Institut Arabe des Chefs d'Entreprises
Quel l es réformes pour le système
financier tunisien :
Chokri Mammoghli / Abdelkader BOUDRIGA
Au lendemain de gran ds bouleversements politiques et sociaux
qui vont, sans aucun doute, trouver un écho dans la sphère
économique, de nombreuses institutions tunisiennes, du monde
académique, de celui des affaires ainsi que de la société
civile sont en phase de réflexions afin d'identifier les meilleures
orientations qu'il convient de donner à différentes politiques
sectorielles telles que celle de l'investissement, du développement
régional et de l'aménagement du territoire , du commerce
extérieur, de la fiscalité directe et indirecte ou de la
couverture sociale.
Quelles incitations faut-il mettre en place afin d'attirer les
investissements dans certaines régions et dans certains secteurs,
faut-il encourager l'investissement dans les services, dans l'industrie ou dans
les activités primaires ? Faut-il encourager les IDE ou les
investissements de portefeuille ? Faut-il maintenir la politique d'ouverture
commerciale actuelle avec l'UE en poursuivant ainsi, les négociations
dans le secteur des services, dans celui de l'agriculture et des industries
agro-alimentaires avec l'UE? Quelles relations commerciales faut-il avoir avec
les pays de la Grande Zone Arabe de Libre Echange? et avec ceux de l'Afrique
SubSaharienne?
Telles sont quelques questions qui se posent et auxquelles il
faut apporter des réponses novatrices et au diapason des grands
bouleversements qu'a connu le pays.
Ces réflexions sont d'autant plus importantes et
opportunes qu'elles co ·ncident avec une période
charnière, historique méme, du pays et qui est celle de la
formation du premier gouvernement issu des premières élections
véritablement démocratiques.
Les questionnements portant sur le secteur financier et sur
son évolution s'inscrivent, donc, dans ce contexte spécifique
révélateur d'une Tunisie nouvelle au lendemain de sa mutation.
Toute la sphère financière est, en effet, appelée à
évoluer afin d'accompagner l'effort de mobilisation des ressources
internes et externes que va nécessiter le financement de la croissance
de l'économie nationale . Les questions qui se posent à ce niveau
sont en rapport avec :
· La nature du financement à encourager. Faut-il
développer la finance directe, via le marché boursier, au
détriment de la finance d'intermédiation via le secteur
bancaire?
· L'opportunité de la mise en place de
barrières à l'entrée et/ou à la sortie des
investissements de portefeuilles,
· Le désengagement de l'Etat ou le renforcement de
son rTMle dans le secteur bancaire,
· La structure du secteur et sa répartition en
termes de banques nationales et de banques étrangères,
· L'implantation des banques tunisiennes à
l'étranger dans un effort d'internationalisation des entreprises
tunisiennes.
Ces interrogations portent également sur la
gouvernance des banques. Il s'agit en effet de d'imaginer le meilleur
système de gouvernance permettant d'éviter de retomber dans les
dérives qui ont lieu par le passé. Cette gouvernance devrait
également favoriser une célérité dans la prise de
décision ainsi que la responsabilisation des ressources humaines, de
haut niveau, dont regorge ce secteur.
Ces réflexions portent enfin sur l'opportunité
du développement de nouveaux services bancaires disponibles dans de
très nombreux pays du monde arabo-musulman mais également dans
des régions à traditions différentes. Ces services sont
ceux en rapport avec la finance islamique. Celle-ci est-elle à
méme de contribuer à une meilleure bancarisation de la population
tunisienne et d'aider à une plus grande mobilisation de
l'épargne?
Le présent papier est une contribution à cet
effort national de réflexion. Il ne prétend pas répondre
à toutes ces interrogations mais propose quelques pistes en partant de
comparaisons internationales avec des pays relativement similaires à la
Tunisie.
Les réflexions sont en rapport avec:
· la structure du système financier dans sa
globalité,
· La structure du système bancaire,
· La gouvernance de ce système,
· Le développement de nouveaux services et de
nouvelles formes d'intermédiation.
I- Investissement de portefeuille ou financement
bancaire?
Le financement à travers le marché boursier
constitue la seconde source de financement majeur à coté du
financement bancaire. Les entreprises peuvent en effet, sous certaines
conditions de taille, de performance financière et de statut juridique
(SA notamment) recourir à des émissions obligataires, à
des émissions d'actions sur le marché primaire ou à des
émissions de titres hybrides (obligations convertibles en actions). En
Tunisie cette forme de financement, disons le directement et sans
détour, n'a pas connu le succès rencontré dans d'autres
pays. Malgré toutes les incitations mises en place par les
Autorités publiques pour
promouvoir la finance directe et quoiqu'on en dise, cette
politique n'a pas connu le succès qu'elle mérite. Les raisons
d'un tel échec sont connues des différents opérateurs du
marché et des Pouvoirs publics. Cette timide évolution de la
finance directe incombe principalement à :
· Une certaine réticence de la part des
entreprises privées, à divulguer les informations obligatoires
exigées par les autorités de marché ainsi que la
discipline requise par le marché en terme de délais et de
transparence financière,
· Les entreprises privées tunisiennes sont pour
leur majorité des sociétés familiales, désireuses
de maintenir l'anonymat sur leurs activités et entretenant
généralement d'excellentes relations avec leurs banquiers. Il va
de soi que le recours au marché boursier s'avère être une
alternative non envisageable pour ces investisseurs,
· L'imposition des plus values latentes des anciens
actionnaires lorsqu'il s'agit d'une cession d'une partie du capital et non
d'une augmentation de capital sur le marché
· Cette réticence est confortée, dans de
nombreux cas (mais pas toujours), par un comportement <<non
incitatifÈ et parfois agressif de la part des actionnaires minoritaires
lors des Assemblées Générales et au sein des Conseils
d'Administration,
· Le faible nombre d'entreprises tunisiennes ayant la
surface financière leur permettant d'envisager sérieusement un
financement par le marché ,
· La réticence de la part des entreprises, à
la séparation entre le management et l'actionnariat, condition de
succès d'un grand nombre d'entrées en bourse,
· La complexité percue, des procédures
administratives préalables à l'accès au financement de
marché. A titre d'exemple, citons les conditions d'approbation
d'émission d'emprunts obligataires (notation financière ou aval
bancaire pour les sociétés non financières).
· Le caractère tatillon des interventions de
l'administration, notamment fiscale, dans la conduite des entreprises
cotées.
En revanche, les entrées en bourse sont motivées,
notamment,
· par le faible taux d'impôt qui est
appliqué aux entreprises durant les premières années qui
suivent leur entrée. La loi de finance 2010 relative à la
restructuration des groupes permettant l'exonération fiscale des plus
values est venue consolider ces avantages et incitations,
· par une volonté de protection contre les
<<prises de participations forcées È. De nombreuses
entreprises ayant été obligées, en effet, de céder
une partie de leur capital de manière << forcée
È.
Ce manque de succès se traduit par des indicateurs de
développement boursiers, très en deçà de ceux des
pays similaires.
Le tableau 1 donne le rapport :(capitalisation
boursière/PIB) pour la Tunisie ainsi que pour différents
pays similaires:
Tableau 1: Capitalisation boursière en % du
PIB
|
2003
|
2004
|
2005
|
2006
|
2007
|
2008
|
2009
|
Moy. (10 ans)
|
Egypte
|
32,3%
|
41,8%
|
66,1%
|
81,4%
|
91,2%
|
101,7%
|
114,0%
|
61,6%
|
Jordanie
|
89,0%
|
129,2%
|
222,9%
|
242,0%
|
225,2%
|
208,8%
|
192,7%
|
150,7%
|
Malaisie
|
141,4%
|
144,8%
|
136,6%
|
134,8%
|
156,0%
|
180,3%
|
210,6%
|
151,6%
|
Maroc
|
21,9%
|
34,0%
|
44,7%
|
59,0%
|
85,5%
|
124,0%
|
184,2%
|
63,6%
|
Tunisie
|
9,3%
|
9,1%
|
9,6%
|
11,9%
|
14,1%
|
16,6%
|
19,6%
|
12,8%
|
Turquie
|
16,9%
|
21,3%
|
27,0%
|
30,9%
|
34,3%
|
37,9%
|
41,9%
|
29,2%
|
Source :Banque Mondiale, 2011.
Il apparait ainsi que la Tunisie présente le rapport le
plus faible parmi les cinq pays considérés. La capitalisation
boursière rapportée au PIB n'a représenté
approximativement que 20% de celui-ci, en 2009. Ce méme indicateur a
été, en moyenne, de 13% sur la dernière décennie.
Ce ratio a été de 42% en 2009 pour la Turquie et de 184% pour le
Maroc.
Soulignons tout de méme, le fait que depuis l'année
2005, cet indicateur n'a cessé d'évoluer. Il a ainsi pratiquement
doublé.
Ce constat est confirmé par l'évolution que retrace
le tableau 2 qui rapporte le volume de transactions en bourse, au PIB :
Tableau 2 : Volume de transaction en % du
PIB
|
2003
|
2004
|
2005
|
2006
|
2007
|
2008
|
2009
|
Moy. (10 ans)
|
Egypte
|
4,0%
|
7,1%
|
28,3%
|
44,2%
|
41,4%
|
39,0%
|
36,6%
|
21,9%
|
Jordanie
|
25,6%
|
46,7%
|
188,8%
|
142,2%
|
110,1%
|
83,0%
|
63,2%
|
68,9%
|
Malaisie
|
48,2%
|
48,0%
|
36,4%
|
42,9%
|
83,0%
|
-
|
-
|
47,0%
|
Maroc
|
1,4%
|
3,0%
|
7,0%
|
20,6%
|
35,9%
|
-
|
-
|
9,4%
|
Tunisie
|
0,7%
|
0,8%
|
1,6%
|
1,7%
|
1,9%
|
2,1%
|
2,4%
|
1,7%
|
Turquie 32,7% 37,5% 41,6% 43,0% 46,0% 49,7%
53,8% 44,1%
Source :Banque Mondiale, 2011.
Ce volume de transactions a été de l'ordre de 2,4%
en 2009 alors qu'il était de près de 37% en Egypte et de
près de 54% en Turquie.
Ce faible niveau peur être expliqué par le fait
que la partie flottante du capital, c'est-à-dire celle faisant,
effectivement, l'objet de transactions sur le marché secondaire, ne
représente qu'une faible part du capital. Les actions étant ainsi
détenues de facon permanente et de manière stratégique par
des actionnaires qui ne comptent pas s'en dessaisir (notamment l'Etat dans le
capital des banques).
Le tableau 3 donne pour le même groupe de pays
l'évolution des flux internationaux au titre des investissements de
portefeuille. Il convient de signaler à ce niveau que le rTMle de ces
flux dans le financement de la croissance est très mitigé. Ces
flux de capitaux, bien qu'ayant un effet positif sur les réserves de
change du pays, sur la liquidité de son marché boursier et par
conséquent sur le coüt de financement des entreprises,
présentent quelques inconvénients majeurs. Il s'agit en effet de
capitaux très volatils qui rentrent dans le pays et en ressortent
très rapidement, à la moindre difficulté, ce qui peut
avoir des effets très déstabilisateurs sur la balance des
paiements et par suite sur le taux de change de la monnaie. Dans de nombreux
cas, des crises boursières se sont en effet transformées en de
graves crises de change (et inversement d'ailleurs). Cela a été
notamment le cas pour les pays du sud-est asiatique à la fin des
années 1990.
La mise en place de barrières (surtout à
l'entrée) afin d'éviter l'apparition de bulles
spéculatives et les mouvements de sorties intempestives est donc une
précaution que tous les pays ayant des marchés boursiers
émergents ou pré-émergents sont en train de prendre.
La règle consistant à encourager les IDE qui
constituent à l'instar des investissements de portefeuille, des
substituts à la dette mais qui se caractérisent, en plus, par une
certaine stabilité et par des effets directs sur l'emploi, est donc
toujours de rigueur.
L'évolution que retrace le tableau 3 confirme cette
propension à la prudence observée chez les pays qui nous sont les
plus comparables (Egypte, Maroc, Jordanie). Les flux d'investissements sont
modestes et du même ordre que ceux de la Tunisie, malgré des
capitalisations boursières et des volumes de transaction bien plus
importants.
Tableau 3: Investissement de portefeuille (en millions
de US$)
Pays
|
2005
|
2006
|
2007
|
2008
|
2009
|
Egypte
|
8 209
|
18 482
|
24 567
|
10 781
|
8 563
|
Jordanie
|
441
|
851
|
1 198
|
1 580
|
1 548
|
Malaisie
|
49 608
|
60 709
|
101 255
|
50 974
|
69 366
|
Maroc
|
2 185
|
2 669
|
6 325
|
3 138
|
2 088
|
A. du Sud
|
80 639
|
85 052
|
105 409
|
64 219
|
109 563
|
Tunisie
|
3 613
|
3 589
|
4 193
|
3 927
|
4 185
|
Turquie
|
60 412
|
76 522
|
95 075
|
58 655
|
87 263
|
Source :Banque Mondiale, 2011.
Il apparait donc clairement que les entreprises tunisiennes ne
recourent pas au marché pour assurer le financement de leurs
activités. Le nombre faible dÕentreprises cotées, la
faiblesse du volume de transaction ainsi que la nature des investisseurs
operant sur le marché expliquent, en partie, ce manque
dÕenthousiasme aux produits de marché. En effet, rares sont les
entreprises, même cotées, qui recourent à des levés
de fonds sur le marché. Ceci sÕexplique, entre autres, par la
facilité dÕaccés aux credits bancaires dont
bénéficient les grandes entreprises tunisiennes.
La dynamisation de la place financière de Tunis
passerait nécessairement par lÕaugmentation du nombre
dÕentreprises cotées. Il serait par exemple opportun de
procéder à lÕintroduction en bourse des grandes
entreprises étatiques (lÕEtat pourrait garder le contrTMle)
à lÕinstar de la STEG, la SONEDE, le Groupe Chimique, la STIR ou
la CTN. Il est egalement possible de réfléchir à la
possibilité de sortie sur le marché des entreprises
confisquées aprés le 14 janvier. Ceci éviterait les
destructions de valeurs que sont entrain de subir ces entreprises et
dÕassurer un partage equitable et diffus des richesses.
En outre, une Bourse développée constituerait un
facteur d'attraction des investissements de portefeuille strangers de
manière stable et durable et fournirait des solutions de montages
financiers aux entreprises internationales voulant sÕinstaller en
Tunisie. A cet égard, la BCT pourrait jouer un rTMle essentiel en
imposant aux entreprises sous-capitalisées de faire des sorties sur la
bourse dans le but de consolider leurs fonds propres et de réduire le
recours aux financements bancaires classiques.
II- Des banques de petites tailles et peu
compétitives
Les banques jouent un rTMle essentiel dans le financement de
l'économie tunisienne. En effet, plus de 95% des concours à
l'économie transitent par ces institutions financières.
Le financement concerne aussi bien le développement des
entreprises, que le renouvellement de l'appareil productif ou de l'innovation
et l'accompagnement des entreprises à l'international. Il concerne
également le cycle d'exploitation. Les changements politiques et sociaux
que la Tunisie est en train de vivre appellent une transformation substantielle
dans les fondements même du métier de la Banque.
Les banques sont ainsi appelées à revoir le
partage de la valeur créée. Du point de vue des entreprises, et
en considérant les résultats de l'enquête menée, les
marges réalisées par les établissements financiers sont
très élevées et dénotent d'une relation de type
oligopolistique dans la quelle l'acteur le plus fort, en l'occurrence la
banque, est en train d'imposer ses conditions. Les taux d'intérêt
sont élevés et les garanties toujours exigées.
En outre, le système bancaire tunisien composé
d'une trentaine de banques, semble sur- bancarisé, et ne permettant pas,
par conséquent, un financement efficient de l'économie. En effet,
un tel nombre de banques, laisse supposer que celles-ci ne
bénéficient pas de rendements d'échelle.
L'industrie bancaire est en effet, fragmentée et
dominée par des banques de petites tailles. Les trois premières
banques ne représentent que 60% des actifs du secteur contre 86% en
Jordanie et plus de 90% au Maroc. Ces taux sont par contre supérieurs
à ceux observés en Malaisie et en Turquie.
La fragmentation des banques constitue un double handicap.
Elle les prive de réaliser les économies d'échelle et de
gammes indispensables à l'amélioration de leur
compétitivité. Ce faisant, elle réduit les
possibilités de leur implantation à l'étranger.
A cet l première tunisienne 48 ème
effet, a banque à
pointe la place sur le plan africain (STB)
et son total de bilan 1/39 ème
représente du total de bilan de la première banque
africaine (la
Standard Bank Group, Afrique du Sud). A titre de comparaison,
deux banques marocaines
ème)
se classent dans le top 10 des b anques africaines. Il s'agit d'
Attijari Wafa Bank (7 et du
Crédit Populaire du Maroc (10ème).
L'émergence de grandes banques tunisiennes ayant une
stratégie claire d'internationalisation avec un plan de
développement précis semble devenir une nécessité.
Les entreprises tunisiennes sont en effet de plus en plus présentes sur
les marchés européens, arabes et africains.
Des operations de croissance interne par augmentation de
capital ou externe par fusions amicales et negociees devraient etre suscitees
par les Autorites publiques.
A ce propos signalons quÕune operation de fusion entre
la STB et la BH a ete envisagée au cours de la derniere periode. Malgre
les arguments qui viennent d'être avances nous pensons quÕune
telle opération, qui serait realisée dans la precipitation et
sans concertation prealable, ne parait pas souhaitable. Ce genre
dÕactions realisees avec empressement risquerait en effet de creer plus
de problemes quÕil ne va en resoudre. La recherche de synergies serait
en effet handicapée par le choc de cultures internes qui sont tres
fortes dans les deux institutions, par les conflits aux niveaux des systemes
dÕinformation ainsi que par la resistance aux changements
organisationnels qui accompagneraient une telle operation.
LÕautre alternative consisterait à encourager
(ou pousser) les banques privées à réaliser des operations
de fusions. Une première solution serait dÕaugmenter le capital
minimal exigé (100 Md actuellement jusquÕà 2014). Nous
pensons quÕen dépit des bienfaits dÕun niveau de
capitalisation élevé , cette mesure nÕaurait pas
dÕincidence directe sur la taille des banques. En Afrique du Sud par
exemple, le capital minimal est de 37 millions de dollars. Ceci nÕa pas
empêché les banques sud africaines dÕoccuper les cinq
premières places à lÕéchelle du continent. En
même temps, l'internationalisation dÕAttijari Wafa Bank au Maroc
sÕest faite par le biais dÕemprunts obligataires. Les leviers de
la croissance semblent etre situés ailleurs quÕau niveau des
fonds propres.
Tableau 4 : Classement africains des banques
tunisiennes
|
2009
|
2010
|
2011
|
1 ere Banque africaine/
Banque Tunisienne
|
STB
|
47
|
44
|
48
|
39 fois
|
BIAT
|
50
|
42
|
50
|
41
|
BNA
|
49
|
47
|
53
|
42
|
BH
|
57
|
52
|
56
|
50
|
Amen Bank
|
67
|
60
|
60
|
55
|
ATB
|
69
|
61
|
70
|
66
|
Attijari
|
74
|
65
|
69
|
66
|
BT
|
83
|
76
|
83
|
84
|
UIB
|
89
|
83
|
53
|
92
|
UBCI
|
104
|
102
|
109
|
120
|
Source : Jeune Afrique, différents
numéros.
Le taux de bancarisation reste cependant faible en Tunisie. La
densité par agence est de 12000 habitants (Maroc : 6000 habitants par
agence, pays de lÕOCDE moins de 2000 habitants par agence).
Les tableaux 5 et 6 donnent quelques indications en rapport avec
le taux de bancarisation et l'inclusion financiere :
Tableau 5 : Inclusion financière (chiffres
2009)
Nombre d'agences par
100000 habitants (> 15 ans) Nombre de comptes par 1000
habitants (> 15 ans)
Nombre ATM par adulte (>15 ans)
Nombre de comptes de dépTMts par 1000 adultes ((>15
ans)
|
Jordanie Malaisie Maroc Afrique du sud Tunisie
Turquie
16,17 11,5 11,59 8,03 13,3 17,3
160 972 296 175 315
43,25 16,64 54,85 14,26 40,98
814,23 2226,74 277,36 671,98 788,13 1851,15
|
Source : Banque mondiale, WDI, 2011
Le nombre d'agences par 100000 adultes a atteint selon les
derniers chiffres publiés par la Banque Mondiale, 13,3 agences en
Tunisie contre 11,59 au Maroc et 17,3 en Turquie. La disponibilité des
services bancaires présente néanmoins, de fortes
disparités entre les régions. Le tableau 6 montre que dans le
centre ouest du pays, il existe une agence pour 22000 habitants alors que dans
le grand Tunis ce chiffre passe à 7000 habitants. Par ailleurs,
l'utilisation des services bancaires semble être tres en retard
comparativement à d'autres pays ayant un niveau de développement
similaire. Ainsi, le nombre de comptes pour 1000 adultes est seulement de 175
en Tunisie contre 296 en Afrique du Sud, 315 en Turquie et 972 en Malaisie.
Enfin, le nombre de machines ATM est de 14,26 en Tunisie alors qu'il est
supérieur à 40 dans les autres pays.
Tableau 6 : R6seau bancaire : repartition par region au
30 septembre 2011
|
Population par agence
|
Nombre d'agence
|
% Nombre d'agences
|
Centre ouest
|
22072
|
92
|
6,71%
|
Grand Tunis
|
7001
|
551
|
40,16%
|
Nord ouest
|
14500
|
68
|
4,96%
|
R6gion cTMtière
|
9354
|
575
|
41,91%
|
Sud
|
11536
|
86
|
6,27%
|
Total general
|
12618
|
1372
|
100%
|
Source : APTBEF et calculs des auteurs
La derniere mesure en rapport avec la structure du secteur que
nous présentons est la concentration. Le tableau 7 retrace ainsi, pour
le même groupe de pays, le poids des trois premières banques sur
la derniere décennie.
Tableau 7. Concentration bancaire : Total des actifs des
trois premières banques en % du total du total des actifs des
banques
|
2000
|
2001
|
2002
|
2003
|
2004
|
2005
|
2006
|
2007
|
2008
|
2009
|
Moy.
|
Egypte
|
0,57
|
0,58
|
0,57
|
0,57
|
0,55
|
0,58
|
0,59
|
0,57
|
0,55
|
0,53
|
0,57
|
Jordanie
|
0,85
|
0,90
|
0,90
|
0,90
|
0,89
|
0,85
|
0,85
|
0,85
|
0,86
|
0,86
|
0,87
|
Malaisie
|
0,48
|
0,44
|
0,40
|
0,40
|
0,41
|
0,41
|
0,46
|
0,47
|
0,49
|
0,50
|
0,45
|
Maroc
|
0,53
|
0,62
|
0,63
|
0,64
|
0,68
|
0,66
|
0,66
|
0,78
|
0,91
|
0,91
|
0,71
|
Tunisie
|
0,45
|
0,45
|
0,45
|
0,46
|
0,46
|
0,45
|
0,45
|
0,49
|
0,54
|
0,59
|
0,48
|
Turquie
|
0,74
|
0,66
|
0,74
|
0,71
|
0,70
|
0,96
|
0,50
|
0,46
|
0,42
|
0,39
|
0,63
|
Source : Banque mondiale, Financial Development and structure
Database
Il apparait que ce poids a été en moyenne de
l'ordre de 48% sur l'ensemble de la décennie. Nous notons qu'il a
néanmoins augmenté de manière significative à
partir de 2007, passant ainsi de 49% à 59% en 2009.
Comparé aux pays du groupe, ce poids moyen apparait
nettement inférieur à celui observé au Maroc oü il
est égal à 71% et à celui de la Jordanie qui est de
l'ordre de 87%. Ce constat confirme l'image tracée
précédemment qui est celle d'un secteur fortement
émietté composé d'un grand nombre de petites banques.
Aucune de celles-ci ne dominant significativement le secteur. Cependant ce
nombre élevé ne se traduit pas par une forte bancarisation et une
grande inclusion financière. Les différentes mesures moyennes de
ces deux dimensions sont relativement faibles par rapport celles d'autres pays.
Leur décomposition en paramètres régionaux
révèle également d'assez fortes disparités.
III- Performance et solidité des banques
tunisiennes
Les développements qui suivent sont en rapport avec la
gestion des établissements bancaires et avec leur gouvernance. Le
premier constat qui s'impose et sur lequel il y a une quasiunanimité est
celui relatif à la qualité de l'information produite et
divulguée. Les banques tunisiennes apparaissent ainsi comme étant
très conservatrices dans ce domaine. Les documents produits
s'intéressent davantage aux informations patrimoniales, à la
solidité des garanties réelles ou personnelles produites, qu'aux
capacités de remboursement et à la situation financière
future des entreprises financées. Les projections sont effectuées
mais rarement prises en compte de manière décisive.
La situation financière projetée est
pénalisante lorsqu'elle est mauvaise mais
rarement déterminante lorsqu'elle est bonne. L'ancienneté de
la relation ainsi que la qualité du
patrimoine sont les éléments décisifs.
Lorsque ces conditions sont satisfaites, les relations sont jugées
plutôt bonnes.
La prépondérance des garanties dans les
décisions de financement bancaires pourrait s'expliquer par les carences
observées au niveau de l'information financière en
général (bilans non certifiés, des rapports annuels non
fournis) ainsi que par la quasi indisponibilité de l'information sur la
qualité du crédit (l'indice de divulgation d'information sur les
entreprises est égal à 5/10). Il semble également que le
non respect des règles de droit (score égal à 3 pour
l'année 2012) constitue l'une des raisons principales pour l'utilisation
jugée excessive des garanties, par l'ensemble des entreprises ayant
participé au q uestionnaire sur les réformes du secteur
financier.
Le tableau 8 laisse appara»tre un taux de recouvrement (%
du montant récupéré par le créancier en cas de
faillite) de l'ordre de 52,2 %. Ce taux semble assez satisfaisant
comparativement aux autres pays d u panel. Néanmoins cela traduit en
premier lieu la forte utilisation des garanties et la faible prise de risque
par les banques.
Pour sortir de cette impasse, deux axes d'amélioration
peuvent être envisagés. Le premier consiste à
améliorer l'offre d'information sur les entreprises et sur leur
solvabilité. A titre d'exemple, le lancement de bureaux de
crédits privés à l'instar des autres pays devrait
permettre de renforcer les capacités d'évaluation des banques et
de discipliner l'ensemble des opérateurs.
En second lieu, les banques doivent être
encouragées à rendre l'offre de crédit plus sensible au
risque. Autrement dit, elles sont appelées à prendre plus de
risques (mesurés) et à faire preuve d'esprit entrepreneurial
(voir questionnaire). Une des pistes à envisager de manière
approfondie consisterait à développer la fonction ÇEtudes,
analyses et prospectivesÈ au sein des institutions bancaires.
Tableau 8: Evaluation de risque et information
2012
Pays
|
Egypte
|
Jordanie
|
Malaisie
|
Maroc
|
A. du Sud
|
Tunisie
|
Turquie
|
Indice de divulgation d'information sur les entreprises (de 1
à 10)
|
3
|
5
|
10
|
6
|
8
|
5
|
9
|
Taux de recouvrement
|
17,7
|
27,2
|
44,6
|
38,3
|
35,2
|
52,2
|
22,3
|
(%)
|
|
|
|
|
|
|
|
Règle de droit (0 à 10)
|
3
|
4
|
10
|
3
|
10
|
3
|
4
|
Couverture par des 13,7 0 83,4 14,6 54,7 0 60,5
bureaux de crédit
privés (% adultes)
Source : Doing business, 2012.
La qualité de la gestion opérationnelle des
banques et de la mise en Ïuvre des ressources semble être
raisonnable. Le tableau 9 retrace l'évolution dans le temps, du
coefficient d'exploitation (rapport: charges d'exploitation/Produit net
bancaire.) pour le même groupe de pays. Les charges d'exploitation
contiennent notamment les charges salariales, les dotations aux amortissements
et aux provisions ainsi que les autres charges. Le PNB est en gros égal
à la différence entre intérêts percus et
intérêts servis.
Ce coefficient a atteint 33% pour la Tunisie en 2009 et a
présenté un niveau moyen de 56% sur la dernière
décennie. Seule la Turquie présente un ratio de meilleure
qualité en 2009. Soulignons tout de même que la faiblesse de ce
ratio peut être due non pas à la faiblesse des charges et à
l'optimalité de la gestion mais plutôt à l'importance du
PNB qui est le résultat de taux d'intérêts
élevés. La faiblesse des taux de provisionnement des prêts
non performants qui a atteint 58% en Tunisie contre 74% au Maroc (tableau 13)
peut être une seconde explication.
Tableau 9. Coefficient d'exploitation
|
2003
|
2004
|
2005
|
2006
|
2007
|
2008
|
2009
|
Moy. (10ans)
|
Egypte
|
0,484
|
0,575
|
0,527
|
0,588
|
0,533
|
0,478
|
0,425
|
0,517
|
Jordanie
|
0,615
|
0,582
|
0,421
|
0,447
|
0,439
|
0,428
|
0,419
|
0,522
|
Malaisie
|
0,373
|
0,374
|
0,391
|
0,382
|
0,404
|
0,430
|
0,461
|
0,407
|
Maroc
|
0,641
|
0,593
|
0,655
|
0,546
|
0,483
|
0,418
|
0,360
|
0,565
|
Tunisie
|
0,725
|
0,728
|
0,627
|
0,561
|
0,476
|
0,396
|
0,331
|
0,562
|
Turquie
|
1,126
|
0,812
|
0,598
|
0,656
|
0,514
|
0,389
|
0,297
|
0,719
|
Source : Banque mondiale, Financial Development and structure
Database
Cette même conclusion peut être également
établie en considérant non pas un indicateur de
l'optimalité de l'exploitation mais une mesure de la rentabilité.
Il s'agit en l'occurrence du score Z qui est en fait une mesure
normalisée de la rentabilité des fonds propres des banques.
Formellement ce score est égal au rapport:
(Rentabilité des fonds propres - Rentabilité
moyenne des fonds propres) / Variabilité des Rentabilités
Le niveau du Z score semble être plus faible que pour
les autres pays à l'exception de l'Egypte indiquant une plus grande
fragilité du système bancaire tunisien. L'évolution
à la baisse (donc une fragilité accrue) de ce score peut
être expliquée par deux phénomènes qui sont :
- Le niveau élevé des provisions
pratiquées durant les cinq dernières années. Ces
provisions additionnelles concernent les prêts non performants. En effet,
sous la pression du FMI, les autorités monétaires ont
été acculées à réduire les taux des
prêts non performants et à augmenter les taux de provisionnement
(les objectifs annoncés étaient respectivement de moins de 15%
pour les PNP et de 70% pour les provisions). Ceci a eu pour effet d'augmenter
la volatilité des revenus.
- L'effort de recapitalisation (augmentation du capital social,
mises en réserves des bénéfices) qui implique une baisse
du ROE et par conséquent du Z score.
Tableau 10. Z-score : Solidité du système
bancaire
|
2003
|
2004
|
2005
|
2006
|
2007
|
2008
|
2009
|
Moy. (10 ans)
|
Egypte
|
10,4
|
8,5
|
4,4
|
6,6
|
4,8
|
3,4
|
2,4
|
6,7
|
Jordanie
|
10,9
|
15,6
|
13,7
|
17,7
|
15,8
|
14,7
|
13,7
|
13,1
|
Malaisie
|
11,7
|
12,3
|
14,8
|
13,7
|
13,4
|
10,3
|
8,0
|
11,4
|
Maroc
|
10,3
|
18,2
|
24,8
|
24,5
|
9,7
|
22,0
|
-
|
15,9
|
Tunisie
|
14,4
|
10,6
|
13,4
|
7,4
|
8,5
|
7,6
|
6,7
|
11,9
|
Turquie
|
-
|
-
|
-
|
6,7
|
13,6
|
17,1
|
21,4
|
14,7
|
Source : Banque mondiale, Financial Development and structure
Database
IV- Presence l'international et concurrence marocaine sur
le continent africain:
Les premières installations de banques tunisiennes
à l'étranger datent du milieu des années 70 avec la
création de l'Union Tunisienne de Banque (UTB, à l'initiative de
la Banque Centrale de Tunisie) en 1977 à Paris. Dix ans plus tard, la
Société Tunisienne de Banque a créé la Banque
sénégalo-tunisienne (BST), une autre au Liban, et a pris une
participation dans une
banque au Burkina Faso.
Depuis, les banques tunisiennes n'ont pas étendu leur
présence à l'international, et ont même reculé. La
BST a été rachetée en janvier 2007 par Attijari Wafa Bank,
et la filiale libanaise de la STB a été cédée
à des investisseurs Libyens. Seule l'UTB continue à exister.
A l'inverse, les banques marocaines ont mis en place une
véritable stratégie d'internationalisation, notamment en Afrique
francophone subsaharienne. Menées par Attijari Wafa Bank, la BMCE et le
groupe Banque populaire, les institutions financières marocaines ont
conquis plusieurs pays africains à l'instar du Sénégal (ou
il détiendrait plus que 60% du total bilan des banques du pays), le
Madagascar, Le Kenya, l'Ouganda, l'Ile Maurice, la Guinée, la
République Centrafricaine, et la Mauritanie. Leurs activités
s'étendent à tous les instruments de financement: investissement,
leasing, banque de détail et les banques d'affaires.
La présence des banques tunisiennes à
l'étranger, tant souhaitée par les opérateurs tunisiens
(du moins ceux qui ont participé au questionnaire) a été
handicapée par divers facteurs. Il a été souvent
avancé que la faible taille de nos institutions financières
constitue le principal obstacle à l'internationalisation. Nous pensons
au contraire que c'est gr%oce à une stratégie
d'internationalisation agressive que les banques tunisiennes pourraient
atteindre des tailles importantes leur permettant chemin faisant
d'améliorer leur efficience.
Par ailleurs, il semble que l a stratégie
d'internationalisation des banques marocaines a été
motivée essentiellement par un souci de recherche de rentabilité
suite à la réduction des marges d'intermédiation sur le
marché domestique (après l'arrivée des banques
étrangères et la dérèglementation du marché
bancaire). Comme nous l'avons mentionné plus haut, cette
internationalisation a été financée essentiellement par
l'émission d'emprunts obligataires et par la mise en place, de la part
de l'Etat marocain, des lignes de crédits.
En Tunisie, l'importance des marges d'intermédiation et
le contrôle serré de la BCT (encadrement des conditions d'octroi
du crédit), font que les Banques ne sont pas incitées à
rechercher d'autres marchés.
Nous pensons que la libéralisation des marges bancaires
et un désengagement graduel et planifié de la BCT pourrait
conduire à une réduction des taux d'intérêts du fait
de la concurrence qui s'instaurerait. Ce phénomène aurait
inévitablement pour conséquence la mise en Ïuvre
d'opérations de restructuration (fusions) et se traduirait par
l'émergence de stratégies d'internationalisation.
Soulignons enfin que l'Etat tunisien a un grand rTMle à
jouer dans cet effort d'internationalisation qui est porteur de grandes
potentialités en matière d'emploi. L'une des mesures les plus
urgentes à prendre, et qui est réclamée par les
opérateurs, consisterait à mettre en place une ligne de
crédit (méme modeste au début) gérée par les
banques et mise à la disposition des entreprises travaillant notamment
sur les marchés d'Afrique subsaharienne. Une telle ligne de
crédit mettrait les entreprises sur le méme pied
d'égalité que leurs homologues d'autres nationalités et
permettrait aux banques tunisiennes de se familiariser graduellement avec un
environnement totalement différent de celui local.
V- Présence des banques étrangères
et impact sur les performances et la
qualité de la gestion:
Les opérations de privatisation, bien que
critiquées, ont largement influencé la structure du secteur
bancaire tunisien. En effet, ce dernier comporte de plus en plus de banques
privées. Plusieurs de celles-ci sont des filiales de banques
étrangères.
En 2004, on comptait cinq banques privées et filiales
de banques étrangères. Aujourd'hui, elles sont au nombre de sept
et pour la plupart d'entre elles, ce sont des filiales de banques francaises.
Il s'agit des banques suivantes : UBCI (50% BNP P aribas), Attijari Bank (34%
AttijariWafa Bank, Maroc), UIB (filiale de de la société
Générale, 53%) , BTK ( 60%, Caisse d'Epargne, France), Arab
Tunisian Bank (ATB), filiale de l'Arab Bank Plc (Jordanie), la Citibank Tunisie
qui est une filiale appartenant en totalité au groupe américain:
Citigroup, l'Arab Banking Corporation (ABC) installée en Tunisie avec
ses deux branches on-shore et off-shore, le CIC de Paris et Proparco (filiale
de l'Agence Française de Développement) dans le capital de la
Banque de Tunisi e (BT), ainsi que la Société Marseillaise de
Crédit et Natixis Banques Populaires dans celui de la Banque
Internationale Arabe de Tunisie (BIAT).
La présence des banques étrangères a un
impact positif sur l'offre de crédit aux entreprises et sur la
performance du système financier dans sa globalité. Ainsi, gr%oce
à l'apport en expertise et en savoir faire international les prises de
participation par des banques étrangères contribue à
améliorer l'efficience des banques et leur capacité à
mieux répondre aux besoins des entreprises Tunisiennes. En outre, gr%oce
à un réseau international développé, ces banques
sont plus à méme d'accompagner les entreprises tunisiennes
à l'international et d'aider les banques tunisiennes à
s'internationaliser.
L'analyse des réponses au questionnaire laisse
apparaitre que 91% des répondants portent un jugement positif concernant
les banques étrangères et réclament méme leur
présence à l'intérieur du pays.
Le tableau 11 compare les poids respectifs des banques
on-shore et des banques off-shore. Il ne comporte pas de mesures directes de la
présence des banques étrangères en Tunisie. Celles- ci
étant largement présentes dans le secteur off-shore il est
possible d'en tirer quelques enseignements.
Tableau 11.b. Dépôts des banques off-shore
/ Dépôts des banques résidentes
|
2003
|
2004
|
2005
|
2006
|
2007
|
2008
|
2009
|
Moyenne
|
Egypte
|
12,2%
|
13,2%
|
13,4%
|
13,6%
|
13,2%
|
12,7%
|
12,2%
|
12,5%
|
Jordanie
|
27,1%
|
23,7%
|
26,3%
|
29,7%
|
26,8%
|
23,6%
|
20,7%
|
28,0%
|
Malaisie
|
3,6%
|
3,8%
|
3,0%
|
3,2%
|
3,5%
|
3,8%
|
4,2%
|
3,4%
|
Maroc
|
8,7%
|
7,9%
|
6,8%
|
6,8%
|
7,1%
|
7,5%
|
7,9%
|
8,0%
|
Tunisie
|
7,5%
|
7,5%
|
6,9%
|
8,1%
|
8,5%
|
8,9%
|
9,3%
|
7,8%
|
Turquie
|
11,3%
|
11,0%
|
10,0%
|
12,9%
|
11,5%
|
10,2%
|
9,0%
|
10,8%
|
Il apparait ainsi que le poids du secteur off-shore a
été en moyenne égal à 7,8% du secteur on - shore en
termes de dépôts. Ce rapport a été égal
à 9,3% en 2009 ce qui place la Tunisie dans la moyenne des pays retenus.
Seule la Jordanie émerge du groupe avec un rapport égal à
20,7% pour l'année en question et 28% pour l'ensemble de la
période. Signalons enfin que ces banques off-shore recoivent
essentiellement les dépôts des entreprises totalement
exportatrices et qui sont approximativement au nombre de 3000.
VI- Problème de prêts non-performant
Les autorités nationales (BCT) et internationales
(FMI), conscientes des taux excessifs des préts non performants des
banques tunisiennes, recommandent la mise en place d'une politique de
gouvernance stricte. Elles suggèrent en outre de résoudre les
problèmes de gestion au niveau des banques afin de réduire les
préts improductifs, sources de vulnérabilité de l'ensemble
du système financier.
Le taux des PNP qui a connu une nette baisse depuis 2005, reste
assez élevé comparativement aux normes internationales (la
moyenne mondiale est de 6,9% en 2009) et surtout par rapport
aux pays présentant les mémes
caractéristiques. Plusieurs raisons peuvent expliquer ces taux
très élevés, en particulier l'inefficacité des
mécanismes de gouvernance et les pressions politiques exercées
à la fois sur les dirigeants des banques et sur les organes de
supervision de la Banque Centrale.
Tableau 12. Prêts non performants en % des
engagements totaux des banques
Année
|
2005
|
2006
|
2007
|
2008
|
2009
|
2010
|
Turquie
|
5.0
|
3.9
|
3.6
|
3.8
|
5.6
|
4.9
|
Malaisie
|
9.6
|
8.5
|
6.5
|
4.8
|
3.7
|
3.5
|
Egypte
|
26.5
|
18.2
|
19.3
|
14.8
|
13.4
|
-
|
Jordanie
|
6.6
|
4.3
|
4.1
|
4.2
|
6.7
|
-
|
Maroc
|
15.7
|
10.9
|
7.9
|
6.0
|
5.5
|
5.2
|
Tunisie
|
20.9
|
19.3
|
17.6
|
15.5
|
13.2
|
-
|
A. du Sud
|
1.5
|
1.1
|
1.4
|
3.9
|
5.9
|
5.9
|
Source: FMI, Global financial stability report 2010.
Le tableau 12 ne donne pas les chiffres pour la Tunisie
concernan t l'année 2010 et l'année 2011 n'est pas encore
achevée. Il y a fort à craindre qu'au terme des évolutions
politiques et sociales récentes, du relâchement dans le
contrôle qui s'en est suivi et des difficultés économiques
réelles qu'ont connu certains secteurs (notamment le secteur du
tourisme) , ce taux soit reparti à la hausse durant l'année 2011.
Le tableau 13 donne enfin le taux de provisionnement des préts non
performants c'est-à-dire le degré de leur couverture par des
provisions prélevées sur les bénéfices. Il s'agit
donc d'un indicateur de robustesse et de résistance aux
éventuelles défaillances. Pour l'année 2009 ce taux a
été de l'ordre de 58% ce qui signifie que 42% des PNP
n'étaient couverts par aucune provision. Le niveau de couverture des
préts improductifs reste très en deçà des normes
internationales (la moyenne mondiale de 90%) et loin de l'objectif convenu par
la BCT (70%).
Tableau 13. Taux de provisionnement des PNP en
%
|
2005
|
2006
|
2007
|
2008
|
2009
|
2010
|
Egypte
|
51.0
|
76.2
|
74.6
|
92.1
|
100.4
|
-
|
Jordanie
|
78.4
|
79.6
|
67.8
|
63.4
|
51.9
|
-
|
Maroc
|
67.1
|
71.2
|
75.2
|
75.3
|
74.1
|
72.2
|
Tunisie
|
46.8
|
49.0
|
53.2
|
56.8
|
58.3
|
-
|
Turquie
|
88.7
|
89.7
|
86.8
|
79.8
|
83.6
|
83.5
|
Source: FMI, Global financial stability report 2010.
VII- Quelle gouvernance pour éviter les
dérives
Les modalités d'organisation et de fonctionnement du
Conseil d'Administration, ainsi que ses caractéristiques, sont
susceptibles d'affecter la qualité du contrôle et
l'efficacité de la gestion. La place dévolue au Conseil
d'administration conditionne, dans une large mesure, son rôle dans
l'édification d'un système de gouvernance bancaire
créateur de valeurs et rigoureux.
A cet effet, la circulaire 2011-06 traitant des bonnes
pratiques de gouvernance dans les établissements de crédits a
imposé une batterie de règles dont l'objectif est de rendre plus
efficace et saine la gestion des banques. Ainsi, la circulaire prône la
séparation des pouvoirs de contrôle et d'exécution,
l'instauration de comités de contrôle et le relèvement de
leur rang, ainsi que l'encouragement de l'indépendance du conseil
d'administration.
La séparation entre les pouvoirs de gestion et ceux de
contrôle est également prônée par le guide de bonnes
pratiques de la gouvernance tunisien. Mais dans la pratique, les formes de
contrôle sont plutôt caractérisées par la
dualité des fonctions. Sur les 10 banques cotées en bourse, trois
seulement ont adopté la séparation des fonctions. La
prépondérance du cumul des fonctions s'explique entre autre par
la forte concentration du capital. D'ailleurs, dans ces banques le pouvoir est
détenu soit par l'Etat, directement ou indirectement, soit par des
familles, des groupes d'entreprises, des structures pyramidales ou des
établissements financiers étrangers.
En outre, la nouvelle circulaire a imposé la nomination
d'au moins deux administrateurs indépendants et au plus un
administrateur dirigeant. Cependant, en Tunisie il semble que la
présence d'administrateurs externes est souvent recherchée pour
des objectifs d'expertise plutôt que dans une logique de sauvegarde des
intéréts des actionnaires minoritaires ou de contrôle des
risques.
L'exercice de la fonction d'audit, notamment au sein des
établissements de crédits a connu une évolution
importante en Tunisie. Sous l'impulsion de la Banque Centrale de Tunisie,
les institutions financières se sont activées à la mise
en place de structures d'audit interne, dont
l'indépendance et l'étendue diffère d'une
banque à l'autre. Il n'en demeure pas moins que l'instauration de ces
Comités d'audit qui a eu lieu de manière progressive a
contribué à l'émergence d'une culture de rendre compte
indispensable à tout effort d'amélioration du gouvernement des
banques. Cette évolution a été également
consolidée par le renforcement du rTMle de l'auditeur externe et
l'instauration du co-commissariat aux comptes, obligatoire depuis 2008.
Malgré les efforts déployés, il reste
beaucoup à faire sur le chemin d'une gouvernance au diapason des normes
internationales et qui répond aux exigences des changements socio-
politiques que connait le pays. Certes la nouvelle circulaire 2011-06 constitue
un premier pas dans le bon sens, le souci majeur est de s'assurer que ces
règles et pratiques soient effectivement mises en application dans
toutes les banques.
Afin de compléter les actions déjà
entreprises nous proposons une série de mesures susceptibles
d'améliorer davantage la gestion des banques et d'améliorer ainsi
le financement de l'économie nationale.
Il serait à cet effet opportun d'encourager l'adoption
de systèmes de tarification sensibles au risque. L'objectif étant
de renforcer la culture risque et son utilisation sur une base au jour le jour
et dans les décisions de gestion, afin de renforcer le rTMle des
comités de risque et d'audit.
Il est également souhaitable de mettre en place des
mécanismes de calcul des ratios prudentiels qui favorisent les banques
ayant mis en place effectivement des systèmes de gouvernance interne
avancés. Nous pensons notamment à la nécessiter de
procéder à la notation obligatoire de toutes les banques de la
place.
Enfin, nous proposons la création d'un observatoire
indépendant du respect des bonnes pratiques dans les
établissements financiers et de crédits. Son rTMle serait
principalement un rTMle d'information sans pouvoir régulateur afin de
renforcer la discipline de marché et la culture d'évaluation
externe.
VIII- Niveau de supervision, et Indépendance de
la Banque Centrale à
l'égard du pouvoir politique
Donner un pouvoir accru aux autorités de supervision
(Banque Centrale) est, d'un point de vue théorique,
bénéfique pour le développement et pour la
stabilité du système financier.
En effet, les imperfections du marché peuvent
être corrigées par la supervision officielle qui constitue en
quelque sorte un substitut à la faillite des mécanismes de
marché et contribue donc à la solidité du système
financier.
Cependant, dans des environnements oü la corruption est
élevée et oü les pressions politiques sont importantes, un
fort pouvoir de supervision peut se transformer en un fort pouvoir de
répression et de détournement des décisio ns au profit
d'intérêts privés.
Tableau 14. Qualité de la supervision
bancaire
|
Indice Capital Réglementaire
|
Pouvoir de supervision
|
Indépendance
|
Contrôle privé
|
Egypte
|
4
|
14
|
2,6
|
8,4
|
Jordanie
|
6,6
|
14
|
2,2
|
8
|
Malaisie
|
4,2
|
11
|
2,4
|
8,8
|
Maroc
|
5,2
|
12,7
|
1
|
8,6
|
Tunisie
|
7
|
13
|
2
|
5
|
Turquie
|
6
|
15,5
|
1
|
9
|
A.du Sud
|
7,2
|
6
|
1,6
|
9,4
|
Source : Barth, Caprio et Levine (2008) et calculs des
auteurs
Ce risque peut cependant être limité en
augmentant l'indépendance de la Banque Centrale à l'égard
du pouvoir politique. Outre les gains en crédibilité que cela
procure et leur impact sur une politique de ciblage d'inflation, cette
indépendance est de nature à limiter le risque de
détournement du pouvoir de supervision au profit des
intérêts particuliers. Plusieurs études démontrent
que les pressions politiques sur les superviseurs, réduit leur
capacité à mettre en application les actions disciplinaires
requises.
Cependant, la question de l'indépendance de
l'autorité de supervision ne fait pas l'unanimité dans les
milieux politiques qui veulent toujours avoir le plus grand nombre de leviers.
En définitive, cela dépend essentiellement de la qualité
des institutions politiques de chaque pays, de la performance de ses
institutions et du degré de respect des règles de droit.
Nous pensons que la période actuelle est favorable à
lÕaugmentation de lÕindépendance de la Banque
Centrale.
Dans le contexte tunisien, l'indépendance et la
crédibilité de la Banque Centrale sont essentielles pour une
meilleure performance du système financier. La première
tâche concerne l'assainissement du portefeuille du crédit qui
alourdit les bilans des banques et limite leur efficience. Il semble
impératif d'encourager davantage l'indépendance de la Banque
Centrale,
particuliérement en prévision des changements
politiques et économiques qui seront vécus au cours de la
prochaine période. A cet effet, le Gouverneur de la Banque Centrale
devrait etre nommé par le Parlement et élu parmi des
personnalités indépendantes. Nous pensons quÕi serait
opportun, également, de créer une instance de supervision en
dehors de la Banque Centrale. Cette indépendance vis-à-vis de
lÕexécutif serait indispensable à lÕamelioration de
la supervision bancaire et une application rigoureuse de la reglementation en
vigueur.
IX- Recommandations :
1. Accroissement de lÕindépendance de la Banque
Centrale à lÕégard du pouvoir politique.
2. Maintenir et afficher ostensiblement la volonté de
réaliser la convertibilité totale du dinar à un horizon
raisonnable, malgré la faiblesse des reserves de change et malgré
lÕexistence dÕun deficit commercial et dÕun deficit
courant structurels. Il sÕagit essentiellement dÕenvoyer un
message de confiance en lÕavenir à lÕintention des
partenaires économiques et financiers de la Tunisie. Ce message
sÕadressera également agences de Rating et aux marches de
capitaux sur lesquels le pays sera amené, immanquablement, à
lever des fonds. Le pire des scenarios serait que la pays perde son
Ç investment gradeÈ et quÕil se retrouve
totalement dépendant des agences internationales (Banque Mondiale, BAD,
Banque Européenne etc). Cette annonce est également un
mécanisme de gouvernance publique. Il sera interprété
à lÕintérieur comme synonyme de la pours uite de la
politique de rigueur.
3. Accroissement du pouvoir des banques en matiére de
fixation des taux dÕintérêts. Il sÕagit de se
diriger graduellement vers davantage de responsabilité et de concurrence
.
4. Mise à la disposition des banques, par
lÕEtat, de lignes de credit (modestes au depart) afin
dÕaccompagner les entreprises à lÕinternational et
notamment sur les marches arabes et dÕAfrique subsaharienne.
5. Amelioration de la gouvernance des banques privées et
publiques en impliquant des administrateurs indépendants dans les
Conseil dÕAdministration.
6. Creation dÕun observatoire indépendant du
respect des bonnes pratiques dans les établissements financiers et de
credits.
7. Mise en place des mécanismes de calcul des ratios
prudentiels qui favorisent les banques ayant mis en place effectivement des
systemes de gouvernance interne avancés.
8. Encouragement de la décentralisation des
décisions d'octroi de crédit vers les directions
régionales (tout remonte au siège actuellement) afin
d'accro»tre l'inclusion financière et l'accès au financement
dans les régions intérieures.
9. Renforcement des capacités des banques en
matière d'évaluation en développant les fonctions Ç
études et prospectives È (quasi inexistante actuellement) et en
insufflant un certain degré d'esprit entrepreneurial.
10. Favoriser l'installation de banques internationales. Le
cadre actuel de négociations sur la libéralisation des services
avec les pays arabes et avec l'UE peuvent être utilisé afin de
mener cette réflexion.
11. Favoriser la création de banques régionales
qui pourraient utiliser des lignes qui seront mis à la disposition des
régions afin de développer le concept de banque
entrepreneuriale.
12. Dynamiser le marché boursier en procédant
à l'introduction en bourse des grandes entreprises publiques à
l'instar de la STEG, SONEDE, STIR, Groupe Chimique et la CTN. L'Etat garderait
cependant le contrôle des ces entreprises.
13. Imposer aux entreprises sous-capitalisées de
procéder à des recapitalisations via des augmentations de capital
sur le marché.
14. Concernant la finance islamique, il serait souhaitable
d'autoriser les banques conventionnelles de créer des fenêtres
islamiques afin de commercialiser des produits conformes à la Shari'a.
Ceci permettrait d'améliorer le niveau d'inclusion financière
notamment dans les régions intérieures du pays
réputées pour être plus conservatrices et dont
l'accès aux services bancaires reste très limité.
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