement liés aux craintes d'une époque
ainsi qu'aux préoccupations personnelles des auteurs, que ceux-ci ont
besoin d'extérioriser. Mouvement qui titre ses origines des classiques
1984 de Georges Orwell ou de Sa majesté des mouches de
William Golding.
publier un titre sous la marque Black Moon était
déjà une garantie de succès »56 .
Le roman 16 Lunes a donc mis du temps à
être publié en France. Un travail de réécriture a
dû être effectué par l'auteur américain avant
qu'Hachette n'accepte quoique ce soit. Ici, 16 Lunes n'est pas une
commande d'éditeur à proprement parler. L'ouvrage a
été soumis à des exigences éditoriales
légitimes. Pourtant, avec un marché composé principalement
de traductions, les éditeurs français ne peuvent pas nous assurer
que les livres dont ils acquièrent les droits sont des commandes
d'auteurs, des perles trouvées à force de longs travaux de veille
et de négociations ardues. Sur ce point, Antoinette Rouverand avoue
qu'elle ne peut pas nous << assurer que l'éditeur américain
ou anglais n'a pas eu ce manuscrit sur commande. Cependant, il y a une
véritable exigence éditoriale et littéraire chez les
éditeurs d'Hachette Jeunesse ». << Nous ne sommes pas
L'Oréal, nous faisons un produit unique et pas en série
»57, continue-t-elle. Oui, Hachette Jeunesse ne fait donc pas
de la commande. Toutefois, ils acceptent des manuscrits qui peuvent avoir
été écrits sur commande. On ne peut donc pas les
blâmer mais peut-être douter de la voie que prend la
littérature jeunesse anglo-saxonne. Certes, elle permet de donner un
nouveau souffle à ce marché mais elle remet en cause toutes les
fondations et les principes de l'édition française qui nous est
chère.
56 Op.cit. Blog Place to be, entretien.
57 Op.cit. Annexe A, n°3.
II. Internet, le tremplin du roman pour adolescents.
Quelles limites, quels dangers, quels avantages ?
A. Internet, un outil de sociabilité qui change
le rapport des jeunes à
la lecture.
1. Les réseaux sociaux : une double promotion
très active.
Une rapide introduction au concept de réseaux sociaux :
<< L'expression « médias sociaux »
recouvre les différentes activités qui intègrent la
technologie, l'interaction sociale (entre individus ou groupes d'individus), et
la création de contenu. Andreas Kaplan et Michael Haenlein
définissent les médias sociaux comme « un groupe
d'applications en ligne qui se fondent sur la philosophie et la technologie du
Web 2.0 et permettent la création et l'échange du contenu
généré par les utilisateurs. »58
Cette définition, donnée par Wikipédia,
résume assez bien l'essence des réseaux sociaux. Ainsi, les
réseaux sociaux ou << médias sociaux » sont
basés sur l'interaction sociale et génèrent de la
création de contenus par les utilisateurs mêmes. Dans cette
partie, nous exclurons les forums et les blogs des réseaux sociaux
traditionnels tels que Facebook ou Twitter car ils ont des
caractéristiques propres qui viennent compléter la mission des
réseaux sociaux.
Toutefois, avant de se lancer dans une analyse poussée
sur le rôle des réseaux sociaux dans la promotion des grands
formats jeunesse, il paraît utile de faire un point sur l'utilisation et
l'impact des réseaux sociaux sur le marketing en général.
De nombreux professionnels tentent de voir clair quant à la bonne
utilisation des réseaux sociaux pour la promotion de leurs produits.
58 Wikipédia : Définition <<
Réseaux Sociaux ».
Acxiom, leader mondial des prestations de service marketing
interactif, a donc décidé de faire un bilan de l'année
201059 sur les réseaux sociaux et leurs utilisateurs.
Facebook est le réseau social le plus attractif. Selon
Acxiom, la France compte 17 millions d'utilisateurs ce qui représente
49% des internautes. Facebook dépasse largement le traditionnel
réseau Copain d'Avant et est particulièrement
fréquenté par les jeunes. 75% des 18-24 ans sont inscrits sur
Facebook et se connectent plusieurs fois par jour.
Pourquoi fréquenter les réseaux sociaux ?
À cela, l'enquête d'Acxiom répond que 87% des inscrits
souhaitent rester en contact avec leur entourage, 42% aiment partager des
liens, des photos et des vidéos et 32% sont présents afin
d'échanger des informations sur leurs centres d'intérêts.
C'est évidemment ce dernier chiffre qui, en tant que marque, nous
intéresse.
« Une démarche proactive des utilisateurs
vis-à-vis des marques60 ». En effet, 2,5 millions
d'internautes sont inscrits sur des pages de marques, soit 15% des internautes
inscrits à au moins un réseau. Parmi ces inscrits, 34% souhaitent
exprimer qu'ils sont fans de la marque.
Ainsi, il existe différents comportements concernant les
internautes et les réseaux sociaux. Acxiom les classent en cinq
catégories :
o Les Networkers : représentent 9 millions
d'internautes. Ce sont des utilisateurs réguliers des réseaux
sociaux qui les utilisent afin de rester en contact avec leur entourage,
partager des informations, des photos et qui n'attendent aucune communication
de la part des marques.
o Les Fans : représentent 3,4 millions
d'internautes. À l'opposé des premiers, les Fans s'inscrivent
sans hésiter aux pages des marques qu'ils apprécient. Ils
attendent de recevoir des offres promotionnelles et exclusives de la part des
marques. Ce sont de véritables consommateurs et n'hésitent pas
à communiquer avec d'autres internautes à propos des marques.
59 Marketing
Professionnel.fr :
Réseaux Sociaux, un vrai potentiel marketing
60 Ibid.
o Les partageurs de sensations : représentent 4
millions d'internautes. Principalement présents dans le but de partager
des vidéos et des photos. Ils n'attendent rien des marques.
o Les Solos : représentent 6,5 millions
d'internautes. Ne sont pas inscrits sur les réseaux sociaux et
pratiquent Internet comme une activité très personnelle.
o Les Internautes Traditionnels : représentent
12 millions d'internautes. Pas encore inscrits sur les réseaux sociaux.
Une grande majorité a atteint l'âge de 60 ans et sont en couple
sans enfant. Utilisation limitée d'Internet.
<< Ces chiffres, qui prouvent bien l'impact des
réseaux sociaux et la démarche active d'une partie de leurs
membres, révèlent le fort potentiel de la publicité sur
ces nouveaux médias, à condition de le travailler à bon
escient >61, en conclu Frédéric Grelier,
responsable du marché européen chez Acxiom. Ainsi, il insiste sur
le fait que l'enjeu actuel n'est plus de choisir un canal de communication pour
toucher le client mais bien << d'identifier ses canaux
préférés et de créer une relation interactive entre
l'annonceur et le consommateur>.
Cette enquête peut facilement être
rapprochée de la promotion littéraire. Comme tout autre produit,
le livre a sa place dans les réseaux sociaux et d'autant plus que c'est
un bien culturel. Nous avons vu que les internautes aiment partager leurs avis
au sujet d'expériences et la lecture est une expérience. Phillip
Nelson, un universitaire américain spécialiste en politique
économique a introduit ce concept << d'expérience >
quant à la valeur d'un produit pour le consommateur.
Complémentaires des blogs, les réseaux sociaux permettent aux
internautes de se regrouper par cercles d'intérêts. Il est
désormais classique pour les éditeurs d'ouvrir une page Facebook
et un compte Twitter. Cela ne l'était pas il y a cinq ans et des
changements sont continuellement apportés afin de servir au mieux les
professionnels. Un article de Livres Hebdos62 du 10 mars 2011, nous
apprend que les << pages > Facebook des éditeurs peuvent
s'actualiser automatiquement. Jusqu'à présent, les utilisateurs
de << pages > disposaient de fonctionnalités limitées
par rapport aux utilisateurs de profils. Car il ne faut pas oublier qu'avant
les << pages >, les professionnels
61 Ibid.
62
Livreshebdos.fr : Les
professionnels vont pouvoir renouveler leurs pages Facebook, 15
février 2011.
se créaient des profils entiers. Les internautes
n'étant pas << amis >>, ils ne pouvaient alors pas <<
liker >> ou << commenter >>. Aujourd'hui, tout est
mis en oeuvre afin de casser l'aspect plus formel des << pages >>
et de faciliter l'échange. Pourtant, il reste difficile de devenir
<< ami >> avec un éditeur de renommé, les places sont
limitées, même sur le Net !
Les réseaux sociaux deviennent rapidement un outil
primordial pour l'éditeur. << Facebook est un avantage certain
pour la promotion d'ouvrage jeunesse. Non seulement, c'est un moyen de
communication sans frais, mais c'est aussi un outil qui cible parfaitement le
public des jeunes adolescents. C'est un moyen de venir << draguer
>> les lecteurs potentiels >>63 explique Mireille
Tyckaert, Directrice Marketing chez Nathan Jeunesse.
Lorsqu'on sait que les conseils fournis par les amis
constituent le premier vecteur de prescription, mieux vaut favoriser les
échanges. Twilight et Harry Potter sont aujourd'hui
des cas d'école. Leurs pages Facebook internationales comptent 12
millions de << like >> pour la saga Twilight et
14 millions pour celle d'Harry Potter. Les internautes se sentent
parfois si impliqués dans le rayonnement d'un livre qu'ils créent
leur propre page Facebook pour alimenter leur communauté. Ainsi, si pour
la littérature générale, la question d'être ou ne
pas être sur les réseaux sociaux peut se poser, elle n'est
néanmoins pas d'actualité pour le secteur jeunesse. Une
étude IFOP64 montre d'ailleurs que 96% des jeunes
français de 18 à 24 ans sont sur les réseaux sociaux dont
99% inscrits sur Facebook. Y être présent n'est donc plus une
option mais une évidence. Une autre enquête, menée cette
fois par Consojunior en 200965, révèle le rôle
sans précédent des jeunes comme vecteur principal de
communication depuis l'ascension du Web 2.0. Qu'elle soit positive ou
négative, la communication faite par les jeunes autour d'un produit va
servir au buzz puisque les réactions des internautes appellent à
d'autres réactions et ainsi de suite. Pour ces jeunes, la
génération Y puis la Z, la dernière, la technologie est
omniprésente. Comme l'explique parfaitement Pascale Ezan, << elle
représente un prolongement naturel de leur personne et comporte une
dimension sociale, culturelle et affective. Certains n'hésitent pas
63 Annexe A, n°5. Entretien Mireille Tyckaert,
Directrice Marketing Nathan Jeunesse.
64 Annexe E, IFOP. Observatoire des Réseaux
Sociaux. Janvier 2010.
65 Consojunior, Quand les digital natives s'informent I
mars 2009.
à parler << d'organe numérique
>>66 pour souligner l'importance des technologies
numériques dans la vie de cette population ! Les 15-25 passent ainsi en
moyenne près de 13 heures par semaine sur Internet >> 67.
La sociabilité qui s'installe sur la Toile et autour du
livre change ainsi le rapport des jeunes aux marques et, par conséquent,
à la lecture. Hélène Sagnet, Directrice de la revue
Lecture Jeune, écrit dans l'édito du numéro sur
les adolescents et la culture numérique, que << le Web favorise l'
<< individualisme expressif >>. Il permet à chacun de nous,
sous réserve de maîtriser un minimum les technologies, de
créer et de produire ses propres contenus, pour les diffuser et les
partager ensuite >>68. Les réseaux sociaux comme outil
à la promotion du livre vont donc replacer le lecteur au centre des
préoccupations. Longuement oubliée par les éditeurs, la
demande, en étant << créative >>, va devenir une
préoccupation primordiale. En effet, Hélène Sagnet
souligne l'avantage de cette interactivité qu'offre Internet mais elle
met aussi en garde contre l'effacement de la frontière entre art,
divertissement et communication. Les réseaux sociaux vont ainsi
permettre de promouvoir un livre avec les informations de l'éditeur mais
aussi par l'animation des internautes. Les lecteurs pourront apporter des
contenus nouveaux comme des vidéos, des photos et des textes. Enfin, ils
permettent de se divertir autour d'un produit. Ce qui devient donc
intéressant avec les réseaux sociaux est bien la réception
de la promotion. Celle-ci s'inscrit dans un processus d'enrichissement
réciproque et d'interactivité. Les frontières entre
consommateurs et artistes, amateurs et professionnels et même lecture et
écriture sont déplacées.
66 Ezan Pascale, Les stratégies de marque sur
la blogosphère adolescente: illustration à travers le cas Hatier,
11th International Congress on Marketing Trends, Paris, 2011, p.4.
67 Op.cit. Consojunior 2009.
68 Lecture Jeune, Culture numérique :
Nouveaux espaces d'expression et de création des adolescents.
N°133, Paris, mars 2010, édito.
Dans ce même numéro de Lecture Jeune,
Nicolas Auray, Maître de Conférences à l'Ecole Normale
Supérieure de Télécommunications écrit ceci :
<< Les ' audiences » se voient ainsi donner la
possibilité d'être plus actives : on passe des ' audiences
spectatorielles » d'autrefois, passives et sérielles, à des
' publics remixeurs », ironiques et transformateurs. À la place
d'un monde marqué par l'échange d'oeuvres publiées et
rattachées à un auteur, s'esquisse un rapprochement entre la
publication et la conversation : la création est plus collective, et,
comme un organisme vivant, évolue en synchronie avec les remarques de
son public, voire fait l'objet de sélections, reprises ou
détournements, qui la font se reproduire ailleurs.
>>69
Les << reprises >> et les <<
détournements >> dont il parle ici concernent plusieurs choses.
Les fanfictions, par exemple, sont des détournements d'une oeuvre, un
<< travestissement >>. Le concept des fanfictions est d'inventer
une suite ou un épisode possible d'un roman que l'on a aimé.
Beaucoup de fanfictions ont donc été faites sur Harry
Potter et Twilight. Des sites entièrement
dédiés à cet exercice sont visités chaque jour par
des milliers de fans qui attendent impatiemment de retrouver l'univers et les
personnages qu'ils affectionnent. Car l'idée n'est pas vraiment de
remplacer l'auteur mais de ne pas accepter la fin d'une histoire. Les
fanfictions offrent une nouvelle vie aux romans et sont de bons exercices
d'écriture. Les réseaux sociaux ont permis aux fanfictions
d'être lancées. Certains éditeurs proposent eux-mêmes
certains énoncés de fanfictions. Il est évident que les
fanfictions permettent aux éditeurs de s'assurer une promotion
prolongée, au cas où certains potentiels lecteurs seraient
passés à côté de leurs romans. Mieux, les
éditeurs peuvent aussi se servir des fanfictions pour comprendre les
attentes des jeunes lecteurs pour de futures publications.
Les autres << détournements >> peuvent
être aussi effectués sous forme de vidéos amateurs.
Beaucoup de fans se sont prêtés au jeu de faire eux-mêmes la
bande-annonce d'un roman même si celui-ci n'était pas
destiné à être adapté en film. Actuellement, une
page Facebook en particulier est en ébullition, celle de la trilogie
dystopique Hunger Games de Suzanne Collins, publiée en France
chez Pocket Jeunesse. Le film du premier tome de la trilogie est en plein
tournage et dans l'attente de sa sortie, les éditeurs et les fans
69 Ibid.
s'emparent de tous les moyens possibles afin de se divertir et
de rester dans l'ambiance Hunger Games. Une vidéo de fan attire
notre attention, la bande-annonce du Tome 1 entièrement
réalisée sur ordinateur grâce au jeu des Sims. Cet exemple
révèle l'implication énorme des fans dans la promotion de
la trilogie. Ils souhaitent autant que les éditeurs qu'elle devienne un
phénomène. Appartenir à la communauté est beaucoup
plus stimulant lorsqu'elle grandit et qu'elle s'anime de jour en jour. Les fans
pourraient presque se sentir responsables du succès d'un roman et c'est
peut-être le cas. Les éditeurs proposent aussi aux fans de faire
des bandes-sons, accompagnées parfois de clips musicaux, adaptées
aux romans et même d'imaginer des « cosplay »,
c'est-à-dire des tenues de personnages. Les éditeurs
américains d'Hunger Games vont d'ailleurs lancer leur propre
réseau social entièrement dédié à la
trilogie !
Les réseaux sociaux ont une fonction beaucoup plus
large que simplement promotionnelle. Les internautes-lecteurs et fans attendent
un véritable échange avec l'éditeur, voire avec l'auteur.
Faire une page Facebook sans l'alimenter constamment ne serait pas utile. Il
faut susciter des réactions, même si celles-ci sont des critiques.
Certains jeunes, bien qu'en contact avec des adultes et des professionnels,
peuvent parfois être très directs et blessants. Pourtant, c'est
bien là que réside tout l'intérêt des réseaux
sociaux, celui de faire avancer les échanges, la
créativité et de générer du flux. Les adolescents
ne sont plus de simples consommateurs, ils sont « consomacteurs ».
En complément aux réseaux sociaux, de nombreux
blogs et forums sont créés. Que ce soit par un fan, un
éditeur ou un auteur, l'objectif reste le même, celui de
créer une communauté autour d'un livre, d'une collection, d'une
littérature ou d'un auteur. Aujourd'hui, les blogs et les forums
fourmillent sur la Toile. Toutefois, certains se distinguent de la masse
grâce à leur véritable valeur ajoutée et leur effet
prescriptif. Ainsi, concernant les romans pour ados, la prescription des
professionnels dérivent peu à peu dans les bras de quelques
jeunes lecteurs qui paraissent plus légitimes de juger de leur
qualité.
2. Les Blogs et Forums : Quel fonctionnement ? Quelles
prescriptions ?
Les adolescents sont les principaux utilisateurs mais aussi
créateurs de blogs. Ces plateformes sociales sont rapidement devenues le
lieu d'exposition privilégié des amitiés et des amours.
Des blogs, moins intimes, sont aussi créés autour de centres
d'intérêts comme la musique, le cinéma et la lecture. En
complément aux blogs, il existe les forums, une autre forme de
sociabilité très appréciée par les adolescents. Ces
forums sont des groupes de discussions qui peuvent aller d'un
intérêt précis comme la science fiction jusqu'au
thème le plus large, voire totalement libre.
· La blogosphère :
Les adolescents, comme nous le savons, sont des êtres en
construction qui recherchent une identité et une
légitimité aux yeux de leurs pairs. Il n'est donc pas surprenant
de constater qu'ils plébiscitent les communautés virtuelles, et
notamment les blogs, car celles-ci leur permettent de s'exprimer presque sans
censure, facilitent les échanges, créent du lien et les rassurent
par l'appartenance à des groupes et des réseaux. << Les
digitals natives, que nous avons défini précédemment, sont
deux fois plus nombreux que l'ensemble des internautes à consulter des
blogs << intimistes » et 40% possèdent un blog »,
écrit Pascale Ezan d'après la source Médiamétrie.
Grâce aux plateformes telles que Skyblog (créée en 2002),
des millions d'amateurs se lancent dans la blogosphère. Skyblog
constitue l'une des plus grandes plateformes de blogs avec, en janvier 2010, 29
millions de blogs, 9 millions de profils et 9 000 nouveaux blogs par jour...
Cette plateforme est facile d'utilisation et permet de commencer dans le Web
avant de s'intéresser à des plateformes plus performantes comme
Overblog. Un article de Lecture Jeune70 nous indique que
sur Skyblog, uniquement, 170 000 articles font référence à
Twilight et que les blogs consacrés à des séries
ou des auteurs sont les plus nombreux.
Ainsi, 35% des créateurs de blogs ont entre 11 et 15
ans et 47% des créateurs restants ont entre 16 et 24 ans. Les chiffres
parlent d'eux-mêmes et il devient alors absolument évident de
s'intéresser à ce domaine lorsqu'on est éditeur ou
marketeur de
70 Op.cit. Lecture Jeune, n°133,
p.25.
littérature jeunesse. Pascale Ezan s'est beaucoup
intéressée au phénomène du blog71. Une
récente étude lui a permis de distinguer quatre profils qui
témoignent de niveaux d'implication différents et de motivations
différentes. Ci-dessous est présenté le tableau de Pascale
Ezan qui représente la typologie du blog pour adolescents :
|
Mise en scène de soi du blogueur
|
Intensité
des interactions suscitée
par le blogueur
|
|
FAIBLE
|
FORTE
|
FAIBLE
|
Fan
|
Journal intime
|
FORTE
|
Participatif
|
Prescription
|
Le premier type est le << blog journal intime >>
où l'adolescent va se confier sur sa vie comme il le ferait dans un
carnet. Celui-ci ne nous intéressera pas vraiment concernant le roman
ados.
Vient le << blog de prescription >> dont
l'objectif est de délivrer des conseils, de partager des coups de coeur
et des astuces. Le créateur du blog << attend une certaine
reconnaissance >> précise P.Ezan ainsi qu'une forte <<
interactivité avec les internautes en adoptant une posture d'influenceur
>>.
Le << blog Fan >>, montre un profil totalement
opposé puisque le créateur s'efface au profit de ses centres
d'intérêts et notamment, de la marque. Sa personnalité est
peu connue car la mission qu'il s'est attribuée est de faire partager sa
passion et obtenir une récompense en tant qu'expert. << Son
ambition : que son blog devienne une référence >>.
71 EZAN Pascale. Les stratégies de marque
sur la blogosphère adolescente: illustration à travers le cas
Hatier, 11th International Congress on Marketing Trends, Paris, 2011.
Enfin, il existe le « blog participatif >> dont le
but est de créer une communauté autour de conversations
virtuelles que le blogueur s'attache à susciter. C'est sur
l'interactivité que sera jugé le créateur car il est tenu
d'animer les conversations même s'il n'apporte pas ou peu de contenu.
Ce paysage de blogs doit motiver les marques à repenser
leurs stratégies et leur moyen de communiquer si celles-ci veulent
réussir à attirer les adolescents. Accessibilité,
interactivité, participation, voire co-création sont les mots
clés de la réussite.
Les sociabilités littéraires des adolescents
fleurissent sur Internet grâce aux blogs et aux forums. Si nous avons vu
qu'il existe quatre types de blogs, concernant la littérature ados nous
n'en retiendrons que deux.
Les « blogs généralistes de lecture
» :
Ils sont créés et fréquentés par
des ados qui cherchent des conseils de lecture venant de leurs pairs. C'est un
espace où le créateur va partager ses goûts
littéraires en donnant une critique, approfondie ou non, positive ou
non, sur un roman. Le blog peut aussi fournir des informations
complémentaires sur l'auteur et les personnages. Les « blogs
généralistes de lecture >> sont entre la catégorie
« blog de prescription >> et « blog Fan >>.
L'interactivité n'est pas toujours présente mais c'est bien le
créateur qui tient les rênes de son blog, de son animation et de
son contenu. Il attend aussi une reconnaissance de la part de ses internautes
mais aussi de la part des éditeurs et des auteurs. Aujourd'hui, quelques
chanceuses sont traitées par les professionnels du livre comme de vraies
prescripteurs et entretiennent des liens d'égal à égal
réjouissants pour l'adolescent.
Elodie Royer a 21 ans et tient le blog Croqueuse 2 livres
depuis 2006. « Autour de moi, j'avais peu d'amis lecteurs de
littérature jeunesse. En surfant sur Internet, j'ai découvert les
blogs en me disant : « Pourquoi pas moi ? >>. J'ai alors
rencontré des gens qui partageaient mes coups de coeur. Au
départ, les critiques étaient courtes, puis je les ai
étoffées. Le blog a quatre ans et il a véritablement
évolué>>72 , confie la jeune blogueuse. Une
autre jeune fille, qui n'a pas révélé son nom, tient un
blog de lecture, Lirado. Âgée de 20 ans, son blog a lui
aussi quatre ans et fonctionne très bien. Pourtant, elle
n'échange que
72 Op.cit. Lecture Jeune, n°133,
p.29.
très peu, voire pas du tout, avec ses internautes. Ils
peuvent, évidemment, laisser des commentaires mais elle avoue ne pas
répondre beaucoup. Cette jeune blogueuse se situe donc plus du
côté des << critiques >> littéraires jeunesse
que de celui d'animatrice de conversation. La valeur ajoutée qu'aborde
Elodie Royer, celui des échanges entre pairs et l'appartenance à
une communauté de lecteurs sensibles, est donc absente de ce blog
pourtant intéressant et sûrement prescripteur. En effet,
Lirado semble être devenu une plateforme relai entre
l'éditeur et le client final, le lecteur. Lors d'un entretien, nous lui
demandons si elle est en contact avec des éditeurs, voici sa
réponse:
<< Oui les éditeurs me contactent.
D'ailleurs, la quasi totalité des livres que je chronique sont des
livres reçus par les éditeurs avec lesquels je suis en contact :
les gros tels que Gallimard, Nathan, Hachette, Pocket comme les plus petits
comme Le Rouergue. A mon avis, les blogs et sites littéraires sont
l'avenir de la critique, c'est beaucoup plus simple pour l'internaute, il peut
avoir accès en quelques clics à une diversité d'articles
critiques sur un même livre. >> 73
Elle ajoute :
<< Je pense que les éditeurs trouvent leur
compte pour leur promotion >>.
Ainsi, les critiques qu'elles publient sur son blog sont
toutes, ou presque, issues des envois d'éditeurs. Il n'y aurait donc
aucune véritable sélection personnelle faite par la blogueuse. On
peut même se demander si les critiques mêmes ne sont pas des
copier-coller d'argumentaires envoyés directement par les
éditeurs afin de faciliter le travail de la jeune fille. Car en lien et
au service de professionnels de l'édition, tels que Gallimard et
Hachette, le blog peut rapidement devenir un travail à temps complet et
un << pot-pourri >> d'informations vides de sens.
La conviction d'avoir aujourd'hui un rôle à jouer
dans la promotion des livres pour ados n'est sans doute pas une illusion mais
un doute persiste quant à la réception de ces services par les
éditeurs. Lors de notre entretien auprès d'Antoinette Rouverand,
celle-ci a tenu à aborder le cas des jeunes blogueurs amateurs avec qui
elle travaille ou du moins travaillait.
73 Op.cit. Annexe A, n°4.
<< Les blogueurs ont un véritable poids de
prescripteur sur le Net et parfois certains prennent la grosse tête... Il
y a des risques à travailler avec les blogueurs. Celui de recevoir une
mauvaise critique est incontrôlable, ils prônent la liberté
d'expression et c'est vrai que l'on ne peut pas les empêcher de dire ce
qu'il pense mais parfois c'est juste de la méchanceté
gratuite.
Je me souviens d'une blogueuse à qui l'on avait
offert une place à l'avantpremière très hype de
Twilight. Elle a eut beaucoup de choses de notre part et elle nous a
descendu sur son site. Je l'ai appelé et je lui ai dit qu'elle pouvait
très bien ne pas aimer mais qu'il y avait toujours une manière de
dire et de faire.
Ils pensent avoir le pouvoir, la
célébrité, alors qu'ils n'ont que 18 ou 20 ans ! Ils
arrivent à être blasés de recevoir des dizaines de livres
gratuits par semaine. Il ne faut pas qu'ils oublient que sans nous, ils n'ont
pas le matériel pour leur blog... Donc nous avons décidé
de réduire le travail avec les blogueurs pour ne garder que les
meilleurs et les plus corrects. » 74
Cette expérience vécue par Antoinette Rouverand
doit alerter les jeunes blogueurs et les éditeurs. Si les blogs veulent
être en lien avec l'édition et les éditeurs en lien avec
les blogueurs, il faudra se montrer professionnel, fiable, courtois et
conscient de l'impact de l'un et de l'autre.
Les blogs qui rencontrent du succès évoluent
parfois vers des sites plus construits et plus professionnels. Elodie Royer et
sept autres jeunes blogueuses livres se sont alliées afin de
créer un véritable magazine littéraire pour adolescents en
ligne. Mag à Lire est une jolie réussite. Ce webzine
littéraire compte aujourd'hui 550 abonnés. << Nous sommes
ravies car il commence à être connu et largement diffusé
», explique Elodie Royer. << Il n'y avait pas de revue
destinées aux ados, traitant de nos lectures, notamment dans les
collections jeunesse », continue-t-elle. << Désormais, nous
sommes contactées par les maisons d'édition jeunesse, qui nous
envoient les ouvrages en service de presse»75, complète
Lucile Favreau.
74 Op.cit. Annexe A, n°3.
75 Op.cit. Lecture Jeune, n°133,
p.30.
Toujours dans les << blogs généralistes de
lecture », il existe Livre 4 ever ou encore Oh Book.
Rédigés en écriture SMS, accompagnés d'anglicisme,
ils mettent en avant la notion de plaisir de lire. Véritable invitation
à la lecture, les blogueuses invitent aussi fortement les internautes
à s'exprimer au sujet des romans qu'ils auraient lus. << Un
nouveau blog parlant de livres. Ici, chacun peut donner son avis sur les romans
et proposer de bons livres. Si vous aimez lire ou si vous êtes en manque
d'idées de lecture, vous êtes au bon endroit =D », voici ce
que l'on peut lire sur le bandeau introductif d'Oh Book. Ces blogs
constituent un réseau social, une communauté que l'on rejoint en
devenant << ami ». En terme de contenus, ils tiennent des discours
sincères et spontanés, loin de l'analyse littéraire que
les adolescents pourraient trouver formels. Ici, l'expression personnelle de la
blogueuse et l'individualisation du jugement esthétique de chaque
contributeur sont mis à l'honneur. En parcourant les blogs, nous
ressentons une véritable ouverture d'esprit et de tolérance. Ces
blogs littéraires, étant généralistes, ne se
contentent pas d'aborder la production de littérature estampillée
jeunesse ou adolescente. Au contraire, beaucoup de classiques ou de
best-sellers de littérature générale sont cités
comme Hugo et Zola ou Musso et Lévy. Il y en a vraiment pour tous les
goûts et des sondages sont régulièrement organisés
afin de recueillir des informations de la par des lecteurs. Sur Livre 4
ever, par exemple, un sondage est paru dernièrement : << Vous
avez un livre favori ? Ou existe-t-il un livre qui vous a vraiment
déçu ? N'hésitez pas une seconde et exprimez-vous ».
1 048 personnes se sont prêtées à l'exercice soit 105 pages
de commentaires.
Les blogs dédiés (à un auteur, une
série ou une littérature) :
Alors que les blogs << généralistes »
sont dans le partage et la diversité, les blogs dédiés
sont réalisés par des fans ayant un unique objet de passion.
Comme nous l'avons vu avec les fanfictions, ces blogs dédiés sont
une prolongation de leur lecture, une continuité auprès des
personnages auxquels ils sont attachés. C'est d'ailleurs sur ces blogs
ou sites que l'on trouve les fanfictions ainsi que de nombreuses autres
créations telles que des fanart ou fan art.
<< Le fanart désigne en anglais toute oeuvre
réalisée par un fan et s'inspirant ou reproduisant un ou
plusieurs personnages, une scène ou l'univers d'une oeuvre existante,
qu'elle soit littéraire, picturale ou audiovisuelle. Ce terme ne se
limite pas qu'aux dessins comme beaucoup peuvent le croire mais bien à
tout types et tout supports.
Classiquement, le fanart peut n'être
qu'inspiré de la description de l'auteur original du livre ou de l'image
de l'acteur ou du personnage du film ou de l'animation
considérée. Un exemple est celui du livre et du film Harry
Potter, dont les fanarts ne ressemblent pas forcément aux acteurs
mais reprennent les traits caractéristiques des personnages : lunettes
et cicatrices pour Harry Potter, cheveux blonds et traits aristocratiques pour
Drago Malefoy. Le prérequis d'un fanart est avant tout d'être
reconnaissable.>> 76
C'est ainsi que Wikipédia définit ce concept ancien
mais très accentué grâce à Internet.
· Les Forums :
Ado.fr :
Le site
ado.fr n'est pas uniquement
dédié à la littérature mais contient des rubriques
très diverses allant de la musique au cinéma, en passant par le
sport et l'actualité croustillante des people. On y trouve
même une rubrique « santé >> car le site appartient
à Doctissimo. Au milieu de toutes ces informations, on tombe finalement
sur la rubrique « Livre-BD >>. Ce qui surprend dès le premier
coup d'oeil à cette page est le Top des lectures. Alors qu'on penserait
trouver des titres comme Harry Potter, Hunger Games ou
Promise, on se retrouve face à un listing inattendu de
classiques comme Le Rouge et le Noir, L'Etranger,
Hamlet etc. Seul Cathy's Ring, le dernier tome de la trilogie
Bayard, appartient à la littérature jeunesse. Mais où sont
passés tous les titres que les éditeurs conçoivent
à destination des adolescents ? Lorsque nous basculons sur le Forum
« Vous lisez quoi en ce moment ? >> qui compte plus de 76 000
lectures, nous sommes encore une fois surpris de rencontrer sur notre chemin
Nietzsche, Poe, Musset, Lévy ou Nothomb. Les romans classiques et jeunes
adultes sont dominants et il faut descendre loin dans l'historique de la
discussion pour rencontrer Twilight et Everworld. Nous sommes
surpris de trouver les classiques quand il s'agit de plaisir et non pas de
prescription. Certes, c'est une très bonne nouvelle de voir autant
d'adolescents lire de grands textes de la littérature mais c'est une
déception pour les éditeurs jeunesse qui tentent par tous les
moyens de faire vivre la littérature ados.
76 Wikipédia : Définition de «
Fanart >>.
Les forums dédiés semblent être les plus
intéressants. On y trouve des débats animés et des
analyses poussées autour des hypothèses de réception de
l'oeuvre, de la psychologie des personnages. Un véritable attachement
à la figure de l'auteur est prégnant. Ces forums créent
des liens très forts puisque les internautes partagent un imaginaire
commun. En guise d'exemple, le forum The Meadow, dédié à
Twilight, est une réussite.
Les blogs, les forums et les sites de fans sont
désormais considérés comme prescripteurs. Certains
éditeurs investissent des forums afin de mieux comprendre les
adolescents, leurs goûts, leurs préoccupations etc. Il est
désormais certain que les jeunes, avec les moyens que proposent
Internet, préfèrent s'adresser à leurs pairs plutôt
que de croire les arguments de vente des éditeurs. Pourtant, certains
éditeurs et auteurs, plus en avance que d'autres, se sont lancés
dans une nouvelle cyberpromotion qui mise entièrement sur la
proximité avec les ados-internautes.
B. Quand les éditeurs et les auteurs se lancent
dans la promotion
numérique.
C'est sous les conseils de Céline Vial que nous allons
maintenant nous concentrer sur la série Tara Duncan, le
véritable produit marketing du moment chez les jeunes. Selon elle, ceci
serait « l'exemple même du target marketing, d'Internet au
service d'une marque » 77. Ici la marque se
révèlera être l'auteur et non le roman.
1. Tara Duncan: un succès flamboyant. Recette de ce
« produit » marketing.
Tara Duncan n'est pas simplement une longue
série fantastique, c'est aussi un auteur qui tisse des liens très
forts avec ses lecteurs grâce à son site officiel et son blog. Si
Tara Duncan a été pensé et écrit bien
avant que le succès ne frappe à sa porte, les stratégies
marketing ne manquent pas pour favoriser son ascension. Elles ne sont pas
intervenues dans l'écriture de la série mais bien dans sa
promotion. Il a fallu attendre la vague Harry Potter pour que Sophie
Audoin-Mamikonian ne soit publiée. Son monde
77 Op.cit. Annexe A, n°2.
correspond en effet au phénomène de fiction
jeunesse du moment. Lutins, elfes, fées, vampires, trolls, gobelins,
licornes, toutes les créatures qui font rêver les jeunes sont dans
Tara Duncan. Il y avait donc de grandes chances pour que cette
série fasse fureur. Cependant, ce succès vient aussi d'une
stratégie ingénieuse développée par l'auteur
grâce à Internet. Sophie Audoin a rapidement compris combien
Internet pouvait jouer en sa faveur et lui permettre de créer un
véritable buzz autour de Tara. Il fallait que son monde, adoré
des jeunes, existe en dehors des livres, qu'il ait une prolongation. Il fallait
aussi que l'auteur fidélise les lecteurs et quoi de mieux pour cela que
de devenir << amis ». D'après Livres Hebdo, c'est l'auteur et
non l'éditeur qui serait à l'origine de la communauté web
autour de Tara Duncan. Lorsqu'elle demande à son éditeur
de mettre l'adresse du site sur la 4ème de couverture de ses
livres, celui-ci l'a regardée << comme une extraterrestre »,
ditelle.
Le site officiel Tara Duncan78
:
La première chose que l'on remarque sur ce site est la
volonté de l'auteur à se positionner comme égale à
ses lecteurs. Ainsi, le site semble avoir été créé
par un adolescent. Couleurs, illustrations mangas, petites étoiles, le
site est accueillant pour un ado, il ne se pose pas comme une autorité
mais invite à entrer dans ses méandres. Le vocabulaire
utilisé par l'auteur est aussi signe de cette volonté à se
rapprocher des adolescents.
Ainsi, voici comment se fait l'annonce d'une nouvelle concernant
son nouveau roman :
<< INVITATION VIP dans mon complot diabolique pour
transformer les Taraddicts en Indianaddicts, voici l'invitation à
télécharger pour la Grrrrannnnde dédicace Indiana Teller,
ma nouvelle série qui sort le 10 mars et que nous fêterons tous
ensemble ».
Cette technique d'écriture s'accorde à ce que
nous avons observé des pratiques culturelles
des jeunes. Si
ceux-là s'intéressent à la littérature, ils ne
veulent plus sentir une autorité
d'adulte ou de marque. Ils
recherchent un espace où ils seraient traités comme égaux
mais
78 http://www.taraduncan.com/
aussi où ils se sentiraient comme appartenant à
un groupe. Le site Tara Duncan offre aux jeunes lecteurs un contact
facile. Le vocabulaire et le style de l'auteur est très adolescent. Elle
se permet d'ailleurs des fautes d'orthographe et une écriture SMS. Le
monde adolescent est mis à l'honneur, on les invite à s'exprimer
comme ils l'entendent, sans peur de faire une faute. La
spontanéité est dominante dans ce site ludique. La phrase de
bienvenue illustre la mission du site et la stratégie employée
:
« Bienvenue dans le monde délirant de Tara
Duncan ! Ce site a été magiquement, virtuellement et pixelement
créé pour toi. Visite toutes les rubriques pour tout savoir sur
Tara et sur Sophie Audouin-Mamikonian ! Enfin...presque tout ! ».
Le site a donc bien été créé pour
« toi » et non pas pour « vous ». Ici, l'auteur insiste sur
le lien unique entre elle et son lecteur. Par conséquent, le
lecteur-internaute se sentira directement impliqué, personnellement
touché par ce message. Le fait de ne pas considérer les lecteurs
comme une masse mais comme des individus à part entière fait
partie du target marketing dont nous parlions
précédemment. La cible n'est pas les adolescents mais chaque
adolescent et c'est ce que souhaite tout lecteur : se croire l'unique
destinataire du roman. Au commencement, elle instaure un lien direct avec ses
lecteurs en répondant à tous les messages. Cette pratique fait le
tour des cours d'école et des forums, un auteur répond aux
e-mails, une vraie nouveauté dans le monde du livre. Sophie Audoin ne
fait pas semblant, elle ne délègue pas ce travail à
d'autres, jusqu'à ce que le succès devienne trop grand. La
communauté grandissant de jour en jour, les fans se vexent de ne pas
avoir de réponses. En effet, l'auteur ne peut plus assurer de
réponse aux centaines de mails qu'elle reçoit tous les jours.
Cependant, si elle explique ne plus pouvoir répondre, elle
précise bien qu'elle lira tous les messages. Sur ce point, nous ne
saurons jamais si elle le fait véritablement mais cette attention touche
néanmoins les lecteurs.
Le site officiel de Tara Duncan est très bien
construit et ne laisse aucune information échapper à ses
lecteurs. Il est donc organisé autour de douze rubriques ; les news, le
lexique, le film et la série, l'auteur, les concours, les fonds
d'écrans et jeux, les vidéos, le canard ensorcelé (la
presse), secrets d'écritures et réponses sur Autremonde
(questions fréquentes), page en anglais, Email magique (écrire
à l'auteur), le jeu.
Pour que la communauté continue à vivre, SAM a
compris qu'il fallait l'alimenter. La rubrique News est actualisée tous
les jours, que cela soit pour rendre compte d'une dédicace, de
l'avancée d'un livre, de la parution de la série à
l'étranger ou des résultats d'un jeu. L'actualité n'est
jamais traitée froidement, l'auteur emploie la première personne
du singulier et place toujours une phrase ou deux de dialogue comme par exemple
:
« Ensuite, je vous annonce que nous avons
décalé la sortie de la Comédie Musicale à 2012.
Impossible, avec mon planning trop chargé, d'y arriver en moins de 11
mois. Maintenant que nous avons plus de temps devant nous, ce sera plus facile.
Que votre Magie illumine les taraddicts ! ».
Langage courant, absence de construction syntaxique, nous ne
sommes plus dans l'univers de la littérature mais dans la conversation.
Cet échange est d'ailleurs fortement souligné par l'auteur qui ne
cesse de remercier ses fans. Là encore, SAM a touché juste. Bien
qu'elle parle d'elle très souvent, voire parfois plus que de son livre,
l'auteur n'oublie jamais d'impliquer ses lecteurs dans sa réussite.
C'est là tout le principe d'une communauté tenue par l'auteur ou
l'éditeur. Le lecteur doit être au centre de la conversation, le
destinataire mais aussi l'interlocuteur. Il n'est pas simple lecteur passif
mais acteur. SAM a bien ciblé son lectorat et avec le temps, elle se
permet même des « Je vous aime ». L'autorité de l'auteur
est entièrement anéantie pour une amitié virtuelle
étrange mais qui semble très sincère.
La rubrique Lexique est aussi un critère fondamental
pour la communauté. Le fait de mettre en ligne un dictionnaire, voire
une encyclopédie, sur le monde de T.Duncan rend l'univers
presque réaliste. Gallimard Jeunesse avait déjà fait un
lexique de ce genre pour le monde d'Harry Potter. Le Glossaire des
Sorciers offre toutes les définitions utiles pour comprendre les
aventures d'H.Potter. Les moldus, le quai 9.3/4, les gobelins, le
basilic, fleurck et autres sont expliqués sur le site
dédié de l'éditeur. SAM reste cependant concentrée
sur la faune et la flore de la planète Autremonde. Ainsi, elle donne de
la consistance au monde que les fans aiment tant.
Les autres rubriques sont davantage des animations que des
informations sur les livres. Les internautes peuvent ainsi avoir accès
à la bande-annonce du dessin animé ou la vidéo d'une
dédicace, ils peuvent avoir des renseignements sur les jeux-concours
etc.
Encore une fois, rappelons que le site doit fournir autre
chose que de simples informations sur la série. Maintenant que le
dernier tome de Tara Duncan est sorti en librairie, l'auteur doit
faire de son site une invitation à la lecture pour ceux qui n'auraient
pas encore succombé. Elle en profite aussi pour promouvoir à ses
fans la sortie de son nouveau roman, Indiana Teller qui sera le
premier d'une autre série.
Le Blog de Sophie Audoin79,
auteur de Tara Duncan:
Le blog n'est pas dédié à Tara
Duncan mais bien à SAM. Alors que le site de Tara Duncan
avançait déjà des signes d'une mise en avant de l'auteur,
le blog confirme le besoin de faire de SAM une véritable marque. Comme
Guillaume Musso, Marc Lévy ou encore Catherine Pancol, SAM mise sur son
image pour exister. Il semble même que la littérature passe
après elle. Véritable journal intime, ce blog dévoile
à qui veut le lire, le quotidien de l'auteur, de l'écriture d'un
chapitre à un réveil auprès de son mari. Elle y raconte
ses joies, ses peurs, ses doutes, ses mésaventures en préservant
le style rencontré sur le site officiel, c'est à dire courant,
voire familier. Onomatopées, exclamations, pléonasmes, fautes
d'orthographe, tous les critères sont bons pour qu'un adolescent se
sente proche de cette femme qui, comme lui, n'est pas parfaite. C'est donc
clair, SAM ne se pose pas comme modèle mais on se demande tout de
même si elle se pose vraiment comme égale... La tendance un peu
mégalomane de l'auteur avec ses « moi je » continus
dévoile une stratégie purement marketing. Pour parler couramment,
le message derrière toute cette mise en scène est : « aimez
moi, je suis cool et mes livres aussi ». On se retrouve face à une
femme quarantenaire qui dévoile sa vie comme une adolescente, sans peur
d'être jugée par les médias ou ses pairs car elle sait
pertinemment que ses jeunes lecteurs vont aimer suivre sa vie
romancée.
79
http://www.taraduncan.com/blog/
Un exemple suffit à illustrer cette pensée, voici
donc ce que l'on pouvait lire dernièrement sur le blog :
« Oulà, plus de 3000 coms juste pendant le week
end, vous allez vite les taraddicts ! Alors ce petit post pour que vos ordis ne
buguent pas trop !
J'étais morte de rire ce matin, mon mari m'apporte
mon petit déjeuner au lit et me dit « heureusement que tu n'as pas
épousé DSK ». Moi pas bien réveillée,
émergeant tout juste d'un rêve super bizarre ou je voyais des
ailes blanc et rouge (adjectifs qui ne s'accordent pas lorsqu'il y a « et
» entre les deux, je sais, c'est bizarre mais c'est comme ça)
sortir de mon dos
- Euuh, certes, mais pour quoi DSK ? Lui : Parce qu'on l'a
arrété ce matin !Moi super réveillée d'un seul coup
- Quoi ?
Bref, qu'il soit coupable de ce dont on l'accuse ou pas,
j'avoue que j'ai tout de même été super surprise que le
directeur du FMI soit, de nouveau, prit dans un scandale sexuel. Le premier
avec son adjointe bulgare et maintenant avec la femme de chambre de son
hôtel. Cela ne donne pas une très bonne image de la France,
décidément !
Dites ils ont quoi les gens le dimanche ? La semaine
dernière Ben Laden, ce
dimanche DSK, je croyais que c'était censé
être le jour de repos dominical !
HACA fans de Tara ! ».
Si, à premier abord, on croit trouver des similitudes
entre les deux auteurs et mères de famille, J.K Rowling et SAM, il
devient rapidement évident qu'elles sont très différentes
et en particulier envers leur public. J.K Rowling avait décidé de
rester en retrait face au succès monstre d'Harry Potter, la
série se suffisant à elle-même. Le site dédié
est animé par l'éditeur et préserve une distance avec les
lecteurs tout en étant ludique et accueillant. SAM, au contraire, fait
dans l'extravagance, dans la mise en scène de soi. C'est une autre
stratégie, tout à fait légitime, qu'a choisie l'auteur de
Tara Duncan. Toutefois, restons conscients qu'il y a tout de
même du marketing derrière tous ces messages d'amour.
La technique mise en oeuvre par SAM est une réussite.
Elle a su prouver qu'un lien très fort peut être établi
avec ses lecteurs et qu'ils en sont reconnaissants. Ils le montrent en
nourrissant activement la promotion des oeuvres de leur « amie auteur
>>. Cette proximité n'est pas facile pour tout le monde et
certains auteurs n'auront ni le temps ni l'envie de tenir un blog quotidien.
Par ailleurs, il est assez difficile d'être aussi jeune d'esprit que SAM
et de pouvoir ainsi mettre en confiance les adolescents. Pour ces auteurs,
certains éditeurs trouvent des solutions alternatives plus
naturelles.
2. Les tentatives cyberpromotionnelles des
éditeurs.
En réaction au comportement des adolescents, face aux
nouveaux modes de communication que sont les blogs et les réseaux
sociaux, les services marketing des maisons d'édition jeunesse vont
entreprendre une conquête de l'espace virtuel. En effet, les
éditeurs ont tout à y gagner. Tout d'abord, les éditeurs
souhaitent s'allier aux eprescripteurs, lecteurs et critiques, qui forment
aujourd'hui des communautés influentes. Deuxièmement, en
créant des pages Facebook et des sites, les éditeurs
espèrent recruter une nouvelle audience, plus large, et la
fidéliser. Troisièmement, faire une « communication
360° >> leur permet de s'assurer une bonne visibilité, tant
physique que numérique. Les réseaux sociaux, les forums, les
blogs et les sites des éditeurs sont le meilleur moyen pour
améliorer le référencement de la marque et de l'ouvrage
sur Google, où les places sont de plus en plus chères.
Il ne suffira donc pas aux éditeurs jeunesse de redorer
le site de leur maison. Bien qu'absolument nécessaire, le relooking du
site ne serait qu'une aide minime face aux conséquences que pourraient
avoir un véritable plan de communication online.
Ainsi, certains éditeurs jeunesse, comme Gallimard et
Hachette, entreprennent de grands projets webmarketing tandis que d'autres,
comme Flammarion et Nathan, resteront plus discrets. Il n'est pas toujours
question de budget mais bien de besoin pour ces éditeurs. Hachette et
Gallimard ont des collections de grands formats ados très fournies et
qui ne cessent de s'agrandir. À l'opposé, Flammarion et Nathan se
lancent à peine dans la constitution de leur catalogue pour ados -
adultes. Par conséquent, il paraît naturel que ces derniers
n'investissent pas encore la Toile de manière conséquente.
Voyons, pour commencer, comment des maisons d'édition
jeunesse de renommée, telles que Nathan et Flammarion, connues pour leur
qualité et leur engagement éthique, travaillent aujourd'hui avec
les outils numériques. Il est question ici de faire un bilan sur les
actions passées des éditeurs, sur l'évolution de leurs
stratégies de webmarketing mais aussi de dessiner les
possibilités d'améliorations futures en termes de marketing.
· Nathan Jeunesse et les mini-sites dédiés
:
Alors que Nathan lance Blast, sa collection de grands formats
pour << ado-adultes >>, on remarque une absence presque totale de
la marque sur Google. Encore très récente, la collection Blast
n'apparaît pas toujours automatiquement sur le site même des
éditions Nathan. Premier problème... En tapant << Blast
>> sur le moteur de recherche Google, la collection n'apparaît
toujours pas à la dixième page. Un travail de
référencement est à faire et rapidement. En effet, Nathan
a prévu pour la fin d'année 2011, la sortie du premier tome de
Divergent. Cette trilogie américaine sur le thème de la
dystopie est un enjeu majeur pour l'éditeur français. Le
succès décolle outre-Atlantique et une rumeur d'adaptation
cinématographique fait son chemin. Il faut donc que le marketing de
Nathan Jeunesse prépare un plan de lancement solide. Un mini-site
dédié à la trilogie est prévu, ainsi que des
partenariats avec
Allociné.com ainsi que des
radios telles que Skyrock (qui a déjà prouvé sa grande
utilité pour Twilight). Toutefois, un mini-site n'est pas la
solution la plus favorable pour faire connaître Divergent et la
collection Blast. La cible de la collection a entre 15 et 25 ans. Ces jeunes
adultes, comme nous l'avons vu, sont majoritairement sur Facebook. Il
paraitrait donc évident de créer une page Facebook à
l'occasion de Blast ou de Divergent. Mieux encore, à l'occasion
de cette parution, Nathan pourrait entreprendre la création d'un site
spécial Blast. Toutefois, il serait alors nécessaire
d'accélérer la production de titres, ce qui n'est pas
aisé. Une bonne idée de la part du service marketing est la
création d'une bande annonce du premier tome. Le visuel est un
élément primordial aujourd'hui, surtout lorsqu'il s'agit de
toucher des jeunes lecteurs.
Nathan Jeunesse n'est pas encore totalement inscrit dans la
cyberpromotion. Pourtant, Editis a promis un engagement fort et rapide dans le
numérique. Pocket Jeunesse le prouve avec la promotion très
active d'Hunger Games.
Nathan s'est pourtant lancé dans la promotion
numérique il y a longtemps. Mireille Tyckaert nous raconte :
« Nathan a commencé à faire des
sites-dédiés en 2004 pour Gafi puis pour Les
orphelins Baudelaire. Le lancement de sites-dédiés se fait de
préférences pour la littérature jeunesse pré-ados
et ados. Il s'agit de venir « draguer » en quelques sortes les
potentiels lecteurs par la possibilité de participer à des jeux
ou à des discussions sur forum. Nathan est donc débutant dans ce
secteur, étant originairement tourné vers la petite enfance et
les parents. Dès que la littérature jeunesse touche les 11 ans et
plus, la cible n'est plus les parents mais les lecteurs mêmes. Le plan
média sera par conséquent différent et évidemment,
en accord avec les supports utilisés par les lecteurs.
»80
Parmi ses diverses tentatives, Nathan a vécu une
expérience toute particulière à l'époque. En 2008,
Nathan sort le premier tome d'une trilogie de science-fiction qui vivra un
véritable succès auprès des adolescents,
Méto, d'Yves Grevet. L'accueil chaleureux des lecteurs est tel
qu'un fan de 16 ans décide de créer un blog en l'honneur de la
trilogie. Le blog est un succès auprès de ses pairs et c'est
ainsi que l'éditeur va inviter le jeune garçon à
travailler directement avec eux. Les preuves de la portée d'Internet en
termes de promotion amènent le service marketing Nathan à
créer une page Facebook qui atteindra presque les 2 000 fans.
Aujourd'hui, Nathan doit renforcer sa collection puis, par la
suite, son support promotionnel Internet. Il faudra attendre encore un peu
avant de voir la collection Blast devenir une référence mais la
qualité des ouvrages semble assurer un avenir prometteur.
· Flammarion et Les Colombes du Roi-Soleil :
Les Colombes du Roi-Soleil n'est pas une saga mais bien une
collection grand format de Flammarion Jeunesse. Composée actuellement de
dix tomes, la collection signée Anne-Marie Desplat-Duc, auteur
français, est un joli succès. Destinée aux jeunes filles
de 10 à 16 ans, elle relate l'histoire fictive des courtisanes de Louis
XIV dans le château de Versailles. Jalousie, amitié,
espièglerie, amour et injustice, les aventures de ces belles
80 Op.cit. Annexe A, n°5.
jeunes filles font rêver les lectrices qui forment
aujourd'hui une véritable communauté de fans-colombes. Afin de
renforcer la proximité entre les lectrices et les personnages,
Flammarion a créé un site entièrement dédié
à la collection. Outre la présentation des titres, le site s'est
construit dans l'optique de renforcer l'univers versaillais de l'époque.
Nous pouvons ainsi découvrir les portraits descriptifs de chaque
Colombe. Toutes les informations sont données à l'internaute :
date de naissance, composition de sa famille, qualités, défauts
et rêves. Ci-dessous vous pouvez voir un exemple de portrait fourni par
l'éditeur.
<< Adélaïde de Pélissier :
Son père, noble et illustre seigneur, Michel de
Pélissier, et sa mère, Suzanne des Jouberts, possèdent des
terres dans la belle campagne fertile de Normandie. L'un de ses aïeux
était chevalier de Saint-Jean en 1510 et mon grand-père maternel
était seigneur de Sorquainville. C'est pourquoi, par tradition, son
père a levé des armées à ses frais pour batailler
contre les ennemis de la France. Il y a acquis une certaine gloire, mais y a
perdu tout son argent, car il a refusé de piller les terres conquises.
Elle a eu une enfance heureuse avec son frère ainé
Barthélemy et sa soeur Marie-Cécile, de deux ans sa cadette.
Adélaïde est promise à Gabriel Ruault de La Bonnerie, depuis
ses 11 ans, et elle est en très amoureuse. Elle a des cheveux roux
éclatants, des yeux verts et un teint de porcelaine. Elle est bien
tournée, vive et intelligente.>>81
Cette << biographie >> fictive rend le personnage
d'Adélaïde très réel. C'est ici que réside
tout l'apport d'Internet comme promotion d'un titre ou d'un personnage. Il faut
offrir aux lecteurs une continuité dans leur lecture, un contexte et une
après-lecture pour qu'ils puissent y rester fidèles. En termes de
<< contexte >>, l'auteur, qui a créé le site avec
l'éditeur, propose une rubrique pédagogique et ludique sur les us
et coutumes de l'époque
81 http://www.lescolombesduroisoleil.com/
63
en relatant les traditions et les faits historiques de la Cour
de France. Un exemple amusant et intéressant est celui de La Vie
Quotidienne de Louis XIV. Sur cette page, les internautes découvrent le
descriptif, heure après heure, d'une journée type du Roi-Soleil.
Du Petit Lever à 8h du matin jusqu'au Coucher à 23h, en passant
par La Réunion du Cabinet de Conseil, les internautes peuvent
désormais avoir un aperçu de la vie de château.
En complément du site, Flammarion propose aux
internautes d'adhérer au Forum de Colombes où elles pourront
s'exprimer et échanger entre elles. Enfin, de nombreux jeuconcours et
quizz sont organisés dans le but d'animer le site et surtout, de
maintenir sa fréquentation.
Nathan et Flammarion ont une stratégie de promotion
marketing numérique modérée mais toutefois utile. S'ils
n'utilisent pas tous les filons offerts par Internet, ils observent,
comprennent et adaptent peu à peu les outils en fonction de leurs
objectifs.
Du côté des gros éditeurs de romans ados,
Gallimard et Hachette adoptent un concept anglo-saxon qui fait ses preuves, le
blog ou site éditeur. On ne se contente plus d'un mini-site
dédié mais on construit une plateforme incontournable grâce
à la collaboration de jeunes lecteurs-internautes.
· Gallimard Jeunesse et On lit plus fort :
On lit plus fort82 est créé
en 2009 à l'aide d'un réseau de 200 chroniqueurs
âgés entre 12 et 20 ans, majoritairement féminin et
<< préalablement >> recrutés. Installés sur la
plateforme Skyblog, que nous avons étudié
précédemment, ces jeunes internautes sont des
privilégiés, des lecteurs de romans en avant-première, des
juges, des blogueurs, des critiques et des rédacteurs. << Avant
2009, nous options pour une stratégie marketing assez classique : de
l'achat presse, de la publicité dans la presse jeunesse (et parentale).
Mais, nous nous sommes rendus compte qu'il y avait beaucoup de blogs
dédiés à la littérature et nous voulions prendre la
parole de manière moins institutionnelle >>83, confie
Céline Dehaine. Le blog présente tous les titres ados de
Gallimard Jeunesse. Deux groupes sont toutefois identifiés : <<
Harry Potter/fantasy >> et << 100% filles >>.
82 http://onlitplusfort.skyrock.com/
83 Op.cit. Lecture Jeune, n°137,
p.26.
Le blog ne bénéficie pas encore d'une
très bonne fréquentation avec 7 400 visites depuis son lancement.
L'un des handicaps de ce blog est sûrement sont aspect
généraliste et de surcroît, peu organisé et peu
pratique.
Alors que le blog n'est pas une réussite, la page
Facebook d'On lit plus fort, créée en février
2010, est très fréquentée. Le nombre de <<
like » a doublé de mars à juin 2011 passant de 12
639 à 25 372. Cela peut s'expliquer par la différence d'âge
des internautes entre les deux les supports. Les blogs attirent plus les jeunes
adolescents, âgés de 11 à 15 ans, tandis que Facebook a un
public âgé de 15 à 25 ans. C'est cette dernière
tranche d'âge qui est vraiment active et prescriptrice.
L'idée de créer un blog éditeur,
dédié à la promotion de ses romans grands formats ados,
fonctionne pourtant très bien outre-manche. Avec Spinebreakers,
l'éditeur jeunesse anglais Penguin présente un blog très
complet. Une communauté animée, elle aussi, par des adolescents,
par des << bookloving teenagers »84. Lors d'une
conférence à la London Book Fair 2011, Anne Rafferty, Directrice
Marketing de Penguin Jeunesse parle de la mission de ce site. << Les
adolescents, à n'importe quelle époque, ont toujours aimé
partager leurs goûts, que cela concerne le cinéma, la musique ou
la littérature. Internet est pour ça un moyen formidable de
faciliter ces échanges en créant un espace de discussions
où l'éditeur peut aussi orienter leurs lectures vers ses livres.
Les ados y sont libres de discuter et écrire ce qu'ils souhaitent tant
qu'ils restent corrects »85. Car si Spinebreakers est
un site dédié aux ados, il ne se cache pas d'appartenir à
l'éditeur Penguin tout en proposant les livres de ses concurrents.
<< Spinebreakers est du target marketing, on fait
ça pour pousser les jeunes à lire et donc aussi à acheter
»86.
84
http://www.spinebreakers.co.uk/Pages/Home.aspx
85 Op.cit. Annexe B.
86 Ibid.
· Hachette et Lecture Academy :
Hachette Jeunesse est peut-être l'éditeur
français ayant la meilleure stratégie de promotion Internet.
Industrie culturelle au rayonnement international, en lien direct avec le
marché anglo-saxon et dotée d'un budget conséquent pour
son marketing, le premier éditeur français va être le
premier à proposer aux adolescents un véritable site de
lecture.
Antoinette Rouverand raconte comment s'est créé
Lecture Academy87 :
<< Je voulais faire un site pour les grands formats
et les livres de poche. On avait fait ça pour la Bibliothèque
Rose et ça fonctionnait bien. Avant, on faisait beaucoup de minis-sites
avec des jeux concours, on s'éparpillait. Avec Lecture Academy
nous avons voulu concentrer nos efforts. » 88
Et c'est bien dans cette dernière phrase que l'on
comprend tout l'intérêt et le succès de Lecture
Academy. Alors que Nathan Jeunesse créé des mini-sites
à foison, que Flammarion Jeunesse passe d'une page Facebook à un
blog puis à un mini-site dédié, que Gallimard Jeunesse
propose un blog où l'information est difficile à trier, Hachette
Jeunesse concentre tous ses efforts dans un seul canal de communication. Ce qui
favorise aussi Lecture Academy est le référencement
extraordinaire qui lui est réservé. Car il n'y a pas un seul
moyen d'entrer sur le site. Grâce à ses best-sellers
adaptés en films, comme Twilight ou Percy Jackson,
Lecture Academy est associé à de nombreux
mots-clés sur Google. Par ailleurs, Lecture Academy ne se
contente pas d'offrir des informations sur les romans mais partagent aussi des
actualités d'ados comme pour la série télé
phénomène Glee.
L'idée de créer Lecture Academy ne
s'est pas fait tout de suite. Il a fallu du temps au service marketing pour
mettre en place leurs besoins, leurs objectifs et enfin, leur stratégie.
Antoinette Rouverand nous explique comment est venue cette idée et
surtout, à quelle occasion :
<< Lecture Academy a été lancé
en 2008 à un moment idéal où toutes les conjonctures
étaient réunies pour que ça marche. Le lancement s'est
fait juste avant le lancement du Tome 4 de Twilight en France, alors
que celui-ci commencé à bien se vendre aux États-Unis.
»89
87 http://www.lecture-academy.com/
88 Op.cit. Annexe A, n°3.
89 Ibid. Annexe A, n°3.
Comme la collection Black Moon, c'est bien grâce à
la saga Twilight que Lecture Academy a véritablement
conquis son public.
<< À l'origine, je voulais faire un site
comme Allociné mais pour nos livres parce que je ne vais jamais au
cinéma sans lire les critiques des gens sur ce site. Donc c'est comme
ça que Lecture Academy a commencé, avec simplement des
commentaires et des avis sur les romans. Pour le lancement du Tome 4 de
Twilight, on a organisé un jeu concours pour un fan. Le gagnant
partirait à New-York rencontrer Stephanie Meyer et devrait tout raconter
sur son blog, en lien avec Skyrock. À partir de là, ça a
été de la folie, ça a explosé. Le succès de
du blog sur Twilight et la sortie du premier film six mois
après ont vraiment participé au succès du site.
Je veux aussi préciser que le site fonctionne
encore bien grâce au service éditorial qui a eut la bonne
idée de créer la collection Black Moon. Cela a assuré aux
lecteurs une continuité dans leur lecture, ça a permis à
la communauté de fans de rester connectée. »90
Depuis son lancement, la plateforme n'a cessé
d'évoluer pour s'adapter aux besoins et envies des internautes-lecteurs.
Les éditeurs et le service marketing ont compris qu'il fallait anticiper
la fin de Twilight pour amorcer la chute. << C'est comme
Gallimard qui n'avait rien prévu pour l'après Harry
Potter. Ils se sont retrouvés sans rien quand le
phénomène s'est atténué. C'était terrible
», raconte-elle.
Aujourd'hui, Lecture Academy présente diverses
<< actus » sur les titres à paraître (et pas seulement
ceux d'Hachette Jeunesse), de films, de musique... Il dispose également
d'un forum, ouvert en 2009, afin de permettre aux jeunes de s'exprimer. Enfin,
une rubrique << Autre » est aussi très
fréquentée puisqu'elle touche aux sujets plus sensibles comme les
peines de coeur, d'amitié etc. << Le site référence
des livres mais nous voulions des fonctionnalités plus participatives,
des commentaires de lecteurs. Nous avons mis en place des suggestions de
lecture : << vous avez aimé (...) vous aimerez aussi »
»91, souligne Antoinette Rouverand. Toujours dans la
séduction des internautes, le site propose des pistes de lecture
originales comme << Dis-nous de quelle humeur tu es aujourd'hui ».
Ici, ce
90 Ibid.
91 Annexe E. Captures d'écrans. Lecture
Academy.
qui est intéressant est que la sélection est faite,
non seulement grâce aux caractéristiques habituelles, mais en
fonction de ce qui définit un adolescent.
Avec tous ces apports, Lecture Academy compte
aujourd'hui, en moyenne, 95 000 inscrits et 100 000 connexions par mois.
Si le blog On lit plus fort, de Gallimard Jeunesse, se
rapproche du blog Spinebreakers de Penguin Jeunesse, Lecture Academy
est plus similaire au site de lecture ado créé par HarperCollins
Jeunesse, Inkpop92. Dans ce site, les adolescents
s'expriment sous différentes formes. Les fanfictions sont très
répandues et la qualité est souvent surprenante. Le but de ce
site n'est pas vraiment de faire de la pub à l'éditeur bien qu'il
y ait des livres de chez Harper. L'objectif d'Inkpop serait
plutôt de toucher une nouvelle audience. Internet est l'expérience
du divertissement et c'est une bonne stratégie marketing que de montrer
aux jeunes qu'ils peuvent s'amuser en lisant des livres93. Il en va
de même pour Lecture Academy qui promeut les livres de ses
concurrents afin de recruter un maximum de lecteurs pour la littérature
ados. Quant aux fanfictions, les internautes de Lecture Academy en
sont friands.
Un défaut est tout de même à noter.
Antoinette Rouverand nous explique que Lecture Academy est trop
féminin avec des communautés telles que <<
Fashionistas» ou << Black Moon ». Par conséquent, de
nombreux potentiels lecteurs sont perdus. La solution envisagée par la
directrice marketing serait de créer un autre site qui serait moins
<< girly ». Il faut absolument réussir à
toucher un maximum de jeunes, que cela soit grâce à
l'actualité people, la sortie d'un jeu vidéo ou d'une saga.
Entre la promotion et la lecture, l'éditeur jeunesse
Bayard a développé une stratégie originale, celle du livre
interactif. Ce concept met les réseaux sociaux, les blogs et les forums,
non pas uniquement au service de la promotion d'un roman, mais au service de
l'acte de lecture même.
92 http://www.inkpop.com/
93 Op.cit. Annexe B.
C. Etude de cas : Bayard et les livres transmedias.
Les adolescents sont des lecteurs actifs. Actifs dans le
partage de ressentis, actifs dans la critique et ainsi, actifs dans le soutien
promotionnel d'un roman. C'est pourquoi Bayard a pensé que les
adolescents aimeraient aussi être actifs dans leur lecture. Ce concept
n'est pas tellement récent. On se souvient des Livres dont vous
êtes le héros, de la collection Folio Junior sortie en 1984,
qui se sont écoulés à des millions d'exemplaires.
L'idée de faire intervenir le lecteur dans le déroulement de
l'histoire a séduit. Alors que Folio Junior proposait aux lecteurs des
fins différentes selon les chemins qu'il aurait choisis au cours du
récit, chez Bayard, l'auteur reste seul maître du destin des
personnages et ne laisse pas le choix aux lecteurs sur la fin du roman.
Toutefois, en utilisant les téléphones portables, les blogs ou
les réseaux sociaux, les lecteurs vont pouvoir suivre et aider, «
en direct », les personnages du roman à résoudre les
intrigues.
Prenons, comme support à notre explication, le roman
à succès de Bayard Jeunesse, Cathy's Book. Premier tome
d'une trilogie, ce roman interactif est le journal intime de, on l'aura
deviné, Cathy. Jeune fille de 17 ans, elle vient de se faire quitter par
son petit copain. Convaincue que derrière cette rupture se cache un
secret, elle décide de revoir son ex petit copain pour comprendre ses
motivations quand elle apprend que celui-ci a disparu... Elle se lance alors
à sa recherche et disparaît à son tour. Elle laisse
derrière elle son journal intime qui renferme tous les indices de son
enquête. Le lecteur doit prendre le relai à cette enquête
grâce au journal et va mener l'enquête sur la disparition du jeune
homme et de Cathy.
Voici, en quelques lignes, le contexte de ce premier tome. Les
lecteurs ne vont pas se contenter de lire les aventures de Cathy mais vont
véritablement participer à l'enquête et tenter de
comprendre ce qu'a vécu Cathy, comment, avec qui et surtout où
elle se trouve. Pour cela, l'éditeur fournit plusieurs outils. Dans le
journal se trouve une pochette avec toutes les preuves que Cathy a pu
récolter au long de son enquête94. On y trouve ainsi un
mouchoir avec une marque de rouge à lèvre, une photo vieillie
d'une famille, une lettre, la photo d'un jeune homme avec un numéro de
téléphone, un reçu Fedex etc. Sur le journal,
94 Annexe C. Images des romans Bayard.
un numéro de téléphone est inscrit, celui
de Cathy en cas de perte95. L'interactivité entre le roman et
le lecteur commence sur le papier avec cette pochette que le lecteur va devoir
soigneusement étudier. S'il se prend véritablement au jeu, il
composera aussi le numéro de téléphone, le 01 70 94 49 56,
qui le mènera directement sur la messagerie de Cathy où, d'une
voie apeurée, celle-ci explique à son amie Emma où se
trouve le carnet secret. C'est en faisant intervenir les nouvelles technologies
dans la lecture d'un roman que Bayard devient ambitieux. Les adolescents ont
tous, ou presque, un portable. Avec Internet, c'est sûrement leur moyen
de communication préféré mais aussi l'une de leurs
activités préférées. Il est évident que les
lectrices de Cathy's Book appelleront ce numéro. D'abord livre
objet, Cathy's Book va aussi proposer << une vie après le
livre »96 grâce à Internet, explique Pascale
d'Ippolito, l'éditrice de Bayard Jeunesse. En effet, le roman interactif
offre une prolongation du livre car il donne une dimension réaliste en
faisant vivre Cathy sur le Net comme le ferait toute adolescente. Elle tient un
blog, une page Facebook et à côté de ça, un site
dédié est tenu par l'éditeur. Les fans peuvent ainsi lui
écrire comme s'il s'agissait d'une amie de lycée. <<
C'est formidable, explique Pénélope, 15 ans, sur la
couverture figure le numéro de téléphone, celui de Cathy,
c'est sa voix, je peux lui laisser un message, elle me parle comme une copine,
ça la rend si proche... »97. Cette proximité
avec le personnage de Cathy est une expérience qu'il peut être
difficile à comprendre. Elle n'est pas réelle, inventée de
toutes pièces et pourtant les lecteurs s'attachent à elle avec
intensité et réalisme.
- Le blog de Cathy :
<< Et voilà, les enfants, le grand jour est
arrivé. C'est mon deuxième jour préféré
après la sortie de Cathy's Ring, évidemment. C'était mon
Noel personnel celui-ci. Voici donc le matin le plus excitant de
l'année, celui oil on se rue, pressés, l'estomac noué par
l'impatience, vers le sapin, seuil de tous les espoirs.
Hier soir, Victor, Emma, Maman et moi avons
décoré le sapin. Décoré est un grand mot. Je
précise que j'ai voulu, cette année, m'occuper des
festivités, et j'ai décrété que le sapin serait
artistique. »98
95 Ibid.
96 France Soir.fr : Ce que les ados adorent dans
les romans interactifs.
97 Ibid.
98 http://love-cathy.skyrock.com/
Sur ce blog, Cathy se personnifie. Elle se concrétise
en une adolescente qui n'a rien de fictif. Elle s'exprime sur sa journée
de préparatif de Noël et parle de son amie, de sa mère et de
son petit copain. Cependant, Cathy fait aussi la promotion de Cathy's
Ring, le dernier tome de la trilogie. En faisant cela, Cathy ne joue plus
son propre rôle car c'est bien l'éditrice que l'on entend
derrière la phrase : << C'est mon deuxième jour
préféré après la sortie de Cathy's Ring,
évidemment >>. Cathy's Ring, qu'est ce que cela
représente pour elle ? Est-ce un carnet intime, un roman sur sa vie ou
juste un roman pour ado ? Il y a donc un problème de positionnement sur
ce blog qui était censé faire la promotion de la trilogie via
Cathy en tant qu'adolescente et non personnage. C'est assez confus lorsqu'on
s'y attarde. Elle s'adresse aux internautes en jonglant entre << les amis
>> et << les lecteurs >>. Les considérer comme des
<< amis >> est assez naturel. Toutefois, dans le terme <<
lecteur >> il faut savoir si elle entend << lecteurs du blog
>> ou << lecteurs de la trilogie et fans >>.
Ces petits exemples que nous avons soulignés sont
certes mineurs et ne semblent poser aucun souci aux internautes et fans de
Cathy. Cependant, ils prouvent que faire de la promotion sans en faire est un
jeu difficile qui demande une grande inventivité et une grande
attention. Il faut nourrir le blog constamment, ce qui n'est pas fait puisque
le dernier message, posté sur le blog, date du 3 janvier 2011.
- Le forum :
Le forum99 sur Cathy's Book est
très simple. Les discussions sont diverses. Les lectrices s'y retrouvent
afin de s'entraider pour mener l'enquête, demander des indices qu'elles
n'auraient pas remarqués etc. On ressent une solidarité entre ces
jeunes lectrices, une communauté très forte s'est construite
autour de la trilogie. Environ 30 000 membres participent
régulièrement aux discussions. C'est un joli score.
- Facebook :
L'éditeur n'a pas choisi de créer un profil
à Cathy mais a préféré faire au plus simple avec
une page officielle qui concerne les trois tomes. Ici, Cathy ne s'exprime pas,
c'est bien l'éditeur qui alimente la page, anime les discussions. Les
internautes font des commentaires très brefs tel que << J'ai
adoré les trois livres ! >>. Si le forum compte 30 000 membres, la
page Facebook française n'a encore que 4 691 fans. Il semblerait que les
internautes préfèrent échanger entres eux sur le forum ou
être en lien << direct >> avec Cathy
99
http://www.doubletalkwireless.net/forum/viewforum.
grâce au blog. L'aspect formel de la page Facebook ne
séduit pas car il enlève la proximité qui a plu dans le
concept même de la trilogie. La page Facebook sert plutôt de relai
entre les différentes plateformes dédiées à la
trilogie et permet de suivre les quelques événements comme la
sortie d'un nouveau tome, un jeu concours etc. Puisqu'il n'est pas
nécessaire d'être fan pour accéder aux informations, le
nombre de fans reste limité.
- Les sites dédiés :
Trois tomes, trois sites100. L'éditeur a
fait les choses en grand afin d'accroître son
référencement. Comme dans la plupart des sites
dédiés d'éditeur, les internautes-lecteurs trouveront des
clips vidéos où l'on peut apercevoir Cathy de dos triant les
différentes preuves que le lecteur a aussi dans la pochette fournie avec
le livre, des tests, des musiques, le feuilletage en ligne des premières
pages de chaque tome et évidemment les liens vers les deux autres sites
dédiés.
Cathy's Book est une belle tentative qui a ouvert
l'édition sur de nouveaux horizons. Paru en octobre 2008, il s'est vendu
à 22 256 exemplaires101. L'éditeur Bayard Jeunesse ne
s'arrête d'ailleurs pas à cette expérience.
En mars 2011, un nouveau roman interactif pour adolescents est
publié. Psychose, le premier tome de la trilogie Skeleton
Creek, repose cette fois entièrement sur Internet et fait appel
à la vidéo. Si les bandes-annonces pour livres ne sont pas encore
très populaires en France, Bayard donne une autre utilité
à l'audiovisuel. Encore une fois, ce n'est pas pour la promotion du
livre qu'Internet intervient ou du moins pas uniquement. Le livre est
présenté avec une sur-couverture à effet DVD qui introduit
le concept, celui de suivre les personnages dans leur quête grâce
à des films. Encore une fois, l'histoire repose sur une enquête.
C'est un << Club des cinq » à la manière
Blair Witch mené par deux ados où l'un rédige
leurs aventures et l'autre les filment. Des mots de passe sont fournis au fil
des << chapitres », ou des jours puisqu'il s'agit encore ici d'un
journal, afin d'accéder aux neuf vidéos de cinq à vingt
minutes. On y voit les deux ados dans des lieux étranges, sombres et
angoissants. Exemple avec << LEPUITSETLEPENDULE », mot de passe
à entrer sur le site
sarahfincher.fr qui nous
mène directement sur une vidéo de Sarah, l'une des ados, qui
se
100 http://www.cathysring.fr/ , http://www.cathysbook.fr/ et
http://www.cathyskey.fr/.
101 Annexe D, n°1. Etude GfK Bayard.
confie sur ce qu'elle a découvert. Une ambiance assez
angoissante nous entoure. Peu importe notre âge, le concept de la
vidéo, caméra à l'épaule, dans le noir a un impact
certain. On se laisse vite piéger par l'histoire. « On est vraiment
au début de quelque chose de nouveau, avec mille possibilités.
Les ados adorent parce que les héros prennent vraiment corps, ils
frissonnent encore plus »102, explique l'éditrice.
Pourtant, les ventes de Skeleton Creek ne sont en
rien comparables avec celles de Cathy's Book. Paru en mars 2011,
Psychose ne s'est vendu qu'à 6 136 exemplaires et le second,
paru en mai 2011, à 2 033 exemplaires103. Sur les chiffres
obtenus pour 2011 des romans ados grands formats, en arrêtant les ventes
en juillet, Cathy's Book et Cathy's Ring sont toujours dans
le Top 30 des titres104 les plus vendus. Tandis que le roman
Psychose est relégué à la 97ème
place et le second à la 240ème. Il semblerait que
l'histoire n'ait pas touché autant de lecteurs que l'éditeur
l'espérait. Ceci prouve donc qu'un bon concept n'assure pas la
réussite. La qualité stylistique et la construction du
récit sont des critères toujours primordiaux pour les lecteurs.
Ainsi, cette tentative démontre que l'on se situe toujours dans la
littérature et pas seulement dans le divertissement. Les jeunes lecteurs
ne sont pas prêts à accueillir des textes qui soustrairaient la
qualité pour quelques vidéos en ligne.
Un référencement particulièrement bien
fourni :
L'introduction des outils informatiques ou
téléphoniques dans la lecture d'un roman ados donne naissance
à une nouvelle forme de lecture mais aussi d'écriture. Ils
enrichissent les romans, leurs donnent de la profondeur, de la
crédibilité. Les adolescents sont attirés par ces ajouts
comme les vidéos car ils retrouvent des outils de leur quotidien dans
une activité traditionnellement solitaire qu'est la lecture. De plus,
l'insertion de minis films au cours de la lecture est fondamentale aujourd'hui.
Les adolescents, issus de la génération Z, sont friands des
séries télévisées. L'image a un rôle
très fort dans la communication auprès des jeunes.
L'éditeur et l'auteur étaient conscients de ces besoins
d'adolescents, de cette demande qui n'avait jamais trouvé d'offre dans
le marché du livre. Aujourd'hui, Internet et les Smartphones permettent
de répondre à cette demande, d'expérimenter de nouveaux
concepts et de faire évoluer la littérature. Une
littérature hybride, certes, mais qui doit se renouveler avec le temps
comme elle l'a toujours fait.
102Op.cit. France Soir.fr : Ce que les
ados adorent dans les romans interactifs.
103 Op.cit. Annexe D, n°1 Bayard.
104 Annexe D, n°2. Etude GfK. Top Titres 2011.
Derrière ces soucis littéraires réside un
souci marketing prégnant à l'interactivité. Tous les
éditeurs savent aujourd'hui qu'il est nécessaire d'être
présent sur la Toile afin d'accroître sa popularité et
promouvoir un livre. Ils font des pages Facebook, des sites
dédiés et autres. Tous tentent d'investir différentes
plateformes numériques. Plus il y en a, mieux c'est pour le
référencement. Être référencé sur
Google est très cher, cela demande un véritable travail de
webmarketing. C'est pourquoi Bayard a trouvé une astuce avec Cathy's
Book et Skeleton Creek. L'utilisation d'Internet des jeunes au
cours de leur lecture va favoriser le buzz. Le fait de se connecter sur un site
pour avoir un indice ou voir une vidéo complémentaire à un
chapitre va augmenter la popularité des sites et par conséquent
le référencement de la marque. Ainsi, la promotion se fait
grâce aux lecteurs qui, en lisant leur roman interactif, ne se rendent
même pas compte qu'ils l'aident à se faire connaître.
Cet exemple illustre parfaitement le comportement à
avoir en tant qu'éditeur ou marketeur de romans jeunesse. Internet a
tout bouleversé. Il ne se contente pas de faire passer l'édition
papier en édition numérique mais change toutes les
stratégies de vente et d'écriture. Ce sont les
conséquences pour le marketing qui vont nous intéresser.
L'expérience de Bayard nous fait comprendre que la promotion ne doit
plus être une promotion directe mais détournée par le
divertissement et l'activité de la cible marketing. Le client, le
consommateur, le lecteur, peu importe son nom, sera l'acteur principal de la
promotion. Nous verrons plus loin quelles techniques doivent être
adoptées et quelles stratégies possibles peuvent être
favorables à l'avenir de l'édition jeunesse.
III. Adopter le numérique pour séduire
les digitals natives, une obligation future.
A. Librairies et bibliothèques, ce qui change
pour le roman ados.
Ces dernières années, et notamment de par
l'arrivée de la e-plateforme Amazon, les jeunes lecteurs se sont
détournés de ces lieux de ventes et d'échanges que sont
les librairies et les bibliothèques. Pour combattre ce
désintéressement, certains libraires et bibliothécaires
n'hésitent pas à se lancer, eux aussi, dans la
numérisation de leurs catalogues. Certains vont même
jusqu'à revoir leur fonctionnement total en se relookant grâce
à Internet et au multimédia.
1. Les librairies se numérisent.
L'avenir du livre change mais il ne meurt pas. Quelques
professionnels, en particulier, ont compris qu'il fallait avancer et non plus
regarder avec nostalgie vers l'ancien mode de fonctionnement du marché
du livre français.
Le paysage semble alarmant lorsqu'on voit de grandes
librairies parisiennes déposer le bilan ou de petites librairies
traditionnelles perdre leur clientèle face aux espaces culturels. Les
libraires sont assaillies de nouveautés et ne peuvent plus assurer la
vente des livres de fonds. Les livres doivent se vendre rapidement car, en
seulement trois mois, ils peuvent être retournés chez
l'éditeur. C'est d'ailleurs Amazon qui se charge aujourd'hui d'assurer
la vente de ce que les libraires ne peuvent plus stocker ou mettre en place par
manque d'espace. De plus, débordés par les flux allers et
retours, les libraires n'ont plus véritablement le temps de conseiller
leurs clients. La proximité entre vendeurs et lecteurs, les conseils de
lecture d'un vrai professionnel et d'un passionné sont les valeurs
ajoutées des petites librairies. Par conséquent, les clients, en
voyant disparaître ces qualités, préfèrent se rendre
directement sur Internet. Là-bas, ils trouveront, sans avoir à se
déplacer, des conseils de lecture grâce aux « Avis des
internautes » que pratiquent Amazon ou
Fnac.com.
Concernant les jeunes lecteurs, il est clair que les
librairies leur apparaissent aujourd'hui comme « démodées
» mais aussi éloignées de leurs pratiques. Habitués
aux grands espaces où l'on trouve autant de livres que de disques, les
adolescents se détournent des petites librairies pour les grandes
enseignes. Les librairies n'ont pas su se renouveler à temps afin de
garder cette clientèle. En effet, les éditeurs remarquent que les
librairies n'ont souvent pas d'espace réservé aux adolescents et
jeunes adultes. Il y a le coin Jeunesse, le coin Littérature
Générale, le coin Politique, le coin Polar et enfin le coin Poche
mais il est très rare de trouver un coin Ados et Jeunes Adultes.
Certains libraires commencent à faire cette distinction mais cela prend
du temps. Il faut sélectionner les livres et choisir si tel ou tel roman
serait plutôt jeunesse ou ado. Par ailleurs, persiste le problème
d'espace à accorder à un nouveau rayonnage.
Les libraires qui perdent la jeune clientèle doivent
alors se passer d'un chiffre d'affaires qui devient de plus en plus
conséquent. Car si les jeunes ne sont pas les plus gros lecteurs, il est
évident que les grands formats jeunesse sont un segment de
l'édition en forte croissance qui fidélise un public et fait
beaucoup vendre105. Les adolescents pris dans une saga ou une
collection n'hésitent pas à se déplacer pour avoir leur
livre le plus rapidement possible. C'est ici que les e-librairies peuvent
perdre face aux points de vente physique. Librairies et grandes enseignes sont
de véritables concurrents. La Fnac et, maintenant, les Espace Culturels
Leclerc, attirent les consommateurs et particulièrement les jeunes. Ils
ont de l'espace pour faire de bonne mise en place et pour stocker plus de
produits. Ils suscitent l'achat d'impulsion. Tout est pensé et
organisé afin de pousser le consommateur à acheter, telles que
les PLV qui défilent dans le magasin, présentant des dizaines de
nouveaux romans. Les consommateurs s'y rendent presque en famille pour se
promener, voir les nouveautés en film, en musique ou en livre, parfois
même sans idée particulière de ce qu'ils vont acheter. En
effet, les tables, les PLV et les rayons sont étudiés pour
pousser le consommateur à acheter de tout. La proximité entre
clients et vendeurs n'est pas l'élément sur lequel ces enseignes
reposent. Au contraire, la Fnac a aujourd'hui une réputation navrante en
ce qui concerne l'espace librairie puisque ce ne sont plus des libraires qui y
travaillent mais majoritairement des étudiants ou des caissiers qui ne
connaissent pas plus le monde du livre que le vendeur d'ordinateurs.
105 Annexe D. Saisonnalité des ventes des romans ados.
Pour remédier à ces réels
problèmes commerciaux et marketing, quelques gros libraires se sont
lancés dans le numérique. Voyons ce qu'il se passe et qui, de
tous, semble avoir la meilleure stratégie.
Ombre Blanche, la librairie toulousaine connue de tous, a un
site Internet très fourni. Les adolescents y ont d'ailleurs une place
réservée dans la rubrique Jeunesse. Le fait d'avoir
dissocié les adolescents des autres jeunes lecteurs est une bonne chose.
Cependant, comme nous l'avons compris, les adolescents n'aiment pas être
considérés comme des << jeunes » et pourraient ne pas
être attirés par cette segmentation.
C'est pourquoi la librairie bordelaise Mollat, l'une des plus
grosses librairies indépendantes de France, a dédié un
onglet spécialement aux adolescents sans les inclure dans le secteur
jeunesse. La librairie va même plus loin dans son investissement en
faisant une page << Questions d'ados » où sont
présentés tous les essais et livres pratiques pouvant
intéresser les adolescents comme la philosophie, la santé etc.
Mollat a bien compris que les adolescents ne sont pas des enfants, qu'ils
doivent être traités séparément des autres lecteurs
car ils n'ont pas les mêmes envies et les mêmes
préoccupations. De plus, en mettant les ados en avant sur son site, la
librairie Mollat démontre que l'utilisation d'Internet est censée
améliorer la communication avec les adolescents et les jeunes adultes,
en priorité. Ces deux grosses librairies offrent évidemment la
possibilité de commander les livres sur leur site et de les recevoir
rapidement à domicile. Le principe est bien de concurrencer Amazon et
Fnac.com.
Toutefois, il manque un élément crucial sur ces
deux sites : le conseil du libraire ou des internautes. L'interactivité
est absente alors qu'Amazon et
Fnac.com reposent principalement sur la
proximité entre consommateurs, ainsi qu'entre professionnels et
consommateurs, que permet Internet.
La Fnac est donc un bon élève du
numérique. Avec son site de produits multiculturels, la Fnac a toutefois
cherché à mettre en avant les adolescents et les jeunes adultes.
Le fait d'ajouter les jeunes adultes comme cible est un critère
marketing très intelligent qui souligne une prise de conscience de ce
que représente aujourd'hui le segment << adolescents » et
plus largement, le segment << jeunesse ». Ainsi, la
Fnac.com propose une forte
actualité de la fiction jeunesse avec une rubrique Nouveautés,
Meilleures ventes, Top des romans à paraître et Coups de coeur. Le
reste du catalogue est classé sous différentes classifications :
les vampires, les livres Girly, les livres d'aventures et de survie,
les livres
pour garçons et jeunes garçons, le Hit des
séries, les éditeurs et collections phares, les essais, les
livres de santé etc. La Fnac travaille sur le même concept
qu'Hachette avec son site Lecture Academy, celui des
communautés. Créer plusieurs communautés favorise le
ciblage marketing et aide à guider et fidéliser la jeune
clientèle. Il y en a donc pour tous les goûts et contrairement
à ce que les éditeurs peuvent penser, la Fnac met en avant des
éditeurs plus ou moins importants. Dans la rubrique des éditeurs
phares on trouve par exemple Thierry Magnier aux côtés d'Hachette.
Si les points de vente physiques de la Fnac insistent sur les potentiels grands
acteurs, le site permet de rééquilibrer la promotion entre petits
et gros éditeurs.
Sur le même modèle qu'Amazon, la
Fnac.com propose aux internautes-lecteurs
de s'exprimer. Ils peuvent ainsi donner, en un clic, une note à un roman
et ajouter un commentaire, négatif ou positif. L'échange entre
pairs, primordial pour les jeunes lecteurs, est respecté ici. Les
internautes se prêtent au jeu. Pour le Tome 1 de la longue série
Journal d'un vampire, 138 internautes ont donné leur avis,
construisant une réelle discussion autour du roman. Aux
côtés des avis des lecteurs sont proposés des avis de
vendeurs mais aussi un mot de l'éditeur. La promotion est parfaite car
complémentaire. La Fnac a réussi un tour de force en donnant aux
adolescents - jeunes adultes le premier rôle et le contrôle de la
rubrique. Les « adonautes », comme ils sont appelés par la
Fnac, ont trouvé leur repère.
2. Les bibliothèques, de nouveaux espaces physiques
et numériques.
Les librairies ne sont pas les seules à s'ouvrir aux
digitals natives. Les bibliothèques ont elles aussi décidé
qu'Internet serait leur renaissance et non leur bourreau. Lecture
Jeune, fondée par des bibliothécaires, s'est
évidemment penchée sur le sujet106. Nous
découvrons que les bibliothèques ne se contentent pas de
numériser leur catalogue mais bien de faire intervenir les adolescents
dans la création numérique. Les bibliothèques ont toujours
organisé des activités pour les jeunes mais surtout pour les
enfants. Aujourd'hui, alors que les jeunes désertent peu à peu
ces lieux de lecture, les bibliothécaires ont décidé de
capter l'attention des adolescents. Il s'agit ici d'établir un lien
continu avec les ados et leurs pratiques quotidiennes. Pour cela, les blogs
sont un support
106 Op.cit. Lecture Jeune, n°133, p.32.
parfaitement adapté. La bibliothèque de
Saint-Raphaël, par exemple, tient un blog dédié aux
adolescents. Ainsi, des actualités sur des jeux vidéo ou des
films viennent alimenter l'intérêt pour la lecture. Le blog est
actualisé presque quotidiennement ce qui lui permet de rester proche des
habitudes et des attentes des adolescents. Dernièrement, le blog s'est
intéressé à la musique et plus particulièrement
à la musique en streaming. Ici, on ne condamne pas les jeunes
de ne pas acheter les albums mais au contraire, on les conseille sur les sites
les plus pratiques, les nouveautés américaines etc. Le blog
propose donc plusieurs catégories susceptibles d'intéresser les
adolescents : La Médiathèque, À lire, Art - Musique, BD,
DOFUS (jeu de stratégie pour ordinateur), Geek, Info et Jeux. Une fois
encore ce blog nous rappelle celui de Lecture Academy qui propose aux
adolescents plus que de simples conseils de lecture mais un univers
multiculturel et communautaire. Les adolescents peuvent laisser des
commentaires, participer à des jeux concours et même
s'entraîner à des jeux vidéo comme Tetris. La
bibliothèque de Saint-Raphaël a compris que la séduction
d'un adolescent passe par l'échange et par son implication dans la
communauté culturelle.
Si Internet est un moyen pour les bibliothèques de
renouer des liens avec le public adolescent et jeune adulte, elles
s'interrogent aussi sur les réaménagements de leurs espaces
physiques. Une étude a été menée en 2008
auprès de six bibliothèques contrastives : Lille, Nanterre,
Auxerre, Toulouse, Dinan et Graulhet. Cette enquête qualitative et
quantitative a abordé, parmi plusieurs sujets, celui de l'espace
dédié aux adolescents et jeunes adultes.
Nous ne présenterons que deux de ces bibliothèques,
dont les projets, parfois précurseurs, sont symptômes d'une
volonté de changement et de modernisation.
BM Toulouse :
Espace Intermezzo : 500m2 créés pour
attirer un public jeune, pour proposer un lieu passerelle, un espace de
découverte de la lecture. Aménagement convivial, peu
d'étagères, beaucoup de fauteuils, de tables, des
téléviseurs et des écrans. Aucune connotation
«ado» dans la déco ou le mobilier. L'équipe ne
souhaitait pas flécher un espace ado, mais estomper les segmentations et
les cloisonnements entre genres, âges, types de documents...et
métisser les publics. Les fonds (3000 documents) sont
décloisonnés : la fiction (la littérature ado, chick
lit, classique, et contemporaine) côtoie les documentaires
adultes et jeunesse mêlés (offrant une
première approche de chaque discipline), DVD documentaires, livres
audios, albums susceptibles d'intéresser les ados voire les adultes,
presse (une trentaine d'abonnements), etc. Une douzaine de postes Internet sont
proposés. Les jeux consoles sont demandés et envisagés.
BM Auxerre :
Un pôle « Ados » a été
créé en 1984 sous l'impulsion de la municipalité et de
l'association de Lecture Jeunesse. 150 m2 sont aménagés dans la
salle Jeunesse mais celleci attire principalement des jeunes adolescents
dès la 6° et non les lycéens et jeunes adultes qui
préfèrent se rendre à l'espace adulte. Pour
l'aménagement de l'espace, la bibliothèque a opté pour des
couleurs vives et le confort. Les ados y trouvent des livres, des BD, des
revues et du multimédia. Le parascolaire a été
volontairement exclu de l'espace. En effet, le pôle « Ados »
est censé être un espace de détente et non de travail. Le
choix de mettre l'espace ado à proximité de celui de la jeunesse
permet également aux jeunes d'aller chercher des documents jeunesse sans
avoir l'impression de « déchoir ». Un groupe de
réflexion s'est constitué au sein de la bibliothèque afin
de mieux cibler le public. Les adolescents constituant 10% des inscrits, leur
avis sera pris en compte dans la réorganisation des espaces de la
bibliothèque.
Les résultats de l'enquête sont très
significatifs. Ceux qui sont pour : 78% des jeunes se positionnent en
faveur d'un espace dédié, surtout les pré-ados 11-14 ans
(notamment les filles).
Raisons évoquées :
· Il n'y a rien entre espace jeunesse et adulte.
· Pas envie d'être avec des adultes (dans un espace
sérieux) ni avec des enfants.
· Côtoyer des jeunes qui ont les mêmes
goûts, pour se retrouver entre eux, se distraire et discuter.
· Pour trouver facilement les documents qu'ils
cherchent.
· Dans un espace fermé ou un espace
décloisonné (pour circuler), un espace à l'image d'une MJC
(jeux, personnel jeune) ou d'un grand magasin (Fnac) = une bulle pour les
jeunes (avec des collections adaptées, un fond de livres
diversifié, des bornes d'écoute musicale et une ambiance
détendue).
Une nouvelle enquête menée cette fois par la
Bibliothèque Georges Pompidou107 est consacrée
à la fréquentation des bibliothèques par les jeunes
à l'heure d'Internet. Si l'image de la bibliothèque
apparaît << globalement positive >>, faisant l'objet d'un
<< consensus assez général, même chez les
non-fréquentants >>, l'étude met en évidence
<< une sorte de familiarité distante >>, parfois proche
d'une certaine indifférence. << En dépit des efforts des
bibliothécaires, les bibliothèques souffrent d'un déficit
d'image, résume Françoise Gaudet, responsable du service des
études de la BPI. Il y a une grande méconnaissance de ce qu'elles
sont et de ce qu'elles offrent >>108.
Pour les jeunes, les bibliothèques restent le lieu de
l'étude, du silence, voire de la contrainte. << La
médiathèque, c'est comme l'école. On a l'impression de
quitter l'école pour aller à l'école >>, regrette
ainsi Fahim, 17 ans. << Quand tu es là-bas, ils te disent : "Ne
fais pas de bruit." Trop de restriction, ça ne donne pas envie d'y aller
>>109.
L'étude s'intéresse aussi aux raisons du
<< décrochage >> des jeunes, au tournant de l'adolescence.
Parmi les raisons citées, on trouve le manque de temps, la perte du
goût de la lecture, les horaires d'ouverture incompatibles avec l'emploi
du temps scolaire, le choix d'autres sources d'information dont Internet et les
grandes surfaces généralistes. Pour leurs recherches, 73 % des
jeunes interrogés déclarent ainsi utiliser Internet, quand 43 %
font la démarche d'aller à la bibliothèque.
Au final, la bibliothèque reste un espace
marqué par l'étrangeté. Gaëlla, 17 ans, évoque
<< un environnement assez mystérieux >>. Hosni, 16 ans,
partage son désarroi : << J'ai eu une impression de vide, je ne
savais pas quoi faire, où aller, avec qui >>.
<< La bibliothèque est encore un outil
extrêmement complexe pour les jeunes, réagit Françoise
Gaudet. Nous devons avant tout rendre compréhensible cet univers qui
peut paraître hostile, mais un travail sur l'image des
bibliothèques paraît aussi nécessaire >>.
L'enquête suggère plusieurs pistes. Elle préconise de
replacer le jeune public au coeur de la vie des bibliothèques, avec une
offre plus diversifiée, la création d'instances lui permettant de
participer aux acquisitions et à la définition des programmes
d'animation, un accès facilité à l'informatique et
à Internet.
107 BPI, Enquête de la Bibliothèque du Centre
Pompidou, Les 11 - 18 ans et les bibliothèques municipales.
Paris, publiée en 2010, réalisée en 2009.
108 Ibid.
109 Ibid.
Nous avons vu que de plus en plus d'éditeurs jeunesse
créent des sites Internet et s'allient aux réseaux sociaux pour
la promotion de leurs romans ou collections. Cependant, derrière cette
cyberpromotion se cache aussi un moyen de mieux étudier son public, de
le comptabiliser, de le suivre et de comprendre ses goûts.
B. Internet devient un baromètre utile aux
éditeurs pour de futures publications.
1. Comptabiliser et comprendre le lectorat grâce
à Internet.
Génération Google, génération
zapping, les jeunes sont difficiles à suivre, à cerner et
à séduire. Internet va alors devenir un outil précieux
pour l'éditeur qui y trouve le moyen d'effectuer des études
marketing tant qualitatives que quantitatives. Grâce aux minis-sites,
blogs et réseaux sociaux, les éditeurs vont donc non seulement
suivre l'évolution de la popularité de leurs livres mais les
réactions des lecteurs.
Les études quantitatives peuvent être
effectuées via les sites, les blogs et les réseaux sociaux comme
Facebook. Les éditeurs peuvent ainsi savoir, grâce aux inscrits,
la fréquence des connexions à leurs sites, par jour, par semaine
etc. Ils ont aussi la possibilité de comptabiliser le nombre de nouveaux
inscrits. C'est un très bon indice sur ce qu'il reste à faire en
termes de promotion.
L'éditeur peut aussi s'aider des Like de
Facebook pour savoir si le livre ou les informations fournies satisfont les
lecteurs. Ce « J'aime » de Facebook est très utile puisqu'il
donne des informations tant quantitatives que qualitatives. Si 90% des
adolescents sont inscrits sur Facebook et y sont très actifs, on peut
alors croire qu'ils « aimeront » les pages concernant des auteurs ou
romans qu'ils ont appréciés. Par conséquent, les chiffres
obtenus d'après Facebook sont pris très au sérieux par les
services marketing des maisons d'édition.
Exemple avec la page Facebook de la collection Cherub chez
Casterman :
Des votes quantitatifs, tels que des Quizz, sont
effectués sur les sites et blogs des éditeurs. Les votes
permettent d'obtenir des informations précieuses car plus
ciblées. Fait de questions fermées telles que : « Quel livre
préférez-vous entre tel ou tel titre ? >> ou encore «
Avez-vous lu tel livre ? >>110, cette technique évite
aux éditeurs de faire appel constamment aux agences marketing externes,
habituellement très onéreuses.
Effectuer une enquête sur Internet comprend des risques
de biais. En effet, l'internaute pourra être influencé par l'avis
des autres internautes, si les sondages sont apparents, mais aussi par le
moment et l'endroit où l'internaute répondra au questionnaire.
Malgré ces biais, ces cybers études quantitatives rendent un
grand service aux éditeurs pour suivre l'évolution de leurs
ouvrages au sein du public et pour mieux comprendre ce qu'aime et souhaite ce
public.
Si l'éditeur souhaite réellement cerner ses
lecteurs, il sera conseillé de se tourner vers les cybers études
qualitatives.
Les études qualitatives seront plus facilement
effectuées sur les blogs et les sites que sur les réseaux sociaux
puisqu'elles demandent un développement, voire un débat
110 Op.cit. Annexe E. Captures d'écrans 2 et
3.
entre internautes. Les éditeurs vont donc animer des
groupes de discussions en posant une question ouverte telle que : « Donnez
nous votre avis sur... », « Pourquoi êtes-vous fan de...
», « Quel personnage préférez-vous dans tel livre ?
». Les internautes aiment participer à ce genre de débats
qui animent la communauté. Ils peuvent s'exprimer et participer à
la vie autour de leur livre. Cela concorde avec l'état d'esprit dans
lequel se trouve aujourd'hui les adolescents et jeunes adultes, libres de
s'exprimer sur leurs goûts et ressentis.
Ces études deviennent des échanges très
enrichissants. Les éditeurs instaurent une proximité avec leurs
lecteurs que seul Internet rend possible. Les lecteurs sont en demande d'une
écoute sincère et le fait de leur demander leurs avis et leurs
recommandations est un point fort en faveur de l'éditeur. Les lecteurs
s'expriment sur les déceptions qu'ils ont rencontrées au cours de
leurs lectures, sur les personnages qu'ils préfèrent. Ce dernier
exemple peut être utile si l'éditeur souhaite effectuer un roman
sur l'un des personnages secondaires d'un titre déjà
publié. Par exemple, on pourrait imaginer un livre sur les aventures
d'Hermione Granger après sa vie auprès d'Harry Potter.
Des études qualitatives sont parfois lancées au
sein de forums par les éditeurs mêmes. Censé être un
lieu réservé aux internautes, les éditeurs ont compris
qu'il était utile d'animer aussi cette plateforme d'échanges.
Les débats lancés par les éditeurs sont
une source d'informations qui vient à intéresser les concurrents.
Tous se rendent sur des plateformes dédiées aux romans ados afin
d'observer ce que font les autres éditeurs mais aussi afin de rencontrer
des publics qu'ils n'auraient pas. Ainsi, Céline Vial confie que le
service marketing de Flammarion Jeunesse se rend souvent sur les forums et
blogs de ses concurrents pour trouver de nouvelles idées et comprendre
ce qu'il reste à développer chez Flammarion. « C'est une
sorte d'espionnage industriel mais c'est légal et pas méchant.
Tout le monde le fait ! »111, dit-elle. L'éditeur se
crée un pseudonyme et participe aux discussions comme une adolescente le
ferait. Cela sous-entend qu'il adopte un vocabulaire d'adolescent et des
réactions d'adolescente. Les internautes sont en quelque sorte
manipulés mais cela reste inoffensif. On se demande tout de même
si certains éditeurs ne se rendent pas sur des
111 Op.cit. Annexe A, n°3.
forums, en se faisant passer pour des adolescentes, afin de
conseiller leurs romans... Si c'est le cas, les internautes n'ont qu'à
bien se méfier. Ce n'est pas faute de mettre en garde les internautes
sur les dangers d'Internet. Les pseudonymes et les avatars sont tels qu'on ne
sait jamais vraiment qui ce cache derrière une jolie photo.
Les sites Internet et les réseaux sociaux permettent
en outre de récolter l'avis des lecteurs. Les services marketing peuvent
s'en servir pour créer des Opérations Commerciales. Prenons
l'exemple de cet été où les forums se sont remplis de
discussions sur les romans << de plage >>. De ces discussions se
dégagent des tendances sur les thèmes, les genres, les styles
d'écriture, qui vont aider les éditeurs à améliorer
leur futur programme d'été ou à réfléchir
sur les possibles OPE commerciales à faire. Par ailleurs, les
questionnaires peuvent, tout simplement, nourrir les communautés
déjà existantes, ici on parle aux Happy Few.
Enfin, le Web permet aussi de pister ses utilisateurs.
Grâce aux adresses IP des ordinateurs, les éditeurs peuvent savoir
combien de pages ont été lues, lesquelles sont les plus
populaires, combien de temps les lecteurs s'y consacrent, s'ils y reviennent ou
non etc. C'est ainsi que les éditeurs savent si une page est
obsolète et inutile ou, au contraire, très en vogue. Dans ce
dernier cas, on pourra lui accorder plus d'espace et développer le
sujet. Tout est bon pour améliorer son service et ses produits. Ces
démarches sont marketing et uniquement marketing. Un éditeur ne
peut pas pratiquer ces techniques et se dire anti-marketing, ce serait une
vraie contradiction. Toutefois, sans tomber dans un marketing viral
incontrôlable, il est aujourd'hui important de se rapprocher de ses
lecteurs si ce n'est que pour les tenir informés et écouter leurs
commentaires. << Tout est mesurable sur Internet. Nous pouvons suivre
précisément l'impact d'une campagne >>112,
confirme David Pavie, Directeur des sites grand public chez Hachette Livre.
Comme l'a écrit Claude Combet, journaliste Livres Hebdo :
<< Sur le Net, où l'essentiel reste à inventer, toutes les
idées sont bonnes à prendre >>113.
112 SNE, Assises Professionnelles du Livre : A l'heure du
numérique. Institut océanographique de Paris - 21 octobre
2010.
113 Op.cit. Dossier
Montreuil.
LivresHebdos.fr
2. Quand Internet fait intervenir les jeunes dans la
création de contenus.
Internet a fait évoluer les esprits des professionnels
du livre jeunesse. Les éditeurs ont compris et accepté
l'intérêt des sites et des réseaux sociaux pour la
promotion de leurs ouvrages. Nous avons vu que le principe majeur est
l'interaction. Les internautes-lecteurs s'expriment et alimentent les
communautés. Les internautes sont donc des consommateurs car ils ne sont
pas passifs face à l'information. S'ils aident à la promotion des
livres qu'ils ont aimé, les internautes prennent aujourd'hui encore plus
de pouvoir, jusqu'à intervenir dans la création même d'un
livre. << A book is a place where readers - and sometimes authors,
congregate >>114(«Un livre est un lieu oil les
lecteurs - et parfois les auteurs se réunissent»), explique
Bob Stein, Directeur de l'Institute for the future of books, au Tool of Change
for Publishing en 2009. Les jeunes, difficiles à satisfaire ? Pourquoi
ne pas les laisser faire?
C'est en parcourant les sites anglo-saxons, Spinebreakers
et Inkpop, que l'on prend réellement conscience de ce
phénomène. En effet, le concept de Spinebreakers repose
intégralement sur la création. << Be Creative
>> est-il écrit sur la page d'accueil. Car sur ce site
l'adolescent et l'amateur sont rois. S'ils peuvent laisser des commentaires,
ils sont aussi sollicités par l'éditeur pour la création
d'illustrations de maquettes, pour le choix de titres, pour la création
de bandes-annonces officielles de livres etc. Les tests de couvertures
auprès des internautes sont très populaires aujourd'hui.
Flammarion et Hachette le pratique souvent. << Nous faisons bien plus que
Flammarion ! Le titre même du Tome 4 de Twilight a
été choisi par les internautes ! Nous faisons constamment des
tests couvertures, pour 16 Lunes ou pour un dernier qui va sortir
prochainement >>115 raconte Antoinette Rouverand. Mais il est
à noter ici que ce ne sont pas les internautes qui dessinent
l'illustration, ils ne font que voter pour leur
préférée.
C'est dans ce dernier point que les anglo-saxons se
démarquent. Spinebreakers fait entièrement confiance
à ses lecteurs au point d'utiliser leurs créations pour leurs
publications. Une rubrique << Creative >> est
proposée où sont listées les possibles participations des
internautes. Considérés comme des professionnels, les
internautes
114 Op.cit. Pascale Gendrey, in Quelle
stratégie numérique pour les éditeurs, cite Bob
Stein, 2010.
115 Op.cit. Annexe A, n°3.
peuvent ainsi envoyer leurs poésies ou nouvelles, des
vidéos et des musiques et des illustrations. Tous ces contenus seront
triés et sélectionnés pour être publiés sur
le site. Inkpop, le site créé par Harper Collins
Jeunesse, repose aussi sur ce concept. Son slogan, Make your Mark, est
très fort. L'internaute n'est pas là pour lire mais pour agir,
pour laisser une trace de son passage. << Read, Write, Connect
>> sont les trois actions qui animent le site Inkpop. Lire et
commenter ses lectures, écrire et publier ses textes sur le site et
enfin, se connecter à une communauté d'écrivains
amateurs.
Spinebreakers va même jusqu'à recruter
certains des internautes en qualité de reporters. D'ailleurs, la valeur
ajoutée du site est cet apport de la part des jeunes. Les sujets sont
frais, à la pointe de l'actualité et des tendances et les textes
sont toujours de très bons goûts. D'un coup de coeur pour un
auteur à un hommage au livre papier, les sujets sont variés,
correctement rédigés et solidement argumentés.
Spinebreakers réussit à ne pas tomber dans le simple et
le futile. Au contraire, ce site met en avant les qualités des
adolescents, leur engagement, leur motivation, leurs connaissances et leur
sérieux. On est loin des couleurs flashy et girly de
Lecture Academy. Lors de la conférence Through the looking
glass116, Anna Rafferty, responsable marketing jeunesse chez
Penguin, explique que Spinebreakers aide fortement à la
promotion des romans mais qu'il a aussi poussé les éditeurs
à vouloir entendre la voix des lecteurs. C'est ainsi que Penguin
Jeunesse organise souvent des réunions avec une dizaine d'internautes au
sein même de la maison d'édition. Internet a donc installé
une proximité devenue concrète et sincère. Les adolescents
présents aux réunions se voient proposés des manuscrits et
des illustrations qu'ils devront étudier et commenter selon leurs
impressions. << Est-ce que tel livre pourrait marcher auprès des
jeunes garçons ? >>, << Est-ce que cette couverture est
adaptée à la tranche d'âge visée ? >>,
<< Qu'avez-vous ressenti au cours de la lecture ? >>, voici des
exemples de questions auxquelles ils doivent répondre. Lors de ces
réunions, les ados conseillent, critiquent et disent parfois très
précisément ce qu'ils aimeraient lire... Anna Rafferty nous
confie avoir été très étonnée par les sujets
qui attirent les jeunes. L'économie, la planète, la politique
sont des sujets que les éditeurs auraient gardés pour la
littérature générale mais qui, après écoute
les retours des ados, passent en jeunesse. La littérature du
cross-age se fait ainsi.
116 Op.cit. Annexe B. Conférence.
Au cours de la Saison 1 du Printemps du Numérique,
organisée par Editis, Nicolas Cauchy, Responsable Internet chez Univers
Poche, a insisté sur la participation du lecteur. << Le lecteur
peut influencer ou participer à la création du contenu. Il se
sent valorisé, va travailler à la notoriété de son
travail (mettre en place son propre buzz au service de la marque, du livre ou
de l'auteur). Les autres lecteurs sont beaucoup sensibles à ce type de
création >>117, raconte-il dans sa présentation.
Nicolas Cauchy prend comme exemple le cas du blog 750 gr, une communauté
d'amateurs de bonnes recettes qui ont vivement critiqué un livre des
Editions Solar pour avoir présenté une recette au thon rouge.
Poisson en danger d'extinction, les internautes ont demandé que la
recette soit retirée, ce que l'éditeur a fait sans tarder.
Alors à la question << Est-ce qu'Internet donne
du pouvoir aux lecteurs au point d'influencer les publications? >>, nous
pouvons désormais répondre << Oui >>, malgré
les avis divergeants sur le sujet. Céline Vial considère que les
anglais sont moins frileux que les français mais qu'ils semblent,
cependant, moins attachés à la qualité littéraire
que nous le sommes. Marketing sur Internet voudrait-il dire marketing de masse
et par conséquent, mauvaise littérature, paralittérature ?
Céline Vial me répond que << non, pas forcément,
mais qu'il y a toujours un risque à vouloir écrire en fonction
d'un public, selon ses goûts ou pire, d'écrire pour faire le buzz
sur Internet >>118. L'édition française reste
encore sceptique par rapport à ce transfert de pouvoir vers les
lecteurs. Il est vrai que l'on pourrait rapidement tomber dans
l'écriture de commande, soustraire la spontanéité de
l'écriture qui fait de la littérature un art. Antoinette
Rouverand conçoit ce rapport aux lectorat comme un guide qu'il est bon
d'avoir à côté de soi pour ne pas faire fausse route et
perdre des lecteurs en chemin. Elle insiste sur le fait de refuser toute
commande d'éditeur, ce qui n'exclut pas l'écoute de son public.
Très intéressée par les réunions organisées
par Spinebreakers avec leurs lecteurs, Antoinette Rouverand raconte :
<< Nous ne le faisons pas encore mais il le faudrait. C'est vraiment
utile de travailler avec les jeunes sans le biais d'Internet qui peut
influencer les internautes entre eux >>119. Elle fera
peut-être d'Hachette le premier éditeur jeunesse français
à tenter l'expérience. Affaire à suivre...
Les éditeurs jeunesse, les libraires et les autres
professionnels du livre ados sont aujourd'hui confrontés aux digitals
natives. Par conséquent, ils vont devoir réapprendre à
117 Printemps du numérique, Saison 1 : Les
réseaux Sociaux.
118 Op.cit. Annexe A, n°2.
119 Op.cit. Annexe A, n°3.
communiquer avec les jeunes via Internet et les
téléphones portables. Les stratégies ne seront plus les
mêmes. Faire du socialnetworking et du webmarketing, demande de penser
différemment et d'éditer différemment.
C. Le roman ados et les outils numériques :
Promouvoir et vendre différemment.
1. La nouvelle promotion pour les adolescents : quelques
conseils pour devenir leur « ami >>.
Le socialnetworking et le webmarketing sont deux choses
distinctes. Les spécialistes du marketing du Net insistent fortement sur
l'importance de maîtriser le webmarketing dont le socialnetworking fait
partie.
· Le webmarketing :
Le webmarketing, ou marketing sur Internet, englobe les actions
menées sur :
- l'éditorial :
Constitution de catalogues de marques (sites), de collections
ou de titres (mini-sites). Ici, il est question de réfléchir sur
la campagne à mener selon si elle concerne un roman, une collection ou
une saga. David Pavie explique qu'en France, « Google renvoie 40% de
trafic vers les principaux sites d'informations et Facebook seulement 1%.
Tandis qu'aux États-Unis, Facebook génère 14% de trafic
des principaux sites d'informations et Google seulement 7%. Donc d'un cas de
figure à l'autre, l'apport des outils n'est pas le même
>>120.
- La publicité :
Achat d'espaces (médias et Google) et de
mots-clés (Google Search), partenariats et jeuxconcours. La
publicité online est très proche de celle du offline, cela prend
beaucoup de temps et coûte relativement cher.
120 Op.cit. Assises Professionnelles du livre.
L'éditeur pourra favoriser sa publicité en
achetant des espaces sur Google Search. Référencement payant, ces
espaces sont des liens sponsorisés qui permettent d'obtenir une
très bonne visibilité.
Des partenariats avec d'autres médias reviennent moins
chers et fonctionnent bien. Il peut s'agir d'un partenariat avec le site d'un
journal ou d'un magazine.
Le webmarketing conserve des formats proches du offline comme
l'affichage. La publicité sera par exemple affichée en fond
d'écran de la page d'accueil. Cette technique a un véritable
impact sur l'internaute puisque qu'elle capte son regard dès la
connexion.
Enfin, l'achat de mots-clés est absolument primordial
pour accroître sa visibilité. Pour cela, différentes
techniques sont données par Google. La dernière est celle de
Google Win/Win qui permet à la marque de faire des simulations d'achat
de mots-clés afin de savoir lequel aurait le plus
d'intérêt. Le logiciel donne des idées, fait un devis du
coût de l'achat et du nombre potentiel de clics sur une semaine. Enfin,
le logiciel permet aussi d'analyser la concurrence qu'aura le mot-clé.
Nicolas Cauchy parle de << méthode révolutionnaire
>>121, ce que l'on veut bien croire.
- La relation client :
Newsletter, emailing, animation des réseaux sociaux
(Facebook, blogs et autres).
Tout d'abord, les newsletters demandent beaucoup de travail.
Le contenu doit toujours apporter quelque chose au destinataire. Une newsletter
qui ressemblerait à de la publicité serait mal reçue. De
plus, << il convient de choisir un hébergeur homologué
capable de délivrer correctement de grandes quantités de mails
qui ne seront pas considérés comme des spams (critère de
<< délivrabilité >>) >>122, explique
Anne Assous.
Il en va de même pour l'emailing. Alors que la
newsletter est un << abonnement >> aux informations d'une marque,
l'emailing est un envoi groupé de mails à une certaine
quantité d'internautes pour une campagne ciblée.
Enfin, l'éditeur doit investir les réseaux
sociaux. En choisissant le socialnetworking, l'éditeur passe << de
la communication descendante à la conversation >>. FlickR,
Twitter, LinkedIn, Facebook et autres, sont des communautés qui
grandissent de jour en jour. << Facebook est souvent
désigné comme le 3e pays du monde avec 500 millions
d'habitants >>123, raconte David Pavie. S'en passer semble de
plus en plus difficile pour les
121 Printemps du numérique, Saison 2. Le webmarketing et
le livre. Nicolas Cauchy. 2011.
122 Op.cit. Assises Professionnelles du livre.
123 Ibid.
éditeurs. << Facebook a cet avantage de reposer sur
le ton du déclaratif ce qui fait de ce réseau une mine
d'informations pour tous professionnels du marketing » ajoute-il.
- Le référencement :
Le référencement se fait via différents
moyens. L'achat de mots-clés, l'affiliation à d'autres sites
(partenaires, Facebook, blogs...) en font partie. Afin d'améliorer son
référencement, l'éditeur peut utiliser Google Analytics
qui permet de calculer l'audience de son site web. Un éditeur qui
n'aurait pas beaucoup de moyens peut compter sur le référencement
naturel ce qui risque de le renvoyer loin de la première page Google. Un
bon référencement peut faire beaucoup pour le succès d'un
livre, d'une collection, d'un auteur ou d'un éditeur. Toutefois, il faut
souvent attendre plusieurs mois pour voir l'effet du
référencement.
Le webmarketing est un engagement à long terme
<< incontournable » pour Anne Assous. << Il y a une
génération de digitals natives qui va arriver à
l'âge adulte et à laquelle il faut répondre. 96% des jeunes
de 18 à 24 ans sont membres d'un réseau social »124
ajoute-elle. Il y a une véritable attente de la part des adolescents et
des jeunes adultes. La popularité des blogs de lecture pour ados, des
pages d'éditeurs jeunesse Facebook en est la preuve. Être
présent dans l'univers des jeunes est un devoir culturel pour les
éditeurs qui ne doivent pas croire que les gros lecteurs ne sont pas de
gros utilisateurs d'Internet. Au contraire, les jeunes d'aujourd'hui sont les
deux.
· Le socialnetworking :
Les réseaux sociaux sont des outils utilisés
quotidiennement par des millions de français. Pourtant, dès
qu'une marque décide d'y faire son entrée, des règles
précises, voire, une << philosophie », sont à adopter.
À l'origine lieux de partage, les réseaux sociaux sont
basés sur l'échange entre adhérents. Toute personne peut
décider d'entrer dans un réseau et de prendre la parole en toute
liberté. C'est parce que l'échange et la liberté sont les
fondements des réseaux sociaux que Facebook a eu raison de nommer ses
inscrits des << amis ». En effet, les internautes qui se mettent en
contact peuvent agir comme il le ferait dans la vie. Ils discutent, critiquent,
conseillent, jugent parfois mais le principal est qu'ils
124 Ibid.
soient présents et jouent le jeu de l'échange.
Ainsi, les marques, comme les maisons d'édition ou les auteurs, se
doivent d'adhérer eux aussi à ce concept d'échange et de
liberté. Traiter le << fans>> ou l'<< ami >> en
égal est une priorité. Plus important encore, l'ami ne souhaite
pas être considéré comme un consommateur, comme une part de
marché. Nicolas Cauchy explique lors de son intervention au Printemps du
numérique, que l'éditeur doit à tout prix << se
méfier des messages trop publicitaires >>. La motivation de
l'éditeur en s'inscrivant dans les réseaux sociaux ne doit pas
être celle de vendre mais de s'engager auprès de ses lecteurs.
Utiliser les réseaux sociaux est un investissement continu, à
temps réel. Il faut animer les pages, réactualiser les
informations, répondre aux lecteurs et surtout tenir compte de leurs
commentaires. Si entre amis il est facile de s'écouter les uns les
autres, il paraît parfois peu naturel pour une marque de prendre en
compte les conseils d'amateurs. Un tel comportement ferait vite basculer
l'éditeur dans la ligne de mire des internautes qui ne se retiennent pas
pour exprimer leur mécontentement. L'éditeur doit voir son
lecteur, non pas comme un amateur mais comme un ami. C'est pourquoi
l'éditeur va devoir adapter son discours. Il doit bannir le langage
publicitaire mais il doit aussi adopter un langage et un comportement similaire
à celui de ses << amis >>. Toutefois, l'éditeur doit
garder le contrôle de la situation. Malgré << l'esprit Web
>>, il faut continuer à être professionnel, c'est un
équilibre à faire attentivement. S'il n'est pas là pour
vendre, l'éditeur peut, par contre, servir l'image de sa marque
grâce à une bonne communication.
Une bonne communication repose sur une éthique toute
simple que Nicolas Cauchy décrit en quelques points : <<
Fidéliser, alerter, immerger >>125.
Les actions pour suivre cette éthique peuvent être
résumées comme suit :
L'éditeur doit absolument mettre des contenus de
qualité. Les << amis >> sont des initiés qu'il ne
faut jamais sous-estimer. Leur donner des informations en
avant-première, par exemple, est un témoignage de reconnaissance.
Il faut installer une relation de confiance privilégiée. Nicolas
Cauchy emploi le terme de << désintermédier la
communication >>126.
<< Solliciter régulièrement ses lecteurs
pour créer une relation pérenne >>127.
125 Op.cit. Printemps du numérique Saison 1.
Les réseaux sociaux.
126 Ibid.
127 Ibid.
L'éditeur doit accepter les commentaires
négatifs bien que ceux-là puissent blesser. C'est souvent pour le
bien de la marque que « l'ami » prendra le temps de faire un
commentaire négatif. Il faudra donc en tenir compte et même
remercier l'internaute de sa remarque. Il faut toujours renforcer le lien de
confiance.
Investir les réseaux sociaux est une action dans la
durée. L'éditeur ou l'auteur n'aura pas intérêt de
s'arrêter en cours de route au risque de décevoir des internautes
et ainsi, de perdre des lecteurs.
Permettre aux internautes de devenir des créateurs de
contenus. En plus des commentaires, les « amis » doivent pouvoir
partager leurs créations avec leur « ami » éditeur. Une
vidéo pour un roman, une bande-son, une illustration ou une fanfiction,
tous les contenus devraient être reçus par l'éditeur, comme
nous l'avons vu avec le cas de Penguin Jeunesse avec le site
Spinebreakers. Des éditeurs et auteurs français ont
d'ailleurs entrepris d'effectuer des publications collectives à l'aide
d'internautes. Nous avons tous entendu parler du projet d'Anna Gavalda, en
partenariat avec Facebook et France Loisirs, basé sur le thème du
cadavre exquis. Sur Facebook, l'auteur publie les pages de son roman dans son
avancement et à sa droite, une page blanche est laissée aux
internautes pour toutes interventions. Ils peuvent intervenir sur l'action d'un
personnage, conseiller une aventure etc. Au bout d'un certains temps,
l'internaute ayant obtenu le plus de votes voit son idée être
intégrée au récit de l'auteur et cela jusqu'à la
fin du roman.
Il est important que l'éditeur
réfléchisse au préalable sur la pertinence d'un
média par rapport à l'action qu'il souhaite mener. Un lancement
100% numérique est possible mais tout dépend du produit.
Dernièrement, Univers Poche a expérimenté le lancement
numérique de la trilogie Hunger Games. Roman ados - jeunes
adultes, le lancement Internet n'a posé aucun problème.
Complétée par quelques affichages sur des bus et autres, la
campagne a eu un impact très fort chez le jeune public. Sites, blogs,
pages Facebook, Twitter, Hunger Games a envahi la Toile et
l'éditeur ne cesse d'alimenter ses réseaux. Dans une nouvelle
étude présentée lors de la seconde saison du Printemps
Numérique d'Editis, Nicolas Cauchy distingue le comportement des jeunes
adultes à celui des adultes. Les adultes voient le webmarketing comme
« un contenu accessible autour de repères
référents tels que la marque, l'auteur ou
l'éditeur >>128. Face à cette simplicité,
les jeunes adultes se présentent comme une cible exigeante mais
accueillante. Selon eux, << le webmarketing doit être des contenus
multimédias accessibles tout le temps et partout
>>129.
Les éditeurs français sont encore peu nombreux
à utiliser Facebook à bon escient. La première raison est
le travail supplémentaire que cela implique. La seconde est, selon
Nicolas Cauchy, << l'acceptation différente de la manière
de parler du livre >>. Internet modifie notre manière de
communiquer et de s'informer. L'accès à la culture et sa
réception sont altérées ou pourrait-on dire,
évolues. Il est parfois difficile pour un éditeur
français, encré dans la tradition éditoriale de longue
date, de voir ses ouvrages promus tels des films hollywoodiens. Par ailleurs,
Internet a fait basculer l'équilibre d'origine du monde éditorial
de l'offre qui crée de la demande. Chris Anderson, dans son livre
Longue traîne130, définit deux règles :
<< Make everything available >> (rendre tout disponible)
et << Help me find it >> (aidez-moi à le
trouver).
Tout dépend du positionnement de la maison
d'édition, de l'image qu'elle souhaite renvoyer. Il restera toujours
quelques irréductibles, qui préserveront les anciennes techniques
de promotion face à la folie du webmarketing.
Le webmarketing vient donc modifier les investissements
publicitaires, la relation aux lecteurs, la manière de valoriser les
marques et de piloter les investissements. C'est un travail qui touche autant
la communication et le marketing que l'éditorial. Tandis que certains
éditeurs réussissent tant bien que mal à entreprendre des
campagnes webmarketing, d'autres, dont les budgets le permettent,
préfèrent créer des postes leur étant
entièrement dédiés. Agence de webmarketing en free lance
ou community manager en interne, de nouveaux métiers naissent de la
révolution numérique éditoriale.
128 Op.cit. Printemps du numérique, saison 2. Le
webmarketing et le livre.
129 Ibid.
130 Anderson Chris, La longue traîne : la nouvelle
économie est là, Ed. Pearson Education, Paris, 2007.
2. Le community management, l'avenir de la promotion du
livre et de l'éditeur.
Le community manager est le porte-parole d'une ou plusieurs
marques. Né de la révolution numérique, le community
management consiste à soutenir des stratégies marketing sur
Internet via les médias sociaux. Le webmarketing est une tâche
chronophage. Il faut construire une relation de qualité et durable avec
les internautes. Pour cela, le community manager doit bien connaître la
marque pour laquelle il travaille afin de pouvoir répondre à
toutes les questions éventuelles des internautes. De plus, une veille
continuelle des nouveaux réseaux et de leurs évolutions est
à faire. Le community manager doit être à la pointe de la
technologie, il doit anticiper les idées des internautes.
Il n'existe encore que très peu de formations pour le
métier de community manager. L'école de commerce de l'INSEEC
propose, à Bordeaux, un Master de Web Community Management et
Réseaux Sociaux qui semble complet et en adéquation avec les
besoins des entreprises. Toutefois, la majorité des community manager
actuels sont des autodidactes, des passionnés du numérique et de
la communication sur réseaux sociaux. La majorité d'entre eux
sont effectivement des jeunes diplômés appartenant à la
génération de digitals natives. Ces jeunes sont de grands
utilisateurs d'Internet et de ses différentes formes de communication
dont les blogs et Facebook. Ils connaissent le langage technique d'Internet,
les outils de cyberpromotion et sont aussi conscients des différents
profils des internautes, de leurs envies et de leurs comportements. En tant
qu'utilisateur, ils savent ce que les marques doivent bannir afin de ne pas
perdre une clientèle. Le community management n'est pas un jeu, c'est un
véritable métier. Il ne suffit pas de surfer sur les
réseaux sociaux. Son objectif est de laisser une trace positive de la
marque sur le client. Pour cela, << le community manager doit être
incitatif, interactif, attentif et intéressant >>131.
La qualité d'une communauté ne se calcule pas en nombre de
<< fans >>. Il vaut mieux privilégier les échanges
constructifs de qualité plutôt que de faire la course à la
popularité. << Il faut donner les bonnes raisons à
l'internaute de transmettre de l'information et de vouloir communiquer avec
d'autres >>132, explique Anne Assous. Pour Nicolas Cauchy,
<< ce sont les personnes qui font ou non le succès d'une marque
sur les réseaux sociaux >>133. On parle
131
ConseilsMarketing.fr : Le
Community Management, un nouveau métier I 04.02.2011.
132 Op.cit. Assises Professionnelles du livre.
133 Ibid.
aujourd'hui de l'e-réputation d'une marque qui doit
être défendue par le community manager. L'enjeu est donc tel qu'il
est préférable de choisir avec grande attention celui ou celle
qui la représentera. Les maisons d'édition ont le choix entre
créer un poste de community manager en interne et celui de travailler
avec une agence externe.
- En interne :
Les deux géants de l'édition française,
Hachette et Editis, développent aujourd'hui des services de community
management en parallèle à leurs services marketings. Les
avantages d'un community manager en interne sont multiples. Il adhèrera
plus facilement aux objectifs de l'éditeur et à l'image de marque
à défendre. Il pourra suivre l'évolution des projets au
cours de réunions internes, être en lien constant avec
l'éditeur et le service marketing et peut-être même guider
les éditeurs dans leurs politiques éditoriales. De plus,
travailler en interne peut accentuer l'engagement du community manager envers
l'éditeur qu'il représente. En effet, il ne sera pas
partagé entre plusieurs clients et sera entièrement
dévoué à son entreprise. Il est certain qu'un
éditeur qui mise beaucoup sur les réseaux sociaux comme Pocket
Jeunesse, aura intérêt à avoir son propre community manager
plutôt que de faire appel constamment à une agence free-lance qui
reviendrait très cher.
- En externe :
Pour les éditeurs qui utilisent les réseaux
sociaux pour quelques grandes campagnes, les agences de communication sont
encore la meilleure solution, ou devrait-on dire, « étaient »
la meilleure solution. En effet, les éditeurs ont longtemps fait appel
aux agences de communication pour déléguer de grosses campagnes
promotionnelles. Services onéreux, les agences de communication ont
l'avantage d'avoir le recul nécessaire sur le produit pour faire un
travail adéquat avec la clientèle ciblée. De plus,
entièrement dédiée à une campagne et non au soutien
de tout un catalogue, l'agence pourra y accorder plus de temps et obtenir un
résultat plus approfondi et plus propre. Le problème toutefois
reste qu'une agence de communication n'est pas toujours une agence de
webmarketing et qu'elle peut donc présenter des lacunes en termes de
stratégies numériques. Par ailleurs, une agence de webmarketing
ne sera pas spécialisée dans le monde du livre, ce qui peut poser
problème quant à la communication envers les lecteurs. La
promotion d'un produit culturel n'est pas à traiter comme un produit
purement commercial.
Face à ce dilemme, une agence devient
particulièrement intéressante.
Cinquième de Couve est une agence de conseil en
communication et marketing sur Internet spécialisée dans
l'édition du livre qui travaille tant avec les éditeurs qu'avec
les auteurs. Services, conseils et techniques, Cinquième de Couve veut
assurer à son client une présence à 360°, en alliant
au marketing direct un marketing cross-médias. Les services
proposés aux éditeurs sont très complets allant du simple
référencement à la prospection ciblée ou à
la conception de produits dérivés. Concernant les auteurs, les
services sont aussi très réfléchis : blogs,
e-réputation, site communautaire privé, vidéos ou
applications I Phone. Toutes les sortes de livres sont traitées. Il peut
s'agir d'un roman, d'un beau-livre ou d'une bande-dessinée. Pour chaque
genre, un panel de services sera conseillé. L'agence veut éviter
aux éditeurs de se perdre dans les méandres du numérique
et ainsi, de ne pas maîtriser leur image et leur promotion. <<
Il faut externaliser ces services. Il est clair que ce n'est pas le travail
d'un éditeur que de faire des lancements marketing numériques, de
faire du community management. C'est un monde très vaste et il faut le
connaître parfaitement et y être entièrement
consacré >>134, explique Laurent Bouvier,
responsable à l'agence. Cinquième de Couve ne se contente donc
pas de lancer une promotion numérique. L'agence peut endosser le
rôle de community manager durant l'année qui suit le lancement,
selon le succès du livre ou de la collection. En effet, le plus
intéressant pour l'agence sont bien les collections qui demandent plus
de travail qu'un simple one shot, sans oublier les sagas. Aujourd'hui
phénomènes littéraires mondiales, elles permettent de
construire un véritable monde numérique parallèle au
livre. << La trace numérique >>135, dont parle
Laurent bouvier reste toutefois un avantage certain pour n'importe quel livre
puisqu'elle favorise un potentiel succès à retardement.
Promotion devient rapidement animation, création et
même récréation. Sites compagnons, réseaux sociaux,
applications et même quelques trailers sont proposés dans
des limites budgétaires très intéressantes. En effet,
Laurent Bouvier insiste bien sur sa volonté d'offrir des prestations
accessibles tant aux gros éditeurs qu'aux petits. << Avec 200
euros, on peut faire quelque chose de très bien sur Internet alors
imaginez pour 15 gros titres à l'année, ça ne revient pas
si cher >>136. L'agence ne souhaite pas réserver
le marketing aux gros budgets. L'avantage d'Internet c'est bien son coût,
assez bas en création de site et en maintenance.
134 Annexe A, n°6. Entretien avec Laurent Bouvier,
responsable de l'agence Cinquième de Couve.
135 Ibid.
136 Ibid.
L'agence a aussi un système de statistiques permettant
de suivre les évolutions des audiences. Tous les quinze jours ou tous
les mois sont envoyés les bilans de popularité des sites
développés par l'agence. Cinquième de Couve peut aussi se
greffer sur des sites déjà en fonctionnement, anciennement tenus
par les éditeurs.
Un service, un peu plus éloigné du livre est
proposé, celui des produits dérivés.
· Dédicaces autour de jeux concours : celui qui
gagne le jeu, gagne une dédicace de l'auteur.
· Gestion des tirés à part : Les
tirés à part sont un relais de croissance potentiel pour les
éditeurs. Organisation de la prospection et de la commercialisation des
tirés à part auprès des entreprises potentiellement
intéressées par ce genre de produit.
· Gestion des tirages photographiques en série
limitée : lors du lancement d'un beau livre, des tirages photographiques
en série limitée peuvent être des supports efficaces pour
organiser une campagne de marketing direct.
Cinquième de Couve espère pouvoir convaincre
les éditeurs que le marketing n'est pas « sale »137
et qu'il peut faire un bon travail. Encore considérée comme la
bête noire dans le monde littéraire, Laurent Bouvier est conscient
qu'il faut rassurer les éditeurs, surtout à l'heure de tous ces
bouleversements que subit l'édition. Il faut leur montrer que leurs
livres ne seront pas traités comme des produits agro-alimentaires. Pour
Laurent Bouvier, le marketing a fait ses preuves dans le cinéma et
l'édition a encore beaucoup de retard de ce côté-là.
L'émergence de nouveaux médias est telle que le livre se doit
d'exister comme une marque et ne doit plus se contenter d'un seul média,
celui de l'imprimé.
Ouverte depuis un an, l'agence est en pleine prospection et a
déjà signé des contrats avec les éditions de La
Martinière et les éditions Plon. L'esprit littéraire qui
habite Cinquième de Couve réussit à séduire les
éditeurs. En effet, l'agence a construit son équipe dans la
diversité des parcours professionnels et académiques. Le
community manager de Cinquième de Couve devra absolument avoir des
connaissances littéraires et des compétences en édition du
livre. Promouvoir un produit culturel demande qu'on le connaisse et qu'on
l'apprécie tout particulièrement. C'est ce qui fait la valeur
ajoutée de cette petite agence.
137 Ibid.
Conclusion
La littérature ados et jeunes adultes a
été marquée par le succès triomphant d'Harry
Potter. Le petit sorcier est venu modifier toute la chaîne de
l'édition jeunesse, installée dans ses traditions
pédagogiques et prescriptives. Les jeunes s'emparent des romans grands
formats, la peur de cet acte solitaire s'évapore pour faire place
à une frénésie. Les éditeurs, en voyant ce lectorat
s'éveiller, vont prendre conscience que des centaines de
possibilités se dessinent devant eux. Plaire aux jeunes n'est pas une
tâche aisée et les éditeurs acceptent de revoir leurs
politiques éditoriales ainsi que leur image de marque. Ainsi, des
collections entières sont relookées, arrêtées et
créées. L'édition jeunesse, en étudiant de plus
près ces jeunes lecteurs, a remarqué l'influence grandissante
d'Internet et du téléphone portable. Les jeunes communiquent sans
cesse, sur tout et à propos de tout. Des communautés se
créent autour de passions communes dont évidemment, la
littérature. Ainsi, la prescription traditionnelle des professionnels du
livre et des parents s'estompent pour laisser la place à la prescription
des pairs. Les jeunes s'influencent les uns les autres, ils
préfèrent s'écouter plutôt que d'écouter les
marques dont ils doutent, légitimement, de l'honnêteté.
C'est ainsi que les jeunes prennent du pouvoir aux éditeurs. Les
lecteurs et même les non-lecteurs vont sur le Net pour exprimer leurs
envies. Envie d'un nouvel Harry Potter, envie de frissons,
d'aventures, d'une histoire fantastique sans fin... Les blogs, les forums et
les réseaux sociaux comme Facebook deviennent de véritables
plateformes de discussions littéraires. Les internautes commentent,
critiquent et conseillent les éditeurs sans se soucier si ceux-là
écoutent ou non. Pourtant, les éditeurs écoutent et
enquêtent. Ces jeunes, issus de la génération Google, de la
génération « zapping », savent se faire entendre et
intéressent les éditeurs qui voient en eux l'occasion de se
renouveler et de lâcher prise. Les digitals natives obligent les
éditeurs à comprendre Internet et ainsi à adhérer
aux nouvelles techniques de communication. L'ère numérique a
commencé, elle n'est plus un projet, une possibilité. Par
conséquent, s'initier au webmarketing et au socialnetworking
paraît l'une des premières choses à connaître avant
même de penser produire des livres numériques. Les éditeurs
jeunesse se sont donc aventurés dans la communication et la promotion
online en créant des mini-sites dédiés, des pages Facebook
ou des blogs. Ils ont compris que les internautes-lecteurs réclament une
interactivité. La passivité est exclue. L'éditeur doit
nourrir constamment ses sites de nouvelles informations (vidéos, photos,
extraits...). Un véritable travail supplémentaire de
création de contenus est
ajouté au travail d'origine de l'éditeur. Il
faut animer des quizz, organiser des jeuxconcours, répondre aux
internautes et pour cela, lire leurs commentaires. Les services marketing voit
aussi leur travail doubler, du offline au online, la communication se
complexifie. Le marketing traditionnel devient rapidement du marketing viral
que les éditeurs ont du mal à contrôler. Les internautes
s'emparent des informations des professionnels pour animer leurs discussions
d'un site à un autre. Faire remonter l'impact d'une campagne
promotionnelle sur le Net peut paraître impossible aux éditeurs
qui n'ont pas encore toutes les techniques pour maîtriser leur travail.
De cette demande découle la création d'un nouveau métier,
très en vogue aujourd'hui, celui de community manager.
Chargé d'animer les communautés sur le Net, le
community manager est un poste entre responsable marketing, éditeur et
attaché de presse. Il veille au bon déroulement de la campagne
Internet, tisse des liens forts avec les internautes et étudie l'impact
de la campagne. La responsabilité du community manager est très
lourde. La e-réputation d'une marque peut être rapidement
entachée si le community manager ne fait pas correctement son travail.
C'est pourquoi ces postes attirent plus particulièrement des jeunes
personnes, initiées au numérique ainsi qu'à la
communication via les réseaux sociaux. Il est bon signe pour les futures
générations que l'édition s'ouvre sur de nouveaux
métiers. Le dynamisme actuel qui habite les maisons d'édition
doit être mis au service de la création. Internet est venu
modifier notre communication mais aussi nos liens avec la culture. Les
adolescents et jeunes adultes ont compris qu'Internet peut leur permettre de se
faire entendre auprès des marques. L'édition de
littérature jeunesse, qui ne connaissait que la devise : <<
L'offre crée la demande » doit aujourd'hui s'habituer à
<< La demande crée l'offre ». Et si la demande ne crée
pas totalement l'offre, elle l'influence beaucoup.
Alors, à la question : << Dans quelles mesures
les nouvelles technologies, dont principalement Internet, prises comme armes
marketing littéraire, ont-elles participé à imposer le
roman pour adolescents sur le marché éditorial ? », nous
pouvons désormais répondre que les nouvelles technologies
participe grandement au succès actuel du roman ados. La reconnaissance
de cette littérature n'est pas encore totale au sein du monde du livre,
qui la relègue souvent au stade de littérature de divertissement.
Pourtant, les chiffres
reflètent un changement d'esprit138 au sein
de la population de lecteurs français. Si les bestsellers sont en
majorité des sagas anglo-saxonnes, certains éditeurs publient des
romans ados - adultes français, originaux, engagés et de
qualité littéraire similaire à la littérature
générale. Comme cette dernière, la littérature
jeunesse est faite de différents styles pour les goûts de chacun
mais elle mérite une reconnaissance absolue de littérature
à part entière.
De là, nous pouvons aussi répondre à la
question : << Comment le roman pour adolescents permet à
l'édition de se renouveler grâce à un lectorat qui
s'affirme largement dans le paysage culturel avec des pratiques innovantes ?
».
Les jeunes lecteurs ont attiré les éditeurs sur
la Toile et les ont obligés à revoir leurs politiques
éditoriales et leurs stratégies marketing. Les digitals natives
ont fait entrer l'édition, et non seulement l'édition jeunesse,
dans une nouvelle ère. La communication n'est plus autoritaire et
descendante mais horizontale. Les internautes-lecteurs communiquent avec les
éditeurs, ils les remercient, les guident et parfois les critiquent. De
véritables échanges se font grâce à Internet.
L'interactivité réclamée par les jeunes inspire les
éditeurs. Bayard prouve, avec Cathy's Book et Skeleton
Creek, que le livre imprimé regorge de possibilités avec le
soutien des technologies. Il ne s'agit plus seulement de promotion mais de
relation et de création. Du livre papier interactif on imagine
déjà ce qu'un livre numérique pourra contenir.
Échanges instantanés sur un paragraphe, annotation d'une phrase,
envoi d'un extrait à un ami etc.
L'éditeur doit évoluer, devenir marketeur,
community manager et << ami » des lecteurs. Le roman ados a
relevé un challenge que la littérature générale
commence à peine à toucher du doigt. Car si quelques
éditeurs et auteurs de paralittérature générale,
comme Guillaume Musso et Marc Levy, ont depuis longtemps leur site et leur
blog, ce n'est que récemment que les maisons d'édition de
littérature générale comme Gallimard se lancent. Les
éditions du Seuil, Flammarion, Plon et beaucoup d'autres n'ont encore
rien développé sur Internet. Pourtant, viendra un jour où
les jeunes lecteurs, les digitals natives seront adultes et se tourneront vers
la littérature générale. Que se passerait-il si les
éditeurs n'étaient pas au rendez-vous ?
138 Op.cit. Annexe D. Etudes GfK : Courbe de
saisonnalité des sorties caisse GfK des romans ados de janvier à
juillet 2010 et 2011 en chiffre d'affaires, avec et sans l'effet
Twilight.
L'édition du livre se modifie et il peut être
difficile de prendre assez de recul pour comprendre les évolutions et en
tirer des leçons. Par conséquent, les éditeurs doivent
s'entourer de personnes aptes à les conseiller et les guider. Reculer ne
servirait à rien. L'édition ne sera en danger que si les
éditeurs ne se préparent pas aux futurs changements que les
nouvelles technologies engendrent. Le passage au numérique ne se fera
que si tous les acteurs de la chaîne du livre s'y mettent à leur
tour. Comme nous l'avons vu pour la littérature ados - jeunes adultes,
certaines librairies et bibliothèques ont déjà
adopté Internet afin d'améliorer leur communication et favoriser
la diffusion de la culture. Internet va rendre plus accessible la lecture
à ceux qui n'avaient pas les moyens ou les reflexes de s'y
intéresser. C'est un devoir pour les éditeurs, en tant que
passeurs d'art et d'idées, que d'investir cet outil et de le
maîtriser parfaitement.
La ville de Paris et l'organisme Region Innovation Lab ont
décidé de créer le laboratoire de l'édition
numérique. En plein coeur du Quartier Latin, un immeuble de 500m2 sera
entièrement consacré à l'avenir du livre
numérique.
À la fois incubateur de projets innovants et
plateforme d'informations et de rencontres sur les mutations du secteur, le
Labo de l'édition va accompagner les acteurs traditionnels dans leur
adaptation aux enjeux du numérique. Son objectif est aussi d'aider les
jeunes éditeurs à croître et à trouver leur
pérennité professionnelle. Piloté par Lyne Cohen-Solal,
adjointe au Maire de Paris chargée du Commerce, de l'Artisanat et des
Métiers d'art et par Jean-Louis Missika, adjoint au Maire de Paris
chargé de l'Innovation, de la Recherche et des Université, le
Labo aura également pour vocation de s'ouvrir au grand public et de
contribuer ainsi à la diffusion de l'information sur les nouveaux
supports et nouveaux usages.
Trois objectifs seront déterminants pour le rôle
que ce labo veut endosser :
· accompagner les professionnels du livre, libraires et
éditeurs indépendants désireux d'accéder au
marché numérique.
· soutenir les projets innovants du secteur de la librairie
et de l'édition numérique.
· mutualiser des compétences, des espaces de
réunion, de travail, de convivialité, des outils (réseau
internet haut débit, banc d'essai multi supports du livre
numérique, local d'enregistrement audio).
Ce projet est signe d'un réel besoin de formation
auprès des acteurs de la chaîne du livre. Si le livre papier a
encore beaucoup de temps devant lui, les techniques de ventes, de promotion, de
distribution et de diffusion vont peu à peu se
dématérialiser. C'est grâce à ses jeunes lecteurs,
issus de la génération numérique, que l'édition
jeunesse a pu anticiper ces modifications. Il est certain que l'avenir de
l'édition sera fait de surprises. Toutefois, nous pouvons encore nous
demander qui, entre les éditeurs et les lecteurs, nous surprendra le
plus ?
Bibliographie
I/ Ouvrages généraux sur le livre et
l'édition
· BASCLE-PARANSKY Laurence et PRIEUX Max, Le Marketing
du livre, tome 2,
promotion et outils de communication. Ed. Cercle de
la librairie, Paris, avril 2010.
· MOLLIER -Jean-Yves, Oil va le livre ?, Ed. La
Dispute, Paris, avril 2007.
· SANTANTONIOS Laurence, Tant qu'il y aura des
livres. Ed. Bartillat, Paris, 2004.
II/ Ouvrages sur la littérature jeunesse et
ados
· BAUDELOT Christian, Et pourtant ils lisent, Ed.
Seuil, Paris, 1999.
· DELBRASSINE Daniel, Le roman pour adolescents
aujourd'hui : écriture, thématique et réception. Ed.
CRPD Académie de Créteil, 2006.
· JEAN-BART Alain et THALER Danielle, Les enjeux du
roman pour adolescents. Ed. L'Harmattan, Paris, 2002.
· LARTET-GEFFARD Josée, Le roman pour ados, une
question d'existence. Ed. du Sorbier, Paris, 2005.
· NOESSER Laura, Le livre pour enfants (1900-1950) in
Histoire de l'édition française tome IV. Ed. Promodis,
Paris, 1986.
· PERRIN Raymond, La littérature jeunesse et
presse des jeunes au début du XXIème siècle. Ed.
L'Harmattan, Paris, réédition 2008.
III! Ouvrages sur le numérique
· ANDERSON Chris, La longue traîne : la nouvelle
économie est là, Ed. Pearson Education, Paris, 2007.
· PALFREY John, Born Digital, Basic Books,
2008.
· PRENSKY Marc, Teaching digital natives, Corwin
Press, 2010.
IV! Enquêtes et études
· DONNAT Olivier, Les pratiques culturelles des
français à l'ère du numérique, Ed. La
Découverte, Paris, 2009.
· OCTOBRE Sylvie, Pratiques culturelles chez les jeunes
et institutions de transmission : un choc de cultures. DEPS, janvier
2009.
· PATINO Bruno, Rapport sur le livre
numérique, Ministère de la culture, Paris, juin 2008.
· University College of London. The Google
Generation. Information behaviour of the researcher of the
future, 11.01.2008.
· Ministère de la culture et de la communication :
L'édition Jeunesse. Enquête et Dossier 2009.
· Etude IFOP. Observatoire des Réseaux
Sociaux. Janvier 2010.
· Etude CONSOJUNIOR, Quand les digitals natives
s'informent ! mars 2009.
· Enquête de la Bibliothèque du Centre
Pompidou, Les 11 - 18 ans et les bibliothèques municipales.
Paris, publiée en 2010, réalisée en 2009.
V/ Revues
· EZAN Pascale, Le phénomène de
collections comme outils marketing à destination des enfants.
Décisions Marketing, n°29, janvier - mars 2003.
· LECTURE JEUNE, Culture numérique : Nouveaux
espaces d'expression et de création des adolescents. N°133,
Paris, mars 2010.
· LECTURE JEUNE, Les jeunes adultes et la
littérature. N° 137, Paris, mars 2011.
· LECTURE JEUNE, Cultures adolescentes.
N°125, Paris, mars 2008.
· LECTURE JEUNE, Le marketing, un savoir-faire au
service de la lecture ? N°103, Paris, septembre 2002.
· ESPRIT, L'imaginaire mondialisé de la
littérature jeunesse. Paul Garapon, Paris, mars - avril 2002.
VI/ Thèse et conférences
· EZAN Pascale, Les stratégies de marque sur
la blogosphère adolescente: illustration à travers le cas
Hatier, 11th International Congress on Marketing Trends, Paris, 2011.
· GENDREY Pascale, Quelle stratégie
numérique pour les éditeurs de livres ? MBA Marketing &
Commerce sur Internet, sous la direction de Vincent Montet, Institut Leonard de
Vinci, 2010.
· SNE, Assises Professionnelles du Livre : A l'heure du
numérique. Institut océanographique de Paris - 21 octobre
2010.
· SNE, Conférence Que lisent les adolescents
? Toulouse, 2007.
· PRINTEMPS DU NUMERIQUE, Saison 1 : Les réseaux
Sociaux. Saison 2 : Le Webmarketing et le livre. Nicolas Cauchy,
Paris, 2010/2011.
· SUPEDIT, Conférence, A qui s'adresse le
livre jeunesse ? Adultes, jeunes adultes, prescripteurs...quels sont les
publics du livre pour enfants ? Bibliothèque Buffon, Paris, 16
avril 2011.
VII/ Webographie
· L'
Express.fr : Chronique François
Busnel, le 24.11.2010
http://www.lexpress.fr/culture/livre/lisez-jeunesse
939382.html
· L'
Express.fr : Les ados : Et pourtant
ils lisent ! 01.12.2006.
·
Stratégie.fr :
Génération Zapping, 26.02.1999
http://www.strategies.fr/etudes-tendances/dossiers/r6335/generation-zapping.html
·
Stratégie.fr :
Génération Digital Natives, 22.04.2010
http://www.strategies.fr/etudes-tendances/dossiers/137361/generation-digital-
natives.html
· Figaro.fr : Le Roman ados : un nouveau genre ?,
27.11.2008, François Bouchon
http://www.lefigaro.fr/livres/2008/11/27/03005-20081127ARTFIG00526-le-roman-
pour-ado-un-nouveau-genre-.php
· Nouvel
Observateur.fr : Faut-il kiffer
la littérature ados ?, Entretien de Tibo Bérard par Jonathan
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