WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le droit d'asile et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

( Télécharger le fichier original )
par Clémentine PLAGNOL
Université Montesquieu Bordeaux IV - Master II droit communautaire et européen 2012
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Paragraphe 2. Une protection assurée par une jurisprudence circonstanciée

Conformément à la jurisprudence constante de la Cour, pour tomber sous le coup de l'article 3 de la CEDH un mauvais traitement doit atteindre un minimum de gravité. L'appréciation du dépassement de ce seuil minimum est relative. Elle dépend de l'ensemble des données de la cause, notamment de la durée du traitement et de ses effets physiques ou mentaux ainsi que, parfois, du sexe, de l'âge et de l'état de santé de la victime. On retrouve cette jurisprudence notamment dans l'arrêt Price contre Royaume-Uni du 10 juillet 200162. Ainsi, la cour fait un examen circonstancié des affaires, c'est-à-dire un examen au cas par cas. Et ce qui fait l'efficacité de sa jurisprudence en matière d'asile c'est qu'elle considère tout à la fois des éléments s'attachant spécifiquement au droit d'asile (A), mais également des éléments s'attachant à la personne du demandeur d'asile (B).

A/ La prise en compte des éléments qui s'attachent au droit d'asile en soi

Le droit d'asile recouvre des particularités, notamment en ce que la personne qui s'en prévaut a généralement fui son pays d'origine en raison du contexte politique de celui-ci. La Cour EDH a entendu en tenir compte (1), et met également en exergue la vulnérabilité tenant au fait d'être demandeur d'asile (2).

1) L'actualisation de la situation politique du pays d'origine par la Cour EDH

Le contexte est un élément qui peut faire varier la décision de la Cour. Son évolution peut jouer en faveur ou en défaveur du requérant qui allègue qu'il subirait des traitements contraires à l'article 3 ou à l'article 2 de la CEDH en cas de retour dans son pays d'origine, ou à tout le moins en cas d'envoi dans un autre pays.

Dans l'arrêt Chahal contre Royaume-Uni en 1996, la Cour a posé le principe selon lequel l'appréciation du risque de violation de l'article 3 se fait au moment de l'examen de l'affaire63. Ainsi par exemple dans l'arrêt Vilvarajah et autres64 qui concernait un sri lankais, l'examen du contexte qui régnait en 1988 au Sri Lanka n'a pas permis de conclure à la violation de l'article 3 de la CEDH. De même, dans l'arrêt Al Hanchi contre Bosnie-

62 Cour EDH, 10 juillet 2001, Price c. Royaume Uni, Req. n° 33394/96

63 Arrêt Chahal précité, § 86.

64 Arrêt Vilvarajah précité.

Herzégovine du 15 novembre 2011 65 , le renvoi vers la Tunisie d'un combattant moudjahidin(ne) n'a pas été reconnu de nature à exposer ce dernier à des traitements contraires à l'article 3. C'est encore l'examen de la situation en Tunisie au jour de l'arrêt qui a amené la Cour à ne voir aucun risque pour le requérant en cas de renvoi vers son pays d'origine.

Ce n'est finalement que dans des cas isolés que la Cour a accepté de conclure à une violation de la Convention, lorsque le temps avait fait disparaitre le risque certain de violation. Ainsi par exemple dans l'arrêt N. contre Finlande de 2005, la violation était avérée même si huit ans s'étaient écoulés, diminuant par là même les intérêts des autorités de s'en prendre au requérant. Toutefois, la consistance du récit sur le passé du requérant permettait de retenir la violation66.

En définitive, la Cour prend elle-même le risque de se tromper sur la situation du pays, mais cette jurisprudence est révélatrice d'un jugement fin, au cas par cas, car la Cour s'adonne à un travail d'expert afin de déterminer si le risque est toujours actuel.

Le droit d'asile oblige en quelque sorte cet examen attentif du contexte du pays d'origine, car l'étranger cherche précisément de l'aide au regard de sa situation dans ce pays.

Le contexte politique n'est pas le seul élément propre au droit d'asile que la Cour prend en compte afin d'élaborer une jurisprudence équilibrée et circonstanciée, car elle s'attache également à reconnaitre la particularité de la qualité de demandeur d'asile par rapport aux autres requérants.

2) Le particularisme lié à la qualité de demandeur d'asile

Dans son récent arrêt M.S.S. contre Belgique et Grèce, le 21 janvier 2011, la Cour a précisé que le demandeur d'asile appartient << à un groupe de la population particulièrement défavorisé et vulnérable qui a besoin d'une protection spéciale67 ».

Pour affirmer ceci, la Cour s'appuie sur d'autres sources de droit international : la Convention de Genève68, le mandat et les activités du HCR et la directive << Accueil » de l'Union européenne69. Elle parle même de << large consensus au niveau international70 ».

65 Cour EDH, 15 novembre 2011, Al Hanchi c. Bosnie-Herzégovine, Req. n° 48205/09.

66 Catherine Gauthier, Cour EDH, 26 juillet 2005, N. c. Finlande, (Req. n°38885/02), JCPA, n°49, 2005, n°1375.

67 Arrêt M.S.S. c. Belgique et Grèce, précité, § 251.

68 Convention relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951

Il peut paraitre étrange que les juges européens voient un consensus se dégager de ces textes, de sorte que le droit international s'accorderait pour qu'une protection particulière soit donnée aux demandeurs d'asile.

En ce qui concerne la Convention de Genève, encore faut-il que l'individu corresponde à la définition d'un réfugié pour qu'il puisse bénéficier des droits qui découlent du texte ou du mandat du HCR. Au sujet de la directive Accueil, elle concerne effectivement les demandeurs d'asile, mais l'on peut s'interroger sur la motivation de cette protection spéciale, et par là même sur sa nature. S'agit-il de protéger une population particulièrement défavorisée, ou de << limiter les mouvements secondaires des demandeurs d'asile71 » en élaborant une << politique commune dans le domaine de l'asile72 » ?

La Cour européenne a ainsi dégagé un principe important pour la protection des demandeurs d'asile car le fait de les considérer comme un groupe de personnes particulièrement défavorisé et vulnérable signifie qu'il est nécessaire de prévoir une protection adaptée à leur statut. C'est ainsi que la Cour montre son engagement dans la définition d'un droit propre aux demandeurs d'asile. Le droit d'asile est certes un droit non écrit dans le texte de la Convention, mais les juges le découvrent implicitement.

Plusieurs raisons peuvent alors expliquer la référence à d'autres normes internationales prévoyant une protection spéciale pour les demandeurs d'asile.

Il peut s'agir d'une manière de légitimer le nouveau principe alors qu'il touche à une matière qui n'appartient normalement pas à la Cour. La culpabilité de toucher à un droit qui n'est pas inscrit dans la Convention serait ainsi atténuée par le fait qu'il s'agisse déjà d'un consensus au niveau international.

C'est peut être aussi, pour la Cour européenne, un aveu que d'autres organisations et d'autres textes sont dévolus à la protection du droit d'asile tandis que la Convention EDH n'en traite pas.

En définitive, il faut y voir l'appropriation du droit d'asile par la Cour européenne, un domaine déjà traité par d'autres instances et organisations internationales dont l'ONU et l'UE. Si la Cour EDH ne peut donc pas dire qu'elle-même protège le droit d'asile, elle arrive à le faire en se servant des autres droits garantis par la Convention comme l'interdiction de la

69 Directive 2003/9/CE du Conseil du 27 janvier 2003 relative à des normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile dans les Etats membres

70 Ibid.

71 Directive 2003/9/CE du Conseil du 27 janvier 2003 relatif à des normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile dans les Etats membres, dite directive << Accueil », Considérant (8).

72 Ibid. Considérant (1).

torture et des traitements inhumains, et elle s'appuie par ailleurs sur ce consensus au niveau international selon lequel les demandeurs d'asile doivent bénéficier d'une protection spéciale.

Il n'y a pas que ces éléments propres au droit d'asile qui permettent à la Cour de défendre les intéressés efficacement, elle s'attache également à examiner les caractéristiques spécifiques à chaque demandeur d'asile en tant que personne humaine.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Le don sans la technique n'est qu'une maladie"