0.6. Problématique
Les forêts tropicales humides sont des
écosystèmes dont la variété des niches
écologiques qu'on y rencontre et les diverses interactions qui s'y
établissent d'une part entre les espèces et d'autre part entre
ces espèces et leur environnement, rend ce milieu complexe.
Hormis ces différentes interactions, ce qui renforce
encore la complexité de ces forêts, c'est la multiplicité
des stratégies biologiques que développent les espèces
pour assurer leur survie (diverses adaptations physio-morphologiques et
comportementales).
Du point de vue floristique, plusieurs études sur ces
forêts ont eu à établir quantitativement leur composition,
leur structure, leur abondance de taxon et leur diversité
spécifique (Gérard, 1960, Guillaumet, 1967, Lubini, 1982,
Reitsma, 1989, Mosango, 1990, Barbault, 1992, Lubini, 1997, Vandeweghe, 2004 et
Campbell & al. 2006).
En dépit du fait que cette quantification ait
apportée plusieurs éclaircissements sur certaines affirmations
émanant de l'approche descriptive des peuplements forestiers tropicaux
(Fournier et Sasson, 1983) et qu'elle ait en outre permis de mieux
connaître la composition floristique de ces forêts, il a
été rarement prises en compte les données relatives
à la distribution spatiale de cette quantification et à l'impact
des conditions stationnelles sur cette distribution. Ce qui permettrait de
mettre en évidence les différents modèles de regroupement
écologique définit à l'intérieur de chaque cycle
forestier et qui conduirait à une typologie claire de ces forêts,
qui soit la résultante de l'action environnementale sur la
floristique.
Par ailleurs, Lebrun et Gilbert (1954) font savoir que des
changements incessants qui s'observent dans la composition floristique des
forêts tropicales à l'échelle spatiale, ont
constitué un sérieux obstacle à toute tentative de
définition synécologique de ces forêts. Ce qui en outre non
seulement conduirait à mieux cerner les différents groupes
écologiques qui se serait définit à l'intérieur de
chaque cycle forestier, mais rendrait plus aisée la compréhension
des différentes interactions qui s'y seraient établies.
De ce qui précède, il nous semble que la
typologie des forêts est de définition complexe en milieu
forestier tropical en l'absence des corrélations entre la floristique et
les conditions stationnelles.
Pourtant de nombreux travaux notamment ceux de Proctor &
al. (1983), Barhès (1991b), et Clark & al. (1998)
ont eu à relever l'influence des caractères pédologiques
sur la structure, la composition floristique et sur la répartition des
espèces en forêts tropicales.
Diverses données édaphologiques, poursuivent les
auteurs précités, notamment celles liées à la
texture, peuvent conduire à une définition aisée des
groupes écologiques c'est-à-dire les types forestiers au sein
d'une même entité forestière et que même le rapport
entre les densités
spécifiques obtenues dans chaque type de substrat peut
également servir d'élément de définition de ces
groupes écologiques.
Si les études menées dans les forêts
tropicales ont eu à déceler de manière qualitative et
quantitative leurs différences d'une région à une autre,
il reste évident que les raisons internes et fondamentales de ces
individualisations non seulement dans l'ensemble du massif forestier tropical
mais également à l'intérieur de chaque cycle forestier
sont rarement abordées dans le milieu forestier. Raison pour laquelle,
nous avons résolu d'aborder le problème en focalisant notre
attention sur la typologie de ces forêts dans les environs de Kisangani
en République démocratique du Congo en identifiant les
différents groupements de végétation le long d'un gradient
du type du sol (support colonisable), pour tenter de caractériser ces
forêts par un modèle corrélatif fondé sur la
floristique et l'édaphologie.
Les questions que l'on se pose sont celles de savoir :
· Comment, en dépit du noyau floristique commun
qu'on retrouve dans presque tous les types forestiers en Afrique centrale, les
conditions stationnelles définissent-elles les individualités
floristiques et structurales à l'intérieur de chaque cycle
forestier ?
· En existe-il- un modèle commun au sein d'un
bloc forestier ?
En outre, en milieu forestier tropical, la grande
complexité floristique ne rend nullement aisée la
définition des strates, qui apparaissent souvent avec moins de
netteté.
Pour tenter de comprendre l'implication
intraspécifique dans la définition de la typologie des
forêts tropicales, plusieurs études telles que celles de
Gérard (1960) sur la forêt dense à Gilbertiodendron
dewevrei de la région de l'Uélé, de Guillaumet (1967)
sur la végétation de la région de Bas-Cavally en
Côte d'ivoire, de Forget (1997a) sur la capacité de dispersion des
diaspores des arbres en Guyane française et de Harms & al.
(2001) mettent de l'intérêt sur l'importance de prendre en
compte les aspects liés au microhabitat des espèces et notamment
les strates forestières. Ainsi, elles définissent les groupes
écologiques en forêt dense humide en les subdivisant en groupe
supérieur (E+A1), groupe moyen (A2+A3) et le groupe du sousbois. Ces
études stipulent aussi que la nature contrastée des comportements
des espèces de différentes strates implique qu'il est
indispensable de les distinguer pour une meilleure compréhension de la
typologie. De même Blanc (2002) montre par des exemples à l'appui
que le microhabitat d'une plante au sein d'une forêt dense
homogène pouvait se définir sur base du type de support
colonisable par cette dernière. Pour lui, le type de support
colonisable
se définit en relation avec le tempérament de
l'espèce vis-à-vis des stades de recolonisation du couvert
végétal.
· Si la dynamique successionnelle des espèces
végétales est fortement influencée par les conditions
stationnelles, peut-on considérer qu'un modèle de composition
floristique stratifié peut être définit
corrélativement aux conditions stationnelles au sein d'un bloc forestier
?
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